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Notes du mont Royal Cette œuvre est hébergée sur « No- tes du mont Royal » dans le cadre d’un exposé gratuit sur la littérature. SOURCE DES IMAGES Bibliothèque nationale de France www.notesdumontroyal.com

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Notes du mont Royal

Cette œuvre est hébergée sur « No­tes du mont Royal » dans le cadre d’un

exposé gratuit sur la littérature.SOURCE DES IMAGES

Bibliothèque nationale de France

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PLÉ’IÀ’ÈIIÈ’«ÂFRANÇOISE A

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Cette collectitîn a été tirée à 248 exemplaires numérotés

et parafé; par l’éditeur. , .

I 23:; exemplaires sur papierjde Hollande, Là e 18 A -. jsùr papîen de Çhirye. ç " ë

I. Nowf’";

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EVVRES EN RIMEDE

IAN ANTOINE DE BAIE

SECRÉTAIRE DE LA CHAMBRE DU ROY

Avec une Notice biographique et des Notes

PAR

CH. MARTY-LAV EAUX.. .h ’*’x-

" A, l; --n.......,x H’g’" il; , I. aTOME TROISIÈME lui’ .. w M . (-

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PARISALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR

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ÆESIEVX DE...I.IAN LANTOINIE

DE BAIE i eA Â

MONSEÏGNEYRLLDVC D’AL’ENÇON.

.AEPARIS,

Pour Lucas Brejîer Marchant Libraire tenantfa boutique mi fecond pilier de la grand’ fanedu Palaisr

M. D.LXXIII.. AVECERIVÆLEGE DV ROY.

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XIX. ECLOGVES.

TRAGEDIE ANTIGONE. l

COMEDIE LE BRAVE.COMÉDIE D’EVNVQVE.

1x. DEVIS DES DIEVXPRIS DE LVCIAN.

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A MONSEIGNEVR

LE DVC D’ALENÇON.

H ONORANTfelOn ma puzflanceDe mes dans les Princes de France,

i O Sang Royal, Dvc D’ALENçon,Dieu m’en gard, que ie vous oublie,Vous à qui mon deuoir me lieDéja de plus d’vne façon.

Quand vous ne ferieï que le FrereDe mon ROY, pourroy-je bien faireVofire nom en mes vers rimez?

V Mais vofire liberale gracele crez’n trop qu’elle ne me faceL’vn des plus ingrats eflimeg.

Je veu mefauuer d’un tel vice:Si vous "fana-ï eflé propiceququ’icy, ie vous conuirayAle l’efire encores dauantage,Quand au dallant de mon ouurageVofire beau nom ie publiray. ’

A vous, qui de voflre natureAimez; la gentile écriture,

[eau de Baif. --- HI. I

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A M. LE Dvc D’ALENçON.

Qui bien les perfonages fait,De mes Isvx l’œuure le dedie,Où ma Mufe, baflle ë hardie,Dieux, Roys ë Bergers contrefait. A

Combien que honteux ie confejîeQue bien loin dauant moy ie lefleL’honeur des fiecles anciens,Qui ont vu les fables chanteesSus leur feene reprefentees,Aux Teatres Atheniens.

Car leurs vers auoyent la mefure,Qui d’une plaifante batureFrapoit l’oreille des oîans.

Et des Chores la belle danceEn chantant gardoit la cadance,Au [en des hauboys s’égayans.

Les hommes du fiecle barbare,Rejettant cette façon rare,Ont à dédain de la gonfler.Si jamais la France profpere,En paix floriflhnte, i’efpereCe degoufiement leur ouflerm

Nous auons la mufique prefle:Que Tibaud ë le Ieune aprefle,Qui leur labeur ne deniront:Quand mon ROY benin 8-fa Mare,E t [es Freres, d’vn bon falereNos beaux defirs enhardiront.

Si mes petites chanfonnétes,Que ie tien comme des [omettesEcrites en vers mefuref,Courant par les bouchesdes Dames,Ebranlent les rebelles ainesDes Barbares plus afluree.

l’en fçay l’art: la Mufe amiable

Me viendra toufiours fecourable,Si tofl que ie l’imploreray,Auffi la]! qu’au nom des trois Freres

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U.)A M. LE Dvc D’ALENçON.

Et leur filera, à moy debonaires,De .m’ayder les adjureray.

Soit que voulieï voirfur la ScéneEntonner d’une haute5aléne

Des Tyrans les [andains malheurs:Soin-que d’vndangage vulgaire,C herchieï: du menu populaireOuîr les ridicules meurs:

Soit que derechef on dejiiteVoir .en la [aunage Satyre,Les Sylvains bondir. des forêts :Silene la telle penchanteDefur labelle rincanante,Soutins desSatyres folets:

Soit qu’ilyfaille d’un fan plus gitane,D’vn Henosfage, heureux &bnaveChanter les faits nanantuiteux. :le fuis apnis à plus. d’îvn fiile,

Pour courir d’un .efpritagile,Doux en bas ,2 en haut vigoureux.

L’Iambe drunie fçay rebatre,Redoublantu’le pas qu’il fautbatre

En tems êîlieu, fans forvoyter:L’Anapejlezi’e fléay conduire,

Egaler la demarche :6 duireLe Chorequ’il fauta-convoyer.

le [gay d’vne:aj]iete.acordeeBalanfant- levpefant Spondee,Le legierr Daâile ranger.le conoy la longueé’a la bre’ve:

Si l’accent baifleou ferele’ve.

Le François ne. mie]? étranger.l’en ay fait :dejia :l’vouueitture :

Conferuons :nofire langue pure:Reglons-la telle :commeelle . efi.Ce feroit grande. moquerie,De maintenir la BarbariePour un vain abus qui nous plaift.

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. 4 A M. LE Dvc D’ALENçON.

Je ne fuis novice à la rime:Comme un autre ie m’en efcrime:Autant qu’vn autre j’en ay fait.Mais en l’erreur ie ne me flate:Et ne porteray l’ame ingrateDe l’honneur que France me fait;

O France, tan Empire crame:’ Fay que ta valeur aparoifle,

Soit aux armes, fait au fçauoir:Seconde-moy: j’ay le courage,Sans depraver ton doux langage,Bien mefure’ le faire voir.

Que nul me blamant ne m’outrage,Qu’outrecuide’ ie m’auantage

De forger vn parler nouueau.Iefuy du commun la parole:Des bien parlans j’ayme l’école,

Et leur parler ie trouue beau.le m’y regle, ie m’y conforme:

Et fans donner nouuelle forme,Tel qu’il efl le veu prononcer.Mais fuiuant fa propre nature,le veu que la droite écritureAux étrangers Paille anoncer. -

Le vray comm’lil ejt ie propofe:Que noflre parler je compofeDu Son royelvê confortant: IVoyelles jouent apar elles:Confonantes fansrles voyelles

Ne je vont jamais entonant. ,Tantfoit peu .quz’ton nojtre rfance,(Mais noftre faufle acoutumance,)Et nos voyelles recherchons:T entons. chacune confonante:Si faifans ainfi, ie me vanteQue trouuerons ce que cherchons.

Autant que fentons de voyeles’Difera’ntes, autant pour elles

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A M. LE DVC D’ALENÇONr

Il faut de lettres afl’urer.Autant qu’aurons de confonantes,Il faut de marques diferantes,Pour chacun Son bien-figurer.

Ainfi prenant fa droite forme,L’écrit au parler je conforme :Ainfi Ion note le vrayfon,Des fyllabes ê des dzftongues,Des breves d’auecque les longues,Et du haut ê du grave ton.

Qui par ce chemin s’achemine,L’obfcure ignorance ruine,N’enfeignant que la verite’,

Et fait que la langue Françoife,Egale au Grec ê Romain, voifeSaine &fauue enfa purité.

O FRANÇOIS, François de nature,Et Franc de bonne nourriture,L’entreprife fauorifeï:

A fin que la France honoree,De fa langue fait decoree,Comme de fes faits tant prijeï.

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LES EG L0 GVES.

AV ROY.

EGLOGVE. I.

CHARLE, j’auoy joué fus ma bafle mufetteDe nos gentils bergers en mainte chanfonnetteLes jeux ë les debats, quand en fange voicyLa maigre Pauureté, qui me reprend ainfi:

Brife les chalumeaux, creue ta cornemufe:Au malheureux meflier des Mufes ne t’amufe.Pauure homme, adonne toy plufloji à befongnerA quelque æuure de main don tu-puifles guigner.Fayfifcelles de jonc à cailler des laitages :.Fay des formes d’ofler pour faire des fat-mages:Va les vaudra en la ville, ê raporte du gain dDont tu primes chafl’er la miferable faim.

Elle me dit ainfi’: &j’aloy defia prendreMes tuyaux pour les rompre, ë fans plus rien attendreI’alloy ietter au feu mes efcorces de boisEfcriies des chanfons de ma rujlique voix:

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8. EGLOGVES.Quand la Mufe voicy (qui mit iadis TitircEt Tirfe pres des Rois) qui l’oreille me tire,Et me tance olifant : Que veux tu faire icy,Dans ce defert, ou nul de tes vers n’a foucy?Nul que la vaine Echon, qui tes chanfons recriePar les monts caucrneux, êfemble qu’elle en rie?Tu meurs icy de faim: Vien te monfirer aux lieuxOù les donneurs des biens, les bons (ci-triches DieuxTiennent leur grande court: Etfay la reuerenceAu grand Charle Pafleur des peuples de la France.Depuis le grand Daphnis nul d’vn cœur plus entierN’a cheri ceux qui font des Mufes le metier.

Elle me dit ainfi : la deflus ie m’éueillePlein de creinte ë d’efpoir, plein de douca merueille.Icy la panurete’ de frayeur m’e’tonnoz’t:

La Mufe d’autre part bon confort me donnoit.A la fin i’arrejtay de te chozfir pour maifire,CHARLE, te prefentant de ma blufe champefireLes fauuages chanfons, prefent de petit pris :Car des petits bergers les prefens font petits.Mais fouirent les grands Dieux d’vne perfone bafleEn auffi bonne part ont pris vnefoüafle,Que cent bœufs d’vn plus grand, regardans au vouloirPluflofl qu’à ce que peut leur ofrande valoir.

CHARME, bien que je vienne auccque ma mufetteVejtu en vilageois, dans le poing la houlette,Afiublé d’un chapeau, la furquenie au dos,Des guêtres furia jambe ë chauflé de fabos,Ta bonté pour cela ne laiâ’èra de prendre

En bonne part mon ofre, 8» fans me faire attendre(Pofjible) tu voudras me departir de quoyIe puifle m’adonner aux Mufes a requoy.

PRINCE, ce que je veu n’efi guere grande chofePour ta grandeur, qui fait que tout honteux je n’ofeTe demanderfi peu .- ce peu qui ne t’eft rien, ,S’il te plaift l’ottroyer, majoroit vn grand bien.le ne veu cent trozmeaux en diuerspajluragcs,le ne foullette point mille gras labourages,

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EGLO’GVE l. k 9Ny des coufiaux de vigne, ou cueillir mille mais:Plus que ce qu’il mefaut defirerje ne puis. hle veu tant feulement pour un petit ménageVue maifon petite : un petit pafluragePour vu petit trumeau .- auec vu petit clos 1 kVu petit champ f.jrtil, pour en viur p a .pos.Sur tout j’aimeles chants :fllîf tout lesPieridesAiment les chants ar’zffi, les fontaines liquidesEt les valons cacher, ê les bocagesnoirs,Et des antres deferts les retirer manoirs.Que Pallas facecas de [es villes goualesQu’elle a voulu garder :je n’aime point. les villes,Sur tout j’aime les chants; Adon les aima. bien; aAuffi fit bien Paris, le beau Dardanien. ’

’O fi je puis un jour auoir nia niaifonitetteEn des chams quifoyent miens gjiflfcou ne [œillettePar toy j’ay tant de bleui en l’aife oîije ferayO les belles chanfons qu’a repos je feray il,Alorsj’oferay bien, ainfi que Iiytire’,D’vne moins faible voix plus hautfuget élire

Arras ces refieüreéluacl La; je aux dessine"Les tournemenfs certains : 8- qui cache a nos yeuxLa Lune defi’aîillante, qui la monfire enflera, ÏVEt qui fait germen? comme le (renieraOeuures de la nature admirable en faits,De qui j’entreprendroy reçlzerc’lzleriles gâtaits,

Bon Prince, a ton aueu (Voireen desvers plus grattesDe tes nobles ayeux les entreprifes brau’es ’Hardy ie chanteroy : Tes ane’cefires’ vaillants

le feroy commander entre les bataillans,Et chafler la frayeur de leur troupe animceSur l’enneiny qui fait leur foudroyante armee:Et ie ne teroy pas du grand Henry l’honneur,Ny l’honneur de fes fils : Que toufiours le bon heur,O grand pajleur du peuple, ë vous mena à” vous faineContre vos ennemis : ë que long temps ie vinePour chanter vos vertus, me couronant le frontDe palme â de lorier entrelafile; en rond.

la

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IO EGLOGVES.Tay toy petit flajol : ô petite muïette

Hauflant ta faible voix ne fay de la trompette.Garde qu’en te voulantfans forces efieuerTon petit ventre enflé tu ne faces creuer:Repren ton premier ton, à” fans auoir la graceDe Charle, n’entre pas en vne telle audace:

. Mais, Charle, on ne fçauroitqeftre petitfoneurDepuis qu’on entreprend d’entonner ton honneur.Or, s’il te plaijl. chajÎer la pauureté chetiue,Qui retient les efiorts de mon aine creintiue,Mon humble Mufe alors braue s’enhardiraEt d’vn plus graue fon tes louanges dira:Quand le repos heureux conuenable à produireDes fruits de plus grand pris, me laiflera deduireDes vers à mon loifirpolis foigneufementA fin de contenter ton gentil iugement.Alors i’inuoqueray Apollon pour m’aprendreVu chemin non frayé, par ou j’aille entreprendreVn œuure tout nouueau dont ie te chanteray.Apollon à mon aide alors i’inuoqueray,Soit qu’il s’aille bagnant dans la belle eau de Xante,Soit qu’il prenne le frais en la forefl plaifanteDont Parnafle ejl vejlu : l’ombre il delaifl’eraSi Charle il m’ait nommer, le fleuue il quittera.Ou plujlojt ta faneur fera ma Pieridc,L’argument de mes vers, ê de mes vers la guide:Ton nom fera par tout: Tu les commenceras,Tu feras au milieu, à la fin tu feras.

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EGLOGVE Il. II

BRINON.

EGLOGVE Il.

PVCELLES, qui aimez les verdoyans riuages,Et pres du bruit des eaus la fraicheur des ombrages,Vous qui ne dedaignez, ô Nymphes aux beaux yeux,Nos champefires chanfons par ces champejlres lieux:Aidez! ma voix champeflre. A Brinon je veu direVn chant que fa Sidere vne fois daigne lire,Vn chant de mon Brinon, que fa Sidere vn jourNe life fans jetter quelque foupir d’amour.Nul, Nymphes, ne vous fuit en plus grand’reuerenceQu’il adoroit les pas de vojtre fainte dance :C’eft pour luy que ie veu, Naiades, vous prier:

I Voudrieï vous à Brinon vos prefans dénier?Pucelles, commenceq: (ainfi la bande foleDes Satyres bouquins vojtre fleur ne viole:Si vous danceï, ain z ne trouble vos ébas,Etfi vous repofeï, ne vousfurprenne pas).Pucelles, commencer : où vous touchez, pucelles,Où vous metteq la main toutes chofes font belles :Chanter auecques moy : de Brinon langoureuxRecordon les amours en ce chant amoureux.Tandis par ces halliers mes cheures camufettesBrouteront Iesjettons des branches nouuelletes.Je ne chante à des fourds. Ce valon ê ce boisDefia je tiennent prejls pour refpondre à ma voix.

Nymphes, quel mont lointain, quelle forejt ombreufe,Quel fleuue, quel rocher, quelle cauerne creuj’eVous detint, quand Briuon d’amour tout éperduSon ame fanglotoit deflus l’herbe étendu?Efloyent ce les loriers dont Helicon verdoye,

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12 EGLOGVES.Ou l’eau qui doucement au beau Permefle ondoya,Ou l’antre defiré du roc Aonien,

Ou lefommet cornu du mon; Panzaffien? w’Car vous n’eflieï alors fur les riues de Seine,

Où l’amant languffl’ant de l’amoureufe peine

Couché piteufement, toute chofe allumoitDe pitié, fors le cœur de cellequ’il aimoit.Alefines les Geneuriefs, ê zazefmes les EfpïnesPlourerentfon malheur: les ondes argentines,Qui rzettesffiàraîïliùt boulofent Par les ramager,Et cfzii’enf deïleu1:s plèbes, Il; otroubleren; ’Ieürs ’eaus.

Tozèty acourt des chahïs’: le befldi7, Qui s’étmîrieDe fellahs fànsrpàfi’eml, tôzit tr’ijîel’ewzçlz’1’oîîëïe.

Bergers ê Pafloure’kz’uxjà ne faillirent pas,Ceux cy (fin tout?! fefdnf, ceux là d’vh vifle pdsfVenons des efluir’ons: ê chantât lufdèfiæànde:

filais d’où te vient, Brï’no’n, ce’fle lnguèurfi grande?V Lo’uîfet acourt encores tout nioxuïlle’

D’auoir contienles loups fitozkïe la nuit veillé,Louïfet le berger: qui; La bôme natureDe Brinon façoiùzdde bonne norr’itùre,Son enfance infiruifaïzt: Si finit le giü’zn’d [gauch-Contre le feu d’A7i2ou7* ëufl ëu’qu’elqüe’ pointai)".

Tous les Dieiïx qui des chauvis eût Iej’oinë la gardeViennent de ioules pars îlllerç’ure imitât fie tarde,.Mais tôùgvjar’emiery volle, ayant àifléjon lehef;Etfes falohs déifie: : Doù revient dermefchef?(Dit-il)"de qùel efinùy,’de guelte maladie, lAfiferable Brinon, ’as-vtul .l’ame étourdie?

Où [ont peerILis’*tes jezïx qudizd tu peiîdois le’vyfis

A qui chdhtoit’le mieux ’d’entfe les borzsoefpi-is?

Fauneln’y faillit-pasjfecouantfur la îefieDe gioans Lis argentée une branlante ciefieEt dekGenèfisifleuris. Pales)? vint foildain

s La pmz’etiere auflaià’ci la houlette en la Main.

Auffi Pomoney vint : un clzapeàu de fiuitageLuy tendoit fur le frou! un gfaéîeux ombrage.Là couzlert de Lok’iel’ Zpollon pafloral,

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EïG-LoGVE 11. i x3

Le bon Dieu medec’in, qui eufiguerifiin mal,Si le mal qu’il auoitleufl receu lineâecine,Ou par enelzantements, ou parjuji’de même:filais luy-mefme jadisqui ne s’en put’guerirPres d’Anzpthfe, luy Dieu foulzeita’de Mourir.Pan de Menaley’uint : de Pin une couronneAfiublefes clzeueux, êfon front enuironne:La peau d’un-Lanceruierfur[on dos s’efiandoit,Sa flufie àfept’tufaux de fou icol luy pendoit:Pan de eMenalejr vint: 6” nous vîmes fa joue"De Meures toute peinte, ëfifazfoit la inouï?Qu’ilfait accduflumé depuis qu’il entonna [L -Les premiers chalumeaux que Pallas luy donna. ’

Qui te poufle, Brinon (dit-il ), en telle rage?Oùfont tous tes troupeauxî7où efl leur pâfiurage?Sçachans que tu’en as duitout quitté le foin,Sans guide la plus part font’efcarteïïau loin.A tes pleurs ê fanglots-ne ueuxttu mettre pofe?Et que]? ne feras-tu deformaislautre chofeQue de-gâleindreié’r languir? Amour devront cecy,Amour, le fier Amour, nefn-end aucun foucy.On ne voit pointfoulerny les ch’eures de fiieîlles,Ny de Thym odorant les auares Abeilles,Ny de douce rofee’ au mais de May- les’fleurs,

Ny le cruel Amour nefe fouie de pleurs.Sidere, eepandant’ que tu languis pour elle,Sidere, ionfoucy,"où [on plaifir l’appelle,Peu foig’nëuje de taf, courtfus lesielaires eauxPar les pre; bien-fleuris jadis les frais urbrifleaux.

Las iq’ueferays-ie,’ hélas! (dit Brinon, à grand’peine

Penny ’tri’fles fanglots recouurant [On (daine)Ha, Sidere cruelle! Ha, Sidere de fer,Qui te plaifl’de me’voir en ce cruel”enfer!Las, quelferayâie,"helas! il me plaifl à la chailleFait veneur; courir tant que me douleur s’en pajfe:Il me plaifi tout foudain broflantrdedans les bois,A fan: la’ïi*ôânpe au bol, animer les abbois

Des chiens bien ameute; furia lbefle flanelle.

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14 EGLOGVES.Il mefemble deja, le fein en ma penfeeQu’à trauers les cailloux, atrauers les halliersL’épieu dedans le poing l’en-ferre les Sangliers:Il n’efi mont fi pierreux ny fi tofu bocage,Ny fleuue fi profond, ny fi facheux paflage,Que dzfpos le ne pafle : Helas, quafi qu’AmourSe peu]! par ces trauaux adoucir quelque four!Quafi que pour le mal qu’vn homme fçache prendreAmour, ce dieu cruel, plus doux je puifle rendre!Las, que feray-de donc? Bien loin outre la merle veux aller bien loin mon âge confumer:le veux aller bien loin en un pais barbare,Où lamais n’aborda nul nautonnier auare:En ce pais defert pour le moins écarté,le pleindray mon malheur en plus grand’ liberté.

Sous la Biïe gelee en ce pais iray-jeOù la terre ejl toufiours blanchtflante de neige?Où l’Ocean glacé deflusfon large dos

Sansflechirfous le faixfoujlieul les chariots?M’en iraf-je aux fablons, ou les plaines brufleesLoin fous le chaud Mldf s’efiendent reculees?Où du Soleil voifin les Ethiopes noirsSe defendent, creufans des f0ulerrains manoirs?Que dy-je, malheureux? Pour chemin que je faceAmour ne me lairra : par tout, ê dans la glaceDu Nort, ê du Midy dans l’extreme chaleur,Par tout où que j’iray mefuiura mon malheur.Onfuit bien la chaleur, on fait bien la froidure,On change de pais : mais Amour toufiours dure,Amour nous fuit par tout. Tout ploye êfe met basSous Amour : contre Amour nous ne gagnerons pas.Apres tant de malheur un bien il faut attendre:Tandis de mes Amours fus leur efcorce tendreGratton ces Chefizeteaux: iIs croiflront tous les leurs,Tous les iours auec eux vous croiflre; mes amours.

Deefles, il fuffifl : icy voflre PoêleSeul a chanté ces vers, tandis que fus l’herbetteSous ce Chefne fueillu de vergettes d’ofier

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EGL.OGVE 111. 15Pour donner à s’anzie il laçoit un pannier.Alufes, faites ma rime à Francine agreable,Autant que fesbeaute; me la rendent aimableAuecquesfes vertus, puifque fa douce amourAutant dedans mon cœur s’accroifl de jour en jour,Que le jeune Peuplier plantéfus l’eau couranteEn la faifon nouuelle à vuê d’œil augmente.

Lotion-nous, il ejl nuit, petit troupeau refet,Le Soleil eji couché, fus retourner au tet.

LE VOEV.

EGLOGVE III.

TENOT. TOI NET.TENOT.

VOY, Toinet, qui te meut de chercher cet ombrageAu loin de tous bergers, dans ce defert bocage?Quand tu pourrois bien mieux, affis fur le ruifleauQui arroufe nos pl’Eï, au gagauillis de l’eau

Ioindre ta douce voix, ou ioindre ta voix douce(S’il te plaifoit ainfi) au Roffignol qui poufleLà millefons tremblans degoizeg doucement.Et là tu remplirois tout d’ébaîflement:

Ou la quelque berger d’une gajure amie.Feroit eflay de foy contre ta chalemie:Et vous pourrie; fonner des chants melodieuxMettans gages en jeu pour quijouroit le mieux.Mais ou tu ne dis mot, ou bien ta voix perdueÏcy dans Ce defert n’efi de nul entendue:Vraymentfi te dit-on [çauoirfi bien chanter,Que nul de chanter mieux n’oferoit fe vanter.

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16 ’EGLOGVES.

Tomer.Tenot, mon bon amy, ne me contrein de dire

Ce qui fait qu’ale’cart ainji ie me retire.

Il ne faut plus parler de faire ces beaux jeuxEntre les Pafioureaux: ils font trop outrageux.Ce qui n’eftoit qu’ébat de nojtrefimple vie,

Ce font trifles debas pleins de meurdriere enuie.Les luges, tant ils font de iugemîent perliers, ’Aux pires donneront l’honneur des meilleurs vers.Serais-le pas. bien fat de mettre alauantureL’honneur de mes chanfons pour en foufirrir l’injureQu’on me donroit à tort? Il vaut mieux loin d’émoyMes chanfons ne chanter qu’aux Nymphes â à moy.

TENOT.

Tu me fais ébaîr : mais dy, quelle furie

Tourmente les garçons de nojlre bergerie? . iConte moy ie te pri dou vient cette rancueur ’ *Qui des plus grans amis empoifonne le cœur?

Tomer., ,le ne fçay, s’elle n’efl [ortie fur la terreDes enfers pour troubler nojlre paix idejÎa guerre.Tanty a qu’aujourdhuy il .n’ejl plus(ô pitié!)Aux chams, comme il fouloit, nulle vraye amitié.Mais fi tuueux gagner des ennemis fans nombreEntre les pafloureaux, va achanter deflous l’ombre:Et ie gage en vn rien de tes plus grans amis,O malheur! tu feras les plus grans ennemis.Vois-tu la chalemie, ô Tenot, que le porteToute vieille à mon col? IIu lavois de la forteQu’efloit celle qu’Egon pres Sebethe jongla, ü

Et c’ejl la mefmeoencor que Titire entonna.D’un vieil Sicilien Titire ,l’auoit ne"

Qui l’auoit fur vn Pin auparauant pendue: ,Elleyfut iufqu’à,tant que ,Titire l’y prit, V iEt le nom d’Amarille aux forefis enaprit:

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EGLOGVE Ill. 1"Puis l’y remit encor : 8* nul depuis TitireComme le bon Egon n’en afceu fi bien dire,Qui beaucoup d’ans apresl en Tufcan en jouaSi bien qu’en tous pais un chacun l’en loua.Ianet prenzierement l’apporta d’Italie,

Qui pour lors comme il put, les tuyaux en ralie:Depuy, l’ayant de luy, telle ie la rendy,Et telle connue elle ejl, à mon col la pend].La vois-tu, cher Tenot, n’efloit que ie la prifePour l’honneur des joueurs, deja le l’ufle mifeEn cent pieces cent fois: tant me deplaijt de voirPour Ce peu que. l’en [gay tant d’ennemis auoir.

TENOT.

Toinet, il ne faut pas croire, ainfi ton courage:Ne fois pasfifoudain : Volontiers le dommageSuit l’anis trop leger, 8* nous fait reflentirPour un courroux trop court d’vn trop long repentir.

Tomer.le ne l’a] fait auffi : mais le me delibereDe la vouer à Pan’dans ce boisfolitaireLuy apendant d’un Pin: ê certes il le fautPuis que rien qu’ennemis rien elle ne me vaut.Tout maintenant encor que tu m’es venu prendreIcy dedans ce bois le fongeoy de la pendre;Et quand tu es venu deja l’étais apresPour faire: fur mon voeu quelque chant tout expres.

TENOT.

Berger, voudrois-tu bien en fi grande jeunefleQuitter la Clzalemie? En ta morne vieillefleTu pourras afl’ez tojl en faire à Pan un veu,Qui lors, non maintenant de taf luy fera deu.Toutefois, compagnon,ji tu n’as rien que faireQui te tire autre part, ne vueilles pas me faireCe que tu compofois pour mettre au mefme- lieu

[eau de Baif. -- Ill. 2

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18 EGLOGVES.Auquel tes chalumeaux tu dedirois au Dieu.Icy tout eft bien coy, nulle fueille ne tremble,Et l’herbe s’ofi’re à nous : il n’ejl rien qui ne femble

D’vnfilence ententif tout autour s’apprefterPour ouïr ta chanfon, fi tu veux la chanter.

TOINET.

Tenot, jeans-nous donc : ie ne puis t’en dedire,Ny ne le voudroy pas, carfur tout ie defireEjtre efcoute’ de taf: de mon chant quel loyerPlus grand que cejtuy-cy pourroit-on m’otroyer?

PAN Dieu des Pajtoureaux, ô Pan Dieu d’Arcadie,S’il efi vraf que penfant accoler ton amiePres dufleuue Ladon, fur le bord de fes eauxTrompé tu accolas feulement des rofeaux:Defur eux foupirant une piteufe plainteTufis fortir un fan comme d’une voix feinte :S’il efi vray, que touché de cette douce voixTu dis : lamais nefoit quefous l’ombre des boisOu fur les liants fommets de quelque afpre montagne,Ou du long des ruifleaux, de vous ne m’accompagnerEt ie ne parle à vans: Et fi lors des rofeauxDe cire tu joignis les caueï chalumeauxInegaux en pendant, jaffant la chalemie,Toy premier inuenteur au nom de ton amie :Si nous te la deuons: Reçoy d’un œil beninDe ma main cefle cy que je peu à ton Pin.

’Pan Dieu des Paftoureaux, des mon enfance tendreI’aiinay la chalemie, &j’en voulus apprendre:A peineje pouuois alonger tant mes brasQue ma main ateignijt aux rameaux les plus bas :Quand [anet m’infiruifitfi bien, que par merueilleLon venoit pour ouïr ma chanfon nompareilleEn un dgefi bas : lors defçauoir chanterSur tous mes compagnonsj’ug’e pu me vanter.Puis l’enfance quitant, quand la jeunefle verte,Qui d’un poil foleton ma joue" auoit couuerte,Ale mit au ranc des grands, j’aimay toufiours de voir

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EGLOGVE HI. [9Ceux qui dans nos pajlis auoyent bruit d’en fgmuoir:Et tous je les hantay, quifirent quelque eftimeDés le commencement de ma nouuelle rime:Et d’eux le fus aimé : mais, las! cefle amitiéFut dejiruitte bien loft par une mauuaiftie’D’infinis ennieux, quipar traitrefl’e enuieQu’ils portoyent, les ferpents, fur l’honneur de ma vie,De moy mille rapports feignirent aux bergersQui leur ajoufloyentfoy: trop bons ë trop legersIls creurent leur menfOnge, â quelque remonftranceQue leurfifle, un long temps m’ont porté malveillance :VEt tout cecy m’aduient pour auoirfceu jouer, * ’O Pan, de ces rofeaux queje veu te vouer:le veu te les vouer, puis que des mon jeune âgePour lesjzcauoirfonnerje reçoy tout dommage,Haï de tant de gens : bon Dieu des Pafloureaux, qLas, combien d’ennemis m’acquerroyent ces rofeauxDeuant que le vieillifl’e.’ O Pan, je te les voueLes pendant à ton Pin; &fi jamais j’en joueQu’on voye les Sureaux de grappes je charger,Sur les Ifs leur rayons les abeilles ranger:Qu’on uoye le Corbeau le blanc plumage prendre,Et le Cygne le noir, qui me verra dependreD’icy ma Chalemie : alors qu’on me verra.Y entonner ma voix, le poifl’on parlera.Reçoy-l’en bonne part (ainfi d’un meilleur tige

Vienne quelque berger, qui à moins de dommageLa depende d’ÎC)’, pour ta gloire en fonner)

En gré pren-la de moy qui te la vien donner.Pan, la prenant en gré,*garde mes pafiurages,Et nourry mes troupeaux, àfin que les laitagesNe defaillent jamais à les autels couuers,Soit aux plus chauds Efteq, fait aux plusfroids HlltEI’S.Etfi par mes chanfons je ne t’en ren les graces,le les rendray de cœur. Rem lesfolles menaces,O Pan, de mes haineux : épouti leur folle erreurLeur efprits forceneq efpoin de ta fureur. ’A dieu ma Chalemie à ce Pin apendue,

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20 EGLOGVES.En [on arbre à ton Dieu par moy Toinet rendue.Quelque vent te fouflant témoigne en trifle voixLe dépit qui inefait te laifler dans ce bois.

TENOT.

Toufiours pleine de miel, 8- pleine de rofee,De qui la fueille en AIay reuerdijt arrofee,Pleine ta bouche fait, puis que d’vnfi doux [onTu fçais, mon cher Toinet, attremper ta chanfon.Vrayment ie ne croy point,fi tu voulois te taireTe retirant ainfifous l’ombre folitaire,Que tout n’en Iamentajt. Compagnon, il vaut mieuxAleprifer les medits de tes fois ennieux.Mais, mon Toinet, afin que ton chant ie guerdonne,Que te puis-te donner? Et vrayment ie te donneVn beau Rebec que i’ay, defi belle façonQue tu ne me diras ingrat de ta chanfon.

TOINET.

Grand mercy de ton don, Tenot, mais que ie Paye:Mais vois-tu le Soleil derriere cefle haye,Comme il s’en va coucher? Berger, retiron-nousAuec nojire beflail :voicy l’heure des Loups.

TENOT.

Allons : nous en allant, voudrois-tu point redireCette belle chanfon qu’encores ie defire?Baille-moy ta houlette, 8» nous l’irons chantant :En chantant, le chemin ne durera pas tant.

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EGLOG-VE .’ m1. ’ 21

MARMOTgi

EGLOGVE ..IIII.

IAQVTNJMÀRMÔT.FËLPMÏRœ’ï.

milan-vu. M e * v eD1: moy, filarmot, qui efl le pauure é” fimple mazfireQui t’a ainfi donné tousfesttroupeaux à paiflre,

p Et comment fi [andain d’vn ord vilain porchierQue”tu eflokis Ventangituvlt’esx fait vn vachien?

Mentor.De quoyàtejouciS-tu2:1uî’assbien peuxquefaire, Ifaquin, de t’enqüeriztsainfi dermonsafiaire. - O

La Qu’il N.

’O malheureux le maiflgre! ô beflail malheureuxlcependant que Marmot de Margot amoureux,Qui a-p’eur*qu?-venziAn10üiî Belinènesleëdeuance, i

A fin d’entrete. ’ l’idefesodonsfà bobance,

Pour vendre leïrlditagé:aztouteâheure le trait,Aux ’vach’esà’ër’uuxîlveauxfderobant«tout: le lait.

u0

Man-Mo T.

Tout beauyfn’quirnxtout beau :’: ne tmeœontreinideïdireCe que Lie fçaytàdettoyfiyuan’dütu nozzsgfis.ttantirire,Derriere-PCeruifl’on "(Et m’en tenîsi ),n:a’u Tentiezv

v Qui meine da’nëi*lesltb*ozs.i l ï ’ - ’ i v

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lewEGLOGVE&

IAQVIN.

Aa, ce fut deuanthierA l’heure volontiers, que tu me vis defcendrePar le mur d’vnjardin, douje venoy de prendreTous les Coins les plus beaux du bonhomme BigotQue ie luy derobay pour donner à Alargot.

MARMOT.

filais pourquoy rompis-tu (creuant en ton courage)Laflûte de Belin, de defpit ë de rageDe ne l’auoir gagné? Tu fufles enragé,Si, comment que ce fujt, tu ne t’eufles vange’.

IAQVIN.

Vrayment ce fufle-mon :ce n’efl rien de merueillesDe perdre aujugement defi begues oreilles.Que mauditfoit Robin ! Mais ne te vy-ie pasPar le paroy percé, comme tu derobasA Toinet un agneau : quand fa grande LouuetteAboyant apres toy te prit à ta jaquette,Et te la deffira? monflre la feulement,Si tu le veux nierje luy donne àferment.

MARMOT.

Voire da: mais pourquoy ne m’euft-il pas rendue,Puis qu’il auoit gagé, la gajure perdue? iCet agnelet (afin que tu le fçaches bien)Qu’à chanter je gagna], de bon gain efloit mien.

ÏAQVIN.

A chanter, toy Marmot? mais ils-tu de ta vieA taf pour en jouer, aucune chalemie?Que tu gagnas Toinet? comment le gagnas-tu?Tu ne fouflas jamais que dedans vn feflu.

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EGLOGVE 1m. 23MARMOT-

Il ne faut qu’efl’ayerfij’enfcay quelque chofe :

Bien qu’il te vaudroit mieux tenir la bouche clofe,Que d’en faire l’efla r : Si confus fans loyer

Deuant qui que ce foit je veu te renuoyer.

IAQVIN.

Que tu me renuoiras? Me prendre à toy j’ay honte,Tant s’en faut que i’ay’ pour que je ne te furmonte:

Et pour ce que tu vans tu ferois dedaigné,filais tu dirois, vantard, que tu m’aurais gagné,Comme tu as Toinet. Or je te veux apprendre,Que le faible ne doit à vu plus fort je prendre :Et que le Geay criard ne doit pasfe vanter,Ainfi comme tu fais, mieux qu’vn Cygne chanter.D)’, que gageras-tu?

MARMOT.

e Quefert tant de langage?Vois-tu cejte Genifle? â vrayment je la gageQue ie te gagneray : gagne, tu la prendras.Si je te gagne auffi, qu’ejt-ce que tu perdras?

* IAQVIN.

Tu cuides m’ejlonner, parlant ainfi d’audace,Bout d’homme que tu es. Tu as la mefme graceQue la grenouille ailoit, qui vouloit folementContrefaire en creuant du boeuf le muglement.Lagon-là le befiail :i’ay mon pere e ma mereQui ne faillent. iamais ma fleur leur eclere)De le comter au foir.

MARMOT.

Mé ce que tu voudras,Et ie t’y refpondray, anffi bien tu perdras.

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24 FIGLOGVES.IAQYIN.

Voy, tu t’afleures bien :, monfire donc, je te prie,Monflre nousvnpetit tabelle Chalemîe: .Et voyons la, Marmot : te, te pry lamonflrer.Comme un pourceau. d.’vn mors tu t’en fçais accoufirer.

MARM 0.1.

Et bien, tu la verras: elle eft icy derriere,Où je l’auoy laifl’ee auec ma pannetiere.

La vois-tu bien? Bauet m’a dit que fa, chanfonDe cellede Belotv a tout le mefme fon.

IAQVIN.

O queljuge- dezfoin!jellelvaudroy bien croire:le croirois. aujfi tojt’ que la neige fujt noire.O combien aujourdhuy de tels juges nouueaux,Comme afnes entandus, jugent des Pafloureaux!

M A R M o T.

Quoy? fi Rouler luyl mej’me’ en a dit; d’auantage f?

l le. QvVIN.Roulet en a dit plus? Aa, Roulet ejt trop fage,le le cogito] trop bien : je te jure ma foyQu’il te vouloitflatter, ou je. moquer de tOf.

MARMOT.

Laiflons toastes brocards: ê fans plus. loin remettre,L’vn ê l’autre d’iy’onsr ce que nous voulons: mettre;

Puis que tu n’oferois gager rien, du troupeau,Songe que tu mettras.

IAQVIN.

. le. va mettre vn vaifleau,Vn beau vaijfeau de buys, que cherement je garde,

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EGLOGVE un. ’23De I’œuure de Francin : aucun ne le regardeQui, primant de le voir fi proprement Ollllî’é,Nes’enquiere de moy don je Paf recouuré.

Sous le ventre Silen le creux du vafe portes.Monté demis fou afite, &fe roidifl de forteQu’on voit fait col nerueux s’enfler fous le fardeau,"Comme s’il ahanoit à porter le vaifl’eau. I

Tout alentour de luy une vigne rampanteTraîne à mont du unifiant mainte grappe pendante:JIaints amoureaux aifleï ê derriere ê zieutantDe [tigettes 8’ d’arcs touchent I’afne en allant,

Et maints autres tous nus fans arcs ê fans fagettes,Grimpans à mont les ceps, de tranchantes ferpettesCoupent les raifins nzeurs’en des petits cofins;D’autres foulent en bas en des cuites les vins.A l’enuiron du pié maintfautelant SatyreLes Tygres a. Lyons de longues refiles tire,Qui concilièrent Bacchus de pampre couronné,Affis deflus un char d’Ierre enuironne’.le mettray ce vaifl’eau fait de telle l’allure,Tout neuf comme je l’a : car pour vray je t’afl’ureQu’à ma bouche jamais nul ne l’a vu toucher,Maisje te le mettray, combien qu’il me fait cher.

MARMOT.

Du mefme ouurier Francinj’ay aufli une tafle .Boflee de façon tout de la mefme grace,Fers qu’elle efi de Cyprés, ê que l’entaillementAutour Efi imagé d’hifloires autrement.Sur le pie, où la mer ondoyante fejoué,Amphion ejt porté fur vn Daufin qui noue:Amphion touche vu Lut : maint poiflbn écailléSaute deçà delà, dans la mer entaillé.Alain): poiflbn d’vn cojlé, mainte belle NerineDe l’autre fur des Tous trauerfe la marine,Et de l’autre coflé maint Triton my-poiflonSa trompe laifle là pour ouirfa chanfon.le mettray ce vaifleau fait de telle boflure,

a.

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26 EGLOGVES.Tout neuf comme je l’u : car pour vrayje t’aflureQu’à ma bouche jamais nul ne l’a vu toucher,Maisje te le mettray combien qu’il mefoz’t cher.

IAQVIN.

Et qui nous jugera?

MARMOT.

Voudrais-tu te foumettreA Felipot qui vient?je t’ofe bien promettreQue nos marches n’ontpoint (&je n’en flatte rien)Entre tous les bergers vn plus homme de bien.

IAQVIN.

Guy, je l’en croiray :fay feulement qu’il vienne.

MARMOT.

Ie tefupply qu’à toy, Felipot, il ne tienneQue tu ne mettesfin bien tofi à nos debats,Mais à luy ny à moy ne fauorife pas.

FELIPOT.

Quel ejt vojtre debat?

MARMOT.

le dy que mieux ie chanteQue Iaquin, ê Iaquin de chanter mieux je vante:Tu orras l’un ê l’autre; ê, comme tu verrasQue nous aurons chanté, tu nous apointeras.

FELIPOT.

I’y fuis prejt de ma part, ê ie n’ay point d’afiaireDe tel empefchement qu’il m’en puma dijtraire :S’il vous plaifi de garder ce que i’enjugeray,Mais que ce [oit bien tofi, le vous efcouteray.

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EGLOGVE [Ill- 27MARMOT.

Allons fous ces Peupliersfur la gaie verdure,Aupres de ce ruifl’eau qui faitji doux murmure,Roulantfes claires eaux fur le pierreux grattois :Nous joindrons à ce bruit gracieux nofire voix.

IAQVIN.

Vrayment tu as raifon de chercher cet ombrageSous les Peupliers tremblans, pres du bruyant riuage,A fin que Felipot perde ta rude voix,Que l’onde ejlourdera roulant fur le grattois.Allons plujtojt deçà fous cejte roche ouuertePaifible de tout bruit : de belle moufle verteTout l’alentour du creux ejtfi bien tapifl’é,Et tout par le defl’us de moufle ejt lambrifl’é :Regarde qu’il efl beau : voy cejte belle entreeComme de verd lierre elle ejt bien accouflree:Qu’ilfait beau voir de la les ruifleaux ondoyansBlanchir en longs dejiours dans les pre; verdoyans!Allons-y, Felipot : la tu pourras comprendreSans que murmure aucun t’empefche de l’entendre,Comme ce beau Marmotfçait doucement chanter,Qui de gagner Toinet ofe bien je vanter.

MARMOT.

Chacun berger l’honneur de Poète me donne,Et Iaquin tu fçais bien que i’en eu la couronne.

IAQVIN.

Tu l’us, il m’en jouaient : quand on te la bailloit,Sur toy tirant la langue’vn chacun s’en railloit.

MARMOT.

Iaquin, tu es fafcheux :fans fin tu m’injuries,Toujiours tu ne me dis que toutes moqueries:Laifl’e tous ces propos, il eft temps de penferPar où noflre chanfon il faudra commencer.

«A, .4...- ..æ-v-°x r A

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28 EGLOGVES.IAQVIN.

Bien, bien : mais, Felipot, vien un peu recognoi reDou [ont les chalumeaux que porte ce bon maijtre .-Voyfi ce ne font pas les vieux tuyaux cafl’efDe Roulet ê Belot 65 Toinet ramafl’eqî’

MARMOT.

le te laifl’eray la, fi tu ne veux te taire :Mé fin à tes brocards: tu me mets en caler-e,le ne m’en puis tenir, de]! trop fait :pleujt à Dieu,Qu’il n’y eufl maintenant que nous deux en ce lieu.

IAQVIN.

Que ferois-tu, Mai-mot? Felipot, ne t’arrejteA ce que tu oys dire à cette folle tejte .-Il fe fume tout feul fansy ejtre irrité.le meure,jij’ay dit rien que la veritë.

FELIPOT.

Que faites vous, Bergers?»ces facheufes querellesD’injurieux brocards, entre vous nefont belles:Si vous vouleq tous deux en chantant vis à visParjeu vous eflayer, j’en diray mon auis:Maisji vous ne veule; vappazfer voftre ’noife,I’ay bien afiaire ailleurs, ou faut que je m’en voife:Voicy venir Perrot ê Belot â- BelinEt Toinet, qui pourront a vos plaids mettre fin.

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EGLOGVE v. «29

LES SORCIERES.A IAAQ. 13v FAVRÂ

EGLOGVE V.

MARTÏNE. MAVPINE.

Svsvixns, Dv PAVE, d’une gentile audaCeDes vieux Gregeois la mieux eflite trace,Et des Romains, maugré les ignorans,De vers hardis nos Mufes honorans :Le chant Sorcier, ê l’amour de Martine,Et les efi’orts des charmes de MaupineFaits fous la nuit, ores nous redirons.

A leur horreur les eaux des enuirensContrerampans d’vne fuitte rebourfeOnt arrejté leur trepignante courfe:De cejie voix le Lyon ejionné, .A, non recors, le Fan abandonné.

Il ejtoit nuit, 8* les aifles du femmeFlatoyent defla toute bejte émut homme,Faifant cligner les Afires par les cieux,Non des amans les miferables yeux.Nus pieds adonc 63 toute detrefl’ee,Martine s’ejl aux charmes adrefi’ee :

Entre fes bras trois fois elle cracha,Entre fes dents-trois mots elle mafcha :Etfon rouet, qui par trois fois fejourneEntre [es mains, par trois fois elle tourne:Puis tout acoup ê d’une mefme foisElle reprend fon rouet êfavoix.

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EGLOGVES.

MARTINE.

Flammes du ciel quifuiuezf la charretteDe la nuit brune : ô vous bande fecretteLes dieux des bois, ô vous nocturnes dieux,Ofous qui font tous les terreflres lieux,Tes afpres loix les Tartares efcoutent,Mefmes les chiens te craignent 8* redoutentQuand des enfers fus la terre tu forsTe pourmenant par les tumbes des mers,O Proferpine, ô royne aux trois vifages,Des mots diuins tu monfires les vfagesDes jus efpreins tu’guides les efi’ets:

Ren, s’il te plaijt, ren mes charmes parfaits,Afin qu’en rien ne cede ta MartineSoit à Medee ou fait à Melufine,Si je retien mon Gilet de retour.

Tourne rouet, tourne d’un roide tour.Tout je taijt 0re, ores les eaux je taifent,Le beisfe taijt, les Zefires s’apaüent,Tout s’afl0upitfous la muette nuit:Mais mon ennuy quifans repos mefuit,Nefe taijt pas au dedans de mon aine,La tempeflant d’une felonne fldme,Qui tout mon cœur enueleppe alentour.

Tourne rouet, tourne d’vn roide tour.Le fi’oidferpentfe creue en la prairieEftant charmé : par fou enchanterie,Circe jadis rendit des hommes porcs,Puis les remit en leurs anciens cors :L’enchantement les ejtoilles detache.Auienne auffi que mon chanter arracheDe mon efprit cefie grenue d’amour.

Tourne rouet, tourne d’un roide tour.Gilet me brufle, &fur Gilet j’enfldmeCe lerier cy : comme dedans la fldmeIl a craqué tout à coup allumé,Et tout à coup je l’ay vu cenfume’,

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EGLOGVE V. 31Et n’a laifl’e’ tantfoit peu de fa cendre:

En poudre ainji Gilet puifle defcendreEjtant repris du feu de mon amour.

Tourne rouet, tourne d’un roide tour.Ça cet oyfeau, ça ce panier, Toinette:Attache ejtroit cejte bergeronnette:De trois ribans en trois næusfoyent lierDe trois couleurs fes ailles êfes pieds.-Lafl’e lesfort: â murmure en voix bafl’e(Ce las d’amour contre Gilet je lafle)Contre Gilet lafl’e ce las d’amour.

Tourne rouet, tourne d’un roide tour.De la refee un verdier on voit naiftreAu mais de illay: dont le cofie’ feneflreCache un oflet propre pour emouuoir,Et le dextre ha fou contraire pouuoir.Le gauche oflet d’amour les coeurs enfldme:Le dextre éteint d’amour la mefme fldme:Teinette, fen en deux parts ce grefl’et,Contre Gilet tire le gauche oflet,(Serre lefang)pour moy le dextre tire,A fin qu’amour en fen rang le martyre,Et de [on mal je me moque à mon tour.

Tourne rouet, tourne d’un roide tour.Garde le fang: carfi Gilet retardeA m’aleger, des drogues je luy gardeDans un cofiret que Roufle me donna,Par qui fouuent maint parc elle étonna,Se defpouillant de l’humaine figure,Et d’une Louue afublant la nature.De ces poifons contre luy des demainTout le meilleur je triray de ma main:Auec cafang lefoyê 6’- la moelleD’un vierge enfant defl’euely par elleJe luy broiray pour breuuage d’amour.

Tourne rouet, tourne d’un roide tour.Pren cejte aguille, ê pain cejte imagette,Et dy, le tien l’amoureufe fagette

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l»laEGLOGVES.

Contre Gilet, de qui je pain le coeur,Le meurdrijîant d’amoureufe langueur.Gilet ainfi d’vne peinture pireReçoiue au cœur ce qu’on fait à la cireNauré pour nzoy de la fleche d’amour.

Tourne rouet, tourne d’un roide tour.Porte dehors cefte poudre, ferreeLà ou s’ejtoit une ulule veautree:Et jette la (mais ne te tourne pas)Par fus ta tefle en l’eau qui coule à bas.Ne bouge, non : oy comme j’efternue",(Ce vienne à bien) n’eft-ce point la venueDe mon amy? le dois-je croire? ou bienAinfin amans font grand’chofe de rien?Mais qui feroit en cejte heure par voye?Harpant en vain du fueil de l’huis n’aboye:Gilet renient bienheurer mon amour.

Cefl’e rouet, cefle ton roide tour.Ces charmes faits, la forciere Martine

Arrefie la fen rouet : Et MaupineDe l’autre part qui d’un faut s’élança

Nu chef, nus bras fes charmes commença.De vert Lorier efi’ueillé dans la dextreVn long rameau, fous I’aifl’elle fenejtre

Pour vu autel trois fois trois gagions verdsElle portoit de veruenne couuers.Lors à fen gré cheififlant une place

A S’arrejte court : ê de fa verge traceDemis la terre un cerne tout autourL’arondifl’ant d’un égalé contour:

Et les gaïons dans ce rond elle arrangeIoins trois à trois, mainte parole efirangeNon fans efi’eâ, à chef bas marmonnantSur chaque rang qu’elle alloit ordonnant.

Ce fait ainfifa chambriere elle appelleLuy commandant apporter auec elleVn vieil pannier, auquel mis elle auoitMamie poifon, qui aux charmes feruoit:

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EGLOGVE v. 33Outre un rechaut comblé de braife ardenteEt le mortier : d’un trepié la me’fchante

Faifoitfonfiege, ê des droguestriant,Ce qui luy plut, dit ces mets décriant.-

NÎAVPINÈ.

O ciel, 6 terre, ô mer, je brufle toute;Toute d’amour en larmesje m’égoute:l’aime Nicot, Nicot ne m’aime peint,

Et pour l’aimer je languis en ce point.De ce Nicet la forte Amour me demie,Mais le felon de mon mal ne tient comte,Qui ja neufjours, ingrat, pafl’er api;Sans qu’une fois feulement je l’ay’ vu.

Serait-ce point autre ameur qui le lie,Et quifait qu’ore en la forte il m’oublie?le le fçauray, telles droguesjefçayDans ce pannier, pour en faire I’e’flay:Ten-le moy tofl, que j’y prenne, filichelle,De frais panet vnefueille nouuelle:Rien ne defaut que les mots à cecy.. Charmes charmez mon amoureux foucy.Ha, Iafle-moy? je fuisje fuis perdue!Defl’us mon poing cefie fueille étana’ue,

Laslfous ma main frapante n’a dit mot.(Quoy, tu t’en ris, ô mefchante?) NicotA ce que voy, m’a dengues delaifl’ee?

Donc il a mis en autrefa penfee?Mais penfe t il en demeurer ainfl? I

Charmes charma men amoureux foucy.Non en vain, non :j’ay fait experienceDu plus fecret d’une telle fcience:Non en vain non d’un tel art j’ay pris foin,Pour n’en vfer à mon plus grand befoin .-Ca ce rechaut : foufleras-tu la braifeQuife meurt toute? ach, qu’ainfi ne s’appaifeDe mon amour le brafier adoucy.’

ledit de Baif. - 1H.U:

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34 ,ECLOGVES.

Charmes charmez; mon amoureux foucy.De l’encens mufle en ce brafierj’egraine,

Et du panet la femeilleufe graine.Comme le tout en un rien enfumeSe voit enfemble en un rien confume’ :Ainfi Nicot (fi l’amour d’autre femme

Le tient encor) puijÏe perdre fa fldme :Ainfi le feu dansfoncœur alluméD’oubly fumeux s’enfuye confume’.

filaisji dans’luy un autre feu n’a place,Comme l’encens s’efc0ule,fe dej’ace

La cruauté de Nicot endurcy.Charmes charme; mon amoureux foucy.

Tel fait Nicot, quel pour la biche aimeeLe cerf en rut, (s’- la forejt ranzeeEt la riuiere, ê monts &plains courantSans repofer, forcené fe mourant,D’un feu cache fe dejlruit, ë n’a cure

S’amenuifant ny d’eau ny de pafiure :

filais furieux fans reposfans repas,Suit jour â nuit fa biche pas upas;Tel fait Nicot, &par telle folie.r’vlis hors du feus, 6’- le viure il oublie,

Et le dormir de mon amour tranf.Charmes charmez mon amoureux foucy.

Pren ces deux coeurs d’un pair de tourterelles,Qui s’entre-aimans l’une à l’autre fidelles,

Voyans ce jour en vn couple viuoyent,Et d’arbre en arbre enfemble je fuiuoyent:Tant que l’vn’vit l’autre viuant demeure

Sans dinorcer : mais auffi tojl que l’heureA l’un allient, l’autre icy ne veut pasDe fen confort furuiure le trefpas.Ainfi Nicot m’aimant d’amour, naïue

Ferme, loyal, moy vinant icy vine,Et moy mourant, ne puifle viure icy.

Charmes charme; mon amoureux foucy.Ne puijÏey viure, ains defire la mort.

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U.)UsECLOGVE V.

Ces cœurs, Michelle, enfile ê laye fortDe ce cheueu, difant (Deux cœursje prefleDe deux amans d’une amoureufe lefle)Son cœur au mien accoupléfoit ainf.

Charmes charme; mon amoureuxfoucy.Vu de ces cœurs de ce cheueu deffile.En ce mortier, ê dy: Le cœur je pileEt j’amelis de Nicot, endurcy.

Charmes charmez; mon amoureux foucy.Dans ce panier mainte herbe ë mainte graine(Quefous les rais d’une Lune fereineDe ma main propre en un temps bien fereinI’allay cueillant d’vnferpillen d’erein)

le garde encore : entre autres la plus chereEn unfachet la graine de fougere,Qu’en plein minuit nous cueillifmes entanDenife 6’» moy la veille de faint Ian.Ie garde encore â- du nid ë’de l’aifleAuecque l’œufd’vne Orfraye mortelle,

Et du Poulain la loupe prife au front,Loupe d’amour, breuuage le plus promt:le fçay, jefcay connue on les mifiionne:Et, s’autrefoin de moy il nefe donne,Contre Nicot je garde tout cecy.

Charmes charme; mon amoureux foucy.filais fole moy, qui le temps â la peineEnfemble per d’une entreprife’vaine,

Tachant monuoir vnfier coeur, non de chair,Aincois, je croy, d’inzployable rocher:Quand ma chanfon, qui les afires arrefte,Betient lesflots, accoife la tempejle,Sur ce felon de fer n’a le pouuoirPour àpitié de mon mal l’e’mouuoir.

La nuit s’en va: auecqne la nuit bruneDans l’Ocean s’en va plonger la lune:L’aube defia dechajfant l’obfcurté, ’L’air eclaircy reblanchijt de clarté:Lejour reuient, non pas Nicot encore.

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36 ECLOGVES.Contre le feu, las! qui mon cœur deuoreNyjus ny- mots ne peuuent rien auffi.

Charmes cefleï, ê cefle mon foucy.

LES AMOVREVX.

ECLOGVE V1.

13.415532 douces brebis ces herbeux pafiurages,Paifleï ê iz’efpargnq de ces chams les herbages :Autant que tout lejour d’icy vous leuereï,Le lendemain autant vousy retrouuereq,Qui reuiendra la nuit : vos pis en abondanceS’enzpliront de doux lait : de lait àfuffifancePour charger les paniers de fournzages nouueaux,Et donner à teter a vos petits agneaux.Robin, en cependant qu’elles broutent l’herbette,Mon bergerot, tes-yeux hors du troupeau ne jette,Mais garde le moy bien, ê me le fay ranger,Que les loups de ces bois ne m’en viennent 171anger.Puis quand d’herbe il aura toute la panfe pleineMene le jugement pour boire à la fonteine.Où que tu le menras, ne dorpoint, fay bon guet,Que le loup cauteleux ne te trompe d’aguet:Tandis me repofant deflous cette aubefpine,Sur ce tertre bofl’u, de ma clzere FrancineLes amours à par moy feu] ie recorderay,Et fur mes chalumeaux je les accorderay.

O ma belle Francine, â ne viendra point l’heureQue nousfacions tous deux aux chams nofire demeure,Sans qu’ainfin efiant loin ronfleurs de mes auteurs,Et loin de tout plaifir, ie me plaigne toufiours?Sans tu] rien ne me plat]! : maintenait"! toute chofe

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ECLOGVE v1. 37Deuant moy par les chams à rire fe difpofe,Et le Soleil ferein de cet Autonne beauSemble nous ramener encor vu renouueau.Ces cofiaux verdoyans de vignes plantureufesNe refonent de rien que de chanfons joyeufes :Par les granges on oit du matin iufqu’aufoirGeindrejus les razfins l’ecrouê 6” le prefloir:Où le gay vendengeur de fes piés mafieux foule,Trepignant fur la met, la vendange qui coule :Maisfans taf iout cecy ne me peut confoler,Nonplus quefi l’orage émouuoit par tout l’air,Non plus quefi par tout ou l’oifiue froidureDu trifie yuerfigeoit les eaux de glace dure,Ou les,vents tempefleux comblans le ciel d’horreur,Par tout deracinoyent les arbres de fureur.

- Ofi Ces pre; herbus, fi ces forejis ombreufes,Si ces ruifleaux bruyans, fi ces cauernes creufesTe pouuoyent agreer, fi tu pouuois un jourEn ces clzams auec moy faire vn heureux fejour!O lors ces pre.ï herbus, lors ces forefls ombreufes,Lors ces ruifleaux bruyans, lors ces cauernes creufes,O lors heureux ces clzams, mais moy bien plus heureuxQui jouirois alors du defir amoureux.

O lors belles les fleurs, ô lors les ombres belles,Les eaux belles ê beaux les antres auec elles:O lors beaux tous les chams qui belle te verroyent,Mais icy plus belle encor que les elzams neferoyent!

le ne [cunette paifire en vne large plaineMille troupeaux de bœufs 8- de befies à laine :Maisjije te tenoy, Francine, entre mes bras,Pour tous les biens de Rois ie ne’ferois un pas.

