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14 Orthopédie infantile courante L orthopédie est un sujet constant de préoccupation du médecin, qui redoute à juste titre de passer à côté dune luxation de hanche ou dune ostéochondrite débutante, comme de la mère qui dénonce souvent à tort des pieds qui tournent, des jambes arquées, des pieds plats ou une colonne déviée, et réclame des semelles, une rééducation. Le médecin doit, dans cette discipline difficile, à laquelle il a souvent été peu préparé, distinguer rapidement ce qui est sérieux de ce qui ne lest pas, déceler la très discrète lésion qui deviendra grave, réduire la déformation qui inquiète à ce quelle est réellement : un banal phénomène de croissance. Car là est la clé de tous les problèmes orthopédiques : la croissance. Tout dans lenfant est en devenir, et le squelette néchappe pas à cette règle dor : selon les cas, la croissance aggravera une lésion qui semblait mineure ou corrigera une déformation qui paraissait importante. Malpositions congénitales des pieds Le pied bot varus équin est laffection congénitale du pied la plus préoccupante : le traitement en est long et difficile. Le diagnostic en est heureusement simple et il nest pas possible de passer à côté : le pied dans sa totalité est « enroulé » vers le dedans, la plante du pied regardant en dedans. Sa gravité dépend de sa réductibilité, de sa souplesse et de sa taille. Mais il est un élément déterminant de son pronostic : la rapidité de mise en route du traitement, qui doit être débuté dès la naissance. Tout atermoie- ment, toute parole rassurante du type « on verra le problème dans quelques semaines » doivent être définitivement proscrits. L enfant doit demblée être confié à une équipe orthopédique qualifiée et à un kinésithérapeute entraîné à ce type de malformation. Il en est de même du pied convexe congénital. Ces deux malformations bénéficient souvent dun diagnostic échographique anténatal. Le metatarsus varus risque de passer inaperçu si lon ny prend garde : autant le pied bot est évident, autant le metatarsus varus ne lest pas. Dans cette malposition, larrière-pied est tout à fait normal. En revanche, lavant- pied est déjeté en dedans, laxe des métatarsiens et des orteils faisant un angle de 7090 parfois avec larrière-pied : le bord externe du pied est convexe, le Guide pratique de la consultation pédiatrique Ó 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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14 Orthopédie infantilecourante

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’orthopédie est un sujet constant de préoccupation du médecin,qui redoute – à juste titre – de passer à côté d’une luxation dehanche ou d’une ostéochondrite débutante, comme de la mère quidénonce – souvent à tort – des pieds qui tournent, des jambesarquées, des pieds plats ou une colonne déviée, et réclame dessemelles, une rééducation.

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emédecin doit, dans cette discipline difficile, à laquelle il a souventété peu préparé, distinguer rapidement ce qui est sérieux de ce quine l’est pas, déceler la très discrète lésion qui deviendra grave,réduire la déformation qui inquiète à ce qu’elle est réellement : unbanal phénomène de croissance.

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ar là est la clé de tous les problèmes orthopédiques : la croissance.Tout dans l’enfant est en devenir, et le squelette n’échappe pasà cette règle d’or : selon les cas, la croissance aggravera une lésionqui semblait mineure ou corrigera une déformation qui paraissaitimportante.

Malpositions congénitales des piedsLe pied bot varus équin est l’affection congénitale du pied la pluspréoccupante : le traitement en est long et difficile. Le diagnostic en estheureusement simple et il n’est pas possible de passer à côté : le pied danssa totalité est « enroulé » vers le dedans, la plante du pied regardant endedans. Sa gravité dépend de sa réductibilité, de sa souplesse et de sa taille.Mais il est un élément déterminant de son pronostic : la rapidité de mise enroute du traitement, qui doit être débuté dès la naissance. Tout atermoie-ment, toute parole rassurante du type « on verra le problème dans quelquessemaines » doivent être définitivement proscrits. L’enfant doit d’emblée êtreconfié à une équipe orthopédique qualifiée et à un kinésithérapeute entraînéà ce type de malformation. Il en est de même du pied convexe congénital. Cesdeux malformations bénéficient souvent d’un diagnostic échographiqueanténatal.Le metatarsus varus risque de passer inaperçu si l’on n’y prend garde :

autant le pied bot est évident, autant le metatarsus varus ne l’est pas. Danscette malposition, l’arrière-pied est tout à fait normal. En revanche, l’avant-pied est déjeté en dedans, l’axe desmétatarsiens et des orteils faisant un anglede 70–90� parfois avec l’arrière-pied : le bord externe du pied est convexe, le

ide pratique de la consultation pédiatrique2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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bord interne est concave. Ce qui doit alerter d’emblée le médecin, c’est laposition du gros orteil : celui-ci apparaît plus long et plus en dedans que lereste du pied. Le traitement doit être mis en route très tôt : les manipulationsquotidiennes sont parfois efficaces dans les formes mineures au début. Mais ilest très souvent préférable de prescrire un plâtre de correction suivi du port debottillons à bouts déjetés, et ce d’autant que la déformation est importante. Lepronostic est excellent.Les autresmalpositions des pieds sont fréquentes (figure 14.1),mais de bien

meilleur pronostic : pied talus, pied talus valgus. . .

[(Figure_1)TD$FIG]

FiCltioL’éD’2 :

Règle d’or

Toute malposition des pieds impose une vérification des hanches.

gure 14.1assification des déformations congénitales des pieds selon une conception posi-nnelle intra-utérine.paisseur des flèches est proportionnelle à la fréquence de la malformation.après Wicart P et al. Dépistage des affections orthopédiques à la naissance. EMC Pédiatrie 2005 ;31-44.

