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Publications mathématiques de Besançon A LGÈBRE ET THÉORIE DES NOMBRES 2012 / 1 Presses universitaires de Franche-Comté

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Prix : 40 eurosISSN 1958-7236

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2012/1

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20

12/1H. Asensouyis et J. Assim

Codescente pour le noyau sauvage étale

F. Bencheri et T. GariciSuites de Cesàro et nombres de Bernoulli

W. BleyLa Conjecture équivariante de Tamagawa

C. GreitherIntroduction à la conjecture ETNC et applications

T. Nguyen Quang DoLa conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

Revue du Laboratoire de mathématiques de Besançon (CNRS UMR 6623)

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Les Publications mathématiques de Besançon éditent des articles de recherche mais aussi des articles de synthèse, des actes, des cours avancés. Les travaux soumis pour publication sont à adresser à Christian Maire [email protected] ou à l’un des membres du comité scientifique. Après acceptation, l’article devra être envoyé dans le format LaTeX 2e, de préférence avec la classe smfart. La version finale du manuscrit doit comprendre un résumé en français et un résumé en anglais.

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Actes de lA conférence “fonctions l et Arithmétique”meknès, mAroc, 25-29 octobre 2010

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Sommaire

H. Asensouyis et J. Assim

Codescente pour le noyau sauvage étale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5-17

F. Bencherif et T. Garici

Suites de Cesàro et nombres de Bernoulli . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19-26

W. Bley

La Conjecture équivariante de Tamagawa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27-53

C. Greither

Introduction à la conjecture ETNC et applications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55-73

T. Nguyen Quang Do

La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative . . . . . . . . . . . 75-104

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CODESCENTE POUR LE NOYAU SAUVAGE ÉTALE

par

Hassan Asensouyis & Jilali Assim

Résumé. — Soit p un nombre premier impair et soit M/F une p-extension galoisienne de corps

de nombres, de groupe de Galois G. Nous étudions, pour tout entier i ≥ 2, le noyau et le conoyau

de l’homomorphisme naturel sur le noyau sauvage étale N : (WKét2i−2M)G −→ WKét

2i−2F , induit

par la corestriction en cohomologie étale.

Abstract. — Let p be an odd prime and let M/F a Galois p-extension of number fields with

Galois group G. We study, for i ≥ 2, the kernel and cokernel of the natural map on the étale

wild kernel N : (WKét2i−2M)G −→ WKét

2i−2F induced by the corestriction in étale cohomology.

Introduction

Soit M/F une extension galoisienne finie de corps de nombres, de groupe de Galois G. On sepropose d’étudier, pour un nombre premier impair p, le noyau et le conoyau de l’homomor-phisme

N : (WKét2i−2M)G −→ WKét

2i−2F

induit par la corestriction

cor : H2(M, Zp(i)) −→ H2(F, Zp(i))

où, pour un corps K quelconque, j ≥ 1, Hj(K, Zp(i)) est le j-ième groupe de cohomologiecontinue à coefficients dans le i-ème tordu de Tate Zp(i). Rappelons que le noyau sauvage

étale WKét2i−2F ([Ng 1], [Ko 1]) est défini, pour tout entier i ≥ 2, par passage à la limite

projective dans la suite exacte de Poitou-Tate, comme étant le noyau de l’homomorphisme delocalisation

H2(F, Zp(i)) −→⊕

v

H2(Fv, Zp(i))

Classification mathématique par sujets (2000). — 11R23, 11R70.

Mots clefs. — Noyau sauvage étale, codescente, λ-invariant.

Nous remercions le rapporteur pour de nombreuses remarques qui nous ont permis d’améliorer la rédaction.

Le second auteur tient à remercier tous les organismes et personnes qui ont aidé à la réussite des premières

Journées Arithmétiques de Meknès.

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6 Codescente pour le noyau sauvage étale

où v parcourt l’ensemble des places de F et Fv est le complété de F en la place v.L’homomorphisme N , qu’on peut voir comme l’analogue de l’application norme dans le casdu groupe de classes, a été étudié dans le cas d’une extension cyclique de degré p par Kolster-Movahhedi ([Ko-Mo]) et par Griffiths ([Gri]) dans sa thèse pour une extension cycliquede degré une puissance du nombre premier p. Dans cet article, nous étudions le cas d’unep-extension galoisienne quelconque. Nous déterminons explicitement le conoyau de N . Enparticulier le morphisme N est surjectif sauf dans un cas exceptionnel pour lequel nous don-nons une description arithmétique du conoyau. Pour calculer le noyau de N , on se heurte à desdifficultés dûes notamment à la présence de certains groupes de cohomologie qui semblent êtredes obstructions à un principe de Hasse local-global "tordu". Ces difficultés, déjà observéesdans le cas classique du groupe de classes (voir e.g [Ng 3]), ainsi que le défaut de surjectivitéde N , disparaissent dans le cas où le degré d de l’extension cyclotomique F (µp)/F ne divisepas l’entier i − 1. Si i ≡ 1 (mod d), nous faisons l’hypothèse

(H) : Il existe une p-place v0 de F qui ne se décompose pas ou une place v0 totalement etmodérément ramifiée dans l’extension M/F .

Si F (µp) contient le groupe des racines pn-ièmes de l’unité, nous obtenons une formule desgenres à la Chevalley pour une extension galoisienne de corps de nombres d’exposant pn,généralisant celles de [Ko-Mo] et [Gri].Enfin nous exploitons le cas simple des corps de nombres totalement réels et i pair pourdonner une démonstration de la formule de Riemann-Hurwitz p-adique (voir e.g. [I 2]). Lerésultat obtenu donne une description explicite de la structure de Zp[G]-modules des "par-ties moins" du groupe de Galois de la pro-p-extension non-ramifiée abélienne maximale deM(µp∞), décomposant totalement toutes les places au-dessus de p.

1. Préliminaires

Pour tout corps de nombres F d’anneau des entiers OF et tout nombre premier impair p,soit S un ensemble de places de F contenant l’ensemble Sp des places au-dessus de p et desplaces infinies. Notons GS = GS(F ) le groupe de Galois de l’extension algébrique S-ramifiéemaximale de F .Par passage à la limite projective dans la suite exacte de Poitou-Tate, nous avons la suiteexacte

H2(GS , Zp(i)) →⊕

v∈S

H2(Fv, Zp(i)) → H0 (F, Qp/Zp(1 − i))∗ → 0,

où, pour un groupe A, A∗ est le dual de Pontryagin de A. Pour i 6= 1, le noyau de l’ho-

momorphisme de localisation H2(GS(F ), Zp(i)) →⊕

v∈S

H2(Fv , Zp(i)) est indépendant de S

contenant Sp ([Sc]). Pour i = 2, les résultats de Tate ([T]) montrent que ce noyau est iso-morphe à la partie p-primaire du noyau sauvage classique ([M]). Pour i ≥ 2, il a été baptisé

noyau sauvage étale par Kolster ([Ko 1]) et Nguyen Quang Do ([Ng 1]) et est noté WKét2i−2F ,

à cause notamment des liens entre les groupes de K-théorie algébrique et la cohomologie étale([So], [D-F]). Les résultats de Soulé et Dwyer-Friedlander, et ceux de Borel sur la finitudedes groupes de K-théorie algébrique K2i−2OF , i ≥ 2, entraînent en particulier que le noyau

sauvage étale WKét2i−2F est fini pour tout entier i ≥ 2. Notons en passant que la finitude du

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noyau de l’homomorphisme de localisation ci-dessus est conjecturale pour i ≤ 0 et que le casi = 0 correspond à la conjecture de Leopoldt ([Sc]). Si i = 1, ce noyau n’est autre que la partiep-primaire du groupe des S-classes de F , i.e. le groupe de classes modulo les classes des divi-seurs contenus dans S. Le noyau sauvage étale peut donc être considéré comme un analoguetordu du groupe de classes (tensorisé par Zp) et son étude recèle, comme celle du groupe declasses, des problèmes arithmétiques difficiles et intéressants (voir e.g [As], [Ko-Mo], [Ng 2],etc).Soit maintenant M/F une extension galoisienne S-ramifiée de corps de nombres, de groupede Galois G. Nous avons alors deux applications de corestriction et restriction

cor : H2(GS(M), Zp(i)) → H2(GS(F ), Zp(i))

et

res : H2(GS(F ), Zp(i)) → H2(GS(M), Zp(i))G

pour tout entier i ≥ 2. Si i = 2, ces applications correspondent respectivement aux homomor-phismes transfert et extension pour le K2 ([M]). Il est bien connu que le noyau et le conoyaude l’homomorphisme res sont décrits à l’aide de la G-cohomologie de H1(GS(M), Zp(i)) :

ker(res) ∼= H1(G,H1(GS(M), Zp(i))) et coker(res) ∼= H2(G,H1(GS(M), Zp(i)))

([Ka], [CKPS], [Ko-Mo], etc), et que le morphisme de corestriction induit un isomorphisme,noté encore cor,

H2(GS(M), Zp(i))G∼−→ H2(GS(F ), Zp(i))

(voir e.g. [Ko 2]). Des résultats analogues sont valables dans le cas d’une extension de corpslocaux.

Notons∼⊕

v∈S

H2(Fv , Zp(i)) le noyau de l’homomorphisme

v∈S

H2(Fv , Zp(i)) → H0(F, Qp/Zp(1 − i))∗.

Nous avons ainsi, pour tout entier i ≥ 2, une suite exacte

(1) 0 → WKét2i−2F → H2(GS , Zp(i)) →

∼⊕

v∈S

H2(Fv , Zp(i)) → 0.

Soit µp le groupe des racines p-ièmes de l’unité et soit d := [F (µp) : F ]. Il est clair que l’on al’isomorphisme

∼⊕

v∈S

H2(Fv , Zp(i)) ∼=⊕

v∈S

H2(Fv , Zp(i))

exactement lorsque d ne divise pas l’entier i − 1. Notons

N : (WKét2i−2M)G −→ WKét

2i−2F

l’homomorphisme induit par la corestriction. Nous avons alors un diagramme commutatif :

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8 Codescente pour le noyau sauvage étale

· · · //

(WKét

2i−2M)

G

//

N

H2(GS(M), Zp(i))G // //

cor∼=

∼⊕

v∈S,w|v

H2(Mw, Zp(i))

G

N ′

0 // WKét2i−2(F ) // H2(GS(F ), Zp(i)) // //

∼⊕

v∈S

H2(Fv , Zp(i))

Ainsi cokerN ≃ ker N ′ et

ker N ≃ coker(H1(G,H2(GS(M), Zp(i)))α

−→ H1(G,

∼⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i)))).

2. Détermination du conoyau

Pour déterminer le conoyau de l’homomorphisme N : (WKét2i−2M)G → WKét

2i−2F , considé-rons le diagramme commutatif

∼⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i))

G

N ′

//

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i))

G

// //(H0(M, Qp/Zp(1 − i))∗

)G

∼⊕

v∈S

H2(Fv , Zp(i))

//

v∈S

H2(Fv , Zp(i)) // // H0(F, Qp/Zp(1 − i))∗

dans lequel les deux flèches verticales de droite sont des isomorphismes. Si i 6≡ 1 (mod d), on

sait que les deux modules

∼⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i)) et⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i)) coïncident et N ′ est

donc un isomorphisme. En particulier N est surjectif.On n’a donc à traiter que le cas i ≡ 1 (mod d).

Nous avons besoin de quelques notations supplémentaires :F∞ : la Zp-extension cyclotomique de F ;Γ := Gal(F∞/F ) ;L′∞ : la pro-p-extension abélienne non-ramifiée maximale de F∞, décomposant totalementtoutes les places de F∞ au-dessus de p.

Proposition 2.1. — Soit M/F une p-extension galoisienne de corps de nombres et suppo-sons i ≡ 1 (mod d). Alors

cokerN ∼= Gal(L′∞ ∩ M∞/F∞

)(i − 1)Γ.

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Démonstration. — Le diagramme commutatif ci-dessus montre que

ker N ′ ∼= coker(H1(G,⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i))) → H1(G,H0(M, Qp/Zp(1 − i))∗)).

On sait que pour tout v ∈ S, H2(Mw, Zp(i)) ∼= H0(Mw, Qp/Zp(1 − i))∗ (théorème de dualitélocale). Utilisant le théorème de dualité pour la cohomologie des groupes finis, puis le lemmede Shapiro, il vient

H1(G,⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i))) ∼=⊕

v∈S

H1(Gw,H0(Mw, Qp/Zp(1 − i)))∗.

où, pour toute place finie v de S, on a choisi une place w au-dessus de v et Gw est le groupede décomposition de w. Soit H le groupe de Galois Gal(M∞/F∞) et pour une place finie vquelconque, soient Hv = Gal(Mw,∞/Fv,∞), Γw = Gal(Mw,∞/Mw) et Γv = Gal(Fv,∞/Fv). Parinflation-restriction, on a les suites exactes

0 // H1(Gw,H0(Γw, Qp/Zp(1 − i))) // H1 (Mw,∞/Fv, Qp/Zp(1 − i))

H1(Γw, Qp/Zp(1 − i))Gw = 0

et

H1(Γv, Qp/Zp(1 − i)) // H1 (Mw,∞/Fv, Qp/Zp(1 − i)) // H1(Hv, Qp/Zp(1 − i))Γv

0 H2(Γv, Qp/Zp(1 − i)) = 0

où la nullité des groupes Hj(Γw, Qp/Zp(1 − i)) et Hj(Γv, Qp/Zp(1 − i)), j = 1, 2, découle dulemme de Tate (voir e.g.[Sc]). On en déduit que

H1(Gw,H0(Mw, Qp/Zp(1 − i))) ∼= H1(Hv, Qp/Zp(1 − i))Γv .

Puisque i ≡ 1 (mod d), Hv opère trivialement sur Qp/Zp(1 − i), et donc

H1(Gw,H0(Mw, Qp/Zp(1 − i))) ∼= Hom(Habv (i − 1)Γv , Qp/Zp),

ou encoreH1(Gw,H2(Mw, Zp(i))) ∼= Hab

v (i − 1)Γv .

De même :H1(G,H0(M, Qp/Zp(1 − i))) ∼= Hab(i − 1)Γ.

Par conséquent,

cokerN ∼= coker

(⊕

v∈S

Habv (i − 1)Γv −→ Hab(i − 1)Γ

)

= coker

(⊕

v∈S

Habv −→ Hab

)(i − 1)Γ = Gal

(L′∞ ∩ M∞/F∞

)(i − 1)Γ.

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10 Codescente pour le noyau sauvage étale

Corollaire 2.2. — Soit M/F une p-extension galoisienne de corps de nombres et soit L′∞la pro-p-extension abélienne non-ramifiée maximale de F∞, décomposant totalement toutesles places au-dessus de p. Alors l’homomorphisme N est surjectif exactement dans les cassuivants :

1. i 6≡ 1 (mod d)

2. i ≡ 1 (mod d) et L′∞ ∩ M∞ = F∞.

3. Détermination du noyau

3.1. Cas i ≡ 1 (mod d). — Rappelons que

ker N ∼= coker(H1(G,H2(GS(M), Zp(i)))α

−→ H1(G,

∼⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i)))).

Malheureusement, le groupe H1(G,

∼⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i))) semble difficile à calculer. On a le

diagramme :

H2(G,⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i)))

H2(G,H0(M, Qp/Zp(1 − i))∗)

H1(G,H2(GS(M), Zp(i)))α

//

∼=

H1(G,

∼⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i)))

H1(G,H2(GS(M), Zp(i)))α

// H1(G,⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i)))

H1(G,H0(M, Qp/Zp(1 − i))∗)

Supposons que l’hypothèse (H) est vérifiée, c’est-à-dire qu’il existe une place v0 de S pourlaquelle Gw0

∼= G et

H0(Mw0 , Qp/Zp(1 − i)) ∼= H0(M, Qp/Zp(1 − i)),

où w0 est la place de M au-dessus de v0, et donc

Hj(G,H0(Mw0 , Qp/Zp(1 − i))) ∼= Hj(G,H0(M, Qp/Zp(1 − i)))

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pour j = 1, 2. Le diagramme ci-dessus et le théorème de dualité locale montrent alors que

Hj(G,

∼⊕

w|v,v∈S

H2(Mw, Zp(i))) =⊕

v∈S−v0

Hj(Gw,H2(Mw, Zp(i))).