I’ay un bel antre creux entaillé dans la pierre,De qui la belle entree eji route de lierreCouuerte çà ê la : trois fourgeons de belle eauSourdans d’un roc percé fout chacun [on ruifleau,Qui d’un bruit enroué fur le grauois murmure,Et va nourrir plus bas d”un preau la verdure:Des loriers ronfleurs verds y rendent vn doux flair

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38 ECLOGVES.Faifans un tel ombrage, 8’ remplifl’ent tout l’a ir.

Etj’ay là toutjoignant un bien tofu bocage,Où les rojfignolets degoil’ent leur ramage,Les gais rojfignolets leur clzanfon au printemps,Les petits oifiIlons leur ramage en tout temps.

Dedans cet antre cy tu ferois ta demeure, ,Ma Francine, auec moy: là toufiours à toute heurele ferois auec taf : ë de nuit 8’ de jourOu nous en parlerions ou nous ferions l’amour.Le Soleil fujt qu’il vint donner lumiere au mondeAu matin, fufl qu’aufoir il la plongeafi dans l’ondeDe jan hofie Ocean, enfemble il nous verroitQuand il s’iroit coucher, quand il je leueroit.Il nous verroit enfemble au matin mener paijlreDans les pajlis herbeux nojlre bejfail champejtre :Le mener au matin quand il je latteroit,Le ramener au foir quand ilfe coucheroit.

Francine, quelquefois j’irais à ta requefie,Denicher les ramiers grimpant au plus haut fejleDu chefne le plus haut : au pie tu m’attendrois,Et pour me receuOir tes bras tu me tendrois .-Quelquefois cependant que nos befies paiflantesBroztteroyent par les chams les herbes verdifl’antesA l’ombre retirez (l’ombre nous chercherionsTout l’efté, tout l’yuer au foleil nous ferions)

Nous redirions tous deux en gaye chanfonnetteNos heureufes amours fur ma douce mufette :De ma mufette moy j’atremperoy le fait,Toy tu accorderois ta voix à ma chanfon.Parfois tu chanterois, parfois comme enuieufeSur ma douce mufette, en façon gracieufeEntrerompantfon chant de ma bouche I’otrois,Etfur ma bouche-au lieu ta bouche tu mettrois.Voflre glace, 6 bons Dieux, me fait tant faucrabieQue ie puifle jouir d’un heurfi defirable.0 que cecy nous peufl vue fois azienir!Lors ie ne voudroy pas Roy des Rois deuenir

i Pour perdre ma fortune : encores que la grefle

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,EÇLOGVE vr. 39Ale gataft blés 65 vins, encor que pelle-mefleTant mon beflail mourufl, plus riche ie feroy(Ce meferoit adiiis) que le plus riche Roy.

biais cecy n’aduiendra non feulement en fouge:lamais ne [oit qu’en taf toutefois ie nefonge,T oufiours deuant mes feux ta face recourra,Toufiours dedans mon cœur peinte elle demourra.Et Francine, combien que loin tu fois abfente,Plufiofi foy-ie muet que nos amours ne chante:Vous rochers ë vous bois, qui toufiours entendre;files amours, auec moy mes amours apprendra.Soit qu’entre mes troupeaux à l’ombre ie me tienne,Soit que ie bufche au bois, fait que chef moy ie vienne,Soit que ie voife aux chams’, tout ce que ie feray’,O Francine, par icy ie le commenceraf.le dira] nos amours, de toute ma poitrine,De tout mon cœur tout tien le foufpirant, Francine.Les Faunes de ces monts, les Nymphes de ces bois(S’ilsyfont) entendront mon amoureufe voix :Et fi par ces rochers ê ces forejls efpaifl’esIl ne je trouue plus de Dieux "y de Deefl’es,A ce bois â ces montsfiperdray-je ma voixFaijant brufler d’amour 8’ les monts 8- les bois.Plufloflferoni hais les verdzflans herbagesDesfimpletles brebis, ë des befiesfauuagesLes arbreufes forefis : les poifl’ons dans les eauxCefl’eronl de hanter, 65 dans l’air les oyfeaux :Pluflojl que de mon cœur l’amour que le te porte,Poury loger un autre, â ma Francine, forte.VraJ-ment tu ne dois point craindre que la langueurOù ton amour me tient, s’arrache de mon cœur:D’autant que du Printemps qui en May renouuelle,La joyeufe verdeur plus que l’yuer ejl belle :D’autant que du beau jour la lumiere qui luitEjtplus claire que .n’efl l’obfcurté de la nuit :D’autant Francine auffi tu me fembles plus belleEt pluschere tu m’es que nulle autre pucelle:Ces monts m’en font tenzoins, â ces antres cane;

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I

4o - ECLOGVES.En plus de mille endroits de ces vers engraueq:Les gardons des connils hanteront les tannieres,Et les counils au lieu des gardons les riuieres,Où je couche le jour le Soleil leuera,A l’heure que Toinet Francine quittera.Mais cependant qu’icy ie flatte ma penjee,Du Soleil abaiflé la chaleur efi pafl’ee, ’Et la fraîcheur reuient : mais d’amour la chaleurNe je peut rafraichir au profond de mon cœur.Le Soleil defia bas ejland l’ombre allongee,Et fa flambe s’en va dans l’Ocean plongee :Il ejl heure d’aller retrouuer mon troupeauPour garder que les loups n’endommagent leur peau.

ÏANOT

ECLOGVE vu.

PERROT.BELOTVus vache auant-hier des autres écartee

De fortune s’efloit dedans les bois iettee,Et deux heures auoit qu’à tous les pajloureauxQue ie pouuoy trouuer qui uflènt des toreaux,D’elle ie m’e’nqueroy’, fans qu’aucune nouuelle,

Ayant long temps couru, j’ufl’e pufçauoir d’elle:

A la paifin tout las n’en pouuant prefque plusle vins ou deux pajteurs l’un contre l’autre efmusSe deffioyent l’un l’autre à qui auroit la gloireDejçauoir mieux chanter auccque la uiâoire :Ils ejloyentprefis de dire, ë n’auojfent que befoinD’un tiers, qui d’en juger voulujt prendre le foin.

P)

.A.-..-..,.A.-....-.......«.ç. mm -N. NE,

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ECLOGVE un. 41Ces deux efloyent Perrot ë Belot, tous deux gardes

i De beflail, mais diuers’: l’un des cheures gaillardes,L’autre auoit des brebis: chacun ,ejl bon joueur,-Et bon chantre chacun, 65 chacmi en la fleurDe [on tige : Belot fonne de la mujette,Perrotjur le rebec joué fa chanjonnette: L ÇOnt mis gages enjeu : Perrot mit deux cheureaux,De la part de Belot furent mis deux agneaux.

D’aujfi loin que Perrot iiz’apperçoit, ilnn’appelleL

Toinet, vien-t’en icy, ie te diray nouuelle l VDe ta vache égaree : elle ejl en ce troupeauLa bas dedans les pre:(, ou coule ce rufleau.»Ne t’en tourmente plus: il n’y a point de pertefMaisji tu as loijir, vienAdeflus l’herbe verteT’afleoir auccque nous: tu te repojeras,»Et de nojtre debat le juge tu feras. * VIcy defl’ous ce Pin le doux vent de ZephireRafraichifl’ant le chaud molletement joufpire;Icy par ces rameaux dejfus nous ejlendus,De l’ardeur du Soleil nousferons deflendus.

Qu’ufle-je fait alors? êfij’auois mes hayesA redrefler encor, êjij’auoy les clayes VDe mes parcs à, lafler : mais ie voyoy l’ébat

De Perrot ê Belot qui ejtoyent en debat.Ie penje quelque peu que c’efl que ie de] faire :A lajin pour leur jeu ie quitte mon afiaire.Carj’ejtoy tout en eau d’auoir courufi loin,Et de me repojerj’auoy tout bon befoin.Donc entre eux ie m’arrejle : à chanter ilsfe mirent,Et chantans tour à tour l’un l’autre ils je juiuirent :Belot rejpondoit la, Perrot chantoit icy;Aux illujes il piaffoit qu’ils chantafl’ent ainf.

Penne-r.

Mufes,’ mon cherjoucy, faites que j’ofe direA Vue chanfon pareille à celles de Titire :

Sinon, comme’jon chant approche de celuyD’Apollon, que le mien puijîe approcher de luy.

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42 ECLOGVES.BELOT.

Phebus dieu pajioral, ce t’eft clzojefacileDe mefaire pareil à Dafnis de Sicile :Si ie n’y puis venir, te vienne bien à gréMa mujette pendue à ton lorierjacré.

PIERROT.

Sandrine m’aime bien:quand ie pafl’e aupres d’elle,

Tant loin qu’elle me voit, elle je fait plus belle.Combien m’a t elle dit de propos gracieux?Vents, porta-en un mot aux oreilles des dieux.

BELOT.

Linette me hayt-elle? hier comme ie pafl’eDeuant [on huis, la belle (ô Dieu, de quelle gracel)Me jette un beau bouquet: 8.1720)’ de m’approcherv:Ie me baifle, â le pren, à?» le garde bien cher.

PIERROT,

Quand le ciel courroucé d’un horrible tonnerre,Tempejte parmy l’air, fous luy tremble la terre,Fait bondir les ejclats, tout bruit d’ire irrité:Telle Sandrine m’ejl en fou œil depité.

BELOT.

Quand le joyeux printemps de diuerjes fleurettesPeint des pliez verdifl’aus les herbes nouuellettes,Par tout fereine rit la gaye nouueauté,De Linette telle ejt la riante beauté,

P2111101:

Hé, les vignes en fleur craignent la grejle dure,Les arbrifl’eaux fueillus de l’yuer la froidure,

Et la gueule des loups ejt la, mort des moutons:Mais le cruel’amour ejt la mort des garçons.

’kus"x imam. 495-

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eau-orne vu; 43(BELOT’.

Les abeilles des fleurs, les fleurs de la fol-6è,La ’rofee de l’ombre au printemps je recreei iDes tendres jouuenc’eaux toujiours les jeunes cœursSont aifes dejouj’rir amoureujes langueurs. ’

V Pennor.

A ma gente Nymphete un Ecureuil ie donne :Sij’aperçoy demain qu’ilplaije à ma mignonne

Vn autre j’ay tout prejt, lequel apres demainA ma mignonne encor le donray de ma main;

BEL’OT.

Vu Sanjonet mignon dans une belle cageL’autrejour luy donnay, qui outre jan ramageSable mainte chanjon :fi elle l’aime bien, vVu autre j’ay toutprejt qu’elle peut dirèfiem

PIERROT.

Ma Sandrine m’appelle, à? puis elle je cache.Et me jette une pomme, 6’: rit, en; detache,Et je decoifi’e expirés, afin quefi ie veuxle uoye jan beau jein gifles-jaunes. cheueux.

BELOT.

Ma Linette m’attend au bard de la riuiere’i V

La elle" me reçoit enji douce manieraM’acolant ë baijant, quejur le bord de l’eauMoy-mejme ie m’oublie Mecque mon trOupeau.

PÉRR-OT.

L’air-fera plumeux, ë trouble l’eau courante,-

Lc pré je faiiirdfi ma Nymphe ejt abjente :Maisji elle juruieiit, l’air s’aille ejclaircïifl’ant,Et l’eau deuienne claire, ë le pré fleüi’iflant.

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44 ECLOGVES.BELOT.

Tout le bois verdira, l’eau fera claire ê nette,Le préfera flezuy, s’ilsfentent ma Aîyinplzette:M’aisfi elle s’en part, les fueilles fletriront,L’oua’efe troublera, les fleurs je faniront.

PERROT.

Quiconque atteint d’amour lzeureufementfoupire,Si par les antres creux quelquefois il vient lireNos deux noms engraueg, â qu’lzeureufe il diraCelle pour qui Perrot amoureux languira!

BELOT.

Bergers, qui par ces lieux garde; vos brebieltes,Sur l’efcorce des troncs lifant mes amourettes IBaume; le berger, qui aprit tous ces bois hDe refpondre le nom de Liuette àfa voix.

PIERROT.

Priape, fi tu veux à ma flâme amoureufe,Sandrine adouciflhnt, mettre vnefin hem-eufe:Si tu me peux guerir :jamais ton autelet,Soit Enter, fait Eflé, n’aura faute de lait.

BELOT.

Nymfes des enuîrons loufiours dans vos chapellesMaints chapeaux fortifiez de fleurettes nouuellesIe vous prefenteray, fi vous daigne; ioufiours,Comme vous allez fait, me garder mes amours.

PIERROT.

O Nymfe,fi tu es plusfraiche que la rofe,Plus blanche que du lis lafleur de frais éclofe,Plus belle qu’vn beaupré : veilles te foulienir,Si tu aimes Perrot, à ce loir de venir.

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ECLOGVE-VIII. v 45

BELOT.

O Nymfe, efiime moy plus piquant que l’efpine,Beaucoup moins qu’un oignon, plus amer qu’aluïne, ISi ce jour ennuyeux ne m’eflplus long qu’un au. :Ne fau donc de venir où ce foir ie t’atten.

IANOT.L’un apres l’autre ainfi ces deux Pajteurs chanterent,Et leur clzanterfiny mon aduis demanderent:Alors comme voulant de tous deux l’amitié,Entr’eux deux ieparty l’honneur par la moitié.Pafleurs viueï amis : que I’vn à l’autre jureVne entiere amitié : changez; voflre gajure.Perrot, pren de Belot ces jumeaux agnelets,Belot prendra de toy tes clzeureaux jumelets:De leurfang vous teindreg l’autel des neufpucelles,Les Dames d’Elicon, les neuffœurs immortelles,Qui vous ont de leur gré tant de beaux vers donnait,A fin que de leur main vous foyeï couronnée.

LE CYCLOPE0V

POLYFEME AMOVREVX.

ECLOGVE VIII.

A PIERRE LE IVMEL.

EN vers enflez autre que moy rechanteDu fier Cyclop la cruauté meclzante,Comme jadis fous l’Ethnieiz rocherIl a foulé fa faim (l’humaine. chair:

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ECLOGVES.

Quand le fin Grec par le vin .MaroneeSa cruauté vengeur a guerdonnee:Lu)! creuant l’œil; moy, IVMEL, que CyprisM’ornantt de Illyrie apourjon Poete pris,Du doux Cyclop ie d)" la douce flânze.

O le pouuoir de la paiflante dame !’Quand ce felon que nul hofle ejlrangerNe vit jamaisjans dommage ou danger,Cet-inhumain, l’horreur des antres mejmes,Ce mejprifeur des demeures juprefinesEt de leurs dieux, jent que c’ejt du brandonQu’allume en nousjon enfant Cupidon.la nonchalant de ja. troupe ejcartee,Il brujle tout du feu de Galatee,Si que jouuent jon beflail jans berger,S’en vient ejpars aux antres heberger.Tandis il met toute fa diligenceA je parer : à toute heure il s’agence:Or d’vn rateauja perruque pignant,Or d’une fauja grand’ barbe rognant,Dans la mer calme ilje mire, ê nettoyeSon front crafleux,je polijl, je cointoye:Lajoifde jang, l’inhumaine rigueur,Dauant l’amour dejlogent dejon cœur.la les vaifleaux àjeurte’ vont ë viennent,Etjans danger à la rade je tiennent,Tandis qu’autour dejonfeu le fait fieu,L’empejche tout, (9 ne le lajche à rien :Lors que jan ame efl du tout arrefleePour amollir fa dure Galalee:filais plus ardant il l’aime 6’: la pouzjuit,

Plus elle froide ë le Izayt 8* le fuitPar les forefis : tandis ilje lamente,Et de jan dueil l’air ë l’onde tourmente

Creuant de voir jan corriual AcisDans le giron de fa mignonne ajjis,Et luyjuer en ja pourjuitte vaine.

Or vue fois pour alleger fa peine

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ECLOGVE vin. 47Il je vint joir jur le dos d’un rocherFazfant jas pieds à fleur de l’eau» toucher àEt s’efi’orça, jouflanêja chalemie -A cent tuyaux, de fleclzirjon amieD’un chant d’amour, que l’eau mejine fen-fit,

Chant que le mont alentour retentit;Alaint Satyreau, mainte Nymfe ententiueSous les bojquets a cejle voix plaintiueTindrent leurs pas, quand Cyclops langoureuxEmplit le Ciel de ce chant amoureux;

O belle Nymfe, 6 blanche Galatee;O trop de moy par amour jOuhettee,Belle pourquoy me viens-tu. reboutantDe ton amour, moy, moy qui t’aime tant?

Plus que les lis, ô Nymfe, tu es blanche,Ton teint plus frais que la ponte plusfitanche,Plus delicate eft ta douillette chair;Que le ponjfin fiais efclos, à toucher:Plus ejclattant luit ta beautéfleurieQu’au beau Printemps la diuerje prairie:-Bien plus Iajcif efl’ ton maintien foletQue le gay bond d’un aigneau tendreletEt ton œil vif la belle ejtoille efi’ace.Voire diray que ta grand’ douceur pafle’

Le raifin meur, fi tu me veux aimer:Sinon jinon, plusfiere que lamer,La fiere mer, oit-tu fais ta demeure.Plus rude encor que lagrappe non meure,Et plus cruelle en ta brute beautéQue des Lyons la fiere cruauté.Moins que ces rues de mes larmes ployable,Plus que cet eau trompeuje 63 variable : .Et ce qui plus me nuit que ton dedain,Deuant mes pas plus fuiarde-tqu’vn Dain.

Tu viens icy tandis que ie jommeille,Mais tu t’en cours fi tojt que ie m’éueillej

Et tu me fuis comme fuit le ramierEn l’airfuiuy du Faucon pafl’agier:

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ECLOGVES.’

Bien qu’apres toy ma cour-je ie n’auan’ce,

Comme l’oyjeaujur le pigeon s’elance,Pour t’ofi’enjer, mais l’amour qui m’eflraint

A te juiuir forcené me contraint.Premier premier de ton amour la braije

Par l’oeil au cœur me defcendit, .Mauuaije,Quand vous allie; aux fiaijes dans les bois(Et qu’à mon dam chétif le vous guidois)Alfa mere 8’ toy, toy mejchante, elle bonne,Depuis ce temps le dur mal ne me donneVu jeul repos, ne me lajche un repas,Et toutesfois tu ne t’en jouais pas.

Ah, te cognoy; deefle toute belle,Ie cognoy bien pourquoy tu m’es rebelle:Ce poil ejpais tout-rebours, cet œil rondQue i’ayji large au milieu de mon front,De mon grand corps cejte geante’ niafle,Sont les horreurs qui m’oflent de ta grace.N’ay-ie qu’un œil? le tout-voyant SoleilQui luit par tout, luit-il de plus d’un œil?Etfi ie porte epaijÏe cheue’lure,L’arbre efl-il beau fans epaifle fueillure?Etfimembru ie jurmonte en grandeurMes compagnons, n’eft-ce pas un grand heur?Et pourquoy donc me fuis-tu, dedaigneuje?Carfi tu crains ma barbe trop hideuje,N’ay-ie du feu? prens-en,» brujle la moy,le le veu bien, pour t’ofler cet ejnzoy:Puis qu’en mon cœur de mon bon gré j’endure

Pour ton amour, une fi chaude ardure:Brufle cet œil, ie ne veu t’empejcher,Bien qu’ilmejoit-jur toutes chojes cher:Mais plus que luy tu m’es encores cheire.Quoy? ejt-il rien que ie ne tâche fairePour toyfelonne? à” trop humble, combienQue ie fay tout, tout ne me jert de rien:Quand pour cela ta rigueur ne s’alente,Quand ta! douceur’pour cela ne s’alignzente:

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ECLOGVE VIH. 41.9Plus ie te fuis en tout obeiflant,Plus la fierté s’affine orgueillifliant.Maisfi l’amour que confiant ie te porte,Pour te flechir ne te femble ajjex forte,T’ejmeuue donc l’ejpoir de tant de biens,Qui miens encor, fi tu veux feront tiens.fifille troupeaux ê de bejtes à laineEt de grans beufs au mont ë dans la plainePaiflent pour moy: ê de cheures anjfi .fifille troupeaux pour moy broutentici.Soir 8- matin tant de lait on m’en tire,Que, s’il me plaijt, jans mentir j’aje dire

En pouuair faire une mer ondoyer,Sous qui ces pre; tu verras je noyer :Et s’on pauuoit dans la bafl’e campagne

Le preflurer tout en une montagne,Le mont caillé qui s’en aflembleroit,

Deja hauteur ce mont egalleroit. IMaint beau fruitier d’an en an me raporteFruits faucureux â de diueije forte:Iour n’eft en l’an que ie n’aye à faljon

Fruitages meurs, chacun en’ja jaijon.Dans mes vergersfi tu veux, pucellette,Tu en feras de ma main la cueillette,Si tu ne veux nojtre terre blajmerPres des grans biens qu’on reçoit en ta mer.Mais quel plazfir deflozis la mer chenuëPourrait-on prendre auec l’enjance mué?Ou, fi tu jars de ton moite manoir,Mille Cyclops icytu pourras voirSous le doux jan de ma flûte entonnee

. Afairejauts payer une journee,Et parmy eux mille Nymfes aujfiQuipour mïaimer prennent peine &jouci:Ingrattement’mainte Nymfc pourchafleMon coeur,- helhs! que ta fiertérdechafle,Coeur martyre par ton cruel dedain,filais defiré de mille autres en vain.

Iean de Baif. - 111. ,5

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.ÉCLOGVES.

Que ne naquy-je, allzeui’e que premiereSur moy luijit de ce jour la lumiere,Comme un daufin auec des ailerons?Ainfi cueillant en tout temps les fleurons,(Au doux Printemps des perces violettes,Au chaud Efté des rojes uermeillettes.)J’irais auxflots mon corps abandonnantTe les donner :. ê la, te les donnant, lBaijer,finon ta bouchettevermeille,Au moins ta main a ces rojes pareille:fifauuazje, au moins ce doux attouchementA mon grand feu donroit allegement :Au feu d’amour, qui dedans ma poitrineMe cuit le cœurkô’ mes moelles mineDedans mes os :16 moelles, ô cœur,Chetif apajt de l’amoureuje ardeur!Mais cet ardeur ne fera conjumeeD’autre que toy,, qui me l’as allumee:Que toy qui peux d’un clin d’œil me guerir,O ma deefle, ou me faire mourir.Moy Polyfeme, qui ne crain ne redouteCe faudraieur, que creint la terre toute,Qu’on dit brandir le tonnerre en jes mains,Tant redouté de ces cheiifs humains.Ie crein toy feule, à toy feule i’abaifle,Me tapiflant, de mon cœur la hautefle :Moy qui tous dieux mejprije egallement,Ta dette i’adore feulement.Sor donc des eaux, ê vien icy t’ejbatre,Laifle les flots contre leurs riues battre:Sor Nymphe, for, vien damier en tes brasVn que les dieux, non, ne damieroyent pas.Vien Galatee, vien t’en :fi ban te femble,Les pis laiteux nous étreindrons enjemble,Enjemble icy le lait nous caillerons:Nous d’un accord le bejtail mentirons,Menans unis vnefi bonne vie,Que ces beaux dieux y porteront enuie.

v:vm.mws;’rfludmflfimmîîizflwer .

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ECLOGVE 1x. SIMais, 6 moyjot, quand tout ce que ie dySe perd en l’air par les ventsaflburdy.

Cyclops, Cyclops, mais ou s’efl égareeDe ton bonjens la confiance afleuree f?Pourquoy fuis-tu l’ingrate qui te fuit,Fuyant ingrat une autre qui te fuit?(r Celuy vrayment eftre en malheur mérite,« Qui de fan gréjon bonheur mejme euite.Laifl’e la la, ta bejongne repren:Recueillir fruit d’une mer n’entrepren.

Ainfi chantant fa douleur aflatteeL’vnæil Cyclops, lors que ja GalatéePoufl’a le chef hors de l’onde, êjoudain

Se replongeantje cacha par dedain:Et, laiflant la Polyfeme en fa rage,Vers jan Acis entre deux eaux renage,Où le douxfruit àfon mignon rendoitQue l’autre en vain languiflant attendoit.

PAN.

ECLOGVE IX.

D’VN vers Sicilien ma fique par la FranceNe rougiflant de faire aux champs fa demeurance,A bien daignéjaue’r, &par elle enhardyCes rojeaux que j’entonne à mon col ie pendy :En ces rojeaux Titire ajoiblit jan haleinePour le bel Alexis, ê pour chanter Silene:Silene il a chanté, Silene ie teray,Mais la belle chanjon de Pan ie chanteray.

Toy, fait que les ejiats du peuple tu ordonnes,Les rangeant jousntes laix, fait que feul tu t’adonnes

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52 ECLOGVES.Sous l’antre Aoniezz, vien voir bien auancé,O CHARLE, a ton auen l’ouurage commencé.filuje,juy ton propos, de moy rien ie n’auance:Sans ton aide ma voix n’aurait point de puijÏance.Decjfe aide moy donc, diâe moy, j’ejcriray:Ce que tu me diras aux autres ie diray.

filenalcas ê .Mycau pajloureaux d’ArcadieVirent Pan endormy : jur luy fa chalenzieA un rameau pendoit :jon chapeau de Pin vertEn terre efioi’t coulé de jan front decouuert:De ja main ja mafiue efioit cliente en la placeou le Dieu s’efioit mis tout lajje’ de la chafl’e:A l’ombre d’un Sapin le joinmeil l’auoit pris.

La ces deux paflbureaux endarmy l’ontjurpris,Et d’un accordions deux le lier deliberent:Soudain de liai-s d’ofier, qu’a propos ils trouuerent,Le viennent garrote’r: Drymon aux longs chenaux,La Najade Dryman je me’t d’auceques eux:Et comme il commençait d’entrevoir la lunziere,Ses cornes é’jonfrant barbouille par derricreDes fileures qu’elle auoit. Luy d’eux je jouriant,Pourquay, ce leur dit-il, me veneï-vous liant?Enfans, dejlieï-moy : l’aftoureaux vous juffijeD’auoir conduit afin vofirefinejuiprije:Defiaites ces liens : Enfans, pour ma rançonLa chanjon vous a-zizve;,,c’ejl pour vous la chanjon:Car i’ay pour cefie-cy fa reconzpenje prefle.Ils desfont les liens: a chanter il s’apprejte:Alors vous eujfie; veu, tout autour de ces lieuxD’un branlejauteler Nymphes 8’ Demy-dieux,Digeades d Satyrs (lancer par les bocages,Les Najades des eaux poufier leurs beaux vijagesHors des ondes, en rondije mener par la main,Et iujques au nombril decauurir tout le jein.

Il chantoit de ce Tout lesfenzences enclojesDans le Chaos brouillé, jource de toutes chojes,Le feu, l’air, â la mer, 8- la terre, à” commentTout ce qui vit je fait de chacun element:

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ECLOGVE 1x. 53Comme en bas s’aflembla la plus pejante mafle,Demis qui s’eflendant Neree pritja place:Et comme peu a peu le mondeje forma,Comme dedans le Ciel le Soleil s’alluma:Faijant tout ejbaïr deja belle lumiere ’La Terre, qui n’ejloit de la voir coutumiere:Les fleuues 5 les monts (S’- les champs découuers,Et les bois, ê de tous les animaux diners:Puis des hommes le genre, à” leur Lige darceQuijauuage vagoit par les bois égaree,Viuant des glans cueilli; : (S’- comme des forejtsIls quitterent les fruits pour les dans de Cere’s.Il chanta des dragons les couples atteleesAu char Athenien : puis les gens reculeesSous le Soleil leuant que Bacchus jurmonta,Et le prejent des vins qu’en Grece il aporta.

Il ajoujte Venus d’Adonis amoureuje,Conzmejon fils Amour la rendit langoureuje,Quand la venant baiferja gorge il efleuraD’un trait, dont le venin dans elle demeura.Le coup n’aparoift point : plus grande efi la blefl’ureQue la montre n’en ejt : petite ejt la pointure,Mais le venin coulant au profond de jan cœur,Peu apres decouurit une grande langueur.Adon a toutjon cœur: de Paphe 6’ d’AmathunteEt de Cnide â d’Eryce elle ne fait plus comte.Elle quitte le ciel, le ciel plus ne luy plaifl :Plus que le ciel Adon, fan cher Adon luy ejt.Adon vange en Venus de ja mare l’outrage,Venus àjon Adon donne toutjon courage,Et le tient 8* lejuit, ë ne fait rien, jinonQue pour fembler plus belle au gré de jan mignon.Ajant lejarret nil, la robe recourjeeSur les hanches, ainfi que Diane troufiee,Elle accompagne Adon : atrauers les halliers,Atrauers les cailloux ellejuit les limiers.Si quelque’Nymphe icy jent la pointure amereQu’Amour fait de jes traits, qu’elle voyeja mere,

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54 A ECLOG’VTES.

Sa mere qui jan cœur n’en a peu garentir .-Quel autre je pourroitjauuer de la jentir?filants 6’ bois elle brojTe : ah, que la ronce dureNe teigne de jan jang la douillette charnure!Ah, que le dur caillou, s’elle hafle jes pas,Les plantes ne meura’rifle àjes pieds delicas fAflije quelquefois fous quelque frais ombrage,Creintiue preuoyantjon ja prochain domage,Elle aduertit Adon, fi pour l’en aduertirSon malheur trop voifin elle eujt peu diuertir.

Aux Sangliers, aux Lyons ny aux Ours ne t’adrefl’e:Encantre les hardis que vaut la hardiefl’e?Celles bejtes pourjuy qui ne je defi’endrOnt,Et n’aborde jamais celles qui t’attendront.De ton tige la fleur, ê de ta belle faceLe teint frais 8- poly, à” toute celle graceQue tu as, qui api! ta Venus émouuoir,Sur les cœurs des Sangliers n’aurait point de pouuoir.

Adon ne lame pas de croire jan courage,Et de l’épieu toujiaurs la befte plus jauuageIl attend, tant qu’vnjour un Sanglier luy cachaSes defienjes en l’egne, ë nauré le coucha,

Nauré las, à la mort! Voicy Venus atteinteD’une grieue douleur, qui faitja trijte plainte:Les bois ê les rochers de jan dueil douloureux,Rejpondent trijtement à jes cris langoureux.

Demeure Adoiz, demeure, à in que ie t’acoleCelte derniere fois, 8’ que ie me conjoleDe ce dernier baijer : repren cœur mon Adon:Que ie reçoiue au moins de toy ce dernier don:Baije moy cependant que ton bazjer a vie,Ains que l’ame te fait entierement razzie:De ta bouche en ma bouche auecque ton doux ventDans mon cœur ie jeray tan ame receuant.Ton aine dans mon cœur pour confort de ma peineCoulera doucement auecque ton aleine:Par ce bazjer aimé l’amour ie humerayQu’à iamais dans mon cœur pour toy ie garderay,

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ECLOGVE 1x. 55Pour toy, car tu me fuis : tu t’en fuis fous l’empireDe ce Roy fans pitié, Roy de chagrin é’rd’ire:

Tu meurs, tufuis, le vy, ê pource que ie fuisExemte de mourir, te juiure ie ne puis.

Venus dejes douxyeux autant de pleurs larmoyaQu’Adan perd dejanjang, qui de ja playe ondoye,Et tout degoutte en terre, ou du jang ê des pleursA coup (miracle grand!) naiflent de belles fleurs.Lis de blanche couleur 63. blanches violettesS’engendrerent en bas des claires larm’elettes:Dujang vermeil coulant tous fleurons vermeilletsRojes teintes de rouge, ê de rouges œillets.

Il chante apres l’Amour d’Alphe’ ê d’Arethuje :

Le fleuue la pour-fuit, la Abcmphe le refuje,Et pres Pijefe jette aux vagues de la merEt nage en Ortygie : Alphé brujle d’aimer,Si bien que trauerjant l’eau des vaguesjaleesApres elle il conduit jes ondes analeesAu profond Ocean : ê luy porte en tout temps,En tout temps jan eau douce, ê des fleurs au PrintempsPour dans dejon- amour: jans qu’il mejle jan ondeAuec l’onde marine où elle ejt plus profonde.O qu’Amour ejt perliers &faux petit garçon,Qui lesfleuues apprend àfaire le planjon .’

Il chante apres, comment de l’amoureuje ragePygmalion futpoint, ejpris du propre ouurageQue jes mains auoyent fait : mourant il languzfi’oitPour ne pouuoirjouïr dont plus iljou’ifl’oit.Venus en ut pitié : un jour il s’émerueille

De jan yuoire blanc qui prend couleur vermeille,Et de jes bras qu’iljent mollement enfoncerSur l’yuoire ariedy le voulant embrafler:San image prend vie : adonques il approucheD’un baijerplus heureux la bouche fur la bouche:La pucelle en rougit : à” de jes yeux peureuxAujfi raft que le jour connut [on amoureux.

Diray-ie comme il dit l’outracuidé Satyre,Qui oja follement de fa flûte la lyre

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56 ECLOGVES;D’Apollon afl’aillir? qui eccrclzé iz’auoit

Par toutfon corps [cinglant qu’une playe qu’on voit?Le fleuue de fonfang, dont les ondes plaintiuesPortant encor fou nom, qui dans leurs trèfles riuesSaur-dans deflbus le pie’ du miferable PinPar les champs Afiens bruyant fa triftefin?

Diray-je c’omme il dit de [Midas les oreilles IQ;t’Apollonlzgr fit d’afne, ê les grandes iizèrueillesDe tout ce qu’il touchoit qu’ilfaifoit or foudain,Et pour eflrefoul d’or fa malheureufe fain ?

Apres il racontoit le banquet de TantaleQu’ilfit defon fils propre, 5’ Cere’s qui aualeL’épaule de l’enfant : puis l’yuoîre il clzaizta

Qu’au lieu de [on épaule a Pelops on alita.Puis il chante Amphion, qui aufon de fa Lyre

.Çaflit les murs de Thebe : aptes il vient redire"tu; nofles d’Armonie 8» de Cadme, tous deux

Qui muez enfeipentsfe trainerent hideux:Le Dieu chanta cecy, tout cecy dequoy l’âgeAbolift la memoire : Il chanta: le bocage-Retentitfa clzanfonjufqu’à tant que la nuitAux Cieux, qu’il retenoit, les efloilles conduit.

LES BERGERS.

ECLOGVE x.

CLAVDIN. IANET.

SVT, fut, allez camzlfes brebicttes,Puis que de paiftre 0re foules vous efles:Allez au frais fous les fueillus ormeaux,Au bord herbu de ces bruyantes eaux:

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ECLOGVE x. 5hPuis que du jour la hauteur plus bru’lanieBarde du Ciel fml ardeur uiolante,Aux champs grilla : or que par les mimoisLes grieæïillons remaillent leurs allumions.

Sous ces ormeaux allons mes brebiette’:La vous une; mes gafes clunübnnettesAuec les eaux bruire fi doucement

-De mes amours, que d’ébaïfl’ement

Vous en perdre; de paflurer bannie:En allant donc cefle pree floriePaiflï’ï troupeau : Toy Lamier cependantTien l’oeil au guet vers ce tertre pendant.Là deuant hier un loup (muant de rageVint je ruer, tâchant faire dommageSur le beflail que Robin y menoit:Vue brebi dans fa gueulie il tenoitEt l’emportait : quand le berger l’angle,Hafle fan chien, luy faitrlafclzerfa prife:Guetta Louuét,fl bien que pas à pasLe loup trefizé ne nous dommage pas.

filais qu’efi ce la que ie voyfous un orme?le ne puis bien juger d’icy fa ferme,Si c’eft vu homme à le voir, ou fi c’efl

Quelque fauchon tiré de la forefl.Or maintenant ie voy que c’ejl un homme,le lefçay bien, ê Ianet il je nomme:Car tout aupres fan renzaclzant troupeauIe reconois à voirfa noire peau.C’efl ce Ianet, qui dans noflre contreeSeul afi bien. fa murette aècoufiree,Que feul de tous (tant ilfçait bien chanter)Peut à bon droit mon pareil je vanter.

Orfomnzes-nous.arriueï à l’onzbrage:Befiail par trop ne te fie au riuage.Ne nef-tu pas le belier de Ianet,Qui tout honteux aupres de ce genetDe l’autre partfa peau [celle au foulage?a Bienheureux eflr qui de l’autruy dommage

44.

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ECLOGVES.

u Sagefè fait. Donc brebisferreï vousQue ne foyeq la pafiure des loups.

Ianet, tu dors : de bout, 8’ te refueille.Qu’ejt-ce Ianet, quififort t’aflbmmeille?Quoy? pafles-tu parefleux àfejourDe mefme train ê la nuit ê le jour?Comment? j’ay veu qu’entre la bergerieIl nîy auoit (le dy fans raillerie)Que pour Ianet a garder ê veiller:Et maintenant qui te faitfommeiller?

IANET.

Claudin berger, apres la minuit coyeDedans ma borde en repos ie (larmoyez,Quand mes maflins m’efueillans tout à coupPres de mon parc aboyerent au loup:Leuéfoudain, au loup, au loup, ie criequques au jour : depuis ma bergeriele recontaf piece apiece, ê depuisle n’a] bougé de la place où iefuis,Où le fommeil m’a tinsjufqu’à celte heure.

CLAVDIN.

le n’en veu pas une excufe meilleure,Mais doux Ianet, à ton col, cependantQue te feruoit tonflageolet pendantDe la jartiere (il m’enfouuient) qu’AnnetteT’y mit antan pour une chanfonnetteQue tu luy fis? n’es-tu plus amoureux?

IANET.

Sifuis urayment, ê m’en efiime heureux:Et toy compain, n’aimes-tu pas encore?

CLAVDIN.

Sifay, fifay: mais Ianet, veu-tu qu’oreNous recordions quelque belle chanfon

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9

ECLOGVE X.De nos amours? moy j’accordray au fouDe ton flageol : taf à ma chalemie:Chacun de nous chantant de fou amie,D’Anne 8» Lucette .- à” bien, le veux-tu pas?

IANET.

Ie ne voudroy refufer tels ébas:Tufçaz’s trop bien qu’à peine ie refizfe

Qui que ce fait des chanfons de ma Mufe:Mais toute nuit au loup j’ay tant huéAu loup, au loup, que j’en fuis enroué.Donc fi tu veux d’excufer me promettreMa rude voix, ie veu bien me foubmettreA ton vouloir.

EqCLAVDLN.

Ouy da, c’efl razfon :Tu tiens compain a bien peu d’achoifon:Car de l’honneur nous ne voulons debatre,Tant feulement nous voulons nous ébattre.Iuge me gage entre nous ne fera,Pour le guet-don de qui mieux chantera.Orji Ianet tu me dis de ta belleTout maintenant quelque chanfon nouuelle,le te donray ce flageol marquetteD’iuoire blanc, qu’auant-hier j’achetay

Au bord de SÉRIE : Vu pefcheur du vilageMe le vendit, ê difoit qu’au pefchageComme jes rets hors de Seize il leiioit,Par les poiflons freiiller il le voit.Comme ie croy, quelque mignon de villeLe maniant d’une main mal habilleIonantfur l’eau l’y perdit : de ma mainCe flageolet, que l’autre plaint en vainle te donray, fi quelque ehanfon gayeTu veux chanter.

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60 ECLOGVES.IANET.

Plus Claudin ne t’efinaye,

le fuis tout prefi: fifi tu veux auffi ’Dire auec moy ton amoureux foucy,Ie te donray cefle belle houllette.Ne vois-tu pas au manche la pouletteQui defon bec femble en bas picoter,Et le regnard quifemble la guetter?Ce beau bajton tu auras : mais commencele te fuiura)’ : pour plus grande plaifanceL’vn apres l’autre efcoutons nojlre amour:La Mufe plaiji quife fuit tour à tour.

CLAVDIN.

Ventelet, qui du bocageViens de tes ailettesDouces ë mollettes

Rafiaifchir ce verd riuage,Trauezfe dans le village:Porte à ma gente Lucette

Celle chanfonnette.

IANET.

Eau, qui d’vn fouef murmureGoules claire ê belle,Ma chanfon nouuelle

Reçoy dans ton onde pure,Et par le bord qui l’emmureBruy-la d’Annette à l’oreille

L’outrant de merueille.

CLAVDIN.

Quand le tiedelet ZefireLe printemps amene,La mer 8- la plaine

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ECLOGVE x. 61Et l’air autour [amblent rire,Les fleurs par tout on voit luire:Telle fail’on met Lucette

Où qu’elle je mette.

IANET.

Quand la Bige violenteSoufle la froidure,La morte verdure

Sa beauté morne aualanteTapifl piteufe dolente :Telle faifon ma maiflrejïe

Me laifl’ant me laijïe.

CLAVDIN.

Vue genifle amoureufeD’vn torel e’prij’e,

L’amour qui l’attiÎe

Suit par les bois langoureufe,Sans luy mugit douloureufe :Si Lucette m’efi rauie

Pareille ejt fa vie.

Luna-r.

Vne genifle amoureufeDu toreau compagneloué en la campagne,

Ne fait les bois langoureufé,Ne mugifl point douloureufe:S’Annette ne m’efi radie,

Pareilletejt fa vie.

CLAVD IN.

Alla gente brune Lucette,Plus que mielfucree,

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ECLO GVES.

Et plus que la preeBelle flairante doucette :Vien de ton Claudin garcette,Vien, fi tu as cure aucune,

( Tufçais )fous la brune.

IANET.

Md belle blanche AnneletteDont le teint egale,Ou pluflojt rend pale

La rofe plus vermeillette:Vien, s’à ton Ianet garcettelamais tu voulus complaire:

Vien, tu fçais quoy, faire.

CLAVDIN.

O Deefle CythereeSi l’heure promifeEn oubly n’eft mile

Par ma Lace defiree : Ï.O dame en Paphe adorera,le te fay vœu de deux belles

Blanches tourterelles.

IANET.

O Cupidon,fi à l’heure

Entre elle ë moy ditte,Anne ma petite

Me tientfa promefle feure :D’vn vœu certain ie t’afleure,D’vn pair de Paifl’es lafciues

Que ie garde viues.

CLAVMN.

C’ejl grand plaifir tandis que l’ejte’ dure

De s’ombroyer, ê aunant la froidureia

î

Ïw

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ECLOGVE x1. 63Sefoleiller : mais vn plus grand plaifirQu’ouïr ton chant, ie nefçaurois clzozfir.Le fucre ejt doux, l’ouurage de l’abeilleEjl doux aufji : mais douce ejl à merueilleTa douce voix. Tien, demeurons amis,Voila Ianet, le flageolet promis.

IANET.-

C’e grandfoulas, par la chaleur plus vaineSafoif efteindre à la fraifche fontaine:L’yuer, de vin : mais vn plus grand foulasQue d’efcouter ton chant, ie ne [ça] pas.Douce ejt de May la manne doucereufeQui clzet du ciel, mais ta voixfauoureufeMefent plus dons : Ta houlette voicy,Garde la bien, ê noflre amour auffi.

LE DEVIS.

ECLOGVE XI.

TOINET. PERROTi

Tomer. AMAIS ejt il vray, Perrot, que durant ce rauage

Qui l’autre jour noyoit tout nojtre pajlurage,Des pluyes qui du cielfi grofles deualoyentQu’on euflpenfe’ qu’aux cieux les terresfe mefloyent:

Ejt-il vray que Belin ê Guillemot chanterentDeuant top leurs chanfons, â quand ils demanderentCe que tu en penfois, que tu les couronnas,Et qu’à chacun des deux fou prefent tu. donnas?

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’64 sermons.Fermer.

Il ejt ainfl, Toinet : ê qu’uffionsrnous, pu faire.Par les chams en un temps au labeur fi contraire?Sur lefueil de mon huis ie regardoy pleuuoir,Quand jettant l’œil dehors ie commencent les voir.Mouillez iufqu’à la peau : La pluie eftoit pafleeAtrauers leurs habits, leur chemifeüpercee;Belin vint nu d’vnpié, carfon gauchefoulierLuy ejioitdemourë dans le prochain bourbier:

’ A Guillemot du vent la fiflante tempefteLuy auoit emporté le chapeau de la tefle.Les voyant entel point, ie les priay tous deuxDe s’en venir pafl’er chez moy ce temps hideux..Ils me prindrent au mot : ê dans ma maifonnette,Entrerent quand à” moy. Incontinent Pal-netteLeur allume vu beau feu d’un fagot tout entier,Maint efclat par deflus rangeant dans le foier.Ilsfechoyent leurs habits : tandis des feruiettesSur la table elle met, ê tire des noifettesQu’elle auoit dansfon cofire, ë des noix ê desfruits,Des guignes, des pruneaux, des raz-fins crus ê cuits,Et les vouloitferuir : quand ie la vin reprendreDe ce qu’elle alloit faire. Il te faut tout apprendre,( Di-je) qui te verroit. ces fatras apprefierDiroit que tu aurois des enfans à traîtter.Lame-moy tout. cecy. : de ces armoires tireCe bon languier fumé.- puis qu’il te faut tout dire,Auein-nous ce jambon .- ë tire-nous du vinVieil 8- nouueau, pour voir lequel ejt plus diuin:Voila ce qu’il nous faut: lefale’ nous fait boire,Et boire le bonvin reueille, la memoireDeqmille motsjoyeux : le vin nous fait fauter,Rifiouîft nos efpris, nous émeut a chanter.Ainfi’ie luy infatué, comme le commande,Toutfoudainjur la table elle fert la viande,Et nous ver-je du vin : pour boire ë pour manger 1Les d’eux, pajteurs i,e,.[y- à la table range):

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r3

ECLOGVE x1. 65Apres s’eflre feclæï : à” quand à fiiffifauce,Nous nous fil-filles repens en toute éjouifl’ance,

Api-es maint bon propos des deux parts (tamisé,Sans qu’on retint en rien ce qu’on auoit peufé :

Car lors à qui mieux mieux fans les tenirfecrettes,Vu chacun racontoit fus gagnes mnourettes:Nous nous difions heureux d’efire en ce! âge néï,Ou tant de Pafloureaux aux ÀIHIŒ’S adonnaitFout retentir es bois, fi bien qu’on pourroit direEflre relefciteï Coridou ê Titire:Et nous difmes de taf qu’entre nos pafiom-eauxTufçais le mieux de tousfonner les chalumeaux.

Apres tous ces proposj’apporte une .MufetteQue Rafi Lyonnais à .Marot auoit faitte,Auecques un Rebec d’Ebenne marqueté,Et dîyuoire parmy l’Ebenne étitrejetté :

Et les leur prefentant, Pren cefie C ornesze,(Dz-je à Belin) ê toy Guillemot ne refufeDe ma main ce Rebec : teueï-Ies â chantez,Et de voflre chanfon vojlre lzofle contentez:Ce feul payement ie veux : encor ie vous les donneQuand vous aureï chanté : donc enfans qu’on lesfouneChantons l’un apres l’autre. Ils Iesprenneut gafment,Et ces vers pafloraux me chuintent en paymeut. l.Mais dallant que chanter au doit mouillé ils tirentQui dira le premier, puis leurs chaulons ils dirent:Le fort cher fur Belin, â le premier il dit, iGuillemot en fan rang apres luy refpoudz’t.

BELIN.

Nymphes, quej’aime tant, donnai- moy tells glaceQue qui m’orra chanter, die que voflre terreEfi hem-suffi d’ouïr les vers que ie campafle.

GVILLEM et.

Pafieurs de ces jmflis, couromzeï de lierreVoflre Poète qui croijl, à fin que film-mat creueDe defiall du chapeau qui ja [es ignzplesfcrre.

1mn de Eaif. - 1H.Lu

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à:

66 ECLOGVES.

BELIN.

Cere’s,fi de nos blés grande planté je leue,Nous te ferons de marbre, é” d’efpis couronnee,

Par deflous ton furcot tu monfireras la greue.

GVILLEMOT.

Bacchus,fi tunous veux donner bonne vinee,Nous qui antan de marbre allons fait ton image,Nous te la referons toute d’or cette annee.

BELIN.

I’ay pour tout mon yuer che:( moy- force clzaufage,Et quoy qu’il face froid ie n’en ay non plus cureQu’un édenté du pain, quand il a du potage.

GVILLEMOT.

I’ay une belle caue, ou tant que l’ejié dure

M’en bejiail ie retire: ê, bien que tout je fenteDu chaud qui grille tout, rien du chaud ie n’endure.

BELIN.

Qui croira que Pales un chapeau me prcfente,Vu chapeau de lorier qu’elle-mefme m’aprefle

Pour le plazfir qu’elle a d’ouîr ce que ie chante?

G v ILL en o T.

Quo], fi Pan le cornu luy-mefme tend la tefleParsz les bois ombreux, oyant ma Cornemufe,S’il faute 8- dance à? fuit ê recourt 8* s’arrefle?

BELIN.

HENRY lit mes chanfons, ne dedaigne ma mufeBien qu’elle fait champefire : 6 ma Mufe champeflre,S’il t’aime, à ton HENRY les beaux dans ne refufe.

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ECLOGVE x1. . 67GVILLÈMOT.

Titire fit jadis aux grandes cours paroifireSes rafliques chanfons : par les herbeufes plainesLe bel Adon jadis les brebis mena paiflre. q

’BELIN.

A celujdehdoux lait bouillonnent les fontaines; WQui t’aimera, TiBAVT: à iceluy de. doux haine,Et de fucre ê de miel toutes ichofesvfoyent pleines. ’

GVILLEMOT.

Face cas deeBauin,Î que les poix ilentame,s Qu’il bride lesoyfons, que les porcs il atelle,

Qui ne te hayt,- Marm’ot, ê qui tes vers ne blame;

BIZILIIN.

Colin, ennoya moy Charlotte ta rebelle :Plus qu’autre elle me plaifi’: car,.qu0yque ie luy face,

V Elle me rit toufiours, (àfonamignonm’appelle.

L q GVILLEMOT. «le l’aime bien aufz: car d’une bonne graceVn longeadieu adieu la belle me vint dire,De.pleu1*s,pounmon depart mouillantfa belle face. ,

Banni. L vOji ie pineau, comme ie ledejire;Ces ruifleaux ondoyer de miel 8’" de laitage;Quel fejour plus heureux paneroit-on bien eflire?

i Il GViLlj.EMOT.O fi blesîcoiwnes d’iouyde faye le pelage .Tu auois, beau blefiail; qualiautre berger meine-Autre bejlail rq’uimèufi’fiirf’nous «quelqueauantage ?

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’- ECLOGVES.BELIN.

Di moy, quel animal efl d’ame tant humaineQu’aux rayons de la Lune a genouil ilfe baijfe,Et pour je nettoyer deuale à la fontaine?

GVILLEMOT.

Di moy, quel ejt l’oifeau qui lu r-mefnze je drefleSon feu pourfe brufler, eftant feul fans femelle,Afin que puis apyres defa cendre il ramifie?

BELIN.

Ofleuues ê’pafiis,fi quelque chanfon belleBelin vous dit jamais, que vous ayez clzerie,Fournifleg fou troupeau de verdure nouuelle:Pour Guillemot autantfaites-en je vous prie.

GVILLEMOT.

Ofontaines, optez, fi Guillemot furpafleA gringoter fa voix, le roffignol ramage,Engraifleqv [on beflail: êfi Belin y pafle,Faites à [on bejtail tout le mefme auantage.

PIERROT.

L’un apres l’autre ainfi les deux pafleurs clzanterent,Et partans de elle; moy mes prefens emporteraitCouronnq de ma main : 6’- pour telles clzanfons,Non Toinet, je n’ay point de regret à mes dons.Dimoy, qu’en penfes-tu?

Tome-r.

Toutes mes deux oreillesAle bourdonnent encor defi douces nzerueilles,Qui m’ont rani l’efprit. l’en fuis tout éjou’i:

Les chams depuis Alcon, rien de tel nlont ouï.

x

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ECLOGVE in. 69

PERROT.

O quefi tu voulois Celle chanfon redireQue tu dis à Tenoz? Ny Alcon ny TitireNe te gagneroyent pas, s’il eft vray ce qu’on dit.De l’ouîr de ta bouche auraf-je le credit?

TOINET.

Pajleur, vn’ autre fois nous aurons plus d’efpace:Tu vois bien au Soleil comme le jour je palle.

P1: RRO T.

Demain donc : car ie l’a] ouï fort eftimer.

To IN ET.

Quifait le mieux qu’il peut, il n’efl point à blafmer.

LE PASTOVREAVDE THEOCRITE.

ECLOGVE X11.

le cuidoy prendre un baifer des plus douxDe mon Alis, mais pleine de courrouxMe dedaignant, puis je prenant à rireDe ma façon, ces brocards me vint dire:

Fig-t’en de moy : qui te fait (lof vacher)Si hardiment à ma bouche toucher?

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ECLOGVES.

Va, malotru : de baifer à la guifeDes villageois ie ne fuis point aprife:Les villageois ne font mes compagnons,I’aime fans plus des villes les mignons.O le teint frais? ô la barbe douillette?O belle tefle? ôperruque blondette?Quel beau regard? quel maintien de payfant?Que ton parler ejt mignard ê plaifant?Va-t’en vilain, fi de tes leures pales:Fy que tes mains font crafleufes &fales:F] que tu pus : fuy-t’en vijle de moy:Le cœur me faut d’ejtrefi pres de toy:Non pas de fait de les leures ne toucheNon en fongeant ma vermeillette bouche:Fuis-t’en vilain, tu m’empuneïiras:Ie m’en ira], ou bien tu t’en iras.

Ayant parlé d’vne colerc telle

Vue ê deux fois crachota dallant elle:Et fans cligner à me reuoirfe metDepuis les pies iufqu’au haut du fommet:Et mignardant à merueilles fa face,Etfe raillant d’une riante grace,Tout bas tout bas des leures marmotoit,Et d’yeux .lafcijs dru dru me guigneroit.Tandis le fang bouillonnoit dans mes veinesQui me balayent de defpit toutes pleines.Et ie rougi de grand rage ê douleur,Comme au Soleil la rofe prend couleur.

Alis s’en va m’ayant fait cet outrage,Etfous le cœurj’en emporte la rageDe ce qu’ainfin la mechante m’auoitPris à dédain, ë- contre mont bauoit.

Dittes moy vray, bergers, fans moquerie,Si ma beauté ne s’efi point defleurie?filais quelque dieu tout acoup m’aurait pointElle faifant autre, enledi en ce point?Car parauant une beauté plaijantePar tout fur moy je voyoitfloriflante,

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ECLOGVE X11. 7lComme un lierre alentour de fen tronc.Par mon. menton poignoit la barbe adonc :Et ma perruque en ma refie ueluêComme pelfil je frifoit crepeluë.Vu front page fur mes yeux blanchifloii,anourcil double au deflous noircifloit:Deux yeux plus bas d’une verdeur bien claireVerdoyoyent mieux qu’un verre de fougere.La bouche auffi bien plus douce j’auoisQue lait caillé, doit couloit une voixPlus douce encor que le miel de la cire,Quelque infirument que ie voulufle eflire,Ou qu’il me pleufl la vielle fonner,Ou le Rebec, ou me pleufl d’entonnerDans le flageol, la flûte ou la mufetteEnplaifant ton ma gaye chanfonnette.

Pour beau ie fuis des filles ejliméPar tout le bourg, d’elles ie fuis aimé,D’elles baifé parfollaflre maniere

Prefque à Penny: mais cefle villotiereNe m’a baifé, ains s’efl mile àfuirEn paflant Outre, ê n’a daigné m’ou’ir,

Pource que fuis un vacher (ce dit-elle)Ne [cachant pas qu’Apollon, la rebelle,Tout dieu qu’il efl entre les pafloureauxPaifl fur Amplzrys d’Admete les toreaux:Elle nefçait que Venus [adoreraFut d’un pafieur en Ide enamouree,Quifon Adon encor vinant guettaSous- les buiflbns, ê mort le regrettaSous les buiflons. Quifut EndymionSinon pafieur? Si chaude afleâionDiane prit, ’que d’Olympe en ;Latmie

Elle voloit en fa bouche endormieD’un bailler doux defaigrirfon ennuy,Par les bofquets [emmaillant auec luy.Ton doux boumer, Cybele, auffi tupleures.Lames-tu pas tes celefles demeures,

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7g ECLOGVES-Grand Iupiter, pour ton jeune uacher,Forcé pour Zuyfous l’Aigle te cacher ?Mais Alisfeule, 8* plus que taf rebelle,Et plus encor que ta mare Cybele,Plus que Diane, 6*” plus que tu], Cypris,Tient d’un pafleur le baffer en mefpris.Puis qu’ainfin efl, que plus ton flambeau n’arde,M’eure ton cefle, &fa force flatarde:De ton enfant les cardes 8» les arcsSoyent depecez, &fa troufle &fes dards.Belle Cypris,fans amy le jour veilleEt fans amy toute la nuit fommeille.

LES PASTOVREAVX.

ECLOGVE XIII.

IAQVIN. TOINET.

Svn les riues du Clain, deux pajleurs, qui bruflerentDe l’amour de deux feurs, un jour je reneontrerent:Chacun aimoit la fienne, ê bien dineæfementChacun en efl traîné: l’un n’auoit que tourment

Sans pouuoir éclzaufer le cœur de fa cruelle:L’autre tenoit la fienne en fldme mutuelleReceuant toutplaifir. Iaquin ë MarionCouuoyent dedans leurs cœurs pareille ajeâion.Mais le panure Toinet pour fa fiel-e FrancineD’amour cruel brufloit dans fa folle poitrine,Brufloit d’amour cruel, mais Amour n’allumoitVue feule bluette en celle qu’il aimoit.Prefques au defefpoir ou du long des riuages

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20 mur-émut? t’êtw’ J

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ECLOGVE an 73Ou dans les antres creux ou par les bois fauuagesToinet alloit. toutfeul: ê la fe degorgeoitDe l’Anzour quifelonfes entrailles rongeoit:S’en allant feul ainfi d’une rencontre heureufeIl trouue un compagnon àfa fldme amoureufe:Et s’ayant decele’ l’un l’autre leur amour,

Sur les riues du Clain ils s’affirent un jourA l’ombre d’un Peuplier : êfonnans leurs MufettesLa Iaquin ê Toinet dirent ces chanfonnettes,Chacun defon amour decouurant le fouci:Et commençant premier Iaquin chanta ceci.

IAQVIN.

Marion, ma douceur, plus fraiche que la rofe,Plus blanche que du lis la fleur de frais éelofe,Plus douce que le miel, pourroy-ie plus tenirDe nos gentils efbats le plaifantfouuenir?Ny les baifers lafcijîs des Tourtes fretillardesN’aprochent des baifers de nos bouches mignardes:Nu du lierre amyles forts embraflementsN’egallent de nos bras les doux enlaflements.Ie n’aimefans party : fi i’aime bien ma belle,Ma belle m’aime bien, ë ne m’efl point rebelle:Nymphes, vous le fçaueï : qui doit lefçauoir mieux?Car vous aimeï toufiours les plus [aunages lieux:Et vous Pane; pu voir par les lieux plus [aunagesSeulette me chercher : vous les obfcurs ombragesDes bois les plus tofuï: uous antres les plus creuxVous [canez bien auffi nos plaifirs amoureux.Combien de fois lafle’ du jeu des amourettesM’at elle en fan giron plein de fraiches fleurettesFait repofer la tefle, ë, panure pajtoureau,A la mercy desLoupsj’oublioy mon troupeau!O la combien de fois me prenant par l’oreilleElle m’a rebaifétdefalbouche vermeille!

O là combien de fois, jurant les aimer mieuxQu’elle n’aimait lesfiens, elle afucé mes yeux!

si!

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74 ECLOGVES.Ainfijadis Venus d’amour humaine efprifeEnfon diuin giron mignardoitfon Anchife:Anchife ta Venus te face bienheureux,Iaquin de Marion veut mourir amoureux.

Iaquinfinit ainfin, êfe leuant’de terreTout gaillardfit un faut: Toinet, qu’un grand dueilferreAPTGS trois chauds foufpirs quefon cœur fanglota,Sa mufette embouchant cette plainte chanta.

Tomer.

