3 Cours Diago

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Universit´ e Montpellier II ULMA 304 – Bio-Maths 2 (2006-2007) Cours : Diagonalisation des matrices carr´ ees et applications Philippe Castillon, Marc Herzlich 1 N.B. Dans ce chapitre, toutes les matrices sont des matrices carr´ ees. 1. Changements de rep` eres et matrices inversibles En suivant l’exp´ erience acquise lors du chapitre pr´ ec´ edent, nous savons que si on remplace le vecteur des inconnues X dans un syst` eme lin´ eaire par un nouveau vecteur Z tel que z 1 = u 11 x 1 + ··· + u 1n x n , . . . z n = u n1 x 1 + ··· + u nn x n , ` a l’aide de coefficients u ij , alors on peut ´ ecrire Z = U X. De plus, une fois Z etermin´ e, on ne pourra retrouver X en fonction de Z que si U est inversible. Dans ce cas, on aura alors X = U -1 Z . Cette proc´ edure peut ˆ etre r´ einterpr´ et´ ee d’une mani` ere g´ eom´ etrique de la fa¸ con suivante. Les valeurs de x 1 , ... x n peuvent ˆ etre vues comme les coordonn´ ees d’un point de R n , l’espace ` a n dimensions. Ainsi, R 2 est le plan, ` a 2 dimensions, et R 3 est l’espace, ` a 3 dimensions... (nous travaillerons souvent avec n = 2 ou n = 3, ne serait-ce que pour visualiser ais´ ement ce dont nous parlons). Ces coordonn´ ees sont exprim´ ees en r´ ef´ erence ` a un rep` ere (appel´ e aussi rep` ere cart´ esien ou encore base ) form´ e des n vecteurs e 1 = 1 0 . . . 0 , ··· , e n = 0 0 . . . 1 . Par exemple, en dimension n = 2, il s’agit du rep` ere orthonorm´ e “usuel” du plan. De mˆ eme, dans l’espace, il s’agit encore une fois du rep` ere usuel... On peut n´ eanmoins imaginer changer de rep` ere de r´ ef´ erence, et prendre, par exemple, un nouveau rep` ere form´ e des vecteurs u 1 = u 11 u 21 . . . u n1 , ··· , u n = u 1n u 2n . . . u nn . Par exemple, en dimension 2 (dans le plan), on peut choisir le nouveau rep` ere u 1 = 1 1 , u 2 = -2 1 , qui est repr´ esent´ e sur la page suivante. 1 epartement de Math´ ematiques, CC 051, Universit´ e Montpellier II, Pl. Eug` ene Bataillon, 34095 Montpellier cedex 5. M` el : [email protected], [email protected] 1

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  • Universite Montpellier II

    ULMA 304 Bio-Maths 2 (2006-2007)

    Cours : Diagonalisation des matrices carrees et applications

    Philippe Castillon, Marc Herzlich 1

    N.B. Dans ce chapitre, toutes les matrices sont des matrices carrees.

    1. Changements de repe`res et matrices inversibles

    En suivant lexperience acquise lors du chapitre precedent, nous savons que si on remplace le vecteurdes inconnues X dans un syste`me lineaire par un nouveau vecteur Z tel que

    z1 = u11x1 + + u1nxn,

    ...

    zn = un1x1 + + unnxn,

    a` laide de coefficients uij , alors on peut ecrire

    Z = U X.

    De plus, une fois Z determine, on ne pourra retrouver X en fonction de Z que si U est inversible. Dansce cas, on aura alors X = U1Z. Cette procedure peut etre reinterpretee dune manie`re geometrique dela facon suivante.

    Les valeurs de x1, ... xn peuvent etre vues comme les coordonnees dun point de Rn, lespace a` n

    dimensions. Ainsi, R2 est le plan, a` 2 dimensions, et R3 est lespace, a` 3 dimensions... (nous travailleronssouvent avec n = 2 ou n = 3, ne serait-ce que pour visualiser aisement ce dont nous parlons). Cescoordonnees sont exprimees en reference a` un repe`re (appele aussi repe`re cartesien ou encore base) formedes n vecteurs

    e1=

    10...0

    , ,

    en=

    00...1

    .