En résumé, sous l’hypothèse (H), on a

KerN ∼= coker(H1(G,H2(GS(M), Zp(i))) −→⊕

v∈S−v0

H1(Gw,H2(Mw, Zp(i)))),

où pour toute place v ∈ S − v0, on a choisi une place w de M au-dessus de v (lemme deShapiro). On sait que ([CKPS], [Ko 2])

H1(G,H2(GS(M), Zp(i))) ∼= H0(G,H1(GS(M), Zp(i)))

et pour tout w | v, v ∈ S

H1(Gw,H2(Mw, Zp(i))) ∼= H0(Gw,H1(Mw, Zp(i))).

Par suite

ker N ∼= coker(H0(G,H1(GS(M), Zp(i))) −→⊕

v∈S−v0

H0(Gw,H1(Mw, Zp(i)))).

Puisque les groupes H1(F, Zp(i)) vérifient la descente galoisienne (voir e.g. [CKPS], [Ko 2]),

KerN ∼= coker(H1(F, Zp(i))

NG(H1(M, Zp(i)))−→

v∈S−v0

H1(Fv , Zp(i))

NGw(H1(Mw, Zp(i)))).

Soit m l’exposant de G, on a alors

KerN ∼= Coker

H1(F, Zp(i))/m

NG(H1(M, Zp(i))/m)−→

v∈S−v0

H1(Fv , Zp(i))/m

NGw(H1(Mw, Zp(i))/m)

.

Pour simplifier, faisons m = pn. Pour tout entier i, la suite exacte

0 → Zp(i)pn

→ Zp(i) → Z/pn(i) → 0

donne par cohomologie la suite exacte

0 → H1(Fv , Zp(i))/pn → H1(Fv , Z/pn(i)) → pnH2(Fv , Zp(i)) → 0.

On suppose dans toute la suite de cette section que le corps F (µp) contient le groupe µpn desracines pn-ièmes de l’unité .

Proposition 3.1. — Soit i ≥ 2. Pour tout v ∈ S, la surjection canonique

H1(Fv , Zp(i))/pn

NGw(H1(Mw, Zp(i))/pn)→

H1(Fv , Zp(i))/pn

H1(Fv , Zp(i))/pn⋂

NGw(H1(Mw, Z/pn(i)))

est un isomorphisme.

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12 Codescente pour le noyau sauvage étale

Démonstration. — Considérons le diagramme commutatif

0 // H1(Mw, Zp(i))/pn //

φ1

H1(Mw, Z/pn(i)) //

φ2

pnH2(Mw, Zp(i)) //

φ3

0

0 // H1(Fv , Zp(i))/pn // H1(Fv , Z/pn(i)) //

pnH2(Fv, Zp(i)) // 0

où φ1 et φ2 sont induites par la norme.Pour prouver l’injection coker(φ1) → coker(φ2), il suffit de montrer que

| coker(φ2) |=| coker(φ1) | · | coker(φ3) | .

Puisque µpn ⊂ F (µp) et i ≡ 1 (mod d),

H1(Mw, Z/pn(i)) ∼= H1(Mw, µpn)(i − 1) ∼= M•w/M•pn

w (i − 1)

etH1(Fv , Z/pn(i)) ∼= F •v /F •p

n

v (i − 1).

Soit Mabw l’extension abélienne maximale de Fv contenue dans Mw. La théorie du corps de

classes local montre alors que

coker(φ2) ≃ Gabw ≃ Gal(Mab

w /Fv).

Le calcul de l’ordre de coker(φ1) découle de la preuve de la proposition 2.1 : puisque Hv =Gal(Mw,∞/Fv,∞) ≃ Gal(Mw/Fv,∞ ∩Mw) est tué par pn et i ≡ 1 (mod d), l’hypothèse µpn ⊆

F (µp) entraîne que Habv (i − 1)Gw/Hv

∼= (Habv )Gw/Hv

(i − 1). D’où

coker(φ1) ≃ Gal(Mabw /Fv,∞ ∩ Mw).

Pour calculer l’ordre de coker(φ3), il suffit de remarquer que Gw/Hv agit trivialement sur

pnH2(Mw, Zp(i)) ∼= Z/pn(i − 1).Le morphisme φ3 est donc l’élévation à la puissance [Fv,∞ ∩ Mw : Fv ] et

| coker(φ3) |=| Gal(Fv,∞ ∩ Mw/Fv) | .

Si µpn ⊆ E := F (µp), on sait qu’il existe un sous-groupe D(i,n)F de E• tel que H1(F, Zp(i))/p

n ∼=

D(i,n)F /E•p

n

(i−1) (voir e.g. [Gr], [As-Mo 1], [As-Mo 2], [V]). De plus, sous l’hypothèse (H),le principe de Hasse est automatiquement vérifié. Nous obtenons ainsi une formule des genresdans le style de Chevalley généralisant celles de [Ko-Mo] (extensions cycliques de degré p) et[Gri] (extensions cycliques de degré une puissance de p) :

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Hassan Asensouyis et Jilali Assim 13

Théorème 3.2. — Soit M/F une extension galoisienne S-ramifiée de corps de nombres d’ex-posant pn, de groupe de Galois G. Supposons i ≡ 1 (mod d). Alors, sous l’hypothèse (H),l’homomorphisme

N : (WKét2i−2M)G −→ WKét

2i−2F

induit par la corestriction est surjectif. Si de plus µpn ⊆ F (µp),

| (WKét2i−2M)G |

| WKét2i−2F |

=

v∈S

[Mabw,∞ : Fv,∞]

[Mab∞ : F∞][D

(i,n)F : D

(i,n)F ∩ NM/F M•]

où Mab∞ (resp. Mab

w,∞) est l’extension abélienne maximale de F (resp. Fv) contenue dans M∞(resp. Mw,∞).

Remarque 3.3. — Le groupe D(i,n)F , appelé noyau de Tate généralisé, est l’analogue du

groupe des p-unités de F (tensorisé par Zp). Comme dans le cas des p-unités, l’indice nor-

mique [D(i,n)F : D

(i,n)F ∩ NM/F M•] est difficile à calculer en général. Cependant, dans certains

cas favorables, il est possible d’avoir plus de renseignements que dans le cas des p-unités.Considérons par exemple le cas où M/F est une extension cyclique de degré p et F admetune seule place au-dessus de p. Soit S l’ensemble des places au-dessus de p et des places rami-fiées dans l’extension M/F et soit U un ensemble primitif maximal contenu dans S au sensde [Mo-Ng]. Alors ([As-Mo 1])

[D(i,n)F : D

(i,n)F ∩ NM/F M•] = pu

où u =| U \ Sp |. Si s =| S \ Sp | on a alors

| (WKét2i−2M)G |

| WKét2i−2F |

= ps−u−1.

Le théorème de densité de Cebotarev assure l’existence d’ une infinité d’ensembles primitifs.Dans [As-Mo 2], on donne d’autres exemples de calcul de l’indice normique ci-dessus endehors du cas cyclique et de l’hypothèse µpn ⊆ F .

3.2. Cas i 6≡ 1 (mod d). — On conserve les notations des sections précédentes. Si i 6≡ 1(mod d), on sait que l’homomorphisme N est surjectif (corollaire 2.2) et que

ker N ∼= coker(H1(G,H2(GS(M), Zp(i))) →⊕

v∈S

H1(Gw,H2(Mw, Zp(i)))

∼= coker(H0(G,H1(GS(M), Zp(i))) →⊕

v∈S

H0(Gw,H1(Mw, Zp(i)))

∼= coker(H1(GS(F ), Zp(i))

NGH1(GS(M), Zp(i))→⊕

v∈S

H1(Fv, Zp(i))

NGwH1(Mw, Zp(i))).

.

Concernant les groupes H1(Gw,H2(Mw, Zp(i))) ∼= H1(Gw,H0(Mw, Qp/Zp(1 − i)))∗, on voit

que si dv := [Fv(µp) : Fv] ne divise pas i − 1, H0(Mw, Qp/Zp(1 − i)) est trivial et si dv divise

i−1, les mêmes calculs que dans le cas i ≡ 1 (mod d) montrent que H1(Gw,H2(Mw, Zp(i))) ∼=Hab

v (i − 1)Γv , où Γv = Gal(Fv,∞/Fv) et Hv =: Gal(Mw,∞/Fv,∞).

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14 Codescente pour le noyau sauvage étale

SoitS(i) = v ∈ S; dv | (i − 1).

Si µpn ⊂ F (µp) alors pour tout v ∈ S(i),

| H1(Gw,H2(Mw, Zp(i))) |= [Mabw,∞ : Fv,∞],

où, comme dans le théorème précédent, Mabw,∞ est l’extension abélienne maximale de Fv conte-

nue dans Mw,∞ De plus, d’après la la proposition 3.1,

H1(Fv , Zp(i))/pn

NGw(H1(Mw, Zp(i))/pn)

∼→

H1(Fv, Zp(i))/pn

H1(Fv, Zp(i))/pn⋂

NGw(H1(Mw, Z/pn(i)))

pour tout v ∈ S(i).En résumé

Théorème 3.4. — Soit M/F une extension galoisienne S-ramifiée de corps de nombres d’ex-posant pn, de groupe de Galois G. On suppose que i 6≡ 1 (mod d). Alors l’homomorphisme

N : (WKét2i−2M)G −→ WKét

2i−2F

induit par la corestriction est surjectif. Si de plus µpn ⊆ F (µp),

| ker N |=

v∈S(i)

[Mabw,∞ : Fv,∞]

[D(i,n)F : D

(i,n)F

⋂ ⋂

v∈S(i)

NMw/FvM•

w]

où, pour toute place v ∈ S(i), Mabw,∞ est l’extension abélienne maximale de Fv contenue dans

Mw,∞.

4. Application

Dans cette section, on applique la formule de co-descente obtenue dans le cas i pair à uneextension M/F de corps de nombres totalement réels. Nous avons besoin de quelques notationssupplémentaires.Pour tout Zp-module X sur lequel ∆ opère et tout entier j,

X [j] = x ∈ X; ∀σ ∈ ∆, σ(x) = ωj.x,

où ∆ est le groupe de Galois Gal(F (µp)/F ) ≃ Gal(F (µp∞)/F∞) et ω est le caractère deTeichmüller.

Notons X ′M le groupe de Galois de la pro-p-extension non-ramifiée abélienne maximale deM(µp∞), décomposant totalement toutes les places au-dessus de p. On sait que ([Sc])

lim←

(WKét2i−2Mn) ∼= X

′[1−i]M (i − 1) et que lim

→(WKét

2i−2Mn) ∼= β(X′[1−i]M (i − 1))

où β(.) désigne comme d’habitude le co-adjoint en théorie d’Iwasawa ([I 1], [W] chap. 15).

Notons aussi que puisque M est totalement réel et que i est pair,

H2(GS(Mn), Zp(i)) ∼= H1(GS(Mn), Qp/Zp(i))

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Hassan Asensouyis et Jilali Assim 15

pour tous les étages Mn de la Zp-extension cyclotomique M∞ de M ([T], [Sc]). Par passageà la limite inductive dans la suite exacte (1), nous obtenons alors une suite exacte

(2) 0 → β(X′[1−i]M (i − 1)) → H1(GS(M∞), Qp/Zp(i)) →

w∈S(i)∞

Qp/Zp(i − 1) → 0

où S(i)∞ est l’ensemble des extensions à M∞ des places v ∈ S telles que [Fv,∞(µp) : Fv,∞] divise

l’entier i − 1. Remarquons que puisque i est pair, [Fv,∞(µp) : Fv,∞] divise i − 1 exactementlorsque v est totalement décomposée dans l’extension F (µp)/F .Supposons maintenant que M/F est une extension cyclique de corps de nombres totalementréels, de degré p, de groupe de Galois G. Pour simplifier, on suppose que M/F est linéai-rement disjointe de la Zp-extension cyclotomique F∞/F ; en particulier, G ≃ Gal(Mn/Fn)(≃ Gal(M∞/F∞)) pour tous les étages Mn, Fn. Notons

f∞ : X′[1−i]F → (X

′[1−i]M )G

et

N∞ : (X′[1−i]M )G → X

′[1−i]F

les applications obtenues par passage à la limite projective sur les morphismes naturels

fn : WKét2i−2Fn → (WKét

2i−2Mn)G et Nn : (WKét2i−2Mn)G → WKét

2i−2Fn induits respec-tivement par la restriction et la corestriction. Puisque i est pair et M est totalement réel,le groupe H1(M, Zp(i)) ∼= H0(M, Qp/Zp(i)) est de torsion (voir e.g [Sc]). De la descriptioncohomologique des noyaux et conoyaux des morphismes fn, nous déduisons par passage à lalimite projective que f∞ est injectif et que cokerf∞ est fini. Supposons maintenant que l’in-

variant mu d’Iwasawa de X′[1−i]M est nul. Il est bien connu que le module X

′[1−i]M est Zp-libre

([I 1], [W]). Il existe donc des entiers positifs a1, ap−1, ap tels que

X′[1−i]M

∼= Zp[G]ap ⊕ Iap−1

G ⊕ Za1p ,

où IG est l’idéal d’augmentation de Zp[G] (théorème de Reiner). On se propose dans la suitede déterminer les quantités a1, ap−1, ap.

Si λi(F ) désigne le Zp-rang du module X′[1−i]F , on voit que ap + a1 = λi(F ) et que le quotient

de Herbrand (en notation additive) χ(G,X′[1−i]M ) = a1 − ap−1.

Soit T l’ensemble des places w ∈ S(i)∞ non-décomposées dans l’extension M∞/F∞ et soit t le

cardinal de T . La suite exacte (2) montre que

χ(G,β(X′[1−i]M )) = t + χ(G,H1(GS(M∞), Qp/Zp(i))).

Puisque α(X′[1−i]M ) := β(X

′[1−i]M )∗ (l’adjoint en théorie d’Iwasawa) est pseudo-isomorphe à

X′[1−i]M , il vient χ(G,X

′[1−i]M ) = −χ(G,β(X

′[1−i]M )). Par conséquent

χ(G,X′[1−i]M ) = −t − χ(G,H1(GS(M∞), Qp/Zp(i))).

Les groupes Hq(GS(M∞), Qp/Zp(i)) sont nuls pour q ≥ 2, la suite spectrale de Hochschild-Serre

Hp(G,Hq(GS(M∞), Qp/Zp(i))) ⇒ Hp+q(GS(F∞), Qp/Zp(i))

montre que H1(G,H1(GS(M∞), Qp/Zp(i))) ≃ Z/pZ si i ≡ 0 (mod d), 0 sinon et que

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16 Codescente pour le noyau sauvage étale

H2(G,H1(GS(M∞), Qp/Zp(i))) = 0. En particulier, χ(G,H1(GS(M∞), Qp/Zp(i))) = −1 sii ≡ 0 (mod d) et 0 sinon. D’où

χ(G,X′[1−i]M ) = −t + 1 si i ≡ 0 (mod d) et − t sinon.

Maintenant, on sait expliciter dans ce cas particulier (F totalement réel, i pair) le noyau del’homomorphisme N∞. On pourra ainsi déterminer la représentation galoisienne associée au

module X′[1−i]M .

