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Numéro 283 - mars 2011 Réforme : exercices de désenfumage

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mensuel de l'association des maires ruraux de France mars 2011, rédactrice en chef Magali Vagneur

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Réforme :exercices de désenfumage

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– La culture,une lueur dans la pénombre ?par Vanik Berberian

– Les mots pour le dire

– Bougeotte dans les labours

– Regroupez-vous, dépensez plus,offrez moins

– Peut-on choisir la sauce ?

– Un Syamour de Marianne

La culture, une lueur dans la pénombre ?

Le 27 janvier dernier se tenait sous la présidence du ministre de la Culture et dela Communication Frédéric Mitterrand une séance plénière du Conseil desCollectivités Territoriales pour le développement culturel dont l’AMRF est mem-bre. Les propos volontaires du ministre allaient droit à nos oreilles rurales car leterritoire, y compris les territoires ruraux, étaient l’objet des attentions ministé-rielles.

L’invitation très claire faite aux collectivités locales par le ministre, à dialoguercomme à l’accompagner dans sa volonté de placer l’ambition culturelle aucœur du développement des territoires ne peut être que saluée et soutenue partous.

Le maintien de la culture comme compétence partagée dans le cadre de laréforme est une excellente chose pour amplifier les efforts nécessaires au déve-loppement de l’offre culturelle, à la conquête de nouveaux publics, à l’accom-pagnement des artistes et au soutien à la création. Mais aussi, pour favoriser lapratique par le plus grand nombre de citoyens.

Et comme la sincérité d’une intention se mesure auxactes - tout particulièrement en ces temps de gels finan-ciers et de RGPP aveugle, dont nous commençons déjàà payer lourdement les conséquences - il est heureuxde constater que le budget du ministère de la Cultureait été épargné. Ce choix explicite du Gouvernementest à saluer alors qu’il n’est pas celui pratiqué dans cer-taines collectivités territoriales comme également d’au-tres pays européens où l’arbitrage budgétaire se faitsouvent au détriment de la culture.

Et puisque la loi nous y invite, donnons du corps à cette compétence partagéedans les politiques culturelles, sans faire l’économie d’objectifs stratégiquesclairement posés, de niveaux de coresponsabilité honnêtement négociés et sur-tout, de moyens financiers solidairement partagés.

Devant le constat souvent évoqué d’un ministère de la culture affaibli, le minis-tre a relativisé en précisant que ce ministère était plutôt en réflexion… Alorsespérons qu’il sortira de cette réflexion la conscience renforcée que loin de sedéfausser sur les collectivités territoriales, l’action de l’Etat dans ce domaine estencore, de faciliter les pratiques culturelles et artistiques, de soutenir le patri-moine classé ou inscrit qui demeure une responsabilité nationale, même si sagestion est décentralisée. Et enfin prioritairement, de garantir la péréquation desmoyens afin qu’aucun territoire de la République ne soit délaissé, qu’il soit« rural fragile » ou « urbain sensible » comme on les nomme pudiquement.

Vanik Berberian,maire de Gargilesse-Dampierre (36),

Président de l’Association des maires ruraux de France

EditorialSommaire

Réformedes collectivités locales

On n’a pas de pétrole...

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Editorial

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Les mots pour le dire

La création du conseiller territorialentraînerait la disparition du départe-ment ou de la région.

C’EST FAUX : ni le département ni larégion ne sont menacés par la réforme.Mais grâce au conseiller territorial quisiégera au sein du conseil général et duconseil régional, nous verrons émergerun « couple département-région » plusefficace et plus complémentaire.

DEMI-MENSONGE, le but de la réfor-me étant, comme l’avoue candide-ment l’un de ses théoriciens, HervéFabre-Aubrespy, la disparition d’unede ces collectivités : « L’assembléerégionale, nous dit-il, est formée fina-lement de la réunion des conseilsgénéraux, mais ce n’est pas pour ça[...] qu’on préjuge de l’évolution ulté-rieure [...]. Dans notre système donc,on va donner des forces à chacunedes collectivités et l’évolution sera cequ’en feront finalement les acteurs.

