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1 4. Les effets macroéconomiques conjoncturels de la crise des subprimes Ce paragraphe n’a pas pour objectif de donner une vision d’ensemble de la crise financière apparue depuis août 2007 1 . Il s’agit ici de souligner ses conséquences principales sur la conjoncture économique. On rappelle tout d’abord le contexte de cette crise (A), puis on en montre les implications sur la conjoncture économique (B). A. le contexte de la crise : la « Grande modération » Le début des années 2000 est dite période de la grande modération. Cette expression permet de caractériser l’environnement de l’économie mondiale qui apparaît après le ralentissement mondial provoqué par l’éclatement de la bulle internet en 2001. En premier lieu, comme l’a montré le graphique 1, la croissance de l’économie mondiale a été soutenue, et ce, dans un contexte de faible inflation (graphique 1). Graphique 1 Inflation mondiale depuis 1990, en % 0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 0 1 2 3 4 5 6 Monde (g) Pays en développement (g) Pays développés (d) Source : FMI, Statistiques financières internationales 1 . Pour une vision d’ensemble, voir, entre autres : Banque des Règlements Internationaux (2008), 78 ème rapport annuel, Bâle, juin ; Banque des Règlements Internationaux (2009), 79 ème rapport annuel, Bâle, juin ; P. Artus et al (2008), La crise des subprimes, Conseil d’Analyse Economique, n°78, La Documentation française, Paris.

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4. Les effets macroéconomiques conjoncturels de la crise des subprimes

Ce paragraphe n’a pas pour objectif de donner une vision d’ensemble de la crise financière

apparue depuis août 20071. Il s’agit ici de souligner ses conséquences principales sur la

conjoncture économique. On rappelle tout d’abord le contexte de cette crise (A), puis on en

montre les implications sur la conjoncture économique (B).

A. le contexte de la crise : la « Grande modération »

Le début des années 2000 est dite période de la grande modération. Cette expression permet

de caractériser l’environnement de l’économie mondiale qui apparaît après le ralentissement

mondial provoqué par l’éclatement de la bulle internet en 2001.

En premier lieu, comme l’a montré le graphique 1, la croissance de l’économie mondiale a

été soutenue, et ce, dans un contexte de faible inflation (graphique 1).

Graphique 1 Inflation mondiale depuis 1990, en %

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1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008

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Monde (g) Pays en développement (g) Pays développés (d)

Source : FMI, Statistiques financières internationales

1. Pour une vision d’ensemble, voir, entre autres : Banque des Règlements Internationaux (2008), 78ème rapport annuel, Bâle, juin ; Banque des Règlements Internationaux (2009), 79ème rapport annuel, Bâle, juin ; P. Artus et al (2008), La crise des subprimes, Conseil d’Analyse Economique, n°78, La Documentation française, Paris.

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En deuxième lieu, les marchés des actifs, et plus particulièrement ceux de l’immobilier et des

actions, ont connu d’excellentes performances (graphiques 2a et b).

Graphique 2 Performances des marchés d’actifs

2a Bourses mondiale et émergentes, 1990M1 – 2007M7, 100 = 1990 M1

0

100

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500

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90 92 94 96 98 00 02 04 06

EM WORLD

* MSCI World : Allemagne, Australie, Autriche, Belgique, Canada, Danemark, Espagne, Etats-Unis, Finlande, France, Grèce, Hong Kong, Irlande, Italie, Japon, Nouvelle Zélande, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni, Singapour, Suède et Suisse. MSCI Emerging Markets : Afrique du sud, Brésil, Chili, Chine, Colombie, Corée du sud, Egypte, Hongrie, Inde, Indonésie, Israël, Malaisie, Maroc, Mexique, Pérou, Philippines, Pologne, République tchèque, Russie, Taiwan, Thaïlande et Turquie.

2b Evolution des prix de l’immobilier

Sources : MSCI Barra et P. Artus et al (2008), La crise des subprimes, Conseil d’Analyse Economique, n°78, La Documentation française, Paris, p.24.

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Cette croissance des prix des actifs a alimenté la croissance économique à travers la

consommation des ménages grâce à ce que l’on appelle l’effet de richesse positif :

- directement par le biais de la consommation d’une partie des plus-values en capital ;

- indirectement via l’endettement croissant des ménages (ces derniers se sentant plus riches

ont moins de contraintes financières ; les banques leur font aussi davantage confiance compte

tenu de la valorisation de leur patrimoine financier et immobilier).

En troisième lieu, cette montée de l’endettement s’est effectuée dans un contexte de taux

d’intérêt à long terme bas (graphique 3) et de faibles primes de risques (graphique 4).

Graphique 3 Des taux longs bas, en %

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Etats-Unis Allemagne

Source : FMI, Statistiques financières internationales.

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Graphique 4 De faibles primes de risques

EMBI

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Jan-

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ct-0

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Titres à haut rendement (BBB)

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jan

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jan

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jan

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jan

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jan

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jan

v-07

Note : L’EMBI ( Emerging Markets Bond Index) mesure l’écart — appelé aussi spread — entre le rendement des emprunts souverains émis par des économies émergentes et le rendement d’un actif sans risque (traditionnellement les titres du gouvernement américain). Il mesure donc le rendement supplémentaire exigé par les investisseurs internationaux par rapport à l’actif sans risque pour détenir des titres des marchés émergents. En ce sens, il est une mesure du risque souverain perçu par les marchés. Il tend à s’accroître avec la détérioration (effective ou anticipée) des fondamentaux dans les économies émettrices des emprunts ; il s’accroît également dans les périodes de tensions financières internationales. Le spread sur les obligations à haut rendement mesure l’écart entre le rendement des obligations émises par des entreprises risquées (notées BBB) et les titres émis par le gouvernement américain. Source : Ministère des finances argentin et Datastream.

Ces faibles primes de risque signifient que les rendements des placements sont bas poussant

alors les investisseurs à trouver des placements ayant une espérance de rémunération plus

élevée, ce qui a pour contrepartie une élévation du degré de risque. Il s’agit ici d’un élément

prépondérant de la crise financière déclenchée en août 2007.

Enfin, il convient de souligner que le début des années 2000 est marqué par des politiques

monétaires expansionnistes comme le montre le graphique 5 qui fait apparaître d’une part,

une tendance de la croissance à être supérieure au taux d’intérêt à long terme (partie gauche)

et, d’autre part, une expansion de la liquidité très élevée (partie droite).

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Graphique 5 Des politiques monétaires expansionnistes

Source : C. Borio (2008), « The financial turmoil of 2007-? : a preliminary assessment and some policy considerations », BIS Working papers, n°251, mars, p.3.

B. La crise et ses implications sur la conjoncture

Ce paragraphe n’a pas pour objectif d’étudier la crise économique mondiale dans son

ensemble. Nous allons chercher ici à mobiliser les concepts économiques étudiés dans les

chapitres précédents pour analyser la crise depuis la faillite de la banque d’affaire américaine

Lehman Brothers, le 15 septembre 2008. En effet, la faillite de la quatrième banque d’affaire

américaine a marqué un point de rupture profond dans une crise dont les prémisses

apparaissent en août 2007. On ainsi observé à la suite de cette faillite une défiance généralisée

sur tous les segments des marchés financiers. Le graphique 6 rend compte de certaines des

évolutions constatées. La barre verticale noire marque la date de la faillite de Lehman

Brothers. Les parties a et b du graphique montrent clairement l’accélération de l’effondrement

des places boursières après cette date.

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Graphique 6 Quelques conséquences financières de la faillite de Lehman Brothers

Principales places financièresa

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Place financières émergentesb

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Volatilité des marchés actions -VIX)c

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Prime de financement marchés émergents (EMBI)d

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009

Sources : Chicago Board Options Exchange pour le VIX ; Ministère des finances argentin pour le spread et MSCI Barra pour les indices boursiers La partie c illustre la montée du risque perçu par les investisseurs. On voit en effet que

l’indicateur VIX a atteint des valeurs exceptionnelles, signe d’une incertitude grandissante sur

les marchés. La partie d rend elle aussi compte du risque mais dans son côté aversion. Ainsi,

on voit que le coût des financements internationaux pour les emprunteurs souverains (les

Etats) des pays émergents a très fortement augmenté.