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Dysplasie luxante de hancheNous avons tous appris qu’il n’y avait pas à la naissance de hanche luxée, maisseulement des hanches luxables. La cavité cotyloïdienne n’existe pas ; elle n’estdue, dans son existence comme dans son modelage, qu’à la présence et à lapression d’une tête fémorale au lieu d’élection. Que la tête appuie en bonneposition et l’articulation sera normale ; qu’elle appuie enmauvaise position et lapossibilité d’une luxation apparaîtra. Elle se constitue in utero (fin de grossesse)par contraintes mécaniques (avec une prédisposition, « posture luxante », plusoumoins génétique et féminine). Elle touche environ 8000 nouveau-nés par an.À la naissance, la luxation congénitale de la hanche (LCH) est présente ou

absente :

n

TaFa

M

G

si la hanche est normale (90–95 % des cas), elle l’est pour toujours : pas detraitement préventif ;

n

si la hanche est instable (5–10 %des cas), on doit traiter et/ou surveiller, carl’amélioration spontanée est possible après libération des contraintes.Ce dépistage est toujours d’actualité et concerne autant le pédiatre, le

généraliste et le radiologue que le chirurgien orthopédiste, afin de faire undiagnostic précis et de mettre en place le traitement adapté.

Le dépistage est clinique, aidé par l’imagerie (principalementl’échographie).

Nous connaissons les circonstances à risque, qui sont très fréquentes(tableau 14.1).

bleau 14.1cteurs de risque de luxation congénitale de la hanche

écaniques Primiparité (+) [51 % contre 40 %]Présentation siège (++) : 3–4 % des enfants avec 20 % de LCH,même s’il y a version tardiveOligoamniosGémellité (+)Gros poids de naissance (> 4 kg) [+]Malposition (+) des pieds (metatarsus adductus, pied talus), genurecurvatum, torticolisHyperlaxité (+)Bassin asymétrique congénital (++)

énétiques Antécédents familiaux : (33 %) [++]Géographie (Bretons, Auvergnats ?)Prédominance féminine (60/90 %) [++]

DépistageLe dépistage de la hanche luxable a été enseigné à des générations demédecins. Il faut d’abord apprécier l’abduction et le signe d’alerte est

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l’anomalie du « volant d’abduction », à rechercher à chaque examen lespremiers mois :

n une abduction limitée d’un côté indique une hypertonie des adducteurs ; n une amplitude maximale limitée indique une rétraction des adducteurs.Ceci doit faire rechercher l’instabilité de la hanche :

n

le signe du ressaut doit être recherché systématiquement. Malheureuse-ment, ce signe demande, pour être trouvé avec fiabilité, une longuehabitude ; il est de plus très transitoire. Ce signe que l’on met au jour parla manœuvre d’Ortolani doit être systématiquement recherché à la nais-sance et à chaque examen au cours des 3 premiers mois, et ce d’autant quel’enfant est à risque ;

n

ce signe doit être complété par un test de Barlow qui recherche le signe dupiston par un mouvement de va-et-vient d’avant en arrière de la têtefémorale.Attention ! Un craquement de la capsule lors de la recherche du signe de

ressaut n’est pas un claquement.Ainsi, on peut distinguer plusieurs situations cliniques :

n

les hanches sont normales et il n’y a pas de facteurs de risque : pas d’exa-mens complémentaires ;

n

la hanche est instable uni- ou bilatérale (hanche luxée réductible ouluxation) : appel au spécialiste ;

n

la hanche est douteuse : minime instabilité ou hanche stable, mais trouvéeinstable par un autre examinateur, ou la hanche est normale, mais il existedes facteurs de risque : surveillance et échographie des hanches à 4–6 semainesde terme corrigé.

ImagerieS’il a été préconisé il y a plusieurs années de faire une radiographie du bassin deface à tous les enfants entre 3 et 4 mois pour ne pas passer à côté d’uneluxation de hanche, cette attitude a été remise en cause lors de laconférence de consensus de 1991 (Anaes) qui a réhabilité l’importance del’examen clinique et des facteurs de risque dans le dépistage de la luxation dela hanche. Elle devrait maintenant être réservée :

n en première intention à l’enfant qui aurait échappé à un dépistage cliniquerigoureux et qui présente un facteur de risque ou un signe d’alerte s’il a plusde 4 mois ;

n

ou pour contrôler une échographie réalisée auparavant dont la conclusionétait douteuse.L’échographie, jamais systématique, doit être pratiquée entre 4 et

6 semaines en cas de :

n situation clinique douteuse ; n hanche normale à la naissance mais avec « facteur de risque » ; n minime instabilité néonatale n’ayant indiqué qu’une simple surveillance.L’échographie et la radiographie ne sont donc ni systématiques ni obliga-

toires. Certains orthopédistes considèrent cependant que c’est un facteur desécurité supplémentaire, car le dépistage clinique n’est pas infaillible, maisl’imagerie l’est-elle ?

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BoiteriesLa boiterie chez l’enfant est unmotif fréquent de consultation et le diagnostic estsouvent difficile à porter en raison de l’absence de spécificité de ce symptômetrompeur – à distinguer d’un trouble de la démarche. L’étiologie doit êtreconsidéréecommetraumatique(laplusfréquente)ouinfectieuse(laplusurgente)et, jusqu’à preuve du contraire, l’hypothèse d’une tumeur osseuse ou d’unepathologie neurologique, voire psychiatrique, devra toujours être envisagée.Trois pièges sont à éviter :

n

porter trop vite le diagnostic rassurant du rhume de hanche ; n ignorer une fracture (et il faut savoir refaire les clichés si la douleur persistequand les premiers étaient normaux) ;

n

retarder le traitement d’une infection aiguë (une boiterie fébrile est a prioriune boiterie infectieuse).