    Par exemple, en dimension n = 2, il sagit du repe`re orthonorme usuel du plan. De meme, danslespace, il sagit encore une fois du repe`re usuel...

    On peut neanmoins imaginer changer de repe`re de reference, et prendre, par exemple, un nouveaurepe`re forme des vecteurs

    u1 =

    u11u21...

    un1

    , ,

    un =

    u1nu2n...

    unn

    .

    Par exemple, en dimension 2 (dans le plan), on peut choisir le nouveau repe`re

    u1=

    (11

    ),

    u2=

    (21

    ),

    qui est represente sur la page suivante.

    1Departement de Mathematiques, CC 051, Universite Montpellier II, Pl. Euge`ne Bataillon, 34095 Montpellier cedex 5.Me`l : [email protected], [email protected]

    1

  • 2Un nouveau repe`re dans le plan.

    x

    y

    Il est clair que tout point du plan a des coordonnees par rapport a` ce nouveau repe`re, et qui peuvent etrecalculees. Systematisons maintenant un peu : un point p de Rn qui a pour coordonnees

    Z =

    z1z2...

    zn

    dans un nouveau repe`re forme des vecteurs (

    u1, . . . ,

    un) definis precedemment est donc obtenu comme

    op = z1

    u1 + + zn

    un .

    Comme les coordonnees de (

    u1, . . . ,

    un) sont elles-memes connues, on en deduit que les coordonnees(notons les x1, . . . , xn) de p dans le repe`re usuel ne sont autres que

    X =

    x1x2...

    xn

    =

    z1u11 + z2u12 + + znu1nz1u21 + z2u22 + + znu2n

    ...z1un1 + z2un2 + + znunn

    = UZ

    ou` U est la matrice

    U =

    u11 u12 u1nu21 u22 u2n...

    ...un1 un2 unn

    .

    On enonce alors les resultats fondamentaux suivants, qui ne seront pas demontres :

    Theore`me 1. Soit (

    u1, . . . ,

    un) une famille de n vecteurs de Rn. Cette famille forme un (nouveau) repe`re

    de coordonnees, ou base de Rn, si et seulement si la matrice U formee des coordonnees des vecteurs

    uidans le repe`re usuel est une matrice inversible. Inversement, toute matrice inversible U est la matricedes coordonnees dune (nouvelle) base de Rn ; les coordonnees usuelles des nouveaux vecteurs de basesont exactement donnees par les colonnes de U .

    Theore`me 2. Soit (

    u1, . . . ,

    un) une (nouvelle) base de Rn, et soit p un point de Rn. Si les coordonnees

    de p dans la base usuelle sont donnees par le vecteur X, alors les coordonnees de p dans la nouvelle basesont donnees par Z = U1X.

    Inversement, si les coordonnees de p dans la nouvelle base sont donnees par un vecteur Z alors lescoordonnees de p dans la base usuelle sont donnees par X = UZ.

    Remarque 1. La matrice U et son inverse U1 sont appelees matrices de changment de bases, ou encorematrices de passage. Il est tre`s important de bien veiller a` utiliser la bonne matrice au bon moment,afin de ne pas confondre le passage des coordonnees usuelles aux nouvelles coordonnees, et vice-versa.

  • 32. Digression : applications lineaires

    Nous venons de voir que toute matrice inversible peut etre vue comme un changement de base. Maisil existe encore une autre facon de voir toutes les matrices (pas seulement les inversibles).

    Definition 1. Une application lineaire est une application de Rn dans Rn de la forme suivante dans lescoordonnees usuelles :

    x1...

    xn

    7

    t1...tn

    =

    a11x1 + + a1nxn...

    an1x1 + + annxn

    .

    Autrement dit, se donner une application lineaire est la meme chose que se donner un syste`me decoordonnees (ici le syste`me usuel) et une matrice A ; on note alors fA lapplication lineaire associee.Etant donnee cette dernie`re, limage par lapplication dun point p de Rn de coordonnees usuelles X estle point dont les coordonnees usuelles sont le resultat de la multiplication AX .