On ne préjuge pas de la disparition dela région ou de celle du département. »(Revue Politique et Parlementaire,numéro 1053) Voilà qui garantira unecohabitation sereine !Vrai mensonge, au final, car Dépar-tement et Région se trouveront l’un etl’autre fragilisés :Dépossédé du pouvoir d’intervenirdans tout domaine d’intérêt départe-mental, vampirisé par les métropoles,là où elles existeront : tel est le nou-veau département.Quant à la Région, échelon privilégiédes « réformateurs », le mode d’élec-tion du conseiller territorial donne unpoids politique décisif aux majoritésdépartementales et rend illisible lesenjeux régionaux. Coupler électionrégionale et élection départementale,c’est faire de cette dernière l’électionessentielle pour l’électeur et le systè-me lui-même.Privée de ressources et d’autonomiefiscale, affligée d’une assemblée apo-

plectique sans mode de scrutin luigarantissant une majorité, commec’est le cas aujourd’hui, que pourrafaire la région ?

Les communes membres d’une métro-pole vont disparaître.

C’EST FAUX : les communes membresd’une métropole seront dans unesituation quasi identique aux commu-nes membres des actuelles commu-nautés urbaines. De plus, la créationde la métropole ne pourra se faire quesur la base du volontariat.

DEMI-MENSONGE, la nouveautéétant que la loi permet la créationd’ensembles urbains qui n’existaientpas en annexant, si nécessaire, descommunes qui n’en demandaient pastant pour atteindre les 500 000 habi-tants fatidiques. De plus que la créa-tion de métropoles ne puisse se faireque sur la base du volontariat, ne

Les préfets étant chargés du service après-vente de la réforme des collectivités territoriales, legouvernement a diffusé par leur intermédiaire une brochure en défense assez savoureuse où véri-tés en trompe-l’œil et demi-mensonges recouvrent vrais gros mensonges et poussières de véritésinsignifiantes.Du bel ouvrage qui méritait le commentaire du texte suivant.En noir le texte du gouvernement, en vert la version de 36 000 communes.

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signifie pas que des communes oudes EPCI non volontaires ne pourrontpas être enrôlés contre leur gré.

Une commune pourra être fusionnéeavec une autre contre son gré.

C’EST FAUX : la création d’une commu-ne nouvelle, regroupant plusieurscommunes, nécessitera l’accord detous les conseils municipaux ou de lapopulation de chacune des commu-nes.

VÉRITÉ EN TROMPE-L’ŒIL qui mas-que le fait qu’une commune pourradisparaître sans l’accord de la majori-té de sa population. Et une fois que cesera fait, avec le consentement duconseil municipal en place, il ne seraplus possible de revenir en arrière.

On assiste à un retour en force dupréfet dans l’achèvement de la cartede l’intercommunalité.

C’EST FAUX : l’achèvement de lacarte intercommunale et sa rationali-sation se réaliseront sur la base d’undiagnostic partagé dans le cadred’une large concertation avec les éluslocaux. La commission départementa-le de la coopération intercommunalepourra d’ailleurs modifier les proposi-tions du préfet.

GROS MENSONGE. Ce qui changetout par rapport à la situation actuel-le, c’est l’obligation faite aux préfets« d’achever la carte de l’intercommu-nalité », autrement dit de rattacherobligatoirement une commune à uneintercommunalité (ce qu’ils pou-vaient s’abstenir de faire jusqu’ici) etde la « rationaliser », autant dire de« faire gros » ce qui amènera inévita-blement des fusions d’EPCI.Enfin, la réduction du nombre dereprésentants des communes à laCDCI, le fait qu’il suffira au préfet derecueillir le soutien du tiers de ses

membres pour imposer son schémamontre clairement qu’il est le vraimaître du jeu. Déjà les exemples decomportements autoritaires sontnombreux (voir par ailleurs). Gageonsque cela ne va pas s’améliorer.

Les collectivités territoriales ne pour-ront plus financer les clubs sportifs.

C’EST FAUX : le sport est une compé-tence partagée entre les trois niveauxde collectivités territoriales, comme laculture ou le tourisme.

EXACT mais paradoxal puisque l’ob-jet de la réforme était d’éviter lesinterventions des trois collectivitésdans le même domaine. 20 milliardsd’euros d’économies étaient à la clef !Visiblement, sous la pression, leGouvernement a dû y renoncer etaux (illusoires) économies avec.

La réforme ferait diminuer la parité.