Démarche clinique et examens complémentairesL’interrogatoire est fondamental pour étudier les antécédents, les circonstancesd’apparition, en recherchant unenotionde traumatismeouuncontexte fébrile.Il faut observer l’enfant marcher à son rythme, l’objectif étant d’identifier la

boiterie et de préciser ses principaux caractères, et en particulier son origine(pieds, genoux, hanches, rachis). Il faut palper tous les os et toutes les articu-lations de l’enfant couché, et mobiliser toutes les articulations en recherchantune anomalie du tonus desmembres inférieurs ou des réflexes ostéotendineuxafin d’éliminer une pathologie neurologique.Les examens radiologiques sont orientés en fonction de l’examen clinique

mais, dans tous les cas où l’origine de la boiterie prête à discussion, il fautréaliser des clichés du bassin et des membres inférieurs dans leur intégralitéafin de pas méconnaître d’éventuelles lésions traumatiques (en particulierchez le jeune enfant).Les examens biologiques, lorsque l’hypothèse d’une lésion traumatique est

éliminée, reposent en première intention sur la numération globulaire formulesanguine et le dosage de la protéine C réactive (CRP), éventuellement unprofil protéique, afin demettre en évidence une possible étiologie infectieuse.Des hémocultures seront systématiquement effectuées en cas de fièvre.

Démarche étiologiqueDeux cas se présentent : la boiterie fébrile et la boiterie non fébrile.

Boiterie fébrileIl faut penser à une infection ostéoarticulaire jusqu’à preuve du contraire, et ced’autant plus qu’elle est apparue brutalement.L’enfant doit être d’emblée hospitalisé afin de rechercher les deux diagnostics

les plus fréquents : l’ostéomyélite aiguë et l’arthrite aiguë.

OstéomyéliteEn faveur de l’ostéomyélite, on retient l’existence d’une douleurmétaphysairele plus souvent fémorale inférieure ou tibiale supérieure, d’installation très

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brutale dans un contexte infectieux plus oumoins bruyant. Le diagnostic peutêtre rapidement confirmé par la scintigraphie osseuse qui montre une hyper-fixation localisée en regard de la lésion.

Arthrite aiguëC’est une urgence thérapeutique : la mobilisation de l’articulation est trèslimitée car extrêmement douloureuse, une ponction de l’articulations’impose en milieu chirurgical quand l’hypothèse est évoquée. Elle permetde confirmer le diagnostic, de préciser le germe en cause, de nettoyerl’articulation.Les monoarthrites inflammatoires sont rarement fébriles.

Boiterie non fébrileÀ tout âgeLe traumatisme doit être évoqué comme cause possible de boiterie maisquand l’interrogatoire, la clinique et la radiographie n’en ont pas fait lapreuve, il faut toujours demander un bilan biologique à la recherche d’unsyndrome inflammatoire afin de ne pas passer à côté d’une cause infectieuse.La radiographie du membre atteint peut aussi révéler une tumeur bénigne

(ostéome ostéoïde) ou maligne (sarcome osseux de l’extrémité inférieure dufémur ou supérieure du tibia), voire une localisation osseuse d’une hémopathiesous l’aspect de bandes claires métaphysaires.Il peut s’agir aussi d’une pathologie malformative ou congénitale, mais une

inégalité de longueur des membres inférieurs ne peut être responsable d’uneboiterie que si la différence est au moins de 3, voire de 5 cm.Certaines pathologies neurologiques peuven entraîner entre autres une boi-

terie, qu’elles soient génétiques (myopathies, amyotrophies spinales),congénitales (hémiplégie cérébrale infantile, Little) ou tumorales (rachis oumoelle épinière), avec alors une raideur du rachis.Enfin, il ne faut pas méconnaître les boiteries psychogènes, qui sont loin d’être

rares et ne sont qu’un diagnostic d’élimination dans un contexte particulier.

À l’âge de l’apprentissage de la marche (de 1 à 2 ans)La synovite aiguë transitoire n’existe pas et toute hanche douloureuse doitfaire rechercher de principe une infection ostéoarticulaire, sans oublier lesfractures du tibia fréquentes à cet âge, car l’enfant tombe souvent. Ces frac-tures en bois vert (fracture en « cheveu d’ange ») n’ont parfois aucune tra-duction radiologique initiale et l’apparition ultérieure de signes radiologiquespeut poser des problèmes diagnostiques car « l’apposition périostée, le cal dela fracture » fait parfois évoquer à tort une tumeur lorsque le traumatismeinitial est oublié ou qu’il est passé inaperçu.