Francine fans pitié, plus que la mer cruelle,Plus qu’une jeune poutre 8’ farouche â» rebelle,

Plus dure qu’une roche: Amour inCeflammentCroijlra-il ta rigueur auecque mon tourment?L’autrejour dans un bois comme tout trille j’erre,Vn grand clzefne ie uy embraye de Lierre,Et deux Tourtes dedans je baifer à l’enuy:Veu le dueil que j’en eu comme ejl-ce que ie uy?Laslj’aime fans party: Ias!j’aime une cruelle,Ma cruelle me hait, ê m’eft toufiours rebelle:Nymphes, vous le [canez : qui doit le fçauoir mieux?Car vous aime; toufiours les plus fauuages lieux,Et vous m’aueï pu voir par les lieux plus [aunagesSeul m’en aller plaignant : vous les obfcurs ombragesDes bois les plus tofu; : vous antres les plus creux iVous [calme bien auffi mon tourment amoureux.Combien de fois cherchant vos paifibles retraittesLors que ie decouuroy mes douleurs plus fecrettesM’aime-vous ouy plaindre, ê,.pauure pafloureau,A la mercy des Loupsj’oublioy mon troupeau.Las, ô combiende fois quand pres d’elle ie pafle,Ie la uoy dejlourner de moy fa fiere face!Las, ô combien de fois la cuidant approcher *le la voy des deux mains jes oreilles boucher!Las! en telpoint memetfa rigueur imployableQue j’efpere la mort plus qu’elle fecourabZe:Voyeï comment ie fuis malheureux amoureux,

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ECLOGVE x1111. 75

Puis que la feule mort me feroit bienheureux.TOINETfe teut icy, quand Iaquin luy vint dire:

Il efl bien-malheureux quifans efpoir dejire,Efpere : L’efpoir efl des uiuans le confort:On ne peut efperer depuis que l’on ejl mort.

Cecy dit, à Toinet il donne fa houlette,Toinet à luy la fienne : ê d’aliancefaite,Pour ce qu’en inefnze temps les deuxfœurs ils aimoyent,Ejtans freres d’amours freres ilsfe nommoyent.Amoureux de deux fæurs freres ils je nommerent,Et toujiours du depuis comme fret-es s’aimerent,Et toufiours amoureux amis ils ont uefcuSans que nul d’eux entre-eux fuji vaincueur ou vaincuA chanter leur amour: l’un qu’un feu doux attifeChantant du doux Amour la douce mignardife:L’autre qu’un feu cruel brulle cruellement,

T rifle je complaignant de fan cruel tourment.

LES MOISSONNEVRS4DE THEOC-RITE.

ECLOGVE XIIII.

MILON. BATTE.MILON.

PAVVRE oujteron haflé, quelle fortuneT’efl arriuee? â qu’y-a-il que tu ne

Sçais plus mener ton fillon en auantDroitfans gauchir, ainfi qu’auparauant?Ton compagnon au bled que tu moiflbnnesTu n’afluis point, mais le dallant luy donnes,

l

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ECLO GVES.

Comme un mouton qui a le pie’ blecéDe quelque ejpine, en arriere’lai’fl’e’.

Quel ferasntu, veu que tune commencesQu’ore àfier, ê que rien tu n’auances?

Quelferas-tu fous le midy bruflant,Ou fur le joir le Soleil s’en allant?

BATTE.

Milonfieur, qui iufqu’aufoir endureA moiflonner, piece de pierre dure,Iamais n’auint que tu recetŒesfoinPour le defir d’un qui de toy fujl loin?

MILON.

Iamais, ma foy: mais de chofe lointaineQuel defir prend un qui ejt àfa peine?

BATTE.

Iamais n’aduint que fitfles amoureux,Et que d’amours veillafles langoureux?

MILON.

Ny ne m’aduienne : un chien qui s’afriande,Trop malentent s’echaude à la viande.

BATTE.

Mais moy, Milon,ja depuis vnqe jours,Ou peu s’en faut, ie fuis efpris d’amours.

MILON.

Tu prans du banaux muys en abondance:Mais moy ie n’ay vinaigre àfuflîfance.

BATTE.

v Tout ejt encor comme ie l’ay couchéL5.a

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ECLOGVE mm. v 77L’enfe’menç’ant, fans que t’y --ay’ .jtou’ché,

Deuant mon huis. Î ’1’ ’ I r’

’MiLozisx. «.

q i Mais dysmoy-V’qui ejt celleQui t’a peu mettre en une’ gefne’telle?

« BATTE.

C’efl Polybothui m’a fi fort troublé IlPres d’Ipocon; où naus fions le blé.

*l’ ’Msnolu.”

Dieu’a trouuéfon mej’ehant : ajouuie

Ejt de tous poinssmaintenantztonxenuie:Auec ta maigre-gafouhait toute. nuits.Corps contre corps-tu prendras ton deduit.

’ - ,. Bers-ni,

A me moquer, ie’uoy bien,» tuqt’addrefl’es.

Non feulement [ont a’ueugles richefl’es,Si eflencorï’Amour plein défend, H I

N’en parle’plsfifierement

( . l V. Ie ne dy mottfeulementlebléjetteEncOntre liai . en); de tu fillette"?Qiielquelïdi-tier amoureuxè en ce pointA la befongne une ’t’ennuyra point:Mais ja pieça’tii as l’eftime d’eflre

Pour bien châ et enfla ’Mujique’maiftre.

L. effluait” VV Mufesjpo «.mî’ojter d”émoy,

Cà *bla:(onnezëmafillette ï - ï

il.

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78 ECLOGVES.

Ma gente garce greflette:Cà chante; auecque moyCette gaye chanfonnette.

Tout ce ou vous metteï la main,.0 gracieufes deefl’es,De Cytheron âprincefl’es,

Ejt embely tout [andainPar vos gayes gentillefles.

O ma gente PolybotVn chacun more te crie,Hajlee, maigre, fleirie:Mais moy de ton amour foi,Mon doux miel, quoy qu’on en die.

Des pree lesflenrons plus beauxSont de teinture brunette:Brunette efl la violette:Entre les fleurs des preauxQu’en ranz: les noires on mette.

L’abeillette aime le tin,La cheure fuit la branchetteDu faule: la CigaletteLa rofee du matin:Rien que toy ie ne foulzette.

Pleujt à Dieu que le treforQu’ainfi comme j’ouy dire,

Crefe auoit en [on empire,Fujl mien, ie nous feroy d’orTous deux en bel or reluire.

Mettre d’or ie nous feroisTous deux deuant Cytheree:Toy dedans ta main ferreeVne pomme, 6’ moy j’aurais

Au poing maflûte darce.O ma gente Polybot

Ta greue le lis efiace,Ta voix le doux miel fuipafle,Mais ie ne puis dire motS’il faut parler de ta grace.

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ÈCLo’GVE ’x’uu. 79"

Maori; qVoy, mefliuier, qui fçauoit que tu peufl’esChanter bien ? quifçauoit’que tu fceufl’es

Donner façon aux chans harmonieuxLes mefurant d’accord, melodieux?Helas, qu’en vain la barbe t’ejt venue?.Oy la chanfon, qui vaut bien d’eftre fceuë,Chaufon qui tend à bien meilleure finQue fit jadis Lityerfe diuin.’

DAME Cere’s aux trefles blondes,l Qui d”efpis ê de flans-abondes,Fayque ce- champ bien labouré

’De beaux fruits fait bien decore’.Gerbeur; tesj’au’elleîs ’entafl’e,’ ï

quette prennent"? e, v qofla’desfgensïdefoin;* " L "*

gratifiai-gai; are-naja *’ ’

V lès-gerbes ana ancelle ï’ Ï’Con” é lè’douxuentîq ueritelle, ’

Tournant la flanelle de ejlrain’:En tapant s’engraifl’e’le grain.» j

l-ïïïDuï’lafciie inidy, que tout homme ’

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80 ECLOGVES.VOYLA qu’il faut que le Metiuier chante

En trauaillant fous la chaleur bruflante,Mais à ta mere au matin dans le lit,Ton bel. amour vaudroit mieux d’eflre dit.

DAMETL

ECLOGVE XV.

MVSES, quel trifle chant eft-ce que vous ouijlesDegorger à Damet? Car feules vous le uijtesQuand du haut d’un rocher [es chams il niandi’flbit,Lors que d’un pleur depitfon labeur il laijfoit.

Il faut donques, dit-il. qu’un autre de ma peineRecueille tout Iefruit? il faut donc que ma plaineNonrrijfe un auole’? il faut qu’un eflrangerLe clos que i’ay plante s’en vienne uandanger?Que tout deuienne en friche, ë que rien ne rapporte:Perifl’e par les chants toute [emance morte,Sans fueilles foyent les bois, les fontaines fans eaux;Les vignesfans rai ins,fans fruits les arbrifleaux.

Damet redit encor : Sillons, chargez vos rayesEn lieu de bonfourment d’auoines ê d’yurayes:Les pree fejaunifl’ans meurent brufleï du chaud,Deuant que d’ejtre meurs les fruits tombent d’enhaut,Sans grappesfoyent les ceps, aux rnifleaux l’humeurfaille,La verdeurfaille aux bois. Ah, il faut donc quej’ailleChafle’ de mon pais d’autres terres chercher! IAh, mon bien de mes mains on me vient arracher!Pour qui auray-ie donc tant de vignes plantees?Pour qui auray-ie donc tant de grefies entees?Vn autre fans trauail mon clos vendangera?Vu autre fans trauail tous mes fruits mangera?

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ECLOGVE KV. 81Apres il redoubla : Cefle; les doux Zephyres,

Cefleq frais ventelets, ê foufleq tous les pires,Et tout l’air infecta : enuenimee les eaux,Empoifonneï les fruits, empejleq les troupeaux: hRien ne fait par les chams ny plaifant aux oreilles,Ny agreable auxyeux : plus les rofes vermeillesNe naiflent au Printemps : plus des doucettes voixDes mignots oyfillons ne refonnent les bois:Corbeaux ê Chahuansy tiennent leurs parties.Chams’ê’ pree foyent counerts de ronces ê d’orties:

Par les chams defoleq toutfoit en toute part,Et horrible à ouïr 6’ hideux au regard.

Toutfoit enfeu par tout :wôforefl la plus belleDes plus belles f0rejls, en la faifon nouuelleLa nouuelle verdeur de tes fouples rameauxTu ne fecouras plus oyant mes chalumeaux:Les petits ventelets ton verdoyant ombrageNe rafiaichiront plus, quand la mutine rage

’Des vents plus tempejteux te deracinera,Quand la fla’me du ciel ton bois ruinera.Ta belle ombre cherra : ê toy encor plus belleForefi que i’aimoy tant, tu cherras auec elle.De ton maiftre ancien, ô bois jadis aimé,

g Par ces uœuq ennemis tu cherras enflâmé.Tout fait en fen par tout : du ciel l’ardente foudreDenalantfur ton chef; forejt te face poudre:Du pie iufqu’au fommet toute cendre fois-tu,Rien que cendre nefoit, tout ton bois abbatu:Lors par-my l’afprc fldme en tes branches efprifeSoufle violamment le uentfiflant de Bure:De nuages éueux le Marin tenebrenx,L’Autom de noirs brouillas counre le ciel ombreux.Infqu’aux vignes des bois vienne du feu la rage:Tous les ceps ras à ras de la terre il facage.Que les feu; par les vents à la ronde efpandusSaccagent tous les bleds dans les chams eflendus.Que-des arbres le feu vienne aux efpis defcendreTant- qu’il degafle tout : Que toutfoit mis en cendre,

Iean de Baif. --- 1H. , 6

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82 ECLOGVES.Ma herfe «5’» ma charrue, 8- leur joug 65 mes bœufs,

Et ma loge 6’ mon teâl : c’efi la fin de mes vœux. x xAuienne encore pis : 0 mer grande profonde,

Qui tes riuages hauts viens battre de ton onde:Rinages qui le bruit de la mer efpandeïInfques dans nos guerets : ma priere entende;Neptune vienne aux chams : Que nos fertiles plainesSoyent conneries de flots ê d’e paifl’es arenes:Des Syrtes de Lybie une autre Syrte fœur,Où Ion cueilloit des bleds, des nochers foit la peur.

Damet encorjetta cefle voix plus homible:On dit: que par la mer, lors qu’elle ejl plus terrible,Hors des gonfles profonsfnr lesflols tempefieuxDe grands monjtres marins je decouurent hideux,Quiflottans fur la mer efiroyables enorrnesFont pallir les nochers de leurs horribles formes:Ces gros monfires, Neptune, amene auec la merFaifant de vents felons les vagues ecumer:Ces monflres pelle-mefle en nos chams il ameineBi’aflaizt la noire mer, la mer de rage pleine :Que la mer engloutifle en jes gowfres jale;La cendre chaude encor de nos pais brnfleg:Tous mes ehamsfoyentla mer : on le bejlail champejtreSouloit parcydauant les herbes tendres paijlre,La nagent les [vlaufins : la ou le laboureurLes mottes rennerfoit, la pefche le pefeheur.Mes chams ne foyent que mer, mes chams abominablesQue depit ie maudy de chanfons execrables :Tous mes chams font maudits :garde toy bien, nocher,Puis que ie les maudy, de mes chams t’approcher.

Si Neptune ne veut exaucer mes prieres,Entendez, dit Daniel, entendeq moy Riuieres:Riuieres 65 rnifl’eaux &fozirces vous fçanef,Vous jeune; bief: l’honneur que par moy vous alter:Ie ne le diray point : ceferoit chofe follePour vous le reprocher de perdre ma parolle.Tournez encontremont (Rinieresê rnifl’eaux)Tourner, ê tous nos chants noyeï deflous vos eaux:

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ECLOGVE xv. 83Nos chamsnefoyent qu’un lac : empefcheq, qu’on neferre,(Rinieres ê ruifl’eanx) nul fruit de nojlre terre:Fruflreq le vigneron, frujlreï le laboureur.

Puis Daniel amollit en ces vers fa fureur.Sourdent fauJain par tout de terres des-riuieres,Et feruent aux poifl’ons des connils les tauieres,Aux grenouilles les creux ou le grillon crioit:Làfe fauche Iejonc ou le blé lonfioit.

Puis rapriflantfa voix, Damet dit, Des montagnesLes torrens efcunzeux culbutent aux campagnes,Et de rauines d’eaux courantes de fureur,Soit rauy le trauail du panure laboureur.Que quelcun maintenant trauaille apres fa terre,Afin qu’un ejlranger toutefa peine ferre:Que maintenant quelcun de labourer ait foin,Aitfoin d’enfemencer, pour s’en banir bien loin.Adieu petit troupeau, adieu mes brebiettes,Troupeau jadis heureux : chantant mes amourettes,Ie ne vous verray plus les herbages broujler,Et vous ne pourrez plus mes chanfons efcouter.

Opauures chams maudits, panure terre maudite,Banny, neceffitenx, pourjamais ie vous quitte:Chants jadis tant aimeq, bois, fontaines, adieu,Vous ne me verre; plus demeurer en ce lieu.Car ie m’en va bien loin plus outre qu’Eridane,Ou fur les bars du Tybre, on bien z’ufqu’à la TaneChercher mon auenture. 6’- là ie demourray,Ie vinrey là bien loin, la bien loin ie mourray.

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84 - .ECLOGVES.

LA SORCIVERE.

ECLOGVE XVI.

MARQVET. NOD IN.MAIS difons la elzanfon de Brelande forciere;

Que M’arguet ë Noalin recorderent naguiereSur la trille de Seille. â CHARLES, difons la,Combien que connement la Seine reculaA l’horreur de la voix : combien que d’cfiroy pleinesLes Najades des eaux, elles 61 leurs fontainesTreflaillirent d’horreur : filant-.Ilarte à celle voix,Et tout branflant trembla de Aleud0n tout le bois:Difons la, la), Mon ROY (fi la clzanzpejlre MufeMerite quelque honneur) de l’ouîr ne l’t’fllfe:

Vien voir à Ion loifir nos clzanzpeflres ejlmls:Outre ton gré, le croy, nous ne les fuyons pas.Ie ne refileille pas la vieille clialenzieDu. Pafiezir de Mantoue encor toute endormie,Sinon a ton auen : ny l’âge qui viendra

Apres ce fiecle Gy, non ne me reprendraDe falloir oublié : Si Apollon me donneQuelque fois fur mon front une noble couronne,Quand j’iray plus liardy douant toy m’auancer:O] Cependant Marquer, qui s’en va commencer.

MARQVET.

V71 foirfnr la mynuit que la Lune’fereineRayant au cielfei ein monfiroit fa face pleine,Sous un noyer fueillu dans vn champ a l’écartBrelande je trouua .- Brelaizde qu’enfon artDe Tolete, Pacaul ailoit endoclrime,Pacaut le vieil Vaudois : La elle auoit meneeSa fille Perriehon,fujl ou pour lfenfeignerA jes conjurements ou s’en accompagner.

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ECLOGVE xvr. 85Perrichorz luy portoit pleine une grand’ corbeilleDe Cent drogues, par qui ellefaifoit merueille.Elle nù le pie gauche, ë nù le gauche bras,La tefie echeuelee encommenca tout bas,Machant entre jes dents mainte parole efirange:Puis contre le noyer à des elle je rangeTrois fois le tournoyant : à chaque fois trois foisElle crache en jes bras, en jettant cefle voix.

Ouure cejle corbeille, apporte cefie éponge,Tire-moy ce pigeon. lia-t’en, êfept fois plongeL’éponge en l’eau courante, ê la rapporte icy,

Ie veux enforceler le cruel endurcy,Qui m’a rauy mon cœur : ie veu de ma parolleComme il rauit mon cœur, rauirfon amefolle,Et ie veu me l’oflant luy donner mon e’moy.

Charmes rende; Roulin, ou mon cœur rende; moy.O Venus ce pigeon en ce feu ie t’immole:Pour ejleina’re le feu qui rend mon aine folle,Ce deuot facrifice en bonne part recoy.

Charmes rendeï Roulin, ou mon cœur rendez moy.Roulin m’auoit donné durant nos amourettesPour gage de [on cœur, ce bouquet de fleurettes,A l’heure qu’il m’aimait autant que ie l’a’imoy.

Charmes rende; Roulin, ou mon cœur rendez moy.Ie le tenoy bien cher, mais plus ie ne le prife :Ce bouquet fueille à fueille en ce feu ie debrife,Ainsj’efpar de Rouiin ê les nerfs 8* la chairDedans le feu d’Amour : ainfi je deflecherle voye à vue d’œil nzaz’griflant d’heure en heure

Roulin pour mon amour, fans que. [on mal ie pleureNon plus qu’ilfail le mien. Comme ces panures fleurs(Sans qu’il m’enjache gré, quej’arrofe de pleurs)

Qllîfiaiches l’autre jour encor efioyent fleuries,Mais leur vigueur efieinte aujourdlzuy fantfletries,Tel le voye Roulin quelles cesfleurs ie voy.

Charmes rende; Roulin , ou mon cœur rendeï moy.Perrichon, ça l’éponge : ainfi que l’eau s’égoute

De cette éponge épreinte en mes mains, goutte à goutte

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86 ECLOGVES.Roulin perde [mifang : Tout ainfi de fou cœurMourant pour mon amourfe perde la vigueur:Maintenant ie repan mes pleurs deflus l’éponge,L’éponge [IOIÏJIZL’S pleurs :fous terre ie la plonge :

La f0yentplonge5’auffi mon tourment 8’ ma foy.Charmes rende; Roulin, ou mon cœur rendait moy.

Regarde en la carbeille, 6” d’un cofiret me tireAnecque trois liens une image de cire.Ces las de trois couleurs lafle fort de trois toursAu col de ’cejte image : 8’ dy, Aux las d’AmoursI’enueloppe Roulin : Trois fois il le faut dire,(Le nomper plat]? aux dieux) trois fois l’image vire,Et Roulin par irois fois la virant ramentoy.

Charmes, rendeï Roulin, ou mon cœur rendez; moy.Regarde Perrichon, regarde en la carbeille: ’Cherche, tu trouueras au fond une bouteilleQue Pacaut me donna : Regarde : 8- bien Pas-tu?L’huyle qui efl dedans, cf? de grande vertu.Soutient j’ay veu Pacaul pour une gante feule,Ayant d’un loup les pieds le poil ê la gueule,Se unifier dans les bois : ie l’ay vu bien [aunentDauant mes yeux en I’airfe perdre comme un vent.Etfouuent ie l’ay un faire de deflbus terreSe pouflfler les efprils, êfouuent le tonnerrele l’ay vu conjurer : Pacaut me la donna,Et m’apritfa vertu : luy mefme m’ordonnaD’en toucher le crouillet de [on huis à quiconqueNe me voudroit aimer : Perrichon, va-t’en donqueEn frotter le crouillat de Roulin, hajte toy.

Charmes, rendez Roulin, ou mon cœur rende; moy.Va frotte l’en par tout, 6’- demain ie m’ajfure

Que Roulin me payra la peine que j’endure:Va vifie, cependant ie plaindray mon efmoy.

Charrues, vienne Roulin, 8’ mon cœurfoit à moy.Marquet finit icy : Vousfçauantes maifirefles

Que j’anime 6” ie fer, Pimpliennes deefles

Dattes-nous de Nodin quelle fut la chanfon:Tous ceux qui vont chantant n’ont pas vne,façon.

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ECLOGVE XVI. 87[Mais maintenant qu’icy ie me voy toute feule,

Dequoy, de mon amour, faut-il que ie me demie?Par où commenceray-ie? ou me prit ce malheur? v

O Lune, efcoute moy, ie diray ma douleur.Ma vozfine Michon, ma voi me ê commere,Sa fille fiançoit : comme cuidant bien faireElle m’y conuia : mais, las, fansy penferCités elle mes emzuits elle fit commencer! ql’y allay tout [andain : la tout le parentage.Des deux partsfe trouua : la tout le voîfinage.Là quand i’y arriuay les filles 6’- garçons

Se ienoyent par les mains, 8- dançoyent aux chanfons.Mais de malheur Roulin, Roulin menoit la dance,Et difoit fa chanfon quand dedans ie m’auance:Si toft Que ie le vy ie changeay de couleur.

O Lune, (fiente moy, ie diray ma douleur.De couleur ie changeay, voyantfa belle face,Ofantfa douce voix, prenant garde àfa graciasSi tofl que ie l’ont, fi toft que ie le vi,Auffi tojt hars de moy mon cœur me fut rani:Aujfi tofltout mon fensj’allay perdre, pauurettel-Et des-liiezire touffeurs une pozfon fecrette» .Me guignantfaitflaitrir de mabeaute’ lafleur.

O Lune, efcoufe moy, ie diray ma douleur. .De la ie m’en allay, mais le n’ayfouuenanceQue c’efi que ie deuin au partir de la dance:..Et bien aupeine encor me puis-te foziuenir .Comment ie’p’u chez moy. hors de la relienir: A

Tant] a que thaï moy. te me trouuay pefante,Toute en .feupar lecorps d’vnefieure bruflante.,Je me my fur un lit, ou dix jours à? dix mais *Sans relâche en auoir te maladay depuis.Ie perdy les chezzeux Là” n’auoy rien de refie,Que les osé” la peau, de la mauditepefie:Mon teint fut comme buis teint de jaunepalleur. .

Û Lune, efcouteanoyt: ie diray ma douleursMais qu’oubliay-ie alors? quel remedelaifl’ay-ie’? rA quelle enchanterefl’e,alors..ne..m?addreflay-ieA Ï

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88 ECLOGVES.Pour alleger mon mal? en lieu de l’alleger,Tout cela qu’on me fait, fait mon mal rengreger.Tandis le temps fe perd : à lafin ie m’aduifeD’enuoyer au cruel, qui toute me tient prife,Pour voir s’il me voudroit foulager ma langueur.

O Lune, efcoute moy: ie diray ma douleur.le l’enuoye querir, tozztfoudain il arriue:Si tofi quede mon lit ie le vi (moy chetiue)Mettre le pie’ dans l’huis, vne froide fileur

(O Lune, efcoute moy, ie diray ma douleur)Vue froide fueur degouttoit fur ma face,Et toute ie deuin auffi froide que glace:Et ie perdi la voix, ie perdi ma vigueur,

O Lune, efcoute moy, ie diray ma douleur.Il s’approche de moy : de fa main il me touche,Meflaite de [a voix, me baife de fa bouche,Et de fan doux baifer me reflaure le cœur.

O Lune, efcoute moy : ie diray ma douleur.La force me renient : vne couleur nouuellePeu à peu s’efiendit fur ma face plus belle :Lors de mon front moiteux j’efluyai la fileur.

O Lune, efcoute moy : ie diray ma douleur.Et pour le faire court, ô belle ê claire Lune,Nous fentifmes d’Amour vne joye commune,Nous fifmes nos fouhets, en plaijirs amoureux,Tous deux accompliflans nos defirs bienheureux.Toufiours depuis cefle heure en amour mutuelle,Tous deux auions vefcufans aucune querelle:

’I’efloy de luy contente, ê luy de moy contant:Il monflroit de m’aimer, ê ie l’aimais autant:Il nefe pafloit nuit que luy &fa brigadeNe me vinfent donner quelque joyeufe aubade,Defoir ou de matin: 6’ ne je payoit jourQu’il ne s’en vint cueillir le fruit de nojtre amour.Mais depuis quinze jours ie n’en oy point nouuelle:Il en aime quelque autre, êfe tient auec elleSans faire cas de moy : Lune, ie tefuppliMes charmes renforcer, s’il ma mis en oubli.

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ECLOGVE xvn. 89S

CHARLES.

ECLOGVE XVII.

MELIN. TOINET.

MELIN.

Qve refiles-tu Toinet, tout feulpenfifêfombreDefi’ous ce chefne efpais, couché fur l’herbe à l’ombre?

Qui te greue le cœur? ne m’en deguife rien,Nul autre plus que moy ne defire ton bien.

TOINET.

Ah, bon pere AIeIin, une griefue detrefl’eM’inzportune le cœur, &jamais ne me laifle!Ie fuis las de trainer ma vie en panureté:La pauureté mefuit, ê toute malhenrtéL’accompagne ou elle eji : le mejchant foin n’endureQu’un moment de fomeil trompe ma peine dure.I’en fuis en defefpoir: ê ne [gay quij’en doyAccufer,fi ce n’efl mon malheur apres moy:Mais que puis-ie de moy? car ie n’ay pafiourage,Ny troupeau poury mettre : êpour le labourage,Las! ie n’ay nyjillon ny charrué ny bœufs:Doncques du feul malheur à bon droit ie me deus.

MELIN.

Mais di moy, n’as-tu rien amandé de ton pere?(Car il auoit du bien) comme je peut-il faire,Qu’il ayt eu tant de biens, 6 panure pajioureau,Et qu’il ne t’ait Iaiflé quelque petit troupeau?

. 6,,

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90 ,ECLOGVES.Tom ET.

Tout le bien qu’il auoit, il ne l’auoit qu’à vie:

Et quand de me pouruoir il ut le plus d’enuie,Hé, la mort lefurprit! ê d’auoir jamais bienLors que ie le perd], ie perdy tout moyen.

MELIN.

N’entre en tel defefpoir. Toinet, fi tu veux fuiureL’auis d’un plus âgé, tu auras dequoy viure,

Et plus qu’il ne t’en faut. Mais que tefert d’auoirLe plus grand bien des biens, la Mufe â le fçauoir?Ton pare t’inflruifit dés ton enfance tendreA faire des chanfons, lors qu’il tefit apprendreAfonner la Mufette : Et Ianot t’apprenoit,Et luy-mefmefouuent la peine il en prenoit:Car il en jouoit bien, êpour en [cauoir direLe bon [anet Lorrain hors des chams le retire:Et fait que la chanfon que pour lors il chantoit,Du grand Berger Francin l’oreille contentoit:Tant qu’il luy dit un jour. Ces troupeaux le te donne,Ces paflis ê ces eaus, 6* ces chams ie t’ordonnePour tant que tu uiuras. Janet futfonfouflienEnuers ce grand Franchi qui luy fit tant de bien.Or Francin 65 Ianet maintenant nous regardentFaits Dieux la haut és cieux: de la haut ils nous gardent.Mais un autre Francin, HENRI ê CHARLE icyDe nous ë nos troupeaux au lieu d’eux, ontfoucy.Il faut te prefenter dauant leur douce face:Et fi tu es encor des Mufes en la graceInuoque-les pour eux : choifi le nouueau [onPour gagner leur faueur d’une belle chanfon.

TOINET.

l’y penfois : 65 dcfia dans l’écorce liceeD’un cerifier uni, d’une alêne éguifee

Puy tracé quelques vers, qu’une honteufe peur

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ECLOGVE XVII. 9XM’empefche de monjtrer aux yeux de leur grandellflBien qu’entre les bergers j’ay bruit d’efire Poète,

Si ne les croy-ie pas: car ma bafle Mufette àNe :fonne pas encor des chanfons de tel artComme le doux Bellay ou le graue Ronfard:Et ie ne fuis entre eux auec mon clzantfauuageQu’un Serin, qui au bois fait bruire fou ramageEntre deux Roffignols : Apollon toutefoisDaigne telle qu’elle eft ayder ma foible voix:Mais nos belles chanfous aux troubles de la guerreNe s’entendent non plus, que fous un long tonnerre,Quand l’orage ê les vents tempejtent par tout l’air,Lors on je plaift d’ouïr un ruz’fl’elet couler.

MELLN.

Pour ne t’en mentir point entre les dures armesLa Alufe ne dit mot, mais je bagne de larmes,Seule en un coin defert foufpirant triftementDe quoy on ne fait cas de fes dans autrement.Ny ne veut point uenir à la Cour je morfondre,Ny àfon mieux aimé ne daigne plus rejpondre .-Si pour des cour-tifans il requiert fa faueur,Oufi elle refpond, c’efl bien à contrecœur.Alaisfi c’ejtoit pour CHABLIS, incontinent fa grace

Saifiroit tes efprits : une gentille audace vEleueroit ton cœur : un chant qui couleroitPlus doux que le doux miel ta bouche combleroit.Or ie te pri Toinet tes vers me uouloir dire q

Chantez àfon honneur. fTOINET.

Allons plufloft les lireSur. le cerifier mefme : il ejt touticy pres.

MELIN.

Vue de mes chanfons te te veu dire apresCombienque trop muet peu fouuent le compOfE:

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92 ECLOGVES.x

(le croy, les loups m’ont un) l’âge perd toute chofeblefme l’efprit de l’homme : un temps fut que fans fin

On me voyoit chanter de joir ê de matin.Mais ie ne dy plus mot :fi ay-ie fait encoreL’autre-hier une clzanfon dont mon CHARLEj’Izonore.

Tom ET.

le uoudroy bien l’ouîr.

MELIN.

Si tofi que tu m’aurasFait ouïr ta chanfon, la mienne tu fçauras.

Tomer.Doncques di 1.1 deuant : car ie [gay que pour l’âgeTa douce Illufe n’a refroidi ton courage.

MELIN.

le veu que nous oyons ton beau chant le premier.

TO1 NET.

Vien-t’en doncque le uoz’r : uoicy le CCHJÎGI’

Où la Mufe me fit cejle chanfon efcrire.

MELIN.

L’efcrit en ejl tout frais.

TOINET.

Melin, veux-tu la lire?Tu es plus ancien, obeîr le le da].

Menu.Tu la liras bien mieux puis qu’elle uient de toy;

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ECLOGVE xvu. 93TOINET.

CHARLE efl aimé de Pan. qui faintement defireQue Pan Iuyfoit propice à CHARLEfe retire:[Tout ce que CHARLE veut, Pan le veut bien auff:Pan à CHARLE a donné de nos chams lefouci.Puis qu’il en a lefoin, les forefis 65” les plaines,Les nmnlagnes, les eaux foyent de liefle pleines.Dryade: par les bois, Naiades par les eaux,Par les monts ê les pree Paflres 8’ leurs troupeauxEnfant tous éjouïs. Le traiflre loup n’aguetteLeurs moutons : le ferpent n’a plus la dent infette :Le Bugard ne vient plus leurs pouffinets manger:Le bon CHARLE a voulu que tout fuji fans danger.Il n’y a pas les monts clzeuelus qui ne rendentDes cris de ga’yeté, qui jufqu’aux cieux s’entendent:

Mefmes les hauts rochers, mefnzes les petits bois,(C’ejl un Dieu, c’efi un Dieu) crient a haute voix.Soy. bon é” doux aux tiens, f0), benin êpropiceA qui t’inmquera d’un deuôt fac-rifice:Ie m’auoueÏ des tiens, j’inuoque ta grandeur,

Far moy doliques [unir le fruit de ta faneur.Voie)" quatre autelets de gaïons que j’éleue

En voÎC)’ quatre à Pan, (faux-polir toy j’en acheue:

Le premier jour de Mgr fur chacun auteletChaqu’ au ie uelferaydeux terrines de lait.Outre, quatre fois l’an en faifant bonne chere,(Donne-m’en le moyen) un fefiiu le ueufaire"A tous nos Pafioureaux : l’yuer il je feraPrés d’un bon feu, l’efle’ à l’ombre ce fera.

Là ie leur percera)’ du meilleur uin que j’aye:La Tibaut ê Girard diront la chanfon gayePour refiouirla bande : 6’- Lorin danceraLa dance des Satyrs ê les contrefera.

Auecques ceux de Pan, tes honneurs on t’apprejle:Pan fera leprenzicr, ânons ferons fa fefleLe nommantdauant tous : mais tu auras ton lieuLe premier apres. luy dallant tout dentu-dieu.

r

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94 ECL-OGVES.Nous te ferons des uœus : Tant que la fauuagineHantera la forejl, Tant que dans l’eau marineLes poiflons, Tant qu’en l’air les oyfeaux nageront,Ton nom ê tes honneurs par tout je chanteront.

MELIN.

Gentil berger, ton chant mefemble auffi doux, commeA l’ombre un qui efl las trouue plaifant le femme:Comme par les chaleurs, d’un fouzjon bien curéL’eau fraiche femble douce au payant alteré.Vrayment tu ne fais point deshonneur à ton maillre:Car un autre luy-mefme un chacun te dit ejlre,Tant tu enfuis de pres, ô bienheureux garçon,A-uec ton douxflageol fa plaifante chanfon.A nojlre tour auffi difons denojtre CHARLELa louange ê l’honneur : e’ejl raifon que j’en parlePuis que rien ne s’en taijl :ji ie n’en difoy rien

Ieferoy trop ingrat, il me veut trop de bien; IDEPVIS que Charle a pris les bergers en fa garde,

Les bergers ê leurs chants, Laboureurs prenez gardeComme toutyprofite : Au nom de CHARLE ouyVoyez, uoye; comment tout s’en ejt e’jouy.La uenteufe forefi fans branflerfe tient coyë,Le fleuue arreflé court plus lentement ondoyé,La brunette Dryade aux bois Ion voit rager,La Naiade aux yeux uerds iufqu’au bord uient nager.Voyeï ces gras troupeaux qui de joye baiidiflent,Voyeq comme leurs pis pleins de lait rebondzflent:Voyez comme la terre engendre force fleurs:C’ejl un Dieu, c’ejt un Dieu, qui afoin des Pajteurs.Les Pajtres vont difant qu’Apollon ce doit ejtreQui renient entre nous eftre encore champejlre:Puis que c’efi Apollon, Apollon aime ceuxQui à chanter des uers ne feront parefleux.Doncfi uous defireï qu’il uous aime ê cherzfie,Chanteï en fan honneur : il uous fera propice:Aueq-uous des troupeaux, il les uous peuplera:

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ECLOGVE XVU. 95Si uous n’en and,v point, il vous en donnera.

CHARLE, n’ais à dedain de nos chams la fimplefle.Quelquefois Iupiterfon grand trofne delaiflePour defcendre en nos chants, tefmoinfon Orion,Tefmoin le panure têt de Bauce à” Filemon. ’Le mefme Iupiter a pafléfon enfanceNourri aux chams de Crete, où des Corbans la danceIl aime encor à voir, 8- n’y dedaigne pasDe leur fauuage chant les rufliques ébas.

Pafires, la terre fait d’herbe â de fleurs couuerte,Encourtine; les eaux d’une belle ombre verte:CHARLE le veut ainfi : Planteï des loriers uers,Dont fes freres uaincueurs triompheront couuers.O Dieux,fi par pitié de nojlre pauure raceVous nous l’aile; donné, faites nous tant de graceQue uous ne uueilleï point le rauoir de long temps,Et qu’il uoye entre nous plus de mille printemps.CHARLE, fi ta bonté des cieux icy te mene,Couurant un Apollonfous une forme humaine,Garde tes Pajtoureaux : ê ne fois enuieuxDe mille ans nous lamant de retourner aux cieux.

TOINET.

Malin, rien de rural tu ne me uiens de dire.O la douce fureur qui ta poitrine infpireA chanter ces beaux vers! Ny le bruit des rameaux,Ny le douxfiflement des fueillus arbrifleaux,Ny ouir bourdonner les efl’ains des abeilles,D’unfi aimable fou ne remplifl mes oreilles,Comme de ton, doux chant le ton melodieux,Digne de contenter les oreilles des Dieux.

mlxd

MELIN.

Et que te donnerayéie en digne recompenfeDes vers que tu m’as dit? O mon Toinet penfe :Mais ayant bien penfé, CHÂRLEfeul peut’donner

Vu don qui dignement te puifle guerdonner.

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96 ECLOGVES.

TOINET.

Fay, Melin,feulement qu’il puifle bien conoiflreLes petites chanfons de ma Mufe champejire,Qui chante àfon honneur. ô s’il daigne m’ouir!Ofi mes humbles vers le peuuent réjouir!Alors Orfee â Lin moy feul ie feray tére:Bien que l’un eutfon pore, ê que l’autre eutfa mere,Orféfa Calliope, ë Lin [on Apollon,Le pris de mieux chauterfi me donneroit-Ion.

LE SATYREAV.

ECLOGVE XVIII.’

LE PASTOVREAV.

Vu Paris jadis pafioureauEnleua Helene la belle :Moy un antre ParisnouueauD’une belle Helene nouuelleSuis mieux baife’ qu’il ne fut d’elle.

LA PASTOVRELLE.

Et bien, dequoy te vantes-tu,Petit fou glorieux Satyre ?Le baifer n’a pas grand vertuvAinji qu’ay zoufioursouy dire:Amour mieux qu’un baifer dejire.

La" "nana-p

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ECLOGVE XVIII. 97 ’

LE PASTOVREAV.

Combien qu’on faCe peu de casDu baifer, qu’on dit clzofe vaine:Toutefois le baifer n’efl pasSi uain,.que plazfir ie n’y prenneQuand Amour à baffer me meine.

LA PASTOVRELLE.

le m’en ua lauerê torcherMa bouche, afin de te faire azfe:Et ton baller ie ua cracher.

L E PASTOVREAV.

Tu torches tes leures, Mauuaife,Mais c’ejt afin que ie te baife.

LA PASTOVRELLE.

Bien pluflojt ce feroit ton casT’en aller baifer quelque uacheOrde 8’ uilaine, que non pasVue fillette qui s’en fache,

Et par depit ton bazfer crache.

Le PASTOVREAV.

Fi d’orgueil : comme un fouge fait,S’enfuit la jeunefle jolie :

.Lafleurfletrifl, &puis le fruit.Allons fous l’ombre reuerdie, v

Afin que deux mots je te die.

LA PASTOVRELLE.

Jean de Baif. - HI.

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ECLOGVES.

LE PASTOVREAV.

Allons, mignonne, dans ce bois:Dans ce bois tu pourras entendreQuel ton au flageol je fçay prendre.

LA PASTOVRELLE.

Vasy toutfeul te foulafller:I’ay peur que pis on ne me garde :Sus, ne me vien point embrafler,Qu’à la longue plus ne m’en garde

De mordre ta bouche langarde.

LE PASTOVREAV.

Penfe’-tu l’Amour échapper

Que nulle pucelle n’échappe?

LA PASTOVRELLE.

Il n’a garde de m’atrapperrle luy pardonne s’il me happe:Mais garde toy qu’il ne t’atrappe.

LE PASTOVREAV.

O belle, que ie crein pour toyQue tu ne fois un jour laweeA un mary pire que moy!

LA PASTOVRELLE.

Maints amoureux m’ont pourchaflee,Et nul n’a gagné ma penfee.

LE PAsrovnEAv.

Iefuis l’un de tes amoureux,Etjipquuois un jour te plairele m’efiimeroy trop heureux.

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ECLOGVE XVIII. 99

LA PASTOVRELLE.

Mon amy,j’auroy trop à faire:Mariage efi plein de mifere.

LE PASTOVREAV.

Il n’y a ne douleur ne malEn mariage, que par feinte :Ce n’ejl que joyefejte â» bal.

LA PASTOVRELLE.

Lou dit que toufiours uit en creinteLa femme a un mary conjointe.

lLE PASTOVREAV.

Plujlofi toufiours les femmes fontLes maiflrefles : ie te demande,Dequoy c’efl que peur elles ont.

LA PASTOVRELLE.

Tremblant de peur, faut que me rende:La douleur de gefine ejt grande.

LE PASTOVREAV.

Mais tu ne dis pas le plaifirQue te donnera ta ligneeEflaçant le mal de gefir.

LA PASTOVRELLE.

Dequoy feray-ie guerdonneeSi j’accomply ta dejtinee?

LE PASTOVREAV.

Auec ce gaillard PafloureauTu auras tout ce pajlurage,

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100 ECLOGVES

Ce pajturage 8» fou troupeau,Et du long de ce bel ombrageTout ce pais de labourage.

LA PASTOVREL LE.

[ure que ne me lamerasMaugré moy, pour caufe quelconque,Quand maifire de moy tu feras.

LE PASTOVREAV.

Quand bien tu le voudrois adonque,le jure ne te laifl’er oncque.

LA PASTOVRELLE.

Sera-ce pour moy ta maijon?Meubleras-tu bien ma chambrette?T rairay-ie du lait à foifon?’

LE PASTOVREAV.

Tout ejl tien :feulementfouhette,Et toute chofe fera faitte.

LA PASTOVRELLE.

Mais dt moy que c’efl que dirayA mon pere, le vieil bon homme,Quand dauant luy ie m’en iray?

LE PASTOVREAV.

Il voudra que tout je confommeS’il entend comme le me nomme.

LA PASTOVRELLE.

De fçauoir ton nomj’ay defir:S’il efi tel, tu ne dois le tère:Souuent le nom donne plaifir.

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ECLOGVE XVIII. IOI

LE PASTOVREAV.

I’ay nom Loret : Louuin mon pare,Et Pafiurine c’ejl ma mere :Tu es lafille de Fortin,Iflu de trefbon parentage:Aufli ejt mon pere Louuin,Et te prenant en mariage,De rien le ne te deparage.

LA PASTOVRELLE.

Or monflre-moy ton beau verger,Et puis irons uoir tes établesOù ton beftail vient heberger.

LE PASTOVREAV.

C’ejlL à moy ce beau ranc d’Erables

Et ces ombrages deleâables.

LA PASTOVRELLE.

Mes Cheures, broute-17 bien ê beauTandis qu’iray uoir l’heritage

Et le verger du Pafloureau.

LE PASTOVREAV.

Mes bœufs, n’efpargneï cet herbageTandis que ferons à l’ombrage. g

LA PASTOVRELLE.

Voy, que fais-tu? ofle la main:Veux-tu point autrement te feindre,Satyreau, de tâter mon fein.

LE PASTOVREAV.

Laine moy un petit ejlreindreCes pomes qui ne font que poindre.

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102 ECLOGVE&

LA PASTOVRELLE.

Apres, ôfus, ofle ta main,le fuis comme toute engourdie:Que ie fenvmon cœur faible ë vain!

. LE PASTOVRE AV.

Que creins-tu? tu trembles, m’amie :Fille, tu n’es guiere hardie.

LA PASTOVRELLE.

Me veux-tu par terre touiller,Et ma belle robe de fefleDans la fange veux-tu fouiller?

LE PASTOVREAV.

Nenni non, ie fuis trop honnefle:Mon manteau pour t’afloirj’apprefle.

LA PAsT’ovnELLE.

Ha, las! ha las! que cherches-tuLeuant ma cette à” ma chemife :Ha ie n’ay force ne vertu.

LE PASTOVREAV.

le pourfui la douce entreprifeD’un Amant. qui [a belle a prife.

LA PASTOVRÈLLE.

Demeure, mauuais que tu es:Si quelcun nous venoitfurprendre.I’oy du bruit’entre ces Cypres.

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ECLOGV E. me! IL 1.03 .

LE PASTOVREAV.

Les arbres fontfemblant d’entendre’ Le plaijir que nous allons prendre.

LA PASTOVRELLE.

Ma coleretede fin linïPar loppins tu as defjiree gEt m’as mis à nu le tetin.

MIL-E PASTOVREA’Y.’

Ie t’en donne une’mieux ouuree,

Et de toile plus deliee.

LAVLPAS-TQVREhLELÀ . ;

LE PASTOVREAV.

En te donnant mefme mon ame« . . Que-.ieæuifle tendance dame...

LA PASTOVRELLE.

I’ejtoy pucelle enlm’en venant,Au jeu d’amour toute nouuelle,’le m’en va femme maintenant.

.PA.&IQY;1EAV.l IM’er’e feras; nourrice; ê telle: * -

Que jamais nefferaspucelle.n

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104 ECLOGVES.

LE COMBAT.

ECLOGVE XIX.

GILET. LVCET.PINEAV. ROBIN.

GILET.

NE uois-ie pas Pineau qui à une veiféne,De nous va là deuant*atrauers cejle plaine?Regarde un peu Lacet, tu le conoijtras mieux:Car, pour n’en mentir point, ie n’ay guiere bonsyeux.A voir de loinfon port, à voir la peau louuineQui luy couure le dos, à peu pres le deuineQue c’ejt luy.-

LVCET.

C’eft luy-mefme, il marche ê va refuant :Ie conoy [on barbet qui nous vient au deuant.

GILET.

Fifi :fus fusbarbet.LVCET.

Ce chien te fait grand fefte:Mais que ne flattes-tu un peu la pauure befle?

GILET.

Il recourt à fou maiftre, il tire fan manteau,Et l’aduertifi de nous : mais voy comme Pineau

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ECLOGVvarx. q 51:05N’en fait aucun femblant. Ilfonge quelque chofe:Il n’eft jamais oyfif: tout par tout il eompofe, IMefme parle .chemin. le ne fçachepajteur.Qui aytplus afouhait’des’Mufes’la faneur. Î f

LVCET.

Entre les Pajtoureaux ie ne [cache Poète, .Qui, à mon jugement, enfle mieuxla Mufette, ,

L ’ GILET.Si nous voulons hafler tant fait peu nojtre pas, -Nous l’aurons attrapé dauant qu’ilfoit au basDu valon, qui nous l’ofte; Il’commenceil-àldefændre. -

.L l. ï LVCET. rCouronsdonc i ufqu’à luy-l: ’15 nous pourrons «reprendre.

Aleine en ce beau val, le priant de chanterCe que nous le voyonstoutvpenfif inuenter.

GILET. ’ vCourons .- que pleujt à Dieu que cette pannetiereFuflcheï nous maintenant : Elle ne *1n”aide,guie’reA courir : pleujt à Dieuqu’vn foc en fujt ofle’,Quej’ay pris en la ville, il me romt le collé.

L L LVCET. ’ îBaille ça : car ton fac te donne riflez de peine.Que portes-tuaedans? V . -» j- ,

il l . 1, ! GILETS.” ’ .A .. i g: Pourunifetiend’euehey

Cent fatras: qu’illnous faut. »Î .ÎL.’v»cE"r’- ï . - l

». . l ":Baille*donc»».’. auffibien,(Clan-Stout efloit. trop”: cher): ie- ne’raportez-nien; t ’

. ’ 7*

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106 ECLOGVES.

GILET.

C’efl pitié, tout ejl cher : à” dit on que la guerreEjl caufe de ce mal.

LVCET.

, ’ Dieu le fçait : mais la terreNe daigne plus porter de fruits telle plantéDepuis que cejte pefte a le monde infeâé.

GILET.

S’il nous pouuoit ouïr, nous le ferions attendre.

LVCET.

Nous fommes aflez pres : il pourra nous entendre.

GILET.

Pineau.Lv CET.

t Pineau.GILET.

Pineau.

PINEAV.

Et qui m’appelle icy?Efl-ce vous, bons Bergers, d’Apollon le foucy?Ainfi Pan dauant luy reuenant de la chafl’eDemis le chaud du jour (lors que tout il menafleDe courroux, qui le fait renifler des nafeaux)Ne vous trouue jamais : mais toufiours vos troupeauxIl garde beaux ê gras : Veneï, ô couple aimee,Dequi le doux chanter vous donne renommeeSur tous les Pafloureaux. Par tout où vous paflezf

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ECLOGVE XIX. 107Les Loriers verdoyans alentour amafleq,Vous tendent leurs rameaux : parmy le verd lierreMille fleursfous vos pieds rampent deflus la terre:Et les petits cailloux atteints d’un plaifant [on ’Rendentfous vosfoulie; une douce chanfon.

GILET.

N’en dy pas tant, Pineau, tu deurois aller direCes propos à Bauin, qui s’aime ê qui s’admire:

Et brigant des loueurs toufiours en tout endroit,Cherche d’eftre loué fait à tort fait à droit.

PINEAV.

l’en dy trop peu de vous : ce feroit toute bourdeQui voudroit dire bien de cejte belle lourde.

GILET.

Pource qu’il peut valoir, Pajteur, laifl’on-le la :Et s’il te vient à gré, raconte nous celaQue tu fougeois tantojt la haut dedans la plaine,Et tandis nous pourrons icy reprendre aleine.

LVCET.

Il fait beau dans ce val : voicy un clair ruifl’eauQui d’une fouree vine ameine [a belle eau:Allons fur lefurgeon : d’un tapis d’herbe verteLa molle «fifi-aiche riue alentour efl couuertefLa les Aunes fueillus font vn-ombrage frais,Et les moufches à miel bourdonnent tout aupres.

GILET.

La les Nymphes, Pineau, pour couronner ta tefleOnt pleins panniers de fleurs : la Naiade t’apprejte,La Naïade aux beaux yeux, mainte diuerfe fleurDe la fenteur plus douce â plus belle couleur

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108 ECLOGVES.Qu’elle les peut choifir : Par tas elle les trie,Et par art de jes doits les arrange, 63’- les lieDefes beaux cheueux blonds pour t’en faire vnprefent:Car ton chant déflur tous, luy eft doux ê plazfant.

PINEAV.

Voy-ie pas mon mechant qui boit en la fonteine?

LVCET.

Quoy? Robin que voyla?

GILET.

«Quelle nouuelle haineS’efl mife entre vous deux? doù vient cette rancueur?I’ay vu, n’a pas long temps, que vous citiez un cœur.

PINEAV.

Il n’ejt pire ennemy, que l’amy qui abufeDu tiltre d’amitié. Vois-tu la CornemufeQu’il porte fous le bras? il me la deroba,Et me la deguifant pour foy la radouba.Comment, traijtre larron, tu vas faifant le braueDe ce qui n’eft a toy? ë tu jettes ta baueContre ma renommee, a tout propos difant,Que tout ce que le chante efi rude ê malplaifant.

ROBIN.

le l’ay dit voyrement : ê dy bien d’auantage,le va chanter a toy, fi tu veux mettre gage.

PINEAV.

Le veux-tu?ROBIN. v

le le veu.

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ECLOGVE xrx. 109

PINEAV.

filais qui nousjugera ?

R0 BIN.

Ces Pafleurs, s’il leur plazfi : ou l’un d’eux ce fera,

Ou ce feront tous deux.

PINEAV.

O l’audace efi’rontee.’

Donc pour la deguifer tu me l’as demonteeDu bourdon qu’elle auoit?

ROBIN.

N’en fois plus en efmoy.Ie veux te faire uoir comme elle ejt toute à moy.

PINEAV.

Toute à toy, malheureux? le refle ie le nie:Ouy bien du bourdon la groffiere armonie:Encores qui de pres au bourdon viferaCe bourdon que tu as à quelque autre fera.Aa, ie le reconnoy : ce bourdonfouloit eftreAu bon homme Marguin : venez-le reconoiflre,O Pafleurs clair-voyans : ne foufi’reï ce CorbeauDans lesplumes d’autruy qui veut faire le beau.Regardez bien par tout : vous verrez (ie va mettre)Qu’au tuyau du foufloir, en belle grofl’e lettreLe nom de ma mignonne au mien eiztrelafléY ejl encore empreint : mais tu l’as efacé:Voyeï-en la rature encores toute fraifche.

ROBIN.

Donque tout maintenant il faut que te depefcheDe la doute où tu es : le va te la gager,S’il plaift à ces Pafleurs noftre noife juger.

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IIO ECLOGVES.

,PINEAV.

Bien qu’elle foit à moy ie va mettre contre elleCette autre Cornemufe. oyeï nojtre querellePajteurs, je vous en prie : &fans nulle faneurContre moy le premierjugeq à la rigueur.

GILET.

Oferons-nous, Lucet, fi grand’ charge entreprendre.

Lv CET.

Puis que c’ejt leur plaifir d’un accord de nous prendrePour foudre leur débat, oyons ce qu’on dira :Mais faifons-les jurer que nul d’eux n’en iraPlus mal contant de nous : bien qu’auec la môlaireA l’autre nous donnions les gages ê la gloire.

GILET.

Le veuleï-vous jurer?

P I N EA v.

Ouy, iejurerayQue quand i’auray perdu, le vous demeurerayAmy comme deuant, à” Palés i’en attefte:

Etfij’y contreuien, la clauelee empefleMes chetiues brebis, & qu’une feule peauDe la gueule des loups n’en refle à mon troupeau.

ROBIN.

le tejure, ô Cere’s, dieu Bacchus ie te jure,Quand à leur jugement le perdroy la gajure,Que ie ne les hairay. Si ie ne fais ainfiIamais de mon labeur n’ayeï aucun fouci.

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ECLOGVE XIX. III

LVCET.

Sus doneques, ô Bergers, deuant nous preneï place:Nous allons nous afleoir fur cette motte bafle:Vousfere; bien tous deux contre ces Amies laQue la moufle velue" entoure çà ê la.

GILET.

Or fus, dûtes Berger. Qui efl prefi, fi commence:Qui dira le dernier, que celuy-là ne penfeEflre moins efcouté que fera le premier.L’honneur ejl en commun au premier 65 dernier.

PINEAV.

Polypheme Berger, Galatee la belleIettant à ton bejlail force pommes, t’appelleBel amoureux tranfi : ayez; haut, toutefoisMalheureux malheureux, la belle tu ne vois:Mais tu es amufé àfonner ta Mufette.La voycy reuenir : encore elle rejetteDes pomes au mafiin qui garde ton troupeau:Il aboye apres elle, ë lafuitjufqu’à l’eau :

Voy comme les doux flots de la marine coyeLa portent gentiment : ton chien toufiours l’aboye:Garde que fi encore elle veut s’approcher,Il ne morde fa greue ë fa douillette chair.Maintenant ie la voy, qu’elle faitfa rifee,Etfe macque dequoy tu ne l’as auifee:Si tu l’aimes bien fort, elle s’en va cacher,Quand tu ne l’aimes guiere, elle te vient chercher.Nulles laides amours :fouuent, ô Polypheme,Ce qui n’efl guiere beau, je fait beau quand on l’aime.L’amour ë la beauté je fuiuent tour à tour: ’L’amourfuit la beauté, la beautéfuz’t l’amour.

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’112 e ECLOGVES-.

ROIrfiN.

le l’ay fort bien ouye : ainji comme elle ruéDes pomes à mon chien, de cet oeil ie l’af une",Cet œil qui m’efl tant cher : En depit du deuin,Que i’en uoye auffi bien toufiours iufqu’à la fin.

Et vers le fot deuin Teleme qui deuineTout malheur contre moy, le malheur s’achemine.Il n’efl ny pirejourd n] pire aueugle auffiQu’efi celuy qui de uoir ê d’ouyr n’a fouci.

Defon amour ie brulle, &fi ne la regarde:Ie fein que dans mon litj’ay une autre mignarde :De grandejaloufie elle meurt, à” de l’eauSort pour venir guetter mon antre ê mon troupeau:le hâle bellement mon chien apres la belle :Si ie ne le hâlois, il iroit dallant elleAu bord luy faire fejle, ê luy licher la main,Sçachant bien nos amours : Elle enuoyra demain,(Ou peut ejire auiourdhuy) un meflager me direComme pour mon amour elle ejt en grand martyre:Mais ie l’enfermeray, ê ne l’enuoyray pas[Que ie ne voye un lit drefle’ pour nos ébas.

GILET.

O Pineau, ta chanfon eft trefdouce ëplaifanteEt combien que Robin, au dire de tous, chanteDes vers de grand’ douceur, de ton gentil chanterBeaucoup plus que du fien ie me fen contenter.

..chxz-r.

Pineau, j’aimeroy mieux ouir tes chanfonnettesQue defucer du miel : Tu auras ces Mufettes;

, Car ellesfont à toy de bon &jujte gain:Etfi tu as encore une chanfon en main,Remercie la Mufe : à la Mufe immortelleTu es tenu fur tout, qui d’une douceur telle

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ECLOGVE x1x. 113Confit ta douce voix : Que le pris t’ejt donné,Et Robin tout honteux s’en Ireua condamné.

PINEAV.

Mufe, ie te faine : ô ma Mufe champejire,Champefire maintenant, Qu’un four tu puflës eflreDigne de te monfirer en la Court de nos Rois,Et CHARLE s fujt l’honneur ë l’appu)’ de ta voix.

Lors garde que ie n’aye, â Mufe fauorable,Le filet à la langue : Alors uienfecourableMe donner une voix, dont ie puifl"e entonner(Car il nefaudra plus la Alufette fonner)Entonner hautement, delaiflant la .Mufelte,Ses honneurs 6’» vertus d’une graue trompette.Retire moy des chams: ie n’ay faute de cœur.CHARLES, mon Apollon :prefie me] ta faneur.

FIN DES ECLOGVES.

[eau de Baif. à 111. 8

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ANTIGONETRAGEDIE D E

SOPHOCLE.

PAR

IAN ANTOINE" DE BAIF.ATRES AVGVSTE PRINCESSE

ELIZABET D’AVTRICHEROYNE DE FRANCE.

O Remus, quand le ciel vous mena dans la France,Comme un affre benin repandant tout bon heur,Paix vous acompagnoit, ê l’ancien honneurReuint à la vertu par’ji’bonne alliance.

Les Mufes, qui gifoyentfous l’obfcure oubliance,Se montrerent au jour en nouuelle vigueur:Moy, le moindre de ceux qui ont de leur faueur,A voflre Magefié j’en fy la redeuance.

MADAME ce jourdhuy je vous oflre (en hommageD’un Suget non ingrat) ce mien petit ouvrage,Ains l’ouurage tiflu d’un Poète Gregeois.

Si deignea’yjetter vofire ferene une",Marquez en ces deuis, à quelque heure perdue,Le profit qu’aueï fait au langage François.

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I;6 ANTIGONE.

ARGVMENT

APRES que les deuxfils d’Edipe furent morts,S’eftant tue; l’un l’autre, 6* que le Roy d’alors,Qu’on appeloit Creon, eujl fait defi’ence exprefl’e

Dedans Thebe, que nul ne prifl la hardiefleD’enterrer Polynic, fur peine de la mort :Antigone fa fœurfe mit en [on efi’ortDe l’enfepulturer : ce qu’ellefitfi bien,Que les Gardes du corps n’en aperceurent rienPour la premiere fois. Mais Creon les menace,De les faire mourir fans nul efpoir de grace,S’ils ne luy amenoyent ceux qui l’ont enterré.Les Gardes efroyeï, ont le corps deterre’.Remis à nu fur terre : ê creignant pour fa tefle,Chacun a bien guetter aux enuirons s’aprefle.Antigone yfuruient : ê voyant decouuertDe [on frere le corps, qu’elle auoit bien couuert,Tâche le recouurir : &- ne pouuant tenirSon dueil, je decouurit. Lors voicy furuenirLes Gardes qui guetoyent. Sur le fait ils la prenantEt vers le Roy Creon incontinant la menent.

