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8 Vomissement du nourrisson et de l enfant Le vomissement est un symptôme dune grande banalité chez le nourrisson, mais ses causes sont très nombreuses, allant de lerreur diététique la plus banale à la maladie métabolique la plus rare, et couvrant par là même une gamme très étendue de la pathologie pédiatrique, sans oublier le forcing alimentaire. Le diagnostic est le plus souvent clinique. Définition Le vomissement est un rejet actif du contenu gastrique ou intestinal par la bouche, cest-à-dire quil saccompagne de contractions musculaires abdominales. Il importe donc de le différencier : n des régurgitations, qui sont des remontées passives par la bouche de petites quantités de lait ou de liquide gastrique, accompagnant parfois léructation physiologique chez le petit nourrisson ; n du mérycisme : remontée volontaire ou automatique daliments dans la bouche (rumination), symptôme rare, conséquence dun trouble grave du comportement. Principales causes chez le nourrisson Elles sont classées en cinq catégories un peu arbitraires, auxquelles on peut faire référence facilement. Cependant, il faut toujours garder à lesprit que lapparition de vomissements « aigus » est souvent synonyme durgences chirurgicales ou médicales (infectieuses) à côté desquelles il ne faut pas passer. Les vomissements « chroniques » ou « répétitifs » posent certes parfois des problèmes diagnostiques, mais moins dans lurgence. Vomissements infectieux Tout nourrisson infecté peut vomir : le vomissement est certainement un des maîtres symptômes de linfection... quand il nest pas le seul. Il peut sagir dune infection entérale banale : le vomissement peut précéder la diarrhée de plusieurs heures. L abdomen est souvent distendu, parfois Guide pratique de la consultation pédiatrique Ó 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

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8 Vomissementdu nourrissonet de l’enfant

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e vomissement est un symptôme d’une grande banalité chez lenourrisson, mais ses causes sont très nombreuses, allant de l’erreurdiététique la plus banale à la maladie métabolique la plus rare, etcouvrant par là même une gamme très étendue de la pathologiepédiatrique, sans oublier le forcing alimentaire.

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e diagnostic est le plus souvent clinique.

DéfinitionLe vomissement est un rejet actif du contenu gastrique ou intestinal par labouche, c’est-à-dire qu’il s’accompagne de contractions musculairesabdominales.Il importe donc de le différencier :

n

des régurgitations, qui sont des remontées passives par la bouche de petitesquantités de lait ou de liquide gastrique, accompagnant parfois l’éructationphysiologique chez le petit nourrisson ;

n

du mérycisme : remontée volontaire ou automatique d’aliments dans labouche (rumination), symptôme rare, conséquence d’un trouble grave ducomportement.

Principales causes chez le nourrissonElles sont classées en cinq catégories un peu arbitraires, auxquelles on peutfaire référence facilement. Cependant, il faut toujours garder à l’esprit quel’apparition de vomissements « aigus » est souvent synonyme d’urgenceschirurgicales oumédicales (infectieuses) à côté desquelles il ne faut pas passer.Les vomissements « chroniques » ou « répétitifs » posent certes parfois desproblèmes diagnostiques, mais moins dans l’urgence.

Vomissements infectieuxTout nourrisson infecté peut vomir : le vomissement est certainement un desmaîtres symptômes de l’infection. . . quand il n’est pas le seul.Il peut s’agir d’une infection entérale banale : le vomissement peut précéder

la diarrhée de plusieurs heures. L’abdomen est souvent distendu, parfois

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gargouillant. En règle générale, le vomissement a tendance à diminuer, voireà disparaître dès que la diarrhée débute.Il s’agit plus souvent d’une infection parentérale. Le réflexe de tout médecin

devant un nourrisson fébrile qui vomit doit être le suivant : « Attention, il peutavoir une méningite. » Devant toute suspicion, toute arrière-pensée deméningite, le doute doit être levé par une ponction lombaire effectuée enmilieu hospitalier.Dans la majorité des cas, il s’agit d’une infection heureusement plus banale

(rhinopharyngite, otite) ou d’une infection urinaire, celle-ci pouvant d’ailleurs setraduire par des vomissements isolés, sans fièvre. Dans ces infections urinairesd’allure torpide, les vomissements sont volontiers associés à un refus de boireet à un fléchissement de la courbe de poids : tout nourrisson vomisseur qui esten même temps anorexique est a priori suspect d’infection.