Entre 3 et 10 ansIl faut penser à la synovite aiguë de hanche, ou rhume de hanche, qui survient depréférence en hiver et au printemps et plus souvent chez le garçon. La fièvreest modérée, inférieure à 38,5 �C ou absente. L’enfant présente une boiteried’apparition brutale, douloureuse (la douleur siège au pli inguinalmais parfoisau niveau du genou), souvent quelques jours après une infection banale des

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voies aériennes supérieures. L’examen clinique est normal en dehors d’unelimitation douloureuse de la rotation interne, de l’abduction et de l’extension.La radiographie du bassin est normale dans deux tiers des cas ; ailleurs, elle

révèle un gonflement capsulaire témoin d’un épanchement articulaire (lesfascias graisseux intermusculaires sont convexes, refoulés à distance du colsur cliché de face, ce signe étant parfois plus net sur le cliché de profil enavant). Mais, fait essentiel, la tête fémorale est saine. Il n’y a aucun signed’ostéochondrite primitive débutante. L’échographie a une grande valeurdiagnostique en montrant l’existence de liquide clair intra-articulaire. Lanumération globulaire formule sanguine et la CRP restent normales.Le traitement passe par la mise au repos des enfants pour éviter l’appui sur la

hanche et la prescription d’antalgique (aspirine ou paracétamol). La mise entraction peut être utile dans certaines formes hyperalgiques ou très raides.L’enfant guérit, en règle générale, en 1 semaine. Certains orthopédistespréconisent de refaire un bilan radiographique 3 mois plus tard pour éviter deméconnaître uneostéochondrite de la tête fémorale dont cet épisodedeboiteriedouloureuse étiqueté « rhumede hanche » aurait été la premièremanifestation.L’ostéochondrite de la tête fémorale (maladie de Legg-Perthes-Calvé) est, après

la synovite transitoire, l’affection de hanche la plus fréquente entre 4 et10 ans. Elle est en principe unilatérale et se voit neuf fois sur dix chez legarçon. Le diagnostic radiologique est simple devant la nécrose du noyaucéphalique de l’extrémité supérieure du fémur, qui se traduit dans un premiertemps par une densification de toute ou partie de la tête fémorale ; puis, à unstade plus tardif, le noyau d’ossification devient plus petit, plus aplati et dedensité irrégulière, parfois fragmenté. La scintigraphie et l’imagerie parrésonance magnétique (IRM) sont parfois utiles pour préciser un diagnosticdouteux. Le traitement n’est qu’orthopédique.

Après 10 ansToute douleur de la hanche chez un enfant prépubère, ayant souvent unesurcharge pondérale, peut évoquer l’éventualité d’une épiphysiolyse se tradui-sant par un glissement épiphysaire de la tête fémorale, visible sur les radio-graphies de face et deprofil dubassin,montrant la bascule progressive en bas eten arrière de la calotte céphalique. Le cliché deprofil est indispensable : négligerce diagnostic, c’est courir le risque de voir s’installer une arthrose. Le traitementest chirurgical et compte tenu de la fréquente bilatéralisation, l’attitude actuelleest souvent l’enclouage bilatéral,même si la hanche de l’autre côté paraît saine.Il ne faut pas oublier qu’à cet âge, les zones d’insertion des muscles puissants

comme le quadriceps ou les adducteurs sont fragiles et que des microtrauma-tismes répétés, comme lors d’une activité sportive intense, peuvent êtreà l’origine d’une ostéochondrose, véritable pathologie du surmenage physique.

Scolioses

Scoliose du nourrissonElle est le plus souvent découverte par la mère, qui remarque soit unedéformation de la colonne vertébrale, soit plus souvent une voussure ou

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une gibbosité, ou plus simplement s’inquiète devant une tendance à roulertoujours dans la même position. Il s’y associe fréquemment une asymétriecrânienne, voire un torticolis congénital. À l’examen clinique, il y a une cour-bure rachidienne latérale qui ne disparaît pas lorsque l’enfant est suspendu parles bras. En outre, il existe une sorte de voussure que lamise en flexion accentuesous forme de gibbosité : courbure en suspension, gibbosité en flexion, telleapparaît de façon simple la scoliose authentique du nourrisson. Toutes cesdéformations qui disparaissent par l’une ou l’autre de ces manœuvres ne sontque des attitudes, et la mère peut d’emblée être rassurée. Le doute cliniquesubsiste-t-il, la radiographie vient authentifier ou réfuter le diagnostic de sco-liose vraie. Le cliché en décubitus est sans intérêt. Le cliché essentiel est pris deface sur unenfant suspendupar les bras : lorsque, dans ces conditions, il persisteune courbure latérale correspondant à celle perçue par la clinique, la scoliosevraie peut être affirmée. La radiographie permet en outre de s’assurer del’absence d’anomalie vertébrale (hémivertèbre, par exemple).Le pronostic de cette scoliose idiopathique précoce est bon, et ce d’autant

plus qu’elle est précocement apparue : dans plus de neuf cas sur dix, elleévolue vers la guérison complète.Le traitement fait appel essentiellement à la gymnastique, dont le principe

général est de solliciter la contraction des muscles paravertébraux, à partird’une position à plat ventre. Elle est parfois associée à une coquille plâtréedans laquelle on place l’enfant pendant la nuit.

Scoliose du grand enfant et de l’adolescentLemédecin est très fréquemment sollicité pour une scoliose d’un enfant d’âgescolaire. De plus, la scoliose doit être recherchée à l’occasion de tout examensystématique.

Examen cliniqueL’examen clinique doit être parfait. Il permet de faire la distinction entre lascoliose vraie et l’attitude scoliotique. L’enfant est examiné debout,complètement nu ; on note la déviation transversale du rachis, l’asymétriede position des épaules. On demande à l’enfant de se pencher en avant. Il estensuite examiné en position couchée. Ces deux manœuvres constituent lesdeux temps essentiels de l’examen.En cas de scoliose vraie, la flexion antérieure du tronc fait apparaître une

gibbosité, un hémithorax saillant vers l’arrière ; en position couchée, la sco-liose persiste, de même que lors de l’inclinaison latérale.En cas d’attitude scoliotique, la courbure disparaît en position couchée et

dans la flexion antérieure du tronc. Il n’existe pas de gibbosité, le rachis estparfaitement souple lors de l’inclinaison latérale. L’attitude scoliotique estsouvent compensatrice d’une inégalité de longueur des membres inférieurs(ILMI) entraînant une bascule du bassin d’un côté et qui ne se compense quelorsqu’elle est supérieure à 1 cm.