Le point important pour nous est que ces tensions financières ont eu des conséquences

macroéconomiques importantes. Ce sont ces conséquences que nous allons étudier dans ce

chapitre. L’aggravation de la crise apparaît nettement après le 15 septembre 2008 comme en

témoigne les nombreuses révisions à la baisse des prévisions de croissance par les institutions

internationales, dont le Fonds monétaire international.

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Le point frappant de la crise actuelle est son aspect mondial comme l’illustre le graphique 7.

Les principaux indices manufacturiers ont chuté de manière synchrone. Une telle

synchronisation des conjonctures est tout à fait exceptionnelle depuis 1945.

Graphique 7 Indices d’activité : ISM et PMI manufacturiers

Source : Société Générale

Afin d’essayer d’identifier les canaux par lesquels la crise financière peut affecter l’économie

réelle, il est possible de partir du graphique 8. Il présente de la manière la plus synthétique

possible les principaux enchaînements à l’œuvre.

Le point de départ est de considérer ce que l’on appelle les moteurs de la croissance. Ils sont

au nombre de trois : la consommation, l’investissement et les exportations.

Graphique 8 Les principaux enchaînements macroéconomiques de la crise

Si l’on s’intéresse en premier lieu aux moteurs internes de la croissance, à savoir la

consommation et l’investissement, on peut faire les remarques suivantes :

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- la consommation va dépendre :

• du niveau de revenu des ménages qui est lui-même affecté par le taux de chômage et

les salaires (ces derniers sont affectés par l’inflation via ce que l’on appelle le pouvoir

d’achat)

• des effets de richesse liés aux pertes ou aux gains en capital sur les marchés d’actifs

mobiliers (actions par exemple) et sur les marchés immobiliers (prix des maisons)

• le crédit dont les effets sur la consommation reposent sur son coût (taux d’intérêt), sa

distribution (les banques réduisent-elles la quantité de crédit distribuée) et de niveau initial de

la dette des ménages (plus ce niveau est élevé, plus l’effet de la crise sur la consommation

peut être important)

- l’investissement repose essentiellement sur :

• les perspectives de la demande : le marché de référence peut être le marché

domestique et / ou le reste du monde. C’est le déterminant essentiel de l’investissement

• le crédit avec les mêmes effets que pour la consommation des ménages

Le moteur externe de la croissance, les exportations, dépend de l’état de l’activité économique

dans les pays développés et dans les pays émergents. Concentrons nous sur les marchés

émergents, des pays tels que le Brésil, la Chine, l’Inde, car ils sont aujourd’hui les véritables

locomotives de l’économie mondiale (rappelons les bonnes performances en termes de

croissance présentées au début).

Pour les pays émergents, deux canaux peuvent affecter leur activité économique :

- un canal réel qui repose lui-même sur :

• les exportations des pays émergents entre eux, mais principalement à destination des

pays développés. Ces exportations dépendent bien entendu du niveau de l’activité

économique dans les pays partenaires

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• le prix des matières premières qui est lié à l’activité économique mondiale. Il faut ici

distinguer entre, d’une part, les pays émergents producteurs de matières premières (Brésil,

Chili) qui peuvent pâtir de la baisse spectaculaire des prix et, d’autre part, ceux qui importent

des matières premières (beaucoup de pays d’Asie de l’est et du sud-est, dont la Chine) qui eux

bénéficient de la baisse des prix

- un canal financier, sans doute le plus important, avec au cœur les flux internationaux

de capitaux. Beaucoup de pays émergents dépendent des entrées de capitaux pour entretenir

leur activité économique. Ces entrées de capitaux jouent :

• sur le crédit domestique qui va lui-même jouer sur la consommation et

l’investissement domestiques. L’idée est de considérer que des sorties nettes (les sorties sont

supérieurs aux entrées) provoquent une réduction de la liquidité dans l’économie et contracte

le crédit

• sur le taux de change, des sorties nettes provoquant des tensions à la dépréciation de la

monnaie domestique. La réaction de la banque centrale peut être d’accroître le taux d’intérêt,

ce qui pèsera sur l’activité économique.

Qu’observe-t-on ?

Afin d’apporter quelques éléments de réponses à cette question, trois points sont abordés. Les

deux premiers analysent les effets de la crise dans les pays développés (1) et dans les pays

émergents (2). Le troisième expose quelques perspectives en partant de l’action des Etats et

des banques centrales.

1 Les effets de la crise financière dans les pays développés

On analyse dans un premier temps les difficultés bancaires et leurs conséquences sur la

distribution du crédit (1.1). Ensuite, les effets de richesse sont étudiés (1.2) ainsi que les

conséquences sur l’activité (1.3).

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1.1 Difficultés bancaires et contraction du crédit

a. Des pertes bancaires croissantes

Pour comprendre les difficultés auxquelles les banques ont été confrontées, il faut revenir

brièvement sur les origines de la crise. Le point de départ est le marché hypothécaire des

crédits aux ménages dits subprime sur fond de titrisation.

Le marché des crédits subprime fait référence aux prêts hypothécaires faits par des institutions

financières américaines à des ménages dits risqués au sens où ils ne respectent pas les critères

traditionnels d’obtention de crédits. C’est un marché de taille modeste puisque son encours

total à la veille de la crise était de l’ordre de 1 500 milliards de dollars pour les crédits

subprime à rapprocher aux 60 000 milliards de dollars d’actifs physiques et financiers détenus

par les ménages américain.

A cette fin, les banques ont amplement utilisé la technique de la titrisation. Celle-ci consiste à

transformer des actifs non cessibles – des crédits bancaires – en actifs cessibles sur un marché

en émettant à partir des premiers des titres les représentant et pouvant faire l’objet de

transactions. Cette technique est apparue au début des années 70 aux Etats-Unis, mais on a

observé une accélération de la croissance des produits titrisés à partir du milieu des années 90.

Ainsi, l’encours total a été multiplié par trois entre 1997 et 2007 pour atteindre le montant de

10 000 milliards de dollars à fin 2007. Les crédits subprime ont été particulièrement titrisés.

La titrisation des crédits a pour objectif de céder à d’autres tout ou partie du risque et du

rendement attendu de ces crédits. C’est le modèle « originer pour distribuer » (originate to

distribute) : la banque initie le crédit (c’est l’origination) et le transforme en titres pour se

débarrasser du risque (c’est la distribution). En faisant cela, les banques sortent de leur bilan

une partie des crédits octroyés, ce qui leur permet de ne pas avoir à accroître leurs fonds

propres comme l’exige la réglementation prudentielle. Ainsi, elles peuvent continuer à

accorder davantage de crédits tout en disséminant le risque dans l’économie via la titrisation.

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Le graphique 9 présente la titrisation dans sa forme de base (et la plus simple).

Graphique 9 Le processus de titrisation

Source : A. Jobst (2007) « Qu’est-ce que la titrisation ? », Finances et développement, septembre. La titrisation repose ainsi sur deux étapes :

- dans la première, une société, appelée l’initiateur , et le plus souvent une banque, qui détient

des créances ou d’autres actifs générateurs de revenu choisit les actifs qu’elle veut enlever de

son bilan. Elle les regroupe dans un portefeuille de référence. Elle vend ensuite ces actifs à un

émetteur souvent créé par une institution financière pour acheter les actifs en question. Cet

émetteur est souvent un véhicule spécialisé, appelé aussi conduit ;

- dans la seconde étape, l’émetteur finance l’acquisition des actifs groupes en mettant sur le

marché des titres rémunérés négociables qui sont vendus à des investisseurs sur le marché des

capitaux. Ceux-ci reçoivent des paiements d’intérêt issus d’un compte financer par le produit

du portefeuille de référence.

Le plus souvent, l’initiateur assure le service des prêts du portefeuille, collecte les paiements

des emprunteurs initiaux et les transmet, moyennant une commission, au véhicule.

Entre les banques initiatrices des crédits et les investisseurs finaux se trouvent le plus souvent

les véhicules spécifiques appelés « conduits » ou SIV (pour structured investment vehicles).