Pour n assez grand, les places v ∈ T ne se décomposent pas dans la tour cyclotomiqueF∞/Fn. Si T = ∅, il est clair que N∞ est injectif. Si T 6= ∅, ker N∞ ≃ (Z/pZ)t−1 si d | i etker N∞ ≃ (Z/pZ)t sinon. D’un autre côté, il est clair que ker N∞ ≃ (Z/pZ)ap−1 . Il en résulteque ap−1 = t − 1 si d | i et T 6= ∅ et ap−1 = t sinon. Nous en déduisons que a1 = 1 etap = λi(F ) − 1 si T = ∅ et d | i. Sinon, a1 = 0 et ap = λi(F ). En résumé

Théorème 4.1. — Soit p un nombre premier impair et soit M/F une extension cycliquede degré p, de groupe de Galois G, linéairement disjointe de la Zp-extension cyclotomique

F∞/F . Supposons que l’invariant mu d’Iwasawa du module X′[1−i]F est nul et notons λi(F )

son invariant lambda. Soit T l’ensemble des places de F∞ non-décomposées dans M∞/F∞ ettotalement décomposées dans F (µp∞)/F∞ et soit t son cardinal.

1. Si T = ∅ et d | i, nous avons un isomorphisme de Zp[G]-modules

X′[1−i]M

∼= Zp[G]λi(F )−1 ⊕ Zp.

2. Si T = ∅ et d ne divise pas i

X′[1−i]M

∼= Zp[G]λi(F ).

3. Si T est non vide,

X′[1−i]M

∼= Zp[G]λi(F ) ⊕ It−δi

G

où δi = 1 si d | i et 0 sinon.

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12 décembre 2011

Hassan Asensouyis, Département de Mathématiques et Informatique, Université Moulay Ismail, B.P 11201

Zitoune, Meknès, Maroc • E-mail : [email protected]

Jilali Assim, Département de Mathématiques et Informatique, Université Moulay Ismail, B.P 11201 Zitoune,

Meknès, Maroc • E-mail : [email protected]

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SUITES DE CESARO ET NOMBRES DE BERNOULLI

par

Farid Bencherif & Tarek Garici

Résumé. — Selon Edouard Lucas, on désigne par suite de Cesàro toute suite de nombres

complexes dont la série génératrice exponentielle S(z) vérifie la relation S(z) = ezS(−z). Nous

prouvons dans cet article deux identités vérifiées par ces suites. Nous généralisons de manière

simple des identités vérifiées par les nombres de Bernoulli et découvrons de nouvelles identités

vérifiées par les nombres de Genocchi, de Fibonacci et de Lucas.

Abstract. — According to Edouard Lucas, a Cesàro sequence is any sequence of complex

numbers whose exponential generating series S(z) satisfies the relation S(z) = ezS(−z). In this

paper, we prove two identities which are satisfied by such sequences. Then we generalize, in

a simple way, identities satisfied by Bernoulli numbers, and we find new identities satisfied by

Genocchi numbers, Fibonacci numbers and Lucas numbers.

1. Introduction

Selon Edouard lucas (cf.[10]), on appelle suite de Cesàro toute suite (un)n≥0 de nombrescomplexes vérifiant

(1) un =

n∑

k=0

(n

k

)(−1)k uk pour tout n ≥ 0.

En désignant par S (z) =∑∞

n=0un

n! zn la série génératrice exponentielle associée à la suite

(un)n≥0, la condition (1) est équivalente à

(2) S (z) = ezS (−z) .

Il est aisé de vérifier que les suites ((−1)n Bn)n≥0 et(

(−1)n

n+1 Gn+1

)

n≥0, où (Bn)n≥0 et (Gn)n≥0

sont les suites des nombres de Bernoulli et de Genocchi de séries génératrices exponentiellesassociées : z

ez−1 et 2zez+1 , sont des suites de Cesàro.

Classification mathématique par sujets (2000). — 11B68, 11B39, 05A40.

Mots clefs. — Suite de Cesàro, Nombres de Bernoulli, Nombres de Genocchi.

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20 Suites de Cesàro et nombres de Bernoulli

Le but de cet article est d’établir un théorème général fournissant des identités pour toutesuite de Cesàro. Ce théorème que nous énonçons et prouvons au paragraphe suivant va nouspermettre non seulement de généraliser plusieurs identités connues comportant les nombresde Bernoulli mais aussi de découvrir des identités similaires pour les nombres de Genocchi, deFibonacci et de Lucas. Nous consacrons le troisième paragraphe à l’énoncé de ces identités.

2. Enoncé du théorème principal

Nous adoptons les notations suivantes préconisées dans [8], pour tous entiers naturels n et m,on pose

mn =

n−1∏

j=0

(m − j) et m−n =

n∏

j=1

(m + j)−1,

avec la convention qu’un produit vide vaut un et qu’une somme vide vaut zéro. Notre principalrésultat s’énonce ainsi :

Théorème 2.1. — Soit (un)n≥0 une suite de Césàro. Alors, pour tous entiers naturels n, met q, on a :

1.m+q∑

k=0

(m + q

k

)(n + k + q)q (−1)k un+k + (−1)q+1

n+q∑

k=0

(n + q

k

)(m + k + q)q (−1)k um+k = 0.

2.m∑

k=0

(m

k

)(−1)k un+k+q

(n + k + q)q+ (−1)q+1

n∑

k=0

(n

k

)(−1)k

um+k+q

(m + k + q)q

=

q−1∑

k=0

n!(m + q − k − 1)!

k!(q − 1 − k)!(m + n + q − k)!(−1)k uk.

Démonstration du théorème 2.1. — Pour toute suite u = (un)n≥0 de nombres complexes,

désignons par Lu la forme linéaire définie sur C[x] par Lu(xn) = un, pour tout entier n ≥ 0.Convenons de noter P (u) l’image par Lu d’un polynôme P (x) de C[x]. Ainsi si P (x) =

∑akx

k,alors P (u) =

∑akuk.. Posons en(x) = xn−(1−x)n, pour tout n ≥ 0. D’après (1), dire qu’une

suite u est de Cesàro équivaut à dire que (en(u))n≥0 est la suite nulle. Posons

E := A(x) − A(1 − x); A ∈ C[x].

Alors, E est le sous espace vectoriel de C[x] engendré par la famille de polynômes (en(x))n≥0.Il en résulte que pour toute suite u de Cesàro et pour tout polynôme P ∈ E, on a P (u) = 0.Soient n, m et q des entiers naturels et u une suite de Césàro. Posons

P ∗(x) =

m+q∑

k=0

(m + q

k

)(−1)k (n + k + q)qxn+k +

n+q∑

k=0

(n + q

k

)(−1)k+q+1 (m + k + q)qxm+k

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Farid Bencherif et Tarek Garici 21

et

Q∗(x) =

m∑

k=0

(m

k

)(−1)k

xn+k+q

(n + k + q)q+ (−1)q+1

n∑

k=0

(n

k

)(−1)k xm+k+q

(m + k + q)q

q−1∑

k=0

n!(m + q − k − 1)!

k!(q − 1 − k)!(m + n + q − k)!(−1)k xk.

Les relations 1 et 2 du théorème 2.1 se traduisent par les relations

(3) P ∗(u) = 0 et Q∗(u) = 0,

pour toute suite u de Césàro. Grâce au lemme suivant dans lequel D désigne l’opérateur dedérivation et I l’opérateur d’intégration définis sur C[x] respectivement par D(P (x)) = P ′(x)

et I(P (x)) =

∫ x

0P (t)dt, nous allons prouver (3) en montrant que les polynômes P ∗ et Q∗

appartiennent à E.

Lemme 2.2. — Pour tous polynômes A(x) et B(x) de C[x] , on a

1. pour q ≥ 0 :

PA(x) := Dq(A(x) + (−1)q+1A(1 − x)

)∈ E,

2. pour q ≥ 1 :

QB(x) := Iq(B(x) + (−1)q+1B(1 − x)

)−

1

(q − 1)!

∫ 1

0B(1 − t)(t − x)q−1dt ∈ E.

Démonstration. — On prouve que PA(x) et QB(x) sont dans E en constatant que PA(x) =(DqA)(x) − (DqA)(1 − x) et également que QB(x) = (IqB)(x) − (IqB)(1 − x). On établitcette dernière relation en exploitant le fait que pour tout polynôme P (x) de C[x], on a :

(IqP )(x) =1

(q − 1)!

∫ x

0P (t)(x − t)q−1dt.

Dans ce qui suit, A(x) = xn+q(1− x)m+q et B(x) = xn(1− x)m. Nous allons prouver qu’avecce choix de A et B, on a PA = P ∗ et QB = Q∗, il en résultera alors d’après le lemme que P ∗

et Q∗ sont bien dans E et le théorème 2.1 sera prouvé.On a

PA (x) = Dq(xn+q(1 − x)m+q + (−1)q+1 (1 − x)n+q xm+q

)

= Dq

(m+q∑

k=0

(m + q

k

)(−1)k xn+k+q + (−1)q+1

n+q∑

k=0

(n + q

k

)(−1)k xm+k+q

)= P ∗(x).

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22 Suites de Cesàro et nombres de Bernoulli

On a aussi

Iq(B(x) + (−1)q−1B(1 − x))

= Iq

(m∑

k=0

(m

k

)(−1)k xn+k + (−1)q+1

n∑

k=0

(n

k

)(−1)k xm+k

)

=m∑

k=0

(m

k

)(−1)k

xn+k+q

(n + k + q)q+ (−1)q+1

n∑

k=0

(n

k

)(−1)k xm+k+q

(m + k + q)q

et∫ 1

0B(1 − t)(t − x)q−1dt =

∫ 1

0(1 − t)n tm(t − x)q−1dt

=

q−1∑

k=0

(q − 1

k

)(∫ 1

0(1 − t)n tm+q−1−kdt

)(−1)k xk

=

q−1∑

k=0

(q − 1

k

)n! (m + q − k − 1)!

(n + m + q − k)!(−1)k xk.

Il en résulte que

QB (x) = Iq(B(x) + (−1)q+1B(1 − x)

)−

1

(q − 1)!

∫ 1

0B(1 − t)(t − x)q−1dt = Q∗(x).

La preuve du théorème est complète.

3. Applications et exemples

Le théorème 2.1 permet de retrouver simplement des identités connues comportant les nombresde Bernoulli et les nombres de Genocchi, découvertes par différents auteurs et prouvées pardiverses méthodes.

3.1. Identités vérifiées par les nombres de Bernoulli. — L’application du théorème2.1 à la suite de Cesàro ((−1)n Bn)n≥0 fournit les deux identités suivantes

(4) (−1)nm+q∑

k=0

(m + q

k

)(n + k + q)qBn+k + (−1)m+q+1

n+q∑

k=0

(n + q

k

)(m + k + q)qBm+k = 0,

et

(−1)n+qm∑

k=0

(m

k

)Bn+k+q

(n + k + q)q+ (−1)m+1

n∑

k=0

(n

k

)Bm+k+q

(m + k + q)q

=

q−1∑

k=0

n!(m + q − 1 − k)!

k!(q − 1 − k)!(m + n + q − k)!Bk(5)

Dans tout ce qui suit, on suppose n ≥ 0 et m ≥ 0. La relation (4) généralise plusieurs identitésconnues.

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Farid Bencherif et Tarek Garici 23

1. Pour m = n et q = 1, elle permet d’obtenir :

n+1∑

k=0

(n + 1

k

)(n + k + 1)Bn+k = 0.

C’est la relation d’Ettingshausen [15] (1827), redécouverte par Seidel [13] (1877) puisde nouveau par Kaneko [9] (1995). Cette relation apparait dans le livre de Nielsen [12],(1923). Une relation plus générale, écrite symboliquement, figure aussi en page 240 dansle livre d’Edouard Lucas [10] (1891). D’autres auteurs se sont intéressés à ce résultat.Ainsi Gessel [7] (2003) en donne une démonstration utilisant le calcul ombral. Chen [5](2005) la démontre en exploitant des propriétés d’une matrice de Seidel. Chen et Sun[2] (2009) la prouvent en utilisant une extension de l’algorithme de Zeilberger alors queCigler [3] (2009) reprend, en la modernisant, la démonstration originelle de Seidel.

2. Pour q = 0, on reconnait la relation de Carlitz [1](1968), établie aussi par Gessel [7](2003), prouvée également par Wu, Sun et Pan[14] (2004), par Chen[5] (2005) ainsi quepar Chen et Sun[2] (2009) :

(−1)nm∑

k=0

(m

k

)Bn+k − (−1)m

n∑

k=0

(n

k

)Bm+k = 0.

3. Pour q = 1, on obtient la relation prouvée par Momiyama, [11] (2001), à l’aide del’intégrale de Volkenborn et généralisée aux polynômes de Bernoulli par Wu, Sun et Pan[14] (2004). Cette relation a aussi été démontrée par Chen et Sun[2] (2009) :

(−1)nm+1∑

k=0

(m + 1

k

)(n + k + 1)Bn+k + (−1)m

n+1∑

k=0

(n + 1

k

)(m + k + 1)Bm+k = 0.

4. Pour m = n et q = 3, on retrouve la relation de Chen et Sun [2] (2009) :

n+3∑

k=0

(n + 3

k

)(n + k + 3)(n + k + 2)(n + k + 1)Bn+k = 0.

5. La relation (5) pour q = 1, est la formule de Gelfand [6], (1968), démontrée aussi parChen et Sun [2] (2009) :

(−1)n−1m∑

k=0

(m

k

)Bn+k+1

(n + k + 1)+ (−1)m−1

n∑

k=0

(n

k

)Bm+k+1

(m + k + 1)=

m!n!

(m + n + 1)!.

Cette formule a de plus été généralisée aux polynômes de Bernoulli par Chang et Ha [4](2006).

3.2. Identités vérifiées par les nombres de Genocchi. — L’application du théorème

2.1 à la suite de Cesàro(

(−1)n

n+1 Gn+1

)

n≥0fournit les deux identités suivantes

(6)

(−1)nm+q∑

k=0

(m + q

k

)(n+k+q)q−1Gn+k+1+(−1)m+q+1

n+q∑

k=0

(n + q

k

)(m+k+q)q−1Gm+k+1 = 0.

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24 Suites de Cesàro et nombres de Bernoulli

et

(−1)n+qm∑

k=0

(m

k

)Gn+k+q+1

(n + k + q + 1)q+1 + (−1)m+1n∑

k=0

(n

k

)Gm+k+q+1

(m + k + q + 1)q+1

=

q−1∑

k=0

n!(m + q − 1 − k)!

(k + 1)!(q − 1 − k)!(m + n + q − k)!Gk+1.

1. En changeant n en n − 1 et m en m − 1, la relation (6) permet d’obtenir pour q = 1

(7) (−1)nm∑

k=0

(m

k

)Gn+k + (−1)m

n∑

k=0

(n

k

)Gm+k = 0.

Cette dernière relation établie pour n ≥ 1 et m ≥ 1 est en fait vérifiée pour n ≥ 0 etm ≥ 0. Elle permet d’obtenir pour m = n l’identité

(8)

n∑

k=0

(n

k

)G2n−k = 0,

Il est facile de constater que Gm = 0, pour tout entier m impair supérieur ou égal à 3. Ilsuffit pour cela de remarquer que la serie formelle 2z

ez+1 − z = −z tanh(

z2

)est paire. La

relation (8) devient pour n ≥ 2

⌊n2 ⌋∑

k=0

(n

2j

)G2n−2j = 0

On obtient ainsi la relation de Seidel ([7])

2. La relation (8.1) de ( [2])

(9)n∑

k=0

(−1)k

(n

k

)Gm+k =

m∑

k=0

(−1)k

(m

k

) n+k∑

j=0

(−1)j

(n + k

j

)Gj

peut s’obtenir trivialement en constatant que le polynôme

T (x) =n∑

k=0

(−1)k(

n

k

)xm+k −

m∑

k=0

(−1)k

(m

k

) n+k∑

j=0

(−1)j

(n + k

j

)xj

est le polynôme nul. On a en effet

T (x) = xm (1 − x)n − (1 − x)n (1 − (1 − x))m = 0.

On a donc T (u) = 0 pour toute suite (un)n≥0. Autrement dit

n∑

k=0

(−1)k

(n

k

)um+k =

m∑

k=0

(−1)k

(m

k

) n+k∑

j=0

(−1)j(

n + k

j

)uj.

Le cas particulier un = Gn donne la relation (8.1) de ([2]).