Que faut-il faire ?Dans l’attitude scoliotique, il faut rassurer, montrer à la mère qu’au cours del’examen la colonne est parfaitement rectiligne en position fléchie en avant,

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déconseiller tout traitement orthopédique, proposer le sport, la gymnastiqueà l’école, affirmer que tout s’arrangera et, bien entendu, revoir l’enfant.Dans la scoliose vraie, il faut au contraire que l’enfant soit suivi en liaison

avec un orthopédiste, qui fera effectuer les clichés indispensables – radio-graphie du rachis dans sa totalité et sur le même cliché de la base du crâne aubassin complet inclus de face et profil en position debout (après correction si ILMI)– et proposera un traitement. La kinésithérapie n’a aucune efficacité dans lacorrection d’une scoliose : elle n’a d’intérêt qu’en complément du traite-ment orthopédique qui repose en général sur le port d’un corset, adaptéselon la gravité et l’évolutivité de la scoliose. Une correction chirurgicale estproposée en cas d’échec. Il s’agit dans tous les cas d’un traitement long,difficile, semé d’embûches. La scoliose essentielle de l’adolescent est uneaffection sévère.

Dos douloureux de l’enfant et de l’adolescentC’est un motif très fréquent de consultation.

Lombalgie de l’adolescentIl faut chercher l’existence de signes neurologiques, un syndrome rachidien(raideur) ou des anomalies orthopédiques des membres inférieurs : une sco-liose essentielle n’est jamais douloureuse.Si l’adolescent a un examen orthopédique et neurologique normal, une radio-

graphie du rachis lombaire face et profil suffit (si besoin complétée par une« charnière dorsolombaire) pour rechercher les quatre causes les plusfréquentes (scintigraphie, scanner, IRM sont inutiles) :

n la spondylolyse (la plus fréquente) ; n les lombalgies par ILMI ; n les anomalies malformative de L5 (beaucoup moins fréquente) ; n mais aussi et surtout les anomalies posturales de l’adolescent(e) mou, peumusclé, peu sportif, avachi, qui se plaint de douleurs anciennes,mécaniques, peu invalidantes, sans aggravation récente et apparaissantlors de circonstances peu inquiétantes : port du cartable, sport,piétinement en magasin, aux activités domestiques ou promenadesdominicales. . . Il n’y a aucune douleur violente ou nocturne ; l’examenclinique et radiologique est normal. Le traitement est surtout préventif :bonne tenue à table, au travail, devant les écrans (rôle éducatif des parentset enseignants).Si l’adolescent a un syndrome rachidien (raideur douloureuse), une scoliose (ou

attitude scoliotique) clinique et radiologique, il faut demander en priorité unescintigraphie (car on ignore où siège la lésion et si elle est osseuse) mais pasd’IRM d’emblée, en l’absence de signes neurologiques. Si la scintigraphierévèle une hyperfixation, on peut alors prescrire un scanner centré sur lalésion qui peut révéler un ostéome ostéoïde.Si l’adolescent a un syndrome rachidien et un examen orthopédique et neuro-

logique anormal (un pied creux unilatéral, par exemple), il est nécessaire deréaliser une scintigraphie (recherche d’une lésion osseuse invasive) et uneIRM (à la recherche d’une lésion neurologique expansive).

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Douleur du dos de l’enfant ou de l’adolescentQuel que soit son siège, elle demande la même démarche diagnostique, en seméfiant des pièges que peuvent induire un contexte fébrile ou un traumatismerécent. La radiologie révèle parfois des surprises (histiocytose, maladie descalcifications discales). Un rachis douloureux chez l’enfant est toujours patho-logique : tumeur osseuse, métastase vertébrale, spondylodiscite, tumeurmédullaire.

« Petits dérangements rachidiens »Ils sont évoqués devant une plainte qui peut être une simple gêne, unedoléance par mimétisme, une douleur vraie mais jamais intense, une douleurancienne sans aggravation récente ; l’examen clinique est strictement nor-mal, comme l’examen radiologique. Une cause est souvent retrouvée : mau-vaise tenue, cartable lourd, mal porté, activité sportive inadaptée,hyperlordose constitutionnelle.

Inquiétudes maternelles ou anomaliesde la démarcheSous ces termes, on regroupe une série d’anomalies (pieds qui « tournent »,pieds plats, genu valgum, arcuature des membres inférieurs, marche « sur lapointe des pieds ») qui sont des déformations banales, apparaissant puisdisparaissant au gré de la croissance. Elles méritent d’être connues,analysées afin que soient évitées les angoisses immotivées et les traitementsaussi inopportuns que coûteux. Qu’on se méfie néanmoins : une mèreinquiète est parfois meilleur observateur qu’un médecin instruit. Ces enfantsdoivent être soigneusement examinés et la radiographie de hanche est d’unetrès grande utilité ; outre qu’elle permet avec plus de certitude d’être rassu-rant, elle dépiste parfois des anomalies cliniquement insoupçonnées (dyspla-sie de hanche, ostéochondrite).Toute consultation pour un problème « orthopédique » des membres

inférieurs doit être assortie d’un bon cliché de hanches.