Urgences chirurgicalesOcclusionsElles s’accompagnent toujours de vomissements. La brutalité du début et larépétition du vomissement peuvent y faire penser. Ce sont en fait les signesd’accompagnement qui orientent le médecin : vomissement verdâtre desocclusions hautes à ventre plat (comme dans lemésentère commun responsabled’un volvulus du grêle), ballonnement et tympanisme abdominal des occlu-sions basses, répétitions de crises douloureuses abdominales au cours del’invagination. Le doute existe-t-il ? Il doit être levé sans attendre par uneradiographie d’abdomen sans préparation et surtout par une échographieabdominale.

Hernie étrangléeElle est d’un diagnostic aisé, pourvu que les orifices herniaires soientsystématiquement palpés.

Appendicite aiguëElle est rare chez le nourrisson. Il faut savoir qu’elle se traduit volontiers par untableau d’occlusion fébrile et que les signes locaux sont plus souvent localisésdans la région périombilicale que dans la fosse iliaque.

AutresLa torsion du testicule chez le garçon ou d’annexe chez la petite fille.

Anomalies organiques du tube digestifElles sont essentiellement constituées par le reflux gastro-œsophagien (RGO)et la sténose du pylore.

Reflux gastro-œsophagienC’est une des grandes causes de vomissements. Ils apparaissent dès les pre-miers jours de la vie, sont irréguliers dans leur survenue et leur abondance.Il arrive que la symptomatologie soit plus évocatrice lorsque les vomissements

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sont sanglants ou lorsque le nourrisson semble souffrir pendant ou après lesrepas : ces deux signes traduisent l’œsophagite.Il est toujours difficile, devant cet enfant qui « vomit facilement », de faire la

part entre :

n un RGO pathologique et ses complications bien connues :� digestives, comme l’œsophagite (avec mauvaise croissance pondérale) ;� extradigestives (discutées et discutables ?) : manifestations pulmonairesà type de toux spasmodique à prédominance nocturne, de bronchites oupneumopathies à répétition, voire d’asthme, ou ORL (sinusites, otites,rhinopharyngites, voire laryngites) ;

� redoutables, comme lesmalaises graves du nourrisson à type de cyanose,d’apnée ou d’hypotonie.

n

un RGO physiologique, apanage du « cracheur heureux » tonique, jovial, enexcellent état général, s’alimentant sans aucun problème mais qui crachesans horaire particulier par rapport aux repas, surtout quand il est éveillé. Ildisparaît en général vers 8 à 9 mois.Comment peut-on s’en assurer ?

n

Par la fibroscopieœsophagienne ? Si cet examen est fort utile pour détecteret surveiller uneœsophagite suspectée cliniquement, il est hors de questionde le généraliser à tous les vomisseurs.

n

Le test diagnostique le plus spécifique du RGO repose sur la pH-métrieœsophagienne. Cette technique simple est cependant loin d’être réalisablepartout, et surtoutn’ad’intérêtqu’encasdesuspiciondeRGOchezunenfantsans régurgitation avec des symptômes extradigestifs. Lorsque le diagnosticde RGO est cliniquement évident, la pH-métrie n’est pas nécessaire.

n

Beaucoup plus simplement, l’épreuve du traitement constitue la meilleureattitude.Le traitement consiste en :

n

des mesures diététiques : l’épaississement des repas, très facile actuellementgrâce aux laits pré-épaissis dits AR (antirégurgitations), qui existent en pre-mier et deuxième âge. L’épaississement du lait est très efficace sur lesrégurgitations, mais pas sur l’index de reflux acide. Il faut bien sûr, et pourbien d’autres raisons, supprimer l’environnement tabagique et éviter toutecause de compression abdominale ;

n

des mesures médicamenteuses :� les pansements œsophagiens ou protecteurs de la muqueuse, dont ilexiste de nombreux types (Topaal�, Polysilane�, Gaviscon�. . .),à administrer après le repas ;

� parmi les prokinétiques disponibles et étudiés, la dompéridone(Motilium�) n’a pas prouvé son efficacité (et pourtant il est prescrit !) ;le métoclopramide (Primpéran�) serait plus efficace, mais ses effetsindésirables potentiels doivent faire envisager le rapport bénéfice/risqueavant sa prescription. Il devrait être prochainement retiré, comme l’a étéle cisapride (Prepulsid�), qui était le plus efficace (surtout le mieuxétudié). Bref, à l’heure actuelle, on se trouve confronté à une absencede thérapeutique prokinétique satisfaisante, c’est pourquoi on se reportede plus en plus sur les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) ;