Le Roy la condamnant, toute vine la faitDefcendre en un caueau (qu’expres on auoit faitPour une fepulture) ou pardefpoir ejlre’meLafille s’élrangla de [a ceinture mefme.

Haimon le fils du Roy, fiancé d’AnligoneLa venoit deliurer : mais trouuantfa peifonnePale morte etranglee (6 trop grieue douleur!)Sur elle d’un poignardfe frappe dans le cueur.

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ARGVMENT. 117Creon ayant ouy le deuin Tirefie,

(Qui luy auoit predit la malheurte’ fuiuie,D’auoir fait enterrer la pauurette Antigone,Et de n’auoirfoufi’ert que la terre lon donneAu panure Polynic) il ua pour l’enterrer,Et pour hors du caueau la fille deterrer :Mais il la trouue morte douleur plus cruelle!)Il voit fou fils Hainzon qui je tuêfur elle.

De la le Roy dolent s’en reuenant chez luyTrouue une ocafion d’un plus piteux emmy.Eurydice deja la Royne malheureeSa irefchere compagne efioit morte 8* tuee :Qui ayant entendu comme Haimon ejtoit mort,Vine ne put foufmirfi trijte deconfort,filais d’un poignard fe tué. Ainfi grieues douleursDeflus grieues douleurs, malheurs deflus malheurs,Troublent Creon le Roy de la terre Thebaine.

filais oyeï Antigone, oyeï fa fœur Ifmene,Qui plus que ie n’en tif vous en pourront aprendre,Si à les écouter plaifir vous daigne; prendre.

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PERSONAGES DE LA TRAGEDIE.

Antigone.

Ifmene.

Chers de vieillars Thebains.

Creon. yMefi’ager du Guet.

Hâimon.

Tirefie. 1Autre Meffager.

Eurydice. A

Vn Seruant.

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ACTE I. SCÈNE I.

ANTIGONE. ISM EN E.

ÀNTIGONE. VNEfçais tu pas Ifme’ne ô mon unique fœur,Que de nofire vinant, depuis ce grand maleurQui vint à noflre pere, il n’y a point de mauxDefquels n’ayonsfans fin foutent: les aflaux?Car nous n’allons rien un, qui nous fait arriue’Ou à toy ou à moy, que nous n’ayons trouuéPlein de grieue douleur, plein d’ennuy, plein de peine,Plein de grand deshonneur, plein de honte vilaine.Et maintenant encore (ainfi comme Ion dit)Le Prince nous afait publier un Edit.L’as-tu point entendu? ou bien nos ennemisFont-il à ton defleu du mal à nos amis?

ISMENE,

le n’ay, mon Antigone, ouy nouuelle aucune.Ny de bien ny de mal, depuis celle fortune,Qui en un mefme jour nos deux freres perdit,Quand une double mort au camp les étendit:Sinon que cette nuit des Argiens l’armeeSoudain s’eft difparuê hors d’icy delogee,

Et le fiege a leué. Depuis ie ne fçay rienDont nous fait auenu plus de mal ou de bien.

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120 ANTI-GONE.

’ ANTIGONE.le le [çauoy trefbien : c’efl auffi la raifonPourquoy ie t’ay mandee icy hors la mazfon,Afin que feule à part tu pufles m’écouter.

ISMENE.

Qu’ejl-ce? me voudrois-tu grande chofe conter?

ANTIGONE.

Le Roy Creon à l’un des freres a til pasRendu l’honneur des morts? de l’autre il ne fait cas.Mais, comme on dit, fuyuant Iaon 8* la droiture,A Eteocle il a donné la fepulture,L’lzonorant de l’honeur que Ion doit faire aux morts:Mais miferablement le miferable corpsDe Polynice mort il delaifle étandu :Et par Edit exprès à tous a defandu,Et de ne l’enterrer, à? de ne le pleurer:Le laiflerfans honneur ê point ne l’enterrer,Afin que par les chams le panure miferable ’Aux oyfeaux charogniers fait viande agreable.

Voyla ce que Ion dit que Creon le bon RoyNous afait publier, 8- a toy 6’ à moy: "(le dey bien dire à moy!) à? qu’il s’en vient icy

A qui ne le fgait point publier tout cecy,’ Luy en perfonne, afin que de [on ordonnance

Nul quel qu’ilfoit ne puifle en pretandre ignorance:Et qu’il fera fa loy a la rigueur tenir,Si bien queji quelcun ofey contreuenirIl mourra lapidé. Voyla ce qui en ejt:Et tu pourras bien tofl nous montrer s’il te plaifl,Que des tiens à bon droit la fille Ion te die,Ou n’auoir rien de ceux dont tu te dis fortie.

ISMENE.

Mais qu’efi-ce, âpauure fœur, s’il efi uray ce qu’as dit,

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TRAGEDIE. IZI. Que ie profiteray, d’aller contre l’Edit,

Pour enfepulturer le corps de nofire frere?

ANTIGONE.

Si tu me veux aider : regarde 8 confidere...

ISMENE.

Quel danger me dis-tu? mais’où efl ton bon feus?

Anneaux.Si ’d’enleuer le mort de ta main tu confens.

ISMENE.

Penfes-tu l’enterrer veu qu’il eJt defandu?

L Animent. l L

Ouy: ie luy rendray l’honneur qui luy ejt du,A mon frere 8 le tien, car il l’ejt maugré toy,Et nefera point dit qu’il fait trahyrpar moy.

Isnane.Helas! contrele Roy veux tubien entreprendre?

Ï . ANÎIGON’Ef L b.

Il n’apartient au Roy’mon deuoir me defendre. l

lettrine.

HeIas ! penfe ma fœur, repenfefagement,Que nofirepere ejt mort par trophonteufementD’une mort odieufe, auffi tojt qu’il’eujt feu

Quel grand mechef eftoit de jes forfaits iflu: LLuy inefme s’arrachant de jes deux mains-meurdrieres.Ses paumes yeux creue; dehors de leurs paupières!

8k

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122 ANTIGONE.Penfe àfa mere &femme (â maleurté doublet?!)Qui s’étranglant s’ojia d’une vie troublee

Par trop cruels deftins! Et pour le tiers maleur,Penfe comme en un jour, enflammer de rancueur,Les maleureux meurdriers nos freres combatirent,Et de leurs propres mains tous deux morts s’abatirent.Et fange maintenant que feules orphelinesDelaiflees nous’deux, de morts bien plus indinesNous aurons a mourir,fi enfreignant la loyNous rompons l’ordonnance (S’- le pouuoir du Roy.Mais nous auiferons connue femmes nousfonmies,Et que ne femmes pas pour combatre les hommes:Qu’il faut ployer fous ceux qui ont plus de puiflance,Et quand ils uoudroyent pis leur rendre obelflance.Quant à moy m’adrefl’ant, pour mercy leur requerreDe ce à quoy Ion me force, a ceux de fous la terre,a Au Roy j’obeîray : car ofer dauantageu Que ce qu’on peut ou doit, n’ejt fait d’un ejprit fage.

ANTIGONE.

le ne t’enpriray plus .j 8 bien que le dejirTe vin]! de m’y aider, ie n’y prendroy plaifir.Fay comme tu voudras : quant à moy ie m’aprefleDe l’enfepulturer. La mort feroit honnefieDe mourir pour ce fait : ofienfant faintement,L’amie auec l’amy ie mourray gayement.Car i’ay bien plus de temps, apres mon doux trepas,Qu’a ceux d’icy a plaire a ceux quifont la bas,Où ieferay ioufiours. Toy, car tu l’aimes mieux,Souille 6” tien à mépris lefaint honneur des dieux.

ISMENE.

Ie les veux honorer : mais de forcer en rienLesflatuts, ie n’en ay le coeur ny le moyen.

ANTIGONE.

Suy doncques ton propos. car ie ua m’empefcherApres l’enterrement de mon frere trefcher.

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TRAGEDIE. :23I sueurs.

Ha pauure, que pour toy i’ay de creinte 6’ tourment!

Ann G o NE.

N’aye creinte pour moy, fouge à toy feulement.

ISMENE.

Au moins garde toy bien de t’aller deceler.Quant à moy ie mourroy plujtojt que d’en parler.

ANTIGONE.

Va va le dire à tous. Si tu me veux complaire,Tu l’iras publier pluflofi que de le taire.

ISMENE.

Enuers ceux quifont froids que tu as le cœur chaud!

ANTIGONE.

le fçay bien que ieplais à quiplaire il me chaut.

ISMENE.

Ouyji tu le peux : mais il ne je peut faire.

’ ANTIGONE.Et bien, fi ie ne puis, tu m’en verras diflraire.

ISMENE.

« Iamais il ne faudroit l’impoffible entreprendre.

ANTIGONE.

Si tu tiens ces propos, par force il me faut prendreMal-talent contre toy : ê par ta méprzfonLe defunt te haira pour bien bonne raifon.Lame moyencourir tout à mon effientPar mon mauuais confeil cet inconuenient.

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124 ANTIGONE.Car tu ne pourrois pas faire entrer en ma tefleQu’il ne faille mourir d’une mortfi honejte.

ISMENE.

Va donc puis qu’il te plain. mais c’ejt grande folieD’ejtre en fi grand dangier à tes amis rauie.

C H O R E.

Strofe I.

Dv foleil la clarté doree

Plus luifante que de coutume,Defl’us nos fept portes allumeLa plus belle clairejourneeQue de long temps on ait vu nec.O bel œil de cejour doréQui defl’ur Thebe as éclairé,

Loin de la fource Dircienne,Fazfant tourner bride foudainA la grande armee ArgienneQui menaçoit nos murs en vain.

I Mefode.

Adrajle en faneur de fon gendreQui ce Royaume quereloit,Telles armes leur a fait prendreComme Polynice vouloit.Les uns marchoyent couuerts d’écailles,Les uns de boucliers 61 de mailles.Icy, piquiersfe herifi’oyent:

I La, fur les æles des bataillesLes cheualiers replendiflbyent.

Antifirofe.

Ce camp tint la ville fugetteD’armes par tout enuironnee,

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i

à

à

TRAGEDIE. 125ququ’a cette heureufe journee

Qui a decouuert leur retrette,Qu’ils ont fait par la nuitfegrette,Parauant que d’auoirfouille’

Dans noflreLfang leur fer mouillé:Parauant qu’auoir embrazfeeLa ville de leurs brulements,Parauant que l’auoir raïeeququ’au pié de jes fondements.

Mefode.

a Dieu jamais n’aime les vantifesa De ceux qui font enfleq d’orgueil:a Mais renueife leurs entrepril’esa Trenchant le cours de leur confeil.n Mefme voyant comme ils s’en viennent« Fiers des biens qui tels les maintiennent,a Son foudre il darde deflur eux;(ç Et quand plus heureux ilsfe tiennent« Lors il les rend plus maleureux.

Strofe Il.Témoin m’en eft l’outrecuidance

Du boutefeu, dont l’arroganceSentit un feu plus violant,Quand le foudre briqant fa tefleLe renuerfa du plus hautfefleDu mur qu’il alloit échelant.

Lors qu’alencontre du tonnerreEt des vents qui luy font la guerreSon ardente rage il poufl’oit:Mais culbuté denhaut en terreIl n’acheua ce qu’il brafl’oit.

’ Mefode.

Cependant des [cpt CapitainesA nos fept portes ordonner,

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ANTIGONE.

Les entreprifes furent vaines:Car ils fuirent étonneq.Depuis en figue de leur fuite,Dont Jupiter fit la pourfuite,Les Trofees auons drefl’er,A luy quifait parfa conduiteQue l’ennemy nous a layes.

Antiftrofe.

Orpuis que la gloire honorableEt la vidoire fanai-ableNous rit d’un œil plus gracieux,Metons la guerre en oubliance :Et par Thebe ayons fouuenanceD’en rendre graces aux bons Dieux.Et faifons que cette nuiteeSoit par nous faintementfeftee,Aux temples fautant ê danfant,D’une chanfon par tout chanteePar le Dieu Thebain commançant.

Epode.

Mais voicy venir nofire princeCreon le fils de Menece’, ,Le feul Roy de cette Prouince,Qui, à le voir, a pourpenféDe nouueau nouuelle entreprife,Depuis que Dieu nous fauorife.Pour neant il n’a fait venirD’anciens cette bande grife:Mais le confeil il veut tenir.

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TRAGEDIE. 127

ACTEIL’SCENEI.

CREON. CHORE;

CREON.

Mes amis, les bons Dieux en fin ont arrefléDu Royaume l’état, qu’ils auoyent tempeflé

Trouble’ brouillé long temps en facheufe tourmente:litais apres la tempejie une faifon plaifanteOuure l’air plus ferein : ê les brouillas éparsAux rayons du Soleil fuyent de toutes parts.Or ie vous ay mandez; par nieflagiers expiresQu’icy pour m’écouter ie vous trouuafl’e prefis,

Sçachant voflre bon cœur enuers noftre couronne,Et du temps que Laïe y regnoit en performe,Et du regne d’Edipe, ô” depuis [on trepasComme fes deux enfans vous ne lazfldtes pas,filais touffeurs les aueïfelon voflre deuoirHonore; &feruis renerans leur pouuoir.Or depuis qu’en un jour au combat main a mainSe frapans &fi’apEï, double meurdre inhumain,Les deux freres [ont morts, ie viens àfuccederAux Rois que les derniers on a vu decederConnue le plus prochain de fang 8: de lignage. 4a Mais on ne peut [calmir d’un homme le couragea L’efprit ê le bonfens, parauani qu’il s’auancea Aux afaires d’état ê chofes d’importance.

« Car quiconques ayant d’afaires manimenta Ne triche executerfon auis librement,a Mais fans le decouurir par creinte le retient,a Indigne ejt ce mechant de la place qu’il tient.n Et quiconques aufli veut mettre un amy fieu

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128 ANTIGONE.a Pardefl’us [on pais, ie le conte pour rien.Quant à moy (Dieu le fçait à qui rien ne je cache)Que ie ne me téray de chofe que ie j’çache,I’Oury remedier, efire voftre damage,Voulant toujiours garder du peuple l’auantage.a Et quiconques auffifon pais n’aimera,

«x Si ie le puisfçauoir, mon amy ne fera:n Scachant queplus d’amis nous ne pourrions nous fairea Qu’en faifant que l’état du Royaume profpere.C’ejt pour quoy enfuiuant le propos que j’ay dit,Touchant les freres morts j’ayfait crier l’Edit.Quant efl d’Eteocles, lequel pour la defienceDe [on pais auoit éprou’ué fa vaillance,Et pour elle étoit mort, j’ay voulu qu’à fou corps

On aitfait tout l’honneur que Ion doit faire aux morts,Qui font morts gents de bien : 6’- qu’on le milt en terreComme un qui pour la fienne auoit fait jujte guerre.Mais quant à Polynic, qui laiflantfon pais,Pour des Dieux étrangers les fiens auoit trahis:Qui auoit defire’ voirfa ville embraqee,Et jufqu’aux fondements des murailles razee’:Qui auoit defiré la liberté rauirAuxfiens, ë de leurfangfon dur cœur afl’ouuir:PourCe j’ay fait crier que nul de cetui-cyPour [on enterrement ne pregne aucun foucy:Mais le laifl’e à mépris fans dueil fans fepulturePour ejlre des corbeaux ê des chiens la pâture.Telle eft ma voulonté : ceux qui ne valentqrienle n’honore jamais plus que les gents de bien:Mais qui de [on pais le bien pourchafl’era,Honoré de par moy vifê mort il fera.

Camus.

Sire, vous ordonnez; que bien ou mal on faceSelon que bien ou mal au pais on pourchafle:Et vous pouueï auffi difpofer ë des hommesQuifont morts, ë de nous qui viuons 6’» quifommes.

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TRAGEDIE. 129CREO; .

Soyez; dengues au guet pour cecy que j’ordomze.

C noms.

A plus jeunes que nous telle charge fe donne;

C REON.

Le guet efl bien affis pour au corps regarder.

CHo RE.

Quelle autre chofe donc voulez vous commander?

GREG N.

De ne fowjrir que nul à la loy face tort.

CHORE.

u Il n’efi hommefi fol qui s’ofrzfi à la mort.

C REON.

« C’en fera le loyer : mais Ion voit bien [aunent« Que pour l’efpoir du gain l’homme auare je vend.

ACTE II. SCÈNE Il.MESSAGER. CREON.

MESSAGER.

SIRE, ie ne diray que ie foy hors d’aleinePour auoir acouru d’alure bienfoudaine:filais ayant mon efprit en vu douteux foucy,Ou de m’en retourner ou de venir icy:

[eau de Baz’f. -- 1U. 9

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130 ANTIGONE.Tantofl ie me luitoy tantofl le m’arrêtoy,Et pour creinte de vous en la peine feta].Car mon cœur me difoit. Chetif, que veus-tu faire?Tu vas de ce forfait pourchafler le falaire.Chetif, demourras-tu? d’vn autre il l’entendra,Ainfi de toutes parts malheur t’en auiendra.Bien tard en ce difcours ie me fuis afluré,Tant que peu de chemin longuement a duré.Enfin le fuis venu vous dire, non commentLe fout s’efi fait au long, mais le faitfeulement:Car l’efpoir 8’ confort qui à vous m’a mené

C’efl d’auoir tout au pis ce qui m’efl defiine’.

C REG N.

Alais qu’y peut-il auoir qui caufe vu tel émoy?

M ESSAGER.

le veu premieremeut vous dire, quant à moyNy ie ne l’ay point fait, ny nefçay qui l’a fait:Et m’auiendroit à tari du mal de ce forfait.

CREON.

Tu tournes alentozH’jhns allfdit t’adrefler,

Et femble que tu veux vn grand cas anoncer.

MESSAGER.

L’horreur que j’ay du fait, fait que ie crein le dire.

C n E0 N.

Di-le donc vitement ê d’icy le retire.

MESSAGER.J

Bien, ie le vous diray. Quelcun depuis naguiereA enterré le mort; l’a couuert de pouffiere:Afait ce qu’on doit faire aux morts felon l’vfance.

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TRAGEDIE. r31C RE ON.

Que dis-tu? qui s’efl mis en telle outrecuidance?

MESSAGER.

le ne l’ay vu ny [en : tant y a qu’en la placeDe beche "y de pæle on n’a vu nulle trace:Et la terre alentour de toutes parts entiereNe montroit aucun trac, n)! n’auoit nulle orniere:De forte que par rien juger on ne potinoit, hQuifujt le fofloyeur qui enterré l’auoit.

Apres que le premier qui lefait aperçutNous en ut auertis, ë que chacun lefçut,Chacun s’en étona : car il n’était caché,

Ny n’auoit on le corps dans la terre couché:Mais comme s’on vouloit foudain s’en aquiter,

On auoitfeulement fur le corps fait jeterQuelque poudre Iegicre : ê n’a Ion point conuQue chien ny autre befie à ce corpsfoit venu,Ou bien l’ait dépecé. Lors on entre en debat,

Et chacun fa raifoli de paroles debat:Son compagnon acufe : ë prefques entre nousNous vinfmes en vn rien des paroles aux coups:Et n’y auoit pas vil qui nous peufl appaifer:Par ce que touts pouuoyent à bon droit s’acufer.Car ils penfoyent qu’vn d’eux auoit commis le cas,Mais tout le pis étoit qu’on ne le [canoit pas.Nous étions defia prejts de folennellement,En attefiant les Dieux, nous foumettre au ferment,lurant ne l’auoir fait, ny n’en efiiie coupable,Ny confentant a qui en étoit acufable.A la fin n’ayans pu rien de vray decouurir,Vn de nos compagnons ce propos vint ouurir,Nous faifant touts tenir la tefle contre basComme bien étonneï. Car nous ne pouuions pasN] luy répondre en rien, 20’ en rien attiferComment par entre nous, nous deuions en vfer.

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132 ANTIGONE.L’auis fut qu’ilfaloit vous raporter l’afaire,

Et vous en auertir, à? point ne le vous taire.Touts en furent d’acord : ë de ce bon meflage,Lefort qui cheut fur moy, me donna l’auantage.Ainfi pardeuers vous, dont ie ne fuis guiere aife,le fuis venu porteur de nouuelle mauuaife,Et me deplazfi bien fort que par moy l’ayeïfçu.« Qui reporte le mal n’ejl jamais bien reçu.Mais, Sire,fij’ofoy vous dire mon anis,le diroy que les Dieux ce fait auroyent permis.

CREON.

Celle : ne parle plus : auife de t’en tairePour ne me faire entrer plus auant en colere,Que ne te montre bien qu’en tes paroles fates,Comme vu vieillard réueur que tu es, tu radotes.Car il ne fautfouflrir tels propos que ceux-cy,Que les Dieux de ce mort ayent quelque foucy.Quoy? en auroyent-ilsfoinpour quelque grand meriteQu’il ait fait enuers eux? luy qui auoit conduiteVue armee en fureurpour rompre à” renueiferLes lieux qu’on auoit fait en leur honneur drefl’er:Pour leurs temples bruler: leurs autels dépouiller:Leur ville mettre afac : leurs faintes loix fouiller:Brieffaire tout pour eftre aux bons Dieux, odieux.Où les mechants font-ils fuporteï par les Dieux?

Non ce n’eft pas cela : mais ce font des rebelles,Qui ne peuuent m’aimer, qui ne me fontfidelles,Qui dedaignent mutins ma Royale’puifl’ance,Et refilfent le joug de mon obeîflance.Par CEllx-C)’ quelques vus, pour ce forfait commetre,Ont efle’ fuborneï à force de promettre,u Ou d’argent deliure’. Car a l’humaine gent

a Rien ne fait plus de mal que l’vfage d’argent,a Qui les villesfacage, ê brafle trahifons:u Qui des plus grands feigneurs ruine les maifons :u Qui les cœurs des humains corromt ê paruertil,

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TRAGEDIE. 133a Et les enhorte au mal, du bien les diuertit,« Faifant que de mal faire ils ne font confciance« Et qu’ils mettent des Dieux la creinte en oubliancea Mais que), que ce [oit tard, ceux qui ces chofes f0’u Pour argent qu’ils ont pris, châtie; ils en font.

Orj’en fay Dieu témoin, &fansfeintej’en jure, 4Quefi le forfeleur de cette fepultureVous ne reprefenteï foudain deuant mes yeux,le vous feray touts pendre, afin que fçachie; mieuxDon c’ejt que vous deueq le gain derobé prendre:Afin que vous puiffie; par mon moyen aprendreQu’il n’ejt bon de piller du gain à toutes mains:

a Car vous verrez; toefiours que la plus part des gains« Qui viennent de nzalfait, caufent plus de dommagea A quiconque les prend, qu’ils ne font d’auantage.

MESSAGER.

Sire, quant ejt de moy, ie m’en fen innocent.

C REON.

To,), toy qui as vendu ta foy pour de l’argent?

MESSÂGER.

Le temps vous montrera bien tofl ce qui en efi.

C REON.

Ouf, ta maleurte’pton babil me deplaifi.

MESSA G ER.

Doncques l’opinion gagne la verite’?

C REON.

Soit doncque opinion : mais ta futilitéNe tefauuera point. Car ie veus &j’ordonne

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134 ANTIGONE.Qu’icy vous m’emmenie; le mechant en peifonne:

Sinon ie vous fera] faire prenne certaine,a Que le gain mal gagné perte ê ruine ameine.

NIESSAGER.

Nous le chercherons bien : maisfoit que le trouuons,Ou bienfait qu’ayantfait tant ce que nous pontions,(Car il efi au haïard) ne puiffions le trouuer,le n’ay garde d’icy me venirxretrouuer.filais ie louray les Dieux qui m’ont ôté d’icy,Don ie n’efperoy pas me retirer ainf.

CHORE.

Slrofe I.

Qv’efl-ce que l’efprit humainPour s’aider n’a inuenté?

Et qu’y a til que fa mainN’ait hardiment attenté?L’homme a trouué la maniere

Dans une creufe mailonDe voguer fur la mer fiereNageant en chaque faifon.Il n’auoit le cœur de cher,Quipremier s’ejt efl’ayé

Sur lesflots hideux marcher,Ny pour les vents efroyé,Ny pour l’horreur d’vn rocher.

Antiflrofe.

Il laboure les gueretsTrainant les coutres trenchans,Et fait des blés les foretsClzaquan reuetir leslclzams.

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Ul.TRAGEDIE. 13Il n’ejt befiefifauuageQu’il ne rangeafon pouuoir.

AEt touts Offeaux de pafl’agePar engins ilfçait auoir.’Sur le chenal efl montéD’vn mors aife’ l’embauchant: ’v

Et le toreau indonte’ VSous le joug il va touchant,A fou gré l’ayant denté.

Strofé 11.

a Mais il afait dauantagea De foy-mefmefe douter,a Quand fan trop libre courage«. De gré s’efi pu furmonter,

a Se foumetant à des loix,n Etfous lefceptrerdes Rois.u Lors fa cruelle naturea S’adoucitfous la droiture:(( Et les meurdres ont ceflé« Depuis que le peuple endure« Ejtre des Îloix redrefl’e’.

Antifirofe.

’Mais en nOtre race’humaine

Sont encor des objtineï,Que leur fier naturel ÏmeineContrè le droit mutinez: gQuifîd’e-ïDieu n)’ creinte n’ont, A

i ’ *Nyfelon les loix ne font;Qui je doura telle audace

”Ne trouue en la ville place:Quant à moy ie jurerayQu’il n’ara d’entrer la grace

Liron ie».demeu.reray.. s

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136 ANTIGONE.

Epode.

Faut-il que ie doute on croyeQue deuant mes yeux ie nefeLa panure fille Antigone?Ha, c’efi elle que ie voy

Que Ion ameine en performe!O la fille miferableD’vn plus miferable Roy,

Las, que tu es deplorable!Opauure feur mal raffife,C’efl c’ejt que lon t’a furprife

Ainfi que tu voulois faireVu bel œuure de pitiéEnuers IC’COI’pS de ton frere,

Par trop de folle amitié!

ACTE 11:1.- SCÈNE I.

MESSAGER. CHORE. CREON.ANVTIG ONvE.

MESSAGER.’*

LA voicy celle là qui a fait tout l’afaire.Nous l’auons prife ainji qu’elle enterroit fan frere.

Mais ou s’en cf! allé nojtre. Roy? r

C’HonE.

Le voicy,Qui femble à point nommé s’en ’reuenir’icy.

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tîLa«N’h-vfi:l . î "

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TRAGEDIE. 137v

CREON.

Qui a til? s’efi on mis en bonne diligence?

MESSAGER.

u Sire il ne faut jamais perdre toute ejperancea De chofe que cefoit. Car bien fouuent on voit11 Arriuer ce de quoy moins d’atente on auoit.Tantofi épouanté de vojtre grand courronsI’auoy prefquejuré ne venir deuant vous:Mais ce qu’auoy juréj’ay mis en oubliance

Pour lajoye auenué outre .mon efperance.Et contre mon ferment ie vien, ê vous aineineCette vierge qui s’ejt donné toute la peineDe cet enterrement : la où ie I’ay furprifeEt non autre, mais moy fur le fait ie l’ay prife.

Or Sire maintenant icy ie la deliureEntre vos mains, afin ê quej’en foy deliure,Et que vous en facieq felon droit &juflice:Carie dey ejtre abfoujt de tout ce malefice.

CREON.

Comment l’amenes-tu? où l’as tu pu faiprendre?

ME ss A GER.

Elle enterroit le mort, puis qu’il vous plaift l’entendre.

C RE ON.

Sçais-tu bien que tu dis? ou me le dis-tu bien?

ME s SA GER.

Pay vu qu’elle enterroit (ê ie n’en fan de rien)Le mort touchant lequel vous auie; fait l’EditDe point ne l’inhumer. N’e -ce pas allez dit?

9*

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138 ANTIGONE.C REON.

litais comment l’a ton vue &fur le fait trouuee?

MESSAGER.

Oyee connue il s’ejt fait. Depuis noflre arriueeAu retour de ce lieu, apres que contre nousVous ûtes bien jette’ vojtre bouillant courrous,Nous fîmes reietter la pouffiere du corps,Et le mîmes à nu. Nous nous metons alorsVn petit alecart fur les proches colines,De peur que fou odeur n’infecta’t nos narines.

Et de la nous giletionsfi perfonne y viendroit,Etfi toucher au mort quelcun entreprendroit.

La nous fumes au guet jufques enuiron l’heureQue le foleil plus haut deflus noflre demeureEnflamme l’air ardent, echanfe les ruifl’eaus,Grille les blés aux chams, aux bois les arbrifleaus.Depuis quand ce grand chaud cefl’a d’efirejifort,Nous vîmes peu apres la fille pres du mort,Qui gemiflbit femblable a la mere faclzeeDes petits oyfillons, quipleure fa nicheeQu’elle voit dans les mains du berger qui l’emporte:La fillefoupiroit je plaignant en la forte,Quand elle vit le corps decounert, denue’,Et iizazldifloit ceux-la qui l’auoyent remué.Apres àpleines mains de la feclze pouffiereLe mort elle recouure : ë tenant vne eguiere,De l’eau deflus le corps par trois fois elle vezfe.M’oy qui voy tout cecy j’acour a la traueife,Et la pren fur le fait. Elle non étonnée,( Tout ce qu’auparauant en la mefme journeeS’étoit fait fur le mort) l’auouë fans contreinte,Et n’en denie rien, ê n’en montre auoir crainte.De fa confeffion j’u plaifir ê douleur,Plaifir de mefauuer de ce facheux nialezlr:tuais i’en reçu douleur, pource que mes amis

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s

TRAGEDIE. 139Ainfi par mon moyen en peine ie voy mis.a Toutefois ie ne fçache amy, de qui le biena Ie ne daine toufiours piizfer moins que le mien.

CREON.

Toy, toy qui tiens penchant la tefle contre bas,Dy, le confefles-tu ou nies-tu le cas?

ANTIGONE.

I’auouë l’auoirfait, ê ie ne le vous nie.

CREON.

Quant ejt de toy va ten où tu auras enuie,Abfoujt de ce forfait. Toy, qui as fait l’ofenfe,Dy moy fans delaier, fçauois-tu la defenfe?

ANTIGONE.

Ouy, ie la fçauois, â chacun comme moy.

CREON;

Et tu as bien oféfaire contre la .on.

ANTIGOANE.

Auffi n’était-ce pas’vne on, ny donnee

Des Dieux, nyfaintement des hommes ordonnee.Et ie ne penfoy pas que tes loix peuflent tant,Que toy homme mortel tu vinfes abatantLes feintes loix des Dieux, qui ne fontfeulementPour durer aujourdhuy, mais eternellement.Et pour les bien garder j’ay mieux aimé mourir,Que ne les gardant point leur courroux encourir:Et m’a femble’ meilleur leur rendre obeiflazzce,Que de creindre vn mortel qui a moins de puifl’ance.Orfi dauant le temps me faut quitter la vie,Ie le comte pourgain n’ayant de viure enuie.

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140 ANTIGONE.Car, qui ainfi que moy vit en beaucoup de maux,Que pert-il en mourant finon mille trauaux?Ainfi ce ne m’efi pas vne grande douleurDe mourir, pourfortir hors d’vn fi grand malheur:Mais ce m’uft bien été vn plus grand deconfort,Sifans point l’inhumerj’ufl"e lazflé le mort,Duquelj’étois la fœur, fille de nzefnze mare:Mais l’ayant fait, la mort ne me peujt ejlre amere.Orji tu dis que j’ay folementfait l’ofi’ence,

Encdr plus folement tu as fait la defence.

CHORE.

Elle je montre bien effrefille de cueurD’vnpere de cueur grand, ne ployant au malheur.

CREON.

Sçaches, qué de ces cueurs objtineq la fiertéSe ront le plusfouuent. De l’acier la durte’Cuitte dedans le feu tu verras s’amolir,Se forger aux marteaux, aux meules fe polir.Auec vn petit mors on fait ce que lon veutDu cheual le plus fier. Car Celuy qui ne peutAutant que le plus fort, duquel il eft efclaue,Etriuant contre luy ne doit faire le braue.Premier elle a forfait ayant bien conoiflanceQu’elle contreuenoit a l’exprefl’e ordonnance:

Et maintenant commet vn deuqiéme forfait,Se vantant ë riant du forfait qu’ell’ afait.Homme ie ne feroy, mais homme elleferoit,Qui, moy regnant, ce cas impnny lat-fieroit.Mais quand ellesferoyent encorplus que princefl’es,Ny elle ny fa foeur les deux forfizitereflesNe je fauueront pas d’vne mort execrable:Car ie fçay quefafœur de ce fait efl coupable,Ie l’ay tout maintenant vue" dans la maifonForcenerfurieufe ë comme fans raifon.

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i.tu

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TRAGEDIE. 141« Mais quiconque a commis vne faute en cachette,a A peine a til l’efprit de la tenir fegrette :

I a Sur tout ie hay celuy quifurpris en mesfait« Obfline contre droitfoutient qu’il a bien fait.

ANTIGOËE.

Demandes-tu rien plus que de me voir défaire?

CRÈON."

Rien plus : car cela fait ie n’auray plus que faire.

ANTIGONE.

Que retardes tu donc? puis qu’impoffible il eflQue ton parler me plaife : &puis qu’il te deplaiftDe tout ce que ie dis, 65 tu ne veux entandrqNy ouïr mes raifons, que veux tu plus attendre?Et comme ufl’é-ie pu faire œuure plus louable,Qu’enuers le frere mien me montrer pitoyable,L’inhumant? D’vn chacun j’en ferois ejtimee,

Si leur bouche n’était par la creinte fermee:a Mais la grandeur des Rois, en qui tout heur s’afl’emble,a Fait, dit, fans contredit tout ce que bon l’eurfemble.

CREON. v

Seule entre les Thebainsaperçois-tu cecy?

ANTIGONE.

S’ils en ofoyent parler ils le voyent aujfi.

C RE o N.

Et ne rougis-tu point, plus qu’eux tous d’entreprendre?

ANTIGONE.

L’honneur aux freres du ie n’ay honte de rendre.

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142 ANTIGONE.C RE o N.

Et l’autre qui ejt mort efloit-il pas ton frere?

ANTI’GONE.

L’autre mon frere efloitiê de pere 8* de mere.

CREoN.

Mais dy, pourquoy tu fais honneur a ce méchant?

ANT’IGONE.

Mais dy, pourquoy vas-tu pour les morts t’empefchant?

C RE o N.

N’honoCant le méchant comme l’home de bien.

ANTI G o NE.

Il n’ejloit ton fuget: il eftoit frere mien.

CREON..

L’vn pour les ficus ejt mort, l’autre pour les détruire.

ANTIGONE.

Pluton n’obeijt pas aux loix de ton empire.

. C RE on.

Mefme honneur que le bon, le méchant n’aura pas.

ANTI G o N E.

Que fçais-tuji mon fait plaijt à ceux de labas?

C RE o N.

Celuy que ie hay vif, mort ie ne l’aimeray.

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I TRAGEDIE. 143ANTIGONE.

Celuy que j’aime vif, mort ie ne le hairay.

1 CRE o N.Labas, s’il faut l’aimer, va l’aimer à ton aife:

Car ie nefowfze icy coutumefi mauuaife.

CHORE.

Voicy venir fa foeur la panure Ifmene,Qui montre auoir d’ennuy [on ame plene.Surfon front de trijtefl’e vne nuéeRépand par jes doux yeux la trijte ondee,Dont fa vermeille face ejt aroufee.

ACTE HL SCÈNE H.CREON.ISMENE ANTIGONE

C ne o N.

O Toy qu’en ma niaifon, fans que i’en prinfe garde,Ie tenoy tous les jours, â traitrefl’e leïardePleine de froid venin : ne cuidant pas nourrirDeux pefles qui brafloyent de me faire mourir:Sus, dy-moy : ejtois-tu de cet enterrement,Ou defauouras-tu d’en eftre aucunement?

1511121112.

l’en fuis, fi cette-cy en peut efire acufable,Et j’y fuis confentant, ë du fait fuis coupable.

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146 - ANTIGÇONE.

Ç RE ON.

Ouy qui requiert part au mal des malheureux.

ISMENE. lQuel viure fans ma fœur puis-ie eftimer heureux?

C REON. i -Ne parle plus de fœur : car elle ejt trépajfee-

IsnENE.

Tu’ras-tu de ton fils ainfi la fiancee?

A I h CREoN.le hay pour mon enfantfi mauuais mariage.

Ann GONE.

O mon trefcher Haimon, que ton pere feutrage!

H GREC N. V v ’Tu me fâches par trop, ë tes nofles auffi.

* ISMENE. L

Tu veux doriques outera ton fils cette-cy? *

- c REG s.

Pluton fera celuy quirOMpra’cet’dcord. V "

ISMENE.

Tu as donc arrejté de jugç-r à mort? l

1’-”’C1iEoN. i L

Ouy : n’en parlons plus .:. mais vous autres meneqCes femmes là dedans : ë trefbien les tenez.Les plus audacieux Ion voitfouuent tâcher -De fuir à Ia’mort qu’ils [entent aprocher. -

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TRAGEDIE.CHGRE

Sltroî’e; I. p

HEVREVX ceux la que le dejtin plus douxNe laifl’e pas encourir le courroux *Des Dieux vengeurs. Depuis qu’vne ligneeDe la’faueur des Dieux ejt éloigneeC’ejt fait du tout de fa profperité:Car les malheurs la viennent acablerComme lesflots que’Neptune irrité rFait mille efi’rois fur la nef redoubler:Quand les grands vents ê les hideux oragesOuurent des eaux les gaufres pleins d’horreur,La. mer brafl’ee écume de fureur,

Vu bruit grondant hulle par les riuages.Autifiçofç.

En la maifon de Labdaque, douleursDeflus douleurs, malheurs defl’us malheursIe voy tumber: êpas vn de laraceNe peut fuir ce qu’un deftin leur brafl’e.Quelque courroux contre eux de l’vn des DieuxTient fur leur cheffa’nsfin [on pefant bras.Si le Soleil leur luit plus gracieux"Parmyces maux, il ne leur dure pas:Mefme aujourdhuy celle branche derniereDu panure efiocd’Edipe, qui vinoit,

L Ear la furie ê la ragefe voit. .Morte faucher; d’une coupe meurdriegre.

Strofe II.« Qui d’entre nous, ô grand Dieu tout-puifl’ant,« Rejifteroit à ta farce indontable?« Que le fommeil n’eft point aflozlpifl’ant,

« Ny du vieil temps la courfe perdurable?u Mais jans vieillir, toufiours a toy femblable,

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148 ANT1G0N’E.

u Pere des Dieux tu regis ce grand monde.a Tu as de tout conoifl’ance profonde.t Et le prefent 6’- le pafl’é tu vois,

« Et l’auenir de loin tu aperçois.

Que vojlre vie, â Dieux, efi bien heureufe!a Mais nous chetifis, qui ne femmes pas tels,a Viuons douteux panures hommes mortels,t Sousvne loy beaucoup plus rigoureuje.

-Antiflrofe.

a En noflre race vn efpoir incertain,a Bien qu’a d’aucuns quelque fruit il aporte,a Le plusfouuent nous trompe ëpaifi entvain:11 Toufiours l’abus en ce nous reconforteu Dont nous auons quelque enuie pluslforte:u Mais par api-es lafin nous mecontente,a Où nous auions plus certaine l’attente.a Car ignoz-ans jamais rien ne fçauons,a Que quand les piés au piege nous auons.a Dieu tout dejajlre en ce chetifafl’emble,u Et ne permet qu’il goûte rien de l’heur,a Auquel il fait que le plus grand malheura Quiponrroit efire, vn bien grand heur luyjemble.

Epode. »Mais voicy venir Haimon, voftre fils, dont la fianceeVous aile; jugee à mort par la [entente prononcee.Il je montre fort dolent ainfi par la mort de je voir,Dell’efperance, qu’il eut d’efirefon mary, deceuoir.

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TRAGEDIE. 149

ACTE IIVII. SCÈNE I.

CREON. HAI’MON.

CHORE.

CREON.

M A INTENANT nousfçarons que c’efi que monfils penje.filon fils t’a Ion point dit ma derniers fentenceContre ta fiancee? as-tu quelque rancueurPour ce contre ton pere? ou m’aimes-tu de cueur?

HAIMON.

Mon pere ie fuis vojlre : ê tant que ie viurayVos bons commendements de bon cueurj’enfuiuray.Car ie n’ay quant à moy tant à cueur mon vouloir,Que ie n’aime plufioji du vofire me chaloir.

CREON.

Auffi faut-il, mon fils, que de franche bontéDe [on pare l’enfantfniue la volonté.

r Et c’eft pourquoy chacun des bons enfansfouhette- a Auoir enfa maifon, ayant ioye parfette,

u Quand où le pare hait l’enfant tâche de nuire,a Où le pere aime bien l’enfant tout bien defire:u filais quiconques ara des enfans obfiineq,n Qui contre fan vouloir par le Ieurjont menez,u Que dira Ion de luy, jinon que tout martyre,

» « Il je donne, aprefiant aux ennemis à rire.Mais garde toy mon fils, que le.plaifir desjensPour l’amour d’une femme éteigne ton bon jens:

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150 . ANTIGONE.Songe que ce feroit vne amour peu plaifante,Que d’auoir en ton lit vne femme méchante.u Quelle autre pefte ejt pire ou quelle autre poifon« Qu’auoir vu familier méchant en fa maifou?litais l’ayant en horreur comme ton ennemie,Lame-la, que Pluton à quelcun la marie.Carpuis qu’elle a etté par manifefle prenneConnaincuë du cas, âjeule ie la treuueEn toute la cité qui me dejobeifle,le ne feray menteur pour foutenirjon vice.I’ordonne qu’elle meure : Apres, qu’elle demande

L’aide de Iupiter qui aux cou ms commande.u Carfi ce deshenneur ie joujfTe en ma mazfon,u le le pourray foszrir à plus forte raijona Entre des eflrangers qui ne me feront rien.a Celuy qui vers lesfiens je montre homme de bien,« Il le doit ejtre enuers les autres de la ville:a Mais quiconque oubliant l’ordonnance ciuille,(C Oufes filperiezn’s ou les loix forcera,u Iamais loué de moy cefluy-cy ne fera.a Car ilfaut obeîrjans raijon demander

A celuy que le peuple elit pour commander.Etfaut que cetuy-cy pour bien faire, demandeD’eftre bien obei comme bien il commande.Comme fous le Pilet tent branle dans la nef,Ainfin en un efiat tout ploye fous le chef,Qui e]? homme de bien. Car il n’eft un mal pireQue dejebe’ijjance en tout comme en l’empire.

Rien ne dure ou elle ejl. Le Regne elle renneife,Ruine la maifon, la ville boulleuerje.La defobeifl’ance (à mauuaije conduite,Quand on vient au combat, mét lesfoldats enfaîte:filais la bonne conduite auec l’obeifl’ance

Des foldats bien range; eleue la vaillance.a Ainfi faut preter aide a qui doit commander:

a Et du commandement des femmes je garder.u Car il vaut beaucoup mieuxje rangerfeus les hommes,u Qu’on die que fugets a des femmes nous femmes.

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TRAGEDIE. 151CHORE.

Sire, s’il m’efi permis, d’en faire jugement

Vous me femble; aueir parlé trefl’agement.

HAIMON.

u Monjeignenr, les bons Dieux nous donnent lafagefl’e,a Vu don qu’on doit prifer plus que nulle richefle.Mais de dire comment vous ne dittes trejbien,le ne l’ojeroy dire, à” ne me fiéroit bien.

. Quelque autre mieux que moy de cecy parlera,Difant plus librement ce qui luyfemblera.Or c’ejt à moy pour vous toupartout de penferA ce qu’on fait ou dit, à” le vous anouCer:Car les particuliers n’ont garde de venirVous dire les propos qu’apart ils vont tenir:Dautant qu’ils jçaueut bien que point ils ne plairoyentA voflre Magejté, quand ilsiles vous diroyent.biais ie puis bien ouïr ce qu’on dit en cachette,Et comment en tous lieux cette fille on regrette,Dijant qu’on fait mourir d’vne mort detejlable ’Celle-la qui a fait vn œuure charitable:Et qu’elle ejt innoçante 8* qu’elle ejt la moins dineDe toutes de mourir d’vne mort tant indigne:Celle la qui n’a pu fen frere mort lefi’erNy des corbeaux goulus, ny des. chiens depecer,’ -Par faute feulement de dûment l’inhumer,Quoy? ne la doit-on pas grandement ejtimer?

Voyla le bruit qui court. Mais qui a til, mon Pere,Que j’aime plus que voir que vojtre état projpere ?«(Car quel bien plus heureux peut le pere ejperer,« Ou le fils, que je voir l’vn l’antre projperer?

biais garde; vous quefeul ne penfieï dire bien,Et des autres l’anis ne prifie; moins que rien.a Celuy qui penfe feul auoir le bon anis,a Et le cerneau plus meur, ê le meilleur deuis,« Le plus fouuentfe trompe, ë faifant àja tefle

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152 ANTIGGNE.« Emmy aux ficus, à rire aux ennemis aprefie.a Combien qu’vn fait bien fageil ne doit auoir honte« De ne s’obfiiner point, ê d’autrny faire conte.a Voyez comme aux torrents les arbres qui flechifl’enta Sejauuent la plus part: 6’- ceux quife roidifl’ent1c Contre le cours de l’eau, tous entiers arracheïa Alabandon desflots s’emportent trebucheq.r: Anffi dedans la nef, qui n’obeifl au ventn Et ne lâche la voile, il perît bien fonnent.

Se ldche vojtre cœur : vojtre anis premier change:Tout jeune que ie fuis, s’il n’ejtoit point étrange,

a le dirois vn bon mot. C’ejt que bien fort ie przjea Quifeul de jon,,bonzfens conduit vne entreprife:u Mais ie n’eflime moins celuyqui vent entandre-a Autre anis que.le.fien, ne dedaignant d’aprandre.

CHORE.

Sire, vous ferez,x bienfi tous deux vous prenez,Le meilleur des propos qu’entre vous vous teneq.

CREON.

Que nous les plus âge; aprenions la fagefleD’vnjouuencean qui ejt enfi bafl’e jennefl’e.

HAIMON.

Non,fi ie ne dy. bien. fi iefuisjeune d’âge,LaijÎant mes ans, voyezfi mon propos ejtfagev.

C rusent.

Honorer les mutins efi-ce fait jagement?’

HMMON.

Auffi lesjoutenir ie ne,veu.nullement.,

CREON.

Et n’efl,-ce pas le mal, adent je dehtcette-cy?

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TRAGEDIE. 153g HALMON.

JN’on pas à ce que dit tout le peuple d’icy.

’ ’CREON. 1

Ejl-ce au peuple à m’inftruire oit-commander ie dey?

L . H’AInoN. LGarde; d’ejtre en propos auffi jeune que moy.

CREON.’ k

Faut-il qu’autre que moy en cette ville ordonne?

A l l finnois. VVue villev-n’ejt pas d’vne feule ’ perfonne.

k ’LCRE’on. .

Dit-on-pas que la ville» apartient à jeu prince?

HAmoN.

Seul vous commanderiez enqdeferte pronince.

CREON.

Cetuy-cy (vous voyeq) vne femme jetaient: .

HAmoN.

le defi’en la raifon, ce qui vous apartient.

I. CREON.Malheureux, débasÀtu encor contre ton perd? ’-

HAIMO’N.

Pource que la raifon vous ne venter pas fére. ,

* L 10”

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1 54- AN-TIrGïoiN E».

’ (IRE-ON. .Ayiie tort fi ie fayttenirfimon ordonnance?

anmon;Si pour ce vousv-law’ez’des. DteuxJa retieranee.- »

I ’ . C’REO’N.’ Il .

Méchant &ldche vcœurïq’u’vuer femmejurmontel

L Humain

De nul aâe-uvilain vousne- me fereq honte.

CREONz. ’.

Pour elle tout cecy-centre moy tudebas.

I HAIM-O’N.’Et pour vous-ê-pour’moys&pour ceux de» labas.

CAKE-ION. »

Elle de fen vivantAtaçfemmeï-nejera. i

V Hui-110mSi elle meurt, jaumort- quelque mont caujera. n

il V Canon" Lcomment? de menacentu prens Jddnque.l’audace?:

k H,A1noN;Voir le mal auenir..ejt-,ce,vfe,n de. menace?

v C RE o N.’ ,Que pourrois-tupreuoind’vn ejpritfiïvolageâfl

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TRAGEDIE. 155

. Hun! on.’ Sauf l’honneur-que vous dey, vous mejme n’ettes fage.

CREON. CToy le ferf d’une femme, ofes-tu me. reprendre? ’

O Harnois. i V aVous veule; dire tout ne voulant rien ’entandre.

L l cucu. ’Mais j’en jure le ciel a» te montreray bienQue tu ne deuois pas me centredire en rient i

. Amener la méchante, afin que fans demeure ’ l kAnxyeux defon mary fur le champ elle meure.

HAIMoN.’

. Non pas deuant mes yeux : non ne le croyez pas:le ne pourroy foszrir d’ajfifi’er au trepasDe la panure innoçante: or plus en nulle partNe verre; vofire fils qui de vous je depart.

i V l C à R E.Sire, il s’en-e]? allé’tou’t bouillant de coterie

Qui en Page qu’il a ne peut efire ’legere.

(Simon.

Voife ou Ilgcjemblera. :Ifalce toutjon effort,Si ne fauuera tiI cesfilles. de la mort.

C H ORE.

Aile; vous arrefie’ que l’une ë l’autre meure?

’ C’REGN.’ ’

Celle qui n’a rien fait ie veu qu’elle demeure.

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T56 l ANTIGONE.CHORE.

Puis qu’vne doit mourir de quelle mort fera-ce?

CREON.

La menant ou n’y a d’hommes aucune trace,Dujour qu’elle hait tant pour toutjamais forclofe,le veu que toute vine ellefoitfeule enclofe,Enterree viuante en un profond caueau,Auecfi peu de pain auecquefipeu d’eau,Qu’on puma feulementfuz’r dlefire coupable,

Pour le peuple êpour moy, de fa mort execrable.Et là de [on Pluton qu’elle eflaye obtenir,Puis qu’ell’lzonore tant, d’au monde reuenir.

Et lors elle pourra, mais fur le tard, aprendreQu’il ne faut des enfersfi grande peine prendre.

CHORE.

Strofe.

O inuincible Amour, qui tiens l’empireSur les cœurs des humains ê des grans Dieux:Qui as clzozfi pour fort dan ton arc tireDes pucelles de chois les rians yeux;Tu voles s’il te plazfi dedans les cieux:Tu nagesfi tu veux dedans la mer,Les Tous (31 les Dauphinsfaifant aimer.Les fangliers amoureux dans le bocageTu mets en rut, les cerfs tu fais bramer zEt tout ce qui tefent foudain enrage.

Antil’crofeR

a Du plusfage le fens ta fla’me afole:(l Le plus modefie cœur à mal tu mets:« Les aheureufes malfous ton feu defole:

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TRAGEDIE. 157a Et des parents amis tu rams la paix,Comme aux Princes d’icy, notfeur, tu fais.Car manzfeflement ta forte ardeurDu fils de nofire Roy contreint le cœurD’aimer jufqu’à la mort fafianceè.

O inuincible Amour, tu es vainqueurTe jouant à ton gré de [a penfee.

Epodc.

Maintenant ie forprefque hors de moy-mefme.Mesyeux lâchent de pleurs une nuee,Et ne peuuentfoszirir dueilfi efireme,Que de voir Antigone ejlre meneePourfoïzs terre acomplir fa dejlinee.

ACTE 1111.; SCÈNE Il.

AN TIGONE. CHORE.ANTIGONE.

Strofe I.

O citoyens voyeï moyEn émoy

Faire mon dernier voyage,Dou retourner ie ne dey.

Las le voyVu bien piteux mariage!Ie voy du jour la lumiere

l .Ma derniere

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I58 ANTIGONE.

Pourjamais ne la reuoirlLes enfers, o moy chetiue,

Toute vineMe vont dallant receuoirQu’vn feul bien ie puzfle auoir!

CHORE.

Syfteme.De gloire 6’» de grand honneur enuironneeEn celte fofle des morts tu es menee,Ny de longue maladie étant frapee,Ny perdant ton jeune fang d’vn coup d’épee,Mais pour auoir trop aimé ta libertéVine la vue tu pers de la clarté.

ANT I G o N E.

Antil’trofc.

Mainte fille des Grands RoisAutre fois

De grieues douleurs ateinte,Aux eaux 111011tagnes ê bois

Par [a voixA fait entandre fa plainte.Depuis les Dieux amiables

.l’ito-yables

En fontaine la defont,A fin qu’en pleurs s’ecoulante

Elle alanteDe fou cœur le dueil profond.Les Dieux telle, helas, mefont!

CHORE.

Syfieme.a Quand on a le cœur gros de grand’trifiefl"ea C’efl grand alegemezzt que de je plaindre.u Plus de larmes des yeux tomber on lefle,

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TRAGEDIE. r50n Dautant celle douleur, qui nous oprefle,« Plus aife’ment s’endure &fe fait moindre.

Anna o NE.

Strofe II.Las helas en ma prefance

On s’auance

De rire de mon malheur!Atende; que ie foy morte!

Afleï forteMoy viuante ejt ma douleur.O ville, ô nazfiance mienne

TefouuienneQu’vne rigueur à grand tort,M’enterrant viue me ferre

Sous la terre,Pour auoir pitié d’vn mort.

Las, ny morte ny viuantele m’abfente

Entre la vie ê la mort!

CHORE.

Syfleme.Fille, ayant entrepris de hardiefl’eVn fait trop hagardeux, par tafimplefleTu te foumets du droit à la rigueur,Pour ton pere payant ce grand maleur.

ANTI G o NE.

Antîflrofe.

Las, renouuelant ma plainteQuelle ateinte

Tu me donnes dans le cœur,Ramenteuantde mon pere

. La mifereEtlnoflre commun malheur!O malheureux mariage .’

ue?

ï.

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160 ANTIGONE.

O lignage IQui en fort plus malheureux!O moy pauure miferable

Execrable!O deftins trop rigoureux!Ma charité mal traitee

Ma jetteeEn cet état douloureux!

CHORE.

Syfteme.I’aime la charité : mais la puiflhnceDe nos Rois doit auoir l’obeijfance,Qui par les bons fugets leur fait rendue.Rien que ton cœur trop grand ne t’a perdue.

Ann G o NE.

Epode.Sans ejtre ploree,Moy pauure éploree,Pauure miferable,De nul defirable,Je fay le voyageDe mon mariagePiteux ë cruel,Pour faire fejourLas, perpetuel,Dehors de ce jour!Il faut que le meure!De cette demeureOn me va banir,Pour n’y reuenir!A dieu la lumiereQue ie voy derniere!Il faut que ie meure, .Et n’ay qui me pleure.

Nul de m’enterrerfoigneux neferaEt nul de ma mort le dueil ne fera.

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TRAGEDIE. 16!

ACTE 1111.. SCÈNE 11.1.

CREON. ANTIGONE. CHORE.CREON.

QVOY? ne [canez-vous pas qui luy donroit loifirDe crier lanzenterfe plaindre Etfon plaifir,Qu’on n’aurait jamais fait? hateï vous : mener-laDans la caue aprejtee : à? la renfermeï là,L’y lamant toute feule, à tu ou qu’elle y viue,Ou s’elley doit mourir que fa mort s’en enfuiue:Car nous famines purgaï de ce qui auiendra.Mais jamais que ie puifle au jour ne reuiendra.

ANTxGoNE.

O chambre nuptiale! âfepulcre! ô caueau,Ma demeure àjamais, ma chambre 8» mon tombeau,Par ou ie dois aller vers les miens, que PlutonEn grand nombre a receus dans fa noire maifon:.Lefquels toute derniere ê trop long temps apres,A mon trefgrand regret, ie fuis â- non de pres:Mais toutefois deuant qu’emplîr ma deftineeQue des fatalesfeurs lefil auoit bornee.Puis qu’il me faut mourir arriuant la j’efpereEflre la bien venue enlendroit de mon pere,Et de ma douce mere, 6’- de monfrere auffi:Par ce que de vous toutsj’ay pris tout lefoucyPour voflre enterrement : â ie n’ay laiflé rienDe mon petit pouuoir pour vous inhumer bieiuAfleure, 6 Polynic, pource que ie m’auanceDe t’enfepulturer tu vois la recompance.Car ie n’ufle voulu pour mary ny pOurfilsOu femme ou mere étant, faire ce que ieifis,

leur; de Baif. - 1H. n

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162 - ANTIGONE.Mon cher frere, pour toy, alant contre la loy :Et s’on me veut ouyr ie diray bien pourquoy.

I’ufle trouué mary pour vn mary perdu,Au lieu d’vn fils un fils ujt pu m’ejire rendu,Mais, las, ayant perdu ê mon pere à” ma mereJe n’auoy le moyen de recouurer vnfrere.C’ejt pourquoy t’efiimantfur tout ce que j’auois,

Et ton corps honorant de ce que ie pouuois,I’ay femble à Creon auoir fait grande ofance,Pour toy, frere trefcher, violant fa defance.Aujourduy pour cela il me fait ainfi prendreEt mener, en m’outant tout efpoir de pretandreA quelque aife en ce monde : ê m’outant le moyenlDu mariage failli d’éprouuer le lien,Et de pouuoir nourrir quelquefils qu’en ma place,S’il me faloit mourir, fur terre ie laiflafle.Mais, lzelasfeule ainfi moy pauure’te éploree,Denuee d’amis, toute viue enterreeDans vn fepulcre ofcur, mes jours le vd finir!M’auous vue à vos loix, ô Dieux, contreuenir?Ay-ie pu quelque fois encontre vous forfaire?En quoy ay-ie ofienfe’? Las helas qu’ay-ie .afaireDe m’adrefl’er aux Dieux, puis qu’il ne me vient rien

De leur porter honneur que le mal pour le bien?Si les Dieux font cecy, ie prens en patience,Et pardonne ma mort qui vient de mon ojance:filais s’il ne leur plaiflpas, non moins de maux auienncÏntA touts mes ennemis qu’a tort ils m’en moyennent.

CHORE.

Toufiours de mefmes vents mefme roideurDe cettefille cy poufle le cœur.

CREON.

Ceux qui doiuent mener cette traitrefleSe pourroyent bien fentir de leur parefle.

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TRAGEDIE. 16,3A’NTIGONIE.

Helas cette parole, helas, cruelle, L i lDe ma prochaine mort dit,la:nouuelle.,

CRÈON.’

N’atendeï que repit’vousfoit donné:

Executeq ce qui ejt ordonné. iANTIGONE.

O terre, ,6 ville paternelle, ;Dieux qui’en une; la tutelle, .Voyez comment ie fuis m’enee !Voyeï la maniere cruelle,Dont vne royale pucelle,Seule de tous abandonnee,Sans nulle mercy ejt trainee. pVoyez, feigneurs Thebains, commentEtpar qui ie meur condamnee, vPour auoir fait trop faintement.

CHORE.

Strofei I.

FILLE,.tunn’es la premiereQui efiayes la maniereDe ta cruelle Vprifon. VDanésfilleide maifonFut bannie de ce jour,Dansle tenebreux fejourD’uneitour,d’aireinferree z q

Bien qu”elle fujt dejireeDe ce grand Dieu Izipiter,Quife fit pluie doree

’ Pour la venir vifiteiu

u

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ANTIIGONE.

Antif’crofç.

Lycurge fils de Dryante,Pour l’impiete’ mechante

Dont Bacche il auoit faché,Fut dans vn antre ataché:La ou paflant fa fureur,

, Il reconut fan erreur,D’auoir de fa folle tefleOfé partroubler la fefleDes femmes pleines du Dieu,Qui dans leur efprit tempejteLes pouflant de lieu en lieu.

Strofe Il.

PRES la roche Cyanee .Aux deux fils du Roy PhineeLes yeux [ont creueq à tort,Par la Royne CleopatreLeur inhumaine marâtre,Qui les haiflbit à mort.Et non contente, la. dure!Dans vne cauerne obfcurePour jamais les enferma,Où languiflans en ordureLa douleur les confuma.

Antiflrofe.a Nojtre faible race humainea Feroit entreprife vaineu D’aller contreule deflin.

a Ce que le defiin ordonne,« (Soit chofe mauuaife ou bonne)(c Il faut qu’il vienne à fa fin.

a Fille, arme toy de confiance:a N’étant en nojtre puiflancei La neceffite’ changer,

u La prenant en patiancei Nous la polluons foulager.