Pied platC’est une anomalie d’une très grande fréquence. Dans l’immense majoritédes cas, c’est un pied plat essentiel nonmalformatif qui se rencontre dès l’âgede la marche et peut persister jusqu’à 5 ou 6 ans. Ne pas passer cependantà côté d’une anomalie neurologique (infirmité motrice cérébrale [IMC]),d’une trisomie 21 ou d’un syndrome de Marfan.L’examen en est simple. Trois mesures assurent le diagnostic :

n

l’enfant déchaussé est mis debout, l’affaissement de la voûte plantaire estévident, on retrouve une saillie interne de la malléole interne, de la têteastragalienne et du scaphoïde ;

n

l’enfant examiné couché, la voûte plantaire apparaît : elle est plus oumoinsnette, plus oumoins creusée, l’important est qu’elle existe, ce qui témoignede la réductibilité de ce pied plat ;
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14. Orthopédie infantile courante 259

n

enfin, l’enfantmis debout et donnant les mains à samère, le pied se cambrelorsqu’il se met sur la pointe des pieds et le valgus calcanéen disparaît.Si les résultats de cet examen, facile à exécuter, sont probants, le diagnostic

de pied plat valgus essentiel peut et doit être porté et le médecin peut affirmerque le pronostic est excellent. L’évolution est en effet spontanément favorabledans 75 % des cas entre 4 et 5 ans, parfois plus tard (8–13 ans).

Que faut-il conseiller devant un pied plat valgusessentiel ?La mère est bien souvent venue avec la ferme intention d’obtenir une ordon-nance de chaussures spéciales ou de semelles dont on lui a vanté les bienfaits.Faut-il accéder à son désir ? Oui, à deux conditions :� la prescription doit être simple et peu onéreuse : pas de chaussures

orthopédiques lourdes et inutiles, pas de « voûtes » métalliques dures,instables et qui glissent dans la chaussure, mais une simple semelle desoutien plantaire en liège ;

� la mère doit être avertie que cette semelle est insuffisante et que sonutilisation isolée ne réussira pas à cambrer le pied plat de façondéfinitive. En aucun cas la gymnastique ne doit être abandonnée au profitde la semelle. En effet, c’est la gymnastique qui constitue l’essentiel dutraitement.

Mieux vaut ne pas prescrire de semelles si l’on a le sentiment que la mère ensera suffisamment sécurisée pour ne pas faire exécuter la gymnastique.

Le pied plat essentiel est la conséquence d’une hypotonie musculoligamen-taire excessive. Pour qu’il acquière la cambrure désirée, il faut que l’enfantmarche sur la pointe des pieds, saute à pieds joints, apprenne à ramasser desbilles avec ses orteils, coure sur la plage ou en terrain varié, pédale sur sontricycle ou plus tard sur son vélo.C’est donc toute une hygiène de vie qu’il faut obtenir afin que le

développement se fasse harmonieusement. Faute de quoi, ce pied plat peutse fixer et constituer un handicap certain (rétraction du talon d’Achille) qui nepourra être récupéré que par intervention chirurgicale vers 5–6 ans (en toutcas toujours avant 8 ans).Quelques mots suffisent pour caractériser le pied plat valgus congénital,

malformatif : il est très important, permanent, irréductible. Cette malforma-tion rare se reconnaît beaucoup plus tôt dans la vie, dès les premiers jours, lespremiers mois. C’est une affection orthopédique sévère qui, à ce titre, mérited’emblée une prise en charge par un spécialiste.

Pied creuxLe pied creux, à l’opposé, est beaucoup plus raremais plus grave. Il impose derechercher une affection neurologique (hérédodégénérescence, anomalie dela charnière lombosacrée, ou cervico occipitale). Une usure anormale deschaussures, des difficultés de chaussage et/ou de la marche, des douleurs

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plantaires sont les motifs habituels de consultation. On retrouve un varuscalcanéen,unegriffedesorteils (avecdesdurillons),uneaugmentationde l’archeinterne, déformations en règle irréductibles. Le traitement en est chirurgical.

Pieds qui « tournent »Ils sont un motif également fréquent d’inquiétude. Il faut distinguer« démarche en rotation interne » et « démarche en rotation externe ».

Démarche en rotation interneElle est le plus souvent due à la persistance d’une antétorsion fémoraleexagérée, cequi entraîneune rotation interne (parfois asymétrique) des genouxet donc du squelette jambier ainsi que des pieds à la marche. L’antétorsionfémorale à l’âge des premiers pas ne réclame aucun traitement : retournerl’enfant quand il dort sur le ventre, éviter la position assise au sol en abduc-tion-rotation interne (très prisée devant la télévision), position en W ou « TVposition », favoriser la position assise en tailleur. Cette antétorsion exagéréediminueau fil des ans,mais d’une façonvariable suivant les âges et les individus.L’évolution est donc en règle générale spontanément très favorable.Dans certains cas, cependant, la correction de cette antétorsion ne se fait

pas dans les délais « prévus ». On voit alors (à 7–8 ans en règle) l’enfant pourdes troubles morphologiques, voire fonctionnels, en rapport avec une tor-sion interne anormale du fémur, associée ou non à une torsion interne dusquelette jambier (antétorsion fémorale non compensée ou compensée parune rotation externe du squelette jambier). L’avis du spécialiste est alorssouhaitable.La démarche en rotation interne peut être liée à la seule torsion du squelette

jambier par rapport aux genoux bien axés. Cette anomalie est souvent remarquéeavant l’âge de la marche, mais peut n’être révélée qu’à ce moment. Il s’agit enfait d’une disposition anatomique normale, physiologique, dont l’évolution estspontanément favorable, mais lente. En effet, la rotation en dehors du pied, quirésulte d’une rotation du tibia sur son axe, commence dans les mois qui suiventla naissance pour se poursuivre jusqu’à 4 ou 5 ans.Quoi qu’il en soit, il est tout à fait banal qu’un enfant de 2 ou 3 ans marche

les pieds en dedans.Cette antétorsion exagérée s’intègre souvent dans un cadre plus complexe

que l’on appelle l’hypotonie musculoligamentaire physiologique de l’enfant –physiologique, car elle a spontanément tendance à disparaître en mêmetemps que l’activité physique augmente, à partir de l’âge de 6 ans. Elle associeà la démarche en rotation interne des pieds plats un discret genu recurvatumet genu valgum, une hypotonie de la paroi abdominale avec le ventre en avantet une hyperlordose lombaire avec une cyphose compensatrice.