    Changeons maintenant de base et prenons une nouvelle base dont la matrice de passsage est U(cest-a`-dire que la nouvelle base est donnee par les colonnes de U dans le syste`me usuel de coordonnees).Si notre point P a pour vecteur de coordonnees Z dans la nouvelle base, il a le vecteur X = UZ commecoordonnees dans la base usuelle. Si nous avons maintenant une application lineaire dont la matriceassociee est A dans la base usuelle, limage de p a pour coordonnees AX (qui nest autre que AUZ),toujours dans la base usuelle. Mais si nous voulons connaitre les coordonnees de limage de p dans lanouvelle base, il nous faut multiplier par U1, et on obtient U1AUZ. Nous retenons donc :

    Proposition 1. Si une application lineaire est donnee par une matrice A dans la base usuelle, alors elleest donnee par la matrice U1AU dans la base donnee par les colonnes de la matrice inversible U .

    3. Diagonalisation et trigonalisation

    Nous avons vu dans les premiers exercices sur chapitre sur les syste`mes dequations lineaires que lessyste`mes dont la matrice des coeffficients etait diagonale ou triangulaire pouvaient etre tre`s facilementresolus. Nous avions alors exploite cette idee en modifiant les equations du syste`me grace a` la methodedu pivot de Gauss, afin de se ramener a` un syste`me triangulaire.

    Mais si nous changions dinconnues plutot que dequations ? Comme nous venons de le voir, celarevient a` faire un changement de base ; si lon voit la matrice A associee a` un syste`me dequations lineairescomme une application lineaire fA, resoudre un syste`me lineaire AX = Y revient a` trouver un point pde coordonnees (usuelles) X tel que limage de p par fA soit le point q de coordonnees usuelles Y .

    Autrement dit, etant donne un point q de Rn, on cherche un point p de Rn tel que fA(p) = q. Sinous voyons cette equation dans une nouvelle base donnee par une matrice de passage U , cela revientdonc a` resoudre

    (U1AU)Z = U1Y

    (attention, la nouvelle inconnue est Z...) Un cas ou` il est facile de conclure est celui ou` on a choisiune matrice inversible U telle que U1AU soit une matrice diagonale, ou tout du moins triangulairesuperieure.

    Definition 2. Soit A une matrice carrree de taille (n, n) ;

    (1) trouver une matrice inversible U telle que U1AU soit diagonale sappelle diagonaliser la matriceA, qui est dite diagonalisable ;

    (2) trouver une matrice inversible U telle que U1AU soit triangulaire superieure sappelle trigo-naliser la matrice A, qui est dite trigonalisable.

    Remarque 2. Malheureusement, toutes les matrices ne sont pas diagonalisables (ce serait tropsimple) ! En ce qui concerne la trigonalisation, la situation est un peu meilleure car toute matrice esttrigonalisable... a` condition dadmettre des matrices U dont les coefficients sont des nombres complexes.

  • 4Si une matrice A est diagonalisable, il existe donc une matrice U inversible telle que

    D = U1AU =

    1 0 . . . 00 2 0...

    ...0 0 . . . n

    .

    Les nombres 1, 2, ..., n sappellent les valeurs propres de la matrice A (attention, ils peuvent etre nuls,et nont aucune raison detre tous distincts). On peut montrer que quelque soit le choix de U inversible(telle que UAU1 soit diagonale), on obtiendra toujours les memes coefficients, eventuellement rangesdans un autre ordre (on dit que ce sont des invariants de la matrice).

    Si la matrice A est seulement trigonalisable, il existe une matrice U inversible telle que

    T = U1AU =

    1 . . . 0 2 ...

    ...0 0 . . . n

    .

    Les i sont toujours appeles valeurs propres et sont toujours des invariants de la matrice.