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Farid Bencherif et Tarek Garici 25

3.3. Identités vérifiées par les nombres de Fibonacci et les nombres de Lucas. —

Les suites des nombres de Fibonacci (Fn)n≥0 et de Lucas (Ln)n≥0 vérifient la même relationde récurrence un = un−1 + un−2, avec les conditions initiales F0 = 0, F1 = 1, L0 = 2, L1 = 1.

Avec α = 1+√

52 et β = 1−

√5

2 , on a Fn = αn−βn

α−β , Ln = αn + βn et on constate facilement

que les séries génératrices exponentielles associées aux suites(

Fn+1

n+1

)

n≥0et (Ln)n≥0 sont

respectivement eαz−eβz

(α−β)z et eαz + eβz. On vérifie, à l’aide de la propriété (2), que les suites(Fn+1

n+1

)

n≥0et (Ln)n≥0 sont des suites de Cesàro. L’application du théorème 2.1 fournit alors

les identités suivantes :m+q∑

k=0

(m + q

k

)(n+k+q)q−1 (−1)k Fn+k+1+(−1)q+1

n+q∑

k=0

(n + q

k

)(m+k+q)q−1 (−1)k Fm+k+1 = 0,

m∑

k=0

(m

k

)(−1)k Fn+k+q+1

(n + k + q + 1)q+1 + (−1)q+1n∑

k=0

(n

k

)(−1)k

Fm+k+q+1

(m + k + q + 1)q+1

=

q−1∑

k=0

n!(m + q − 1 − k)!

(k + 1)!(q − 1 − k)!(m + n + q − k)!(−1)k Fk+1,

m+q∑

k=0

(m + q

k

)(n + k + q)q (−1)k Ln+k + (−1)q+1

n+q∑

k=0

(n + q

k

)(m + k + q)q (−1)k Lm+k = 0,

etm∑

k=0

(m

k

)(−1)k Ln+k+q

(n + k + q)q+ (−1)q+1

n∑

k=0

(n

k

)(−1)k

Lm+k+q

(m + k + q)q

=

q−1∑

k=0

n!(m + q − 1 − k)!

k!(q − 1 − k)!(m + n + q − k)!(−1)k Lk.

Références

[1] L. Carlitz, Bernoulli Numbers, Fibonacci Quart. 6 (1958) 71-85.

[2] W. Y. C. Chen, L.H. Sun, Extended Zeilberger’s Algorithm for Identities on Bernoulli and EulerPolynomials, J. Number Theory 129, (2009) 2111-2132.arXiv :0810.0438 ; Final version. References updated and a typo in (8.1) corrected.

[3] J. Cigler, q-Fibonacci polynomials and q-Genocchi numbers arXiv :0908.1219v3 [math.CO](2009).

[4] C. H. Chang and C.W. Ha, On identities involving Bernoulli and Euler polynomials, Fibonacci

Quart. 44 (2006), n1, 39-45.

[5] K. W. Chen, A summation on Bernoulli numbers, J. Number Theory 111 (2005), n2, 372-391.

[6] M. B. Gelfand, A note on a certain relation among Bernoulli numbers, (Russian), Bashkir. Gos.Univ. Uchen. Zap. Vyp. 31 (3) (1968) 215-216.

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26 Suites de Cesàro et nombres de Bernoulli

[7] I. M. Gessel, Applications of the classical umbral calculus, Algebra Universalis 49 (2003) 397-434,dedicated to the memory of Gian-Carlo Rota.

[8] R. L. Graham, D.E. Knuth and O. Patashnik, Concrete Mathematics, 2nd Edition, AddisonWesley, 1994.

[9] M. Kaneko, A recurrence formula for the Bernoulli numbers, Proc. Japan Acad. Ser.A Math. Sci.71 (8) (1995) 192-193.

[10] E. Lucas, Théorie des nombres, nouveau tirage, Librairie Scientifique et Technique Albert Blan-chard, Paris, 1958, [reprod. de l’éd. Paris, Gauthier-Villars, 1891].

[11] H. Momiyama, A new recurrence formula for Bernoulli numbers, Fibonacci Quart. 39 (3) (2001)285-288.

[12] N. Nielsen, Traité élémentaire des nombres de Bernoulli, Gauthier-villars et Cie, 1923.

[13] L. Seidel, Uber eine einfache Entstehungsweise der Bernoullischen Zahlen und einiger verwandtenReihen, Sitzungsber. Münch. Akad. Math. Phys. Classe (1877) 157-187.

[14] K.-J. Wu, Z.-W. Sun and H. Pan, Some identities for Bernoulli and Euler polynomials, FibonacciQuart. 42 (2004) 295-299.

[15] von Ettingshausen, A. Vorlesungen über die höhere Mathematik, Bd. 1, Vienna : Carl Gerold,(1827).

11 juillet 2011

Farid Bencherif, Faculté de Mathématiques, U.S.T.H.B., BP 32 El Alia 16111 Bab Ezzouar Alger.

E-mail : [email protected] ; [email protected]

Tarek Garici, Faculté de Mathématiques, U.S.T.H.B., BP 32 El Alia 16111 Bab Ezzouar Alger.

E-mail : [email protected] ; [email protected]

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LA CONJECTURE ÉQUIVARIANTE DE TAMAGAWA

par

Werner Bley

Résumé. — Nous donnons une brève introduction à la Conjecture Equivariante des Nombres

de Tamagawa (ETNC), formulée par Burns et Flach, généralisant ainsi des travaux de Bloch,

Fontaine, Kato et Perrin-Riou. Plutôt que de présenter ETNC en toute généralité nous nous

arrétons sur deux cas spéciaux, le cas du motif de Tate non-twisté et le cas du changement de

base d’une courbe elliptique E définie sur Q.

Dans la dernière partie du manuscrit, nous nous concentrons sur le cas d’une courbe elliptique.

En supposant que E satisfait certaines hypothèses nous donnons (sans preuve) des reformulations

très explicites de ETNC, ce qui nous permet alors de donner quelques évidences numériques et

théoriques en faveur de cette conjecture.

Abstract. — We give a brief introduction to the Equivariant Tamagawa Number Conjecture

(ETNC for short) which is formulated by Burns and Flach generalizing seminal work of Bloch,

Fontaine, Kato and Perrin-Riou. Rather than discussing the ETNC in full generality we focus

on two special cases, namely, the case of the untwisted Tate motive and the base change of an

elliptic curve E which is defined over Q.

In the last part of the manuscript we concentrate on the elliptic curve case. Assuming that E

satisfies certain quite strong hypothesis we will describe (without proof) very explicit reformu-

lations of the ETNC. Based on this we briefly discuss both numerical and theoretical evidence

in favour of the conjecture.

1. Introduction

Cet article est l’élaboration de deux exposés donnés pour les Premières Journées Arithmétiquesde Meknès (Fonctions L et Arithmétique) en Octobre 2010. J’ai essayé de conserver le caractèrede ces exposés.Le but de la première partie de mes exposés a été de donner une introduction informelle àla conjecture équivariante de Tamagawa (brièvement ETNC) accessible aussi pour le non-spécialiste. La ETNC est formulée par Burns et Flach dans [10] en grande généralité dans

Classification mathématique par sujets (2000). — 11R42, 11G40, 14G10 .

Mots clefs. — Equivariant Tamagawa Number conjecture, Birch-Swinnerton-Dyer conjecture.

Je remercie les organisateurs des Journées Arithmétiques de Meknés pour l’invitation et pour la possibilité

d’exposer.

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28 ETNC

la langage des motifs en utilisant la théorie des foncteurs de déterminants. Pour échapperà l’énoncé général, qui est relativement abstrait, nous nous sommes concentrés sur deuxexemples particuliers. Cela nous a permis de réduire les préparations générales au minimum.Voici les exemples.1. Soit K/k une extension galoisienne de corps de nombres, G = Gal(K/k). Alors nous

considérons la ETNC pour le couple (h0(Q)K ,Z[G]), où h0(Q) dénote le motif de Tate.2. Soit E/Q une courbe elliptique et K/Q une extension galoisienne de corps de nombres,G = Gal(K/Q). Alors nous étudions la ETNC pour le couple (h1(EK)(1),Z[G]), où EKdésigne le courbe elliptique E vue sur K.

Dans l’exemple 1 la ETNC décrit une version fine et équivariante de la formule analytique dunombre de classes, et dans l’exemple 2 nous obtenons une version fine et équivariante de laconjecture de Birch et Swinnerton-Dyer.Dans la dernière partie de mes exposés j’ai étudié l’exemple 2 un peu plus en détail. J’aiexpliqué quelques résultats numériques et dans des cas très spéciaux j’ai donné aussi quelquesrésultats théoriques. Ces résultats proviennent de [2, 3, 4].Nous ne présentons presque pas de démonstration. Il est alors inévitable de lire la littératureoriginale et nous nous contentons ici de renvoyer le lecteur aux articles [8, 10] de Burns etFlach où l’on trouve beaucoup de références importantes. Les articles sommaires [17, 18] sontaussi fortement recommandés pour une introduction à la conjecture ETNC.

Notations : Nous introduisons quelques notations qui seront utilisées partout dans le texte.Pour une extension d’anneau R ⊆ S et un R-module M nous posons MS := M ⊗R S. Si Mest un Z-module nous écrivons brièvement Ml pour M ⊗

ZZl.

Soit M un Z-module de type fini. Alors on dénote Mtors le sous-module de torsion et on poseMtf := M/Mtors. On écrit rk(M) ou rk

Z(M) pour le rang de Mtf . Alors rk(M) = dim

Q(M

Q).

Soit R un anneau. Alors ζ(R) dénote le centre de R et R× les unités de R. Comme d’habitude,pour un corps de nombres F , notons OF pour l’anneau des entiers de F .

2. K- théorie

Les références principales pour cette section sont [23] et [25].

2.1. Définition de K0. — Soit Λ un anneau (toujours avec un élément neutre). Tous lesmodules sur Λ seront pris à gauche. Soit PMod(Λ) la catégorie des Λ-modules projectifs detype fini. Le groupe K0(Λ) est le groupe de Grothendieck de la catégorie PMod(Λ). Il estdéfini par générateurs et relations comme suit :– Un générateur [P ] pour chaque classe d’isomorphisme de module projectif de type fini.– Une relation [P ⊕Q] = [P ] + [Q] pour tous les P,Q ∈ PMod(Λ).On dénote par (P ) la classe de P ∈ PMod(Λ) dans K0(Λ).

Exemple 2.1. — 1) Si Λ est un corps, alors tous les modules de type fini sont isomorphes àΛn pour un certain n ∈ N. Ceci implique que K0(Λ) ≃ Z, où l’isomorphisme est induit par(Λn) 7→ n.

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Werner Bley 29

2) Si Λ est un anneau local, alors K0(Λ) ≃ Z, parce que tout module projectif de type finisur un anneau local est libre. Alors, comme dans 1), on a une notion de rang qui donnel’isomorphisme (cf. [25, Th. 1.3.11]).3) Si Λ est un anneau de Dedekind, alors K0(Λ) ≃ Z⊕ cl(Λ), où cl(Λ) désigne le groupe desclasses d’idéaux fractionaires. Ce résultat est une conséquence du Théorème de Steinitz (cf.[25, Th. 1.4.12]).

2.2. Définition de K1. — Soit Gln(Λ) le groupe des matrices inversibles. On a un plonge-ment naturel

Gln(Λ) → Gln+1(Λ), A 7→

(A 00 1

).

On définitGl(Λ) := lim

−→

n

Gln(Λ)

etK1(Λ) := Gl(Λ)/[Gl(Λ),Gl(Λ)],

où [Gl(Λ),Gl(Λ)] est le groupe des commutateurs. Par le lemme de Whitehead on sait bienque [Gl(Λ),Gl(Λ)] = E(Λ) où E(Λ) désigne le groupe des matrices élémentaires.Supposons Λ commutatif. Alors on a le déterminant

Gl(Λ)det−→ Λ×.

L’application det est surjective et scindée par

(1) Λ× −→ Gl(Λ), u 7→

u 0 00 1 0

0 0. . .

Par conséquent, K1(Λ) ≃ Λ× ⊕ Sl(Λ)/E(Λ), où Sl(Λ) est la limite directe de Sln(Λ) := A ∈Gln(Λ) | det(A) = 1. On définit

SK1(Λ) := Sl(Λ)/E(Λ).

Il existe certains cas intéressants où SK1(Λ) = 1, par exemple, si Λ est un corps, un anneaulocal ou un anneau euclidien. Si Λ = OK avec K/Q un corps de nombres, alors il est démontrédans [1] ou [23, Sec. 16] que SK1(Λ) = 1. En général, pour un anneau de Dedekind quelconquele groupe SK1(Λ) n’est pas trivial. Typiquement pour l’anneau Λ = R[x, y]/(x2 + y2 − 1) desfonctions polynomiales sur le cercle (cf. [1]).On conclut cette section par un résultat important qui est utilisé dans plusieurs situations,entre autres dans la théorie d’Iwasawa non-commutative (cf. [28]). Rappelons-nous qu’unanneau Λ est semi-local si et seulement si Λ/rad(Λ) est artinien (à gauche). Par exemple, siR est un anneau local et Λ une R-algèbre de type fini, alors Λ est semi-local. Par contre, Zn’est pas semi-local, et plus généralement, tout anneau de Dedekind avec une infinité d’ideauxmaximaux ne l’est pas non plus (cf. [14, §5C]).

Théorème 2.2. — Soit Λ un anneau semi-local, alors l’application naturelle

Λ× −→ K1(Λ)

est surjective.

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30 ETNC

Démonstration. — [14, Th. (40.31)].

2.3. Le K0 relatif. — Soit ϕ : Λ −→ Λ′ un homomorphisme d’anneaux. On considère lacatégorie suivante :– Objets : Triplets (P, ϑ,Q) avec P,Q ∈ PMod(Λ) et ϑ : P⊗Λ′ −→ Q⊗Λ′ est un isomorphisme

de Λ′-module.– Morphismes : Un morphisme (P, ϑ,Q) −→ (P1, ϑ1, Q1) est la donnée de Λ-homomorphismesα : P −→ P1 et β : Q −→ Q1 telle que le diagramme suivant soit commutatif :

P ⊗ Λ′ α⊗Λ′

//

ϑ

P1 ⊗ Λ′

ϑ1

Q⊗ Λ′ β⊗Λ′

// Q1 ⊗ Λ′

Par définition, un morphisme dans cette catégorie est un isomorphisme, si et seulement si αet β sont des isomorphismes de Λ-modules. On dit que

(2) 0 −→ (P1, ϑ1, Q1)(α1,β1)−→ (P, ϑ,Q)

(α2,β2)−→ (P2, ϑ2, Q2) −→ 0

est une suite exacte courte dans cette catégorie, si

0 −→ P1α1−→ P

α2−→ P2 −→ 0,

0 −→ Q1β1−→ Q

β2−→ Q2 −→ 0

sont des suites exactes courtes de Λ-modules.On définit maintenant le groupe K0(Λ, ϕ) par générateurs et relations comme suit :– Générateurs : [P, ϑ,Q] pour toutes les classes d’isomorphismes d’objets (P, ϑ,Q).– Relations :

(i) [P, ϑ,Q] = [P1, ϑ1, Q1] + [P2, ϑ2, Q2] pour toute suite exacte courte comme dans (2).

(ii) Si P,Q,R ∈ PMod(Λ) et ϑ1 : P ⊗ Λ′ ≃−→ Q⊗ Λ′, ϑ2 : Q⊗ Λ′ ≃

−→ R⊗ Λ′, alors

[P, ϑ1, Q] + [Q,ϑ2, R] = [P, ϑ2 ϑ1, R].

Par abus de notation on dénote la classe de [P, ϑ,Q] dans K0(Λ, ϕ) par le même symbole.