Démarche en rotation externeCertains enfants présentent au moment des premiers pas une démarche enrotation externe de tout le membre inférieur. Ils sont volontiers obèses, hypo-toniques : cette façon de tenir debout et de démarrer la marche est parfaite-ment physiologique et disparaît en quelques mois.

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En pratique

Devant des « pieds qui tournent », tout le problème pour le médecin consisteà expliquer, à rassurer, à conseiller, comme pour les pieds plats, une hygiène devie correcte, une gymnastique simple visant à parfaire la musculature,à demander que soit évitée la station à genoux sur le tapis. La radiographie dubassin (si ellen’apas été faite à3 mois)doit être systématiqueafind’éliminerunedysplasie de hanche : normale, elle rassure les parents. Il faut surtout éviter quesoient entrepris des traitements difficiles, pénibles, coûteux, inutiles. Il estnécessairede revoir l’enfant régulièrementpour s’assurerque l’onaétéentendu.Onprescrit, commeà tout enfant normal, une ampoule de vitamine D audébutde l’hiver. Tels sont les éléments principaux de cette prise en charge.

Marche sur la « pointe des pieds » ou marche« idiopathique en équin »C’est un mode de marche relativement fréquent (10–15 % des enfants) dontle caractère génétique semble reconnu (transmission selon un mode domi-nant à expression variable).L’acquisition de la marche se fait à un âge normal.L’enfant est au repos parfaitement plantigrade, lamarche à plat sur ordre est

possible. Les jeux, l’activité, la stabilité ne sont pas perturbés. Il n’y a nifatigabilité, ni douleurs.L’examen est normal, sans anomalies musculaires ni neurologiques ; les

chevilles sont stables, la démarche semble « aérienne ». On ne retrouveaucune rétraction du triceps sural en flexion ou extension. Cela ne nécessiteaucune exploration.La disparition est spontanée entre 3 et 6 ans. Sinon peut apparaître progres-

sivement une rétraction du triceps avec gêne fonctionnelle (escalier), douleursdesmollets et de l’avant-pied, fatigue qui imposent alors un avis spécialisé pourdécider une kinésithérapie, des attelles de posture, voire une chirurgie.Lamarche en équin neuromusculaire est très différente et beaucoup plus rare,

mais grave : au repos, le pied reste en équin, la marche en plantigrade estimpossible à cause de la rétraction du triceps sural et de la spasticité. Il fautalors rechercher une IMC a minima, une maladie de Charcot-Marie ; cettedémarche se voit aussi dans certains troubles graves de la personnalité (psy-chose, autisme), mais avec flexion des genoux et des hanches.

La marche sur la pointe des pieds est certes banale, mais à surveiller sielle se prolonge au-delà des 6 ans de l’enfant.

Genu valgumIl ne sera question ici que du genu valgum du jeune enfant de 2 à 5 ans, celuique le médecin voit si souvent. Si celui-ci, bien que disgracieux, se situe à la

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limite des phénomènes physiologiques de la croissance, il en est tout autre-ment du genu valgum de l’adolescent qui, d’ailleurs, n’est pas l’aboutisse-ment du genu valgumde la petite enfance. On parle souvent de la règle des 3/6/9 : l’écart intermalléolaire est de 9 cm à 3 ans, de 6 cm à 6 ans et de 3 cmà 9 ans. Il faut s’assurer de l’absence d’anomalies de rotation des membresinférieurs.Le diagnostic est simple : lorsque l’enfant est debout et immobile, les mem-

bres inférieurs prennent la forme d’un X, les genoux se touchent et les piedssont écartés. La « déformation » est bilatérale et symétrique. À la marche, ladéformation est moins nette. En position couchée, membres inférieurs enextension, genoux au contact, on mesure l’écart entre les deux malléoles,qui peut atteindre ou même dépasser 8 cm. Cette mesure simple a l’énormeavantage de suivre de consultation en consultation l’habituelle régression dugenu valgum, puisque le pourcentage de cette anomalie, qui est de plus de30 % à 2 ans, n’est que de 5 % à 8 ans. L’examen est complété par larecherche d’une hypotonie ligamentaire du genou (hypertension, mouve-ments de latéralité) et l’appréciation d’une éventuelle surcharge pon-dérale ; les grands genu valgum supérieurs à 8 cm se recrutent très souventchez les enfants obèses.Le traitement se doit d’être simple, dumoins dans lamajorité des cas : éviter

les stations debout et les marches prolongées, demander que l’enfant joue delongs moments sur son tricycle (le tricycle est l’instrument clé du traitement dugenu valgum). Quand l’enfant doit marcher, qu’on lui mette des chaussuresantivalgus (montantes, en cuir, avec une semelle de soutien plantaire en liègerecouvert de cuir). Ainsi l’oblige-t-on à rapprocher ses pieds l’un de l’autreà l’appui. Enfin, chez l’obèse, le régime amaigrissant vient compléter letraitement.En général, ces mesures suffisent. Si l’écart intermalléolaire atteint ou

dépasse 8 cm, pour apaiser l’inquiétude maternelle, il est utile qu’un avisorthopédique soit demandé. Il sera indispensable si le genu valgum estunilatéral et asymétrique. Le spécialiste jugera de l’opportunité ou non d’ungeste chirurgical, en règle exceptionnel. L’important dans cette affaire est degarder la confiance maternelle. Au médecin, donc, de juger du crédit que lamère lui apporte, ainsi qu’au traitement proposé.