C’EST FAUX : l’abaissement du seuilde scrutin de liste dans les communespermettra l’arrivée d’environ 40 000femmes de plus dans les conseilsmunicipaux mais aussi dans les inter-communalités compte tenu de la dési-gnation des délégués communautai-res par fléchage. Concernant l’élec-tion des conseillers territoriaux, ledurcissement des sanctions financiè-res en cas de non-respect des objectifsde parité tend à responsabiliser lespartis dans la désignation de leurscandidats.

GROS MENSONGE. Les femmesreprésentaient 47,8 % des dernièresassemblées régionales et 13 % desconseils généraux. En étendant lemode de scrutin départemental à larégion, il n’y a pas de raison qu’ellesreprésentent, globalement, plus de13 % des effectifs. La régression estdonc évidente. Il paraît pour le moinsaudacieux, sinon spécieux, de préten-

dre compenser celle-ci par l’augmen-tation prévisible du nombre de fem-mes dans les conseils municipaux,suite au changement du mode descrutin pour les communes de 500 à3 499 habitants. A l’évidence, cesdeux problématiques n’ont aucunrapport.Quant aux incitations financières etautres dispositions décoratives,comme le rappelle la sénatrice duPuy-de-Dôme Michèle André, « lespartis politiques paient aujourd’hui5 millions d’euros de sanction pournon-respect de la parité ». C’est diresi la menace de sanctions financièresest susceptible de les convaincre defaire plus de place aux femmes...

Les départements ruraux faiblementpeuplés seront mieux représentés àl’échelon régional.

C’EST VRAI : car avec un seuil mini-mum de 15 conseillers par départe-ment, les départements faiblementpeuplés seront mieux représentés ausein des conseils régionaux. D’unemanière générale, l’élection desconseillers territoriaux dans le seulcadre cantonal crée un lien plus fortentre l’élu et son territoire, notam-ment rural.

VÉRITÉ EN TROMPE-L’ŒIL car toutdépend de quoi on parle : des repré-sentants des territoires ruraux ou desdépartements dits « ruraux ».S’il y aura plus de conseillers régio-naux de départements ruraux quemaintenant, par contre, il y auramoins de représentants des territoiresruraux au conseil général, sinon à larégion. Tout simplement parce que leredécoupage des cantons favoriserales parties les plus urbaines desdépartements où se concentre lapopulation.Les territoires ruraux seront doncmoins bien représentés, là où c’est leplus important pour eux, le départe-ment. Par ailleurs, prétendre que,même plus nombreux ils pourront sefaire entendre dans des assemblées

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régionales pléthoriques est pour lemoins risqué.

Dans une métropole, les mairesconserveront des compétences enmatière d’urbanisme.

C’ESTVRAI : le maire demeure compé-tent pour délivrer les permis de cons-truire.

DEMI-VÉRITÉ. Ils pourront, en effetsigner des autorisations d’urbanismesur la base d’un PLU dont ils aurontperdu la maîtrise. Ils deviennent doncune variété de fonctionnaire déconcen-tré, avec des compétences certes maisl’obligation d’appliquer des règles quine seront plus issues du conseil muni-cipal mais communautaire.

L’importance de l’intercommunalitéjustifie d’accroître la légitimité desconseils communautaires.

C’ESTVRAI : car les intercommunalitésgèrent des budgets de plus en plusimportants et exercent des compéten-ces de plus en plus étendues. C’estpourquoi les conseillers communautai-res seront élus au suffrage universeldirect par fléchage à partir des prochai-nes élections municipales de 2014.

EXACT, mais le plus important c’estque ce soit une intercommunalité choi-sie et que les petites communes soientaussi bien représentées qu’aujourd’hui,ce qui sera loin d’être le cas !

Les collectivités territoriales auronttoujours un pouvoir d’initiative.

C’EST VRAI : car, si la réforme prévoitla suppression de la clause généralede compétence des départements etdes régions pour leur conférer descompétences clairement identifiées,elle leur reconnaît cependant unecapacité d’initiative lorsqu’il existe unintérêt public local et qu’aucune autre

personne publique n’est compétentepour intervenir.

DEMI-MENSONGE car si, départe-ments et régions pourront financerles projets des communes de moinsde 3 500 habitants et ceux des plusgrandes dans le cadre d’un schémarégional, ils perdent la capacité demaître d’ouvrage dans les domainesqui ne sont pas de leur compétenceexclusive. Dans ce cas, ils peuventseulement accompagner financière-ment mais pas conduire.Et que se passera-t-il si la région ou ledépartement décident, pour de bon-nes ou mauvaises raisons, de ne pasassumer la compétence dont ils ontl’exclusivité ? La loi est muette sur cepoint.