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� parmi les antisécrétoires, la cimétidine a l’autorisation de mise sur lemarché (AMM) dans l’œsophagite à tout âge, l’oméprazole pourl’œsophagite des plus de 1 an alors que l’ésoméprazole l’a pourl’œsophagite et le RGO ; l’indication des IPP est indispensable en casd’œsophagite érosive. On ne devrait les prescrire qu’après fibroscopieou pH-métrie, mais leur simplicité d’utilisation permet de le faire depremière intention. La durée du traitement doit être de 2–3 mois.

Les mesures posturales ne peuvent être préconisées, car les deux seulesefficaces sont la position ventrale et le décubitus latéral, associés à un risqueaccru de mort subite inexpliquée.Le traitement doit être longtemps poursuivi même si, comme c’est habituel,

les vomissements disparaissent dès que l’alimentation est plus épaisse (lesvomissements disparaissent, mais le reflux persiste). Il faut toutefois être atten-tif à ne pas traiter par excès les reflux physiologiques.

Sténose du pyloreElle a une sémiologie suffisamment riche et caractéristique pour que le diag-nostic puisse être fortement suspecté cliniquement.C’est après un intervalle libre de 15 jours à 6 semaines que surviennent les

vomissements : vomissements abondants, en jet, survenant peu de tempsaprès le biberon. Il s’y associe une constipation, et le retentissement sur lacourbe de poids est immédiat : celle-ci présente une cassure nette.

Sténose du pyloreSignes permettant de faire cliniquement le diagnostic de sténose du pylorechez un nourrisson vomisseur :� intervalle libre ;� cassure de la courbe de poids ;� constipation ;� nourrisson affamé ;� ondulations péristaltiques.

Examen cliniqueL’examen clinique apporte deux éléments d’importance primordiale : ils’agit d’un nourrisson vif, tonique, affamé, qui se jette sur le biberon (ilfaut le faire boire devant soi). L’étude attentive de l’abdomen après cebiberon permet de voir des ondulations péristaltiques se déplaçant lente-ment de gauche à droite dans la région épigastrique traversant la lignemédiane. Leur recherche requiert de la patience ; on peut solliciter leurapparition par quelques chiquenaudes dans le flanc gauche. Leur valeur esttelle que certains chirurgiens acceptent d’opérer sans examen radiolo-gique les enfants qui présentent un tableau clinique complet avec desondulations péristaltiques : dans ces cas, le diagnostic ne souffre pas dediscussion.

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Quelques pièges à soulignerL’intervalle libre est trop souvent considéré comme suffisant au diagnostic :il est certes nécessaire, mais il ne faut pas oublier que tout nourrisson infectéest un vomisseur et que l’infection peut débuter à tout âge. La sémiologie de lasténose comporte d’autres termes tout aussi importants.Chez les enfants qui, par RGO, vomissent depuis la naissance, la notion

d’intervalle libre peut passer inaperçue, pour peu que la mère ne signale pasl’augmentation des vomissements. On conçoit que l’examen attentif de lacourbe de poids soit indispensable : la cassure de la courbe nemanque jamais.L’enfant est parfois présenté comme anorexique : « Il ne finit pas ses

biberons. . . » Qu’on le fasse boire et l’on s’aperçoit que ce prétendu anore-xique est un affamé qui se jette sur le biberon, en boit rapidement unepartie. . .mais s’arrête avant la fin (car son estomac est plein). Rien à voir avecl’enfant infecté qui tète mal et boit lentement.

Échographie abdominaleRévélant l’hypertrophie du pylore, elle a maintenant largement supplanté laradiologie par sa fiabilité et sa rapidité.

TraitementC’est la pylorotomie extramuqueuse. Toute tentative de traitement médical està proscrire, tant elle comporte de dangers. C’est une chirurgie simple qui doitêtre faite sans précipitation, l’essentiel étant de confier l’enfant à un chirurgienentraîné à ce type d’intervention.