2.4. La suite exacte de localisation. — La suite exacte qu’on présentera dans cettesection joue un rôle important dans plusieurs situations, notamment dans la théorie de laconjecture équivariante de Tamagawa mais aussi dans la théorie d’Iwasawa non-commutative.Nous avons une suite exacte reliant les K-groupes qu’on vient de définir

K1(Λ)ϕ∗

−→ K1(Λ′)

∂1−→ K0(Λ, ϕ)∂0−→ K0(Λ)

ϕ∗

−→ K0(Λ′)

où pour une matrice A ∈ Gln(Λ′) nous avons posé

∂1(A) := [Λn, A,Λn], ∂0([P, ϑ,Q]) := (P )− (Q)

et où ϕ∗ est induit par ϕ de façon naturelle.Nous donnerons deux exemples particuliers. Le premier est important pour la conjectureETNC, le deuxième pour la conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non-commutative.

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Werner Bley 31

Exemple 2.3. — Soit G un groupe fini, Λ = Z[G] ou Λ = Zl[G], où l désigne un nombrepremier. On écrit Cl pour le complété d’une clôture algébrique de Ql. On se donne uneextension de corps Q ⊆ E ⊆ C ou Ql ⊆ E ⊆ Cl et on pose Λ′ := E[G]. L’application ϕest l’inclusion. Dans ce cas présent nous utiliserons la notation K0(Λ, ϕ) = K0(Z[G],E) ouK0(Zl[G],E).Pour E = R nous avons maintenant un diagramme fondamental pour la suite

(3) ζ(R[G])×

∂1

((PPPPPPPPPPPP

K1(Z[G]) // K1(R[G])∂1

//

NrdR[G]

OO

K0(Z[G],R)∂0

// K0(Z[G])

K1(Z[G]) //

=

OO

K1(Q[G])∂1

//

OO

K0(Z[G],Q)

∂0//

OO

K0(Z[G])

=

OO

∐l

K0(Zl[G],Ql)

Ici, l’application NrdR[G] est la norme réduite qui est définie, par exemple, dans [14, §7D].

Rappelons que NrdR[G] induit une application K1(R[G]) −→ ζ(R[G])× qui est injective, mais

en général pas surjective. L’image est décrite par le théorème de Hasse-Schilling-Maass ([14,

Th. (45.3)]). Cependant on peut définir une application naturelle ∂1 telle que ∂1 = ∂1NrdR[G]

(cf. [7, Lemma 2.2]).

Exemple 2.4. — Soit S ⊆ Λ un ensemble multiplicativement fermé contenu dans le centreζ(Λ) de Λ, ou plus généralement, un ensemble de Ore. C’est-à-dire, un ensemble multipli-cativement fermé pour lequel la localisation S−1Λ existe. Soit ϕ : Λ −→ S−1Λ l’applicationcanonique.Soit T la catégorie des Λ-modules de type fini qui sont de S-torsion et de dimension projective≤ 1. Soit K0(T ) le groupe de Grothendieck de la catégorie T . Alors

(4) K0(T ) ≃ K0(Λ, ϕ), (C) 7→ [Q,α, P ],

si 0 −→ Qα−→ P −→ C −→ 0 est une résolution projective de C.

2.5. K0 relatif et idéaux de Fitting. — Dans cette section G désigne un groupe finiabélien. Soit T la catégorie des Z[G]-modules finis de dimension projective finie. Autrementdit, T est la catégorie des Z[G]-modules finis et cohomologiquement triviaux. Signalons quela dimension projective d’un Z[G]-module cohomologiquement trivial est ≤ 1. Soit I

Q(Z[G])

le groupe des Z[G]-modules I ⊆ Q[G] inversibles (ou, ce qui revient au même, localementlibres). Alors on a

K0(T ) ≃ IQ(Z[G]),

(C) 7→ FittZ[G](C),

(Z[G]/I) ← I

Ainsi, grâce à l’exemple 2.4, nous avons K0(Z[G],Q) ≃ K0(T ) ≃ IQ(Z[G]).

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32 ETNC

De la même façon, on a K0(Zl[G],Ql) ≃ K0(Tl) ≃ IQl

(Zl[G]), où Tl désigne la catégorie desZl[G]-modules finis de dimension projective finie.

2.6. Calculs dansK0(Z[G],Q). — On reprend le diagramme fondamental (3). Avec quelquessimplifications, les conjectures qu’on veut étudier dans la suite prennent la forme d’une équa-tion

(5) ∂1(L∗) = [P, ϑ,Q] avec L∗ ∈ ζ(R[G])×

dans le groupe relatif K0(Z[G],R). Pour la conjecture ETNC l’élément L∗ est un objet ana-lytique défini comme le terme dominant d’une fonction L motivique.D’autre part, on dispose d’un élément algébrique qu’on va définir dans des exemples particu-liers.

Dans ce qui suit, nous aurons besoin de quelques résultats de la théorie des représentationsd’un groupe G fini.Soit Irr(G) l’ensemble des caractères absolument irréductibles de G. Par le théorème de Wed-derburns nous avons

C[G] ≃⊕

χ∈Irr(G)

Mnχ(C),

qui induit un isomorphisme canonique

ζ(C[G]) ≃⊕

χ∈Irr(G)

C.

Très souvent nous considérerons cet isomorphisme comme une égalité.

Lemme 2.5. — Soit E un corps tel que Q ⊆ E ⊆ C. Soit α = (αχ)χ∈Irr(G) ∈ ζ(C[G]). Alorson a

α ∈ ζ(E[G]) ⇐⇒ ασχ = σ(αχ),∀σ ∈ Aut(C/E).

Démonstration. — [2, Lemma 2.8].

Pour un caractère χ nous désignons par Q(χ) le corps engendré par les valeurs χ(g) où gparcourt les éléments du groupe G. L’extension Q(χ)/Q est abélienne et dans le cas importantoù E = Q le lemme 2.5 prend la forme

α ∈ ζ(Q[G]) ⇐⇒

αχ ∈ Q(χ), ∀χ ∈ Irr(G) et

ασχ = σ(αχ), ∀σ ∈ Gal(Q(χ)/Q).

Revenons à l’étude de l’égalité (5). Posons

TΩ := ∂1(L∗)− [P, ϑ,Q]

et considérons d’abord la question TΩ?∈ K0(Z[G],Q) que nous appelons conjecture de ra-

tionalité. Par un résultat de Swan (cf. [14, Th. (32.11)]), les modules PQ

et QQ

sont des

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Werner Bley 33

Q[G]-modules libres de même rang, disons r. Choisissons des bases sur Q[G] de PQ

et QQ

et re-présentons l’application ϑ par rapport à ces bases. Cela nous donne une matrice B ∈ Glr(R[G])(évidemment dépendant du choix des bases). Posons alors

u :=L∗

NrdR[G](B)

∈ ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×.

Évidemment u est bien défini. Par abus de notation, écrivons aussi u pour tout relèvementde u à ζ(R[G])×. On peut démontrer que (cf. [2, Lemma 2.4 (a)])

TΩ ∈ K0(Z[G],Q) ⇐⇒ u ∈ ζ(Q[G])×.

Dorénavant on suppose la conjecture de rationalité vraie.Il est maintenant raisonnable, et l’énoncé de ETNC le nécessite, de travailler nombre pre-

mier par nombre premier. Fixons alors un premier l et discutons la question TΩl?= 0 dans

K0(Zl[G],Ql). Soit IrrQ(G) un système de représentants de Irr(G) par l’action du groupe de

Galois absolu GQ. On pose

C := ζ(Q[G]) ≃∏

χ∈IrrQ(G)

Q(χ).

Soit OC la clôture intégrale de Z dans C. Evidemment OC s’identifie avec∏

χ∈IrrQ(G)

OQ(χ).

Signalons que par le résultat de Swan [14, Th. (32.11)], tout Z[G]-module projectif est locale-ment libre. Nous choisissons alors des Zl[G]-bases de P ⊗

ZZl et Q⊗

ZZl et représentons ϑ par

rapport à ces bases. En fait, il suffit de travailler avec les localisations, et pour éviter encoreplus de notations, c’est ce qu’on suppose désormais. Il en résulte une matrice B ∈ Glr(R[G])et nous posons

ul :=L∗

NrdR[G](B)

∈ ζ(R[G])×/NrdQ[G](Z(l)[G]×),

où Z(l) ⊆ Q est la localisation de Z. Par hypothèse (on rappelle que l’on a supposé vraiela conjecture de rationalité), tout relèvement de ul (qu’on notera aussi ul) est contenu dansζ(Q[G])×. De plus, nous avons la

Proposition 2.6. — On a TΩl = 0 si et seulement si

(i) ul ∈ O×C,l (c’est-à-dire ul est une unité l-adique), et

(ii) ul ≡ 1(mod NrdQl[G](Zl[G]×)).

Supplément : Si l ∤ |G|, alors Zl[G] est un ordre maximal et on a NrdQl[G](Zl[G]×) = O×

C,l

(cf. [6, Th. 2.2]). Dans ce cas il ne reste que la condition (i).Par contre, si l | |G| la condition (ii) se traduit par des congruences explicites. Donnons endeux exemples.

Exemple 2.7. — 1) Soit G = 〈g0〉 un groupe cyclique d’ordre l. Alors l’isomorphisme C[G] ≃

C ⊕ . . . ⊕ C correspond aux caractères χj définis par χj(g0) := ζjl , ζl = exp(2πi/l), j =0, . . . , l − 1. On a

α = (α0, . . . , αl−1) ∈ Q[G] ⇐⇒

α0 ∈ Q, α1, . . . , αl−1 ∈ Q(ζl) et

σj(α1) = αj, j = 1, . . . , l − 1.

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34 ETNC

Ici σj ∈ Gal(Q(ζl)/Q) est l’isomorphisme défini par σj(ζl) = ζjl . Par conséquent, on peutprendre Irr

Q(G) = χ0, χ1. De plus, si (α0, α1) satisfait (i), alors on a

α ∈ NrdQl[G](Zl[G]×) = Zl[G]× ⇐⇒ α0 ≡ α1(mod 1− ζl).

2) Soit G = 〈σ, τ : σl = id = τ2, τσ = σ−1τ〉 le groupe diédral d’ordre 2l, l 6= 2 premier. Ondénote χ0 le caractère trivial et χ1 le caractère défini par χ1(σ) = 1 et χ1(τ) = −1. Ce sont

les caractères abéliens. Il y a m := l−12 caractères de degré 2 de la forme ψj = indGH(λj), où λj

parcourt la moitié des caractères non triviaux de H = 〈σ〉. Plus explicite, si λj est défini par

λj(σ) = ζjl , j = 0, . . . , l − 1, alors on prend les λj pour j = 1, . . . ,m. Les caractères de degré2 prennent leurs valeurs dans le corps réel maximal Q(ζl)

+ du corps cyclotomique Q(ζl) (cf.[14, (10.11)]). On en déduit

C[G] ≃ C⊕ C⊕M2(C)⊕ . . .⊕M2(C).

Pour un élément α = (αχ0 , αχ1 , αψ1 , . . . , αψm) ∈ ζ(C[G]) on a

α ∈ ζ(Q[G]) ⇐⇒ αχ0 , αχ1 ∈ Q et αψ1 , . . . , αψm∈ Q(ζl)

+ sont conjugés.

En plus, si (αχ0 , αχ1 , αψ1) satisfait (i), alors on a

α ∈ NrdQl[G](Zl[G]×) ⇐⇒ αχ0αχ1 ≡ αψ1(mod 1− ζl).

Pour encore plus d’exemples et plus de détails le lecteur est renvoyé à [2, Sec. 2.3] et à [3,Sec. 5].

3. Caractéristique d’Euler attachée aux complexes parfaits

Pour l’énoncé de la conjecture équivariante de Tamagawa il nous faut encore une méthodepour produire des éléments algébriques dans le K0 relatif à partir d’un complexe parfait et ladonnée de certains isomorphismes entre ses groupes de cohomologie.

Pour l’instant, soit Λ un anneau quelconque. Pour un complexe

A• : . . . −→ Ai−1 ∂i−1

−→ Ai∂i

−→ Ai+1 −→ . . .

on désigne, comme d’habitude, par

H i(A•) :=ker(∂i)

im(∂i−1)

les groupes de cohomologie. On dit que A• est un complexe parfait lorsqu’il existe un complexe

(6) P • : . . . −→ P i−1 ∂i−1

−→ P i∂i

−→ P i+1 −→ . . .

et un morphisme de complexes π : P • −→ A• tel que– P • est borné, c’est-à-dire, il n’y a qu’un nombre fini de P i non nul.– P i ∈ PMod(Λ) pour tout i.

– π induit des isomorphismes H i(P •)≃−→ H i(A•) pour tout i. (Dans ce cas on dit que π est

un quasi-isomorphisme.)

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Werner Bley 35

Soit maintenant Λ = Z[G]. Posons

Hpair(P •) :=⊕

2|i

H i(P •), H impair(P •) :=⊕

2∤i

H i(P •)

et supposons qu’on a un isomorphisme

ϑ : Hpair(P •)R

≃−→ H impair(P •)

R.

Lorsqu’on pose Zi = Zi(P •) := ker(∂i), Bi = Bi(P •) := im(∂i−1) on a par définition lessuites exactes courtes tautologiques

0 −→ Zi −→ P i∂i

−→ Bi+1 −→ 0

0 −→ Bi ⊆−→ Zi −→ H i −→ 0

En appliquant le foncteur ⊗ZR, ces suites deviennent scindées (car R[G] est semi-simple) et

on peut définir un isomorphisme ϑ de R[G]-modules comme la composée suivante

ϑ : P pairR≃ Hpair

R⊕Ball

R

ϑ⊕id−→ H impair

R⊕Ball

R≃ P impair

R,

où Ball :=⊕

i∈ZBi (pour plus de détails voir [12, Sec. 1]).

Définition 3.1. — Pour un complexe P • comme dans (6) on définit la caractéristique d’Eu-ler χ

Z[G],R(P •, ϑ) ∈ K0(Z[G],R) par

χZ[G],R(P •, ϑ) := [P pair, ϑ, P impair].

Il est démontré dans [12] que cette caractéristique d’Euler est bien définie et est indépendantedu choix des applications scindées.

Avant de donner la définition générale pour un complexe parfait A•, nous explicitons laconstruction dans un cas spécial. Si P • n’a que deux modules non nuls, disons P 0 et P 1,alors on a un diagramme

0 // H0 // P 0 ∂0//

!!BBB

BBBB

B P 1 // H1 //

τjj 0

B1

⊆==||||||||

!!CCC

CCCC

C

σ

YY

0

==0

où toutes les suites courtes sont exactes. Après ⊗ZR on peut choisir des applications scindées,

dénotées σ et τ dans le diagramme, et on obtient

ϑ : P 0R≃ H0

R⊕B1

R−→ H1

R⊕B1

R≃ P 1

R.

Le premier isomorphisme est induit par σ et le dernier par τ . On remarque qu’en général lesapplications σ et τ n’existent qu’au niveau des R[G]-modules.

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36 ETNC

Définition 3.2. — Soit A• un complexe parfait, ϑ : Hpair(A•)R

≃−→ H impair(A•)

Run iso-

morphisme de R[G]-modules et π : P • −→ A• un quasi-isomorphisme comme ci-dessus. Ondéfinit la caractéristique d’Euler χ

Z[G],R(A•, ϑ) ∈ K0(Z[G],R) par

χZ[G],R(A•, ϑ) := χ

Z[G],R(P •, π−1ϑπ).

Grâce à un résultat de Burns [12, Sec. 2], la quantité χZ[G],R(A•, ϑ) est bien définie, c’est-à-

dire, la définition ne dépend pas des choix qu’on a fait pendant la construction.Donnons deux exemples qui montrent que cette caractéristique d’Euler généralise des conceptsbien connus.

Exemple 3.3. — Soit G = 1 et C un groupe abélien fini. Comme d’habitude, écrivons C[1]pour le complexe qui a comme seul module non nul le module C en degré 1. Soit

0 −→ Znα−→ Zn −→ C −→ 0

une présentation de C. Alors le complexe C[1] est parfait comme le montre le diagrammesuivant

Znα

// Zn

π

C

où les modules sont placés en les degrés 0 et 1. On obtient χZ,R(C[1], 0) = [Zn, α,Zn] ∈

K0(Z,R). On déduit de la suite exacte de localisation, ou bien du diagramme (3), queK0(Z,R) ≃ R×/± 1, l’isomorphisme étant induit par det. Alors χ

Z,R(C[1], 0) = [Zn, α,Zn] 7→det(α) mod ± 1. D’un autre côté, |det(α)| = |C| et on retrouve ainsi l’ordre d’un Z-moduleC fini.