    4. Valeurs propres, vecteurs propres

    Nous allons ici tenter dapprofondir notre comprehension de la situation. Lobjectif est de savoirdeterminer si une matrice est ou non diagonalisable et, le cas echeant, de savoir calculer la matrice diago-nale D et la matrice inversible U associees. Pour cela, nous commencons par decrire deux interpretationsutiles de la diagonalisation, qui motivent les concepts introduits par la suite.

    4.1. Interpretation geometrique de la diagonalisation. Comme nous lavons vu, une matriceA peut etre vue comme une application de Rn dans lui-meme. Si nous disposons dune nouvelle basedonnee par une matrice de passage U , et si la matrice U1AU est diagonale (en particulier A est doncdiagonalisable), les images des points de R par fA sont tre`s simples a` calculer a` condition daccepter dese placer dans le nouveau syste`me de coordonnees. En effet, prenons un point p de Rn de (nouvelles)

    coordonnees Z =

    z1...

    zn

    . La matrice U1AU est alors

    1 . . . 0...

    ...0 . . . n

    et fA(p) a pour (nouvelles !)

    coordonnees (U1AU)Z, cest-a`-dire

    1z1...

    nzn

    .

    Lapplication fA est donc simple dans la nouvelle base (2). Cest la` tout linteret de la diagonali-

    sation : changer de repe`re (base) afin que la matrice que lon manipule devienne beaucoup plus simple,et que les operations algebriques que lon doit effectuer sur celle-ci ne soient pas un obstacle au calculexplicite (par exemple les multiplications, les puissances, etc... Voir la fin de ce chapitre pour plus dedetails).

    4.2. Interpretation algebrique de la diagonalisation. Pour simplifier, nous allons supposer dans ceparagraphe que la matrice A est de taille (2, 2), mais cette interpretation reste evidemment valable pourn quelconque. Disposer dune matrice U inversible telle que U1AU soit diagonale, cest ecrire

    AU = UD =

    (u11 u12u21 u22

    ) (1 00 2

    ),

    quon peut aussi interpreter de la manie`re suivante :

    (1) la premie`re colonne de AU est egale a` la premie`re colonne de UD ;(2) la seconde colonne de AU est egale a` la seconde colonne de UD.

    2Noter que limage dun vecteur de base

    ui est donc i

    ui.

  • 5Or, la premie`re colonne dun produit MN est simplement le produit de M par la premie`re colonne de N(et de meme pour la seconde colonne). Donc nous pouvons reinterpreter en notant C1 et C2 les (vecteurs)colonnes de U :

    (1) AC1 = 1 C1 ;(2) AC2 = 2 C2 .

    Ainsi, diagonaliser une matrice revient a` trouver deux nombres reels 1 et 2 et deux vecteurs non nulsC1 et C2 verifiant (1) et (2) et qui mis ensemble forment une matrice inversible (i.e. une nouvelle base).

    4.3. Valeurs propres, vecteurs propres et diagonalisation. Les remarques que nous venons defaire justifient lintroduction de la definition suivante :

    Definition 3. Soit une matrice A. Un vecteur non nul X tel queAX = X (pour un certain reel )sappelle un vecteur propre de A. Le nombre reel est la valeur propre associee.

    Si lon reprend les interpretations de la diagonalisation donnees plus haut, diagonaliser une matriceest exactement equivalent a` trouver une nouvelle base formee de vecteurs propres, ou encore a` trouverune matrice inversible (3) U dont chaque colonne est un vecteur propre. On a alors automatiquement

    AU = U

    1 0 00 2 0...

    ......

    0 0 n

    ou` les i sont les valeurs propres associees aux colonnes Ci de U .

    Proposition 2. Si X est un vecteur propre de A, alors X est egalement un vecteur propre de A pourtout non-nul.

    Proposition 3. Si est une valeur propre de A (cest-a`-dire quil existe un vecteur propre X associe),alors necessairement un syste`me lineaire de la forme (A I) X = Y doit avoir zero ou une infinite desolutions.

    Demonstrations. La premie`re proposition se verifie a` la main. Elle montre alors que si X est une solutionde (A I) X = Y et si X est un vecteur propre asscoie a` , alors X + X est une solution de(A I) X = Y pour tout !