Autres anomalies organiquesElles ne méritent qu’une simple mention, au même titre que la sténoseduodénale et la plicature gastrique :

n les anomalies de rotation (mésentère commun) peuvent provoquer desépisodes occlusifs à répétition ;

n

la sténose duodénale donne un tableau d’occlusion néonataleà vomissement vert et à ventre plat. Son diagnostic est assuré par la radio-graphie d’abdomen sans préparation ;

n

la plicature gastrique est-elle responsable de vomissements ? Probablementpas, à moins qu’il n’existe un RGO associé.

Problèmes diététiques : le forcingIl est classique de dire que la sous-alimentation, comme la suralimentation,sont génératrices de vomissements, et il est de rigueur de vérifier par l’inter-rogatoire qu’il n’y a pas d’erreur de régime. Ces erreurs, lorsqu’elles existent,sont très grossières, souvent faites par une mère bien intentionnée, maisinexpérimentée : repas trop fréquents, trop abondants, erreurs dans lapréparation des biberons (notamment dans la dilution du lait). Toutes ceserreurs ne sont jamais signalées par la mère qui en ignore l’importance. Mais,dans ce domaine, la cause la plus fréquente de vomissement est le forcingalimentaire qui va de pair avec une anxiété maternelle excessive, une certainerigidité, toute l’affectivité de la mère s’exerçant dans le domaine alimentaire.

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Le vomissement est dans ce cas un mode réactionnel tout à fait banal dunourrisson qu’on veut forcer. Il n’a rien à voir avec le mérycisme,une régurgitation avec rumination alimentaire qui correspond à un troublepsychologique plus profond.

Causes raresInsuffisance cardiaqueElle a parfois pour première traduction un refus de boire et des vomissements.Une pâleur, une polypnée, une tachycardie, une hépatomégalie en sont lessignes toujours présents.

Néphropathies sévèresElles s’accompagnent volontiers de vomissements et d’anorexie, souventaussi de polyuropolydipsie, de constipation. En cas de vomissementsinexpliqués, quelques examens simples – dosages de l’urée sanguine, de lacréatininémie, ionogramme sanguin – en feront la preuve ; ils sontà compléter par un dosage de la calcémie, car l’hypercalcémie donne untableau voisin.

Hématome sous- ou extradural post-traumatiqueIl est à l’origine de vomissements. L’association à une tension de la fontanelle,à une augmentation du périmètre crânien, surtout à des signes neurologiques(convulsions notamment), est un élément important de la discussion, mais ilest d’autres causes d’hypertension intracrânienne.

Vomissements iatrogènesDe très nombreux médicaments sont susceptibles de faire vomir. Parfois, ils’agit d’une simple intolérance digestive qui apparaît dès la prise dumédicament, même donné à dose correcte. Ailleurs, c’est lorsque la dosetoxique est atteinte ou dépassée : c’est le cas notamment, parmi lesmédicaments courants, de la vitamine D, de la théophylline, de l’aspirine,de la digitaline.

Allergie aux protéines du lait de vacheL’allergie aux protéines du lait de vache (APLV) peut se manifester par desvomissements isolés ou accompagnés de manifestations aiguës (éruptionurticarienne, diarrhée, signes respiratoires, voire choc anaphylactique) oude manifestations chroniques (cassure pondérale, diarrhée chronique, anore-xie, douleurs, rectorragies par colites hémorragique) [voir le chapitre 6].

Maladies métaboliques et endocriniennesElles peuvent avoir pour première traduction des vomissements.

Hyperplasie congénitale des surrénalesElle se manifeste dès les premières semaines de la vie par des vomissementsqui, en raison de l’intervalle libre qui les sépare de la naissance, peuvent prêterà confusion avec une sténose du pylore. Le diagnostic en est aisé chez la fille,

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en raison de lamasculinisation des organes génitaux externes. Chez le garçon,ce diagnostic est beaucoup plus difficile en l’absence de notion familiale. Ilrepose sur le syndrome de perte de sel urinaire (ionogramme urinaire), lesdosages de la 17-OH-progestérone, de l’androstènedione, ou du sulfate deDHA (acide docosahexaénoïque), de la testostérone plasmatique.

Galactosémie congénitaleElle se traduit par des vomissements, un ictère précoce et prolongé, laprésence de sucres réducteurs dans l’urine.

Intolérance au fructoseElle peut se traduire (en dehors de la rarissime insuffisance hépatocellulairenéonatale) par des vomissements succédant immédiatement à un repascontenant du fructose (c’est-à-dire, en pratique, à un repas sucré au saccha-rose). Les laits artificiels usuels ne contiennent pas de fructose, ce qui n’est pasle cas de nombreux sirops.