Comme le montre le graphique 10, leur structure de bilan se rapproche de la fonction

bancaire puisqu’ils ont emprunté à très court terme des ressources (au passif, sous la forme de

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billets de trésorerie adossés à des actifs) pour financer des produits titrisés (à l’actif) à long

terme.

Graphique 10 Structure de bilan d’un SIV

Actif Passif

Produits structurés Billets de trésorerie garantis par des lignes de liquidité bancaire

La valeur des titres émis en contrepartie des crédits dépend de la capacité des emprunteurs à

rembourser leurs crédits. Or, le début du retournement du marché immobilier en 2005, avec

l’accélération de la baisse à partir de 2006, a entraîné une multiplication des défauts de

paiements, et plus particulièrement ceux des crédits subprime. Les investisseurs ont pris

soudainement conscience que les titres qu’ils avaient achetés étaient en réalité risqués. Le

doute et les craintes de pertes se sont propagés à l’ensemble des actifs titrisés rompant

brutalement la chaîne de la titrisation (effondrement des émissions).

Pour les banques, ce début de crise a eu trois conséquences principales :

- les SIV n’étant plus en mesure de lever des capitaux sur les marchés (les investisseurs

ne sont plus disposés à acquérir des actifs titrisés), ils ont activé les lignes de crédit

contingentes contractées auprès du système bancaire. Les banques ont donc été contraintes de

procéder à une ré-intermédiation en prêtant des liquidités aux SIV ;

- les banques ont dû réintroduire dans leur bilan des actifs en voie de titrisation ;

- elles ont subi des pertes en capital via la détention d’actifs titrisés.

Dans son rapport sur la stabilité financière daté d’avril 2009, le FMI a estimé que les pertes

des banques pourraient atteindre près de 4 000 milliards de dollars.

La ré-intermédiation subie plus les pertes en capital ont entraîné d’importants besoins de

capitaux pour les banques.

A court terme via le marché interbancaire. Ces appels de fonds importants et non anticipés ont

entraîné des tensions sur le marché interbancaire. En effet, les banques commerciales ont dû

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13

trouver sur le marché monétaire des liquidités dont elles avaient besoin. Or, les banques ayant

un excès de liquidité se sont montrées de plus en plus réticentes à prêter aux banques ayant un

besoin de liquidité. Compte tenu des incertitudes sur le degré réel d’exposition de chaque

banque sur les marchés de produits structurés, la confiance a brutalement disparu et la

liquidité avec.

Le graphique 11 illustre dans le cas des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la zone euro cette

crise de la liquidité : les taux d’intérêt à trois mois sur le marché monétaire ont augmenté de

manière significative, signe d’un assèchement de la liquidité, et surtout d’un refus des

banques de se prêter entre elles au-delà du très court terme.

Graphique 11 L’assèchement de la liquidité sur les marchés interbancaires. Ecart taux interbancaire 3 mois – taux d’intervention des banques centrales

Sources : Banque centrale européenne, Banque d'Angleterre,Banque de réserve fédérale et British Bankers' Association

Zone euro

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1

2

3

4

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08

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09

EURIBOR 3 mois

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Royaume-Uni

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10

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06

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09

23

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9

11

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9

Tx dir

Tx 3 mois

Etats-Unis

0

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06

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08

03

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09

03

/04

/20

09

Libor 3 mois

Fed Funds

Un autre indicateur de tensions sur le marché interbancaire est de considérer le spread entre

les taux interbancaires à 3 mois et le taux des bons du Trésor à trois mois (actif sans risque).

C’est ce que fait le graphique 12.

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14

Graphique 12 L’assèchement de la liquidité bancaire : la fuite vers la qualité

Etats-Unis

0,00,51,01,52,02,53,03,54,04,55,0

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007

09/2

4/2

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9

02/

07/

200

9

Sources : Banque de France, Banque de réserve fédérale et British Bankers' Association.

Les intervenants sur les marchés interbancaires se sont ainsi reportés sur les valeurs sûres,

selon un phénomène de fuite vers la qualité. L’ampleur de l’appétit pour les actifs sans risque

a été telle que, au paroxysme des tensions financières, les taux de rendement des bons du

Trésor à 1 mois aux Etats-Unis ont atteint les 0 %.

A long terme, les besoins en capitaux répondent à la nécessité de faire face aux exigences de

fonds propres réglementaires. La réglementation prudentielle, à travers ce que l’on appelle les

ratios de solvabilité, a été mise en place au cours des années à travers deux accords principaux

appelés Bâle 1 et Bâle 2. Le principe de base est de considérer que les banques doivent avoir

un certain montant de fonds propres, des capitaux mis en réserve, en proportion des actifs

qu’elles détiennent. Le montant exact des fonds propres exigés repose sur le niveau de risque

des actifs.

Une manière d’estimer le coût des ressources bancaires est d’observer l’évolution des CDS

bancaires (Graphique 13). Les CDS (credit default swaps) estiment la prime de risque sur le

défaut du secteur bancaire. Il s’agit du « prix » que coûterait une assurance contre la

défaillance de ce secteur. Une hausse des CDS traduit un risque bancaire plus élevé. Il doit en

résulter un coût des ressources bancaires plus élevé.

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15

Graphique 13 Evolution des CDS bancaires. Moyenne, en points de base

Source : Banque de France (2009)

Il apparaît encore clairement que la faillite de Lehman Brothers constitue un tournant

important. En effet, si avant le 15 septembre 2008, les principales banques privées ont pu

lever des fonds soit sur les marchés actions, soit sur les marchés obligataires, après, les coûts

de financement sont devenus prohibitifs compte tenu de l’aversion généralisée au risque.

Il faudra attendre les interventions massives des autorités pour que l’aversion au risque

diminuent, et par là même les coûts de financement pour les banques.

b. Conséquences sur le crédit

Les conséquences de la crise financière sur le financement de l’économie sont doubles. En

premier lieu, un risque de rationnement quantitatif du crédit reposant sur deux mécanismes :

- d’une part, les conditions du crédit (par exemple les garanties exigées pour l’obtention d’un

prêt) se tendent et la distribution du crédit se réduit à la suite de la contraction de l’activité. Il

existe ainsi une relation négative entre la prime sur les prêts et la croissance du PIB en termes

réels et une relation positive entre cette dernière et la croissance du crédit bancaire. Il y a donc

bien clairement une relation entre activité de crédit et cycle économique.

- d’autre part, les banques peuvent rencontrer des difficultés pour se refinancer et titriser une

partie de leurs crédits.

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16

Le rationnement est accentué par la réglementation prudentielle puisque les banques doivent

reconstituer leurs fonds propres. C’est à ce niveau que la dimension pro-cyclique de la

réglementation apparaît.

Dans les périodes de crise financière, les banques subissent deux types de contraintes fortes :

- la baisse des prix des actifs qu’elles détiennent réduit mécaniquement leur niveau de leurs

fonds propres ;

- le niveau de risque s’élève, ce qui conduit le régulateur à exiger davantage de fonds propres.

Un facteur aggravant est l’application des nouvelles normes comptables. Celles-ci imposent

aux investisseurs, dont les banques, à comptabiliser leurs actifs à leur valeur de marché. Cela

signifie qu’ils doivent enregistrer en temps réel les chutes de prix d’actifs, d’où la réduction

immédiate des fonds propres. Ce principe de comptabilisation à la valeur de marché peut

sembler logique en temps normal, mais il déstabilise les bilans des investisseurs dans les

périodes de crises. En effet, non seulement les investisseurs subissent des pertes immédiates,

mais ils doivent en plus réagir à ces pertes en vendant des actifs, ce qui accentue les chutes de

prix.

En outre, du point de vue des banques, l’interaction normes comptables – exigence en fonds

propres peut les conduire à réduite leur distribution de crédits à l’économie afin de

reconstitution leurs fonds propres.

En second lieu, nous l’avons souligné, la fragilité des banques tend à accroître le coût des

ressources bancaires. Il peut dès lors en résulter un accroissement des taux d’intérêt des

crédits.