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l TRAGEDIE; 165

ACTE; Un, 51C ENÎÈ r L Ï;l "TiRÈSÏIEÇ c’RELoN, paca ’ 7 ’

,.l’Î*lRESI;E. a I J il I

PRINCES de ce pais,- ie me fuisafait’ conduire.Icy pardeuers vous pour grand eas’vous’d’eduirez.

Canon; KQu’y a tilde. nouueau bonhomme Îirejie? ç

L fixisme. il Lle vous l’enfeî-gneray :L croyez ma mofette. l L

k Caton. -Iamais de ton confeil ne fuis éloigné. »

’ "igame;

C’ejt pourquoy. vous aile; heureufement regelée k

I. Chenu; v i

le puis bien’tëm-(riguer que n1’en’fuisbïenrtrouue’;

v i ’ *Txajesne’. VCroyez donc au bèfoin mon auis epmiizlé,

y V Canon. - il hMaisqu’efi-ce? and voix vne me vient prendre.

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166 ANTIGONE.

TIRESIE.

Vous poum-e; de mon art les prefages entandre.C’ejt que m’étant ajfis au fiege, ou des augures

E]! tout le grand abord, j’entandi des murmuresEt des cris inconus d’oifeaux, qui tempétoyent,D’œles ferres ê bec je tiroyent &batoyent.le m’en auifay bien : car ie pus aife’mentDe leurs æles ouïr le hautainfiflement.De l’augure foudain me fentis efi’rayer :Et vas incontinentfur l’autel eflayerQue pourroit denoter vnfi étrange augure.Mais de mon facrifice étoit la flâme ofcure:Sur les charbons fumeux la grefle fans s’éprandreSe fondoit 8* couloit dedans la noire cendre,Ainfin que ie l’ayfçu de ce garçon icyQui me dit ce qu’il voit : apres j’ay le foucyDe vous en aduertir, felon que ma fcianceOu de bien ou de mal m’en faitfignifiance.Or tout ce facrifice apres l’augure, montreToutsfignes euidents de quelque malencontre:Et vous êtes motif de ce mal embrouillé.Car il n’ejt plus autel, qui ne fait tout fouilléDe ce que les corbeauxy aportent du corpsDu miferable mort, que fans l’honneur des mortsAux bejles vous laifl’eï : ë c’ejt palu-quoy aux Dieux

En ce que leur faifons, nousfommes odieux,Et que voyans palus leurs autels venerables,Nos facrzfices vains ne leur font agreables.

Sire, auife’sy donc: car tous nous autres hommes,« Tant grands comme petis, neï àfaillir nousfonunes:u filais quand un afailly, on ne doit le blameru Comme mal attifé, mais il faut l’éftimer

a Si croyant le confeil, au mal il remedie:a L’opiniatreté, c’ejt pire maladie.

Soyez doux au defiunt : ne piquez point vu mort:u Pour un mort retuer en ferez vous plus fort?

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TRAGEDIE. 167u le veux voflre profit : c’eft chofe defirablea D’aprendre d’vn qui donne vu confeil profitable..

CREON.

Vieillard, bien que vn chacun face grand cas de toy,Te croyant comme vn Dieu, ie ne t’ajoute foy:Car ce n’ejt d’aujourduy que j’ay preuue certaine,Qu’ily a de l’abus en ta fciance vaine.Gagneq, menez, pipeq, abufe; tout le monde,Mais que ce ne fait moy qui en vojtre art je fonde:Car vous ne ferez point que ce corps on enterre:Non pas quand les oyfeaux de Iupiter, de terreAu trofne de leur Dieu porteroyentfes’entrailles,Ie ne voudroy foufirir qu’onfijt jes funerailles.’a Par ce que ie fçay bien qu’vn homme ne farcit« Souiller en rien les Dieux de chofe qu’il feroit.a Mais, vieillard, lesplusfins, quipour le gain, du vice« Veulent faire vertu, payent cher l’auarice.

TIRESIE.

Ah,y a til quelcun qui mefçache deduire?

Cation.

Quelle chofe entans-tu? qu’ejt-ce que tu veux dire?

T IRESIE.

Combien le bon confeil efiehofe precieufe?

C RE o N.

Autant que le mauuais ejt chofe vicieufe.

Tnuzsuz.

Si elles-vous ateint de cette maladie.

VXP

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168 ANTIGONE.C ne o N.

Il n’efl permis, Deuin, que de toy mal ie die.

TIRESIE.

Et quand vous me difiee mentir en deuinant?

CREON.

Le metier des Deuins efl auare ë tenant.

’TIREsIE. I

Que font Tirans mon rançonner tout le monde?

C ne o N.

Entans-tu bien fur qui ta parole redonde?

TIRESIE.

le l’entan c c’ejt par moy qu’ettes fi glorieux.

C REG N.

Tu es fçauant Deuin. mais trop injurieux.

TIRESIE.

Vous me contraindra tant que ie vous diray tout.

CREON.Dy : mais garde toy, bien d’efperer gain au bout.

TInESIE.Si man confeil vous fert,- gain pour .vous ce fera.

C RE o N.

Pour le moins, fi ie puis, il ne m’afrontera.

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TRAGEDIE. 169

TIRESIE.

Mais vous deue-g [canoir que vous ne pafl’ere;Trois quatre ny deux jours, que priue’ vousferegDe l’un de voftre fang, lequel, 6 doleance!Tué pour des tuez, dOlli’Eî en recompance:Par ce que l’un d’enhaut vous auei mis en bas,Vue ame renfermant où vous ne deuieï pas:Et qu’vn, duquel les Dieux d’enbas auoyent la cure,Vous laifleïfaizs honneur pourrirfansfepulture:Combien que vous n’uffieï de vous en cet endroitNy les Dieux d’icy haut fur le mort aucun droit,V0us que; tant forcé. C’ejt pourquoy les furiesVangerefl’es des Dieux, encontre vous marries,Vous aguetent defia : ê n’en ferez quitté,Que lors qu’en mefmes maux el’ vous auront jette.

«Et lors vous conoitreïfi l’argent me fait direCe que ie vous predi. Car plein de grand martyreVous verrez, à? bien tôt, fanglots pleintes &pleursDedans vojtre maifon pleine de grands maleurs.

Toutes villes auffi je verront par entre ellesEmbrouiller ê troubler d’inimitie; cruelles:Efquelles, ou les chiens ou les oyfeaux goulus,Des pieces de ce corps, les faints lieux ont polus.

Vous nz’aue; tant fache’ qu’il ma falujetter

Ces traits de mon courroux : qu’a grand peine éuiterVous pourreq. Mais Garçon, cheg’ moy reconduy nous,A fin que ceflui-cy jette ailleurs fou courronsSur ceux de plus jeune tige: afin qu’il puifle aprendreDe retenir fa langue, ë la raifon eutandre.

CHORE.

Cet homme qui s’en va vous dit un grand prefage.Et le ne [cache peint depuis que mon pelage,De noir qu’il fouloit eflre, eft grifon dezienu,Qu’vnfeul propos menteur ce deuin ait tenu.

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170 ANTIGONE.CREON.

Ie le fçajr : dans l’efprit ie m’en va debatant.Il me fâche le croire : auffi luy refiftantM’acabler de malheur bien plus me facheroit.

CHORE.

Croire le bon confeil le meilleur ce feroit.

CREON.

Que faut-il faire? dy. ton anis ie veufuiure.

CHORE.

Il faut que du tombeau la fille Ion deliure,Etfi faut qu’à ce mort vnfepulcre Ion faCe.

CREON.

Ejtes-vous touts d’anis que ce confeil ie page?

CHORE.

Ouy fire, â bien loft: car vn malheur ne.tardeA venir que bien peu, qui ne s’en donne garde.

CREON.

Ah, que c’ejt à regret que ie confen le faire!Mais debatre il ne faut ce qui eft neceflaire.

C HO RE.

Vous-mefmes aile; y : n’y commeteï perfonne.

CRE o N.

I’yray moy-mefme aujfi fans qu’à d’autre ie donne

La charge de ce faire. Or fus tôt que Ion forte:

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TRAGEDIE. 171Que des pica ë marteaux vitement on aporte:Qu’on vienne auecque moy. Puis qu’ainfin on l’auife,

le la veu deliurer de la fofle ou l’ay mife.Car ce n’eft le meilleur, 6’ ie n’ay nulle enuie,

Pour maintenir les loix d’aller perdre la vie.

CHORE,

Strofe I.

(c DIEV comme il veut meinen Nojtre race humaineu Qui trauaille en vain:a De tout il difpofe,a Si l’homme propofe« Il rontfon defl’ein.

a Peu fouuentfelon nojtre atente« La fin de l’efpoir nous contente.« Où noftre cœur nous ajut-oitc: De quelque malheurte’ conçue,

(K Ony voit prendre bonne ifluë:« Et mal don bien on efperoit.

Antifirofe.

Aa quelle liefl’e

Apres la trijtefl’e,

Fille, te prendra:Quand defenterreeAu jour retireeLe Roy te rendra?

Aa Hainzon combien d’alegrefl’es,

Combien de joyeufes careflesA ton époufe tu feras,Quand de la fofle deliureeContre ton efpoir recouureeReuiure tu la reuerras?

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172 ANTIGONE.Strofe II.

LA mere n’a tant de plaifirQuand elle reuoit à defirSon fils apres ja longue abfence,Qu’enjemble vous deux en prendreqQuand ralliez vous rejoindrez;«Vos cœurs d’vne fainte aliance.« Il n’ejt plaijir tel que celuyr: Qui vient apres vn grand ennuy,« Au rebours de toute ejperance.

Antîfirofe.

O Dieux quifur nous regarderï,La ville de Thebe gardeï :Plus qzt’afleï la fortune aduerjeA troublé l’aife de nos Rois,

Donnez leur repos quelquefois,De peur que tout ne je renueife.a On voit fouuent que le malheur,a Qui bat les Princes 8» les leur,n L’aije desfugets boulleueife.

ACTE V. SCÈNE I.MESSAGER. CHORE.

NIESSAGÉR.

a O citoyens de Thebe, il n’eft heur ny malheura Auquel vn homme joit, que ie veule en mon cœuru Ou louer ou blamer. Car jamais la fortune« A nous hommes mortels ne je montre toute vne.

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TRAGEDIE. 173a Elle fait prajperer êjoudain maleurer,« Si bien que nul deuin ne pourroit afl"urera De l’état des humains. Car j’efiimoy naguiere

Le Ray Creon heureux en diuerje maniere:Comme d’auairjauue’ des mains des ennemisSan Royaume, 8* l’auoir entre jes mains remis,Et de voir les fleurons de fa noble lignee:Mais cette bienheurté de luy s’ejt eloignee. na Car, fnjt-il Roy d’vn peuple en tous biens plantureux,

u l a n "In x . .a S’zl regnejans plazfir 1e ne l’ejtzme heureux.« La Royauté par moy n’eft non plus eftimee,u (Si l’aije luy defaut) qu’vne ombre de fumee.

CHORE.

Mais quel méchef des Roys t’aurait fait acaurir?

MESSAGER.

Des morts, Ceux qui [ont vifs les forcent de mourir.

C H0 RE.

Et qui les a tueï? qui e]? mort? dy-le un peu.

MESSAGER.

C’Gfl Haimon qui e]! mort 6’- tué : te l’ay veu.

C H o RE.

De la main de jan pere, ou de la fienne mefme?

MESSAGER.

Dejæ main, par jan pere outré d’un dueil extrejme.

CHORE.

O Deuin, qui t’a fait fi bien pataphetijer?

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174. ANTIGONE.MESSAGER.

C’ejl fait : il nefaut plus qu’au furplus auijer.

C110 RE.

Eurydice ie voy la Royne deplarableEpauje de Creon noflre Roy miferable.De la mort defon fils elle afçu quelque bruit,Ou pour l’entandre icy le hagard la conduit.

ACTE V. SCÈNE Il.EVRYDICE. MESSAGER.

CHORE.

EVRYDICE.

O vous peuple Thebain, Ainfin que maintenantAu temple de Pallas ie mîaloy pourmenant,Afin defaire la ma deuôte priereDeuantjan jaint autel, vne trifie maniereDe bruit par entre vous d’vn malheur, j’ay ouye,Et de peur que j’en ay, me fuis éuanouyePdmant entre leurs bras. Mejfieursfi vous l’aueïEntandu, dittes moy ce que vous en jçaueï.Dittes le hardiment .ï car ce n’eft d’aujourdhuyQue le vien eflayer que c’ejt que de l’ennuy.

MESSAGER.

Madame, s’il vous plaifi, Ie-tout ie vous dirayComme il eft auenu, ê” rien n’en mentiray,

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TRAGEDIE: 175Veinque’la verite’ :je ne jerayflateur iAfin que par apres ie joy trouué menteur.

le juiuoy par les clzams le Roy vofire maiy.Quand nous fufmes au lieu la ou demy pouriyDemy-mange’ des chiens gijoit le pauure corsDu chetif Polynic : Ce que nous fijmes lorsCe fut de fuplier Pluton ë ProjerpineD’adoucir leur courroux d’vne faueur benine.Apres ayant laue’ d’vnjacré lancinent

Ce qui refiloit du cors, nous l’auansfaintementBrullé deflus du bois en un tas amafle’:Et puis nous luy auons vnjepulchre drefl’e’.De la nous aprochions la cane tenebreufeOù Antigone ejloit la fille malheureuje,.Quand vn qui entendit vn haut gemiflementQui venoit de ce lieu, l’anonça vitementA nojtre Roy Creon, lequelplus il aprouchePlus clair il entandoit que cette voix le touche.Alors il s’ecria. O moy moy malheureux!Las juis-ie vray deuin, las vrayment douloureux! *Car ie fay maintenant le chemin plus mauditQue j’aye jamais fait : à” le cœur me le dit.l’entan crier mon fils, jus, mes amis coureq:Et voyeïfi c’eft luy : ë toft le jecoureîx

Par le commandement de nojtre dolent maijlre,Nous alons au caueau le méchefreconoijtre.Et la dans un recoin de cette jepultureLa fille nous voyons de fa propre ceintureEtreinte par le cal palle morte etranglee :Et le piteux Haimon la tenoit acalee :Et faijoitjes regrets, ê maugreoitfon pereQui efioit le motif de cette grand’ mijere.Le Pere auecque’nous larmoyant, foujpirant,Deflendit, mais trop tard, droit deuers eux tirant:Etfanglotant, Chetif, dit-il, qu’as turcommis?Qu’auois tu dans l’ejprit? en quel mal t’es-tu mis?

Refor icy mon fils, le t’en prie humblement.Le fils l’ayant-parler taurne cruellement

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[-76 ANTIGONE.Ses yeuxfiers deuers luy, pleins de Cruel dedain.Et jans rien luy repoudre il s’enferre [andainD’vn poignard qu’il tenoit : lejang court par la plaCe.Luy encore viuantja fiancee enzbrafl’e.Et jettant gras fanglots il perd fa chere vieSur le corps palle êfroid (ô pitié!) de s’amie.Ainfi mort embraflantfa morte fiancee,Triepaflé’cheï Pluton auec la trépaflee

Ses nafl’es il parfait, fazjantpreuue certaineQue le mauuais conje-il tous les malheurs ameine.

CHORE.

Mais que penj’erois tu de ce que, jans rien direDe bon ny de mauuais, la Royne je retire?

MESSAGER.

I’enjuis bien ethnné : mais j’auroy defianceQu’elle ne voulufl pas faire la doleanceDe jan fils deuant tous : pource toute éploreePour mieux je lamenter elle s’eft retireeA crier à” pleurer entrejes DamoyjellesApres auair ouy ces piteujes nouuelles.Car elle jçaura bien je garder de méprendreEn rien, dont en la ville on la puifle reprendre.

CHORE.

le ne jçay : tanty a qu’en fi grande trijtefleLe celer n’eflfi bon que montrerja detrefl’e,

MESSAGER.

Mais nous pourrions jçauoir, fi je montrant muetteQuelque grieue douleur elle couue en cachette, lAlant pres la maijon. Car le trop de filance,Comme vous une; dit, montre graud’ doleance.

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TRAGEDIE.

CHORE.

Mais c’ejt icy le Roy qui s’en renient,Auquel a coup trop de malheur furuient.’Mais, ce mechefn’arriue par autruy:

La faute en vient de luy.

ACTEAV. SCÈNE III.CREON. C HORE.

SVRMESSAGER.

CREON.

Strofe I.

O fautes cruelles!O mes ordonances mortelles!Las, connue on voit, helas, à tortLe pere a mis jan fils à mort!

O moy douloureux!O mon anis trop malheureux!Helas helas mon fils, helas,De ta propre main tu t’abas.’

Mon inauertanceHé hé ta mort indine auance!

CHORE.

Alors qu’il n’en ejt plus jaijon

Vous entandeï bien la raijon.

Iean de Baif. - III. 12

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1 78k AÎNT II’GÇONE. :1 ,

- GREC in)

. 1 . . fis], me, tafiaVnIDieu dardaile traitAdegj ,tempejie’;Qui m’égarant le feus au-mal m’auoye,

Helas, en renueijant toute ma ioye!O trauaux des humains v

Las, halas-vains!»

LA s, ie;la,.conoyçtar »

’,S VRniEsSAGER.

Sire, vous faites vojtre plainte’ ’ gDe, vos pelisson malheJurs: ;îg*

’Vofireîzrièe uoir en e’jti’e atêint’e ’ **

Encar de. plus grieues dauleurs.,1.»-.. ..mx.. nm

Tl 932’349”

Quel mal pour moy pire peutkce eftre,Que tu veux nie’ïfdiiiee’canaiti’e? »

j; L ’ SVR-niE’s’îsm-ÉER.» : »

Î mere’de c’. me)

k Vofire femme, qu jDe in ïd’ef .1 ’

D’vneîdagiieïïs

.POurqu’oy pourqqu me laifl’es-tu’ a ë. L

Viure jans farce-&jdns vertu?, l v . ont "maux: malheurs ’

ï a r * 0 inhabitables.douleurs!:1:

-nf H...e e r

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TRAGEDIE. 179Helas halas, tu m’as perdu,S’il ejt vray ce qu’ay entandu!

- Las las que ma femme,(Mortfur mort!) las, ait rendu l’ame! I

SVRMESSAGER. i

ont, la voyla que lon’porte:Vous paurreï voir comme elle en morte.

CREON.

Antifirofe Il.Voicy vn autre dueil injuportable.Quel méchef me feroit plus mijerable?Las! ie voy le fils mort pres de fa mere!D’elle j’etoy mary, de l’autre» pere.

Hé Cette double mort

Vient de mon tort! ’,SVRMESSA GER.

D’vn poignard ded-an’s la chapelleElle s’ejl mije à mort cruelle,

Pleurant premier fan Megaree,Haimon apres’jon fils dernier:Vous maugreant alangouree,Comme en eflant lejeul meurdrier. v

CREON.

Strofe III.Hékhe’ .quïvn grand dueil mon trifle cœur ferre!Que-quelcun joudain à mort ne m’enferre?

Las las moy chetif!,Hé hé, pleujt a dieu que dans foyla terre

Me cachajt’ tout vif!

n ’ SVRMESSAGER.

Ellevous maudifloit bien fort. ’Cauje de l’vne à? l’autre mort.

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1 80 :A’NTI’GO NE.

C REON. ’

Conte moy,vcomment elle efimorte?SVRMES’SÀGËR.

V, ” Elle fi fort je decanforte’ ’ Defon fils mort, que toutjoudain

Elle je tue .deja main,Se fourrant le poignard au cœur.O trop injenjee douleur!

’ CREON. ’

L sur. 1m.Las las! nul, 6’moytchetif!Quemoy-de tout n’eft-motif.Hé, ie t’ay:ie,«t’aytuee!

le le confefl’e, helas las!O ma fortune muee!Iefuis mort, ie ne’vy pasQue’hors d’icyiejoyzmis: l ’ 1Emmeneïïmoy :m’es:amis.,

Il CE0 RE.Il faut jans plus’cri’er-( que "jërt’lardo’leanc’efl

Il faut qu’vn ’bon remed-eLà’cesmaux on anance.

CREON.

Afitifirofe EI111.

- Tofi tojt lamor’t’vienne, ô guerijon’mienne?

Qui ’fera’qu’au jourplusiehne me i’tienne;

Viennerto’fi la mort.De tous les malheurstojt tofl’lamortnvienne,

L’ejtreme confort. »

x

CHORE.

A ce qui ejt prefentpenjer’il conuiendroit;Les Dieux ordoneroyent de "ce qui auiendroit.

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TRAGEDIE. 181CREON.

Laiflex moy jouhetter ce que-j’aime le mieux!

CHOR E.

a Ne jouhetteï du tout : car tout ce que les Dieuxr1 Font venir aux humainspar deflin arrefle’,« Il n’y a point d’ejpoir qu’il peujl ejtre euité.

CREON.

Hors d’icy emmena-f doncL’homme qui ne penja oncDe te tuer, ôpauurette,Ny toy 6 monfils trejcher.Las, combien ie vous regrette!Quel remars m’en vient toucher!O grief méchef redoublé!D’ennuis ie meurs acablé.

CHORE.

« Le bon heur qui tout bien nous donne,« Bien peu la jagefle abandonne .-u C’ejl la fource de tout bon heur« De n’oublier des Dieux l’honneur.

(c Les grandes playes que reçoit« Le fat orgueil, qui nous deçoit,a Montrent (mais tard) en la vieillejje,x Quel rare bien c’ejt, la jagefle.

FIN.

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LE BRAVE,COMEDIE DE

IAN ANTOINE DE BAIF.A MONSEIGNÈVR

LE DVC D’ALENÇON. Ï

D ONANT de mes labeurs le doux fruit aux François,(Quelque honeur de leur langue 8* de leur écriture)Non ingrat nourrifl’an le ran la nourritureQue dés ma jeune enfance en France ie reçays.

Mais, ôjang genereux de ce grand Ray FRANCOYS,De qui partes le nom, ê qui bénin ut cureDe reueiller les arts, Toy juyuant ta nature,Les lettres tu cheris 8* leurs dans tu reçoys.

Ie [gay qu’encore enfant douant grand’ ejperanceD’efire par bon inflint des Mujes l’afl’eurance,

Aux comiquese’bas tu prenais grand plaifir.Gentil PRINCE aujourduy, qui produis auec l’âge

Dervertu le beau fruit, Tu nous donnes courage«’«’î’"D’e’Crire ê de chanter, 8* moyen ê loifir.

,-

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VOYEZ ’LÏARIGVMENT

DEDVIT A L.A..SCENÈ

- IL. DV I. ACTE. "

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LE BRAVE,COMÉDIE DE

IAN ANTOINE DE BAIF,

DV COMMANDEMENT DE CHARLES 1x. ROY DE

I FRANCE, ET DE CATERINE DE MEDICIS L’A ROYNE

SA MÈRE, EN LA PRESENCE DE LEVRS MM. POVR

DEMONTRANCE D’ALEGRESSE PVBLIQVE EN LA

[aux ET TRANQVILLITÉ COMMVNE DE Tovs

PRINCES ET PEVPLES CRETIENS AVEC CEROYAVME,’ QVE DIEV VEVLE CONFERMER ET

pERPETEER, FVT PVBLIQVEMENT EN L’HOSTEL

DE GVISE A PARIS REPRESENTEE, LE MARDY

PESTE DE SAINCT CHARLEMAGNE, xxv111 IOVR

Dv MOIS DE IANVIER, L’AN M. D. vau.

12”

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LES PERSONAGES.

Taillebras ,Gallepain,Finet,

Bontams,.Humeuent,’Emee,

. Confiant, H

Raton, VPaquette,Fleurie,SannomySabat,

Capitaine.Ecornifleur.Valet. -Vieillard.Valet de Taillebras.

A Amie.

Amoureux.Laquaîs de Taillebras.

Chambrîere de Fleurie.Courtizàne.

Laquais de Bontams.Cuifinier de Bontams.

z

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ACTE * 8C EN ET i I.

TA; Capitaine.GALLEP’AIN; ’ Ecornifleur.

5 1Lf,AV’I’A1LVLE13Eus. N

Govurs’, fourbifle; ma. rondelle:Qu’on me face qu’elle étincelleh q

Eclatantvplus grande clarté , ,Que n’ejt au plus beau iour "d’Efié I

La’clarté du Soleil, ie dy .Lors que tout brille en plein midy: ’A fin’q’ue s’il faut que lanlaille

Donner l’aflaut ou la bataille,Venant aux” mains, elle éberlueL’ennemy frappé dans la vue.

O toy rapiere que ie porte, aIl faut que ie te reconforte:

. Nete’jtain, ne tendejejpe’re LD’ejtreji lang temps jans rien faire:Si panache» tu as enuieA plus d’unennemyla vie,

» Fracaflant bras, iambes ë tefle, .Force carnage ie t’apprefle,Où ne faudras-fi’aper en vain.filais ou ,ejticyÇGaIlepain? .

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188. LE BRAVE.

GALLEPAIN.

Le voicy pres d’vn pezjannageGlorieux 8* de fier courage,Haqar’deux en toute entreprife,Que la Fortune fauarije,Homme en tout digne d’efire Roy,Si braue guerrier que (le cray)Mars mejme le Dieu des courbasAuecque vous n’ojeroit pasS’aparager, non jans raijon,Ny ayant point comparaijonDe fa proiicfl’e a vos faidarmes,

Tant vous ejtes adroit aux armes.

TAILLEBRAS.

Mais, aux aproclzes d’Edintan,Qui fit la belle faâianA la faillie, où commandoitCe braue Millar, qui ejtoitParent du Duc thomberlant?

a .GALLEPAIN.

Il m’en fouzlient : c’ejt ce GeantCouuert d’vn harnais tout doré,

Qui par vous futfi bien bourré:Ce Géant que dejarçondtesD’vn coup d’ejpieu que luy doucîtes:

Sa troupe fuît débandee,

Du vent de vos fureurs jouflee,Comme on voit les fueillesjauuentS’épaipiller deuant le vent.

TAILLEBRAS.

Cecy n’eft rien.

GALLEPAIN.

Non ce n’efi rien,

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COMEDIE. ’ 189

Au pris de ce qu’on pourroit bienRaconter, que tu ne fis oncques.Si pas vn trouue homme quelconquesQuijoit plus fat, plus glorieux,Plus vanteur, plus audacieux,Qu’ejt ce fat, me tende la main:le me donne à luy pour du pain.

TAILLEBRAS.

Où es-tu allé?

GALLEPAIN.

Me voyci :Quel efiortfites-vous auffiContre ce monflre d’Oliphant?Ce fut vn aéle triomphant,Quand vous luy rompifies le bras.

TAILLEBRAS.

Quel bras?

GALLEPAIN.

Non, ie ne voulay pasDire le bras : ce fut la ouille:Vous voulufies que ie le vifle.

Et, fi vous fujfieï efi’arcé,

Vous l’ujjieq tout outreperjé

De part en part d’un coup de poings.Paflant la’niain de la bien [oingA trailers jes cojles, jes os,Sa peau, fa chair, 8*jes bayas.

TA1LLEERA’S.

Lame-là la bejle.

GALLEPAIN.

Il faut doncques

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190 LE BRAVE.

Te laifl’er, car il n’en fut oncques

Si tu n’es belle. n . ;

TAILLEBRAS.

Que dis-tu?

GALLEPAIN.

le parloy de vojtre vertuQui ne putjoulfiir qu’vn jauuageFijl tant, qu’encores d’auant’age

Ne fiffieï : quand deuant DombarreLes Anglais fi bien on rembarre.Lejauuage (ce dijoit-on)En prit un deuant Edinton,Mais vous toutfeul deux vous en prijies,Etjur vos efpaules les mijtes,Et tout jeu! vous les aportajlesEn la ville, ou les déchargeaflesTou-deux, aux yeux de cent témoins,Aujji croyables pour le moinsQue iejuis, qui en banne foyLe [Canent’aujfibien que moy.

TAILLEEEAS.

le neveu que ion parle icy

De tout cela. -GALLEPAIN.

Ce n’ejt aufly

Grand chef d’œuure à moy de les dire,Quijçay vos vertus. Qui ejt pire lQue le ventre 8- la malle filin?Ils me font pour auoir du painPrejler l’oreille a ce fat homme,De peur que mon maillin ne chomme:Mes maulieres moulans à vuide,

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COMÉDIE. 191Où c’eji que pauurete’ me guide!

Encor que ce fait menterieTout ce qu’il dit, par flaterieIl me faut accorder à tout,Pour boire êpour manger au bout.

TAILLEBRAS.

Qu’efl-ce que ie veu dire? Holà?

GALLEPAIN.

Ie [gay bien : il ejl vray cela:Feu ay bien bonne fouuenance.

TAILLEBRAS.

Qu’efioit-ce ?

GALLEPAIN.

Quoy que fait i’y peule.

TAILLEBRAS.

AÀs-tu fur toy tan efcritoire?

GALLEPAIIN.

Demandeg-vousfi ie l’ay? voirele l’ay : l’ancre auec le papier,Lqplunze, 6’» ce qüifait mefiier.

TAILLEBRAS.

Il n’efl poflible de voir rienPlus duiâ, que ton efprit au mien. e

GALLEPAIN.

Il faut que ie fçache par cueurLa volonté de voflre cœur,

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192 LE BRAVE.

Afin que, plujtoft que le vent,111011 penfer prompt vole deuantVoftre vouloir, à? qziej’entende

A demi mot ce qu’il demande.

TAILLEBRAS.

Et bien en as-tu fouuenance?

GALLEPAIN.

Il m’en fouuiendra, fij’y panfe.

Cent fantaffins en Angleterre:Soixante lancettes de guerre:Cent cinquante archers Irlandais,Et trente Notomberlandois:C’eft le nombre des hommes morts,Defquels en un jour vos bras fortsFit-eut carnage en la bataille,Autant d’ejtoc comme de taille.

TAILLEBRAS.

Combien .efi-ce que le tout monte?

GALLEPAIN.

Ce font treiïe cent de bon conte.

TAILLEBRAS.

Il faut qu’ily en ait autant:Tu [gais le nombre tout contant.

GALLEPAIN.

Si efl-ce que ie n’en ay rienPar efcrit, ê m’en fouuient bien.

TAILLEBRAS.

Vrayment ta memoire e]? trefbonne.

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cogna-m E5 193’Jnîwë

GïnvfiëêAINÇ

Que dit-agrafe :dewofirelfaiây lLa où touti’aleumondeileficait?VoüsgaGï’apîtaine Talill-elzras;

Viüegrinuincibleicy bas,En proüefle,lèîvertu; faconae

Vniqueèflfans" ’l anamçnçi’ett , t

13

x

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r94 LE BRAVE.

GALLEPAIN.

Elles s’enquefioyent : une blondeMe dia, En efl-il en ce mondeVu autre plus brufque ê galland?le penfe c’efl un droit? Roland,

. A voir &fa taille &fa grace.Non (luy dy-ie) il ejl de fa race,Vous n’efles du tout abufee.Vne autre un petit plus rufee,Haute, droiâe, belle, brunette,L’oeil gay, la trogne fadinette,En foufpirant, O le bel homme!(Me diéI elle) ô vray Dieu commeIl ejt atrayant par les yeux!Que [on vifage ejt gracieux!Cachant chofe que plus j’eflime)Sous douceur un cœur magnanime!Mon Dieu que ce long poil qu’il porteLuy ejt bien [cant en la forte!Certainement les amoureufesD’un tel homme [ont trop heureufes.

- TAILLEBRAS.

Ho! tiennent elles ce langage?

GALLEPAIN.

Elles m’ont bien du? d’auantage:Toutes les deux m’ont fort prié,Importuné, voire ennuyé,

De vous mener par deuant elles,Comme les monfires folennellesDe quelquefpeétacle nouueau.

TAILLEBRAS.

C’e grand peine d’eftrefi beau!

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couenne; , 195GAIiLE’lëAiN. ’

Elles font aujfi (trop fache’ujessu *

Ces: importunes amoureufes,Qui uous;enuoyent tant guerir, ..Quimiennenti tant vous treq’uerir,Prier,fupplier-de les uoir! ’ IEt uaus:empefchent.-de pont-uoir,Et de vaqlzzrertàsuofire afiaire. L. v

* TAILLEBRAS.

Scës-tu q’ue’VC’efi qu’il te faut faire 9

A la premiere quilviendra,QuiÏce langage te tiendra,Ne faupas de mien aduertir,S’elle vaut de me diuertirDoù tufceï : car ie veu changer. "

x

GALLEPAIN’.

On’s’e’iinuye d’un pain manger:

Laz’fleï moy faireauecquesrelles,Vousïen aurez bonnes nouuelles.-

*TAILLEBRÂS.

. Siamufer. leur. à feé’le’ba’s,

Que Ion perde la fouuenanceDegquelque :afaire dëimportance.Ilvxeft bruit qu’on drefle une armee :Hie j’en fen’tfiiquelqnue fumee LMeipounmenantiparïï le;Mattrey :* WTout, chacune difoitïqïue" lexRo-yë ’ V r

En, perfonne y .eOmmand’eras-"Ï *

AVOIOnt-iers-vcelafe fera y; lQuel Taillebras fera lazbefle,’rîi » 1 *

Et.-neferaz’pointdeïtlalfefietç; r» ï -

Page donc. Mais-fignefaut-il pas.

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LE BRAVE.

Ie hay trop le coin des tifons,Je n’aime l’ombre des maifons:

Plus meplaifl une tente alerte,Ou quelque frefcade Menuet-te.Si le bruit que Ion je remuéEncor aujourduy continue",

. Et moy là. Sus, allonfçauoir ’Au Martroy, qu’ily peut auoir:Car ie ne veu pas cafaner,Si les mains il falloit mener.

GALLEPAIN.

C’efl bien clic? : Marchon de ce pas.

TAILLEBRAS.

Sus doncques, fuiueq moyfoldats.

PROLOGVE.

ACTE L SCENE’H.

FIN ET, Valet.

S7 IL vous plaifoit de m’écouter,

IVIeffieurs, ie pourroy vous conterL’argument de la Comedie:Ce faifant double courtoificLou verroit, en vous de vous taire,Comme en me] de ne point me taire:Vous taifant ie caqueteray,

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Le loferïde ubflrefileSi vousâineïdànn’eïïaud

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lier,"Et mouchâq . LEt tarifiez quina

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LE BRAVE.

Lequel prefume tant de je],Et s’aime tant, ë tant je plaifl,Le [et prefomptueux qu’il efi,L’efi’ronte’, glorieux, bauard

Breneux, babouin, poltron, vantard,Ce bon I’uffien s’aime tant,

Qu’il je va toutpar tout vantant,(Et le croit) que les femmes meurentPour fou amour, 6’» qu’elles cueurent

Toutes api-es luy : Dieu lefçait!filais au rebours chacune en faitSon plaifant, s’en rit ê s’en moque,

Et s’en joue à la nique noque,Ou pour mieux dire au papifou.Voyla comment ce maijtre fouFait ce que beaucoup d’autres fontQui s’ejtiment plus qu’ils nefont.

Or long temps a que ie me tienAfonferuice : à” ie veu bienQue [cachiez comme ie laiflayMon premier maiflre, ê m’adreflafA cejtuy-cy : oyez comment.-Car c’eft icy tout l’argument.

A Nantes un jeune homme filsD’un Portugais, qui au paisDe long temps s’ejt habitué,Riche de biens, bien allié,Honejte ê gentil fouloit efire,Tandis quej’y efloy, mon maiflre.Ce jeune homme y entretenoitVne fille, qu’in tenoitA pain ê à pot gentiment,Du gré ê du confentementDe la mere d’elle : quifutVne marchande, laquelle eutViuantfon mari prou de biens:Luy perdu, perdit tous moyens :Ce qui ejt caufe qu’ejtant venue

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COMÉDIE. [99Le party defa fille apprenne,Qui du jeune homme efloit aimee,Bien traitee, ê bien ejtimee: ’Elle aufji de fa part l’aimait,Le bien traitoit, ô l’efiimoit,Fidele à luy, ê luy à elle,Comme où l’amour efl mutuelle.Mais qu’auint-il? Pour un aflaireIl a efie’ contraint de faireVu voyage de longue abfenceA la Court du grand Roy de France,Quifejourne à Fontainebleau.En ce temps (un, cas tout nouueau)Ce Capitaine, qu’aueï veu

De ceruelle ainfi bien pourueu,Defcend à Nantes un matin,Chargé de proye ê de butin,Ejtant flaifchement de retom-D’Efcofle. IlyfeitfejourQuelquesfemaines : CependantAuecques une s’entendant,(Qui nous ejioit proche uoijine,Maquerelle, fecrete ëfine)Il pratique nofire’mignonne,Et fa mere la toute-bonne,Par prefens, joyaux, bonnes.cheres:Et conduitji bienfes afaires,Qu’en ayant fait [a defiinee,La pauurette il afubornee,Comme depuis ie l’ay bienfçu :(Car tout futfaiâ à mon deçu.)La débauche, à” dans un bateauL’enleue, ê la met deflus l’eau,

anoir qu’ejtoy dehors aux chams,Et l’emmeine dans OrleansIcy doit c’ejt qu’il ejt natif.

le fçu tout le faiâ au naïfA m’en enquefier diligent:

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LE BRAVE.

Auec ce peu qu’auoy d’argentIe m’achemine, ê delibere

Chercher mon Maiflre, 49 de luy fairEntendrencommevil en alloit, ,.Pour en faire ainfi qu’il falloit.le par’ donc, é?- tire à la Court:111e voyant d’argent vn peu court,

Par les cheminsfur la leueeIe rencontre. à une difneeVu qui voulut me desfrayer:Et moy de le laifler payer:Ie le luy, c9. en, reconzpanfele lefer, fou chenal ie panfe :Droit en cefte ville il m’amene:Et s’en vient. voir ce CapitaineQu’en Efcofle il auoit conu,

Il ejt ceans le bienvenu:Il part : àfon hojte il me donne:Ie reçoy fortunefi bonne,Et donner à luy ie me laifl’e,Ayant defia veu ma maifirefl’eL’amie de mon premier Maijtre,Qui feignoit de ne meconoiftre,Et m’auoit faiâ’figne- trefbien

De ne faire femblant deurien:Comme auffi ne finie." DepuisElle me conta jes ennuisA la premiere occajion; .Et me dit? [on intentionEftre, d’éclzapei"de .ceans

Et fe retirerud’Orleans,Et a Nantes s’en .retourner,Pour àjamaisfe redonnerAfon premier. amy mon Maiftre,Loing duquel. ne pouuoit plus ejtre,Luy portantautant d’amitiéQu’a Cefiui-cy d’inimitié.

Ayant conu ce bon vouloir,

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COMÉDIE. .201Ie me mis en mon plein deuoirPar ’efcrit de faire bien mettreTout le difcours en vne lettre:Laquelle trefbien cachetee,Clafe, feellee, empaquetee,Iefipar hommefeur tenir:

i Qui le hajta de s’en venirAuffi raft qu’il vit les prefentes,I’enteii ce mien maijtre de Nantes,Qui depuis vingtjours ejt icy,Et logeai celte maifon cy,faignant celle du Capitaine,Cheq vn amy, qui nous moyenneTout "ce que l’amy pourroit fairePour l’amy, quand ilferoit frere.C’ejt vu fieu hojte paternel,(Dieu nous le deuoit) qui ejt telQu’il nous falloit : un verd vieillardQui d’efprit ejt jeune ê gaillard,Et nous aide conduit à? meineDe fan confeil ê de [a peinerMefme de fan confentementI’ay donné moyen gentiment

Aux amans, de venir enfemble, 5Et s’embrafl’er quand bon leurfemble :

’ Car ce Capitaine a laméVn cabinet, qu’il a drefl’é

Toutgexprés à la damoifelle, lOù n’irait pas un autre qu’elle. ;,Sçaués vous bien qu’a fait? Finet?

Il a percé ce cabinet LD’vne ouuerture en la murailleQui ejt commune, afin qu’on ailleLa de l’une en l’autre maifonSelon qu’on a’l’occafion, i ’

Sans que Ion pafl’e par la rué,Etfans que. la dame foit vue”.Tout le furplus qui. refle àfaire,

13’

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.202 LE BRAVE.

Il m’eft commandé le vous faire,

.Mais defcouuert il vous fera,A mefure qu’on le fera.

Quay que fait, defia le bateauNous attend au port défias l’eau:Et faut, comment que ce puifle efire,jS’azrjourduy nofire premier mazfireSoit maiftre de nous àfan ranc,Et que laiffions ce braue en blanc.Or ie m’en va dans la maifonPour luy brafler quelque traifon,Dont vous erre; tante]? parler,S’il vous plaifl me lamer aller.

ACTE Il. SCÈNE I.B O N TA M S , Vieillard.

F I N ET.

BONTAMS.

SCAVOVS?fi à ceux que verrezSur les tuiles, ou trouuereqBatelans en quelque maniereSur le mur ou dans la gantier-e,Vous ne rompez jambes ê bras,Deuant moy ne vous trouue; pas,Si ne vouleziv que ma hauffineTrote bien [ce fur vaflre efchine.Quoy?fi lonfait. ceans vn pet,A l’inflant tout chacun le feet:Tellement nous fommes gueteq,

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COMÉDIE. 203Et defcouuers de tous cofleï.Pource ie vous commande exprès,Que, fi voyeï par cy aprésAucun des gens du CapitaineNoftre voifin, quife pournzeineQuelque part fur la couuerture,Donneq-luyfa nzalauanture,Et me le faites du plus haultOù il fera, prendre le fault:Que fur la place on me le jetteLe premier trouué :j’en excepteDe tous eux Finetfeulement.biais faites mon commandement,Quelque raifon que Ion vous die,Ou que leur geay, ou que leur pie,Ou que leur poule eft adiree,Ou leur guenon ejle’chapee :Pour cela, qu’il ne vous e’chapeSans qu’on lefrote, ê qu’on le frappe:Chaflieq-le jufqu’au mourir:Sinon, c’eft à vous à courir.

FINET.

Il ejt arriué quelque efclandreLeans, à ce que puis entandre,Puis que ce vieillard tellementDe ce mauuais apointementA menacé mes compagnons:Il bajie mal à ces mignons,Mais dehors du conte il m’a mis:Les autres ne font mes amisSi fort, que bien fort ie m’étonne

Si quelque mal-an il leur donne.Quay quefoit, ie l’accojteray,Et du fate? ie m’enquefieray,Et poffible il m’en fera part.Seigneur Bontams, hé Dieu vous gard.

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264 V. . miam.. iîygBQsiemâi,.Lïl

Il y a peuëiiliômiïies) fleure"

Ajouhaitter page voulufle: L va; immergeait)? ’ f

L ÎÏÇ "Î’Qii’ etilüoerqùor?

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- Toute’y’vlachofei’efi1’defcouuerte:i

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Et quellerch’ofe efl defcouuerte? :j

.ç.:BQflIAn&.

Ne-jlcay &qu taisiez; vA veu (montëfur la”g"outtiere)’* ’

Dans mon logisteeïque faifoyent.Nos amans qui s’entrebaifoyent.

.. t’FI’NA’ET î

Qui les-a. velus?

z . . B.ouTAns.,.

. ’ ioniens.

. le [nefçay’pasfonç "Il -Ny ne m’a pas Cdonné’loifii«ne taramas-quem);champ. :

t -

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’COMED’IE. , 205

d L FLINIÎZT,’ p

Puy grandpeur que iefoy deflruit!

’ BONTAMS.

» le le voy, il me voit, s’enfuit:

Hola ho; que fais-tu la fus?Ie luy crié, il refpond fans plus,Qu’apres la guenon il alloit.

t . FINET.O moy malheureuxls’il falloitQue par cefle maudiâe befte,Ie fufle en danger de ma tefle!

l Mais Emee ejt elle cheq vous ?..I . ’

BO’NTAMS.

Sortant te l’ay laifl’é chez nous.

FINET.’

S’elley ejt encor, faites-laViftement repafl’er de la,

Afin de faire voir aux gensDe la maifon, qu’elle ejt leans,Si, nourjOuant un mauuais tour,Elle ne veut, pour [on amour, -Faireztomber mille malheursSur nous les..pauures feruiteurs. L

’BoNIi-ÀMS." 1

I’aydefia mis ordre à celaiPafleïoultr’e, ne t’arrejte là.» -

Fines;le voudroy bien que luy ’diffieï LEt qu’encores l’aitertiffieï*

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206 LE BRAVE.

Qu’elle ejtudie, ê qu’elle panfe

A bien former fa contenance,Sa voix, [on regard, fa couleur:A s’enquefler du rapporteur,Où, d’où, comment, quand il l’a vue",A quoy c’efl qu’il l’a reconuë:

Afin que, faifant qu’il varie,Le conuainque de menterie:Et quand il l’aurait vu cent fois,Qu’el’ le demante autant de fois.

BONTAMS.

Lame-la faire : elle n’a gardeD’ejtrefurprife par mégarde.

Elle a vne carre afluree,La langue fouple ê deliee,Le cœur rifle; garny d’audaces,Malices, parlures, fallaces,Traifons, opiniajtreteï,Et d’aflez de méchanceteg,

Pour à grand force de fermens,Maudiflons, ê pariuremens,Rabrouer ê redarguerLe fat qui voudroit l’arguer.Et puis, elle a pleine boutiqueDe mignotife mellifique, UDe bafme, defucre, ê de miel, tPour adoucir, fujl ce du fiel,Fujt ce un venin le plusvamer:Elle a dequay bien embdmer,Amadouer, gaignerfon homme,Qu’elle fera mordre en la pomme.Mais qu’eft-ce, Finet, que tu brafl’es

A par toy? comme tu tuilages?”

FINET.

Ie vous pry pour vu peu vous taire,Tant que j’aye ce que dey faire ,

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console. 207.Pour la traufle que ie machine, qAfin que finementj’affineë. r y I ,Ce fin valet, quel qu’ilpuifl’e ejtre,

l Qui a vu l’amie à mon MazfireComme chez; vous ell’ le’baifoit.

le cherche comment que ce fait,»De faire, encore qu’il l’ait vue,Qu’il croye auoir eu la barlue",Quandjy ’auray bien pouruu, :Qu’il n’aura veu que ce qu’il a vu.

BONI-AMIS.

le me retire en attendant »Icy à l’écart, cependant

Que la tu matagrabolifesLes defleins de tes entreprifes.le vous fupply voyez fa trongne,Comme penfif ilfe renfrongne,Etfes chatunes il rabaifle:Il en prend l’un, ë l’autre il laifl’e:

Voyez; fa gauche, toute platesur le front de l’autre ilfe grataLa nuque,œoù .gzïfl. la fouuenance:A til changé de contenance?A luy: voit-fecouer la tefle,Sa refolution n’ejt prejtei: wCe qu’ibafongé necluy plefl: a gPuis qu’il ne nous 1rendgce qui n’ejtBien digere’, nous n’aurons rien

, Qui ne fait digeré trefbien.Il bajtijt, au moins fan mentonIl apuye d’uneflanfon: .Or il ne bouge d’une place:Voyez comme il a bonne grace:A tilla taille e le vifage .Propre àr;jouerfo’n perfonnage?Ne faiteil pas bonne pipee,

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208 LE BRAVE.

Picqué dl’OÏâ comme vne poupee?Il ne cefle1*a jufqu’à tantQu’il ait trouué ce qu’il pretand.

Il le tient à ce coup, ie cray.Or fus, pour faire ne fçay quoy,Veille, veille, ë point nefommeille,Si tu ne veux qu’on te reueilleDe reueil-matins 5’ d’aubades,

De coups de follet ê bafionnades:Veille, veille :fus, hala, l’homme:Veille (te dy-ie) :5- point ne chomme,Car il n’ejt pas fejte pour toy:Veille, Finet, ie parle à toy :Sus debout (te dy-ie) il ejt jour.

FINET.

le vous ay, ie ne fuis pas four.

B ONTAMS.

Vois-tu pas que tu es enclosD’ennemis, qui te font à des?Auife : auance ton fecoursViflement, car tel ejt le coursDu pet-il, qu’on ne peut attendre:Dépefche, ou penfe de te rendre.Halte-les, fay tes compaignies:Que tes fortreflesfoyent garniesDe munitions, 6° de gensVaillans, ,veillans, â- diligens :Aux viures de tes ennemis,Couppe chemin : a tes amis,Facilite auec bonne efcarteL’auenue, afin qu’on t’aporte

Seurement ce que tu voudras.Trauue, fange, â ne tarde pas:ce tojt cefte rufe de guerre,Dont tu dois tant d’honneuracquerre:

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COMÉDIE. 209Ca cefte rufe qui défaitLe fait, comme s’il n’eftoit fait,Faifant que l’an n’aura pas veu

Cela mefme que Ion a veu.

FINET.

Prametez vous feul d’entreprendreMon deflein, ie prome’ vous rendreLa viâoire : ê ne faites doute

x Que ne mettions à vau-de-routeNojtre ennemy.

BONI-Mis.

A Ie te proméDe l’entreprendre, ê mefouméD’eflre’genei’-al de l’armee,

Pour l’entreprife qu’as tramee.

FIaNE’r, .

Dieu vous’doint tout ce que defire ’Vojtre’ noble cœur.

Bossu-Lis;

. L . Veux-tu direCe que tuas machiné.faire?vFay m’en. part. l’ ’

v L Étrier.

l ». .t Il faudroit vous.» taire,Et me fuyure par les deftoursDe mes rufes «(â-de” mes tours,Que veu que [çachie’ï’ auffi bien

Comme moy. ’, aBo miens:

* "canton pour ton un.kan de Baif. -- 1H, . 4 I4.

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210 LE BRAVE.

FINET.

Mon Maiflre, ce beau CapitaineDe foin, s’il ne change la fiemze,Alourra dedans la peau d’un veau.

BONTAMS.

Tu ne me dis rien de nouueau.

FINET.

Etfi n’a non plus de ceruelleQu’vne fauche.

B ONTAMS.

Ie n’en appelle.

FINET.

Or pour ourdir noflrefinefl’e,Oyeq la fourbe que ie drefl’e :Ie feindray qu’vnefœur d’Emee,Sœur iumelle d’vne ventree,

Qui luy reflemble, autant que faitL’eau à l’eau, ë le lait? au laid:

Ie diray que cejte fœur cyDe Nantes efl venue icyAuecques vnjien amoureux,Et que vous les loge; tous deuxChez; vous.

BONTAMS.

Vela bon, vela bon,le loue ton inuention.

FINET.

A fin queji a nojlre braueMon ’compagnon’raporte 8: banc

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COMÉDIE. 2lIQu’il l’a vué icy dedans, comme»

Elle baifoit nefçay quel homme,Tout au contraire ie l’arguêQue c’ejt fa fœur qu’il aura vue

Chez vous fan amy embrajfer,Le baifer ê le carefler.

BONTAMS.

Aonnzefme auffi, s’il m’en dit rien,

Le mefme luy diray fort bien.

FINET.

filais. dites que l’vne reflembleTant à l’autre, qu’ejtant enfemble,

On ne fcait laquelle xchoifir.D’auantage il faut aduertirEmee, afin qu’elle l’entende :

Etfi Taillebras luy demande,Qu’elle ne s’entretaille point.

BONTAMS.

La rage ejt bonne, fars un point,Qui efi, s’il vouloit les auoirToutes deux, afin de les voirEn vn lieu : qu’aurions nous àfaire?

FINET.

Il ejt aifé de s’en di’faire

Par plus de cent promptes defaites,Si d’autre doute vous n’y faites.El’ n’y eft pas, elle ejt en ville,El’ dort, el’ dilue, elle s’abille,

Elle ne peut, elle ejt fafchee,Elle ejt maintenant empefchee:Et lantkd’autres .inuentions

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LE BRAVE.

Pour delayer, tant que faffians,Pouifuyuant ce commencement,Qu’il reçoyue, 8* prene en paymentLa menfonge pour verite’.

BONTAMS.

Bien me plaijt tafubtilite’.

FINET.

Alleq vous en doncques clic; vous,Et la faites pafler chef nousVijtement, s’elle y ejl encore,L’inflruifant qu’elle rememore,Selon qu’entre nous efl conclu,Le confeil qu’auons refalu

Pour feindre cejtefoeur jumelle.

BONTAMS.

Laifl’e moy faire auecques elle:Car ie te la rendrayfi bienInflruite, qu’il n’y faudra rien.Veux-tu rien plus?

FIN ET.

Aile; leans.

BONTA MS.

Bien, ie m’en va doncques ceans.

FINET.

Ilfaut que i’aille en la maifon,Pour detraquer le compagnon,(Sans rien manfirer de nos aprefls)Qui tantofl a couru apres

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[V,...U3COMÉDIE.

La guenon. Il nefe peut faireQu’il n’ait communiqué l’aflaire

A quelcun des feruiteurs : comme. Il a veu auec vn ieune homme

Emee icy pres, luy faifantDes carefles ê le baifant.Ie [gay que c’ejt qu’ilsfçauent faire :

Moy feul d’entreeeux ie puis me taire.Si ie puisfçauoir qui l’a une,La tour fera bien defendue,Si ie ne l’emporte d’aflautË

I’ay defia prefl ce qui me faut:Mes gabions ie rouleray,Et mes aproches ie feray,Par les replis de mes trancheesTout incontinant depéchees:le meneray l’artillerie,Et drefl’eray ma batterie,Et m’afl’eure de l’emporter.

Autrement, me faudra guefierCommefait vn bon chien de clzafle:Si ie me trouue fur la traficEt fur les voyes du renard,le le pourj’uyurayfi gaillard,Sans defaillir au parcourir,Que le forceray de mourir.filais i’oy du bruit a nojtre parte:Ilfaut que foit quelcun qui forte,I’ay peur d’aucir parlé trop haut:

Au pis aller il ne m’en chaut:C’ejt Humeuent, le gardecorsD’Emee, qui s’en vient dehors.

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214 ’I.E.BRAVE. ’

. ACTE-’tI-fj SCÈNE il.

HYMEYAENT, Valet. ”

712mm.n ’"aneve’u’rf I

ILfaudroit bien que j’ufl’e ’ejte’;

Endarmy, quand ie’fuis;.montér-Sur les tailles, fiie n’ay vu,Et tout clerement aperçu *Emee, l’amie a mon Maijtre,A( Laquelle -ie ’doy bien conoiltre,,Ou’ ie ne feray guet-e fin) *Icy pres» cheï nojtre parfin,Qui faifoit l’amaunà un autre. ’

. h .L ETJQJÎ ç. j

A ce que in],.’c’èfijlexfanMitre.

Qui l’a vueî baifantzicy. v

Son mignon, : . a -j HYMEVÈN’L, 1

Qui ejt cejluy-cy’? v’ ’

r V FINE-r:l .

C’ejt ton amy 6’? compagnon:

Humeuent, que dis-tu de bon 5’

anevzui’.

’Finet, ierfuis aifed’anoir ,

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COMEDÏE.

Cefle rencontre, ë de te voirPour te conter le fçay bien quoy.

F IN ET.

Qu’ejl ce qu’ily a? dy-le moy.

I-IVMEVENT.

I’ay grand peur.

FINET.

De quoy as-tu pour?

HVMEVENT.

Qu’aujourduy quelque grand malheurN’auienne a tous les compagnons.

FINET.

Mais à toy feul : mes compagnonsM’en auouront,fi du malheurMa part ie te quitte, 6 la leur.

HVMEVENT.

Tu ne [cals la mefchancete’,Qui tout frefchement a efiéFaiâe chez nous.

FINET.

Mais quelle ejl elleLa mejchancete’ ?

HVMEVENT.

Guere belle.

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216 LE sauve * l iFINETr -

Seul tu la feez, retien la bien:Tay toy : le n’en veufçauoir rien.

HVMEVENT.

Il faut que t’e’la fafle” entendre:

Aujourduy’ i’alloy pour reprendre

Nojtre guenon, parqu le fefteDe ce logis.

FINET.

La banne bejteQui cherchoit une banne bejte.

i, .HVM’E’IV’É’N’Î. ’ ’

Le diable t’emport’. ’

o Fixer.-- .

. . . vous fine:Ne lai0’e’pasitoufiOu1îs dei-dire. . i ’ ’

I .H’YM’EVEËEÎÎ.’

De. fortune en basic regarde r vDans leur court : fansrmi’en donner. garde,I’y aduife la bonne Eme’e- . * 4*Au col d’vn ieune. hommeattachee,Qu’elle baifait:é’-’-dorlotoit: I -

Mais te neficay pas qui c’ejtoit.

F1 NQuelle mefchancerté dis-tuHumeuent? ë qu’ay-ie entenduDe toy?Ï’* I V1. ’ ’

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COMÉDIE. 217HVMEVENT.

le l’ay vu.

FINET.

Tu l’as vu?

HVMEVENT.

Maymefme de ces deux yeux-cy.

FINET.

Va, tu n’es croyable en cecy,Ny tu ne l’as vu de tes yeux.

HVMEVENT.

Crois-tu que ie foy chaffieux?

FINET.

Confeille t’en au medecin:Maisfi tu es tantfoit peu fin,Tu te gardras d’en faire bruit,Si tu ne veux ejtre dejtruitDe fans en comble : ta ruineDe deux pars fur toy s’achemine: ’Et tu ne peux de chafque partFaillir, a te mettre-au haïartDe te perdre, fi tu n’es fagePour retenir ton fol langage.

I

HVMEVENT.

Content de deux pars?

FINET.

Il eft vra c:Efcoute, ê” ie te le diray.

14’ - .

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LE BRAVE.

Tout prenzierementfi EmeeEjt à tort de toy difamee,C’efi faiâl de toy, n’en doute point:

Il y a bien vu autre point,Quand bien ilferait veritable,C’en fait? de toy : car miferableTu te viens perdre par mefgarde,D’autant que tu l’auois en garde.

HVM raves T.

Qu’y feray-te?

FINET.

le n’en fçay rien.

HVMEVENT.

Si l’ay-ie veu, ie lefçay bien.

FINET.

Le malheureux, il continue.

HVMEVENT.

le dy la chofe que i’ay vue.-Ajteure mefme elle ejt leans.

FINET.

Hé da, n’efi-elle pas ceans?

HVMEVENT.

Va voir toy-mefme en la maifon,Et voyfi ie dy vray ou non:Car ie ne veu pas qu’on m’en croye.

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COMÉDIE. la.-’o

FINET.

C’ejt donc pour le mieux que i’y voye.

HYMEVE-NT.

Ie demeure icy pour t’atendre,

FINET’.

Le piege que ie va luy tendre 1’Le niais: qu’il ejl, il ne [cetQue la genice ejt dans le tet.

HVMEVENT.

Que day-ie faire? car mon AIazfireM’auoit ordonné feulpour eflre

A la garde de la mefchante:S’il faut que fa faute ie chante,Luy raportant ce que i’ay vu,Azlffi bien feray-le perdu.S’il faut auffi que ie luy cache,Et que puis apres il le fçachehEt la chofefoit découuerte,le puis bien parier ma perte.Efl-ilfinefle, ejl-il audace,Qu’vne malheureufe ne face?"

Tandis quefur les tuillesfuisElle fort trefbien hors de l’huis:-O l’aâe vilain qu’elle a fait!

Si le Capitaine le fçait,le croy qu’il- mettra fus deflous.La malien, 6’- nous tura tous.Quay quefoit, ie n’en-diray mot,Plujtojt que de faire le fat,Et de m’allerperdre a credit"Par vn petit mot qu’auray dit:On ne pourroit bon conte rendreD’une qui veut a tous-.fe vendre.

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220. LE ËRAVE.’lk

FINET. V*’:’*-..Lm;’x 1.Humeuent, Humeuent, l’audace!

a

é

’H’V’MËVENT.

w Lly.n.): k. I A.Qui entan-ie qui me. menace?-

FINET-Q

De toy, qui-fais de tes amis ’7Pour ton’plaifir tes: ennemis! 1

Hvunanæ.

Qui atil?