Les communes rurales pourrontencore bénéficier de subventions dudépartement et de la région pour laréalisation de projets d’aménage-ment.

C’EST VRAI : si la réforme prévoit l’in-terdiction du cumul des subventionsdu département et de la région auxcommunes, elle fixe cependant unedérogation à cette règle au profit des

communes faiblement peuplées(moins de 3 500 habitants).

VÉRITÉ EN TROMPE-L’ŒIL qui mas-que l’essentiel, l’effondrement descapacités d’interventions financièresdes départements et régions ; maisceci est une autre question…

La réforme encourage la mutualisa-tion entre collectivités territoriales.

C’EST VRAI : d’une part, elle sécuriseles dispositifs de mutualisation exis-tants par rapport au droit européen.D’autre part, elle met en place lesoutils permettant de mieux mutualiserentre collectivités d’un même niveau,ce qui était très attendu par le secteurlocal.

VRAIE VÉRITÉ mais qu’une dispositionde pur bon sens devienne l’acquis prin-cipal d’une réforme attendue, paraît-il,impatiemment par la France tout entiè-re, en dit long sur le produit final…

Pierre-Yves COLLOMBAT,premier Vice-Président de l’AMRF,

maire adjoint de Figanières,Sénateur du Var

« 3 496C’est le nombre de conseillers territoriaux qui succèdent auxquelque 6 000 conseillers généraux et régionaux.»

+ 100 %C’est en moyenne l’accroissement du nombre de sièges dansles conseils régionaux avec l’arrivée du conseiller territorial.L’agrandissement des bâtiments et des hémicycles reste à chif-frer. En centaines de millions d’euros ? En milliards d’euros ?Dizaines de milliards d’euros ?

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« La France est dans un monde quibouge à une vitesse stupéfiante ».Sous entendu, il nous faut aller aussivite que lui. Ce qu’entend faire legouvernement, sauf quand il oubliede publier les décrets d’application delois votées en urgence. Mais, en toutcas s’agissant de la carte de l’inter-communalité, impossible de faire plusvite. Décret et circulaires organisantla CDCI sont à peine publiés qu’il fautprocéder à son élection. Peu importeque les élus n’aient pas le tempsmatériel de constituer des listes… Aucontraire, moins il y en aura mieux çavaudra et de toutes façons les préfetsont les mains libres pour imposer leurconception de l’intérêt général.

« Nous n’avons pas le choix ». Pasquestion de politique ou d’idéologielà-dedans. Uniquement des adapta-tions nécessaires à notre survie.Irréfutable.

« Jusqu’à présent, la politique d’amé-nagement du territoire consistait àmettre sous perfusion le déclin territo-rial ». A vrai dire on pourrait mêmepenser sans exagérer que la dite poli-tique d’aménagement du territoireconsistait précisément à organiser ledéclin territorial pour mieux promou-voir les soins palliatifs. Mais qui pou-vait bien être aux affaires quand cetraitement était administré au pays ?

« La question, c’est de trouver de nou-velles raisons d’espérer par de nouvel-les manières d’agir ». Les mairesruraux en trouvent tous les jours, denouvelles manières d’agir. Il suffit deles laisser faire et de leur en donnerles moyens, au lieu de les ensevelirsous les obligations et les normes.

« Eh bien, s'agissant des servicespublics, je ne crois pas que ce soit lenombre d'établissements publics quevous pourrez additionner qui compte.Ce qui compte, c'est la qualité de l'of-fre plutôt que le nombre d'implanta-tions ou de fonctionnaires. Plutôt qued'avoir un bureau de poste dans telleville ou dans tel village qui reçoit unepersonne par jour, est-ce que ce n'estpas mieux de donner un peu de chif-fre d'affaires en plus au derniercommerçant du village ? Ce qui faitque le bureau de poste sera ouvertdans le commerce. Ça gêne qui ? Çarenforce le chiffre d'affaires du com-merçant et ça permet de maintenir duservice public. »Certes, mais la question n’est pas là.La question c’est de savoir si l’on

concentre les services publics enquelques lieux rentables ou si l’onorganise un maillage équitable du ter-ritoire. L’absence de bureau de postede plein exercice (y compris dans ledomaine bancaire) comme forme deprésence du service public, il fallait ypenser. Comme le Chapelier fou duPays des merveilles qui préférait fêterses « non anniversaires » parce queplus fréquents que son anniversaire,célébrons « les non bureaux de poste »,incontestablement plus nombreuxque les bureaux du même nom.