Jambes arquées ou genu varumLa plus banale des causes du genu varum est l’arcuature tibiale qui accompa-gne une torsion interne du squelette jambier dont elle partage l’excellentpronostic. C’est le cas essentiellement des jambes arquées associées à un piedvarus du nouveau-né et du petit nourrisson, qui sont liés à la position fœtale.La mieux connue, la moins discutable des causes de jambes arquées du

jeune âge est le rachitisme et ses séquelles, bien qu’il soit devenu exceptionneldans les pays développés (il existe cependant des rachitismes non carentielsvitaminorésistants). Son diagnostic est simple : outre la radiographie du bas-sin que toute anormalité des membres inférieurs impose, la radiographie desdeux membres inférieurs atteste le diagnostic. Les lésions métaphysaires en

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sont suffisamment connues pour n’être pas décrites. Mais – et c’est l’essentiel– l’arcuature des membres inférieurs est liée à une inflexion marquée du tiersinférieur du tibia.Le traitement est médical et doit le rester de bout en bout : la vitamine D

à dose adaptée aura raison du rachitisme. La bonne nature, les consultationsrégulières pour rassurer la mère, une hygiène de vie satisfaisante feront lereste.Beaucoup moins connu, beaucoup plus discuté dans son existence est le

syndrome de Blount. Peu importent sa terminologie et sa physiopathologie ;peu importe qu’on préfère parler d’arcuature essentielle des membresinférieurs. Ce sont des enfants dont les jambes sont à l’évidence arquées etparfois très arquées. Il n’y a pas de signe de rachitisme (ou du moins derachitisme évolutif) et l’arcuature, telle qu’elle apparaît sur les radiographies,intéresse à la fois fémurs et tibias dans leur totalité. Enfin, les corticales internesde ces os apparaissent plus épaisses que les corticales externes. Il existe auniveau du plateau tibial interne basculé en dedans un bec osseux métaphy-saire interne.Le pronostic dépend de la gravité de la déformation qui, dans certains cas,

nécessite un avis spécialisé. L’évolution est en règle spontanément favorable ettel enfant dont les jambes étaient arquées à 2 ans apparaîtra normal à 4 ou5 ans. Que le médecin en soit convaincu, qu’il essaie d’être convaincant, qu’ilpropose des mesures aussi simples que celles qui correspondent à toutes lesautres « inquiétudes » maternelles, qu’il recueille – s’il sent que la situation luiéchappe – l’avis du spécialiste. S’il sait bien assurer cette prise en chargeindispensable, il gagnera, car le temps et la croissance joueront pour lui.

À retenir

Faux problèmes orthopédiques� Pied bot varus équin : le pied dans sa totalité est enroulé vers le dedans, la

plante du pied regardant en dedans (traitement dès la naissance).� Luxation de hanche : diagnostic par le signe du ressaut ; par l’échographie

de hanche entre 4 et 6 semaines si doute ou facteurs de risque.� Boiteries : toute boiterie fébrile quel que soit l’âge doit faire évoquer une

pathologie infectieuse : ostéomyélite ou ostéoarthrite. Une boiterie nonfébrile doit faire évoquer :– un traumatisme (radiographie à savoir répéter si besoin) : synovite tran-

sitoire de la hanche ; douleur vive provoquant une boiterie ; mouve-ments de rotation interne, abduction, extension limités (reposet aspirine : guérison sans séquelles en 8–10 jours ; refaire le contrôleradiographique quelques semaines après) ;

– une ostéochondrite de la tête fémorale : douleur de hanche survenantsurtout chez le garçon entre 4 et 10 ans (radiographie : noyau d’ossifi-cation de la tête fémorale plus petit, plus aplati, de structure irrégulière ;traitement orthopédique long) ;

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– une épiphysiolyse : l’atteinte du cartilage de conjugaison s’observeentre 10 et 15 ans et se traduit par une boiterie douloureuse (radio-graphie des deux hanches face et profil ; enclouage des deux côtés).

� Scoliose : à rechercher à l’occasion de tout examen systématique.� Dos douloureux de l’enfant : à ne pas négliger.

Faux problèmes orthopédiques� Metatarsus varus : arrière-pied normal, avant-pied déjeté en dedans, gros

orteil plus long et plus en dedans que le reste du pied (traitement dès lanaissance).

� Pieds plats.� Pieds qui tournent.� Marche « sur la pointe des pieds ».� Genu valgum.� Jambes arquées.

Dans ces cinq derniers cas, le médecin doit :� être convaincu de la guérison avec la croissance ;� convaincre la famille de la bénignité ;� mettre en garde contre les traitements onéreux ;� préconiser gymnastique quotidienne et tricycle :� revoir l’enfant régulièrement.

Pour en savoir plus

Bourrillon A. Pédiatrie pour le praticien. 6e éd. Paris: Elsevier Masson; 2011.Carlioz H, Seringe R. Orthopédie du nouveau-né et de l’adolescent. 2e éd. Paris: Masson;

2005.