    Ceci donne un moyen effectif de determiner les valeurs propres dune matrice. Dans le cas particulierdune matrice de taille (2, 2), on a alors (cf. theore`me du cours sur le calcul matriciel) :

    Proposition 4. Si est une valeur propre dune matrice A =

    (a bc d

    )le determinant de la matrice

    A I =

    (a b

    c d

    )

    est nul. Autrement dit, det(A I) = (a )(d ) bc = 0.

    Ce crite`re se generalise a` n quelconque, mais les determinants quil faut calculer sont beaucoupplus compliques. Calculer les valeurs propres dune matrice ne suffit pas en general a` montrer quelleest diagonalisable (4). On dispose neanmoins du resultat utile suivant (dont on ne donnera pas dedemonstration) :

    Proposition 5. Une matrice de taille (n, n) qui a exactement n valeurs propres distinctes est diagona-lisable. Dans ce cas, une collection de n vecteurs comprenant exactement un vecteur propre par valeurpropre forme toujours une base.

    3ne jamais oublier cette condition !4On rappelle que, malheureusement, toutes les matrices ne sont pas diagonalisables !

  • 6Diagonalisation, mode demploi : diagonaliser une matrice A signifie trouver une matrice U (un

    nouveau repe`re) et une matrice diagonale D (donc les valeurs propres) telles que U1AU soit egale a`D. Il faut donc trouver U , U1 et D. La procedure ci-dessous marche toujours lorsque la matrice A estdiagonalisable (et, evidemment, echoue lorsque A ne lest pas !)

    (1) Calcul des valeurs propres : trouver les solutions de det(A I) = 0 (equation polynomialede degre n). En cas de racines multiples, la racine corresponsdante doit etre repetee autant defois que sa multiplicite ; ceci fournit donc une liste de n valeurs propres (1, . . . , n) ;

    (2) Calcul dune base de vecteurs propres : pour chaque i = 1, . . . , n, trouver un vecteur Uinon-nul tel que (A iI)Xi = 0 (vecteur propre pour la valeur propre i), de telle sorte quela matrice U obtenue en juxtaposant les vecteurs X1, . . . , Xn soit inversible. Les n vecteursX1, . . . , Xn forment alors un nouveau repe`re et U est la matrice de passage.

    Remarque 3. Dans le cas ou` une valeur propre est racine de det(A I) = 0 de multiplicitek 2, il faut donc trouver exactement k solutions non-nulles, distinctes, ..., de (A I)X = 0,et telles quau final la matrice U obtenue soit inversible. Ce nest pas toujours possible, et cestprecisement a` ce stade que la methode echoue pour les matrices A qui ne sont pas diagonalisables.Cest ici que le travail save`re le plus delicat : si la valeur propre est de multiplicite k 2, il yaura ` k coefficients libres dans les solutions du syste`me lineaire (A I)X = 0. Si ` < k,la matrice nest pas diagonalisable ; si ` = k, il faut trouver exactement k solutions suffisammentindependantes pour conduire a` la formation dun nouveau repe`re (cest-a`-dire U inversible...) Enrevanche, si k = 1 pour chacune des valeurs propres (racines simples), alors la methode ne peutpas echouer en vertu de la Proposition 5.

    (3) Conclusion : un succe`s aux deux etapes precedentes assure que la matrice A est diagonalisable.Le repe`re adapte a` letude de A est celui forme par les colonnes de U , et la matrice diagonaleassociee a pour coefficients diagonaux (1, . . . , n), ranges dans le meme ordre que les Xi formantles colonnes de U .

    Application : methode de calcul des puissances dune matrice

    Il sagit de la premie`re application fondamentale de la diagonalisation (nous en rencontrerons uneseconde lors du chapitre sur les syste`mes dequations differentielles lineaires) : nous cherchons a` calculerAn pour tout n (et non pas seulement pour quelques valeurs de n, ce qui se pourrait se faire a` lamain ou avec un ordinateur). Si A est diagonalisable, ce calcul est particulie`rement facile. En effet,diagonalisons A : il existe donc une matrice inversible U et une matrice diagonale D telle que A = UDU1.De`s lors,

    An =(U D U1

    ) (U D U1

    )

    (U D U1

    )(ou` le produit du terme entre parenthe`ses est fait n fois). Les matrices U et U1 situes au milieu du

    membre de droite seliminent entre elles, de sorte quil ne reste que An = U Dn U1.