Exemple 3.4. — Soit G abélien et C un Z[G]-module fini et cohomologiquement trivial.Alors on a une suite exacte

0 −→ Q −→ Z[G]nπ−→ C −→ 0

avec n ∈ N assez grand et Q = ker(π). La suite exacte de cohomologie démontre que Qaussi est cohomologiquement trivial. De plus, Q est sans torsion sur Z. On rappelle quetout module cohomologiquement trivial et sans Z-torsion est Z[G]-projective (cf. [24]). Donc,comme ci-dessus le complexe C[1] est parfait et on arrive à χ

Z[G],R(C[1], 0) = [Q, id,Z[G]n] ∈K0(Z[G],Q). Mais d’après le paragraphe 2.5 on a K0(Z[G],Q) ≃ I

Q(Z[G]). Cet isomorphisme

applique l’élément [Q, id,Z[G]n] à FittZ[G](C). Ainsi la caractéristique d’Euler qu’on vient de

définir généralise la notion de l’idéal de Fitting.

4. Courbe elliptique, BSD et fonctions L de Hasse-Weil tordues

Le but de ce paragraphe est d’introduire les objets analytiques qui figurent dans ETNC dansun cas particulier, plus précisément, dans le cas où le motif vient d’une courbe elliptiquedéfinie sur Q considérée comme une courbe sur K, où K désigne une extension galoisiennede Q.

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Werner Bley 37

Pour donner un minimum de motivation, nous commençons par la conjecture de Birch etSwinnerton-Dyer (abrégée BSD) qui est conjointement avec la formule analytique du nombrede classes le prototype pour ETNC.Soit E/Q une courbe elliptique définie sur Q. Rappelons rapidement la définition de la fonctionL de Hasse-Weil qui est définie par un produit d’Euler. Les facteurs locaux sont donnés par

Lp(E/Q, T ) :=

1− apT + pT 2, bonne réduction en p,

1− T, réduction multiplicative déployée ,

1 + T, réduction multiplicative non-déployée ,

1 réduction additive,

où ap = p + 1 − |E(Fp)|. On remarque qu’on a toujours Lp(E/Q,1p) =

|Ens(Fp)|p , où Ens(Fp)

désigne le groupe des points Fp-rationnels non-singuliers sur la courbe réduite.

Définition 4.1. — On pose

L(E/Q, s) :=∏

p

Lp(E/Q, p−s)−1,

où p parcourt tous les nombres premiers et on l’appelle la fonction L de Hasse-Weil associéeà la courbe E.

Remarque 4.2. — 1) Le produit d’Euler converge pour Re(s) > 32 . Comme conséquence du

théorème de modularité on sait qu’il existe un prolongement sur tout le plan complexe.2) La fonction L de Hasse-Weil s’écrit comme série de Dirichlet

L(E/Q, s) =∑

n≥1

ann−s, Re(s) >

3

2,

où les an sont définis à partir des ap, p premier, par les formules

amn = aman, si (m,n) = 1, apν+1 = apapν − papν−1, si ν ≥ 1 et a1 = 1.

D’après le théorème de Mordell-Weil le groupe des points de E rationnels sur Q, noté E(Q),est un groupe abélien de type fini.Comme d’habitude, X(E/Q) désigne le groupe de Tate-Shafarevic, Ω+ la période réelle et cples facteurs locaux de Tamagawa. Finalement, Reg est le régulateur elliptique. Nous donneronssa définition après l’énoncé de la conjecture de Birch et Swinnerton-Dyer.

La conjecture BSD

1) (Conjecture du rang)

ords=1L(E/Q, s)?= rg

Z(E(Q)).

2) (Conjecture de rationalité) Posons r := rgZ(E(Q) et

L∗(E/Q, 1) := lims→1

(s − 1)−rL(E/Q, s).

AlorsL∗(E/Q, 1)

Ω+Reg

?∈ Q×.

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38 ETNC

3) (Conjecture d’intégralité)

L∗(E/Q, 1)

Ω+Reg

?=|X(E/Q)|

|E(Q)tors|2·∏

p

cp.

Rappelons la définition du régulateur. On fixe une base P1, . . . , Pr de E(Q)/E(Q)tors, alors

E(Q) = E(Q)tors ⊕ ZP1 ⊕ . . .⊕ ZPr.

On dénote P ∗1 , . . . , P

∗r la base duale, c’est-à-dire,

P ∗i (Pj) =

1, i = j,

0, i 6= j.

Si 〈_,_〉NT : E(Q) × E(Q) −→ R désigne l’accouplement de Néron-Tate, on obtient un iso-morphisme

λNT : E(Q)R−→ E(Q)∗

R:= Hom

R(E(Q)

R,R),

P 7→ 〈P,_〉NT .

Comme 〈Pi,_〉NT =∑r

j=1〈Pi, Pj〉NTP∗j la matrice correspondante à λNT par notre choix des

bases est évidemment (〈Pi, Pj〉NT )1≤i,j≤r. On définit

Reg := det (〈Pi, Pj〉NT ) .

En résumé, on note que nous avons choisi des Z-bases de E(Q)/E(Q)tors et de E(Q)∗, puisnous avons représenté l’isomorphisme λNT par une matrice et, finalement, nous en avons prisle déterminant.Nous ne donnerons pas la définition de Ω+ mais nous nous contentons de constater que Ω+

a aussi une interprétation comme le déterminant d’un isomorphisme naturel qu’on appelleisomorphisme de période. Puisque les Z-modules sont ici de rang 1 cela a peut-être l’airartificiel mais c’est exactement ce point de vue qui se généralise dans le cas équivariant.

Remarque 4.3. — La conjecture ETNC pour le motif h1(E)(1) est équivalente à la conjec-ture BSD. La démonstration de ce fait n’est pas évidente, car l’énoncé de ETNC est trèstechnique et très général. Le lecteur peut se reporter aux articles de Kings [21] ou de Venja-kob [29].

L’objectif de ce qui suit est le développement d’une conjecture plus fine que BSD dans lasituation suivante :

E/Q est une courbe elliptique sur Q,

K/Q une extension galoisienne finie,

MK = h1(EK)(1).

Cette conjecture plus fine doit faire ressortir l’action du groupe G = Gal(K/Q) sur les objetsarithmétiques associés à E/K qui sont, entre autres, le groupe E(K) ou le groupe X(E/K).Commençons par la définition du côté analytique de la conjecture. Pour tout caractère χ ∈Irr(G) on peut définir une fonction L de Hasse-Weil tordue qu’on dénote par L(E/Q, χ, s).

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Werner Bley 39

Nous ne donnerons pas la définition. Il nous suffit, pour avoir une idée, de constater que dansle cas où G est abélien on a

Lp(E/Q, χ, T ) = 1− χ(p)apT + χ(p)2pT 2

pour tout caractère χ abélien et tout premier p où la courbe a bonne réduction. Ou bien,

L(E/Q, χ, s) =

∞∑

n=1

χ(n)ann−s, Re(s) >

3

2.

Dans les deux formules on considère χ comme un caractère de Dirichlet par la théorie ducorps de classes.

Définition 4.4. — a) La fonction L motivique associée au motif MK est la fonction ayantles valeurs dans ζ(C[G]) donnée par

L(MK , s) = (L(E/Q, χ, s+ 1))χ∈Irr(G) .

b) On poseL∗ := (L∗(E/Q, χ, 1))χ∈Irr(G) .

Le lecteur trouvera plus de détails dans [10, Rem. 7] ou dans [2, Sec. 3]. A priori, L∗ ∈ζ(C[G])×, mais comme la conjugaison complexe est continue on déduit facilement du lemme2.5 que L∗ ∈ ζ(R[G])×.

Remarque 4.5. — Lorsqu’on remplace le motif h1(EK)(1) par le motif de Tate h0(Q)K , lesfonctions L de Hasse-Weil tordues sont à remplacer par les fonctions L d’Artin. Dans ce cason arrive essentiellement à la fonction

θS : C −→ C[G] ≃⊕

χ∈Irr(G)

C

introduite dans l’exposé [20] de Greither (avec quelques modifications à cause de l’ensembleS).

Pour définir le terme de droite dans (5) et pour bien comprendre les problèmes qui se posenten travaillant avec des Z[G]-modules, il faut avoir une idée de la conjecture ETNC dans le casgénéral.

5. La conjecture équivariante de Tamagawa : une esquisse

La conjecture équivariante de Tamagawa est une conjecture formulée dans le langage de lathéorie des motifs. Nous ne donnerons pas une introduction de cette théorie. Le but de cettesection est modeste : on veut obtenir une idée de ETNC dans le cas général et bien comprendredeux cas spéciaux. Ce sont le cas des motifs de Tate en s = 0 et le cas de l’extension desscalaires d’une courbe elliptique E/Q déjà décrit dans la Section 4.Soit

A une algèbre semi-simple de type fini sur Q,

M un motif sur Q, muni d’une A− action.

Une structure motivique pour nous consiste en

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40 ETNC

– des réalisations l-adiques, de Betti et de deRham,– des groupes motiviques de cohomologie,– des isomorphismes de comparaison,– une suite exacte conjecturale mettant ces objets en relation entre eux.Dans la suite nous décrirons cette structure pour deux motifs ; ce sont nos exemples principaux.

Exemple 1 : (Motif de Tate) Soit K/Q une extension finie galoisienne avec groupe G. Alorson a un motif M = h0(Q)K ; c’est l’extension des scalaires du motif de Tate h0(Q).

Exemple 2 : (Extension des scalaires d’une courbe elliptique) C’est l’exemple qu’on a déjàdécrit dans la Section 4. Alors :

E/Q une courbe elliptique ,

K/Q une extension finie galoisienne avec groupe G,

M = h1(E/K)(1)

Dans nos exemples principaux l’algèbre A est l’algèbre Q[G].

La réalisation l-adique d’un motif est une représentation Al-linéaire du groupe de Galoisabsolu G

Q= Gal(Qc/Q). Pour un corps de nombres F , on pose Σ(F ) pour l’ensemble des

plongements de F dans C. Nous définissons HK :=⊕

σ∈Σ(K) Q. Les groupes G et GQ

opèrent

sur Σ(K) et cela fournit bien une action de G et GQ

sur HK .Dans l’exemple 1 on a

Ml = HK,l =⊕

σ∈Σ(K)

Ql

et dans l’exemple 2

Ml = HK,l ⊗QlHom(Vl(E),Ql)(1),

où Tl(E) est le module de Tate, Vl(E) := Tl(E)⊗Zl

Ql et GQ

opère bien sur HK,l et Vl(E).

On utilise alors les réalisations l-adiques pour la définition des fonctions L. Supposons pourl’instant que A soit commutative. Pour un premier p on désigne par Frp ∈ GQ

un élément deFrobenius et par Ip le groupe de ramification. On pose

Lp(M,T ) := detAl

(1− Fr−1

p · T |MIpl

)∈ Al[T ],

L(M,s) :=∏

p

Lp(M,p−s)−1

Si A est non-commutative, on doit remplacer det par la norme réduite. Remarquons que cesfonctions L prennent leurs valeurs dans ζ(A

C) (cf. [10, Rem. 7]).

Dans nos exemples on a AC

= C[G]. Rappelons que nous identifions ζ(C[G]) et∏χ∈Irr(G) C.

Dans notre exemple 1 la fonction L motivique est le vecteur des fonctions L d’Artin,

L(M,s) = (L(K/Q, χ, s))χ∈Irr(G) ,

et dans l’exemple 2 on obtient, comme on a déjà expliqué, le vecteur des fonctions L deHasse-Weil tordues,

L(M,s) = (L(E/Q, χ, s+ 1))χ∈Irr(G) .

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Werner Bley 41

Continuons avec la description des réalisations MB de Betti dans nos exemples principaux. Engénéral, MB est un espace sur A de type fini muni d’une action de la conjugaison complexe.Dans l’exemple 1 on a

MB = HK =⊕

σ∈Σ(K)

Q.

Le groupe G et la conjugaison complexe opèrent sur Σ(K) et cela induit des actions naturellesde A et de la conjugaison complexe surMB . Dans l’exemple 2 la réalisation de Betti est donnéepar

MB = HK ⊗QH1(E(C), 2πiQ),

où H1(E(C), 2πiQ) est le groupe de cohomologie singulière avec son action naturelle de laconjugaison complexe. Le groupe G opère sur le premier facteur.La réalisation MdR de deRham est un espace sur A muni d’une filtration F iMdR naturelle, lafiltration de Hodge. On définit l’espace tangentiel tM par MdR/F

0MdR. Dans l’exemple 1 ona

MdR = K, F iMdR =

K, i ≤ 0,

0, i > 0,alors tM = 0.

Pour l’exemple 2 nous nous contentons de décrire l’espace tangentiel :

tM = K ⊗Q

Hom(Ω1E/Q,Q)

où Ω1E/Q désigne les formes différentielles de E. Le groupe G opère sur le premier facteur K

de façon naturelle.Dans la théorie des motifs, il y a un isomorphisme très important qu’on appelle isomorphismede périodes,

α′M : MB,C

≃−→MdR,C.

Comme d’habitude nous appelons M+B le sous-module de MB sur lequel la conjugaison com-

plexe opère comme l’identité. Alors l’isomorphisme α′M induit un homomorphisme de A

R-

modulesαM : M+

B ⊗QR −→ tM ⊗Q

R.

Nous écrirons αM dans nos exemples principaux.Pour le motif de Tate (exemple 1) on a

M+B ⊗Q

R =⊕′

σ∈Σ(K)R,

où ′ indique que les éléments σ ne parcourent qu’un système de représentants de Σ(K) pourl’action de la conjugaison complexe (si σ et σ sont conjugés, on ne prend qu’un seul élémentdu couple (σ, σ)). Comme tM = 0, l’application αM est 0.Dans le cas des courbes elliptiques (exemple 2), αM est un isomorphisme qui est essentielle-ment induit par

H1(E(C),C) −→ Hom(Ω1E/Q,C),

γ 7→

(ω 7→

γω

).

On trouve une description plus détaillée de αM dans [2, Sec. 3].

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42 ETNC

Dans l’exemple 1, les groupes de cohomologie motivique H0f (M) et H1

f (M) pour un motif M

et son dual M∗(1) sont donnés par

H0f (M) = Q, H1

f (M) = 0,

H0f (M

∗(1)) = 0, H1f (M

∗(1)) = O×K ⊗Z

Q.

Dans l’exemple 2, le motif est auto-dual, c’est-à-dire, M = M∗(1). On a

H0f (M) = 0, H1

f (M) = E(K)⊗Z

Q.

Conjecturalement, on a une suite exacte fondamentale reliant les objets qu’on vient de définir(cf. [10, Conjecture 1]). Cette suite exacte est de la forme

0 −→ H0f (M)

R

c−→ ker(αM )

r∗−→ H1

f (M∗(1))∗

R

h−→

H1f (M)

R

r−→ cok(αM )

c∗−→ H0

f (M∗(1))∗

R−→ 0,(7)

où c est une application de classes de cycles, h est induit par une forme bilinéaire de hauteuret r est un régulateur à la Beilinson.

Pour le motif de Tate, la deuxième moitié de la suite est nulle et r est le régulateur de Dirichlet.Plus explicitement, il ne reste que la suite exacte courte

0 −→ R −→⊕′

σ∈Σ(K)R

r∗−→ (O×

K ⊗ZR)∗ −→ 0.

Ce n’est autre que le dual de la suite exacte du régulateur de Dirichlet bien connue qui apparaîtdans la démonstration du théorème de Dirichlet sur les unités d’un corps de nombres.Dans le cas des courbes elliptiques αM est un isomorphisme et h est le dual de l’isomorphismeλNT . Alors, la suite exacte fondamentale se réduit à

0 −→ E(K)∗R

h−→ E(K)

R−→ 0.