Les enquêtes effectuées montrent que les banques aux Etats-Unis, au Japon et dans la zone

euro déclarent devenir plus restrictives dans leur politique d’octroi de crédits (Graphique 14

pour les Etats-Unis et la Zone euro).

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17

Graphique 14 Enquêtes sur les conditions du crédit aux Etats-Unis et en Zone euro*

*. Chaque courbe représente un solde d’opinions entre les établissements déclarant durcir les conditions de crédit et ceux déclarant les assouplir. Une hausse (baisse) montre un durcissement (assouplissement) net. Source : C. Blot et X. Timbeau (2009), « Du chaos financier au K.O. économique », in H. Sterdyniak et C. Blot (dir.), La crise du capitalisme financier, Revue de l’OFCE, n°110, juillet. On observe simultanément une hausse des marges d’intérêt sur les ménages et les entreprises

(Graphique 15) et un accroissement du taux de défaut des agents non financiers (Graphique

16) pesant sur les résultats bancaires.

Graphique 15 Marges d’intérêts bancaires

Sur les ménages Sur les entreprises

Source : NATIXIS, juin 2009

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18

Graphique 16 Taux de défaut des ménages et des entreprises

En termes quantitatifs, les effets de la crise financière sont beaucoup plus manifestes

(Graphique 17). Aux Etats-Unis, dans la zone euro et au Royaume-Uni, les crédits bancaires

aux ménages et aux entreprises montrent un recul significatif. Compte tenu du rôle important

(Etats-Unis) et croissant (zone euro) du crédit pour soutenir la consommation, l’effet attendu

est un tassement important de la consommation des ménages. Pour les entreprises, on peut

s’attendre à un recul de l’investissement productif.

Graphique 17 La contraction du crédit

Source : NATIXIS, juin 2009

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19

Au total, on a bien un ajustement de grande ampleur et brutal du marché du crédit aux Etats-

Unis, pas encore dans la zone euro.

Cependant, il convient de souligner que la contraction observée du crédit ne repose pas que

sur le comportement des banques privées. Ainsi, les études menées par les banques centrales

dans les principaux pays développés montrent un recul des demandes de prêts bancaires de la

part des ménages et des entreprises. Ce recul répond en partie aux incertitudes de plus en plus

fortes qui frappent ces agents, soit en termes d’emplois, soit en termes de perspectives de la

demande. Surtout, ce recul peut être la conséquence d’un changement de régime important

faisant passer l’économie mondiale d’une phase d’endettement soutenu (leveraging) à une

phase de désendettement (delevaraging).

Graphique 18 Dettes des ménages et des entreprises, en milliards de dollars

Ménages Entreprises

Source : P. Artus (2009), « La crise se déplace : des banques d’investissement vers les banques de détail ; de la demande des ménages à la demande des entreprises », Special Report, n°162, mai. En pourcentage du PIB, la dette totale du secteur privé (ménages + entreprises) est passée de

110 % en 1998 à 152 % en 2009 aux Etats-Unis contre respectivement 90 % et 135 % en zone

euro. Pour les seuls ménages, en pourcentage du revenu disponible brut, le taux d’endettement

est passé d’environ 80 % à 120 % entre 1999 et 2006 aux Etats-Unis ; de près de 65 % à 90 %

en zone euro et de 102 % à 170 % au Royaume-Uni.

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20

Compte tenu du rôle important de l’endettement des ménages dans leur consommation, dans

un contexte de faible progression des salaires nominaux, et du fait que la consommation a été

dans de nombreux pays un moteur important de la croissance au cours des dernières années,

on doit s’attendre à un impact négatif de ce désendettement sur l’activité économique.

Au-delà de ces effets conjoncturels, une question porte sur l’ampleur du désendettement (le

delevevaring) des agents économiques. La crise financière, devenue crise économique, est

aussi une crise de la dette. Sa résolution passe par le désendettement durable des agents. Il est

encore difficile d’estimer l’ampleur de ce désendettement et ses effets durables sur l’activité.

1.2 Effets de richesse

D’une manière générale, les effets de richesse font référence aux effets sur la dépense privée

de changements affectant la richesse des agents privés. Ainsi, les effets de richesse des

ménages sont associés à des modifications de la valeur des actions, des obligations et des

biens immobiliers. Ces actifs mobiliers et immobiliers composent en effet leur patrimoine.

La crise financière a d’importants effets de richesse négatifs sur les ménages en raison de la

chute du prix des actions et celle des prix de l’immobilier.

Selon l’OFCE (2009), entre le deuxième trimestre 2007 et fin 2008, les pertes des ménages

américains et de la zone euro sur la valeur des actions – cotées et non cotées – détenues

s’élèvent respectivement à 4 350 milliards de dollars et 1 800 milliards d’euros. Les pertes

immobilières s’élèvent aux Etats-Unis à plus de 3 600 milliards de dollars. La situation du

marché immobilier est plus hétérogène au niveau de la zone euro. En outre, le recul des prix a

été plus tardif. Dans ce contexte, les premières estimations pour les quatre plus grands pays de

la zone2 montrent un gain net de 550 milliards d’euros.

Quelles en sont les conséquences sur l’activité ? En premier lieu, on doit s’attendre à une

moindre consommation de la part des ménages liée au recul de leur patrimoine. Les ménages

2 Allemagne, Espagne, France et Italie.

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21

se sentant moins riches, ils consomment moins. En deuxième lieu, les ménages ont moins de

garantie à offrir en contrepartie des crédits bancaires et, en même temps, ils subissent un effet

de richesse négatif. La conséquence est donc une moindre demande de crédits des ménages

qui pèse négativement sur la consommation. En troisième lieu enfin, les ménages peuvent

chercher à reconstituer la valeur de leur patrimoine en augmentant leur taux d’épargne

(Graphique 19), d’où à nouveau l’idée d’un recul de la consommation.

Graphique 19 Taux d’épargne brute des ménages*

* [Epargne / Revenu disponible brut]*100

Source : P. Artus (2009), « Après la crise des banques, de l'investissement logement, de l'investissement des entreprises, la crise de la consommation ? », Special Report, n°207, juillet. Selon une étude publiée par BNP Paribas en mars 2009, si on fait l’hypothèse qu’une

variation de un dollar de richesse a un impact de l’ordre de 3,75 cents en matière de

consommation, alors les pertes cumulées sur l’immobilier et les marchés financiers pourraient

réduire les dépenses de consommation de près de 298 milliards de dollars (7 950 x 0,0375),

soit environ 2,9 % de la consommation annuelle de 2008.

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22

1.3 Effets sur l’activité économique

Une manière simple d’analyser les effets de la crise financière sur l’activité économique st de

partir de la contribution à la croissance (le PIB) aux en Allemagne, aux Etats-Unis, en France

et au Royaume-Uni (Graphique 20).

Graphique 20 Contribution à la croissance : Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne et France, en points de pourcentage

France

Sources : Crédit Agricole, juillet et août 2009 et INSEE

Un chiffre positif (négatif) signifie que la variable concernée contribue positivement

(négativement) à la croissance du PIB. Le graphique 20 appelle les principaux commentaires

suivants :

- en premier lieu, dans tous les pays à l’exception de la France, la consommation a cessé

de contribuer positivement à la croissance – ou seulement très faiblement – à la suit de la crise

financière. Il apparaît à ce niveau une proximité importante entre les Etats-Unis et le

Royaume-Uni. Dans ces deux pays en effet, la consommation des ménages a, depuis le début

des années 2000, très fortement contribué de manière positive à la croissance. Or, les Etats-

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23

Unis et la Royaume-Uni partagent deux caractéristiques communes qui ont expliqué le

dynamisme de la consommation avant la crise : d’une part, la hausse de l’endettement des

ménages et, d’autre part, les effets de richesse positifs liés à la montée des prix des actifs. Ces

deux facteurs explicatifs de la consommation se sont retournés à la suite de la crise financière.