« Commune, intercommunalité, pays,département, région, Etat, Europe. Autotal, nous avions 7 niveaux d'actiondisposant tous, ou presque, de lacompétence générale. »

Bougeotte dans les laboursLe discours présidentiel aux élus ruraux du Cher et le débat avec la salle qui suivit illustrent, jus-qu’à la caricature, la rhétorique de Nicolas Sarkozy. Mêlant habilement fausses évidences et demi-vérité, images repoussoirs et trompe-l’œil, il enfonce le clou : il faut réformer et moi je réforme.Que les remèdes soient pires que le mal importent peu : il faut bouger !Exemples choisis.

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Que les intercommunalités et l’Europesoient dotées de la compétence géné-rale est un scoop. Quant aux autrescollectivités territoriales, leurs possibi-lités d’intervention se limitent auxquestions d’intérêt communal, dépar-temental ou régional selon les cas. Defait et pour l’essentiel, chaque collec-tivité s’occupe de ses compétencesobligatoires et vu les restrictions bud-gétaires cela devrait, de plus en plussuffire à leur bonheur. Etonnementd’ailleurs, la réforme a explicitementreconnu que les actuels domainesd’interventions croisées du Départe-ment et de la Région (sport, culture,tourisme…) relevaient de compéten-ces partagées. Pour ne rien dire del’ardente obligation de toutes les col-lectivités de participer au financementdes opérations voulues par l’Etat.Quant au « mille-feuille » français, laréforme l’a simplement remplacé parun pudding territorial où des « commu-nes nouvelles » et des « communesdéléguées » s’ajouteront aux commu-

nes et où les métropoles hériteront, àla carte, de compétences des départe-ments et des régions. Encore un effortet l’organisation territoriale françaisesera aussi compliquée que celle del’Allemagne avec ses Lander, ses villesEtat, ses districts ruraux, ses villes dis-tricts, ses communes, ses communau-tés de communes… Chacun et chacu-ne à géométrie variable selon leslieux.

Mais le meilleur n’était pas dans lediscours mais dans le débat qui suivitavec les maires présents.

Ce que le Canard Enchaîné du 9 fé-vrier 2011 résume ainsi, en premièrepage : « Mais non, voyons, [NicolasSarkozy] n’a pas dit « Si vous n’êtespas content, vous n’avez qu’à les dis-tribuer vous-mêmes ! »… [Mais fait]presque aussi bien.En tout cas le cœur y était : mardi 1er

lors d’une rencontre avec les maires

ruraux réunis à Saint-Amand-Montrond,dans le Cher, il a été interpellé parJean-Pierre Charles, maire PC deGraçay, sur la dégradation du servicepublic et sur le fait que huit jours sontparfois nécessaires pour livrer une let-tre à son destinataire à 2 km. SiSarkozy n’a pas lâché la phrase susdi-te, il a expliqué, rigolard : « vous medites, Monsieur le Maire, qu’une lettremet huit jours à arriver… Ecoutez…faites donc les 2 km ». Formidable,non ? La Poste déconne, faites le bou-lot à sa place. L’hôpital public estdébordé, soignez-vous tout seul.L’école tombe en ruine, éduquez vosenfants vous-mêmes… (…) »

Elémentaire ! les maires doivent bou-ger, c’est bon pour la santé. Personneici ne peut me dire le contraire.

Pierre-Yves COLLOMBAT,premier Vice-Président de l’AMRF,

maire adjoint de Figanières,Sénateur du Var

Une concertation plein gazLe 21 janvier dernier, élus et habitants manifestaient pacifiquement pour dire leur refus à uneabsorption forcée dans la communauté d’agglomération du Grand Alès. Ils ont subi un assautd’une rare violence de la part de la gendarmerie, vu la qualité pour ne pas dire l’âge de certainsmanifestants.