Pour tout motif M la suite exacte fondamentale (7) induit, par choix des applications scindées,un isomorphisme

ϑ : H0f (M)

R⊕H1

f (M∗(1))∗

R⊕ tM,R −→ H1

f (M)R⊕H0

f (M∗(1))∗

R⊕M+

B,R.

En principe, nous choisissons des Q[G]-bases de

H0f (M)⊕H1

f (M∗(1))∗ ⊕ tM

et deH1f (M)⊕H0

f (M∗(1))∗ ⊕M+

B

et représentons ϑ par rapport à ces bases. Bien sûr, il faut préciser la notion d’une Q[G]-base parce qu’en général un Q[G]-module n’est pas libre. Mais la théorie des représentationspermet de donner un sens à cette notion. Pour plus de détails voir [2, Rem. 6b)]. Ainsi nousobtenons une matrice A(ϑ) ∈ Glm(R[G]) et nous considérons la classe de Nrd

R[G](A(ϑ)) dans

ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×. Il est vrai que cette classe dépend du choix des bases, mais on peutdémontrer qu’elle ne dépend pas du choix de ϑ.

Conjecture 5.1. —L∗ · Nrd

R[G](A(ϑ)) ∈ ζ(Q[G])×.

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Werner Bley 43

On peut démontrer que la conjecture 5.1 est équivalente à la conjecture [10, Conj. 4(iii)].Dans la suite nous désignons par Nrd

R[G](ϑ) la classe de NrdR[G](A(ϑ)) dans ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×.

Plus explicitement, dans l’exemple 1 le régulateur de Dirichlet induit un isomorphisme deR[G]-modules

λDir : O×K,R −→ X

R,

u 7→ −∑

w∈S∞

log |u|ww,

où X est le noyau de ZS∞ −→ Z, w 7→ 1, et nous obtenons un régulateur équivariant

R = (Rχ)χ∈Irr(G) := NrdR[G](λDir) ∈ ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×.

Comme NrdR[G](ϑ

∗) = NrdR[G](ϑ) et comme ϑ∗ est essentiellement λ−1

Dir, la conjecture 5.1prend la forme

L∗/R?∈ ζ(Q[G])×,

où par abus de notation nous désignons par R un relèvement quelconque. On peut aussidémontrer que la conjecture 5.1 est équivalente à la conjecture de Stark comme formulée dans[27]. Pour une démonstration de ce résultat voir [11].Dans l’exemple 2, il vient l’application ϑ = λ−1

NT ⊕ α−1M . Si l’on pose

Reg =(Regχ

)χ∈Irr(G)

:= NrdR[G](λNT ) ∈ ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×,

Ω = (Ωχ)χ∈Irr(G) := NrdR[G](αM ) ∈ ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×.

la conjecture 5.1 prend la forme

L∗/Reg · Ω?∈ ζ(Q[G])×,

où on utilise les mêmes conventions de notation que ci-dessus. C’est une forme équivariantede la conjecture de rationalité de BSD. Il y a des expressions très explicites pour le régulateurReg et la période Ω dans [3, Sec. 4] et dans [2, Prop. 3.1].

L’idée naïve pour formuler une conjecture d’intégralité serait comme suit. On prend des Z[G]-modules canoniques dans les Q[G]-espaces, par exemple O×

K dans O×K ⊗Z

Q ou E(K) dansE(K) ⊗

ZQ, et on les utilise pour l’énoncé d’une conjecture d’intégralité. Par exemple, dans

le cas des motifs de Tate une forme naïve serait peut-être

∂1(L∗) =

[O×K , λDir,X

].

Mais cela ne marche pas parce que les modules ne sont pas projectifs. Par conséquent, l’élémentde droite n’existe pas dans K0(Z[G],R).La conjecture ETNC est probablement la façon correcte de résoudre ce problème. Nous fixonsun premier l avec le but de formuler une conjecture de l-intégralité (pour laquelle nous utilisonsle sigle ETNCl). En utilisant la théorie de la cohomologie étale on peut définir un complexeparfait

RΓc,l = RΓc(Z[1/Sl],Ml)

ayant les propriétés suivantes :– RΓc,l est parfait.– RΓc,l a les bons groupes de cohomologie.

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44 ETNC

On retrouve les Z[G]-modules, ou bien leurs complétés en l, qui sont intéressants d’un pointde vue arithmétique (par exemple les unités O×

K ou le groupe de Mordell-Weil E(K)), commeles groupes de cohomologie d’un complexe parfait. Malheureusement, la définition de RΓc,lest assez compliquée (cf. [10, Sec. 3.3 - 3.4]), et nous ne la donnerons pas ici.Notons par Cl la complétion d’une clôture algébrique de Ql et fixons un plongement j : R −→Cl. Soit j∗ : ζ(R[G])× −→ ζ(Cl[G])× induit par j et soit

ϑl : Hpair(RΓc,l)⊗Zl

Cl −→ H impair(RΓc,l)⊗ZlCl

l’isomorphisme de Cl[G]-modules induit par ϑ et j. La construction analogue à celle de laSection 3 donne une caractéristique d’Euler

χZl[G],Cl

(RΓc,l, ϑj) ∈ K0(Zl[G],Cl).

Soit ∂1,l : ζ(Cl[G])× −→ K0(Zl[G],Cl) l’application analogue à ∂1 dans (3). Nous pouvonsfinalement énoncer la conjecture ETNCl.

Conjecture 5.2. — Pour tout premier l, on a

∂1,l(j∗(L∗)) = χ

Zl[G],Cl(RΓc,l, ϑj)

dans K0(Zl[G],Cl).

Si nous supposons la conjecture de rationalité, alors pour tout premier l on a une égalité dansK0(Zl[G],Ql).

En général, on ne dispose pas d’une description explicite du complexe RΓc,l. Mais pour lesmotifs de Tate il existe un lien avec les suites de Tate qui rend une construction un peu plusexplicite de RΓc,l. Rappelons très brièvement les suites de Tate.Soit K/k une extension galoisienne de corps de nombres et soit G = Gal(K/k). Pour unensemble S fini de places de k on note par S(K) l’ensemble des places de K au-dessus desplaces de S. Soit OK,S l’anneau des S(K)-entiers de K et soit clS(K) le groupe des classesd’idéaux de OK,S. Soit XS le noyau de ZS(K) −→ Z, w 7→ 1.On dit que S est admissible si clS(K) = 1 et si S contient les places archimediennes ainsi queles places qui se ramifient dans K/k.Rappelons que Tate a défini une classe dans Ext2

Z[G](XS ,O×K,S), appelée classe canonique de

Tate, qui est fournie par la théorie locale et globale du corps de classes.

Théorème 5.3. — (Tate [26]) Soit K/k une extension galoisienne de corps de nombres avecG = Gal(K/k). Soit S un ensemble de places de k admissible. Alors il existe une suite exacte

0 −→ O×K,S −→ AS −→ BS −→ XS −→ 0

avec des modules parfaits AS , BS représentant la classe canonique de Tate.

Soit T •l le complexe [AS,l −→ BS,l] où les modules sont concentrés en les degrés 0 et 1. Alors

on a

Théorème 5.4. — (Burns/Flach [9, Prop. 3.5]) Pour les motifs de Tate M = h0(Q)K lecomplexe RΓc,l est quasi-isomorphe à T •

l .

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Werner Bley 45

Par conséquent, on peut utiliser le complexe T •l pour la construction de la caractéristique

d’Euler χZl[G],Cl

(RΓc,l, ϑj). Bien que les suites de Tate ne soient pas suffisamment explicitesnon plus, on a ici plus d’information que dans le cas des courbes elliptiques. Comme noté parexemple dans l’article [20] cela rend ETNC un peu plus explicite.

6. ETNC dans le cas des courbes elliptiques

Dans ce paragraphe, nous nous proposons de rendre encore plus explicite la conjecture ETNCdans le cas des courbes elliptiques. En utilisant ces résultats on peut calculer des exemplesnumériques comme celui que nous décrirons dans la Section 6.3. En plus, sous des hypothèsestrès fortes, on aura dans la Section 6.4 quelques résultats théoriques démontrant ETNCl pourune infinité de l-extensions K/Q abéliennes.

6.1. Conjecture de rationalité. — Pour commencer, nous donnons les constructions ex-plicites du régulateur équivariant Reg et de la période équivariante Ω.D’abord, on décrit la période équivariante. Soit ω0 une forme différentielle de Néron et soientγ+ and γ− des Z-générateurs de H1(E(C),Z)+ et H1(E(C),Z)−, respectivement. On définit

Ω+ :=

γ+

ω0, Ω− :=

γ−

ω0.

Soit α0 ∈ K un générateur d’une base normale de K/Q. Fixons un plongement ι : K → Cet définissons τ ∈ G par c ι = ι τ , où c est la conjugaison complexe. Comme dans laProposition 3.1 de [2] on pose

λα0 :=

(Ω+

1 + τ

2+ Ω−

1− τ

2

)(∑

σ∈G

(ι σ)(α0)σ−1

)−1

et on définit

Ω := NrdR[G](λα0) ∈ ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×.

Il est facile de démontrer que Ω ne dépend pas du choix de α0.Le régulateur équivariant Reg est défini comme dans [2, Rem. 2.6(b)] avec

Y ev = E(K)Q, Y od = E(K)∗

Qet θ

R= λNT .

Nous présentons ici une définition équivalente qui est un peu plus constructive. On choisitd’abord une Q[G]-résolution libre de E(K)∗

Q,

Q[G]n0 α−→ Q[G]n1 π

−→ E(K)∗Q−→ 0

et on pose Z := ker(α). Soit ϕ : Z −→ E(K)Q

un Q[G]-homomorphisme quelconque. Enaugmentant éventuellement n0 on peut supposer que l’application ϕ est surjective. Si on pose

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46 ETNC

Kϕ := ker(ϕ), on obtient le diagramme suivant

(8) Kϕ _

=// Kϕ _

0 // Zι

//

ϕ

F 0 α//

AAA

AAAA

A F 1 π//

=

E(K)∗Q

//

=

0

W.

>>

p

AA

AAAA

AA

0 // E(K)Q

// A //

>> >>

F 1 π// E(K)∗

Q

// 0

où F 0 := Q[G]n0 , F 1 := Q[G]n1 , W := ker(π) et où A désigne le “pushout“ le long de ι et ϕ.Soit maintenant λNT (ϕ)triv le composé

F 0R

σ1−→ ZR⊕W

R

σ2−→ Kϕ,R ⊕ E(K)R⊕W

R

σ3−→ Kϕ,R ⊕ E(K)∗R⊕W

R

σ4−→ Kϕ,R ⊕ F1R,(9)

où σ1, σ2, σ4 sont induites par le choix des applications scindées de

0 −→ ZR

ι−→ F 0

R−→W

R−→ 0,

0 −→ Kϕ,R −→ ZR

ϕ−→ E(K)

R−→ 0,

0 −→WR−→ F 1

R

π−→ E(K)∗

R−→ 0,

respectivement, et où finalement σ3 est induit par λNT .Le Q[G]-module Kϕ est libre sur Q[G]. Choisissons des Q[G]-bases de F 0 et Kϕ ⊕ F

1. Enreprésentant λNT (ϕ)triv par rapport à ces bases nous obtenons une matrice Aϕ ∈ Gln0(R[G]),et finalement posons

Reg := NrdR[G](Aϕ) · ζ(Q[G])× ∈ ζ(R[G])×/ζ(Q[G])×.

On peut démontrer que Reg est bien défini et que cette définition coïncide avec celle de [2,Rem. 2.6(b)].Par abus de notation écrivons également Reg, respectivement Ω, pour un relèvement quel-

conque à ζ(R[G])× . Posons u :=L∗

ΩReg∈ ζ(R[G])× et remarquons que u est bien défini mo-

dulo ζ(Q[G])×. Si l’on écrit ETNCQ

pour la partie de rationalité de ETNC, c’est-à-dire pourla conjecture 5.1, alors il vient la formulation explicite

(10) ETNCQ

est vraie ⇐⇒ u ∈ ζ(Q[G])×.

6.2. Conjecture d’intégralité. — L’idée naïve pour formuler la conjecture ETNCl consis-terait à remplacer le choix de Q[G]-base par le choix de Zl[G]-base. Evidemment c’est beaucouptrop naïf parce qu’on sait bien du cas classique non-équivariant que le groupe X(E/K), queles modules locaux qui donnent les facteurs de Tamagawa et aussi que la torsion de E(K)

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Werner Bley 47

doivent intervenir dans la conjecture. Mais même pour la définition d’un régulateur équiva-riant l-intégral l’approche décrite dans la Section 6.1 ne marche pas parce que le régulateurdépendrait du choix de l’application ϕ. Plus précisément, on obtient un régulateur

Regl(ϕ) ∈ ζ(Cl[G])×/NrdCl[G](Zl[G]×)

qui dépend de

ϕ ∈Hom

Zl[G](Z,E(K)tf,l)

ι∗(HomZl[G](F 0, E(K)tf,l)

≃ ExtZl[G](E(K)∗l , E(K)tf,l).

Pour plus de détails et un cas spécial où tous les calculs sont accomplis le lecteur peut consulter[3, Sec. 4].

Pour la suite, nous introduisons des hypothèses qui nous permettent de travailler exclusive-ment avec la cohomologie du complexe RΓc,l.Soit Sbad(E) l’ensemble des premiers où la courbe E a mauvaise réduction, et soit Sram(K/Q)l’ensemble des premiers où l’extension K/Q est ramifiée. On pose S := Sbad(E)∪Sram(K/Q).

Hypothèses :

(H0) X(E/K) est fini.(H1) l 6= 2 et l 6∈ S.(H2) l ∤ Ip pour tout p ∈ S.(H3) Sbad(E) ∩ Sram(K/Q) = ∅.(H4) Si l | #G, alors

(a) E(K)⊗Z

Zl, (E(K)⊗Z

Zl)∗ sont Zl[G]-parfaits et l ∤ #E(K)tors.

(b) l ∤ #X(E/K).(H5) l ∤ #(E(Kv)/E0(Kv)) pour tout v ∈ S(K).

Dans (H5), Kv désigne la complétion de K en v, E(Kv) est le groupe des points Kv-rationnelset E0(Kv) le sous-groupe des points ayant bonne réduction en v.

Si T est un Zl[G]-module parfait et fini, écrivons χZl[G],Cl

(T, 0) pour un relèvement quelconquede χ

Zl[G],Cl(T [0], 0).

D’après nos hypothèses, ExtZl[G](E(K)∗l , E(K)tf,l) est trivial et nous disposons d’un régula-

teur Regl ∈ ζ(Cl[G])×/NrdQl[G](Zl[G]×).

Dans la définition d’une période équivariante l-intégrale Ωl il faut choisir un élément α0 telque OK,(l) = Z(l)[G]α0 (ici l’indice (l) indiquant la localisation). Posons

ul :=L∗

ΩlRegl∈ ζ(Cl[G])×/Nrd

Ql[G](Zl[G]×).

Théorème 6.1. — Supposons les hypothèses (H0) - (H5) vérifiées. Supposons aussi la conjec-ture de rationalité vraie. Si l’on pose

ξl := χ(E(K)l∞ , 0)−1 · χ(E(K)∨l∞ , 0)

−1 · χ(X(E/K)l∞ , 0),

alors on a

(11) ETNCl est vraie ⇐⇒ ulξ−1l ≡ 1(mod Nrd

Ql[G](Zl[G]×))

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48 ETNC

Nous remarquons que NrdQl[G](Zl[G]×) = O×

C,l si l ∤ #G. Alors ETNCl est vraie, si et seule-

ment si ulξ−1l est une unité l-adique de OC . Par contre, si l | #G, ETNCl est vraie si et

seulement si ulξ−1l est une unité l-adique qui, en plus, satisfait des congruences explicites

pour lesquelles nous avons donné des exemples dans 2.7.Pour un résultat un peu plus général que le théorème 6.1 le lecteur est renvoyé à [2, Prop. 4.4].Dans celui-ci, nous avons utilisé le théorème 6.1 pour calculer des exemples numériques.Décrivons en un. Les calculs ont été effectués avec le logiciel MAGMA.