FINEÎ. H Ï WQuand L tu». m’en croiro’

Les deux’ yeux, tu 1te.z;r-euereis,f»

Par lejquelstuvois: fiapoint ’ * . ULa chofe2mefine qui--.n.’.efl point. a A

’ î H sin bien; L

une? ’*Qu’ejt-ce quiÎ’n ’

v g i, muge, ,r, k V; .L r .;’ëCompagnon,

le ne donroy,vpas’.vn oignon, g ’ *

Vn oignonîpouriyde"tal’vie. *

.HMMEV’E’NT.

Qu’ejt-ce :Îqii’il te t’en

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COMÉDIE. lal0H

HVMEVEu-r.

Pourquoy non?

FINET.

Sceï-tu q-u’iiy a 9

Baille ta langue babillarde,Pour couper la faulfe leîarde.

H VMEV-ENT.

Pozirquoy feray-le 2

EINE’I.

Car EmeeEjt ClZEï- nous, ou le l’ay trapuee,Et tu dis l’atioir aperçueCheq nos voifins, ê l’auoir vue:Ainji qu’un autre elle embraflait,Qui la baifoit ê carefloit.

HVMEVENT.

Finet, Finet, donne toy garde,D’auoir mangé tant de moutardeDe Carefme auec le haran,Que tu fois comme vu chahuan,Qui ne vole finan la nuit,Et ne voit quand le foleil luit.

FINET.

filais Humeuent, c’ejt chofe vraye,Tu es fifou de pain d’yuraye,Que la. mauuaife naurritureT’a prefqzle en l’aueugle nature

. . .D vne taupe, mis (S’- reduzc’i,

Qui ne voit de jour ny de nuir’t:

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N[àLE BRAVE.

Car afteure ajleure ie vienDe la voir, ie lefçay fart bien:Et l’ay laifl’ee en la malfon.

HVMEVENT.

En. la maifonv?

FINE];

En la maifon.

HVMEVEN T.

Va, va, tu te iouës, Finet;

Emma

C’efb dont ie fuisainfi mal net.,

H.v tut-Eva N Tl

Comment 9

F1 N ET.

Pource que ie me loue»Auccq-ues; un homme de boue.

H unev ont

Au gibet!

FINET;

le puis te promettreQu’aujourduy le t’y verray mettre,

Si tu ne changes de courage,Enfemble d’yeux ê delangage.»Mais i’oy du bruit à noftre parte.

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155mm; 223’ * nanan,. ’ ’, .-Guettèiqbien a, i qu’elle ne la??? ’L

Si eflLEe pour, rewriter". :Î V Qu’il faut qu’elle pafl’e parcy.

” HI ’ L HYMEV’ÉNT.ï ’.. . Ie;le-Î?cïroy.’

Ho, Emmy; iguane-toy.

HyMïÈY’ENTs . 1 v 5* ’ i

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koLE nuira.

FINET.

Veux-tu que te face en un motConfefler, que tu n’es qu’vnfat?

HVMEVENT.

Boute, fay du pis que pourras:Ie le veu.

FINET.

Et que tu n’auras, -Ny bansyeux, ny l’entendementPour en bien vfer dextrement?

HVMEVENT.

le ne dy mot, ny du celier,Ny du iardin, ny du grenier,Mais ie [gay bien depuis naguiereCe que i’ay vu de la gouttereDans la court de cejle maifan.

FINET

Parlons vn petit par raifon:Si elle ejt eheq nous maintenant,Etfi ie fay qu’incontinantLa verras fortir de chez; nous,Combien merites-tu de coups?

HVMEVENT.

On ne m’en pourroit trop douer.

FINET.

Or garde bien de t’cflognerDe ton huis, de peur qu’en cachette

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i commis;- 225A ton ’defeeu elle je tette, VEt qu’elle paye dans la rue"

. Sans que de toy ellefoit vue".

i ï HVMEVENT. j

I’y guette, ne t’en’dannepeine.

I ’ r, FINE-r.Si’faut-il que te te l’amene,

Et que ie face qu’ellefprte

Maintenant par vne autre porte.vaeuen’r. Î

or fus-fa , cueille veufçauoirS’il ejt pojfible de n’awuoir

Vu ce qu’ay vu : â’s’il fera,

r Comme ilpra t,.-qu’elle fera.Dans une r riel tout. Meute- z * ’Quay que] A)», encan ie m’afl’eure ’

D’auoir mes deux yeux en la tejte,Que ie ne loue" ny ne prefle.

. Ce flateur ejt toujiours pres d’elleA laflaterL-zégellel’appelle-a -Toujiaurs le premier à manger:Ils ont toufiours à demefler

’ 1 ’19 piétés enflamme.. euglène.) ï

moins, qu’il enfles nofires,v ’iqu’u’e’ les autres.

r Sv :. . ’jirïx A «à.8 43’113 à" Celle-Pl fie?qu’zl’fa’u’t’que ie face

maganât; iéfiiîs,” ’ v

Il L guet’de’u’antlcet huis,

’ Pour empefcher’qu’à’Humeuent

on ne face me l’au ..

15

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226 LE BRAVE.

ACTE Il. SCÈNE HI.FINET. EM FIE Amie.

HVMEVENT.

FINET.

O R ayez bonne fouuenanceDe la mine 6’» la contenance,

Et des propos qu’il faut tenir.

Emma.

Sçauroisptu le laifl"er venir?Va, ne me fay point ma leçon.

FINET.

A voir voflre douce façon,Ie crain que foyeï trop peu fine.

Emma.

Finet, les finettes n’afiine:.N’enfeigne aux fines la finefle:Iouê ton rolet, ê me laifleIouër le mien : le fuis prou [agePour bien iouër mon perfonnage,Sans qu’il me faille vn protecole.

FINET.

Faites en maiftrefle d’efcole:Monjtreq que n’ejtes aprentiflePar vn chef d’œuure de malice:

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r COMÉDIE. 227Pour mieux efbaueher la befogneIl faut que de vous ie m’eflogne.H6, n’es-tu point las, Humeuent,D’eflre tant debout la deuant?

HVMEVENT.

I’atten que m’en viennes conter,L’oreille prefie à t’efcouter,

Si tu veux dire des nouuelles.

FINET.

l’en porte de bonnes ê belles:Que me donras-tu pour les dire?Va va, ie n’en veu rien, beau fire:Fay venir hardiment le prefire.

HVMEVENT.

Pourquoy le preflre? que peut cîefire.

FINET.

Pour fouger à ta .Gonfcience:Penfe à ton ame : la potencePour te pendre ejl defia dreflee.

HVM E v E N T.

Parquox l’auroy-ie meritee .9.

F mm.

Regarde à main gauche de la,Regarde : qui efl celle là?

HYMEVÆN’D.

Mon Dieu! c’efl l’amie à mon. Alaiflre .’

Ce]? elle à ce que puislconoifi-re la

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228 LE BRAVE.

FINÈT. V

Cëefi mon : veux-lu "encor attenare.’

HVMEVENT.

A faire quoy?

Furax.

A t’aller pendre.

Emma, aMais ou efl ce bon feljuiieurQui a ejie’v faux vaporteurContre mon. qui fuis innocente,Commefi ie fufle mefchante î).

FINET.

En a til? il me l’a conté.

En]: E.

Quel hammeas tu diâ, efi’ronté,

Auoir vu chez nofz’re voi m

Que ie bain]?- n

FINE-r, -

Il fait le fin:Et m’a dit? bien plus : que c’efioitVn jeune homme gui vous tafloit.

.7

HV-MËVÈIÇlÎ.

Ouy, ie Fay die? ce maidieux.

Emma.

. 5 V .Tu m’as veu , toy?

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COMEDIE, -,229HVMÈVENT.

De ces deux yeux.

ÈME]:t

Tes yeux voyans plus qu’ils ne voy-mi.Des rorbeaux la viande logent.

.HVMEVE-NVT.

suie-le Je ferle tant dèfpouruu,Que n’ay pas vu ce que i’ay vu?-

EEEÈ,

le fuis bien befieyqui vm’arrefle ’ k r lM’arraifonnant (icelle [refletQue ie verray vif ecorcher.

. l * rHVMEVENT.

Ne me venefpoint reproche): lLe gibet par vôfire menace»,

La fepulture de ma race:Là gifent mes pere 8 grand peltexPers ê grand pere de ma mere;La m’èléâayeùk- e bifay’eux, *

merlan: ’èflre Comme eux-.-Pour les menaces que baueï,Ailes yeux nelferônt ia creueï :

EMaz’s un mot, Finet, le t’en prie;D’où pourroit elle eflre fortie?

Pinter.i [de la maifOn?

ÏHËI’M EV EN T;

. ( aux N 1;, .e De la "gallon?

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230 LE BRAVE.

FINET.

Voyeï l’ozfon,

Il doute de ce qu’il a vu.

HVMEVENTR

C’efi grand merueille qu’elle ait pu

Sortir de cefle maifonq a;Maintenant fans paflër par Cf.Car’cheï nous (ie le fgayfort bien)N] haut ny bas il n’y a rien,(Entre la caue ë le celier,Le galetas 6’- le grenier)Qui ne fait bien clos ê grillé:C’ejl pourquoy fuis efinerueilléL-z

Sifçay-ie l’auoir vu leansi

Finet,Tu te pers bien toy 65 ton rams,’Ma-lheureux, à continuerDe l’accufer 8* l’arguer;

q ’ ,EMEE.Manana’a i’ay fongé vn fangeCelte, nuic’i, qui n’efi tout.’menfonge.

FINETR

Qu’auousfonge’?

’EMEK.

Efcoute pie te ledirayr. A .Entan-le : il peut bien efire vray.I’ay vu vne vifion telle:le fongeoye qu’vne fœur iumelle,(Que feule Fay) efl arriuee l

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COME-DIE. 23xDe Nantes : â qu’elle efi Iogee

Elle &fon amy icy pres.

HVMEVENT.

Il vaut mieux m’aproclzer plus pres,Pour ouïr Iafin de ce coute:A Final un fouge elle conte.

FINET.Acheueq.

EMEE.

le fente); au cœurFort grand plaijir de voir ma fœur,Quand m’a femble auoir pour elleDe la noife (9- de la querelle,Par vn valet, qui raportoitAuoir vu, qu’vn jeune homme efloitAuecque moy, que i’embraflbye,Que le baifoye ê carefloye.filais c’efloit celle fœurjumelleQu’il auoit vue, 8’ auec elle

Son amy quijouofent enfemblelPourautant qu’elle me reflemble.Songeant cela me fuis fâclzee,Comme faulfement accufee.

FINET.

Comme lonfonge en fommeillantCe qu’on fait apres en veillant!Voyci vojlre fouge aduenu:Racontez-le par le menuA Monfieur, ie le vous confeille.

EMEE.

le luy rendray bien la pareille,

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LE BRAVE.

Pour luy aprendre à faire à tortEncontre moy ce faux raport.

HVMEVENT.

Ie fuis en vne peine efirange:Toute l’échine me démange:

On me la pourroit bien frotter.

FINEÎ.

Au moins tu ne peux plus douterQu’elle ne fufl en la maifon:C’efi fait? de taf.

xHVMEVENT.

Vray Dieu c’efi mon:

Alaintenant en doute ie fuis *S’en n’aurait point changé noflre huis:

l’y va voir pour le reconozfire:Tout je]! comme il fouloit eflqre.

FINET.

.Mais voyez ce plaifant benefi:Il ne fçait ou c’efl qu’il en ejl.

Tu es bien fou d’en faire doute:Humeuent, ie le prie écoute:Repcnfe au fange qu’elle afaiéï,

Que tu as tout mis en efieâ,Par vn foupfon qu’as pu auoir,Auee un autre de la voirFaire l’amour; ’

HVMEVENT.

Mais penfes-tuQue ie ne [cache I’auoir vu?

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. couse-Dm: t ,23 3

FINET.

Je. le ora bien à donne toy gardea l lexie? V V paf ta megrairde”NOflre Mazfire en oit quelque vent,

1;. Qu’ilêfn’aèèoùflre mal Humeuent; g

Hvung’NT. ’ u

imaintenant ieÇcommence. :7; iDe [anti]: par experience, l r. ,Que-fanois, aux yeuxla barlue";

neJZÇajvp’lus v l q Vut de’m’en defdire: fifi ’

nuque qu’ay vu! . *

- Vrayment,tuïi’èsdprefqüerperdu ’’ h En faifantïtrçpzle bon valet:

L fies prefquè misïauigibetflMais à,cejte porte j’oy faireQ’ "ë une; il vaut mieuxfe faire.

15”

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234 LE BRAVE.

ACTE Il. SCÈNE IIII.EMEE. FINET. HVMEVENT.

Emma.

ILfaut bien que graces ie ramie,Et qu’aille faire mon ofi’rande,

Que j’ay promzfe fur mon aine,Aujourduy à la bonne DameQu’on nomme de bonnes nouuelles:Qui, maugré les vagues cruelles,Et les vens quifefont émus,Sains ëfauues nous a rendusMon amy ë moy a bon port.filais ie fuis en peine bien fortDe Leauoir ou ma fœur demeure:Si ie lefçauoy, tout afieurele l’iroy veoir : donc il mefemble,Poury’ aller nous deux enfemble,Qu’il vaudroit mieux s’en enquerir,

Afin que la voife querir.

HVMEVENT.

Ho Finet, Finet : ho Finet.

FINET.

Hume-Humeuent, qu’a til fat?

HVMEVENT.

Cefle femme-là qui s’en vient,Eft-ce pas celle qu’entretientMonfieur, ou bien n’efi-ce point elle?

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COMÉDIE. 235

FINET.

Il me femble que ce fait elle.filais c’efi grand cas, fi c’eft Emee,

Que par la elle fait paflee.

HVMEVENT.

Fais-tu doubte que cefoit elle?

FINET.

Appelon la, parlon à elle:A cejle cy (comme il me femble)Rien tant comme elle ne reflemble.

HVMEVENT.

O [à madame Emee, 6 la:Et qu’ejl-ee à dire que cela?Que vous doit on (icy. dedans?Quelle afiaire aueï vous ceans?Vous taifeq : ie parle a vous iizefnie.

FINET.

Plufloflftu parles a toy-mefine,Car ellevne.te refpmzd rien.

HVMEVENT.

1e parle à vousfemnæ de bien,Si tout le contraire vous iz’efles:Le bel honneur que vous nous faitesDe courir par le vozfinage.’

Emee,

A qui s’addrefle ton langage?

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236 LE ’ BRAVE.

HVMEVENT.

A qui,finon à vous la belle?

’EuEE. .

i Mais qui es tu toy? ou bien quelleAfiaire ’auons nousparenfemble ?

HvMEVEN’r. i

Quikie fuis! mais que vous en femble?

SÈME. ,Qu’il m’en femble! n’ejt pas’mauuais:

Comme que fçuflÎe qui tu es.

i ’FVINEr’.

Au moins vous’fçaueql qui ie fuis.

i BÉBÉ. t LBriquedes falcheulx: ien’en puisPlus endurer: vous m’ennuyeztvEt ie vous hay quique foyeq.

l HVMEvïen-c. 4N’auous conoifl’ance de nous

Nullement? .

EMEE.

’ LNonqde nul de vous.

le crain bien fort.

HÊIMLËVLEN’I’L

Etvque crains-tu?

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COMEDIE. 237FLNET.

De m’ejlre quelquepart perdu,Puis qu’elle ne me conozfi point.

HvungVEN’r.

le doute de ce mefme point.

FINET.

Il vaut mieux que ie fçache icy,M’enquerant à ces Meffieurs Gy,Si nous fommes ceux que nous femmes,Oufi nous fommes autres hommes."De peur qu’on nous ait fuie? mangerQuelque charme, pour nous changer.

PIVMEVIËflT.

Moy ie fuis moy-mefme fans autre,

FINIET.

Et moy par faine? Pierre l’Apojire.Femme, que fert ce que vous faites?Efles vous autre que vous n’efles?O là, ie parle à vous, Emee.

EMEE.

Ie ne fuis pas ainfi nomee :.T’appartient-il, gentil coquet»,Me furnommer d’vn fobriquet?)

FxNET.

Comment dona vous appelle ton,Si ce n’efi pas vofire droic? nom,Emee ?. dites vous qu’Emee lA tort Ion vous afurnommee?Comment que vojire nom puifl’e efire,Vous faites grand tort à mon Maiftre.

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e38 LE BRAVE.ÈME-E.

MON

Vous. IljEVM’EE.

sQui ne fuis arriueeQue d’arfoir en cefleïcontree,

Aueçï vnljez’m’e homme de Nanteà

Qui, de m’entrezfen’irfe vante,

Que ie vien de laifler Ieans.?* v

FINIET,

Et qui vous. mene à orleansîî-

E me E;

C’ejt qu’à Naine-fa] eu nouuelle

. Pour certain, que, ma feur jumelle ’.Ejt demeurante. en cefle ville;

. U - le Etna-Î. I.Qu’elle efi fineL- y » ’

Emma. i ’

- , q ’AÆaismal abile,Et bien fimple de m’amuferA vous ouïr icy eaufer:Pourquoy’ie, m’en van»

-HVM;«:KiEN,T. »

ferez; r., Par bien vous ne m’éçhaplereq. .

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COMEDÏE. 239

FINET.

Litige-la, ta malauanture!Qu’on ne te prenne en forfaiture.

HVMEVENT.

le n’abandonray ja ma prife.

Ma main defl’us ta joué affife

Tes machoires fera fonner,Si tu ne veux m’abandonner.

HVMEVEËT.

Que fais-tu la debout àpart,Que ne la tiens de l’autre part?

FINET;

Qu’ay-ie àfaire de m’empêcher

De ce qui pourroit me facher?l’aime mieux garentir mon dosD’eftre batu : a quel proposM’iray-ie prendre à la pipee?Peut ejtre, ce n’eft pas Emee,Mais vne autre qui luy refemble.

EMEE

C’efi afl’eqv mufe’ ce me femble.

Veux-tu pas me laifl’er, ou non?

HVMEVENT.

Bongré malgré dans la maifonIe vous trainerayfi ie puis.-

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LE BRAVE:

EMEE

Ce n’efi pas icy mon logisA cefle porte : mais ie fuisDe Nantes, où eji ma demeure,La ou mon maijtre aujfi demeure:Sij’ay afiaire à Orleans,Ie croy que ce n’efl pas ceansàle ne [gay pourquoy vous me faitesTout ce tabut, ny qui vous efies?

HVMEvENIa

Vous pouueï nous mettre en juftice:Si nefuis-ie pourtantfi niceQue ie vous laifle aller, deuantQue nz’ayezfaii? vn bon ferment,Qu’auffi toft que m’échapereq

Dans cefie maifon entrerez.

EMEE.

Tu me forces qui que tu fois:Et te jure vne bonne fois,Qu’auffi tojt que t’éclzaperay

Dans cefle mazfon entreray.

HVMEVEN T.

Or bien, ie vous donne congé.

EMEE.

le m’en vais auec ton congé.

HVMEVENT.

Vous efies parjure maline.

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321w

COMEISIE’. 24x

FINETI.

Humeuent, tu fais frôide mine:Comment’as-tu lâché ta proyeî’.

C’efl pour elle une courtejoye :Par le corbleu ie la raray,Si tu fais ce que te dira]:Car iefçay bien que c’efi EmeeQui veut nous pazfire de fumee,Celle que Monfieur entretient,Et qui à luyfeul ne je tient.Veux-tu bien faire brauement 2

HvMEVEINT,

Que feraygie ?

- A l anç’r.Va viflenzènt

Leanà, 8- m’àporie une épee.

. MHINMEVENT.

Et quand te l’auray apportee?

FINET.

I’entreray dans cefle maifon,Et tout le premier compagnon,Qu’auec "elle ie frouueray,Sûr le champ lelmafllacreray:Ne crois-tu pas que cefoit elle?

I ançEVENT.

Si fay pour vray.l FIXANET. ’

xL . O la cautelle!De quelle afl’urance el’ parloit!

Iean de Baif. -- III. 16

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242, LE BRAVE.Comment elle diffimuloit!Va tofl, ê m’aporte une épee:

Ce pendant ell’ eft affiegee,

Etfaut que par cy elle forte.

HVMEVENT.

Tout afleure ie te l’aporte.

FINET.

Il n’y a chef d’infanterie,

Argozilets, ou gendarmerie,Qui foi: tant refolu pour faireQuelque entreprinfe ou bonne afiaire, 1.En plus d’audace ê moins de doute,Qu’une femme quand el’ s’y boute.

Comme elle a parlé finement,Sans je couper aucunement!Comment elle a pincé fans rireLe fat, qui ne fçauoit que dire,Son gardecors mon compagnon! ’Maintenant voi-cy tout le bon,Que la vela [andain pafleePar la paroy .qui efl perfee.

HVMEVENT.

Ho Finet -’: nous n’auons que faireD’une épee pour cefte afiaire.

FINET.

Pourquoy non? qu’efl-ce qu’il)" a?

t HVMEVENT.

Car en la maifon la voylaLa maiflrefle de noflre Maiftre.

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* c’c-"oieMÏÈÙ 1 in?

[Phi E f.

.1. Inn a i .L

HVMEKENT-»’Ç0m1nenf2’ n il

Étrange

; flfi’éê’î’liafltï? enfleurage-’9’ .

Laquelle eji icy pres logeai.

HYMEVZEEÇT. I

En la.mado’n.’.:commespeut»-ce offre?

Deauoir’aïnfi meprie V li

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244 LE BRAVE.FINET.

Pour tout vray ce fufi fait de toy:Encor ais-tu trop babillé.Maisfi tu es bien confcîllé,

Tayitoy : Qui bien feruir defire,Doit toufiours plus Ifçauoir que dire.Or ie m’en va pour n’efire pas

Ton complice : car CES debas,Que fais auec nojlre voifin,Ne peuuent prendre bonne fin.Si monfieur reuient, ie fera]Ceans, dOÎl ie ne bougen’aj.

ACTE: Il. SCÈNE v.HVMEVENLT. BONèTAMS.

HYMEVENIT.

8’ EN eft-il allé le galant?

M’a til laifle’ le nonchalant?

Qui, de l’ajaire de [on .Maijtre,Quelque grande qu’elle puifle efire,Non plus de peine ne je donne,Que s’il neferuoil à perfonne.Or iefçaf bien que noflre EmeeEjl dans la maifon enfermee:Car tout afleure ie l’ay uneLeans, fur un lié? eftcnduë.Alaintenant ie n’ay autre afiaireQu’a faire ma garde ordinaire.

BONTAMS.

le croy que cefle valetaille

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commua. 245De ce Capitaine, je railleDes miens 6’- de moy-mefme, commeSi ie ne fzifle point un homme,A voir les bons toursqu’ils me font:Encor tout afieure ilsfe font lAdrefl"e.ï, voire en pleine ruéA mon hojlefl’e : &l’ont tenue",

Et fans nul refpeâ tiraillee,Et tout publiquement raillee,Bien qu’elle fait de bonne part:Laquelle hier au foir bien tardDe Nantes icy arriueeEn nofire maifon ejl logeeAuec un de mat conoiflaizce.

HVMEVENT.

C’ejt j’aie? de moy.’,j’ay grand doutance,’

Qu’à moy tout droiét il ne s’enjuienne.’ "

I’afpeur que grand mal ne "l’aduienneDe tout cecy, à l’ou’ir dire!

Si ne faut-il que me retire. l

BONTAMS.

Humeuent, n’a ce-pas elfeToy, grenier de méchanceté,Qui tantofl deuant ma maifonAs, fans propos êfans raifon,Si mal mené ma panure lioflefle?

HVMEVENT.

Voifin oyeï!

B ONTAMS.

Que iç le laifleParler taf?

HVMEVENT.

le peu m’excufer.

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.246a

Lia-l. BRAVE.

» Bonmnis.

[Peux-tu *dfauczine.excufe nife): ’Qui t’excufe,’toy qui as fait? H

QSi méchant a tâché foi-faim.Sous’ombre Lquekn’vlô’us brigandez, q

Faut-il; (pendard que pref’ende; fD’auoi leneralpriuilege lDe tout outrage ë [acrileèeP’i-H

’ vaMÈVENT, ’

S’il transfilai

VBbVËTÀns. V

l Mais Dieu me; maudiel-* Si ta mauua-iftie’n’efi punie’ ’ D’une-punition acridine;

Si on nlvfefur ton échine-Vne douzainerder’balêsh "Qu’une dougaine’dezvalês, L

Singlans à plein bras. emploiront,Qui tour à tour te foiterontDepuis lemmatin jujqulaujeîrz.Toy,’,’qui jaisfi bien tondeuqir

De venir inestuilles trajets; l fEt furvma’mazJon. traçaÆer-, , ’

Allant apresvvne guenon:Toy, qui ne le faifoisfinon.’Pour dans mon logis épier, lDequoy des faux bruïs publier:vaTo], quias yiifaîreïcarefl’eA’ man hojtefauéè’ymon hoflefle :

Tôy, quine ofe’kfaufl’ement v

Charger de mal gOuziernemïent.« ’L’amie à ton ’Maiflrewinn’ocente,

Et moy d’une faute méchante:

Bref; taf, qui as deuant ma porte

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COMEDIEL 24"Traité mon hojtefle en la forte:Si pour tant de méchancetéTu n’es foité 6’» refaite,

Etfi ton Maijtre n’en fait conte,Luy feray la plus belle honteQu’il reçut oncques de fa vie.

HVMEVENT.

Las! ie fuis en telle agonie,Seigneur, que ne fçay que dey faire,De contefler ou de me taire:Oufl ie vous doy demanderQu’il me fait permis, d’accorder

r A tout ë tant qu’il vous plaira:A fin que quand vous fembleraQu’elle mefme nefoit pas elle,Ie protefie que ce n’efl elle:Ou,fi vous trouueï bon que j’vfeDe quelque maniere d’excufe, ,Ie ne puis penfer bonnementQue de]? que j’ay vu (tellementCejte Dame-là de che; vousReflemble à celle de chez nous)Sinon que cefufi elle mefme.

BONTAMS.

Va voir en ma m-aifon toysrnefme:Tu le fic-auras tout à loifir.

anevenr.Vous plaifl-il?

BoNTAns.

Me feras plazfir,Pourueu qu’y voifes doucement.

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248 LE BRAVE;

HVM EVENT.

Auffi feray-ie aflure’meni.

B o N uns.

Olà Emee : ça icy, qCa chez nous : il le faut ainfÏ-Puis auffi toji que HumeuentSera forti, haï dauant,Dauant clzeï vous, qu’on je retire,A fin qu’il ne [cache que dire.Alaintenaiit fuis en defianceDe quelque malheureufe chance:Si la Dame à point ne je trquue,Nofire fineflefe découure.

HVMEVENT.

O Dieu! penfe que, Dieu mefmeRien plus fembqlable ny’plus mefineNe pourroitgfaire, quegla voflreRaporte ê refemble a la nofire.

1:30NTAÂÎISi

Quôy? maintenant qu’en penfes-tu?

HVMEVENT.

I’ay merité d’eflre batu. .

BONTAMS.

Bien doncques Humeuent, efl-ce elle?

HVMEVENT.

Bien que fait elle, ce n’ejl elle.

BON-mus.

Tu l’as pu voir [tout a ton aife.

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COMEDIÈ. 24gHVMEVENT.

Ie l’ay vue", comme elle baifeEt comme elle embi-afle vojire hofle.

BONÎAMS.

Au moins tu reconois ta faute.

HVMEVENTL

Encor ne fçay-ie bonnement.

BONTAMS’.

Veux-tu jlcauoir certainement?

HVMEVENT.

le le veu bien.

BONTAMS;

Va t’en leans

Voir che; vous, fi elle ejt dedansVojlre maifon.

HnMEVENT.

Vous dites bien :Tout afleure ie m’en reuien.

BONTAMS.

Ie ne vyjamais de ma vieVne plus belle tromperie,Ny meilleure, ny mieux menee,Que la troufle qu’auons donneeA ce benejt de Humeuent,Qui a humé fon’fou de vent:

Mot: voy-la- qu’ilfort de leans.16”

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LE BRAVE.

HVMEVENT.

le vous fupply feigneur Bontains,Au nom de Iefus &fa Aiere,Du faine? Efprit, de Dieu le Pere,Et des Anges ê des Arcanges,Desfainéts conus 6’- des eflranges,Toute la Court celeftielle,Qu’à mon aide entiers vous j’appelle:

le vous requier ê vous conjure,Ie vous fupplie â vous ajure,Par vofire douce courtozfiePar mon indifcrete folie.

BONTAMS;

Qui a til?

HVMEVEN T.

Qu’a mafotife

A ma fadeqe, à ma beflife,Il vous plaife de faire grace:I’ay bien conu ma folle audaceTout maintenant, 8» ie confefleA la paifin ma grand’fimplefle:Ie n’auoy fens, yeux, ny raifon:Car Emee efi dans la maifon.

BONTAMS.

Doncques, pendard, tu les a vuesToutes les deux?

HVMEVENT.

le les ay vues.

BONTAMS.

Or maintenant deuant ton Maijlrele veu te faire comparoifire.

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xi . ce menin: i255ii »

SeigneinflÏie qu’ayane, àD’eflFe’ bien malement’ trdiâ l

’ à! ay-fa-iâ (Le le confeflep grande? ’iniùre à aiguë h’ofle jeu

Que; l’une ce, lidûireq’fejl ’efehble * V»

Et vdanSÏvOjfie court ïp’

gardég’iej ne le nie. «l *

J , B ouï-Ans;

* x

. folie Il

se: ï qu’il ue-fèuudufEmeè " ’ *

V ’1’" épenfôis’auoir radiuifee,

clairement a »A lourdement;

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J.LE; VER-A VïE .,

Boy en M,s»..

Ie tien la fimplefl’e pour vice;

Car vnnbon jaugeur;doitejire,(S’il entendflbjen [on gdeuoir), maijlre v

g Dçqjes fçuæ, fesîngzg’nsmêfa bouche.

L l sinisez-m;Moy,fijamaistj’ou-ure.la bouchePour deboueherfufigce le) vray,Delcela mefine quefiaur’ay, -.le voushalzandonnezzna vie :Cefàe [enlevois (ie vous prie)Pardonnez moy nia-folle.erreur.,

Bonn-AM5.

le ne veux pas teninmoncœur:Pour ce coup me commanderay,Etjnefmeaeeroire me feray,Que tout le mal qui a (lié,Ne l’as fdiât’p’ar méchanceté;

le te pardonnePerfte ofienfe,

L x ’HAMMÎEVËN T.

Dieu vous en ndoint-ulafrecompenfe.

B ou T’A’M 3.; a

Mais [gais-tu bieqnî’Lji tu es fage,Tu ivefi’aindras tonfOl langage, ’Et dorefiiaua’nt nefçaras A lC de; nié-M? au; il! fèdl’tëâ, z

E t cela mefme qu’aras vu;Humeuent, tu ne l’aras vu.

HYMEVÉNT’.

enflamma k6” ié delilgere -

Parcyïapres d’ainfig le faire. . v

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ÇOMEDLE. 253filais; s’en va til contant de moy?Ne vouleïvous plus rien de maya.

BONTAMS.

Que tu ne [caches qui iefuist

HVMEVENT.

le m’en garderayfi ie puis,Ce [ont paroles qu’il me donne q.Cefie douceur prompte n’ejt bonne,"Dont il a retraintfa colere.le deuine ce qu’il veutfere;C’efi afin qu’icy Ion me prene,

Auffi tofi que le CapitaineMon maijire fera de retour,Si chez: nous ie faifoyfejour.Tous deux (à Ce que puis comprendre)Finet é,” luy me veulent vendre:Pour aujourduy faut que me pageDe m’apafler dans cefle nafle: ilIe m’en va fuir quelque part,Pour me retirer à «l’écart :

Cependant que ces brouilleries,Ces courroux. 8* ces fâcheries, aAuec le temps s’afloiipiront,Ou pour le moinss’adouciront;Car ie ne puis ejlre traitéSi mal que ie l’ay merite’.

filais quoy qui m’en puijfe auenir!le ne [cant-ois pas me tenir .De retourner en la mazfon.

BONTAMS.

Il n’efi plus icy nojtre oifon:A bon droit? ainji ie l’appelle,Puis qu’il n’a non plus de ceruelle:

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laLE BRAVE.

ACTE HL

Et qu’il confefle n’auoir vu

Ce que tout afteure il a vu.Son feus, [es oreilles, [es yeux,Sont à nous : on ne pourroit mieux,Tant la fenzmefoudaine êfageA bien joue’fon perfonnage.Or ie va rentrer au confeil :Finet efl chefde ce confeil,Voire. efl tout le confeil luymefme.Humeuent de frayeur tout blefineN’a garde afieure de venir. .Cheï nous le confeil faut tenir;le ne deniray ma prefenceEn vn fait? de telle iiizportancg

FINET. BtONTAMS.

CONSTANT, Amoureux.

FINET.

TEN 1:2 vous vn peu dans la porte,Et permeÏEï que feul iefortePeur faire autour la decouuerte,Qu’icy quelque embufche couuerteNe decouure nojlre entreprife:Sur tout gardons nous de furprife,Et puis que nous voulons tenirLe confeil, il nous faut venirAflembler en lieu de faurté,

SCÈNE L

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’ COMÉDIE...” 255

De tous ennemis écarté,

De peur que [cachans nos deflains,l ’Iis’iieîïviennent les; rendre vains.

La mieux entreprife entreprife,S’elle efl’defc’ouuerïe ’48 furprife,

Beutil’eiinemy ailantager,Et par aïnfi nous domagler."Le bon confeil mis en» allantE]? dérobé le plusfouuant.Si l’ennemyfçait ton cônfeil,

Auecque ton propre confeilIl te vient combatre ë’defaire,

Et te fait. ce que luy. veu-xnfaire.Mais .ie veu faire wifi bon guet,Que ny çà nylà il n’y ait,Ny à dextreuny qàfenejlre, « . .Nul découureur, quel qu’il püifleeflre,Qui édente cequ’on leur brafl’e.Ieîv’oy. d’icy iufqu’en laïplace,

Ettant lOingjque’puis regarderle,’evlv’o”:nu’lkpour’nous garder Ï ’

Defortirf O, feigneuruB’ontams,O, Confiant, forteq de leans.

BONlTAMS. .

Nous voyci proms a t’obeîr.

V FIN.ET.

Aife’mentfe fait-ob’eîr V » .m’ÏQùi à des». gens de bien commande:

Mais il fautaque ievous-demande, .Le mefme co,nfeil:qu.’auons pris

Leans’, furie fait entrepris, QLe tie droits nous de point en-point?

s

B. Ô NÎÀMÈ!’

Et q’ .féz. émanons mieux à point?

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256 in; BRAVE.

FINET.

Confiant, que vous plaifl il d’en faire?

L CONSTANT.

S’il vous plat]? me peut-il déplaire?

BON’TAtts.

Par bieii ’ie vous en aime mieux.

CONSTANT;

Vousn’ejiès’que trop gracieux.

BONITAMS.

le ne fdyîfinonlmon deuoir.

CONSTANT.

Mais tout cecy me fait auoirVn remors en ma confc’ience,

Qui me fait creuer quand i’y penfe.

BONTAMS.

Et qu’efi-ce qui vous fait creuer?

CONSTANT.

Dequoy ie vous fay garçonnerAuec nous en l’âge où vous ejles:

Et dequoy pour moy tant vous fêtes,Que d’oublier la grauité,L’honneur ê la feuerité,

Qui accompagnent la vieillefle,Pour obeîr à ma jeunefle,En chofes que voflre âge fuit,Plus volontiers qu’il ne lesfuit:Et certes i’en rougy de honte.

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comme. 257BONTAMS.

Vrayment, fi rougifleq de honteDe chofe que vous puiffieï faire,Vous pafleï la mode ordinaireDe tous les autres amoureux,Etji n’efles point amoureux:Vous ejtes l’ombre d’vn amant

Plzijloft que non pas vn amant.

CONSTANT.

Que facieï en l’âge ou vous efles

Pour mon amour ce que vous fêtes?

BONTAMS.

Que dites-vous? quoy? vousfemblé-ieEflre quelque idole de nege?Vousfemblé-ie efirefi café,

Si radoteuse, page,Que ie ne doyue plus m’ébatre?S’auec cinquante ans Feu ay quatre,C’ejt tout Page que puis auoir:Il n’efl poffible de mieux voirQue ie voy : ny d’aucir les mains,Les bras, les pieds, les nerfs plus fains.

FINET.

Combien qu’il ait les cheueux blans,Son cœur ne fent rien defes ans:Sa naturelle geiztillefleS’accommode auec la jeunefl’e.

CONSTANT.

Finet, i’ay faiâ afl’ez d’efpreuue

De Ce que tu dis : â ie treuueQu’autant de gaillardife abondeEn luy, qu’au plus jeune du monde.

kan de Baif. - 111. ,1 17

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258 LE BRAVE.

BONTAMS.

Mon hofle plus m’efprouuereï,Tant plus gaillard me trouuereï,Et prompt à vous faire plaijir.

CONSTANT.

Je le conoy tout a loifir,Et n’en veu plus d’experience.

BONTAMS.

En tout afaire d’importanceNe peut mal faire pour autruy,Qui fait autant connue pour luy:Nul ne plaint, s’il ne l’afentie,

Defon voifin la maladie:Celuy qui n’ara nullementSenty l’amour, malaife’ment

Supportera les amoureux,Ny ne fçara faire peureux.Quant efi de moy, toute ma vieL’enfeigne d’amour ayfuyuie:

Encore fens-ie dans le cœur,D’amour quelque chaude vigueur,Et ne renonce’aux amourettes:Viue encor l’amour des fillettes.Cejie amour gaillarde à” iolieN’efi pas en moy du tout tarie.

FINET.«

Si le prône fuit le proémeVoyci vn fermon de Carême.

BON’FAMS.

Si quelque bonne compagnieS’aflemble, ê drefle une partie,

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COMEDIE. 259le ne fuis des derniers en voye:Ie ne fuis point vn raba-ioye:S’ily a quelque mot pour rire,Iefuis des premiers à le dire,Toutefois fans blefler perfonne :Car ce los un clzafcun me donneDe celer ce qu’il faut celer,Et parler quand il faut parler.

FINET’.

Ie ne [ce quand il feroit fage’,S’il n’ejtoit [age de cet âge.

BONTAMS.

Ie ne fuis de ces vieux baùeux, VCracheux, toufleux, chagrins, marneux,Qui vont bauardant fans repos,Et ne difent rien à propos:Ny ne fuis de ces Montaignats,Grifons, Bergamats’, Auvergnats:Mais z’ay cet heur que ma nazflanceC’eji Orleans le cœur de France.

FINET.

le ne fer icy que de chifre:Vela Bontams qui je déchifle.

BONTAMS.

Si fçay-ie plus d’vn pain manger,L’ayant apris à voyagerLes Itales, à” les Efpagnes,Hautes ë bafl’es Allemagnes.

CONSTANT.

O heureufe. vofire vieilleflie,D’auoir payé voflre jeunefle

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LE BRAVE.

Si gaillardement! Ie ne panfeRienfi doux, que IafouuenanceD’auoir bien employéfa vie.

, BONTAMsyQuelque chofe que ie vous die,Vous me conoiflreï mille foisPlus fecourable ê plus courtois,Que de parolles, à l’efiec’i.

Blaisfi me trouue en vn banquet,On ne voit iamais de querelleSourdre par moy. Si quelque belleS’y venoit trouuer d’auanture,Moins de cœur que d’embonpoint dure,Et que ne fgufle qu’à demyLa pourfuyte de quelque amy,le les couure de mon manteau.

FINET.

C’ejt fait en tresbon maquereau.

B o NTAMS.

Si i’y rencontre quelque veauQuifoit importun &fafcheux,Sans faire bruit, d’auecques euxle me dérobe bellement,Fuyant tout chagrin 6* tourment.

CONSTANT.

Ce n’efl que toute honeflete’,

Douceur ê gracieufetéDe vos façons : 8» n’en efl guiere,

Qui foyent de femblable maniere :Et ne s’en trouue de vojtre âgeVn autre, quifoit d’auantageAmy à l’amy pour l’afi’aire,

Ny quifoit plus prompt atout faire.

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COMÉDIE. v 26!

FINET.

Il eft trop ouuert c9 benin,Et courtois pour vn bon Guefpin.

BONTAMS.

En tout 8’ par tout vous ferayMe confefler, que ieferayEncores garçon garçonnant:Ca voflre vouloir feulement.

FINET.

Ses louanges il continue.-Layon-le : il ejl en ronfle vue".

BONTAMS.

Auous befoin d’vn pelerin,Qui fait depit, rude c9 chagrin?Me voylà tout rebarbatif.Aueus befoin d’homme naïf,Traiéîable, doux ë gracieux?Encore le feray-ie. mieux,Auecque plus feraine faceQue la mer, quand ilfait bonafle.Me voylà plus fier qu’vn lion..Me voyci plus doux qu’vn mouton:Ie fay ce que ie veu de moy.Faut-il boire d’autant? ie boy.Faut il louer? faut il quiller?Sauter, dancer, ou babiller ?-Iefuis pre]! : ie ioue, ie quille,le faute, ie dance, ê babille.

FINET.

C’ejt vn vray Bontams confomé,Et n’ejl pas à tort furnomé.

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LE BRAVE.

CONSTANT.

Voylà tout ce qu’il faut en femmePour accomplir vn galant homme:Etfij’auois àfouhaitter,Ie ne fçaroy pas foulzaiterRien de plus, finon que ie fufleVn jour tant heureux, que me pageReuancher des honejteteq,Par lefquelles tant meriteqEn mon endroiâ, à mon befoinQui preneq pour moy tant de foin.Mais pour ma longue demeurance,Ie crain vous charger de defpance.

x

BONTAMS.

Aa Confiant, vous n’eftes pas [ageDe me tenir tout ce langage.

FINI-3T.

Le vieillard je met en colere:Non jet, non fét : ilfe modere.

BONTAMs;

La defpance ejt vrayment defpance,Quand on la fait en déplaifanceOu pour vne femme mauuaife,Ou pour vn homme qui ne plaife.Vne defpance quand elle ejiPour vne perfonne qui plazfi:Vrayment la «defpance ainfi faiéteN’efi pas defpance, mais emplaitte:Et ce n’eft pas charge, mais gain:l’y pran plaifir, 6» ne m’en plain:Car ie [gay que le bien n’efl bien,Que d’autant qu’on l’employe bien.

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COMEDIE. I 263Riez, ioueg, beuueï, mangeg, ’Galopex, cour-ex, alongeq,Rognex, bref, preneï le couteau,Trancheq à mefme le chanteau.

FINET.

Le bon prefident de fabrique?Il fait aux marguilliers la nique.

BONTAMS.

.Ma maifon efl libre, 63 moy libre,hi veu que vousyfoyeq libre,Pour vfer de tout librement,Auec entier commandement.Ie puis bien le dire de moy,(Dieu mercy) i’auoy prou deqlloy,Pour époufer femme de biensEt de maifon : mais ces liens(Tant foyent facreq) de mariage,M’en ontfait perdre le courage.I’ay toufiours craint (ë n’ay mépris)

En voulant prendre d’efire pris, ’Ma vie efiimant plus heureufe,De n’auoir vne controleufeDe mes plaifirs, en ma maifon.

C ONSTANT.

L’homme plein de bonne raifon .Et de bon feus! car vous preneïLe mefme confeil que doue;A vos amis, Seigneur Bontams:Mais fe voir force beaux enfans,,N’ejI-ce pas vne belle chofe?

BONTAMS.

C’ejl bien vne plus belle chofeDe maintenir fa liberté:

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264 LE BRAVE.

l

Car quand auroy-ie afin: quefle’Pour trouuer vne preudefame ?l’y perdroy mon corps 8° mon aine.

FINET.

Si en eji-il des preudefames:Tout beau, falllIEï l’honeur des Dames.

BONTAMS..

Mais voudriez; vous que i’en prifle vneQui Îne fufl tozlfiours importune?Qui, alors que ie voudroy rire,Voudroit tanjer, me venant dire,De rage â depit tranfportee,Vne telle ejl mieux habilleeQue ie nejuis, ëfi n’efl pasDe tel lieu, 8» n’en faites ces:

Vn tel traite mieux vne telle:Vne autre vous jembIe plus belle:Qui, quand faudroit je mettre à table,Ayant vne bande honorableDe mes amis à feftier,Ne feroit que geindre ê crier,Contrefaijant de la malade,Auecques vne mine fade:Qui rebuteroit mes amis,Qui attrairoit mes ennemis:Qui par des graces trop poupinesMe planteroit le cœur d’épines,

Etjemeroit dedans les cœursDes muguets amoureujes fleurs.

FINET.

Il n’y a ordre qu’on l’en tire:

Il faut qu’il acheue de dire.

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î

45W Jeux: e au mon

5

COMÉDIE. U!

’lBOerÀlilhse V

Bref, llajprijon de mariage, ’vPleine devdejpoir â de rage, IRetient ceux qui font pris dedans,Crians êplaignans tout le tamsDe leur vie, qui n’eji pasvie,filais pliijlojt de mort vne enuie.Et comme celuy fou-feroit,Qui de [on gréje ietteroitDans les cachas des malheureux:Ainfi feroit trop malheureux,Trop malheureuxâ moins que juge,Qui entreroit en mariage,Spaclzant les malheurs, que ie [gayPar autruy, fans en faire eflay.

FINET.

Vn bel exemple prent en luy ’

Qui [e chafiie par autruy.

BONTAMs.

Et celuy qui ne voudrajuyure’Mon aduis, qu’il s’en voifeiauîliure

Des quinïe’joyes de mariage:Il ejlfou s’il n’en vient plus jage.

:CÏONSTANT.

Dieu vous doint l’accomplifl’ement 1

De vos defirs :joigneujementlMaintenez cette liberté,Ou perdez la belle clartéDe ce douxfoleil : car la vie

.Qui n’a liberté n’eft pas vie:

Etfi vous en forte; dehors,Metteïvousau:nombre des; mOrs. -

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206 LEtBRAVE.

Toutesfois Dit Jjai’tibçlle grace,A qui ejl’riclie de grand’ race,D’auoir desenfansdeqfànmom; m I .Pour lame. ’vn’snoble renom v

Defoygàlapofleritéw .

Vine ma damée liberté-f t " v

’FINET. * A

A ce, que voy» ce n’efl pas .tout,

NOzis n’en jommesencore au bout.

l ’ B ONTÀM S.

I’ay prou de confins? parens:Pourquoy voudroyfieïdes enfans ?Lle vy maintenant dmônç’aife, . vEt ne v’Oy rien’qui me ’déplaije:

Et. quand ’ie viendrois à mourir, - *C’eft armes’parens à courir

Qui ,aJuqçeffipn ’ vIndique bqniœzefiesiëîen - -.

I Etfil’i-aleiqu’ils me parient, .. .

Me. vijit’ent, me ,reconjortent,,ç

Me traitent, prennentjoin dewmoy,Deuant jour accourent, a moy,Et me demandent en mon lift,

i q pofé minuta...Et les tien: comme ’meïs enfa’ns;

Mefnie ils mîe’nuôyenti’des pre’je

vFIÏNET; .

. Qui, conduit,fiabiençfontafiére, . .IFÏait, le4mignard non; pas-île- 17,612». I

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COMÉDIE, 26 S1

BONTAMS.

Et s’ils ont quelque nouueaute’l’en fuis le premier milité:

C’ejt à quiplus me donera:Et celuy la s’eflimeraD’entre eux le plus defortuné,Lequel m’ara le moins doué.

Mais quand ces prejens ils m’enuoyent,C’ejt qu’apres mes biens ils aboyent,

Et cependant ie les leur garde,Et ne dy mot, 8* les regardeFaire leur faiâ, êfay le mien,Ne faijant pas jemblant de rien.

FINET.

Parbieu Bontams tu n’es pas fat,De faire ë de ne dire mot.

CONSTANT.

h Vous eftes merueilleujementAleize’ par vnjain iugement.Et fondéjur bonnes raijons.

BONTAMS.

C’ejt comme mille occajionsDe malheur c9 d’ennuy iefuy,Que ie fentirois aujourduy,Si j’auois vn nombre d’enfans.

Ilsjeroyent ou bons ou méchans,Ou bien forme; ou contrefais:Premierement s’ils ejloyent lais,T ortus, borgnes, manchots, bofl"us,Torcouls, piebots, boiteux, crochus

.Penjeg comment me deuroy plaireDe me voir de tels monfires pere.

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268 LE BRAVE.

’FINET.

le trouueroy tous ces dijcoursAfleï bons, s’ils ejtoyent plus cours.

BONTAMS.

S’ils font méclzans, quel reconfort

Defirer elfes fils la mort!S’ils ejtoyent bons, beaux, agreables,I’auroy des peines incroyables,Craignant qu’il ne leur aduinjt mal:Qu’ils ne tombaflent de chenal,On qu’ils ne chenfl’ent dedans l’eau

Deflns vn pont ou d’vn bateau,Ou qu’ils ii’ezlfleizt quelque querelle,

Ou bien quelque autre peine telle.N’en ayant, de joing fuis delinre,Et ne laifl’e pas de bien viure,.Ne penfant qu’a me traiter bienEt quand ie fuis bien, tout ejt bien.

FINET.

Ils nous tiendront icy long tams,A depeindre vn Roger-bontams.

CONSTANT.

Vn homme tel efl demy-dieu:Et vraym-ent ie voudroy que DieuDepartift aux humainsla vieSelon leur valeur,- ê l’enuieQu’ils aroyent de bien faire au monde:Et que ceux en qui plus abondeLa bonté,vejquifleutlong tams:Et que ceux qui jeroyent nze’chans,Y enflent le moins de duree.

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COMÉDIE. 269

FINET.

Mon M’aifire en dit [a ratelee,Nous en arons belle pallee.

CONSTANT.

Si telle regle ejloit gardee,On ne verroit entre nous hommesTant de mauuais connue nous femmes:Et ne ferionsfi hardimentLes maux qu’on fait communement.Les terres des méchans vuidees,Tous les bons enrayent leurs condeesPlus franches qu’ils n’ont maintenant:

Et nous verrions incontinantL’age d’or icy retournee:

Et comme par la benne annee,Toutferoit de chagrin deliure,Et ne feroit plusfi cher viure.

BONTAMS.

Il efl fou, qui ofe entreprendreLe conjeil du grand Dieu reprendre...

FINET.

A Dieu Bentams ë chere lie,Il je fende en theologie.

BONTAMS.

Qui du joleil épand les raisSur les bons &jur les mauuais.Mais il faut ce propos changer:Parlon d’aller tantoft manger,le vous veu faire bonne chere,Ie dy chere lie à” entiere.

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LE BRAVE.

FINET.

Il laifle la Dieu êjes jaints,Et reprend jes premiers defl’ains.

CONSTANT.

Or voyant vojtre cœurfi bon,le n’ay plus ny peur ny joupçon,De vous donner charge ou dépenje:Mais iejuis marry, quand ie penfeQue metteï plus que l’ordinaire.Pay vne requejie à vonsfaire,Que me traitieï en ménager,Comme amy, non comme ejiranger,Sans grande jomptuojite’:Ie hay la juperfluité.

BONTAMS.

Mais mon amy, donna-vous gardeQue vous ne facieq par mefgarde,Connue font de bons altereq,Qui à vnfefiin conuieq,Voyans vne table chargeeDe force viande, rangeeEn des plats (:3. des écuelles,Vent criant des parelles telles,Que d’excés.’ cet homme je perd:

Faijon le mettre au papié verd.

FINET.

En voyci d’vne autre cuuee :Il ne démordraja hauee.

BONTA MS.

.Mais quand leur aboyante faimVne fois fera mije en train

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COMEDIE. 271De bien pelifler â bien mordre,Par entre eux il n’y a plus d’ordre:Ce [ont loups afiameï de rage,Et ne tiennent plus ce langage:Sans parler, les barbes remuent,Aiguifent leurs deus, &fe ruentTout par tout,*fans difcretion :Et font telle execution,Que des perdris, ramiers, becafles,Ne lament rien que les carcafles.

FINET.

Efcouteï comme il en depe’clze,Ce vieillard à la bouche fre’che.

BONTAMS.

S’ily a quelque venazfon,Ou coq d’Inde, ou pan, ou heron,Ils ne font pasfi déganta,Que iamais ils difent, Oujleï,Garda-le pour le manger froid,Il n’efl pasfi bon chaud que froid:Oufle,ï ce lapin, quife pert,Pour mettre à la barbe-robert:filais à qui mieux mieux, Ion gourmandePar honeur, toute la viande.

FINET.

Encor un peu de patience,Et puis nous aurons audience.

BON TALIS.

Donna-vous garde anffi defaireComme on voit les Aduocas faire,Qui difent, Il n’en faloit point,Etferrent le poing bienapoint:

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LE BRAVE.

Ou que facieï comme les belles,Qui, gracieufenzent rebelles,En criant nenny, font ouf.

FINET.

Or ie vous ay afl’eï ou)":Vous parle; bien, ie n’en fay doute:Mais il efi temps que Ion m’écoute:Traiton maintenant de l’aflaire.Oyeq tous deux ce qu’il faut faire:Allais, Bontams, DOllePOlllleï tout,Pour mener la befogne à bout:Car i’ay inuenté une troufle

La plus gentille ë- la plus douce,Que Ion fçalll’Oit point machiner,

Pour le Capitaine atrapper,Quelque lzault hupé qu’il puifle ejlre:

Et feray que Confiant mon maifire,Par la rufe que j’ay tramee,Ara toute à luyfon Enzee:S’il veut, d’icy l’emmenera,

Et auec elle s’en ira.

BONTAMS.

Ce moyen ie voudroy [calleux

FINET.

Cet anneau ie veu donc auoir.

BONTAMS.

Pourquoy faire?

FINET.

Quand ie l’ara)’,

Ales rufes vous dechifreray.

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.COMEDIE. 27-3BONTAMS.

Tien, arde t’en. a.FINET.

Auffi teneqlLes moyensque fay defeigneï.

BONTAMS.

Ouuron-luy toutes nos oreilles,Car il nous veut dire merueilles.

FINET.

Ce Capitaine Taillebras«Eflfipaillard, qu’il n’en ejt pas

Vn plus au demeurant du monde.Mais fçauez-vous comme il je fondeSur l’amour, penfant ejtre aimé,De toutes femmes afiamé?C’ejt l’amoureux des onze mille

Vierges : e tant il ejt abile,Qu’il noya une cheure coifee,Il l’aime de prime arriuee.

BONT.AMS.

I’en croy bien plus que tu n’en dis.

FINEÎ.

Il s’ejtime eflre un AmadisEn beauté : à” qu’il n’y a femme

Dans tout Orleans, qu’il n’enflamme

Defon amour, ë qui n’en meureTant que les rues elle en queure.

BONTAMS.

A quelpropos tant de langage?l’en canois encor danantage:Tu n’en mens de mot, bien le [ce-je:Mais le plus que pourras abrege.

lean de Baif. -- III. 18

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274 LE BRAVE.

FINET.

Fornirieï-vous de quelque belle,Qui eufl l’efprit plein de cautelle,De dol ë de fubtilite’?

BONTAMS.

De haute ou baye qualité?

FINET.

De la qualité ne me chaut:Celle que bailler il me faut,Soit quelque fille quife prefie,Et quifoit à toutfaire prefie,Pour de l’argent : en femme il fautQue le bas nourrifle le haut.Sur tout qu’elle fait aduifee,Non jatte, mais fine 6’» rufee.

BONTAMS.

La veux-tu braue à,” bien empoint,Ou bien ne t’en foucis-tu point?

FINET.

le la veu bien empoint : refette,Poupine, vermeille, jeunette,La plus en tout qu’on pourra faire.

BONTAMS.

Puy une chalande ordinaire,Qui efi en fa prime jeunefle,Toute propre : ë pourquoy faire ejl-ce?

FINET.

C’ejt pour la faire incontinantVenir chef vous, tout maintenant:

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ÇÏOMEDLIEQ à75K

A fin que cette bonnefille; a -En fame de bien on.abille,,g .Et de robe, Sade chaperon; iEt qu’elle apurennefao leçon. -De forte,c,qu’elle contreface 1De parade parole, â de face,le d], vojtre femme époufee,Ejtant pour telle fuppofee:Mais il faut l’infiruireê l’apprendre.

. :Ï-Éènrlmsn ilEncorenejlcay-ie où tu veux tendre.

q FINIËT. .* Vous le [curez vainoslqu’efaittgîiiere.

At elle quelque chamberi’ere? l -

Bo-Nràîns. ’

Vne elleen a,.fine;fifetee, l ILa langueafilee, fafietee,,.ï) I ;Propre à porter un boiimeflage, qEtfi n’efl; laide devifage..k

v LFLILNÉVTs 1: .Ellenousfaitfbefoingaujfil 7*Orïî ant’ces deux filles le]; iIÎordpiznè que cette mignonne,Qui’efl la maiflrefle, s’adonneA faireqtrefbien fem’blant ldlefire

’ w 710n.Maijt1je,

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276 LE BRAVE.

Et qu’apres ie Paf reçu d’elle:

Et puis de la part de la belleFaudra que tresbien le prefanteA Taillebras, fans qu’il euanteQui enfera le vray donneur:Et de toufferay moyenneur.

BONTAMS.

I’enten bien, fay le conte court;Parle bas, ie nefuis pas fourt.

FINET.

Or puifque vous nuenteude; bien,Cet anneau ie deuroy tresbienAu Capitaine : 8» luy dirayQue de vojtre faine l’aray,Qui me l’ara fuie? apporterEt bailler, pour luy prefenterDe fa part, afin que ie faceQu’elle fait en fa bonne grace.Si tôt qu’il en erra parler,On le verra d’amour brufler:Ie fçay le naturel de l’homme,Qui ejt de ne vaquer enfantineSinon à toute paillardife :Son cœur n’efl en autre entreprife, lC’ejt le plus beau qu’ilfçaclze faire.

BONTAMS.

Deux plus propres à telle afiaire,Plus adroiéles, plus aflurees,Ne pourroyent ejtre rencontreesEn toutes les villes de France,Que ces deux dontfournir ie panfe:Ne te chaille, aye bon courage.

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COMÉDIE. 277

FINET.

Faites doncques, hafleï l’ouurage.Ecouteï, vous feigneur Confiant.

CONSTANT.

Dy moy donc: que mufes-tu tant?

FINET.

Aujfi tojt que le CapitaineSera de’retour, vous jouuienneQue par tous vos propos, EmeeNefoit aucunement nommee.

CONSTANT.

Comment donc faut il que l’appelle ,9

FINET.

i Tant feulement vous dire; elle :C’ejl afleï dia, vous en fozzuienne.

CONSTANT.

Il faudra bien qu’il m’en fozmienne:Mais quel bien m’en peut reuenir?

FINET.

Penfeï à vous en fouuenir:Tout à temps ie le vous diray, .Alors que ie decouurirayQu’il fera bon pour noflre afiaire:Cependant penfeï de vous taire,A fin que, tandis que BontamsDe [a part emploira le tams,Recordieq voflre perfonnage.

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78 LE BRAVE.

CONSTANT.

le n’ay que faire dauantageIcy : ie m’en reua leans.

FINET.

N’oublieï mes enfeignemens.

ACTE 111. SCÈNE 11.

FIN ET. RATO N. Laquais.

FINET.

COMBIEN de troubles ie tracafl’elCombien d’entreprifes ie brafl’e!

Si mes bandesfont bien complètesPar les menees quej’ay faiâes,Aujourduyfi bien ie fera],Qu’au Capitaine j’ofieray

De fou gré,ja Dame emmenee,Deuant qu’il page la journee.Hola! où es-tu Humeuent?Sûr un petit icy deuant,Si tu n’as quelque aflaire grande:C’efi moy Finet qui te demande.

RATON.

Ne demande point Humeuent.

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V v coma-Dm. 279

Pour-quo] Ï

"” l Car il humelen dormant.

I ’YFIilNET.

Que hume til?’ ,L f

RATON.

L q Ie vouon dire VQu’il ronfle : il n’y a guiere à dire:

Qui en dormant a de coufiumeDe ronfler,.il[emble qu’il hume.

k LFVIÈNET. * L YlVoy! Humeuent, dortejil; leans?!