    Appendice : methode de calcul de linverse dune matrice

    Nous voulons calculer linverse dune matrice A que lon sait deja` inversible.Trouver linverse de A consiste a` savoir resoudre explicitement tous les syste`mes lineaires de la forme

    AX = Y et a` ecrire les solutions sous la forme X = A1Y . On peut alors appliquer le pivot de Gauss, quifournit une matrice Q telle que QA soit triangulaire superieure. Le syste`me AX = Y est alors equivalenta` QAX = QY , que lon sait resoudre facilement (en principe). On pose alors

    X =

    x1...

    xn

    , Y =

    y1...

    yn

    et on resoud explicitement QAX = QY , ce qui fournit les coefficients xi comme des combinaisons lineairesdes yj . Il ne reste plus qua` transcrire ces dernie`res equations sous forme matricielle, cest-a`-dire a` lesvoir comme X = A1Y .

  • 75. Exercices

    Exercice 1. Quelles sont les coordonnees des points

    (10

    )et

    (01

    )dans le nouveau syste`me de coordonnees

    defini par (

    u1,

    u2) de la page 2 ? De manie`re plus generale, si un point a pour coordonnees

    (xy

    )dans le

    repe`re usuel, quelles sont ses coordonnees dans le nouveau repe`re ? Reciproquement, si un point a pour

    coordonnees

    (st

    )dans le nouveau repe`re, quelles sont ses coordonnees dans le repe`re usuel ? Memes

    questions avec la nouvelle base

    u1=

    (11

    ),

    u2=

    (11

    ).

    Exercice 2. La condition matricielle pour quune famille de n vecteurs soit une base nest pas tre`s con-

    ceptuelle. Montrer quelle est equivalente a` la condition suivante : une famille (

    u1, . . . ,

    un) est une base

    si et seulement si, pour tout point p, il existe une unique facon decrire

    op sous la forme

    op= a1

    u1 + + an

    un .

    Exercice 3. On etudie le cristal bidimensionnel donne par le dessin ci-dessous. Proposez un repe`reefficace pour donner les coordonnees des sommets du reseau cristallin, donnez la loi de transformation desanciennes en nouvelles coordonnees, et vice-versa. Quel(s) est(sont) le(s) sommet(s) le(s) plus proche(s)de lorigine ?

    1

    y

    x

    Exercice 4. Diagonaliser les matrices

    (1 10 1

    ),

    (1 11 1

    ),

    1 0 20 1 1

    1 1 1

    ,

    1 2 02 4 11 2 0

    ,

    1 0 00 1 0

    1 1 1

    et calculer An dans chacun des cas.

    Exercice 5. On conside`re la population dun pays, divisee en une population rurale et en une populationurbaine. On note R(n) et U(n) les populations rurales et urbaines a` lannee n, a le taux dexoderural annuel et b le taux dexode urbain (supposes constants). Montrer que cette situation conduit auxequations R(n + 1) = (1 a)R(n) + bU(n) et U(n + 1) = aR(n) + (1 b)U(n). Ecrire ces equations sousforme matricielle. Diagonaliser la matrice obtenue en prenant a = 0, 2 an1, b = 0, 1 an1. En faisant un

    changement de repe`re adequat sur S(n) =

    (R(n)U(n)

    ), se ramener a` une equation du meme type mais ou` la

    matrice est diagonale, et en deduire le comportement de R(n) et U(n) au cours du temps.

    Exercice 6. Une reaction chimique produit au cours du temps, deux composes A et B, au rythme suivant :entre linstant n et linstant n+1, la quantite de A fabriquee est egale a` celle presente au temps n, tandisque la quantite de produit B apparue est egale a` la moitie de la somme des quantites de A et de Bpresentes au temps n. Mettre en equations cette situation, et calculer levolution des quantites de A etB au cours du temps.