Enfants, personnes d’un certain âge,élus ceints de leurs écharpes : ilssont venus en gare d’Anduze,

bloquer le départ du train à vapeurdes Cévennes pour protester contre

la possible intégration de la villedans la communauté

d’agglomération du Grand Alès.Ils seront les premières victimes dela « concertation » dans l’applicationde la réforme des collectivités loca-les puisque, comme on le voit surles images, soudainement, les gen-darmes se « lâchent ». Matraques,bombe lacrymogène : les manifes-tants pacifistes sont traités comme

de dangereux hooligans...Les images sont fortes et toujours visibles sur internet. Un lien depuis le site de l’AMRFpermet d’y accéder.

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Les organes de concertation ne sont pas encore sortis des urnes que les projets de regroupement fontleur apparition, comme pour la communauté de communes rurales des coteaux du Savès et del’Aussonnelle (CCRCSA).

Regroupez-vous,dépensez plus, offrez moins

« Avec la réforme des collectivités ter-ritoriales, le mot courait « Vous allezpassez à la trappe ». Car notre inter-communalité ne regroupe « que »3 000 habitants sur six communes.Nous sommes la plus petite commu-nauté de communes de Haute-Garon-ne, témoigne Christophe Couchauxmaire de Bragayrac et vice-présidentde la communauté de communesconcernée. Alors, nous avons souhaitédevancer les événements pour ne pasles subir. Nous avons demandé à ren-contrer le sous-préfet. C’est alors qu’ilnous a appris qu’il était envisagé derattacher notre EPCI à un autre EPCI.Seulement, ce projet ne nous convientpas. Le sous-préfet nous a demandé deprésenter un rapport pour exposer nosarguments. C’était début décembre, etle préfet demandait le document pourla mi-janvier ». Le président et les cinqvice-présidents de la communauté decommunes ont alors rédigé un rapportde 120 pages pour démontrer l’absur-dité et l’incohérence du projet de rat-tachement envisagé.

D’un point de vue géographique, avecforce cartes présentées dans le rapportde la « petite » interco, on comprendbien que les EPCI voisins dont celuiauquel il est prévu de rattacher lacommunauté de communes n’est pasle territoire « naturel » vers lequel seportent les habitants. Ce nouveaudécoupage ne correspond pas auxbassins de vie, ni aux bassins d’em-ploi. Certes la loi impose la constitu-tion d’EPCI à fiscalité propre regrou-pant au moins 5 000 habitants, maisle texte précise : « ce seuil peut êtreabaissé par le représentant de l'Etat

dans le département pour tenir comp-te des caractéristiques géographiquesparticulières de certains espaces ».

D’un point de vue « économique »aussi, le rattachement envisagé n’apas de sens, à moins de vouloir fairemoins et payer plus, mais ça n’est pasle but déclaré de la réforme… En effet,« nous démontrons dans ce documentque notre EPCI est loin d’être unecoquille vide. Nous exerçons noscompétences à moindre coût car ellessont adaptées et elles correspondentaux besoins de nos populations. Ce neserait plus le cas si nous étions absor-bés par l’EPCI voisin. »

Le seul exemple du service de collec-te des ordures ménagères est parti-culièrement parlant. « Dans l’EPCIvoisin, seules les cinq communes lesplus grosses bénéficient d’une collecteen porte-à-porte. Pour les autres villa-ges, il faut se rendre au point de col-lecte volontaire, on en compte un parvillage. Aujourd’hui, dans notre « peti-te » communauté de communes, nousdénombrons 96 points de collecte.Après la fusion forcée, nous en aurionssix. Pour un prix de 30 % plus élevé, leservice serait diminué de 94 % sanscompter l’important éloignement duservice de déchetterie et l’arrêt du ser-vice d’enlèvement des encombrants àdomicile… »

Pour la petite enfance, le problème està l’inverse. Le centre de loisirs et lepériscolaire ne sont pas des compé-tences exercées par l’EPCI auquel lepréfet envisage de rattacher la commu-nauté de communes, alors qu’elles le

sont dans la « petite » communauté decommunes. « La fusion forcée auraitpour conséquence que chaque com-mune reprenne cette compétence,donc générerait de nouvelles dépen-ses de fonctionnement que les com-munes ne pourraient supporter qu’enaugmentant fortement leurs taxeslocales. Là encore, pour un servicemoins bon au niveau intercommunal,et plus coûteux pour les administrés »,dénonce Christophe Couchaux, chiff-res à l’appui.