Si on tient compte du fait que les marchés de l’emploi se sont très fortement dégradés et que

les salaires nominaux tendent à stagner, voir à reculer (Graphique 21), on comprend que la

consommation ne soit plus un moteur significatif de l’activité. Si la consommation a mieux

résisté en France, outre les mesures gouvernementales du type prime à la casse pour

l’automobile et les tensions désinflationnistes (deux éléments communs à d’autres pays), c’est

en raison de la présence de dispositifs d’allocations permettant de limiter les destructions de

revenus liées aux pertes d’emplois. De tels dispositifs sont peu développés dans les économies

anglo-saxonnes, d’où la plus grande sensibilité de la consommation aux fluctuations affectant

le marché de l’emploi.

Graphique 21 Salaire nominal par tête, en glissement annuel, en %

Source : P. Artus (2009), « Après la crise des banques, de l'investissement logement, de l'investissement des entreprises, la crise de la consommation ? », Special Report, n°207, juillet. - en deuxième lieu, tous les pays ont été affectés par un recul important de

l’investissement des entreprises (FBCF et investissement non résidentiel). Les effets sont

particulièrement marqués à partir du deuxième trimestre 2008. L’effondrement des

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24

commandes de biens d’équipement (Graphique 22) rend compte du recul de

l’investissement.

Graphique 22 Les commandes de biens d’équipement : Allemagne, Etats-Unis, Japon et Royaume-Uni

Source : Banque des Règlements Internationaux, 79ème Rapport annuel, juin 09

- en troisième lieu, le commerce extérieur a globalement eu un impact contracyclique, et

ce, en dépit d’un effondrement sans précédent depuis 1945 du commerce mondial

(Graphique 23).

Graphique 23 Évolution trimestrielle des exportations mondiales de marchandises, 2005-2009

(2005T1 = 100, en dollars EU courants)

Source : Organisation Mondiale du Commerce (2009)

Précisons ce point qui peut sembler paradoxal. En principe, dans les pays ayant un déficit

commercial (ici les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni), le commerce extérieur

contribue négativement à la croissance. C’est le contraire pour les pays à excédents (ici

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25

l’Allemagne). En termes de variations annuelles ou trimestrielles, la lecture du graphique se

fait de la manière suivante : lorsque les exportations augmentent et / ou les importations se

réduisent, alors le solde commercial s’améliore (le déficit se réduit ou l’excédent augmente),

d’où une contribution positive à la croissance. Partant de là, on voit que dans la période

précédant la crise, les pays ayant une consommation interne et un investissement soutenus

(nos trois pays déficitaires) ont connu une contribution négative du commerce extérieur.

Cependant, avec le recul de la consommation et de l’investissement, les importations se sont

réduites, le solde commercial s’est donc amélioré, et le commerce extérieur exerce désormais

une influence positive sur la croissance. D’où l’idée d’un impact contra-cyclique. On observe

exactement l’inverse pour l’Allemagne (et aussi le Japon non représenté ici). La plus grande

partie de la contraction attendue du PIB de l’Allemagne (6,2 % en 2009 selon le FMI)

s’explique par l’effondrement de ses exportations. Il est important de souligner que c’est le

modèle allemand des années 2000, un modèle fondé sur l’austérité salariale (le graphique 20

montre bien la faible contribution de la consommation à la croissance) et les exportations, qui

a été touché en son cœur.

- en quatrième lieu, le graphique montre que la variation des stocks peut accentuer le

ralentissement de l’activité dans un premier temps, puis participer à sa stabilisation dans un

second. Dans les phases d’expansion (de ralentissement), les entreprises augmentent

(réduisent) leurs stocks. On le voit sur le graphique : dans les premiers moments de la crise,

les entreprises déstockent, ce qui accentue le ralentissement. Cependant, il arrive un moment

où les stocks atteignent leur point bas, conduisant les entreprises à les augmenter à nouveau.

Ce mouvement de restockage est un facteur de soutien de l’activité.

- enfin, dans le cas des Etats-Unis (le seul de nos quatre pays pour lesquels on dispose

de cette donnée (appelée gouv. sur le graphique 20), le rôle contra-cyclique des dépenses

publiques apparaît nettement. Ainsi, dans les périodes de ralentissement marqué de l’activité

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26

(en 2001-02 et depuis 2008), la contribution positive des dépenses publiques augmente de

manière significative.

2. Les effets de la crise financière dans les pays émergents

La crise financière exerce une influence sur les pays émergents par de multiples canaux. En

partant du graphique 8 vu plus haut, on peut distinguer d’un côté les effets réels, liés au

commerce mondial et aux prix des matières premières et, d’un autre côté, les effets financiers.

Cette distinction est importante en ce qu’elle permet de montrer que les pays émergents ne

sont pas tous affectés de la même manière par la crise financière. Si certains peuvent subir à la

fois un choc réel et financier, par exemple la Russie, d’autres sont davantage affectés par le

canal commercial (pays d’Asie) ou par un canal financier (pays d’Europe Centrale et

Orientale). On analyse successivement le cas des pays producteurs de matières premières

(2.1), le canal financier (2.2) et le canal commercial (2.3)

2.1 Les pays producteurs de matières premières

La crise financière a provoqué un profond ralentissement de la croissance mondiale

conduisant à un retournement très important du prix des matières premières. Ainsi, après une

phase de hausse continue à partir de 2004, les prix des matières premières se sont brutalement

retournés, essentiellement sous l’effet de la contraction de la demande (Graphique 24).

Graphique 24 Prix de certaines matières premières, 100 en 2005

0

50

100

150

200

250

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Pétrole

Blé

Riz

Source : FMI, World Economic Outlook, avril 2009

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27

Les pays producteurs sont d’autant plus sensibles aux prix des matières premières que le

secteur de l’extraction et / ou de la transformation de ces produits primaires représente un

poids important dans leur PIB ou leurs exportations (Russie, Venezuela, Bolivie et Équateur

par exemple). L’activité économique dans ces pays est ralentie par la moindre demande

mondiale de matières premières.

Il convient de souligner que certains de ces pays ont profité de la hausse des prix au début des

années 2000 pour accumuler d’importants excédents courants et des réserves de change d’un

niveau tels qu’ils peuvent mieux résister qu’avant au choc provoqué par la crise. En effet, ces

réserves de change peuvent avoir ici une double utilité :

- soit les pays les utilisent pour maintenir le niveau de l’activité. Cela peut prendre la

forme du financement des importations indispensables et / ou l’investissement par l’Etat dans

des activités jugées stratégiques ;

- soit les pays les mobilisent pour soutenir leur monnaie si les capitaux sortent à la suite

du recul des prix des matières premières (exemple de la Russie dont les réserves en devises

sont passées de 362 milliards de DTS en août 2008 à 254 milliards en juin 2009).

Cependant, ce point de vue doit être relativisée par deux remarques importantes :

- l’expérience passée montre que l’épuisement des réserves de change peut être très rapide en

période de crise. En ce sens, aucun pays ouvert financièrement n’est complètement à l’abri

d’une crise financière ;

- ces pays exportateurs de matières premières restent très vulnérables à une baisse marquée et

durable des prix consécutive au ralentissement de l’activité économique mondiale.

2.2 Le canal financier

La crise financière a impacté les pays émergents par le canal financier essentiellement après la

faillite de Lehman Brothers le 15 septembre 2008. Ainsi, la prime de risque sur les émergents

a brutalement augmenté (Graphique 6d), les indices boursiers ont très fortement chuté après

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28

une période d’euphorie ((Graphique 6b), les monnaies des émergents ont subi une forte

dépréciation contre le dollar (Graphique 25, gauche) et les entrées nettes de capitaux ont

connu une diminution significative (Graphique 25, droite).

Graphique 25 Indicateurs de tensions financières dans les émergents

Dépréciation

* Taux de change, 100 en 2002 : 1 ** Flux nets de capitaux en milliards de dollars Sources : P. Artus (2009), « Il serait raisonnable de croire à nouveau au « découplage » des émergents », NATIXIS, Special Report, n°205, juillet ; BNP Paribas (juillet 2009). La vulnérabilité financière est différente selon les pays émergents. Dans une étude publiée en

octobre 2008, Artus (2008) distingue quatre groupes de pays classés en fonction du degré de

gravité3. Le premier groupe concerne les cas les plus graves. Ce sont les pays qui peuvent

subir des pertes de réserves de change à la suite des sorties de capitaux. Afin d’identifier ce

type de pays, il est nécessaire de comparer la taille des sorties possibles de capitaux, liée aux

entrées cumulées antérieures, et la taille des réserves de change. Les pays qui ont enregistré

depuis 2004 des entrées cumulées supérieures ou égales aux réserves de change sont l’Inde, la

Turquie, l’Afrique du Sud, la Pologne, la Hongrie et la Roumanie.