AutresCe sont les anomalies du métabolisme des acides aminés, les déficits de lacétolyse et les anomalies de l’oxydation des acides gras. Penser donc à doserentre autres l’ammoniémie devant des vomissements à répétition, surtout s’ilss’associent à des troubles de la conscience.

Chez l’enfant plus grandCauses organiquesLes causes organiques sont moins fréquentes. Il convient cependantd’éliminer une hypertension intracrânienne liée à une tumeur cérébrale (fossepostérieure) ou à un RGO.

Syndrome des vomissements cycliquesC’est une entité bien particulière et bien mystérieuse dont les critères dediagnostic ont été établis dans une conférence de consensus en 1994à Londres. Ce syndrome est caractérisé par des critères essentiels qui sontl’existence d’épisodes de vomissements récurrents, sévères et intermittents,entrecoupés d’intervalles libres où la santé est strictement normale et de duréevariable.La durée des épisodes de vomissements peut aller de plusieurs heures

à plusieurs jours et il n’y a aucune cause apparente à ces vomissements(négativité des différentes explorations, qu’il s’agisse d’examens biologiques,radiographiques ou endoscopiques) ; les critères secondaires concernent leschéma évolutif, car l’épisode de vomissements est très souvent stéréotypé entermes d’heure de début, d’intensité, de durée, de fréquence et desymptômes associés chez le même individu. Par ailleurs, l’épisode de vomis-sements a une résolution spontanée, même en l’absence de traitement ;nausées, douleurs abdominales, céphalées, mal des transports, photophobie,léthargie sont souvent associés aux vomissements, ainsi que fièvre, pâleur,diarrhée, hypersialorrhée, voire retrait social.

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Ce syndrome toucherait près de 2 % des enfants d’âge scolaire, plus sou-vent les filles (55 % des cas) que les garçons. Les premiers symptômes appa-raissent en règle après 5 ans.Ces vomissements cycliques sont idiopathiquesdans88 %des cas, et alors très

souventassociésàunemigraine. Il imported’explorer soigneusementcesenfantsafin d’éliminer des pathologies organiques présentes dans environ12 %des cas,qu’il s’agissed’anomalies gastro-intestinales ouextra-intestinales, neurologiques,métaboliques, endocriniennes, urologiques ou ORL. En réalité, le syndrome desvomissements cycliques et la migraine abdominale présentent beaucoup desimilarités, et beaucoup d’enfants ayant des vomissements cycliques évoluentvers une symptomatologie de migraine classique. D’ailleurs, des antécédentsfamiliaux de migraine sont beaucoup plus souvent retrouvés chez les enfantsprésentant des vomissements cycliques que dans la population générale.Le traitement de l’épisode, quand il est installé, est souvent décevant et

nécessite parfois l’hospitalisation pour réhydratation parentérale. La pré-vention repose, si l’enfant reconnaît les prodromes des épisodes, sur laprescription d’un antiémétique per os, d’un antalgique en cas de douleursabdominales et de lorazépam pour supprimer nausées et anxiété. Lespatients dont les épisodes sont fréquents peuvent bénéficier d’un traitementprophylactique. Le propanolol et l’amitriptyline ont été essayés avec desrésultats, mais non validés.Devant ce syndrome qui présente tant de similarités avec les migraines et

dont le traitement s’apparente au traitement antimigraineux, il est importantde ne pas passer à côté d’une pathologie digestive ou neurologique, maisaussi de ne pas psychiatriser la situation devant la normalité des examenscomplémentaires et les troubles du comportement que l’enfant peutprésenter durant les accès.

Manifestations psychologiquesEnfin, des vomissements « chroniques » peuvent être un symptôme révélateurd’un conflit parent–enfant et le témoin demanifestations psychologiques oudephénomènes de conversion somatique. Ce diagnostic ne doit cependant êtreretenu qu’après avoir éliminé formellement une cause organique.

Conduite de l’examenLa longue énumération de ces causes ne doit cependant pas effrayer, d’autantque beaucoup d’entre elles sont tout à fait rares. L’interrogatoire, l’examenclinique permettent presque toujours de cerner le problème.

Il faut toujours penser à : la méningite, l’occlusion, la hernie étranglée.

InterrogatoireL’interrogatoire, à lui seul, fournit de précieux renseignements. Il doit êtreconduit dans le calme et la rigueur.