Un malheur ne venant jamais seul,quatre des six communes composantla CCRCSA sont maintenant confron-tées à la menace de la suppressiond’un poste d’enseignant sur le RPI - lacharte de service public en milieurural étant notamment balayée d’unrevers de main par l’inspection acadé-mique. Nouvelle apprise par la presse,« justifiée » par un élève manquantpour entrer dans les règles établies. Unélève, dans un RPI qui en compte 78…

Mais la concertation est en marchenous dit-on. A tous les étages de l’Etat.Le sous-préfet a dit aux élus à la fin deleur dernière entrevue : « Il va falloirvous résigner ».

Mais cela faisait sans doute référenceà tout autre chose.

La météo, probablement.

N.B. : A l’heure où nous imprimons,nous venons d’apprendre que l’inspec-trice d’académie de secteur a confir-mé le maintien du poste d’enseignant.

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Manicamp, dans l’Aisne fait précisé-ment partie des communes concer-nées par la réforme des collectivitésterritoriales. Elle n’est rattachée àaucun EPCI. « Ce qui ne nous empê-che pas, sur des projets précis, de tra-vailler avec les autres communes !Une intercommunalité d’opportunité »,précise Patrick Orvane, maire deManicamp.

Seulement voilà ! « Alors que noussommes rattachables à trois EPCI, nosdifférents partenaires (Conseil Général,Pays, etc.) n’ont de cesse de nous inci-ter à rejoindre l’un de ceux-ci au pré-texte que nous appartenons au mêmecanton ou que cela permettrait de ren-forcer cette communauté de commu-nes un peu limitée en effectif ». Unehypothèse qui ne lui semble pas perti-nente. « L’EPCI auquel on voudraitnous rattacher ne correspond en rienaux habitudes de vie de la population.Nous pourrions intégrer un autreEPCI, moins rural certes, mais quinous est plus proche : c’est là que leshabitants de la commune vont faireleurs courses, travaillent, ont des acti-vités pour leurs enfants… », exposePatrick Orvane.

Pour lui, la commune a tout à perdreà rejoindre la communauté de commu-nes qui lui est « promise ». En premierlieu, l’école. « La communauté decommunes à laquelle « on » veut nousrattacher a pris la compétence scolai-re et regroupe ses écoles sur troispôles avec la bénédiction des servicesde l’Etat et au mépris des populations.Intégrer cette communauté de com-munes, c’est, dans un avenir proche,faire une croix sur l’école communa-le. Et l’on sait ce que cela signifie pourle village.

Il se trouve que nous avons une écolequi marche très bien. Petite, certes,puisqu’elle accueille 35 élèves endeux classes, mais avec des institscompétents, stables, volontaires. Deplus, nous sommes équipés en maté-riel pédagogique numérique : toutsauf une école-mouroir ». Par ailleurs,le maire imagine ce que serait la situa-tion si l’école du village fermait et queles enfants étaient scolarisés dansl’école de l’EPCI auquel la communepourrait être rattachée. « Lorsquel’Oise déborde, et que la route serainondée pendant trois semaines, lesenfants n’iront pas à l’école : lestransporteurs ont un itinéraire défini

une fois pour toutes qu’il est trèscompliqué de le faire changer ».

L’EPCI qui aurait la préférence desélus communaux n’a pas la compé-tence scolaire. La solution paraît alorssimple… comme de la concertation ?

Quoi qu’il en soit, il tire une grandeamertume de la réforme en cours.« On se bagarre beaucoup, on met enplace des choses qui fonctionnentbien au service des populations etl’Etat cherche à réduire ces initiatives, acantonné le maire en charge de l’étatcivil et aux problèmes de voisinage ».

Peut-on choisir la sauce ?Patrick Orvane, maire d’une commune hors EPCI :« Quitte à être mangés, nous aimerions autant choisir la sauce ».

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On n’a pas de pétrole, mais on a des idées

« Laetitia Casta ou Brigitte Bardot pourreprésenter la République dans ma mai-rie, non merci ! Je veux une Mariannequi porte des valeurs et une image posi-tives ! », s’emporte Gérard Mauborgne,maire de Mont-sur-Monnet, dans leJura. Il l’a trouvée, sans aller la chercherbien loin d’ailleurs, puisque sa Marian-ne est, depuis la fin du 19ème siècle dansle cimetière qui borde l’église du villagevoisin de Châtelneuf.