  • 8Exercice 7. Lorsquon place dans une meme cage les mouches Drosophila melanogaster et Drosophilasimulans, D. simulans est systematiquement eliminee par D. melanogaster, a` une vitesse ne dependantque du nombre de D. melanogaster presentes (5). Proposer une loi regissant levolution des deux popu-lations (on supposera que la demographie naturelle des deux espe`ces isolees est la meme). Montrer quenecessairement D. simulans disparait au bout dun certain temps.

    On introduit ensuite un parasite du genre Leptopilina qui sattaque a` D. melanogaster. Montrerquil est alors possible que les deux espe`ces coexistent.

    Exercice 8. Inverser les matrices suivantes (on verifiera quelles sont inversibles) :

    B1 =

    2 0 20 1 1

    1 1 1

    , B2 =

    1 0 11 1 6

    2 1 3

    et B3 =

    1 0 10 1 1

    1 1 1

    .

    ** *

    TRAVAUX DIRIGES

    Ces exercices un peu plus longs sont destines a` presenter de manie`re plus comple`te une applicationdes techniques mathematiques developpees ici a` une situation concre`te de modelisation en biologie ouen chimie. Ils ont donc naturellement vocation a` occuper lessentiel dune seance d1h30 ou 2h. Lepremier the`me est tre`s detaille et permet une etude comple`te dune dynamique des populations simple.Le deuxie`me enonce est quant a` lui formule de facon volontairement concise afin de laisser une large parta` lautonomie des etudiants.

    Etude asymptotique dune demographie

    On se place dans le meme cadre que dans lexercice 9 du cours sur le calcul matriciel dont on reprendlenonce.

    On conside`re une population danimaux sauvages divisee en N classes dages (les jeunes, les adultes,les vieux...) et on appelle ni(t) le nombre dindividus dans la i-e`me classe dage au temps t. On appellealors fi la fecondite des individus de la classe i, pi la proportion dindividus passant de la classe i a` laclasse i + 1 par unite de temps et mi le taux de mortalite de chaque classe dage par unite de temps.

    Partie A

    On suppose tout dabord que N = 2 (les jeunes, les adultes).

    1. Rappeler pourquoi

    P (t + 1) = AP (t) ou` P (t) =

    (n1(t)n2(t)

    )et A =

    (f1 + 1m1 p1 f2

    p1 1m2

    ),

    En deduire que P (T ) = AT P (0) si T est un multiple entier dunites de temps.

    2. En quoi diagonaliser la matrice A permet de calculer facilement P (T ) pour tout temps T entier ?

    3. On prend ici f1 = 0, p1 = 1/2, m1 = 1/4, f2 = 2, m2 = 3/4 (commenter ces choix). Ecrire lamatrice A correspondante puis la diagonaliser(6).

    N.B. On pourra montrer que la matrice A se diagonalise dans le repe`re forme des deux vecteurs propres

    X =

    (21

    )et X+ =

    (21

    ).

    5il sagit la` dune approximation tre`s grossie`re, concue pour les besoins de lexercice... En-dehors de ce point, le restedu texte est issu dobservations reelles et nest pas une invention de lauteur de ces lignes.

    6On rappelle que diagonaliser une matrice signifie trouver les valeurs propres de celle-ci mais aussi donner explicitementun nouveau repe`re forme de vecteurs propres, si cela est possible.

  • 94. En deduire P (T ), en general puis dans les 3 cas suivants :

    P (0) =

    (0

    250

    ), P (0) =

    (24010

    ), P (0) =

    (150100

    ).

    On pourra dabord calculer Q(0) = U1 P (0) et relier a` la question 2.

    5. Dans les 3 cas precedents, etudier la limite quand T tend vers linfini du ratio

    nombre dindividus jeunes au temps T

    nombre total dindividus au temps T.