Le deuxième groupe de pays concerne les économies dans lesquelles la réduction de la

liquidité bancaire, du crédit et la dépréciation des monnaies domestiques à la suite des sorties

de capitaux produisent des effets dépressifs importants sur l’activité. Dans ce type de pays, les

entrées de capitaux sont corrélées à la base monétaire, au crédit domestique ou au taux de

3. P. Artus (2008), « Les divers degrés de gravité de la crise des émergents selon les cas », NATIXIS, Flash Economie, 485, 27 octobre.

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29

change. En effet, ces entrées ont permis de financer les banques et les emprunteurs des pays

concernés. C’est le cas de l’Inde, de la Russie, de la Turquie, de l’Afrique du Sud, de la

Pologne, de la Roumanie et du Brésil.

Le troisième groupe rassemble les pays qui sont dans une situation moins grave. Les entrées

de capitaux produisent une chute des marchés boursiers mais l’effet sur l’économie reste peu

important si, d’une part, les effets de richesse sont limitées et, d’autre part, la dépréciation de

la monnaie domestique reste faible. Ce sont des pays dans lesquels les entrées et sorties de

capitaux sont peu corrélées au crédit et ne provoquent pas de mouvements marqués des taux

de change. Il s’agit de la Chine, de la Corée du Sud et de la Thaïlande.

Enfin, un dernier groupe de pays, dans lequel on trouve le Mexique, concerne les économies

où la variation des flux de capitaux reste faible.

Les pays d’Europe centrale sont particulièrement vulnérables au canal financier. L’exemple

de la Hongrie l’a bien montré. Ces pays cumulent en effet d’importants déficits des comptes

courants et une dépendance élevée au financement bancaire international (Tableau 1).

Tableau 1 Indicateurs de déséquilibres macroéconomiques en 2007, en % du PIB

Source : J.C. Rodado (2008), « Europe émergente : où sont les risques et pourquoi sont-ils aussi nombreux ? », NATIXIS Special Report, 27 octobre, 133 On ne peut pas exclure un scénario dans lequel les banques internationales retireraient leurs

capitaux de ces pays afin de combler leurs pertes sur d’autres marchés4.

4. Des travaux récents ont identifié un lien entre la situation des banques internationales et leurs prêts aux pays émergents. Lorsque la santé des premières se dégradent, par exemple en raison de tensions sur les marchés

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30

Le graphique 26 montre bien que la réduction de l’activité internationale des banques a été

particulièrement marquée pour les pays émergents jugés plus risqués.

Graphique 26 Créances bancaires internationales sur les pays développés et émergents, changement en %

Source : FMI, World Economic Outlook Update, juillet 09 Deux facteurs aggravant peuvent jouer dans certains de ces pays :

- un endettement en devises de beaucoup d’agents afin de bénéficier de taux d’intérêt plus bas

(Tableau 2). Dans ce contexte, une dépréciation de la monnaie domestique peut

considérablement augmenter le coût de la dette. Par exemple, les prêts en devises ont

représenté 54 % du total des prêts aux ménages en 2007. Les pourcentages sont de 77 % et

86 % en Estonie et en Lettonie.

Tableau 2 Prêts en devises en % du montant total de l’encours en 2007

Source : J.C. Rodado (2008), « Europe émergente : où sont les risques et pourquoi sont-ils aussi nombreux ? », NATIXIS Special Report, 27 octobre, 133

interbancaires, alors leurs prêts tendent à diminuer. Voir P. McGuire et N. Tarashev (2008), « Bank health and lending to emerging markets », BIS Quarterly Review, décembre, p.67-80.

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31

- certains pays, notamment les pays baltes, ont connu un boom immobilier et un boom du

crédit (Graphique 27) qui les rend très vulnérables aux tensions financières mondiales.

Graphique 27 Crédits au secteur prive, Glissement annuel, en %

Source : J.C. Rodado (2008), « Europe émergente : où sont les risques et pourquoi sont-ils aussi nombreux ? », NATIXIS Special Report, 27 octobre, 133 Les pays émergents d’Asie sont dans l’ensemble moins vulnérables au canal financier. Ils

tendent en effet à avoir un système bancaire moins développé et ils ont accumulé d’importants

montants de réserves.

2.3 Le canal commercial

Les pays émergents sont souvent des économies ouvertes sur l’extérieur. De ce point de vue,

le rythme de leur activité économique est sensible au dynamisme de leurs exportations. C’est

ce que l’on appelle le canal commercial. Le graphique 28 illustre le lien entre le dynamisme

des exportations et la production industrielle dans ce groupe de pays.

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32

Graphique 28 Exportations et production industrielle dans les pays émergents, variation annuelle en %

Exportations Production industrielle

* Asie : Corée du Sud, Hong Kong, Inde, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Taiwan et Thaïlande ** Amérique latine : Argentine, Brésil, Chili, Colombie, Mexique, Pérou et Venezuela *** Autres : Afrique du Sud, Hongrie, Pologne, République tchèque, Russie et Turquie Source : BRI, 79ème Rapport Annuel, juin 2009. Les économies asiatiques particulièrement spécialisées dans les exportations manufacturières

(Corée du Sud, Singapour, Taiwan, Hong-Kong et dans une moindre mesure de la Chine) sont

très affectées par le canal commercial comme le montre la baisse marquée de leurs

exportations (Graphique 29).

Graphique 29 Asie émergente : exportations en dollars, en Glissement annuel, % moyenne mobile de 3 mois

Source : E. Torija-Zane (2009), Note mensuelle Asie, NATIXIS, Recherche économique, 1, janvier

3 Les interventions des autorités et les perspectives macroéconomiques

Ce paragraphe n’a pas pour objectif de décrire l’ensemble des plans d’intervention des Etats

et des banques centrales. On se concentre sur les principes généraux guidant ces interventions.

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33

De même, nous laissons largement de côté le volet strictement financier des plans de

sauvetage puisque nous avons a peu évoqué la dimension strictement bancaire de la crise.

Un premier paragraphe est consacré à l’intervention des Etats. Dans un second, les principales

inflexions de la politique monétaire sont identifiées. Enfin, cette section se termine par une

discussion des principales perspectives économiques.

3.1 L’intervention des Etats

Le graphique 30 montre l’ampleur du creusement des déficits budgétaires depuis le début de

la crise.

Graphique 30 Principales données budgétaires des pays du Groupe des Sept, en % du PIB

Source : FMI, World Economic Outlook, avril 2009.

La politique budgétaire exerce une influence sur l’activité économique à travers deux

instruments.

Le premier est constitué par les stabilisateurs automatiques. Ils traduisent l’idée que les

dépenses publiques (transferts sociaux) augmentent et les recettes fiscales diminuent pendant

les périodes de ralentissement alors que l’inverse se produit pendant les périodes de

croissance. Ils ont l’avantage de ne connaître aucun décalage par rapport à la conjoncture et

n’ont aucun délai d’application. Cependant, leur capacité à exercer une influence contra-

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34

cyclique varie avec la taille des transferts (étendue et niveau des allocations chômage par

exemple) et la progressivité de l’impôt. Avec la libéralisation des économies, on estime que le

poids des stabilisateurs automatiques a eu tendance à diminuer.

Dès lors, les politiques discrétionnaires (les plans de relance) – second instrument –

deviennent indispensables pour soutenir l’activité. Comme le rappellent Spilimbergo et al.

(2008), les politiques discrétionnaires sont l’objet de longs délais de prises de décision (en

moyenne deux trimestres après le retournement de l’activité ; trois dans le cas de dépenses

d’investissement) et de mise en œuvre (et de ce fait ils peuvent produire leurs effets trop tard).

En outre, beaucoup de mesures discrétionnaires ne sont pas des politiques contra-cycliques.

C’est notamment le cas de baisses d’impôt qui seraient pérennisées.