, l RA-TËQLNni.’Iiçdoaïtjjtz ya’ je longbltams, » L

Non pas du rne;,pdpnt, reniflantEait 91m beau bruitien ronflant, IMai dessi:oneilles.&»desfeux;

,Ïbitigoutteziër.riel» naît- mieux.

l EstEzrf l u)

PÏuÈQJQRÆlQn, dequoyïdort-ila

-Dses; deuxyèubcï "

FjINE’T.

In. esagtitop fubtilçï .pouiëz;ozs:»bziew efiizeubatulèa r» x

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LE BRAVE.

Ca icy dehors : diras-tu?Sçais-tu commentferas foiré,Si tu ne dis la verité?Parle net, ne faypas le fin:Lige as-tu pas tiré du vin?

RATON-

Nenny, le n’en a), pas tiré.

FINET.

Tu le nies?

RATON.

Et le niraf:D’en parler il m’ejl defendu,Qu’en la cane il m’a defcendu

Par le foufpiral de la court,Pour luy tirer du vin de court,De ce vin blanc doux ë piquant,Que nojtre maiflrefle aime tant.

FINET.

Mais viença, di-moy mon valet,Tout au long, comment il a fer.

RATON.

le n’a] garde de le vous dire,Ny comme c’ejt que ie lny tirePlein vnflzïcon de ce bon vin,Ny comme il a efie’fi fin,Que de nouer bout côntre boutDeux grandes nappes, pour à toutEn la cane me deualer:Ny que lll)’ ay vu aualerLe vin du flacon jufque au font,

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C COMÉDIE. 28:L’embouclzant le cul contre mont,Sans qu’il en ait perdu la gante.Mon grand amy Finet, écoute,Au moins ie ne te tl’ay pas dia-

!F 1 NE T.

Mais ou t’enfuis-tu fi fubit?

RAT o N .7

A Dieu, le n’arrefieray guiere.

F1 N ET.

Où vas-tu 9

R A T ON-

Cheq la coufiuriere,Pres de la porte de Bourgogne, .Pour y noirfi quelque befogne,Qu’elle fait à madame Emee,N’ejt point encores acheuee.Quand Manfieur fera de retour,S’il a le vent de ce bon tourQue Humeuent m’a faic’l jouer,

Il pourroit bien me bafouer.Mejfieurs, pour Dieu :ie vous fupplieQue pas un de vous ne luy’ dieCe qu’aue; de nzqy entendu:Car autrement-ie fuis perd-u. rEtfi ce n’efloitla fianceQue i’ay en ivofire coy filance,le m’enfiiiroIfi loing de lux,Qu’il ne me verroit d’aujourduf.

.FIINETV.

Tentan maintenant la finefl’e,Et pourquoy ma bonne Maiflrefl’e,

18’

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282 LE BRAVE.

Humeuent, tandis que tu dors,Enuoye ce galland dehors,Qui ejt ton commis àfa garde.Ce n’ejt qu’à fin que la mignarde

Pafle en plus grande liberté,Vers Confiant, de l’autre cofle’,

Pour demener leurs amourettes.Mais voi-cy les bonnesfilleltesQue defia Bontams nous ameine:Il en aura le Capitaine.Holpar faine? Pierre elles font belles,D’dge ê de graces toutes telles,Que ie les pouuoy defirer!Ie m’y lamerois abufer.Voyeï le port, voyeï la grace,Voyez l’habit, voyeq la face,S’il n’ejt pas comme l’ufle élu:

Il n’y a rien de difl’olu:

Toutyfentfa femme de bien:Nos afiaires je portent bien.

ACTE III. SCÈNE III.BONTAMS. PAQVETE. F-LEVRIE.

FIN ET.

BONTAMS.

OR bien, Fleurie ê toy Paquete,Vojlre leçon ie vous ay faiteChez vous, de la fourbe entreprife:Si vous ne l’aueg bien aprife,

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to00U.)COMÉDIE.

Etfi n’aueq bien fouuenanceDe la fuite ë de l’ordonnanceQu’il faut garder, pour ne méprandrele la vous feray mieux comprana’reTout de nouueau, de point en point,Vous en informant bien àpoint.Mais fifçauieq voflre leçonDe Iafinefl’e ê la façon,

I’ay quelque autre chofe à vous dire.

PAQVETE.

le feroy bien folle, beaufire,Et bien fotte, ê- bien girofle bejle,Si vous prometoy d’eflre prejteA faire pour vous quelque afiaire,Nefcachant bien la pouuoir faire.De moy, te ne veu tant méprandre,Que defottement entreprandreSur la befogne 6’ la pratiqueD’autruy : qu’il ferrefa boutiqueQui n’entendra bien fan métier.

BONT-AMS.

Il fait bon fuiure vn vieil routier.

PA QVETE.

Qu’entrepran-ie que ie ne puifle,Puis que c’eft vn fét de malice?Si c’efloit quelque bien a faire,Paquete ne le voudroit faire.Mais quand à demy vous m’aueï

Ouuert le propos, vousfçaue;La refolutimzfoudaine,Qu’ay prife pour le Capitaine:Et le moyen de le berner,L’emmufeler, 6’- l’écorner.

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284 LE BRAVE.

BONTAMS.

Nul homme tant puifle ejlre juge,Seul dparfoy n’ejt afleï juge:Ceux qui penfent plus en auoirSont ceux qui ont moins de fçauoir:l’en voy prou qui du vray s’afleurent,Et qui à contr’ ongle le queurent.

FLEVRIE.

S’ily a quelque mal afaire,Repofezwous, laifl’eq m’en faire:

Mais s’il faut faire quelque bien,Par ma fay ie n’y entent rien.

BONTAMS.

Voi-cy qui va le mieux du monde,Puis qu’en vous deux malice abonde:En ce fait? le mal nous ejl bien.Le bien-j’aià1 ne nous fert de rien.

FLEvan.Vous n’aueï qu’à vous doner garde

Que fa-cions du bien par mégarde.

BONTAMS.

Celle qui feroit nice ou bonne,En vojtre ejlat ne feroit bonne.

FLEVRIE.

Nous ne femmes bonnes ny nices:Cherchez autre part vos nouices.

BONTAMS.

Tant mieux, vous ejtes toutes tellesQu’il me faut :fuiueï-moy les belles.

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COMÉDIE. 285’FvINET. ’f

C’ejl aïe: trotté fur latmontrei. î v

Il faut aller à la rencontre IPour voir à tout par le menu.Vous foyeq le tresbien venu, .Seigneur Bontam’s : ë ie vous-voyDieu marge en’trefbel ’arroy. -1

K Bic-unaus.

Finet, tu t’en viens tout àpoint:Ne les voiæypas. bien en pointCelles que tu as Ademandees? ,

FINE-r.

Les voi-cy trefbien équipees.

- FLEvRIE.

l Ejt-il desvojtres cefiuiocy?

BONTAMS.

C’efl luy qui mene tout ces].

l FINET.Dieu vous gard’ madame Fleurie.

FLEVRI E.

Qui ejl cet homme (ie vans prie)Lequel par mon nom me faine,Comme s’il m’auoit bien conné?

BON-mus.

C’ejlr nojlre maijlre charpentier.

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286 LE BRAVE.

FLEVRIE.

Et à vous maifire charpentier.

FINET.

Dieu vous garde : mais dites moy,Ne fçauous pas d’où ê de quoy?

Ne vous a til pas bien juflruites?

BONTAMS.

le te les baille toutes duiâes:L’vne ê l’autre, que ie te liure,

Sçait par cœur ainfi que par liureSa leçon.

FINET.

Mais qu’on me la rende:Ilfaut que de vous ie l’entende,De peur qu’en vnfeulpoint Ion faille.

BONTAMS.

En la leçon que ie leur baille,Il n’y a rien quifoit du mien:De point en point touty e]? tien.

FLEVRIE.

N’ejl-ce pas que tu veux qu’on mena

Ton fat maiflre le Capitaine,Ainfi quefi c’efioit vn veau,Emmufelé par le mufeau?

FiNET.

En vn mot voyla die? que c’efl.

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COMEDIE. 287FLEVRIE.

Nous en auons faiâ tout l’apreflTrefbien ë trefbeau, gentiment,Et à propos, &finement. ’ I ’

FINET.

Vans ferez donc femblant auffiD’efire la femme à ceflui-cy.

L FLEVRIE.Orly. A

FiNET.

Faifant bonne pipee,, Comme bien fort paffionnee

De l’amour du gailand : ê commeSi pour guigner le cœur de l’homme,La conduite de l’entreprifeEntre les mains vous auieï mije

pDe vojtre chambriereé’ de moy.

FLEVRIE.

Tu deuines tout par ma foy.

FINET.

Et commefi vofire chambriereM’aquoit aporie puis naguiere

De voflre part ce bel aneau,Pour luy donner trefbien é” beauEn vojlre nom.

FLEVRI’E;

C’efl tout le point.

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LE BRAVE.

FINET.

On ne peut dire mieux à point,Et n’en faut parler dauantage:Qu’y feruiroit plus de langage?

FLEVRIE.

Depuis qu’on a un charpentier,Abile homme defon métier,Qui l’ouurage tresbien deuife,Soudain la befogne entreprifeSe fera : pourueu qu’on trauaille,Et la matiere point ne faille.

FINET.

Voi-cy de trop gentils maneuuresPrejis de mettre les mains aux œuures.

FLEVRIE.

Iefcay bien nofire abileté:Autant vaut, l’œuure efl acheué.

FINET.

Mais conoifle; vous bien mon MaijlreCe braue ?

FLEVRIE.

Qui le doit conoiflreMieux que moy? cette grand’ flatuë,Qu’on voit tous les jourspar la rue"!De tout le peuple la rifee!Ce fot à la hure frifee !Ce fat mugueteur parfumé lAutant qu’il en cuide eflre aiméDes femmes En filles haï?

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COMEDIE. 289FINET.

Ne vous conoifl-il point?

FLEVRIE.

Nenny:Comment pourroy-ie eftre conneDe luy, qui ne m’a jamais vue"?

FINET.

Voi-cy qui va bien : d’autant mieuxNous ferons âjourons nos jeux.

FLEVRIE.

Il ne t’en faut plus trauailler:Nefçarois-tu me le bailler?Ramé-t’en fur moy feulement:S’il n’ejl pipé galantement,

Pren t’en à moy s’il en vient faute.

FINE-r.

La donc, d’une prudence cautePenfeq 6’- pouflez à l’afaire.

FLEVRI E.

Ne t’en chaille ..- laifl’e nous faire.

FINET.

Sus doncques : ô Seigneur Bontams,Maintenant meneq-les leans:Et cependant ie m’en irayTrouuer le braue, 6’- luy diray,En luy prefentant- cet aneau,Que vojtre femme bien 8* beau

Iean de Baif. -- (Il. 19

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290 LE BRAVE.

Me l’a baillé, pour en fan nomLuy prefenter : 65 qu’en pur donElle luy donne, pour vn gaigeEt pour vn certain témoignage,Comme elle meurt pour fon amour.Si ton que ferons de retour,Ne faille; d’enuoyer Paquete,Comme en ambafladefecreteEfiant ennoyee vers luy.

FLEVRIE.

Nous tiendras-tu icy meshuy?Fay ton faiâ’, à” nous laifle faire.

FINET.

Faites donc : deuant quefoit guere,Ie vous le menerayfi bienBdte’, qu’il n’y manquera rien.

Bon-mus.

Dieu te conduife 8 raconduife:Ilaisfifaut-il que ie conduifeTout ce defl’einfi dextrement,Que, felonfon contentement,La maifirefle du CapitaineSoit à mon lzofle : ë qu’il l’emmene

Trefbien à Nantes quand-ê luy:Et qu’ilparte des aujourduy.C’eft tout le but ou nous tirons.Mais qu’ejl-ce que vous douerons?

FLEVRIE.

Rien, jinon vofire bonne gracie,Et qu’vne autre ne me déplace.

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COMÉDIE. 291BONTAMS.

Vous valiez trop.

FLEVRIE.

v r Or ie iii’aflzireQue noftre finefle efifi feure,Qu’il faudroit eftre plus quefin,Pour nous garder de mettre afinLa finefle qu’auons conclue":L’entreprife efl trop refoluë

Par entreprenezu-s trop propices.S’il faut déployer nos malices,

Vienne qui plante, ie ne crainQu’en fartions qu’auecques le gain.

filais allon dedans la maifon,Pour recorder noftre leçon.

BONTAMS.

Faites que de rien on ne chome,A la venue de nojtre home.

FLEVRIE.

Il vous faut dancques arrefier,A fin de mieux executerEt plus foigneufenzent, l’afiaireQu’auons deliberé de faire.

BONTAMS.

Si en la jeunefle on feduoit,Si en la vieillefl’e on pouzioit,

[Tout iroit bien : vojire jeunefleA donc befoing de ma vieillejfe?Auffi mignonnes, ma vieillefleA befoing de vofire jeune e:Aida moy, ie vous aidera-r:Suiueg-moy, ie vous guideray

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LE BRAVE.

ACTE IIII. SCÈNE I.TAILLEBRAS. FINET.

TAILLEBRAS.

C’EST plazfir quand en ce qu’on fait

Les chofes viennent afouhait:Ie voyoy’ le fans! de ma bourfe:Mais ie rencontre une refourceQui me garde d’ejlre indigent,Et de chomer faute d’argent,Puis que la guerre recommence.Or ie fuis tout en deffianceD’ejtre mandé, j’en atten l’heure:

Et pource il faut que ie demeureEn nofire maifon de pié coy,Attendant des lettres du Roy.

FINET.

Songeï plujtoji à vofire afiaireQu’a celles du Roy :pour bien faire,Monfieur, vacqueq a voftre bien,Dont ie vous ouure le moyen,Et ie vous porteries nouuelles.

TAILLEBRAS.

Et bien Finet : quelles font elles?I’oubly toutes aflaires miennes :Parle : mes oreilles [ont tiennes.

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COMÉDIE. 293

FINET.

Regardon bien alenuironQu’il n’y ait point quelque larron

De nos propos : car en cacheteIl faut que l’afi’aire je traite.

TAILLEBRAS.

Il n’y a nul icy autour.

FINET.

Receueq ces arres d’amour.a

TAILLEBRAS.

Qu’efi-ce que cecy? doit vient-il?

FINET.

D’vn bon lieu honejte ë gentil:De la part d’vne belle Dame,Qui, vous aimant de cœur 6’ d’ame,

Defire autant voflre beautéQue de vous garder loyauté.Et j’ay reçu depuis naguiere,

Par les mainsae fa chambriers,Cet anneau pour le vous donner:C’ejt à vous a la guerdonner.

TAILLEBRAS.

Mais viença dy moy, qui eft elle?Chaperoniere ou damoifelleDe condition grande ou bafle?

FINET.

., . .Ba. commefi le vous dazgnaflePorter parole de la part

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294 LE BRAVE.

D’vne autre que de bonne part:Et qui ne fufi autant honeflePour le moins, comme a aimer prejle.

TAILLEBRAS.

Ejl-elle veufue ou mariee?

FINET.

Elle eji «5’» veufue 6’ mariee.

TAILLEBRAS.

Vne iiiefnie, au moins ce me femble,Ne peut ejtre les deux enfemble.

FINET.

Si fait, s’elle a le cœur gaillard,Et qu’elle ait vn mazy vieillard.

TAILLEBRAS.

Ouy bien ainfin.

FINET.

Elle efl droite,Haute, ieunette, belle, adroite.

TAI LLEB RAS.

Ne men point.

FINET.

En tout elle ejl digneDe vofire grand’ beauté diuine.

TAXLLEBRAS.

Vrayment elle efl doncques fort belle,Si tu dis vray : mais qui efl elle?

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C’efisîlazfemme’de ce bon homme? ..

Deg’vieillard, que Bontams on nomme.

TAILLEBRAS.

.FXNEJ’.

De luy sme’me : 1

Setter-ferons ce?" . . M. ,Tant qu”elle n Meurt de belle’rage E

Etfait defia mauuaismefizageAuecfon vieillard, 6’» le hait,Ne faifant plus; fautre’fouhaitQue de vous rendreobeîfl’ance,

’Pour?auoir’desvous :iouîflànce.

lente-veu bien elll’fle veut.

the’r,

. , i,emandeï’fi-el’ le veut. ï

un: Es au s.. Â 5*; .: ,, - . .. , » ». Maiseque ferlens nous bien, des celle

- Qui ejt cheg moy’.’ q

, ; » in’e,’fei’eq’d’elle?

Baille; noria belleïp’reb’dnïie ’ ’

ne», L qu’onilakldemande,’" I fi’bièh’fàfæzzrjumelle

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296 LE BRAVE.

TAXLLEBRAS.

Ejl-il vray ce que tu me chantes?

FINET.

.Sa mere ejl tout expres venue:Ie le [gay de ceux qui l’ont une.

TAILLEBRAS.

O la gentille occafion,Pour en nettoyer ma niaifon .’

FINET.

Vouleq-vous faire gentiment?

TAILLEBRAS.

le t’en croiray : dy hardiment.

FINET.

Voulez-vous que vous en défaee,Sans que perdiez fa bonne graee?

TAILLEBRAS.

le le veu bien.

FINET.

C’efi le meilleur

Pour l’égard de voflre grandeur:Et puis vous aile; prou de bien,Et ne pommiez chommer de rienAuec vne amiefi riche:Ce n’ejt pas à vous d’eflre chiche.

Laifleq-luy faire fon troufleau,De tout ce qu’elle a de plus beau,

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COMEDIE.’ 297

De ioyaux, bagues, ornemens,Chênes, atours, abillemens,Tant ceux qu’elle aporta de laComme ceux que de vous elle a:Et les luy lefl’eï emporter:Ainji vous la pourrez ofter,Luy donnant honnejte congé.C’ejt le moyen que i’ay fougé.

TAILLEBRAS.

Ton anis me plaifi : mais regarde.Que ie ne perde la mignarde,Et que cette autre ne varie.

FINET.

Qui vous âme plus que fa vie.’ l

TAILLEBRAS.

Le Dieu d’amour m’ême en la forte.

.FINET. ’ ’blot mot : i’enten ouurir la porte :Veneï, retirer-vous icy :C’ejt la feruante, que voicyQui fort dehors, la mefl’agere.

TAILLEBRAS.

Qui efi elle?fa chamberiere?

FINE-r.

Ouy, c’eji la mefme feruante,

Qui a ejtéji diligente -.A me porter le bel aneau,Qu’on vous a donné de nouuean.

.19”

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298 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

En bonne foy elle eji bellette.

FINET.

C’eft vne guenon contrefettePres de vojtre afieétionnee.Fe’t elle au moins bonne pipee,Guignant des yeux, baiflant la tejte?Quelque bon riieflage elle aprejle.

ACTE. 1111) SCÈNE Il.

PAQVETE. TAILLEB RAS.FINET.

PAQVETE.

L’EST-ce pas la deuant [on huisLe belier? il fautfi ie puisL’écorner en la mefme place:Et vaut mieux qu’en paflant ie faceSemblant, de ne les auzfer.

TAILLEBRAS.

Mot mot : oyons-la deuifer:Voyons, en ce qu’elle dira,Si de pioy elle parlera.

PAQVETE.

Mais au monde qui efl celuy,Qui, pour les aflaires d’autruyLLame lesfiennes fans les faire?

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COMEDIE. 299Ce n’eft pas la mode ordinaire.Ah, i’ay peur de ces hommes cy.’le crain qu’ils ne bougent d’icy,Et qu’ils m’empefchent de parfaire

Comme ie voudroy mon afiaire.filaisfoit ou qu’il entre ou qu’ilforte,

Il faut que ce fait par la porte :C’ejlforce qu’il pafle par cy:

Ie le gueteray doncque icy.Que ma maijtrefle en ejt rauie.’Et ne fuis pas trop ébayeS’elle efi amoureufe de luy:Car c’efl vn bel homme que luy.Il ejt beau tout àfe’t, adroiâ’,

Honefie, gaillard, haut â droicfi:Il n’y a qu’vnfeul Taillebras:Toutes qui l’aiment ne l’ont pas.

TAiLLEBRAs.

Cette cy m’aime a ce que i’oy.

Comment elle dit bien de moy.’Elle blaïonne ma beauté:Ce n’eft que toute honefiete’

De [es bons propos : E-fa mineNefent le fouillon de cuifine.

F IN ET.

Comment le voyeï-vous ?

TAILLEBRAS.

Comment?Car elle parle gentiment,Etji eft honefle à? difcrete:Puis elle eft propre, cointe ê néte:Et pour trancher le mot tout nét,Elle ejt fort a mon gré, Finet.

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300 LE BRAVE.

FINET.

Comment? deuant que de c’onoiflreL’autre qui à vous feul doit efire.

TAILLEBRAS.

Ie la conoy, puis qu’en la forteA ton raport ie m’en raporte.Outre la maniere agreable,Qui rend cette mignonne aimable,Sa maijlrefle, qui eji abfente,Vers cette cy qui efl prefente,De grand’ amour m’afieâionne.

FINET.

Garda-vous bien d’aimer perfonne:Cejte-cy fera mon e’poufe,Sifa maiflrefle vous époufe:I’ay defia la promefle d’elle.

TAILLEBRAS.

Que ne parles-tu donc a elle?

;FINET.

Suyueq-moy doncques.

TAILLEBRAS.

le tefuy, uEtfuis à toy pour aujourduy.

PA QVETE.

O quefi heureufe ie fufle,Qu’en ce lieu rencontrer ie pufleLes hommes à qui i’ay afiaire!

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COMÉDIE. 30!FINET.

C’ejl chofe quife pourra faire,Il t’auiendra felon ton coeur:Afleure toy, n’aye point peur.

FA QVETE.

Voyci quelqu’vn.

FINET.

Quifce’t qui c’ejt

Que tu cherches, ou c’efl qu’il ejt.

FA ove-na.

Qui ay-ie icy pres entendu?

FINET.

C’ejl ton parfonnier pretenduA tous tes defleins é” deuifes,

Confeiller de tes entreprifes.

PAQVETE.

Donc, ce que ie tenoyfecret,Ejt reuele’!

FlN ET.

N’ayes regret:Il l’ejt enfemble 6’- ne l’efi point.

PAQVETE.

Comment?FINET.

Quand c’eft un qui n’efi point

Caufeur, à qui on le reuele:Moy, ie fuisfecret &fidelle.

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302 LE BRAVE.

PA QVETE.

Dy des enfeignes de ce fét.

FINET.

Vne de par le monde, fétL’amour a un homme qu’elle âme.

PAQVETE.

Beaucoup d’autres la font de même.

FINET.

filais bien peu tirent de leur deyPour leur donner iefçay bien quoy.

PAQVETE. .

filaintenant ie m’aperçoy bienQue tu ne me déguifes rien:Mais quelcun n’efi-il point icy?

FINET. fig?Ilëy ejt 65 n’y ejt auffi.

PAQVETE.

Que feule afeul ie parle à toy.

FINET.

le le veu bien : deuant dy moy,Me retiendras-tu longuement?

PAQVETE.

le te veu trois mais feulement.

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cousons. 303FINET. k

Ie reuien à vous tout afieure.

TAILLEBRAS.

Faudra-il qu’iCy ie demeureCependant àfaire le veau,Moy qui fuisfi braue &fi beau?Me donnes-tu cette caflade?

FINET.

Ie reçoy pour vous l’embafl’ade,

Ayez vn peu de patience.

TAILLEBRAS.

Corbieu ie per toute confiance, I ,Tant i’ay grand hajte quefoit fét. . ”

FINET.

Monfieur vous fçaue; qu’en tel fét

Il faut proceder bellement:On n’y gaigne rien autrement.

TAILLEBRAS..

Fay donc le mieux que tu pourras.

FINET..

En tout le monde il n’y a pasVn plus fot que ce fat benejt, ’Lequel efi plusfouche que n’ejtMefme vne fauche. Ie reuien.Fay luy donc entendre trefbienPour l’aimer qu’elle ejt au trepas.

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304 LE BRAVE.

PAQVETE.

Ie [gay cela.

FINET.

M’ais n’oubly pas

De collauder fort fa beauté,Sa grace êfon honeflete’.

PAQVETE.

En tout ie me comporterayComme tu m’as dit : &ferayEncores bien meilleure trogneQue ne t’ay montré : va, befogne.

FINET.

Pran doncques garde, ê confidereComme ilfaut conduire l’a ere:Et ne dedy ce que diray,Mais fuy moy.

P4 ove-r15.

le n’y failliray.

. .FINET.

De point en point, de pas en pas.

PA QVETE. ’

Marche, ie n’y failliray pas.

TAILLEBRAS.

Elle l’a long temps retenu.Et bien? te voicy reuenu.

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U3OU!COMÉDIE.

FINET.

Pour faire vojtre volonté.

TAILLEBRAS.

Et bien : que t’a elle conté?

FINET.

Elle dit, que la panure amanteSoupire, geint, pleure, lamente,Se tourmente de ne vous voir,D’ejtrefans vous, 65 de n’auoir AL’heur d’ejlre autant de vous émee,

Comme elle ejt de vous enfldmee:C’eft pour cela que cejte-cyDeuers moy elle ennoye icy.

TAILLEBRAS.

Fay la venir.

FINET.

Mais [caucus-bienQue fereq? teneq vn maintienOrgueilleux, dédaigneux, 6’- rogue:Et me luy fêtes bonne morgue:Et me tanfeq bien rudement,De quoy ie vous diqugue tant.

ITAILLEBRAS.

Bien, ie n’oubliray pas cecy.

FINET.

La feray-ie venir icy,Cefle faine qui vous demande?

Jean de Baif. -- HI. 20

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306 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

Qu’elle vienne : ie le commande.

FINET.

O Id fame, 6 Id la belle:Monfieur commande qu’on t’apelle.

PAQVETE.

Dieu vous garde monfieur le Beau.

TAILLEBRAS.

Ce n’efl pas vn furnom nouueau,De long temps ce furnom m’ejt du:Pour l’honneur que tu m’as renduDieu te doint ce que tu fouhe’tes.

PAQVETE.

Que fufle toufiours ou vous ejtes,Et Monfieur qui eflant toufioursAuec vous j’vfafle mes jours!

TAILLE)! RAS.

C’ejt trop fouhaite’ belle dame.

PAQVETE..

Ce n’efl pour moy, mais pour MadameQuife meurt, tant elle vous émet

TAILLEBRAS.

Beaucoup d’autres meurent de mêmeQue ie ne refufcite pas.

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COMÉDIE. 307PAQVETE.

Vrayment ie ne m’ébaî pas,

Si ejlant des dames cheryVous fetes tant le renchery,Pour les beauté, valeur, vertu,Dont tant vous efies reuetu!lamais homme ne fut plus digne!

FINET.

Iugeriq-vous pas à fa mineQueferoit vue vraye bufe?

TAILLEBRAS.

le ne veux oublier la rufe:Il faut que le face le grand,Puis qu’elle me colaude tant.

FINET.

Voyeg ce fayÀneant le vous prie,Comme ilfe flate en fa folie.Que ne demanda-vous, efl-ce elleQui vient de la part d’vne telle,Vers vn tel qui m’a dit tel cas?

TAILLEBRAS.

De quelles dames? n’efl-ce pas?Tant ily en a quifont noires,Que les vues font tort aux autres:l’en fuis fouuent en de grands doutes,Ne me fouuenant pas de toutes.

lPAQ-VETE.

Monfieur, c’efl de la part de celleQui vit trop plus en vous qu’en elle!

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308 LE BRAVE.

Celle qui decore vos dois-De la defpouille defes dois:Et pour n’en mentir point de]! me],Qui, ce bel aneau que ie voy,A)! baillé à ce vallet gy,De la part de celle qu’ainfiAmour a rendu voflre efclaue.

FINET.

Mais ce poltron fait-il du braue!

TAILLEBRAS.

Et bien,fame, que me veux-tu?

PAQVETE.

Que celle que vofire vertu,Et vofire beauté gracieufe,Rend de vousfi fort amoureufe,Ne fait point de vous dedaz’gnee:Carfa vie n’efi ajfigneeQuefur voflre nzzfericorde:Et ne luy refle que la corde,Si ne la vouleây receuoir:Car la mettriez au defefpoz’r.En vous feulfon efpoirfe fonde,Ou d’eflre ou n’efire plus au monde.

TAILLEBRAS.

Que veut elle que le luy face?

PAQVETE.

Part de voflre faueur ê grue,Luy permettant vous carefler,Parler à vous, vous embrafler.

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COMÉDIE. 309S’il ne vous plaijl lafecourir,Pour certain elle ejt au mourir:Parquoy (braue Roland!)lvous piaffeLuy permettre qu’elle vous baife:Faites ce dont ie vous fupplie,A fin que lui-[aimiez la vie:Vous le trefbeau faune; la belle,Et ne montrez un cœur rebelle,Mais va’ï de benignite’,

De clemence, é” d’humanité:

Vous des fortrefles le preneur:Vous des grands Roys le ruineur.

TAILLEBRAS.

Que cecy me déplaijt.’ combien

T’ay-ie faic? defanfe, Vaurien,Sous ombre que fuis recherché,Fére de moyfi bon marché,Comme ie voy que tu veux faire,Me rendant commun 6’- vulgaire?

FINET.

Fame, entens-tu bien ce qu’il dit?Long tams a que ie te l’ay dit,Encor maintenant te le dy-ie,Il s’abufe, 6,” perd tains; ë nige,

Celuy qui menefans loyerSa vache à ce Toreau banier,Ce Robin n’a point de courage,

S’en n’azrance le robinage. -PAQVETE.

Il ara tout ce qu’il voudra.

FINET.

Cinq cens efcus il luy faudra:Il ne robine à moindre pris.

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310 LE BRAVE.

PAQVETE.

Vrayment ilfe met à non pris.

TAILLEBRAS.

le ne fuis entaché du viceDe la miferable auarice:le ne fuis ny taquin ny chiche,Et Dieu mercy fuis afleï riche:I’ay plein vn cafre de ducats,Et, dont ie ne me vante pas,I’ay d’or monnayé cent boifl’eaux.

FINET.

Outre fes bagues ëjoyaux,Il a des montaignes d’argent,Non pas des linges feulement:Le mont Senis n’ejt pasfi haut.

PAQVETE.

Voyla debourdé comme il faut.

FINÉT.

Dy, au moins ne mens-ie pas bien?

PA QVET E.

O que tu es vn bon vaurien!

FINET.

Tout je porte bien iufqu’icy:Fait-il pas?

PAQVETE.

S’il vousplaifl ainfi,Donneï moy congé que m’en aille.

l

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COMÉDIE.

FINET.

Fetes luy refponfe qui vaille:En cecy n’y a qu’un feul point,

Fetes-le ou ne le fetes point.Mais pourquoy fera-vous rebelle,En traitant cruellement celle,Qui onc ne merita de vous,Sinon vn tretement bien doux?

TAILLEBRAS.

Vaten : dy luy qu’elle s’en vienne.

Charité veut que luy fubuienne.

PAQVETE.

Velu fét maintenant de même:Vous aimez celle qui vous âme.

FINET.

Ce n’efl vn lourdaut que mon Maiftre.

PAQVETE.

Vraynzent il le fét bien pareflre,ÀI’ayant de fa grace écoutee,

Et ne m’ayant pas deboutee,De la requefle ë la priere,Que ie fay pourfa prifonniere,le dy prifonniere d’amour,Qui pour luy meurt cent fois le jour.Finet, ne me moqué-ie pas?Luy ay-ie pas donné [on cas?

FINET.

Ie ne me puis tenir de rire: LPource à l’écart ie me retire.

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312 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

Fume, tu ne [cés pas (ie croy)L’honeur qu’elle reçoit de moy.

PAQVETE..

Sifaf bien : 8* ie luy diray.

FINET.

S’il luy plaifoit, fçache pour vrayQu’enfaifant pour vne autre autant,Il en feroit payé contant.

PAQVETE.

Vrayment ie n’en fay nulle doute,Et ie le croy bien.

FINET.

Mais écoute,Ce font des geans qu’il engendre,En celles-la qu’il degne prendrePour fere race : â les enfansQui naijfent vinent huit cens ans.

PAQVETE.

A tous les gibets le menteur!

TAILLEBRAS.

Que]? les enfans qui ont cet lieurD’ejtre de ma progeniture,Viuent mille ans de leur nature,Defiecle en fiecle, d’âge en âge.

FINET.

l’en ufl’e bien dit d’auantage,

filais i’en ay dit moins, ayant crainteQu’elle penfajt que ce fufl fainte.

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COMEDIE. 313PAQVETE.

C’efi fait de nous! nous perdrons tout.Car jamais nous n’arons le boutDu pere de nojtre vinant,Puis quefes enfans vinent tant.O combien durerafa vie!Ie creue icy. Ie vous fupplieQue ie m’en aille.

FINET.

Qui t’empefclze?

Va, puis que tu as ta depefche.

PAQVETE.

Ie m’en vas afin que j’amene

Celle, dont l’afiaire me mene:

Ne me voulez vous autre cas?

TAILLEBRAS.

Rien,finon que ne m’ailles pasFaire plus beau que 2e ne fins,Ma beauté me fét mille ennuis!

FINET.

Pourquoy .mufes tu plus? va t’en.

’ PAQVETE.

Ie-m’en vas auff.

FINET.

v Mais enten:Dy luy trefbien qu’elle ne failleA faire que fan cœur trejfaille,

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314 LE BRAVE.

Tojt pale, ëpuis rouge en vifage,Soupirant parmy fon langage.Si tu trouues Emee là,Dy luy qu’elle page deçà,Qu’il eft icy.

PAQVETE.

Ie la penfe ejtrele] haut à cefte fenejtre,Doù ma maiflrefle auecques elle,En épiant noflre cautelleParfous la cage vis à vis,Aront ou] nojtre deuis.

FINET.

C’efi bienfait : au moins el’fçaurontPar nos propos, comme el’ arontAfe gouuerner cy apres:Et feront trop mieux leurs aprejts.Lame moy, tu me romps la tefle,Ne me retien plus.

PAQVETE.

Qui t’ai-reflet?

A Dieu, pour ne te retenir.

TAILLEBRAS.

Hafle la bien tojt de venir:Et dy luy bien que le luy mande,.Qu’en ce lieu mefme elle m’attende.

Si de fortune ie n’y fuis,l’y viendray bien iojtfi ie puis.

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COMEDIE. 315

ACTE IIII. SCÈNE III.TAILLEBRAS. FINET.

TAILLEBRAS.

MAIS qu’es tu d’auis que ie face,Afin que d’elle me déface ?

Cette-cy en nulle façonNe peut hanter en ma maifonPour fere nosjeux, que premierL’autre ne me faille ennoyer:Mais comment le pourroy-ie faire?

FINET.

Demande; vous qu’aueq à faire?Ie vous ay deja dia, commentVous le fereg bien doucement.C’ejt qu’elle emporte tout celaD’abis ë de joyaux qu’elle a,

Tant ceux qu’elle eut, quand l’amenajtes,Que ceux que depuis luy donafles:Qu’elle les prenne ê s’en faififle.

Remontreq luy le temps propiceQu’elle a de retourner cheï elle,Aujourduy quefafœur jumelleEt fa mere viennent expiresLa querir : ë que cy apresNe recouureroit la fortune,Si propre ne fi opportune,Pour ejtre en feure compagnie,Alors que luy prendroit enuieDe retourner en fon pais:En femme vela mon auis. "

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316 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

Es-tu certain de leur venue?

FINET.

Ouy, car iefçay que i’ay vuëDe mes deux yeux fa fœur jumelle.

TAILLEBRAS.

Retire t’elle fort à elle?

FIN ET.

Elle luy retire bien fort.

TAILLEBRAS.

De face, de taille, â de port?

FINET.

De tout.

TAILLEBRAS.

Dy : qu’ejt-ce que difoitSa fœur, quefa mere faifoit?

FINET.

Le batelier, lequel les a(Anzenees de pardeça,M’a conté, qu’elle efl defl’us l’eau’

Demeuree dans le bateau,Malade d’vne grand’ defcente -

Deflus les yeux, qui la tourmente:Luy ejt logé tout icy contre.

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’GOMEDIE. 317TA’ILL semis.

Quel homme eft-ce?

FINET.

La malencontre!Quel homme c’ejt ce marinier!

Vous feriez bon etalonier, .Qui vous enquereq quels ’64 quellesSont les mafles êtes femelles.

TAILLEBRAS.

Quand au conjeil que tu me bailles,Ie veu que toymefme tu aillesDeuers elle pour moyenneur:Car tu es [on grand gouuerneur.

FINET.

Pour Dieu ne m’enuoyeï vers ellePorter fi mauuaife’nouuelle:Elle la prendra mieux de vous. ’Que de nul autre d’entre nous.Fêtes vous mefme vojtre afaire:Dites luy qu’il ejt necefl’aireQue vous époujieg vne fdme,Si voulez cuiter le blâmeDe vos bons parens ê amis,Qui tous enjamble en font d’anis.

* p TAILLEBRÂS.Veux-tu que ie le faceainfi?fi.

- FINET.

Ouy, fi le voule; auff.

x, x TAILLEBRAS.vle m’en va donc en la maifon

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318 LE BRAVE.

Tâcher d’en auoir la raifon:

Toy ce pendant icy pren gardeSi la dame fort: 45à ne tardeDe me venirfoudain querir,Afin que la vienne guerir.

FINET.

Donnez ordre au fait ordonné.

TAILLEB RAS.

L’ordrey ejt defia tout donné:S’elle ne veut de fan bon gré,Ie l’enuoiray bon gré mal gré.

FINET.

Aa, Monfieur, dOMMEï vous bien gardeD’vfer de façonji hagarde:

Mais portez vousy doucement.Plufiofl, donne; luy gayementTousfes joyaux êfes abis,Que ne departieï bons amis.

TAILLEBRAS.

le le veu.FINET.

Doncques ie ne douteQue la belle ne vous écoute:Mais alleï, ê ne tardeï point.

TAILLEBRAS.

le t’obey de point enpoint.

FINET.

Voyez vous qu’en rien il varie?Sent-il rien de la tromperie?

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COMEDIE. Q 319le vous l’auoy toufiours bien diftQue ne ferois en rien dedid:Il ejt à moy ce Capitaine.Il faudroit, pour m’ojter de peine,Que Fleurie ëfa chamberiereEt Confiant n’arreflafl’ent guiere,Mais qu’ils vinflent tout maintenant.O quel heur! tout incontinant,Au point que les ay fouhaiteï,Les voi-cy tous comme apojleq,Qui s’en viennent àpoint nomméTiftre le drap qu’auons tramé.

ACTE IIII. SCÈNE IIII.FLEVRIE. PAQVETE. CONSTANT.

FINET.

FLEV’RIE.

ALLON :forton .- mais, que Ion voyeQu’il n’y ait aine qui nous oye.

PAQVETE.

le ne voy perfone finonNofire Finet.

FLEVRI E.

Appelle-don.

PAQVETE.

Viença ho nojtre charpentier.

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320 LE BRAVE.

FINET.

Oéfuis-ie voflre charpentier?

PAQVETE.

Et qui donc?

FINET.

le ne fuis pas digneDe toucher apres toy la ligne .O comme elle ejt finefretee!O qu’elle a la langue ajetee!O comme elle a donné fan casAu Capitaine Taillebras!

PAQVETE.

Cela n’ejt rien :prenon courage :Il faut bien faire dauantage.

FINET.

Continueq tant feulement,Selon le bon commencement,A bien fere vojtre Ideuoir.Le Capitaine efl allé voirS’enuers Ernee il pourra fere,Qu’auecquefafeur ê jamereElle s’en veule aller à Nante.

CONSTANT.

Cela va bien, ê m’en contente.

FINET.

Quiplus ejt, luy donne en pardon,

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COMÉDIE. 321Ce qu’elle a de beau ê de bon,Et veut qu’ell’ l’emporte auec elle:

La refolution ejt telle,Suiuant l’aduis que j’ay donné.

CONSTANT.

Finet, l’as-tufi bien mené?C’ejt chofe fort aifee à faire,Puis qu’elle ê luy le veulent faire.S’il eft prompt à lâcher la pril’e,

Elle ejt bien de bonne reprife,Et ne demande qu’a reprendre, 1Pourueu que l’autre veule rendre.

FINET.

Ne fçauous pas, quand on poulieQuelque grofl’e pierre écarrie,

Par la gruë au haut d’vne tour,Qu’on n’en craintfinon le retour?Ce n’ejt tout la manter en liant:Sur tout en la montant il fautCraindre que n’y regardant pasElle tombe du haut en bas..Maintenant la pierre eft montee:Gardon nous de la demonteeDeuant qu’elle fait bien affife.

Maintenant la braue entreprife,Que par-enfemble auons dreflee,quques au [omet ejt hauflee :filais gardon la du plus haut fejleDe retomber fur nojtre tefle.Carfi Taillebras s’en défie,

Ily aura de la folie.Et pource il faut plus que jamaiserr de rufe deformais.

[eau de Baif. - HI. ’ 2x

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32 LE BRAVE.

CONSTANT.

quque icy ne nous manque rien,Et ne peut que tout n’aille bien:Trop fines gens, proms à bien faire,S’entremettent de nojtre afiaire:Trois femmes qui en valent vint,Toy pour le quart, moy pour le quint,Pour le fiïieme le vieillard,Qui n’en quiteroit pas fa part.

FINET.

Il n’eflfiforte forterefleQu’on ne print par tant de fiizefle:Faites feulement le deuoir.

FLEVRIE.

C’eft pourquoy faines venus voir,Et tout expres te demander,Que tu voudras nous commander.

FINET.

C’efl bien fait: or ie vous commande.

FLEVRIE.

Dy ton vouloir que ie l’entende.

FINET..

Mon vouloir efl, que gentiment,Proprement, ê galantement,Nojtre Capitaine ait la troufle.

FLEVRIE.

J’y cour afl’eï tôt : ne me poufle.

Eft-ce tout? tu me bous du le’t.

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commua. 323FINET.

Sçeï-tu comment?

FLEVRIE.

Ie fce’ le fét.

C’eft qu’il faut que femblant ie face

Que pour fou amour te trepafle:Qu’eftantfans luy ie ne puis viure:Que j’ay refolu de le fuiure,Et mon mary abandonner,Pour a luy du tout me donner.

FINET.

Mais fur tout n’oublie à luy direEt luy afiermer, que lefireTon fdcheux de mary, Bontams,Ne retournera de long tamsD’Anuers, où il eft ce joura’uy,A fin qu’en la maifon’ d’autruy

Il entre fans aucune doute.

V F1. E v R I E.

Tu parles ires-bien.

F1 NET.

Mais écoute,Si tôt. qu’il fortira dehors,

Sor aufji toy. Ie veu qu’alorsTu faces bonne mine à part,Te tenant bien loing à l’écartfEt te gardant d’eftre hatiue,Fay la honteufe, la craintiue,La modefte, comme efl011’izee

De voir perfonne fi bien nee,En maintien, en taille, en corfage,En» plaifance de beau vifage:

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U.)LE BRAVE.

Conzmefi tu tenois, au prisDe fes grands beauteï, a méprisToute la tienne. Et me le louéTant ê tant ê tant, qu’il s’engoue

De fine force de louanges:C’efi comme il faut que tu le ranges.

FLEVRIE.

le le fcé :feras-tu contant,Quand ie te rendray tout contant,Ma befongnefi bien conduite,Qu’il n’y ara point de redite?

FINET.

Il me faudra lors contenter.Monfieur c’ejt à vous d’écouter

A voftre tour, pour voftre afereCe qu’areï maintenant à fere.Si loft qu’on ara fait? cecy,Faites que reuenieq icy,Comme vous les verreq entreesDans cefte maifon, dépeftreesDe noftre fat : n’arrefieq guiere,Sorteq tôt par l’huis de derriere,Et vous en veneï déguifé

En matelot, tout attiféDe faire trefbienfemblant d’ejtreDes autres bateliers le maijtre,Celuy à qui eft le bateau,Qui attend’Emee fur l’eau.

filais venez vous-en afiuble’D’vn bonnet tané, redoublé,

Efpais, enfumé, qui fait gras,Gras à lard, à double rebras:Chaufleq-vous de ces chaufles vaguesQu’ils portent, qui n’ont point de bragues:Enulopeï-vous d’vne grand’ mante,

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. COMEDIE. 325Qui vous traine jufqu’a la plante,Que vous troufiereq fous le bras,Cachant la main dans le rebras.Qu’ellefoit tanee, enfumee,Dé la teinture acoutumeeDe ceux qui hantent la marine:Et fur tout fêtes bonne mine,Le bonnet fur l’œil enfonçant,

Et les deux chatunes fronçant,Ayant le poil auffi reboursEt mêlé, que le poil d’vn ours.Vous trouuereï l’abit complét

Chez Bontams.

CONSTANT.

Que fera-ce fét,

Quand ainfi vefiu ie feray?Que ne dis-tu que ie feray?

FINET.Vous viendrex’,’ icy de la part

De la mere d’Emee, quipartPour s’en aller, ê n’attend qu’elle

(Ce direz-vous) ê quefi elleDelibere d’aller à Nante,Qu’en hafle elle je diligentePour aller quand ê vous au port,En donnant ordre pour le portDes hardes à mettre au bateau,-Autrement (par ce qu’il fét beau,Et le vent eft tourné d’amont)

Que vous metreq la voile à-mont.

C ONSTANT.

Vrayment cefle fourbe me pleJt:Acheue.

FINET.

Tout le refie efl preft:

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U.)LE BRAVE.

Car elle ne tardera guere,Pour ne faire attendre fa merc.

CONSTANT.

Tu vans trop.

FINET.

Tandis ie feraySi bien, que celuy ie ferayQue Taillebras luy baillera,Quifes hardes luy porteraAu port à mettre deflus l’eau:Et j’entreray dans le bateau:filais quand vne fois j’y feray,Dieu fçachefij’enfortiray,Que ie ne le voye arriuéLa, doit ie verray le paue’De la bonne ville de Nante.

CONSTANT.

S’il ejt vray, Finet, ie me vante,En payment de tous ces bons tours,Que tu n’y feras pas trois jours,Que ie ne te donne a conoiftre,Que tu as feruy vn bon maiftre.

FINET.

La comme la : mais vitementAlleï changer d’acoutrement.

C ONSTANT.

Ejt-ce icy tout? n’oublis-tu rien?

FINET.

C’efl tout; que le retenieiv bien.

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’ « in v px; .2. V.COMÉDIE. 327

CONSTANT.

11e n’en. il? meA I FINET.

V L Et vous i -Retireï-vous toutes d’icy v LDans la mazfon : ’ie fçay fort bienQue l’autre .in’arre Vera rien, r ’

Nousgferons ton’ïc’Qmmaii’de’vnent.’-;

’ FINFÎ’rJ *

Faites, alleïndon’c vitement:

Et ie vas icy dans la porte,N’atendantr que l’heure qu’il forte.

le luy ay: bien tendu latrape,Et ne faut pas qu’il’en-e’chape :. f

Mais deuant que fait gueres tard,Le verreï prisait traquenard. k ’Il ejt à nous: ce’gros poifl’on,

Qui ejil amors à,l’ameçon.

Quelque abile homme qu’ilfe face,

Il entreradedanszma nafl’e. V

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LE BRAVE.

ACTE V. SCÈNE I.FIN ET. TAILLEBRAS.

FINET.

GAR E, gare : voi-cy lepraueQui les cœurs des Dames efclaue:Nulle ne fe treuue enfa voyeS’elle ne veut pâmer de joye:Qu’on s’ofte deuant fa fureur,

Qui ne voudra mourir de peur:La maifon tremble fous les pasDe noftre vaillant Taillebras.le l’oy : le voi-cy hors la porte:Bonnes nouuelles il nous porte.

TAILLEBRAS.

Tout cela que j’ay demandéA Emee, m’ejt accordé.-D’elle par amitiéj’ay u

Le tout comme ie l’ay voulu.

FINET.

Mon-fleur qu’auous tant fét leans?

TAILLEBRAS.

le n’y ay pas perdu mon tams!Iefçay ce que n’ayjamais feu,Car ie n’auois onc aperçu,Que cette femme m’émaft tantComme ie l’ay fçu maintenant.

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COMÉDIE. 329

FINET.

Comment cela?

TAILLEBRA’S.

Que de prieres!Que de propos! que de manieres!Que de foupirs! que de langueurs!Que [de larmes! que de longueurs!Si l’ay-ie à la parfin gaignee,Et j’en ay fét ma dejlinee:Vray ejt que luy ay accordé

q Tout ce qu’elle m’a demandé:

Mefme te t’ay donné à elle,

Ne pouuant refufer la belle.

FINET.

Moy! qu’il faille que ie la fuiue.’

Eft-il poffible que ie viueForbany de vojtre prefence ?

TAILLËBRAS.

Courage, aye bonne efperance:Lame, ie te retireray.

FINET.

lamais fi eureux ne ferayl

TAILLEBRAS.

Vraymentj’ay pris afleï de peinePour empefcher qu’elle t’emmeine:

Mais il m’a falu luy quiter,Me voyant tant folliciter.

01”

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330 LE BRAVE.

FINET.

Mon premier efpoir ejt en Dieu,Et puis en vous en fecond lieu:Mais combien qu’il me face mal,Comme a vofire feruant loyal,Dequoy maintenant me faut eflreOjté d’auec vnfi bon maiftre,Au moins ce m’eft quelque plaifirDe vous voir ainfi paruenir,Par moy, a la belle voifine,Dont vojire valeur eft tant dine.

TAILLEBRAS.

Que fert tenir tant de langage?le te feray bon aduantage,Et fay qu’elle te rende à moy.

FINET.

le l’effairay.

TAILLEBRAS.

Tant mieux pour toy:Il me tarde que ce n’eft fét.

FINET.

IWOtlfieill’, vous ferieq trop parfét,

Si dontieg vos afieâions:Ne monflreq tant vos pajfions,Commandeï-vous. Mais la voi-cy,Quifort pour s’en venir icy.

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: COMED 11E. i 31391

ACTE V. SC’ÈN È Il.PAQVETE.: ËLËVËIE. ’ T’AÎÈLEBRAS.

.FIwww. ÇDAME voyla le: Capitene.

-’ Eievu’xe. ’

Où? a . LP Æ over E

’ Le voyjla quifepou1:mene V

Sur main’gauche. ’F’LÈVRI’E. ’

qu le voy bien.

PAQVETE.

Mais fans fairefemblant de rien,Guigneïele feulementfdu coin LDe l’œil, le” regardant de loin,A fin qu’iln’aperçoiue pas

Que nôusvle voyons. ’

FLEVRIE.

Parlon. bas. L

P4 QVETEr..

AÏteure il faut, que deruenions, :

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332 LE BRAVE.De mauuaifes que nous eftions,M’echantes en extremité.

FLEVRIE.

Toy, qui defia l’as acojte’, .Commence à nous batre la voye. c

PAQVETE.

Dites haut, afin qu’il vous oye.

FLEVRIE.

Las! à l’heure que ie le vy, Î.Mon pauure cœur me fut rauy!Il faut maitenant aller voir,Si ie pourray bien le rauoir.Fy de mon cœur! il n’eft plus mien. .Si luy plaift l’auoue’r pourfien,Ie ne veu qu’il me fait rendu: :Ce m’eft bien de l’auoir perdu.

TAILLEBRAS.

Entens-tu bien ce qu’elle dit?

FINET.

C’eft defon cœur qu’elle perdit,

Quand elle deuint amoureufe.Qu’afteure elle fefent heureufeDe venir en voftre prefence!

PAQVETE.

Quel heur ce vous ejt, quand j’y penfe.’

TAILLEBRAS.

O que Ion m’aime! le le voy.

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L COMÉDIE. 333’q’FINET.’ q

Vous le valez en bonne foy.’ ’

FLEVRIE.

Mais tu me dis grande merueille,Qu’il t’ait ainfi preflé l’oreille, q

- Tellement qu’il t’aitlaccorde’. » -

Tout ce queluy as demandé. .1 ,1.Comme asI-tufi bien rencontrée, ,.L’heure pour y auoir entrée-î),Un dit qu’ily a plus de prefl’eQu’à parler à un .Roy.

P4 QVETE.

1 ’ - .Maiftr’efl’efLongue pour-fuiteâpatience ’M’ont fait? obtenir audience,Apres vndzfficile acceï, -Dont aile; trefeureux fuCceïu

FINET.

Mmzfieur’voyeq l’opinion,

Voyeï la reputation,En laquelle eftes enuers elles.Vous pipa les cœurs des femelles.

’TAIuLEBR’As’.

C’efl bien force que ie ’l’endure: l

fila beauté cemalme procure.

I L , FLEVRIE.

Dieu d’amours ie t’en remercie.Mais. ie’ t’e;requier âfupplie, Ï?

De faire, que-Celuy que j’ê-me

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334 LE BRAVE.

’ Toutes les autres il dédagne,

De tout mon cœur, m’éme de même.Tant puifl’e mon amour valoir,Qu’il condefcende à mon vouloir.

PAQVETE.

I’ay bien efpoir qu’il le fera:

Gracieux il vous émet-a,Encores qu’il défauorzfe

IWainte Dame qui le courtife.

Sinon vous qu’il veut’paur compagne.

F L EV R IE.

C’efi la crainte qui me tourmente,Procedant d’amour vehemente,Pource qu’il ejlfi difficile:Que ie ne fois afleï gent’ile

Afon gré : que me voyant telleComme iefuis, iefoy moins belleQue fa grand beauté ne mérite:Et qu’ainfin il me délierite IDe fa faneur à” bonne grace.

FA QVETE.

N’ayeï point de peur qu’il le face,

Mais pourfuiuez vojtre entreprzfe.

TAILLEBRAS.

Vois-tu comme elle fe déprife?

FLEVRIE.

Ne m’as-tu point faiâe plus belle,

Que ie ne fuis, par ta cautelle?

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UsUJU1COMÉDIE.

PA QVETE.

Il vous trouuera plus parféteDe moitié, que ne vous ay fête.

FLEVRIE.

A fes genoux me jeteray,Et humblement le requerrayDe me vouloir prendre pour fame,Et luy vouray le corps 8» l’ame.skiais pour pouifuite que ie face,Si ie ne reçoy tant de grace,le me turay par defefpoir.’Car fans luy quel bien puis-[e auoir?Sans luy ie n’ay de viure enuie!Sans luy ma vie n’ejt plus vie!

TAILLEBRAS.

Ie veu garder qu’elle ne meure.L’acofieray-ie tout afteure?

FINET.

Nenny non : carfi vous oflrieg,A trop vil pris vous-vous metrieï:Laifl’eï-la vous venir chercher,Vous attendre, vous pourchafl’er,Vous defirer,fi tout à-coupNe vouleï amoindrir beaucoupDe cet honneur qu’aueï aguis,D’eflre ainji des Dames requis.Donneï-vous garde de le faire:Car c’ejt vne chofe bien claire,Que depuis que les hommesfont,le n’en fçache que deux, qui ontEfte’ cherchez ardentementPar les faines..PrenzierementLe beau Paris natif de Troye,Et vous à qui tant d’heur s’otroye.

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U.)LaLE BRAVE.

FLEVRIE.

Ie va leans : cour l’apeler,Fay le fortir :j’y veus aller.

FA QVET E.

Mais atendon que quelqu’vn forte:IËS’ftre paffion vous tranfporte.

FLEVRIE.

Ie ne puis durer que ie n’aille.

PA QVETE.

L’huis eft fermé.

FLEVRIE.

Vaille que vaille.le rompray l’huis.

PAQVETE.

Vous n’eftes [age :

Ne croyeï pas voftre courage:Diffimuleq, alle:( tout beau.

FLEVRIE.

S’il ejt auffi fage que beau,Quand pour fou amour ie feroyQuelque folie, j’en aroyAifément de luy le pardon.Car il eft auffi beau que bon.

FINET.

Comme l’amour fe joué d’elle!

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COMEDIE. 337:TAILLEBRAS.

Ie’fen cet- amour mutuelle.

FINET.

Parleï bas. qu’elle ne l’entande,

Elle en prendroit gloire trop grande.

FA QVETE.

Pourquoy mufeq vous en la’for’te?

, Laifl’eï que. ie batte à la porte. l

FLEVRIE.

Celuy que j’aime n’y e11l point.

PAQVETE.

Comment le [caucus fi apoint? .

FLEVRIE. 5Ie lefçay : quand ilyferoit,LMon née quelque vent en aroit. ,

TAILLEBRAS.

L’amour grande qu’elle me porte,

Lafét deuiner en la forte.

FLEVRIE.

Celuy la que mon cœur defire,De qui l’amour tant me martyre,Eft. icy bien pres quelque part.L’odeur qui: de fes graces partMe donne au ne; ’

kan de Bat]: - 1H. ’ a:

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338 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

Elle voit mieuxAfieure du n91 que des yeux.

FINET.

Amour l’aueugle par ma fay.

.FLEVRIE.

le te fuplie foutien moy!

PAQVETE.

Pourquoy?FLEVRIE.

Que ie ne tombe à bas!

PAQVETE.

Qui a fil?FLEVRIE.’

le ne puis halasMe tenir debout! mon cœur fond!Par mes yeux mes efpris s’en vont!

PA QVETE.

L’auous veu ?

FLEVRI E.

le Fay veu!

PAQVETE.

Où efi-ceQu’il efi donc, ma douce Mazfirefl’e?

Maudi’foy-iefi ie le voy!

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COMEDIE. 339FLEVRIE.

Hà, tu le verrois comme moySi tu l’aimois comme ie l’âme!

PA QVETE.

Si j’ofoyl dire que ie l’âme,

Vous ne l’azmeï pas dauantage,Que j’aime ce beau perfomtage.

FINET.

Toute fame qui vous regardeIl faut que de voflre amour arde.

TAILLEBRAS.

Me l’as-tu mgr dire ou non?Venus me tient pour fan mignon.

FLEVRIE.

Ma Paquete, ma bonne amie,Va parler pour moy ie t’en prie.

TAILLEBRAS.

Comme elle craint en mon endroit!

FINET.

L’autre s’en vient à vous tout droit.

FA QVETE.

Fay aflaire à vous.

TAILLEBRAS.

Nous à la].

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340 LE. BRAVE.

PA QVETE.

Voi-cy madame.

TAILLEBRAS.

Ie la voy.

FA QVETE.

Commandeï donc qu’elle s’en viene.

TAILLEBRAS.

Fay la venir, qu’à moy ne tiene.Ie me commande puis naguiereD’vfer de plus douce maniere, .Que quand tu m’as parlé pour elle:

Ie ne veu dedaigner la belle.

PAQVETE.

Vous apracihant, elle ne peut lDire vu mot de ce qu’elle veut.Cependant qu’elle vous regarde,Le defir que vojlre œil luy dardeA coup luy a coupé la langue,Et ne peut dire fa harangue.

TAlLLEBRAS.

le feray, fans qu’elle la die,Medecin de fa maladie.

PA QVETE.

Voyeq-vous pas, comme elle tremble,Palifi ê rougi]! tout enfemble,Depuis qu’aueg mis l’œilfur elle?

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GOMEDIEJ 341.TAILLEBRAs.g

Ce n’efl pas chofe fort nouuellesLes hommesarmeg en font bienAutant ou plus : cela n’ejl rien.Retire la dans la maifon.

PAQVETE.

Et vrayment vouslaue; raifort,Vous l’y verreï tout à loi tr,S’il vous plazfi,felon fan defir.

’TÀILILEBRAS.

Que veut-elle que ie luy face?

PAQVETE. »

C’efl qu’elle ait voflre bonne grace:Qu’il vous plaife d’aller chef elle:Qu’elle [oit à vous, vous à elle:Qu’elle vfe azlecques vous fa vie:C’efl dequoy elle aplus d’enuie.

TAILLEBRAS.

Iray-ie vers elle qui a lVu marge? i’

PAQVETE.

Long tams ily aQue fan mary 71’er1 plus leans:Il’ejt bien fort loing d’Orleans,

Au pays de Flandre en Anue’rs.Que la peufi-il parfire les versDe fa malheureufe charogne!Toufio’urs’ce’fot vieillard noushogne:Laifl’ons-le la pour ce qu’il vaut;

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34 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

Y efi-il au moins?

PAQVETE.

, Il le fautDepuis le tams qu’il ejtqvartf:Que Dieu luy doint mauuais party lMais vous plaifi-il que ie l’aflureQue la viendrezï trouuer afieure.