    Observer une relation entre cette limite et les coordonnees du vecteur X+. Si lon calcule cette fois lalimite du ratio

    nombre dindividus adultes au temps T

    nombre total dindividus au temps T,

    observe t-on de meme une relation avec X+ ?

    6. Essayer de montrer que cette relation est en fait generale, cest-a`-dire que lon a le resultat suivant :si P (t + 1) = AP (t), alors pour toute donnee initiale

    P (0) =

    (n1(0)n2(0)

    )avec n1(0) 0, n2(0) 0,

    on a

    limT

    (nombre dindividus jeunes au temps T

    nombre total dindividus au temps T

    )=

    a

    a + b

    si X+ =

    (ab

    )est un vecteur propre correspondant a` la valeur propre la plus elevee de A (7).

    Partie B

    Lobservation montre que ce mode`le ne rend pas bien compte de levolution de la population, caril neglige la forte baisse de la fecodite et la forte augmentation de la mortalite des individus ages. Onsuppose donc dans cette question que N = 3.

    1. Montrer que lon a desormais

    P (t) =

    n1(t)n2(t)

    n3(t)

    et A =

    f1 + 1m1 p1 f2 f3p1 1m2 p2 0

    0 p2 1m3

    .

    On prend ici f1 = 0, p1 = 1/2, m1 = 1/4, f2 = 2, p2 = 1/4, m2 = 1/2, f3 = 0, m3 = 3/4. Diagonaliser lamatrice A.

    2. En deduire P (T ) dans les 3 cas suivants et comparer avec les resultats de la question 4 :

    P (0) =

    0250

    0

    , P (0) =

    00

    250

    , P (0) =

    15050

    50

    .

    Dans chacun des trois cas, pouvez-vous faire un commentaire sur le pourcentage de la population occupepar chaque classe dage asymptotiquement (cest-a`-dire quand T tend vers linfini) ? Dans le deuxie`mecas, que remarquez-vous ?(8)

    7La particularite des matrices A etudiees ici est detre a` coefficients tous positifs ou nuls (et meme strictement positifsdans la partie A). Ces matrices se rencontrent frequemment dans les syste`mes dynamiques etudies en biologie des populationset leurs proprietes sont lobjet de la theorie dite de Perron-Frobenius. Un resultat important de cette theorie est lexistencedune valeur propre strictement positive , dont la valeur est strictment superieure a` la valeur absolue de toute autre valeurpropre (reelle ou complexe) de A, et qui est de multiplicite 1. Ces faits assurent alors que, en general, la population dechaque classe dage se comporte comme eT quand T tend vers linfini et que le pourcentage occupe par chacune tendvers une valeur qui est donnee, comme dans la question 5, par les seuls coefficients dun vecteur propre associe a` la valeurpropre (ici, en general signifie que ce comportement se produit pour presque toutes les conditions initiales ; nous nedetaillerons pas le sens de ce presque toutes). Une excellente reference est .... A completer

    8Et voila pourquoi il faut dire en general et non toujours dans la note de bas de page precedente !

  • 10

    Crite`re de decroissance exponentielle dune population

    On conside`re une population de plantes hermaphrodites annuelles qui produisent des granes a` lafin de lete, puis meurent. Une partie des graines survit a` lhiver et germe au printemps pour donnernaissance a` une nouvelle generation de plantes adultes, tandis quune autre fraction des graines restedormante dans le sol (elles germeront peut-etre lannee suivante, mais ne peuvent germer deux ans ouplus apre`s leur production). Enfin, la dernie`re partie des graines ne survit pas.

    Modeliser la situation (preciser quels sont les effectifs de plantes ou graines dont on souhaite suivrelevolution et a` quel(s) moment(s) ils sont mesures, et les parame`tres essentiels), et en deduire un syste`medequations regissant les effectifs de lannee n + 1 en fonction des effectifs de lannee n.

    Ecrire une equation satisfaite par les valeurs propres du syste`me sous la forme F () = 0, etudier lafonction F . En deduire une condition qui assure que la population de plantes va necessairement diminuerau cours du temps (on pourra calculer F (1)).