Spilimbergo et al. (2008)5 considèrent qu’un plan de relance doit s’appuyer sur des mesures

prises à temps, temporaires et ciblées (règle des 3 T en anglais (Timing, Temporary,

Targeted)) :

- Timing : il faut anticiper l’ampleur du ralentissement de l’activité, réduire les délais de

reconnaissance du ralentissement et de mise en œuvre des mesures ;

- Temporary : il s’agit d’inciter les bénéficiaires à agir pendant la période d’application

des mesures. Le soutien de la demande peut des faire soit par l’intermédiaire de dépenses

financées grâce au surcroît de revenus lié aux dépenses de transferts, soit par les effets directs

sur les ménages et les entreprises, par exemple en baissant la TVA. Des dépenses prévues sont

avancées. Si les mesures sont maintenues au-delà de la crise, elles peuvent devenir pro-

cycliques et remettre en cause la soutenabilité des finances publiques ;

- Targeted : les études empiriques suggèrent qu’une baisse temporaire des impôts a un

faible impact sur la consommation des ménages. En effet, les ménages non contraints par la

liquidité vont épargner tout ou partie de cette réduction. Dès lors, il convient de bien choisir la

5 Spilimbergo A., Symansky, Blanchard O. et Cottarelli C. (2008), Fiscal policy for the crisis, IMF Staff Position Note, décembre, SPN/08/01.

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35

population qui bénéficie des réductions fiscales et des hausses de transferts. De même, les

aides ciblées sur certaines industries (par exemple la prime à la casse pour l’automobile)

doivent être utilisées avec parcimonie afin d’éviter les risques de rétorsion de la part des

autres pays (protectionnisme).

Précisons que les effets multiplicateurs de chaque mesure sont difficiles à mesurer. Le

tableau 3 résume les principaux avantages et inconvénients des mesures liées aux politiques

discrétionnaires.

Tableau 3 Avantages et inconvénients des politiques budgétaires discrétionnaires

Source : C. Blot, J. Creel, C. Rifflart et D. Schweisguth (2009), « Petit manuel de stratégies de sortie de crise, comment rebondir pour éviter l’enlisement ? », in H. Sterdyniak et C. Blot (dir.), La crise du capitalisme financier, Revue de l’OFCE, n°110, juillet.

3.2 Les interventions des banques centrales

Les banques centrales sont massivement intervenues sur les marchés monétaires depuis le

début de la crise afin d’en assurer la liquidité. Plus précisément, elles ont cherché d’une part, à

maintenir les taux d’intérêt au jour le jour dans la lignée de leur taux directeur et, d’autre part,

à garantir le fonctionnement ordonné du marché monétaire. Les banques centrales ont été

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36

amenées à modifier de manière assez considérable leurs modalités traditionnelles

d’interventions (voir le chapitre 2) pour faire face à une demande de liquidité croissante, plus

instable et moins prévisible (3.21). Les banques centrales doivent aussi envisager la conduite

de la politique monétaire lorsque les taux d’intérêt sont à 0 % (Etats-Unis, Japon) ou proche

de ce seuil (3.22).

3.21 les principales modifications du cadre d’intervention des banques centrales

Plusieurs points particulièrement importants doivent être soulignés :

- la proportion d’opérations à plus long terme a été augmentée afin de palier à la

défiance entre eux de intervenants du marché monétaire pour se prêter à des échéances allant

au-delà du jour le jour ;

- la gamme des actifs éligibles a été élargie là encore pour faire face aux

dysfonctionnements du marché interbancaire. En effet, le marché interbancaire a connu,

comme tous les autres marchés, un processus de fuite vers la qualité qui s’est traduit par une

recherche effrénée de bons du Trésor. Dans ce contexte, afin d’injecter de la liquidité, les

banques centrales ont été amenées à accepter des actifs de moins bonne qualité ;

- les banques centrales ont utilisé l’arme des taux d’intérêt dans l’objectif d’une part, de

détendre les conditions du refinancement des banques et, d’autre part, de réduire le coût du

crédit à l’économie. Le mouvement le plus spectaculaire est sans doute la décision du 8

octobre 2008 où la Fed et cinq autres banques centrales (Banque du Canada, Banque

d’Angleterre, Banque centrale européenne, Banque nationale de Suède et Banque nationale de

Suisse), ont annoncé une baisse coordonnée de leurs taux directeurs de 50 points de base

exactement à la même heure (7 h, heure de New York (13 h, heure de Paris)).

L’efficacité de la mesure sur l’économie réelle dépend de la capacité de la banque centrale de

ramener les taux du marché monétaire vers son taux directeur (Graphique 6, plus haut).

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37

Le graphique 12 montre clairement que depuis le début de la crise les écarts de taux ont eu

tendance à s’accroître. Cela signifie que les banques centrales ont rencontré d’importantes

difficultés à maintenir les taux du marché à proximité des taux directeurs. De ce point de vue,

l’activisme de la Fed, de septembre 2007 à octobre 2008 le taux des Fed Funds a baissé de

375 pb (5,25 % à 1,5 %), a montré ses limites. On observe un début de recul des écarts de

taux à partir de la troisième semaine d’octobre, c’est-à-dire à partir du moment où les Etats se

sont engagés à empêcher toute faillite bancaire et ont garanti les dettes interbancaires.

- les banques centrales ont cherché à réduire la réticence des banques à recourir aux

facilités permanentes. En effet, le recours à ces dernières est souvent perçu comme un signal

négatif montrant le besoin urgent en liquidité. Dans cette perspective, la Fed a mis en place un

nouveau mécanisme d’enchères appelé TAF (Term Auction Facility) en décembre 2007. Les

banques de dépôt peuvent ainsi emprunter directement auprès de la Fed des montants fixes

contre la même gamme de collatéraux que la fenêtre d’escompte (facilité permanente), mais

de manière anonyme (afin d’éviter le signal négatif).

- la Fed a octroyé des prêts à des établissements autres que les banques de dépôt, et ce,

pour la première fois depuis les années 30. Ainsi, le 14 mars 2008, elle a accordé un

financement à la banque d’affaire JPMorgan Chaise afin de faciliter l’acquisition par cette

dernière d’une autre banque d’affaire, Bear Stearns. Le 16 mars, elle introduit une facilité de

crédit appelée PDCF (Primary Dealer Credit Facility) accessible aux intermédiaires

spécialisés (autres donc que les banques de dépôt) pour des financements au jour le jour au

taux d’escompte.

3.22 quelle politique monétaire lorsque les taux d’intervention sont proches de 0 % ?

Lorsque les banques centrales sont confrontées à un risque de déflation ou à une situation

proche de la trappe à liquidité (la politique monétaire devient inefficace pour relancer

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38

l’activité), elles peuvent agir dans trois directions identifiées par Ben Bernanke, le gouverneur

de la FED6.

En premier lieu, elles peuvent chercher à ancrer et modeler les anticipations de taux d’intérêt.

En effet, les taux d’intérêt à court terme et à long terme incorporent des anticipations

concernant les évolutions des taux directeurs. Lorsque ces derniers sont proches de 0 %, la

seule incertitude porte sur le moment où la banque centrale va les accroître, ce qui peut

empêcher toute baisse des autres taux. En conséquence, pour stimuler l’économie, la banque

centrale peut s’engager explicitement à laisser ses taux directeurs à 0 % pour une certaine

durée. Les anticipations étant ainsi ancrées, il doit en résulter une baisse des taux longs.

En deuxième lieu, les banques centrales peuvent modifier la composition des actifs qu’elles

détiennent à leur bilan. Elle peuvent agir soit en modifiant la maturité (dans le sens d’un

allongement afin d’agir sur le niveau des taux d’intérêt des maturités plus longues), soit en

diversifiant les actifs achetés au-delà des titres émis par les Etats (elles soutiennent ainsi les

prix et ont une action sur la liquidité des marchés).

Enfin, les banques centrales peuvent augmenter la taille de leur bilan par le biais d’une

politique dite d’assouplissement quantitatif (quantitative easing). Les banques centrales ont

alors un objectif de croissance de la base monétaire (Graphique 31). Elles achètent

massivement des titres lors des opérations de refinancement, d’où l’accroissement de la taille

des bilans (Graphique 32).