TAILLEBRAS.

Guy, i’iray tout maintenant.

PAQVETE.

Veneg doncques incontinant,Et ne vousjaites point attendre,Pour ne donner à [on cœur tendreTrop d’ennuis ê trop de langueurVeneï 3- n’vfeï de longueur.

TAILLEBRAS.

Non feray-ie, retira-vous.

FA QVET E.

Monfeigneur auffi faifons nous.

TAILLEBRAS. i

Mais qui efl-ce que ie voy la?

FINET.

Que voyeï vous?

TAILLEBRAS.

Vn que voy-laTout abille’ à la marine. . *

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’COMEDIE. 343i

FINET.

Il nous cherche, ie le deuine :C’ejt le batelier qui s’en vient

Querir Emee : il m’en fouuient. r

ACTE v. SCÈNE .111.

CONSTANT. FINET. TAILLEB RAS.CONSTANT.

SIj’ignOroy que les amoursOnt fâiâ jouer bien d’autres tours 3A; prou d’autres, i’aroy grand honte

Et grand vergogne, ê feroy conteQu’on me in]! en cet equipage:Mais [cachant qu’on fait d’auantagePour l’amour, le n’en fay grand conte,

Ie n’en a] vergogne ny honte.Mais vôyla Finet ê ma grueQuife pennade par la rué:Il faut qu’autre propos ie iienne,Et de mon fe’t il méfouuienne.le croy que la parefle efi mereDe la fame : il n’a guere afereQui attend fame. Fetardie,le dy la mefme fetardie,Par ma fay n’eji pasfifetardeQu’ejt vne fame : qui je farde, ’Qui s’a’tzfe, qui je regarde, -Quiplaz’nt, qui geint, quije mignarde,Et vousrvela tout ébaïQu’il ejt nuiâ. Seray-ie mefhuy

x

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LE BRAVE.

A tracaflerfur le patté?Me voyci ce croy-ie arriuéDeuant l’lzuis d’Emee. Il ejt tams

De fçauoirfi elle efi ceans:I’y va tabourder. Hola [16!Qui efl ceans? refpondeq hô!

FINET.

Ieune homme qu’ejt-ce qu’ily a ?

Qui es tu? que cherches tu la?

CONSTANT.

C’eji Emee à qui i’ay afiaire:

le vien de la part defa merePour [çauoirfi elle s’en vient,Sinon que c’efi qui la retient.S’el’ vient, qu’elle vienne, on l’atend:

Lou va mettre la voile au vent.

TAILLEBRAS.

Tout ejtprefi : hâ Finet auance,Va t’en querir en diligenceEmee : hafte-la de partir.Elle a eu loifir d’aflortirSes dorures êfes ducaux,Effes robes &fes joyaux,Tout ce que ie veu qu’elle emporte.Si tu n’as l’efchine afleï forte

Toy tout feul, pren des porte- aisPour t’aider. Fay tojlji tu fais.

FINET.l’y, va.

CONSTANT.

Pour Dieu double le pas,Vien toft.

à

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’COMEDIE. 343

TAILLEBizAS.

Il n’arrejiera pas.Dy, compagnon, ê ne t’en faciles,Qu’as-tu a cet œil que tu caches?

CONSTANT.

I’ay vn bon œil.

TAILLEBRAS.

4 C’eft au feneftre* Que ie dy.

CONSTANT.

Par ma foy, mon maifire,Vray eft qu’il ne me fert de rien,Mais ie m’en aidafle aufji bienQue du drain? (car il ejt entier)Si i’ufl’e ejie’ d’autre meflier,

Ou ie n’ufle bougé de terre:le l’ay perdu par un catarreQui m’efl ventrale hanter l’eau.

Maison nous attend au bateau.Lou me jet-trop mufer icy:Ils tardent long tanzs.

TAILLEBRAS.

Les voicy.

lala

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340 LE BRAVE.

ACTE V. SCÈNE IIII.FINET. EMEE. CONSTANT.

TAILLEBRAS.

FINET.

QV’EST-CE cy? n’efluyrez vous point

Cesrpleurs?

Emma.

Que ie ne pleure point,Quand c’ejzl force que ie m’en voife,

Doù ie viuoy tant à mon nife !

FINET.

Voyez vous la (madame Emee )L’homme par qui efles mandeeDe vofire mere ë vojlre fæur?

EMEE.

Ie le voy bien : mon Dieu le cœur!

TAILLEBRAS.

Sçais-tu, Finet?

FINET.

Plaifl-il monfieur.

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COMÉDIE. 347TAILLEBRAS.

Que ne t’en vas-tu ordonnerDe ce qui m’a pleu luy donner,Pour le fere porter au port?Va, trouue des gens pour le port.-

CONSTANT.

Madame Emee Dieu vous gard.

ÈMEE.

A vous auff.

CONSTANT.

C’ejt de lapai-t

De vojlre mere ê vojlre foeur,Que ie vien à vous. De bon cœurToutes les deux je recommandent,Etpar moy enfemble vous mandent,Que vous en veniez tout afteure,Sans faire plus longue demeure:D’autant que le bateau» s’en va,

Et faut que la venieï voir la.Ellelfuft venue elle mefmeVous querir, fans le mal extrêmeQu’elle a d’un reume fur les yeux.

EMEE.

Faut-il que i’aille? il le vaut mieux:Puis que c’efl ma mere i’iray:

filais à regret ie partiray.L’afi’eâion me le fet fere,

’ Que la fille doit en: mere.

CONSTANT.

il .. .Vous monjtrez eflre bien apr-Je,Je vous en loue" ë vous en prife.

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348 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

Scés-tu ? tout l’honneur 6 le bienQu’ellefce’t, c’efl par mon moyen:

Si le ne l’ufle fête telle, iCe ne fujt pas grand chofe d’elle.

EMEÈ.

Ha! c’ejt ce quiplus me tourmente,Qu’il faille qu’ainfi ie m’abfente

De tant venerable perfonne!Voflre compagnie efifi bonne,Si agreable, êfiplaifante,Qu’elle poflede qui vous hante:Quant à moy ie fentoy mon cœur,Me’tenant fiera d’auoir l’heur

D’eflre avous : tant vojtre noblefle,Vofire valeur &gentillefl’el...

TAILLEBRAS.

Ne pleure point.

EMEE.

le ne faroyM’en engarder, quand ie vous voy!

FINET.

Prenon cœur : de.ma part le fcéComme ie m’en [en emprefl’e’:

Et ie ne m’e’merueille pas,

Dequoy vous faites fi grand cas,De partir ainfl de voflre aife,L’homme n’ayant rien qui ne plaife.

Sa beauté, [es meurs, [a valeur,Vous touchoyent viuement au cœur:

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COMÉDIE. V349Et moy, qui nefuis que valet,le fon en larmes de regretDe perdre vn maiflre fi trefbon,Quand ie voy fa bonnefaçon:Et vrament il m’en fait pitié,Voyantfon peu de mauuaite’.

Emma.

Au moins faites moy tant de grace,Qu’encore vn coup ie vous embrajfe,Dauant quefoy plus eflongnee.

TAILLEBRAS.

Tu ne feras point dedagnee.

EMEE

O mes yeux! mon cœur! 6 mon ame.’

.C o N STA NT.

Lame; ie vous piy cette faine,Vous ne luy donneq que tourment,Vous la fetes mourir.

TAILLEBRAS.

Comment?

CONSTANT.

Si toft qu’elle s’ejt retireeD’auec vous, elle s’eji pâmee

Entreprife d’vn mal bien aigre.

TAILL EBR:A s.

Coure; tojt querir du vinaigre.

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350 LE BRAVF.

CONSTANT.

Il n’en faut point.

TAILLEBRAS.

Pourquoy cela?

CONSTANT.

Retire; vous vn peu de là,Et n’y [oyez quand fes efprisLuy reuiendront.

TAILLEBRAS.

Qu’ay-ie mefpris?

C o N STAN T.

Vous ejtes calife de fan mal.Hé vray Dieu qu’elle fent de mal!Le cœur luy ejtoufe au dedans:le ne puis deflerrerfes dens.

TAILLEBRAS.

Lai e la u’elle e reuienne.y 9

CONSTANT.

Laiflon la donc, qu’à moy ne tienne,Ie regardoy s’il faifoit vent:Nous deurions eflre loing deuant,Il faut partir : ie m’en iray,S’il vous plaijt, â la laifleray.

TAILLEBRAS.

le ne veu pas qu’elle. demeure!

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«au v

COMÉDIE. 351

CONSTANT.

Le pauure malheureux il pleure.

TAILLEBRAS.

Or fus donc, vous autresforteï,Et auecques elle emporteï,Selon ce qu’auois ordonné,

Tout ce que ie luy ay donné.

FINET.

Que ie t’acolle vne autre fois,Mon belaud, puis que ie m’en vois.A Dieu feruiteurs &feruantes,Gentils garçons fifilles gentes,A Dieu vous dy : ê ie vous prie,En vous fouhaitant longue vie,Qu’encores durant mon abfenæ,Au moins vous ayeï fouuenanceDe vofire amy ê compagnon,Et que m’appelant par mon nomVous difieay fouuent, quelque partQue tufois Finet, Dieu te gard.

TAILLEBRAS.

Courage, Finet : ne te chaille.

FINET.

C’eft donc force que ie m’en ailleD’auecques vous, 8- qu’au partir,

Helas, ie me [cache-tenirDe pleurer?

TAILLEBRAS.

Aye patience.

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LE BRAVE.

FINET.

I’ay feul de mon mal conoijÏance.

C ONSTAN T.

Madame Emee, qu’aueq vous?Parle; : dequoy vous plaigne; vous?

EMEE.

Douce clarté, ie te falue.’

CONSTANT.

Vous vela doncques reuenue’?

Emee.

Pour Dieu! quel homme ay-ie embrafl’e’!Peu s’en faut que ie n’ay pafle’

Le dernier pas : le mal extrêmeQue i’ay foufertlfuis-ie moymëme?

TAILLEBRAS.

Reprene; vos efpris m’amie:Alleï’vous-en, Dieu vous conduie.

FINET. "Quel me’nagey a til icy?

TAILLEBRAS.

C’ejl que le cœur luy efl tranfiAu partir, ë la pauure EmeeS’ejt euanouye 8- pâmee.

FINET.

La perfonne rien n’aimeroit,Qui de regret ne pâmeroit,

a:

a:

r; a m4..

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COMÉDIE. 353Laiflantfi douce compagnie.Mais monfieur, vn mot ie vous prie:I’ay peur que foye; trop ouuert,Et que par trop à decouuertNous jouyons nofire jeu.

TAILLEBRAS.

Pourquoy?

FINET.

Pource qu’icy deuant ie voy

i» Vn grand monderqui nous verraPorter cecy : qui s’enquerra 1Que c’eft, ê qui vous le fét faire,

Vous blamant.

TAILLEBRAS.

Qu’en ont-ils ajaire?Ce n’ejt rien du leur que ie donne:Ce n’ejt que du mien que i’ordonne:

Ie ne fay conte de leur dire.Mais il efi tains qu’Onfe retire.- AAllez vous en .- Dieu vous conduie.

CONSTANT. ENEE.

Dieu vous doint bonne 6’- longue vie.

* FINET.Monfeigneur, c’ejl pour vojtre bienCe que i’en dy.

.TAILLEBRAS.

le lefcé bien.

[eau de Bai]: - HI. 23

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354. LE BRAVE.

FINET.

A Dieu monfieur.’

TAILLEBRAS.

A Dieu Finet.

FINET.

Mon bon maijire!

.TAILLEBRAS.

Main bon valet!

FINET.

Alleï vous en tant vitementQu’il vous plaira çfubitementIe cour à vous, ë vous atrape. ’Il faut qu’encores il m’échape

Deux ou trois mots enuers mon Maifire,Pour me donner mieux à conoiltre:A fin que de moy luy fouuienne:Afin qu’vn remors luy reuienne,D’ainfi m’auoir abandonne,

Etfi legerement donné.Bien que maint autre feruiteur,Monfieur, ait toufiours eu cet heurD’efire tenu en ranc plus hautQue moy chef vous, il ne m’en chaut:Maisji c’ejioit voflre plazfir,Et qu’il fuji en moy de clzoifir,J’aymeroy mieux feruir cheq vous,Que commander ailleursfur tousLesferuiteurs d’vne maifon rTant efies maiflre de raifon,

15

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COMÉDIE? 3’55

TAILLEB’RAS.

Ne te décourage, Finet. .

FINET.,

Vne chofe au jdefpoir me met,En penfant qu’il me faut changerToutes façons, pour me rangerA vne autre mode nouuelle,Deferuir à vne femelle: , . . .. îVoyant’qu’il me faut defaprendre

Vos complexions, pour aprendreLes facheufeteï d’vne fame,Las, las, d’angoyfle ie me pâme!

TAILLEBRAS.

Va Finet, fois home de bien.

FINET.

le nefçarbykfere nul bienTout le demeurant de ma vie: lVous’m’en faites perdrel’enuie. l

TAILLEBRAS.

Va, n’aten plus : à Dieu.

FINET. .A Dieu.

Au moins vous fouuienne, pour Dieu,De me faire quelque aduantage, -S’il auient que i’entre en mefnage,

Car ie vous en auertiray.

TAILLEBRAS.

Fay donc, ie ne t’y failliray. -

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356 LE BRAVE.

FINET.

Penfe; ê repenfeq fouuent,Combien ie fuis loyal feruant.Ce faifant, vous conoiflreq bienQuifét le mal, qui fét le bien.

TAILLEBRAS.

le fcé prou tafidelite’:I’en ay conu la verité

En prou de lieux par-cy deuant,Mais aujourduy plus que deuant.

FINET.

Vrayment vousfçaureï ce jourduy, ’Si gaillardement ie conduyVn bon afiaire.

.TAILLEBIRAS.

Ie le [çay:Et n’en veux vn plus grand efi’ay.

Mais Finet iefen me venirVn vouloir de te retenir.

FINET.

Monfieur garder-vous de le faire,Car les gens ne s’en pourroyent taire:Et diroyent que feriez menteur,De peu de faiâ, ë grand vanteur.Mais ie veu qu’ils difent de moyQue ie fuis vn homme de fay,Seraiteur loyal &fidelle.Monfieur, fi la chofe efioit telle,Que penfafl’e qu’honefiement

Vous la peuffieï faire, vrement

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COMEDIE.’ 357

le vous confeilleroy lafaire:Mais c’efi chofe qu’on ne doit faire:

le vous pry gardez vous en bien.

TAILLEBRAS.

Bien,.vaten : ie n’en feray rien,Puifqu’ilfaut que pafl’e par la.

A Dieu doncques.

FINET.

Et moy-par là.Il vaut mieux s’en aller : à Dieu.’

TAILLEBRAS.

A Dieu mon bon valet, à Dieu.

FINET.

A Dieu Dieu !’mon doux Maifire, à Dieu.

TAILLEBRAS.

Deuant qu’il eut fate? ce faiEt cy,le penfoy que ce valet cyDe tous mes valets fuji le pire:Mais l’ayant veu fi bien conduireTout le fét de cette entreprife,Ie voy qu’il ejt homme de mije,D’afl’eurance êfidelite’. i

Ie me fuis vn peu trop hafléDe le laifler, 8* me repensDe l’auoir perdu. Il ejl tamsMaintenant que j’aille d’icy

Voir mes amours, quifont icyDedans. Il faut que quelcun forte,Car j’enten du bruit en la porte.

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358 LE BRAVE.

ACTE V. SCÈNE V.SANNOM, Laquais. TAI LLEBRAS.

SANNOM.

NE m’en dites pas d’auantage,

Lame; m’aller, ie fuis trop fage .-I’enten mon fait, ê le feray:

Où qu’ilfoit ie le trouueray.le ne veux épargner ma pene,Tant qu’icy ie le vous amene.

TAILLEBRAS.

Ie va deuancer ce garçon:Il nie cherche, à voir fa façon.

SANNoM.

Aa Monjieur, c’ejt vous qu’on demande:

Ie vous cherche : à vous on me mande,O grand é” braue petfonnage,Qui receliez tant d’auantageDe deux grands Dieux.

TAILLEBRA S.

Quifont ces Dieux?

SANNO M.

Venus douce, 6’» Mars furieux.

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COMÉDIE. , 359

TAILLEBRAS.

Le gentil petit garçonnet.

SANNOM.

Vne requefie elle vous fét,Qu’il vous plaife entrer. La pauuretteVousfonge,foufpire êfouhette:N’aime que vous : 63 cependantElle meurt en vous attendant.Secoureqtofl la pauure amante, kQuipleure, fanglotte ê lamente.Qu’atendeï-vous? que n’entrez-vous?

TAILLEBRAS.

I’y vas.

SANNOM.

Et tant vous allez doux!Il s’ejijette’ dans lesfilets

Tant des Maiftresque des valets,Qui luy auoyent dreflé l’enceinte.Le vieillard l’attend à l’atteinte,

Pour furprendre cet adultere,Qu’on iugeroit, à luy veoirfereLa piafle, quelque Rodomont.De morgue il trauaille d’vn mont,Mais il enfante vne foury.D’vne autre chofe ie me ry,C’ejt que le fat fefét accroireQu’il a quelque grand’ beauté, voire

Que nulle fame ne je gardeDe l’aimer, s’elle le regarde:

filais toute fanze qui le voit,Le hayt aufli toft qu’el’ le voit.

N

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360 LE BRAVE.Or vela defia la meflee,l’en oy le bruit 6’ la hulee:Ilfaut s’aprocher vn petit,Pour entendre ce qu’on y dit.

en z».

ACTE V.SCENE VLBONTAMS.PAQVETE

SABAT, Cuifinier. SANNOM. FLEVRIE.t ’ TAILLEBRAS

BONTAJus.

A vous, à vous monfieur le veau.

. PAQVETE.Qu’ilfe déplailt d’efirefi beau!

SABAT.

Au renard, au renard coue’.

SANNOM.

Au renard qu’ilfoit écouédl

PAQVETE.

Hou le mafiin, houle mafiin.

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COMÉDIE. 361

SABAT.

Hou le fouin, hou le fouin.

PAQVETE.

Coureq, venez voir le gros rat.

SANNOM.

Garder la part à nojtre chat.

BoNTAMS.

Bailleï luy des femmes de bien.

SABAT.

Mais pluflofi des noces de chien.

PAQVETE.

Ejt-il honteux? efl-il penaud?

I SANNOM.

Demandeï s’il a le cul chaud.

PAQVETE.

On l’ejiouperoit bien afleure iD’vn grain de mil, ie m’en afl’eure.

SANNOM.

Le gueu,’ le poltron, le truant.

SABAT.

Le matou qu’il vefle puant.

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362 LE BRAVE.

SANNOM.

Il a trouué vne reflouife.

SABAT.

Mais c’efi pour luy vuiderfa bouife.

PAQVETE.

Cinq cens coups : le robin ejt pris.

BONTAMS. iIl ne robine à moindre pris.

FLEVRIE.

Le mignon de Venus endure.

PAQVETE.

Sa beauté ce mal luy procure.

SABAT.

Il les luy faut trancher tout net,Au braue Roland d’Orcanet.

PAQVETE.

Garda-le qu’ayons de [a race,S’il nous veut faire tant de grace,Afin que voyons des enfansDe fou cors qui viuent mille ans.

SANNOM.

Il n’aroit garde de le faire.

FA QVET E.

Ilferoit auffi trop vulgaire.

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COMEDIE. 363BONTAMS.

S’il ne veut marcher qu’on le traîne

Par force ce beau Capitaine:Qu’on l’enleue comme vn cors faint,Le méchant, qui ne s’ejt pasfaintDe comettre telle traifonDedans vne honefie maifon.Qu’on lefoutienne, ê qu’on leferre

Haut entre le ciel ë la terre.

TAILLEBRJAS.

Ahfeigneur, ah ie vous fupplie!

BONTAMS.

C’efl pour neant que Ion me prie.Sabat, regarde à ton couteauQu’ilfoit affilé bien ê beau,

Et qu’il tranche comme vn ragoir.

SABAT.

On s’y voit comme en vn miroir,

Tant il ejt cler : mais ilfe frippeD’enuie qu’il a de la trippe

De ce ribaud. Qu’on me le baille,Que ie face defa tripailleVn calier autour de fa gorge.

TAILLEBRAS.

Iefuis perdu!

SABAT.

Que ie l’égorge,

A fin que ce fait plujtofl fét.

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364 LE BRAVE.

TAILLEBRAS.

Mes amis, qu’ay-ie tant forfét.’

B o NTAM s.

Il refpond : ne l’égorge pas. A

Dauant ie veu que haut 6- basIl fait ejtrille’ dos 8- ventre.Faut-il qu’en cefieforte on entreEn la maifon ’d’autruy, pour fe’re

Et comettre ainjin adultereAuecques la faine d’autruy?

TAILLEBRAS.

le meure doncji aujourduyOn ne m’efioit venu chercher.

BONTAMS.

Il ment, frape;

TAILLEBRAS.

le vous pry tousOyeï-moy.

BONTAMS.

Queue frapeï-vous?

TAILLEBRAS.

Vn mot, s’il vous plaijt vous tenir.

BONTAMS.Dy.

TAILLEBRAS.

Lon m’a prie d’y ventru

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COMÉDIE. 365

BONTAMS.

En as-tu pris la hardiefl’e?

TA ILLEBRA s.

Seigneur, ie vous pry qu’on me lefle.Las! i’ay ’ejté afleï batu

Pour vn jour!

B O NTA MS.

’ T’en contentes-tu ?

Si tu l’es, ie n’en fuis contant,

Qu’on me le bate encore autant.

TAILLEBRAS.

Au moins oyeq vne parolle,Auparauant que ton m’afolle.

BONTAMS.

Dy quelqueexcufe qui nous menue.

TAiLLEBR-AS.

Ie penfoy que fuji vne venue,Et pour certain la chamberiere,Qui en ejtoit la courretiere,Me l’auoit fait ainfin entendre.

BONTAMS.

Iure de jamais ne te prendre,Pour te vanger aucunement,Par jujlice ny autrement,A nul de cejle compagnie,Pour toute la gallanterie

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366LE BRAVE.

De point en pointfi bien complete,Qu’à ce jourduy nous t’auons fête:

Tant pour auoir efié batu,Que pour deuoir ejire batuEncor autant :jipdr pitiéNe châtions ta mauuaitie’,

Etfi te laiflbns échaperSain 8» fauue, fans te fraperA mort, toy le mignon cheiyEt des Dames le fauory.

TAILLEBARAS.

le jure Dieu ê tous les faints,Si j’échape d’entre vos mains,

Et qu’il leurplaife tant m’aider,

De jamais ne vous demanderRien quifoit, pOur tout cet ennuy,Que m’aueï donné ce jourduy

En me batant. Seigneur, au moinsNe retenez point de témoins,Pour tout ce fe’t .- ie vous fuplyMetton toute chofe en oubly.

BONTAMS.

Si ta promefl’e tu fauflois ?

TAILLEBRAS.

Que par tout eftimé ie foisLe plus méchant homme du monde:Que jamais en chofe du mondeIe ne foy creu en témoignage,Tout le demeurant de mon âge.

SABAT.

Il faut encores nous ébatre

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COMÉDIE. 367A l’ejiriller ê le bien batre,Et puis nous luy donrons congé.

TAILLEBRAS.

Vrayment ie t’en fuis obligé:

Que Dieu te le rende, Sabat:Tu es toufiours mon aduocat,Et ne plaides que pour mon bien.

SABAT.

Ca donques ie ne fçay combien:Ca quelques bonnes pieces d’or,Et plaideray ta caufe encor.-Ca vingt écus.

TAILLEBRAS.

Pourquoy cela ?

SABAT.

Pource qu’encore te voila,Et les témoins ne retenonsPour le fait où te furprenons.

BONTAMS.

Laifl’eq-I’au diable, qu’il échappe .-

Mais ne luy rende; ny [a cappe,Nyfon épee, ny fou bonnet,Ny fa dague, ny [on colet.

SABAT.

Encor le pendard tire arriere.

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368 LE BRAVE.

TAILLEBRA’S.

Vous m’aueï d’eftrange maniere

A cous de boiton amolly:Mais lamez-moy ie vousfuply.

B o NTAMS.

Laifl’eq-le aller : qu’on le delie.

TAILLEBRAS.

Humblement ie vous remercie.

’ BONTAMS.

Sijamais ceans te retreuue,I’auray les témoins pour la preuue.

TAILLEBRAS.

Ie n’allegue rien alencontre.

BONTAMS.

Laiflons-le icy fére fa montrerIl s’ejt mis à bonne raifon.

Retiron-nous dans la maifon.

a

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COMEDIE. * 369

ACTE V SCÈNE Vu.TAILLvEBRAS. H-VMEVENT.’

TAILLÈBRAS.

AY-ie au moins toute ma peifonne ?Suis-ie entier? ce qui plus m’étonne,

Ce [ont tant de gens que ie voy,Qu’ils ne depofent contre moy,M’auoir vu quand ie fuis entré.le n’enhfuis pas bien-depejtre’:

Quant à eux, ils m’ont fait iurerï:* Mais d’eux ie ne puis m’afl’urer.

M’aroyent-ils bien fait? tant d’excés,

Pour m’en mettre apres en procès?Nenny non :puis qu’ils m’ont lâché,I’en fuis ce qu’en feray fâché.

Mais ie m’ejiime trop heureux,Sauue’ d’vn pas fi dangereux.

’HVMEVENT.

Voy, voy, voy! en quel equipageVoy-ie mon maijtre? quel vifage!Quel regard! quel port! quelle grace!O qu’il efi blême’par la face,

Croyïant les bras tout éperdu!Mais à queljeu a til perdu?Ie fuis bien fort émerueille’Si ce n’efi au Roy dépouillé.

.. TAILLEBRAS’.

Ne trouueray-ie point afieure

q Iean de Baif. - HI. 24.

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LE B RAVE.

a.

Quelqu’vn des miens qui me fequeure?Emee eji-elle dejia loin?Dy le moy.

HVMEVENT.

Elle ejt bien fort loinLong tains a.

TAILLEBRAS.

O le grand malheur!

HVMEVENT.

Vous cririeï, ô double malheurPar lequel vous efles paflé,Si vous fçauieï ce que ie fee’.

TA1LLEBRAS.

Que fce’s-tu?

HVMEVENT.

Celuy du bateau,Qui auoitfur l’œil vn bandeau,Ce n’efloit pas vu batelier.

TAILLEBRAS.

Et qui donc?

HVMEVENT.

D’vn autre nzefiier.C’ejtoit vn amoureux d’Emee,

Qui vous l’a trefbien enleuee.

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COMEDIE. 371TAILLEBRAS.

Comment le [ces-tu?

HVMEVENT.

le le fcé.Carj’ay bien veu qu’ils n’ont ceflé

De s’entrerire par la rué,Dés qu’ils vous ont perdu de vue.Et dés qu’ils ont efié fur l’eau,

Et de je baifer en bateau, vEt de s’embrafler, &fe joindre,Et de je jouerfans fe feindre:Et Finet defe prendre à rire,De je gaudir, 6’ de me direfifille brocars, milleforncttes,De moy 8» de vous qui la efies.

TAILLEBRAS.

Moy malheureux! moy miferable,Qu’on fét ainfiferuir de fable .’

Ah Finet, méchant que tu es,Tu m’as tendu tous ces filets!Tesfiitefles m’ont afline’:

Les croyant trop j’ay mal finé’:Mais ie conoy qu’ay merite’

D’efire de la façon traité.

Si tous ceux quifont adulteresReceuoyent de pareils faleres,En cejie ville on les verroitPlus cler-femez qu’on ne les voit:Et peut ejtre qu’en cette bandeLa prefle ne feroitfi grande.Ils en creindroyent plus le loyer,Et aimeroyent moins le metier.

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LE BRAVE.

E PIILOGVE.

RATON.

M ESSIEVRS,, ce n’efi point moquerie :Vn mot de Raton ie vousprie:

Finet ajoue’ le Prologue,Raton va jouer I’Epilogue.Il vous afaifl de Ions difcours,Je vous feray les miens plus cours:Raton plus petit que FinetNe vous tiendra qu’un tantinet.Sçauous qui m’a fét l’entreprendre?

C’efl pour ceux qui voudroyent reprendreLafin de noflre Comedie,D’auoir une fi’oideforiie,

Dautant qu’ils ont veu TaillebrasCroiïer tragiquement les bras.Mais outre le droiâ apparantNous auons vn trefbon garant,Qui s’efl garent)” de l’outrage

De deux mille ans ê dazzantage.Nul entre les bons ne je trouueTant outrecuidé, qu’il reprouueL’euurefi long tams aprouué,S’il n’a le feus bien reprouué.

Quant efl de nofire Capitaine,Mejfieurs, ne vous en donneï peine:Il ejl plusjoyeux que fâché,D’eflre quite àfi bon marché.Son écornifleur Gallepaz’n

Se contentera pour du pain:

.u,

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COMEDIE.U.)XIUn

Finet n’ejt que trop fin pour prendreCela qui doit content le rendre:Hunzeuent quelque vent qui vente,Face laid ou beau, je contente:Emee qui efl tant emee,Doit eftre contente ejlimee:Oteï vne S de Confiant,Confiant demeurera Contant :Fleurie êfa gaye PaqueteOnt tout ce que leur cœurfouhaite:Quant ejt du cuzfinier Sabat,Il efl contant defonfabat:Le laquais de Bontams SannomSçait bien s’il ejl contant ou non :Bref nous tous, pour efire contans,Allons fouper auec Bontams,Qui ajoué le peiforznageD’un vieillard, efiant dejeune age.Nous prenons ce jeune Bontams,A fin qu’il nous dure long tams.Bien peut je contenter Bontams,Qui rend tous les autres contans.Encor un petit nzotelet,Qui n’a rien de mal ny de laid .-Louange ejt de bon cœur amie,Le blâme accompagne l’enuie:

40e; de hardis repreneurs,Peu de nzodejtes apreneurs.Il vaudroit beaucoup mieux aprendreDes maiflres, que de les reprendre.Si vous trouue; la Comedie IDigne qu’ellefoit aplaudie,Aplaudifl’eï-la tous enfemble.

Alleq, monfireï que vous en femble.

!

FIN.

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a NOTES

x. A mousexcnuvn LE DVC n’nLuNçou, p. 1.En décrivant, dans la note I de notre T.*I, p. 397-399, les

EVVRES EN RIME, nous avons dit qu’elles se divisaient enquatre parties. Les (x. LIVRES DÈS pionnes, qui forment lapremière de ces parties et qui commencent par LE pneumaDES METEORES, ayant été composés après les AMOVRS, ontété mis dans notre second volume, auquel ils correspondent exac-tement. Les LIVRES DES AMOVRS, placés en second dans leRecueil, mais écrits en premier, forment notre premier volume.Les v. LIVRES DES [va commencent ici, par l’épître au ducd’Alençon, avec notre troisième volume , qui contient : Leseclogues, Antigone et Le Braue, c’est-à-dire les trois premierslivres des Ieux. Notre quatrième volume commencera par les deuxderniers: L’èunuque, comedie de Terence, et 1X. deuis des Dieux,pris de Lucian. Ensuite viendront les v. LIVRES ses russe-,r une.

2. ...la befie rincanante, p. 3.L’animal qui brait, l’âne. On trouve remuer plus fréquemment

que rincaner. Sainte-Palaye, dans son Dictionnaire, cite cepassage des 111. Maries (p. 88) :

Li buef mugit, l’ane recane.

3. Soutins des Satyres folets, p. 3.Soutins, soutenu, est ici l’ancien participe du verbe soutenir.

Du Bellay a dit (Hymne au Roy fur La prinfe de Callais,T. 1, p. 312):

Il: ne cognoifloyent bien vojtre fortune heureufe,Et fi ne cognoiflloyent la vertu valeureufeDe ce Prince Lorrain, qui d’vn grand EmpereurAuoitfouflins à Metz laforce ê la fureur.

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376 NOTES.4. . . .apar elles, p. 4..C’est la traduction littérale de à parte, du côté, de la part.

5. Les EGLOGVES, p. 7.Lisez eclogues, forme plus exactement transcrite du latin eclog .

Cette faute typographique persiste dans les titres courants jusqu’àla page 33 inclusivement.

6. Et le nom d’Amarille auxforejts en aprit, p. 16.Formosam rescnare doces Amaryllida silves.

V1 ne: LE, 1": Églogue, v. 5.

7. ...leur rayons..., p. 19.On trouve plus bas, dans la même page, leur efprits. On serait

tenté de voir là quelque vague souvenir de l’ancien emploi de leur(lor, de illormn) qui, dans la vieille langue, ne prenait pas plus l’sà côté des substantifs que devant les verbes; mais, comme onrencontre aussi fréquemment leurs pour leur (Voyez ci-après lesnotes 36 et 43), il est probable que ce sont de pures fautes typo-graphiques.

8. ...entan, p. 21.Ecrit plus ordinairement antan, l’an dernier.

g. Vrayment ce fu]e-mon..., p. 22.C’est, à un autre temps du verbe, l’expression exclamative c’efi

mon, encore employée par Corneille. (Voyez mon lexique de cetauteur.)

Io. Vu char d’Ierre qnuironné, p. 25.De lierre; c’est la vieille forme tirée de hædera, à laquelle s’est

plus tard incorporé l’article. Un peu plus loin (p. 27) Bail emploie

la forme moderne z ,». . . . . . voy cejte belle entreeComme de verd lierre elle cfi bien accoutree.

u. Mefmes les chiens te craignent 6- redoutent, p. 30.Le texte porte :

Mefme les chiens tercraignent ê te redoutent,ce qui donneun pied de trop. Nous avons supprimé le second le.

On pourrait dire aussi : te craignent et te doutent, en donnantà ce dernier mot le sens de redouter, qu’il a gardé jusqu’auXVlI° siècle.

12. ...hîcr..., p. 42. hDans l’original hier est ainsi imprimé avec un tréma, et la pro-

aZ

ï

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norias. 377nonciation qu’il indique est du reste indispensable pour la mesuredu vers.

13. Mais cet ardeur ne fera confumee, p. 50.Ce mot est du féminin comme presque tous les noms en eur;

mais souvent, ainsi que le remarque Littré, «le XVIa siècle fit,contre l’usage et par zèle étymologique, ardeur du masculin n.Peutsêtre est-ce ce double genre qui a troublé le compositeur et lecorrecteur, et qui les a empêchés de mettre, au moins, une apo-strophe à la-fin de cet précédant le mot ardeur accompagné d’unparticipe féminin. Nous avons, du reste, déjà eu à signaler desanomalies du même genre. (Voyez T. Il, p. 4.69, note 5x.)

14.. Defi’aites ces liens : Enfans, pour ma rançonLa chanfon vous aurez, c’efl pour vous la chanfou, p. 52.

Le texte porte au commencement du second vers là, adverbe, aulieu de la, article; mais le second hémistiche ne permet guère delaisser subsister cette leçon.

15. Et de Guide ë d’Eryce elle ne fait plus comte, p’. 53.De Eryce, dans le texte. ’

16. Ali, que le dur caillou, s’elle hafie [es pas,Les plantes ne meurer àfes pieds delicas, p. 54..

Il y a dans le texte : les durs cailloux; mais la mesure du verssuivant ne permet pas de mettre menhir-me au pluriel.

I7. par les buzfibusLes graillons reucillent leurs chaufonS, p. 57.4

Par, à travers, parmi. De mêmeià la page 59 :

Commefes rets hors de Seize il tenoit,Par les poidbnsfretiller il le voit.

Les graillons sont les grillons. Ronsard a aussi employé cemot, qui, du reste, est fort ancien et qu’il faut se garder d’attribuerauxpoètes de la PléiadenVoyezle Dictionnaire de Sainte-Palayeet celui de M. Godefroy.

18. L’un apres l’autre efcoutons nojire amour .-La Mufe plazfi quife fait tour à leur, p. 60.Alternis dicetis : amant alterna Camœnæ.

VIRGILE, Ecloga Il].19. Tellefaifan met Lucette

Où qu’elle je mette, p. 61.

Cela est évidemment fautif. Il semble qu’il faut lire :

Telle jaffait m’ejt Lucette.

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378 NOTES.2o. ...vn pair de Paifiës lafciues, p. 62.Du Gange remarque dans son Glossaire, à l’article Passa, que

les Angevins appellent le moineau purifie. et page

21. Plus qu’vne jeune poutre 61 farouche ê rebelle, p. 74.

Poutre, jument. Cinq vers plus bas, tourte, tourterelle, est ditpour lourtre, de turtur.

22. . . .ie nousferoy d’orTous deux en bel or reluire.Mettre d’or ie nous ferois, p. 78.

. .Le texte porte, au premier et au troisième vers, vous, au lieu de(nous, mais il est évidemment fautif.

23. Tournant la tranche de l’efirain, p. 79.Estrain est expliqué a foarre n , paille, par Nicot. Le cochai],

dont il est question plus bas, est, d’après le même lexicographe,une r efpece d’alouette n.

24. . . .il faut donc que ma plaineNourrifle vu auolé?... p. 8o.

Avale, de advolatus, qui est arrivé tout à coup d’un pays autre

que celui que nous habitons. -25. De nuages éueux le Marin lenebreux,

L’Autom de noirs brouillas couure le ciel ombreux, p. 81.

Eveux, aqueux, de ève, forme septentrionale du mot eau. LeMarin, le vent de mer.

26. Etfcruent aux poifl’ons des courtils les lanieres, p. 83.Counil n’est pas une faute pour canai], lapin. On disait indiffé-

remment au XVI° siècle z courtil, connin, munit et counz’n; cesquatre formes sont dans le dictionnaire de Cotgrave de 1611.

27. Charmes rendez Rouliu, ou mon cœur rendez moy, p. 85.Ce refrain, souvent répété dans cette page et dans les suivantes,

est quelquefois imprimé fort incorrectement dans le texte. Ontrouve par exemple :

Clzarmez, rende; Roulin, ou mon cœur rendez moy.

28. .. .le crouille! defon huis..., p. 86.Le loqueteau de sa porte.

29. De rien ie ne te deparage, p. 101.Déparager. Mot à mot tirer de pair zet, par conséquent, més-

allier: i

z

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NOTES. 37930. Me veux-tu par terre touiller, p. 102.Nicot explique ainsi touiller : a Mefler confufement auec faleté

& ordure. . . De là vient patouiller. æ

31. . . .à vne ver-feue

De nous..., p. 104. IVerfenne, a Mot saintongeois qui lignifie fillon. n (MÉNA: a E,

Dictionnaire étymologique.) ’32. . . .pleujl à Dieu qu’vnfoc en fufi ofle’, p. 105.

Il y a bien foc dans le texte, mais l’ensemble du passage indiquequ’il est indispensable d’y substituer fac.

33. De la gueule des loups..., p. 1 10.Il n’est peut-être pas inutile de remarquer que, dans le texte, il

y a gaule, comme si le gavait un son dur par lui-même.

34. De ce à quoy ion me force, a ceux de fous la terre, p. 122.Pour ramener ce vers à sa mesure il faut prononcer De c’à quoi.

35. Les vus de boucliers é” de mailles, p. 124.

Boucliers ne compte que pour deux syllabes, comme plus loin(p. 156) sangliers, et tous les mots de cette terminaison. Corneillea été blâmé pour avoir fait meurtrier de trois syllabes. (Voyezmon lexique de Corneille.) Voyez aussi les notes 4 et 11 dutome Il de Baïf, p. 464 et 465.

36. Quia decauuert leur relretle, p. 125.Ici, et au vingtième vers de lez-page 132, il y a dans le texte

leurs au lieu de leur. Voyez ci-dessus, note 7.37. Mais quant à Polynic, qui lazfi’antfon pais, p. 128.

Il y a Polynicefdans le texte, ce qui rend le vers faux. Nousnous sommes trouvé autorisé à y substituer Polynic, écrit ainsideux fois par le poète (p. 116 et 117) dans des circonstances ana-logues.

38. Et qu’elle ejl innoçante ê qu’elle ejt la moins dineDe toutes de mourir d’vne mort tant indigne, p. 151.

Indigne se prononçait indine, même lorsqu’il ne s’écrivait pas

ainsi, ce qui du reste arrivait souvent; ainsi nous avons trouvé,page 122 :

Delaiæcs nous deux, de morts bien plus indines.Maintenant le g se prononce toujours, excepté dans signet,

unique débris de l’ancien usage.’(Voyez la note 54, t. 11, p. 469.)

39. Et la de fou Pluton qu’elle efl’aye obtenir,Puis qu’ell’ honore tant, d’au monde reuenir, p. 156.

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380 NOTES.Ce second vers serait plus clair si l’on mettait : Puis qu’el’

l’honore.

4o. Maintenant ie for prefque hors deÎmoyvmefme, p. 157.Il faut remarquer que l’e final de presque s’elide devant l’h de

hors considérée comme muette.

41. Fut dans vn antre ataché, p. 164.Le texte porte à tort: un autre. Du reste, la confusion est

facile entre ces deux mots. (Voyez la note 59 du. tome Il,P» 47°.)

42. Et mal don bien on efperoit, p. 171.Don est ainsi dans le texte, pour d’où. Nous avons respecté

cette forme qui se rencontre assez souvent chez notre auteur, età laquelle nous avons quelquefois ajouté l’accent (DOÎl) pour larendre plus intelligible.

43. Pdmant entre leurs bras, p. 174.Le texte donne leur bras. Voyez les notes 7 et 36.

44. Le BRAVE, p. 183.Cette comédie, imitée très librement du Miles gloriosus de

Plaute, renferme, pour le fond et la forme, de nombreux souve-nirs de Rabelais (voyez ci-après les notes 75 et 76) que Baïf sembleavoir étudié pour se plier au style comique. L’édition originalede cette pièce, publiée en 1567, forme un volume de quatre-vingt-dix-neuf pages et un feuillet blanc, dont voici le titre exact, quiporte la marque d’Eflienne, avec la devise Noli altznnfapere:

LE BRAVE,gy COMÉDIE DE IAN

ANTOINE DE BAIF,

I-OVEE DEVANT LEROY EN L’HOSTEL DE GVI-’SEAPARIS LE XXVIII.

DE IANVIERM.D.LXVII.

A P A RIS,’

Par Robert Eftienne Imprimeur du Roy.M.D.LXVII. l

A VE C PRIVILEGE.

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NOTES. 381On trouve au recto du second feuillet :

LES CHANTS RECITEZENTRE LESlAGTES DE LA COMÉDIE.

A V R o y.

CHANT I. la): RIO.N.SARD.

(Ce chantlsera placé dans notre édition des Œuures de Ronàard.)

* A LA R CINÉ.CHANT 11v. DE Bue.

Qui poufirafi haut fa voix,Qu’il entone une chunfon dineDe vous, â Raine CATERINE,Mere du Peuple ë de nos Rois?O uojtre doux furnom fatalEt bien eureus à nqflre France,Puis que de fi promte alegeance

* Auez. apaifé fan chaud-mal!; Lors que du fer, qu’elle tenoit

En fes mains tremblantes de rage, ,La pointe pour s’en faire outrage,Contre fan ventre elle tournoit.Mais vousfujtes [a guerifon ;Son mal tout à coup ferrelcîche:Aufi toft le fer elleîlâche,Que luy rendiftes la raifort.

Laflamme par l’ofcure nuitPlus belle ê profitable eclaire .1Vqfire vertu plus néte ë claireAu tome plus orageux reluit.Pourueoir au bien commun de tous,Efire aux afih’gez pitoyable,Detefler le meurdre execrable,Amollir le haineux courroux,

En paix ê repos gracieusMaintenir fou peuple ë jan rêne,C’ejt c’efi la, perm fouzzeréne

Quiouure le chemin des cieux.O Royne, .6 l’appuy des vertus, n e(Trop nous fait befoin votre vie)De cent ans ne. vous prene enuieDu loyer «n’attendez là jus.

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382 NOTES.A MONSIEÎ’È.

CHANT III. DE DESPORTES.

Lors’fque le preux Achile filoit entre les Dames,D’vn habit feminin defguyé finement,Sa douceur agreable en cét accoutrementAllumoil dans les cueurs mille amoureujes flames.

En voyant fes attraiâ’s, [a façon naturelle,Les beaux lis de fou tainft, [on parler gracieux,Les rofes de fa ioue à?» l’eclair de fes yeux,On ne l’efiimoit pas autre qu’vne pucelle.

Mais bien qu’il furpaflajt la plus parfaiâe image,Qu’il film la grace douce ë le vifage beau,Le taint frais ê douillet, delieaie la peau :Il cachoit au dedans vn genereux courage

Dont il rendit depuis mille preuues certaines,Faijant fur les Troiens les ficus viâ’orieux,Et s’acquit tel renom par fes faiéîs glorieux,Qu’il oflujqua l’honneur des plus grandz Capitaines.

Ainfi cefle beauté qu’on voit en vous reluireVous fuie? comme celefle à bon droit? admirer :Amour dedans vos yeux s’ejt venu retirer,Et de la fans repos mille fleches il tire.

Mais bien que vous ayez vne douceur naine,Et que rien de fi beau n’apparc-zfle que vous,Que vos yeux foyent riens, vojtre vifage doux;Vous aueï au dedans vne ante ardante ë vine 4

Et ferez comme Achille au millieu des alarmes,Fouldroyant les plus forts, tuant ê renuerfant.Et tout ainji qu’vn ours fefait voye en pflIant,Vous payerez par tout par la force des armes.

Heureux en qui le Ciel ces deux trefors afemble,Qu’il ait la face belle, ê le cueur genereux:Vous qui efies guerrier ayme’ ë amoureux,Nous faites veoir encor Mars ê Venus enfemble.

A MONSIEVR. DVC.CHANT IIII. DE FILLEVL.

lamais la mort n’eflaceLe nom des vertueux,On voit luire en leur raceLeurs faiéîs viéiorieux.

sa m au, i

si

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NOTES. 383De H E N au la memoire

Viura mal gré les ans:On voit peinâe fa gloireAu cœur de [es enfans.

Verjez fur eux les rofes,Repandez les odeursAu doux printams éclofes,Vous Deefl’es des fleurs.

Faites que F KAN (:01 s croifi’e

Des vertus le feiour,"Came vn peuplier je dreflèPlus beau de iour en iour.

Le vice je recule,Vertu [rafle fes pas .-Il tara corne HerculeLes monflres de fou bras:

EgaIant en proüefleL’honeur de ce Gregeois -:Surmoutant en [agefl’eL’autre Hercule Gaulois.

A MADAME.

CHANT V. DE BELLEAV.(Ce chant a été reproduit par nous dans les Œuvres de.Remy

Beileau, t. Il, p. 461. Voyez, dans le même volume, la note 116,

P- 490.) ’45. ...Ediuton, p. 188.Forme francisée de Haddington, ville dlÉcosse.

46. ...Dombarre, p. 190.Dunbar, ville voisine de celle dont il est question dans la note

précédente.

47. ...1jles d’Qrcauet, p. 193.

Les îles Orcades, en anglais Orkneys. Plus loin (p. 362),Taillebras est appelé ironiquement : braue Roland d’ Orcanet.

48. (me die? elle) 6 vray Dieu comme, p. 194.il semble manquer un pied à ce vers; mais la parenthèse dans

laquelle sont renfermés les mots (me die? elle) les isole et empêchei’élision de l’e devant â. Dans ce vers (p. 199) :

D’Efcofe. Il yfeitfejourl’élision n’a point lieu non plus, à cause du repos indiqué par lepoint.

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384 NOTES.49. Me pourmenant par le Martroy, p. 195.Le Martroy est une place publique d’Orléans, ville où se passe

la comédie du Brave. On appelait en plusieurs endroits martroiou martray l’endroit où l’on torturait et où l’on exécutait les

criminels. Voyez Du Carton, Glossaire, au mot Martrezum.

50. Par telfi..., p. 197.A telle condition. La Fontaine a encore employé cette vieille

locution (Contes, La Gnose IMPOSSIBLE):Je te la rends dans peu, dit Satan, favorable :Mais par tel fi, qu’au lieu qu’on obeit au Diable

Quand il a fait ce plaifir là,A les commandemens le Diable obeira.

51. Riez vqltre foui : iefcay comme,Le rire en le propre de l’homme, p. 197.

Baîf semble tenir à montrer qu’il n’a pas oublié la vérité fa-meuse inscrite par Rabelais à la fin de l’avis Aux lecteurs de Gar-gantua :

Mieulx cil de ris que de larmes efcripre,Pource que rire eit le propre de l’homme.

52. Et s’en joué à la nique noque,

Ou pour mieux dire au papifou, p. 198. .La nicnocque figure dans les jeux de Gargantua (tome I, p. 81,

de mon édition de Rabelais); on n’y trouve point le papifou,mais, ce qui pourrait bien être la même chose, le ehapifou (p. 83).

53. . ..Pour vn aflaire, p. 199.Ce mot était masculin en ancien français.

54. D’Efcofl’e. Il y feit jeiour, p. 199.

Voyez ci-dessus note 48.

55. Chez un amy, qui nous moyenne, p. 291 .Voyez ci-après la note 81.

56. Ou que leur poule cjt adiree, p. 203.Adire, pour perdu, égaré, se dit encore en Normandie.

57. Elle a vne carre afluree, p. 206.Gare, carre, chère, sont des formes différentes signifiant toutes

Visag .

58. . . .là tu maiagraboltfesLes deIeins de les entreprifes, p. 207.

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NOTES. A 385a Il y a dixhuyt ionrs que le fuis à matagrabolifer cette belle

harangue. n (Gargantua, tome l, p. 71.)

59. Comme penfif ilfe renfrongne,Elfes chatunes il ramifie, p. 207.

L’expression chatune, qu’on ne trouve pas dans les diction-naires, signifie les oreilles d’un bonnet, comme on le voit par lepassage suivant :

Le bonnet fur l’œil enfonçant,Et les deux chatunes fronçant, p.1 325.

60; Que tes fortrefl’es forent garnies, p. 208.Le texteporte forterefles; mais les poètes de la Pléiade ,- de

quelque façon qu’ils écrivent ce mot, ne le comptent que pourdeux syllabes. (Voyez Baîf, T. Il, p. 467, note 37, et ci-aprèsnote 80.)

61. Qu’elle ne s’entretaille point, p. 21 1.

Qu’elle ne se coupe point. On trouve plus bas «p: 233), dansun sens un peu différent:

Tu t’entretaillois de la vuêl:Il n’y a ryme ne raifon lQu’elle ait bougé de la maifon.

C’esbà-dire z tu te troublois, tu t’embarrafiois la vue. u On nelaifi’e pas de dire vu cheual s’entretailler, ores que d’vn piedil fiera l’autre en marchant, fans plus, ce que aucuns dirent entre-ferir. » (Nicot.)

62. Tu te gardras d’enfaire bruit, p. 217.Ainsi dans l’édition originale. La réimpression pone à Tu le

garderas, ce qui rend le vers faux.

63. 0115;, ie l’ay diéi ce maidieux, p. 228.

Forme très altérée de la vieille affirmation 2’ Se Dieus (ou Diex)m’ait (Puisse Dieu me venir en aide aussi sûrement que. . .).

Si m’ait Dieu, gram amiflie’ a ci.

(Raoul de Cambrai, v.» 2288, publié par MM; Paul M’eye’r etLongnon, pour la Société des anciens textes français,Paris; 1882.)

64. Qu’auousfongé ? p. 230.

Dans les deuxîéditions cette phrase demeure isolée, sans formerun vers et sans rimer avec ce qui précède ou ce quilsuit.

65. Tu t’entretaillois de la vue, p. 233.

Voyez ci-dessus, la note 61.

Iean de Baif. -- 111. 25

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’ 386 NOTES.66. Brique des facheux..., p. 236.C’est une exclamation dlirnpatience :

l Que tu es parefleuje : briqueFay vne ejpingle qui me piqueIufiement fur le droit. coflé.

(BELLEAU, t. Il, p. 366.)

67. S’il efi vray ce que tu me dis, p. 243.Les deux éditions portent : ce que tu dis, ce qui rend le vers

faux; nous avons ajouté me pour le régulariser.

68. En tout afiaire d’importance, p. 258. .Ajaire est encore masculin ici comme plus haut. (Voyez

note 53.)

69. Ie nejer icy que de chifre, p. 259.C’est-à-dire de zéro, sens primitif du mot chiffre.

7o. Il ejl trop ouuert ê benizz,El courtois pour vnlbon Guefpin, p. 261.

Les habitants d’Orléans sont désignés par le sobriquet deGuespins, suivant toute apparence parce qu’ils sont piquantscomme des guêpes. Voyez sur les Guespins : PELLUCHE,Lettres au Mercure de FranCe, 1732, et une notice spéciale dansle Recueil des meilleures dissertations relatives à l’Histoire deFrance, de Leber.

7x. Layon-le : il efl en roufle vue", p. 26x.La ronfle était un jeu de cartes. ICotgrave, dans son Dictionnaire, explique : Vous me remettez

à point en ronfle verte, par: « You put me flirewdly to myplunges, driue me to the wall, haue me at a bay. n C’est-à-dire :

a Vous me mettez artificieusement dans l’embarras, vous mepoussez au mur, vous me retenez dans un coin.»

72. C’ejt mi vray Bontams confome’, p. 261.

a Rogier Bontemps n figure dans la moralité intitulée L’animepeclzeur, et dans la Bergerie izoziuelle fort ioyeufe ê morale demieulx-querdeuant. (Test donc à tort que Roger de Collerye passepour avoir créé ce personnage au XVlc siècle, ou du moins pouravoir attaché son prénom de Roger au type déjà créé de Bontemps.

(Voyez Perm DE JULLEViLLE, Répertoire du théâtre co-mique, p. 72 et 179.)

73. Faifon le mettre au papié perd, p. 270.ç Ce papier vert est probablement destiné a confectionner au

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NOTES. 387prodigue un de ces fameux bonnets verts que portaient ceux qui,ne pouvant payer, faisaient cession de leurs biens, et dont il estencore question dans Boileau (Satire I) et dans La Fontaine(Fables, X11, 7).

74. Il ne démordra fa liauee, p. 270.Have’e, morceau saisi, happé.

75. Ce vieillard à la bouche fre’clze, p. 271.Qui parle facilement et avec abondance. Voyez mon édition de

Rabelais, t. IV, p. 98.

76. Donnez-vous garde auj’ji de faireComme ou voit les Aduocas faire,Qui difeui, Il n’en faloit pointEiferreut le poing bien apoiut, p. 271.

Encore un souvenir de Rabelais (tome il, p. 168) :n Luy milten main fans mot dire quatre Nobles à la rofe. Rondilibis lesprint trefbien : puys luy dift en eifroy comme indigné : He, he,.he.Monfieur, il ne failloit rien. Grand mercy toutesfoys. n Voyezt. 1V, p. 253, de mon édition, des passagesanalogues dans

Regnier et dans Molière. - - .77. C’eft ton parfounier pretendu, p. 301.Parfonnier, participant, complice; de parfait ou perçon, por-

tion, part. q78. Que fuflè ioufiours ou vous ejtes,

Et Monfieur qui efiant ioujioursAuec vous j’vfafle mesjours! p. 306. I

Les deux éditions portent qui affluai, mais le sans exige que

raflant. A i ’7g. Voyez ce fay-nenni ie vous prie, p. 307.Fay-ileant ne compte que pour deux syllabes, Voyez T. 11,

p. 4.70, note 60.

80. Vous desforirqflles le preneur, p. 309.Voyez la note 60 ci-dessus.

81. le veu que icy mefme tu aillesDeuers elle pour moyenneur, p. 317.

Moyenneur est la forme populaire. La forme savante médiateura prévalu. Nous avons rencontré le verbe plus haut, page 201 :

Chez vu amv, qui nous moyenneTout ce que l’amjw pourroit faire.

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388 NOTES.82. Oéjuis-ie vojtre charpentier? p. 320.Oe’ est une interjection qui ici ne forme qu’une syllabe; c’est le

cri de surprise qui, encore au XVlIE siècle, prend les formes diffé-rentes de ouais, roi, etc.

83. Qui ejt amors à l’ameçon, p. 327.

Amers, participe du verbe anzordre, mordre, s’attacher à.

84. le [en celamour mutuelle, p. 337.Ainsi dans les deux éditions. On pourrait ajouter une apo-

strophe après cei’ pour expliquer dans l’écriture l’élision faite par

la parole;.mais ce n’est pas la première fois que nous rencontronsde la sorte un nom de genre douteux précédé d’un adjectif déter-minatif de forme masculine et suivi d’unqualificatif féminin. Voyezci-dessus, note x3.

85., Quand c’ejlforce que ie m’en mije,4 tous; ie viuoy tant à mon aile! p. 346.

La rime exige qu’on prononce mise,- œ qui du reste n’a riend’extraordinaire, puisque ce mot, ancien subjonctif du verbe aller,se rattache étroitement à je vais.

86. Laine la, qu’elle je reuienne, p. 350.Qu’elle revienne à elle. Lorsque l’action était, pour ainsi dire,

intérieure et se passait chez la personne même, on employait au-trefois d’une façon fort logique le verbe réfléchi. C’est de la sorte

que La Fontaine a encore dit gLe Meufnier, fan Fils ë l’Afne):

Le premier qui les vid de rire s’éclata.

87. Au Monfieur, c’efl vous qu’on demande, p. 358.

Voilà encore une interjection qui, malgré la manière dont elleest écrite, se prononce en une seule syllabe. Voyez la note 82.

88. Au renard, au renard cané.- Au renard qu’il soit e’eoué, p. 360.

Cane. « Celuy qui a queue, Cauaatus n, comme l’explique Nicotqui donne aussi u Efcoue’, celuy auquel on a ollé la queue, Ex-eaudatus n.

89. Hou le fouin, hou lefouin, p. 361.Souin, pourceau. Ce mot, qui ne figure pas dans les diction-

naires, est encore en usage dans le nom du marfouin, appelépopulairement pourceau de mer.

90. Cinq cens coupsè le robin eh, pris.- Il ne robine à moindre pris, p. 362.

Robin mouton est connu par Rabelais et par La Fontaine. Ce

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fi llOTES. A l 389.nom s’emploie quelquefois pour déeîgoer le. bélier, appelé plutôt L

Belin; et, par suite, Baîf a dit robiner dans le sens où l’on em-

ployait béliner. ’ ’.91. braue Roland d’0rcanet, p. 362.Voyez ei-dessus la note 47.

92. Si jamais ceansvte retreuue,’ ’ l’auray les témoins pour la prenne, p. 368.

Il renouvelle la menace de faire de lui comme Sannom l’a dit

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TABLE DES MATIÈRESCONTENUEÊ DANS LE TROISIÈME VOLUME.

’ ’ (LES IEVX. v

A Monfeigneur le Duc d’Alençon ...... . l

ECLOGVE 1.

LES ECLOGVES.

AuRoy.II.Bçinon. .... ....HI. Le Voeu. .

un. Marmot. . . ........ . .v. Les; Sorcieres. A Iaq. du Faur. . .

VI. Les Àmoureux ......... . .vu. lanot. .. . ..... . . . . .....VIH. Le Cyclope ou Polyfeme amoureux.

1x.Pan...... ....... ..x. Les Bergers. . . . . . . ......x1. Le Denis. . e ............

xu. Le Paf’coureau de Theocrite. . . .xnx. Les Paf’coureaux. . . . ......

IlI521

2936

4551

56

63

69

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392- une, DES MATIÈRES.

Emma xnu. Les Moiflonneurs de" Theocrîtem-

--- xv.Damet.,..,..,...;........-» xvz..La,Soncîere . -. ..e ,. . . . .- xvn.Charles.............»...- xvnI. Le Satyreau ....... - .....- xzx..LeCombat. . .. . ...

A N T I G o N E. Tragedie de Sophocle. A tresaugufte Princefi’e Elîzabet d’Autrlche Royne de-

France ..................... .LE BRAVE. Comedie. A Monfeigneur le Duc

d’Alençon. .........

8b

8489

104

115

183

375

mazas: r , 4;, . m

en eh: ,. .

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Achevé d’imprimer

"V

’ LE VINGT MARS MIL HUIT CENT QUATRE-VINGT-SIX

PAR, JOUAUST &- SIGAUX

POUR A. LEMERRE, LIBRAIRE

. 19’