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Quand ont commencé les vomissements ? Quel jour, et à quelle heure ?Sont-ils plus anciens ? Quels sont leur abondance, leurs horaires par rapportaux repas ? Quel est leur aspect : blancs, verts ou teintés de sang ? Quel estleur caractère : en jet, ou au contraire simple écoulement le long des commis-sures labiales ?Quels sont les signes d’accompagnement :

n

digestifs : diarrhée, constipation, soif vive ou anorexie ? n extradigestifs : fièvre, convulsions. . . ?Quelle est l’allure générale de la courbe de poids ? Le carnet de santé est

à analyser avec soin.Quel est le régime habituel de l’enfant ? Comment sont préparés les repas,

comment se déroulent-ils ? Le force-t-on à boire ?Quels sont les médicaments récemment ou régulièrement pris ? Y a-t-il eu

un traumatisme crânien récent ?

Examen cliniqueL’examen clinique est simple :

n l’aspect général est noté avec soin : vif, tonique, criant vigoureusement, ouau contraire gris, triste, geignard, douloureux ;

n

l’examen de l’abdomen :� note l’existence d’un ventre plat ou au contraire ballonné ;� vérifie les orifices herniaires ;� recherche une hépatomégalie ;

n

il est complété par un examen complet, sans omettre l’auscultation car-diaque, la mesure du périmètre crânien ;

n

enfin, on termine cet examen en faisant boire l’enfant devant soi, seulemanière de se rendre compte objectivement de la façon dont il boit, ce quiest aussi le prélude à toute recherche correcte d’ondulations péristaltiques.

Le diagnostic étiologique des vomissements revient d’abord à laclinique : il nécessite interrogatoire, examen clinique, réflexion. . . Lesexamens complémentaires ne viennent qu’en deuxième intention.

Au terme de cet examen, le regroupement des symptômes permet très habi-tuellement de faire entrer lemalade dans un des cadres précédemment décritset de prendre alors lesmesures appropriées pour étayer le diagnostic ou traiterl’enfant, l’essentiel étant dans l’instant de ne pas passer à côté de l’urgence. S’ils’agit à l’évidence d’un symptôme qui ne requiert pas d’interventionthérapeutique immédiate, on a tout le temps pour demander – en fonctiondes orientations cliniques – les quelques examens complémentaires (notam-ment radiologiques) souhaitables.C’est seulement après avoir passé en revue l’ensemble de ces causes, après

avoir vérifié qu’il n’y a pas d’erreur grossière dans la conduite de l’alimentation,que peuvent être demandés, le cas échéant, les examens complémentairesdestinés à étayer le diagnostic. Mais il ne peut pas être reproché au médecin

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qui a fait un examen correct d’être passé, à l’occasion de la première consul-tation, à côté du syndrome rare ne présentant pas le caractère inquiétant d’unegrande urgence.

À retenir

On peut ainsi résumer la démarche intellectuelle du médecin devant unnourrisson vomisseur :� une hantise : l’urgence chirurgicale ou médicale ;� une préoccupation majeure : l’infection ;� des arrière-pensées : les syndromes rares.

Y a-t-il un traitement symptomatique ?Trop souvent, le nourrisson vomisseur est mis sous traitement antivomitif.Cette mesure est dans la plupart des cas inopérante. Le vomissement est unsymptôme dont il faut essayer de trouver la cause afin de la traiter. Il nedisparaîtra qu’avec la suppression de celle-ci. Si les médicaments antivomitifspeuvent être un appoint thérapeutique dans les RGO, leur rôle reste pratique-ment nul dans les autres circonstances. Des boissons gazeuses et sucrées(comme le Coca-Cola�) données en petites quantités glacées peuvent aiderà surmonter l’intolérance gastrique d’une gastroentérite débutante.

Le traitement du vomissement est celui de sa cause, la découvertediagnostique se fait presque toujours au terme d’un bon examenclinique et d’une réflexion médicale solide.

Pour en savoir plus

Bourrillon A. Pédiatrie pour le praticien. 6e éd. Paris: Elsevier Masson; 2011.Collectif. Diagnostic et traitement du reflux gastro-œsophagien. Congrès de la Société

française de pédiatrie, Lille, juin 2004. Médecine et enfance 2004;24(7):409–13.Navarro J, Schmitz J. Gastroentérologie pédiatrique. 2e éd. Paris: Flammarion Médecine-

Sciences; 2000.