Graphique 31 Base monétaire, en monnaie nationale, glissement annuel en %

6 G. Bentoglio et G. Guidoni (2009), « Les banques centrales face à la crise », in OCFE, op. cit.

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39

Source : NATIXIS, juin 2009

Graphique 32 Taille du bilan de la FED et de la BCE, en % du PIB

Source : Crédit Agricole, août 2009

Une dernière stratégie suivie par les banques centrales doit être introduite : la politique

monétaire dite non conventionnelle. Dans ce cas, les banques centrales effectuent des prêts

directs (ou accordent des garanties) aux emprunteurs du secteur privé non bancaire. Il s’agit

alors de court-circuiter le canal traditionnel de transmission de la politique monétaire afin

d’agir directement sur les agents non bancaires (Graphique 32).

Graphique 32 Politique monétaire conventionnelle versus non conventionnelle

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40

Source : à partir de NATIXIS (2009)

3.3 Perspectives

Depuis environ deux mois, la situation macroéconomique mondiale semble s’améliorer de

manière substantielle (Graphique 33).

Graphique 33 Indicateurs d’activité

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41

Ainsi, les perspectives d’activité dans les principaux pays développés sont en hausse

(Graphique 33a), la production industrielle se redresse (Graphique 33b) ainsi que les ventes

de détail (Graphique 33c). Les pays émergents ne sont pas à l’écart de cette amélioration, plus

particulièrement dans la zone Asie émergente (Graphiques 33d et e).

Cette amélioration de l’activité repose sur quatre principaux ressorts :

- la désinflation liée à la chute des matières premières. Cette désinflation procure des

gains en pouvoir d’achat aux ménages, ce qui soutient la consommation ;

- les entreprises ont achevé le processus de déstockage ;

- les stimulations budgétaires produisent leurs effets (Graphique 34) ;

- l’activité économique est plus soutenue dans certains pays émergents, particulièrement

en Chine.

Graphique 34 Mise en œuvre des mesures de soutient public dans le G7, en % du PIB mondial, cumul

Source : NATIXIS, août 2009

Certains de ces facteurs vont cesser de jouer. C’est notamment le cas des plans de relance et

de la désinflation (en raison de la hausse des prix des matières premières). En outre, la

poursuite des pertes d’emplois engendre des pertes de revenus qui finiront par peser sur la

consommation.

Au-delà de ces questions conjoncturelles, les économistes sont partagés entre quatre

principaux scénarios de sortie de crise.

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42

Dans un premier, la crise d’ampleur importante serait suivie d’une reprise forte. Les

surcapacités de production seraient rapidement éliminées. Le système financier assaini et en

mesure de jouer à nouveau son rôle de financeur de l’activité. Ce scénario est celui de la

croissance en forme de V. La reprise est d’abord technique (restockage) puis la demande

prend le relais.

Dans un deuxième, celui d’une croissance en forme de W, la reprise se fait en deux temps.

Elle est d’abord technique mais sans que la croissance redémarre durablement, d’où une

rechute. Puis la croissance devient dynamique.

Le point commun entre les scénarios de croissance en V et en W, c’est que la crise financière

est sans effets durables sur les systèmes financiers.

Dans les deux autres scénarios, c’est le contraire qui se produit, c’est-à-dire que le système

financier affecte durablement le rythme de la croissance économique.

Le troisième scénario est celui de la convalescence longue. Les pertes subies par le système

financier doivent être résorbées avant le redémarrage du crédit. La titrisation – qui a été un

facteur important d’expansion du crédit – est arrêtée. Les intermédiaires financiers prennent

moins de risques et le coût du capital demeure durablement élevé. Dans les deux cas,

l’investissement est découragé. C’est la croissance en forme de U.

Le dernier scénario est une variante du précédent. Il correspond largement à ce qu’a connu le

Japon après l’éclatement des bulles immobilières et boursières de la fin des années 80.

L’ajustement de l’économie est très long en raison des pertes subies à la fois par les banques

et les ménages. C’est le scénario de la croissance en forme de L . Dans le cas du Japon, la

croissance n’a jamais retrouvé son rythme d’avant la crise et les prix de l’immobilier

demeurent inférieurs à ceux du début des années 80.

Plusieurs questions sont aussi soulevées par les conséquences des interventions des Etats et

des banques centrales.

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43

En ce qui concerne les Etats, et plus particulièrement ceux des pays développés dont les

déficits publics et les dettes publiques ont dépassé ceux des pays émergents (Graphique 35),

les besoins de financement sont tels (Graphique 36) que des tensions sur les taux d’intérêt à

long terme ont commencé à se manifester (comme le montre l’écart taux 10 ans – taux 2 ans

aux Etats-Unis, Graphique 37 gauche, et les primes CDS sur les Etats, Graphique 37 droite ;

et ce alors que les banques centrales au Royaume-Uni et aux Etats-Unis se sont engagées dans

des programmes d’achats de titres d’Etat destinés à limiter les tensions sur les taux longs,

Graphique 38).

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44

Graphique 35 Situation des finances publiques dans les pays développés et émergents, en % du PIB

Solde budgétaire Dette publique

Source : Institute for International Finance, juin 2009

Graphique 36 Besoins de financement des principaux pays développés, en milliards de dollars, moyenne annuelle

Source : FMI (2009), Global Financial Stability Report, Update, juillet

Graphique 37 Indicateurs de tensions sur les marchés de dette publique

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45

Sources : FED et FMI

En janvier 2009, le gouvernement britannique a autorisé la Banque d’Angleterre à acheter des

actifs pour un montant de 150 milliards de livres. La plus grande partie des titres achetés sont

des titres émis par l’Etat (appelés gilts) pour une maturité moyenne des papiers achetés de

11,2 ans. En mars 2009, la Fed a annoncé un plan d’achat de bons du Trésor (les Tnotes) de

300 milliards de dollars sur une durée de 6 mois. La maturité moyenne des tritres achetés est

de 6,3 ans, ce qui correspond à peu près à la maturité moyenne de la dette souveraine des

Etats-Unis. La Banque centrale européenne est restée à l’écart de cette stratégie d’achats

massifs de titres.

Graphique 38 Achats de titres d’Etat par les banques centrales, en monnaie nationale

Banque d’Angleterre, en millions de livres Etats-Unis, en milliards de dollars

Source : R. Defossez (2009), « La relative inefficacité du QE », NATIXIS, Special Report, n°208, juillet Si pour l’instant les taux d’intérêt restent à des niveaux bas, de nombreuses interrogations

portent sur le renouvellement des dettes à l’horizon 2012 – 2013. En effet, une remontée des

taux longs pourraient se produire (elle est d’ailleurs attendue par les marchés dès 2010,

Graphique 39) dans l’hypothèse où l’aversion au risque des investisseurs diminueraient (ces

derniers seraient alors moins intéressés par la détention de titres publics) et où les pays

émergents redeviendraient des zones attractives d’investissement.

Graphique 39 Les prévisions de taux longs à 10 ans

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Source : Crédit Agricole, mai 2009

Une autre interrogation porte sur l’efficacité des interventions des banques centrales et leur

potentiel inflationnistes. Le graphique 31 a montré un accroissement considérable de la base

monétaire. Dans une perspective monétariste, certains craignent un retour de l’inflation. En

fait, comme le montre le graphique 40, le multiplicateur de crédit a clairement non joué.

Ainsi, les ratios agrégat M2 / Base monétaire et agrégat M1 / Base monétaire ont chuté,

suggérant l’absence de redémarrage marqué du crédit malgré les politiques d’expansion

monétaire. Cela n’est pas étonnant si on considère que la crise actuelle est aussi une crise de

la dette et que les agents privés cherchent non pas à s’endetter mais au contraire à se

désendetter. L’efficacité des politiques monétaires en est d’autant remise en cause.

Prévisions

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Graphique 40 Ratio agrégats monétaires / base monétaire

Source : BNP Paribas, juillet 2009

Il convient de rappeler que le contexte actuel est très différent des années 70, ce qui rend

moins probable un épisode inflationniste marqué.