Sculptée par Syamour en 1884, cetteMarianne porte, pour Gérard Maubor-gne, les valeurs de sa créatrice.Désireux de la voir alors représenter laRépublique dans sa mairie qui étaitdépourvue de Marianne, il a décidéde faire reproduire son buste.« Nous avons monté en décembre uneassociation. Grâce à une subventionde l’association des maires du dépar-tement, nous avons pu scanner et

numériser le buste de Marianne réali-sé par Syamour. Cela va ensuite nouspermettre de faire réaliser des moula-ges en bronze ou en plâtre ».A l’origine, la Marianne de Syamourmesure plus d’un mètre de haut. Saréplique fera 45 centimètres, « afind’être adaptée aux proportions dessalles de mariages de nos mairies decampagne », ajoute Gérard Maubor-gne.

Un Syamour de MarianneGérard Mauborgne, maire de Mont-sur-Monnet dans le Jura a décidé de rééditer le buste deMarianne réalisé par Syamour, femme sculpteur jurassienne aux idées républicaines affirmées.

De gauche à droite : Gérard Mauborgne, maire de Mont-sur-Monnet, la Marianne de Syamour et Jean-Louis Duprez conseillermunicipal de Champagnole et trésorier de l'association des amis de la marianne de Châtelneuf.

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On n’a pas de pétrole, mais on a des idées

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Syamour,Marguerite Gagneur,

sculpteur, femme engagée, muse…Marguerite Gagneur naît à Bréry dansle Jura en 1857. Sa mère est écrivain,

son père, Wladimir Gagneur, est députédu département, très engagé auprès

des agriculteurs. Pétri de convictionsfouriéristes, il mettra au point les grands

principes des coopératives agricoles.Marguerite pour sa part sera fidèle aux

convictions familiales. Ses premièresœuvres sont des représentations de la

République, en buste ou en médaillon.Elle évolue dans des milieux engagés.

Son amant, Victor Poupin est notammentconnu pour ses positions anticléricales,

que ce soit aux côtés de Victor Hugoou de Victor Schœlcher. Il contribue

avec Jean Macé, à la créationde la ligue de l’enseignement.

Pour sa part, elle défendra toute sa vieles principes de la République, les

droits de l’homme, la laïcité,le féminisme et le pacifisme.

Enfin, elle est aussi amie avec Mucha,pour qui elle sera l’inspiratrice

et le modèle d’une lithographieintitulée « primevère »,

ainsi que pour d’autres œuvres.

Une fête pour une renaissance

Les premiers bronzes seront coulés enmars. Les premiers plâtres vont fairel’objet d’un véritable happening, puis-qu’ils seront réalisés devant le public,lors des journées des « Nobles matières »de Château-Chalon, le 20 mai prochain.« La marianne de Syamour intéressedéjà beaucoup de maires du Jura etquelques élus du Doubs, les grossesvilles comme les petites communes »,précise Gérard Mauborgne. Chaquecommande sera réalisée à la deman-de et facturée à prix coûtant.

Tout irait pour le mieux dans lemeilleur des mondes possibles si laguerre entre laïques et cléricauxn’avait pas creusé de si profonds fos-sés, qui aujourd’hui encore restentdifficiles à franchir. A tel point queGérard Mauborgne n’est pas sûr quela Marianne de Syamour pourra pren-dre place dans la salle des mariagesde la mairie de Mont-sur-Monnet. Al’annonce de ce projet, certains habi-tants de la commune ont ressorti devieilles histoires : Syamour n’avait pasdes « mœurs convenables ». UneMarianne à la mauvaise réputation ?

Placée dans lecimetière,Mariannetourne le dosà l’église…ou bien est-ceSyamourqui regarde dansla directionde la maisonde son amant,Victor Poupin,situéeà quelquescentaines demètres de là…

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Marina Eonnet est chargée de mission Qualité de gestion à la mairie de La Baule-Escoublac.Soucieuse d’améliorer l’efficacité énergétique de sa commune, Marina Eonnet

a choisi EDF Collectivités pour bénéficier d’outils performants de suivi et

de maîtrise de la consommation énergétique. EDF Collectivités l’accompagne

par ailleurs dans le choix d’équipements plus économes en énergie.

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Marina Eonnet travaille pour davantage

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