6.3. Un exemple numérique. — Soit E : y2 + xy = x3 − x2 + 4x − 3. C’est une courbeelliptique de conducteur NE = 73. Dans la notation de Cremona c’est la courbe 73A1. SoitF = Q(

√401) et K le corps de classes de Hilbert de F . On a hF = 5 et K/Q est une

extension galoisienne de groupe G ≃ D10, le groupe diédral d’ordre 10. Avec MAGMA ontrouve facilement un polynôme irréductible pour K/Q, par exemple,

f(x) = x10 − 2x9 − 20x8 + 2x7 + 69x6 − x5 − 69x4 + 2x3 + 20x2 − 2x− 1.

On a dK/Q = 4015 et S = 73, 401. Comme nous l’avons expliqué dans l’exemple 2.7(2) latable des caractères absolument irréductibles de D10 est donnée par (on note le changementde notation),

id τ σ σ2

χ1 1 1 1 1χ2 1 −1 1 1χ3 2 0 ζ5 + ζ−1

5 ζ25 + ζ−2

5

χ4 2 0 ζ25 + ζ−2

5 ζ5 + ζ−15

Le calcul des valeurs des fonctions L, effectué avec l’implémentation de T. Dokchitser dansMAGMA (cf. aussi [16]), donne

ords=1(L(E/Q, χi, s)) = 0 pour i = 1, 2, 3, 4.

D’après [15, Th. 3.7] (démontrée indépendamment par Longo et Tian-Zhang) on a

E(K) = E(K)tors = E(Q)tors.

Considérons d’abord la conjecture de rationalité. Les valeurs numériques des fonctions L ontété calculées avec une précision de 20 chiffres. On n’en donne que 6,

(L(E/Q, χ, 1))χ∈IrrQ(G) = (1.18266, 2.12613, 0.163048, 7.659819).

Les calculs de la période équivariante Ω donnent pour u = L∗/Ω

u = (0.499999, 18.0000, 0.583592, 27.4164).

Remarquons que ces valeurs dépendent du choix d’une base normale α0. Pour obtenir desvaleurs avec des petits dénominateurs on choisit favorablement un générateur de base normaleintégrale. C’est ce que nous avons fait en appliquant l’algorithme de [5].Numériquement on vérifie la conjecture de rationalité parce que u est proche de

(1/2, 18,−12β + 8, 12β + 20)

et ϕ(−12β + 8) = 12β + 20, où 〈ϕ〉 = Gal(Q(ζ5)+/Q). Le polynôme minimal de −12β + 8 est

x2 − 28x+ 16.

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Werner Bley 49

Lorsqu’on suppose BSD pour E/K on peut calculer l’ordre conjectural du groupe de Tate-Shafarevic :

#X(E/K) = 2832.

On peut s’assurer que les hypothèses (H) sont satisfaites pour tous les premiers l 6= 2, 3(cf. [2, Ex. 6.2] pour plus de détails). Alors on peut vérifier ETNCl pour tous les premiersl 6= 2, 3 modulo la précision du calcul (parce que nous n’obtenons pas une démonstration dela conjecture de rationalité) et l’ordre conjectural du groupe de Tate-Shafarevic.Le nombre premier le plus intéressant est l = 5. On a

η := uξ−15 = (1/2, 18,−12β + 8)

et par l’exemple 2.7(2) on doit vérifier la congruence

η0η1 ≡ η2(mod (1− ζ5)),

qui est effectivement satisfaite.

6.4. Conjecture d’intégralité en l|#G. — Le but de cette partie de l’article est dedécrire l’approche de [3] pour obtenir des résultats d‘intégralité dans le cas où l divise l’ordredu groupe G et où rg(E(K)) n’est pas trivial. Pour plus de détails le lecteur peut consulter[3].Désormais nous travaillerons avec des hypothèses motivées par le travail de D. Burns qui dans[13] a introduit des conditions similaires.

Hypothèses :

(B0) X(E/K) est fini.(B1) [K : Q] = ln, G = 〈g0〉, l 6= 2,(B2) l ne divise pas dK , NE , #E(Q)tors, #Ens(Fp) pour p | dK , et #(E(Qp)/E0(Qp)) pourp | NE .

(B3) (dK , NE) = 1.(B4) l ne divise pas #X(E/K).(B5) rk

ZE(K) = rk

ZE(Q).

Sous ces hypothèses l’élément ξl du théorème 6.1 change un peu. On a la même conclusionavec

ξl =∏

p|dK

(Lp(E/Q, χ, 1))−1χ∈Irr(G) ,

et comme E(K)⊗Z

Zl n’est plus projectif sur Zl[G], le calcul du régulateur change aussi. Sousnos hypthèses on peut démontrer qu’il existe une suite exacte de la forme

0 −→ E(K)⊗Z

Zl −→ A −→ B −→ (E(K)⊗Z

Zl)∗ −→ 0

telle que– le complexe C• := [A −→ B] est parfait (où les modules sont placés en les dégrés 0 et 1).– le régulateur équivariant est donné par χ

Zl[G],Cl(C•, λNT ).

Posons H0l := E(K)⊗

ZZl et H1

l := (E(K)⊗Z

Zl)∗ et rappelons que la caractéristique d’Euler

dépend de la classe de la suite exacte ci-dessus dans Ext2Zl[G]

(H1l ,H

0l

). Le problème qui se

pose est que nous n’avons aucune information explicite sur cette classe.

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50 ETNC

Pour cette raison nous suivons la stratégie suivante. Nous calculons une suite exacte commeci-dessus pour toutes les classes parfaites dans Ext2

Zl[G]

(H1l ,H

0l

)et vérifions ETNCl pour

toute suite exacte ainsi obtenue.Nous posons NG :=

∑g∈G g et considérons la suite exacte standard

(12) 0 // Zlη

// Zl[G]g0−1

// Zl[G]aug

// Zl // 0

où η(1) := NG et aug(g) = 1 pour tout g ∈ G.On prend r copies de la suite (12) et on l’utilise pour calculer Ext2

Zl[G](H1l ,H

0l ). Pour toute

application ϕ ∈ HomZl[G](Z

rl ,Z

rl ) nous obtenons un diagramme commutatif de la forme

(13) H1l

0 // Zrlι//

ϕ

Zl[G]r⊕(g0−1)

//

Zl[G]r⊕aug

//

=

Zrl //

=

0

0 // Zrl //

A(ϕ) // Zl[G]r // Zrl // 0

H0l

Ici ι = ⊕η et A(ϕ) désigne le ”pushout” le long de ι et ϕ. On sait que les suites exactes en basparcourent toutes les classes de Ext2

Zl[G](H1l ,H

0l ) si ϕ parcourt un système de représentants

deHom

Zl[G](Zrl ,Z

rl )

ι∗(HomZl[G](Zl[G]r,Zrl ))

.

De plus, le complexe [A(ϕ) −→ Zl[G]r] est parfait si et seulement si l ∤ detZl

(ϕ).Alors pour toute application ϕ nous obtenons un régulateur équivariant que nous notonsRegl(ϕ) =

(Regl,χ(ϕ)

)χ∈Irr(G)

. Soit e1, . . . , er la base standard de Zrl et Φ ∈ Glr(Zl) la

matrice représentant ϕ par rapport à cette base. Soient P1, . . . , Pr une Z-base de E(K)tf etΨ := (〈Pi, Pj〉NT )1≤i,j≤r ∈ Glr(R).

Un calcul élémentaire montre (cf. [3, Sec. 4])

Regl,χ(ϕ) =

(χ(g0)− 1)r, si χ est non-trivial,

1(#G)r det(Ψ)det(Φ), si χ est trivial.

Posons

ul(ϕ) :=L∗

ΩlRegl(ϕ)=

L∗

ΩlRegl(id)·

1

E(ϕ)avec

(14) E(ϕ) = (Eχ(ϕ))χ∈Irr(G) , Eχ(ϕ) =

1, si χ est non-trivial,

det(Φ), si χ est trivial,

et rappelons qu’il faut calculer Ωl par rapport à une Zl[G]-base α0 de OK,l.

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Werner Bley 51

Soit ε0 ∈ Ext2Zl[G](H

1l ,H

0l ) la classe correspondant à la suite exacte correcte, c’est-à-dire, la

suite exacte qui est définie par RΓc,l (cf. [3, Sec. 4]). Soit ϕ0 : Zrl −→ Zrl une application

représentant ε0 si on calcule Ext2Zl[G](H

1l ,H

0l ) par la suite en haut du diagramme (13). On

obtient

(15) ETNCl est valide ⇐⇒ ul(ϕ0)ξ−1l ∈ Nrd(Zl[G]×).

Soitδl : ζ(Cl[G])×/Nrd

Cl[G](Zl[G]×) −→ K0(Zl[G],Cl)

l’isomorphisme canonique (cf. [6, Th. 2.3(ii)])).

Définition 6.2. — Posons

E := δl (E(ϕ)) | ϕ comme ci-dessus .

On peut démontrer que E est un sous-groupe de K0(Zl[G],Ql)tors. En résumé, nous avons

Théorème 6.3. — Supposons les hypothèses (B0) - (B5) vérifiées. Alors les assertions sui-vantes (i), (ii) et (iii) sont équivalentes, où(i) ETNCl est valide modulo E.(ii) E =

δl(ul(ϕ)ξ−1

l

)| ϕ comme ci-dessus

.

(iii) δl(ul(id)ξ

−1l

)∈ E.

Dans [3] nous avons utilisé le théorème 6.3 pour vérifier ETNCl numériquement pour beaucoupd’exemples. Signalons aussi que le sous-groupe E est beaucoup plus petit que le groupe detorsion de K0(Zl[G],Ql). On a

#K0(Zl[G],Ql)tors = (l − 1)nlln−1l−1

−n ≫ ln−1(l − 1) = #E .

6.5. Conjecture d’intégralité et symboles modulaires. — Finalement nous esquissonsun cas très spécial où l’on peut démontrer ETNCl. On suppose les hypothèses (B) et, en plus,on renforce (B5) en exigeant que rg(E(K)) = 0. Ces résultats se trouvent dans [4].Sous ces hypothèses le régulateur est trivial et on rappelle que

ul,χ =L∗(E/Q, χ, 1)Rχ

Ω+

avec la résolvante Rχ = Rχ(α0) =∑

σ∈G σ(α0)χ(σ−1).

Comme G est abélien on a NrdQl[G](Zl[G]×) = Zl[G]×. Ainsi on doit démontrer que ulξ

−1l ∈

Zl[G]×.On dénote par f le conducteur de K et par fχ le conducteur d’un caractère χ de Dirichlet.Soit Gf = Gal(Q(ζf )

+/Q) et soit la somme de Gauss

τ(χ) =∑

a∈(Z/fZ)×

χ(a)e2πia/f .

En utilisant la théorie des symboles modulaires, Mazur et Tate dans [22] ont construit unélément ΘMT ∈ Zl[Gf ] tel que

χ(ΘMT ) = cf

τ(χ)Lf (E/Q, χ, 1)

c∞Ω+,

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52 ETNC

où Lf (E/Q, χ, 1) dénote la fonction L de Hasse-Weil tordue sans les facteurs d’Euler pourp | f , c est la constante de Manin et c∞ est le nombre de composantes de E(R).En posant α0 := Tr

Q(ζf )/K(ζf ) on obtient la relation fondamentale

(16) χ(ΘMTf ) =

c

c∞

f

fχuχξ

−1l,χ .

On peut énoncer le théorème suivant :

Théorème 6.4. — Soit K/Q une extension abélienne et soit E/Q une courbe elliptique sa-tisfaisant les hypothèses (B) avec rg(E(K)) = 0. On suppose que l ∤ c#X(E/Q) et que lal-partie de BSD est vraie pour E/Q. Alors la conjecture ETNCl est vraie.

On remarque que grâce aux travaux de Gross/Zagier et de Kolyvagin on sait que pour toutecourbe elliptique E/Q telle que L(E/Q, 1) 6= 0, il existe une infinité de premiers l tel quel ∤ c#X(E/Q) et BSDl est valide pour E/Q.En généralisant des résultats de [19] on peut démontrer le

Théorème 6.5. — Soit E/Q une courbe elliptique telle que L(E/Q, 1) 6= 0. Alors il existeune infinité de premiers l tel que BSDl est valide pour E/Q et pour de tel nombre premier l,il existe une infinité d’extensions K/Q telles que les hypothèses (B) soient satisfaites avecrg(E(K)) = 0.

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01 juillet 2011

Werner Bley, Mathematisches Institut der Universität München, Theresienstr. 39, 80333 München,

Germany • E-mail : [email protected]

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INTRODUCTION À LA CONJECTURE ETNC ET APPLICATIONS

par

Cornelius Greither

Résumé. — Ces notes de cours sont une version plus détaillée et complète d’un mini-cours

donné aux Journées Arithmétiques de Meknès en automne 2010. Elles ont pour but de décrire

l’énoncé de la conjecture ETNC (Equivariant Tamagawa Number Conjecture) dans un cadre

bien précis. On traite en détail un exemple non-trivial et on donne une application de la conjec-

ture ETNC, concernant les idéaux de Fitting attachés aux groupes de classes, avec quelques

indications sur la démonstration. Souhaitant nous adresser à un large public, nous présentons

tous les préliminaires algébriques. A noter que la conjecture ETNC peut être formulée dans une

plus grande généralité et nos lecteurs ne doivent pas s’attendre à une discussion systématique

de tous ses aspects divers, ni de son historique.

Abstract. — In these lecture notes, which arose from a minicourse given at the Journées Arith-

métiques de Meknès in the autumn of 2010, we try to describe the statement of the Equivariant

Tamagawa Number Conjecture in a particular setting. We discuss a minimal nontrivial example

in great detail, and we also present one application concerning Fitting ideals of class groups,

with a sketchy outline of proof. In order to make these notes accessible to a somewhat larger

audience, we also included a lot of algebraic preliminaries. The conjecture ETNC can be for-

mulated in great generality, and the reader should not expect a systematic discussion of all its

variants, nor of its historical origins.

Introduction

Ce texte, qui essaie de décrire l’énoncé et une application principale de la conjecture ETNCdans un cadre bien précis, a été rédigé pour les Journées Arithmétiques de Meknès (25 - 29octobre 2010), qui étaient consacrées aux fonctions L en arithmétique. Il a servi de base pourle “mini-cours“ (deux exposés de 90 minutes chacun) donné par l’auteur dans ce cadre ; beau-coup de détail ont été omis lors des exposés oraux. Après cette réunion, l’auteur a fait quelquescorrections et quelques ajouts, mais le texte demeure assez proche du contenu et du style desexposés oraux. Certainement, il ne se veut pas une introduction complète et systématique. Enparticulier, la formulation de ETNC en général, et son domaine d’application, sont beaucoup

Classification mathématique par sujets (2000). — 11R33, 11R34, 11R42, 13C10, 13D02.

Mots clefs. — Galois modules, L-functions cohomology, projective modules, regulators, class groups, unit

groups, Fitting ideals.

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56 Introduction à la conjecture ETNC et applications

plus vastes qu’on pourrait le penser en regardant notre texte. On n’essaiera pas de retracerles origines de la conjecture, et on sera très bref en ce qui concerne les résultats connus sursa validité, même dans notre cadre restreint. Notre texte contient des raisonnements élémen-taires et détaillés d’une part, et des arguments beaucoup moins élémentaires et incompletsd’autre part ; l’auteur a voulu attirer aussi quelques non-spécialistes, tout en prenant le risqued’ennuyer les spécialistes dans la première partie. Signalons aussi que la bibliographie est unpeu arbitraire et loin d’être complète.Notons enfin que l’approche adoptée ici, et le sujet tout entier, doivent beaucoup aux travauxde Burns, et particulièrement à son article [Bu01], et profitons de l’occasion pour remer-cier cordialement les organisateurs des Journées Arithmétiques de leur efficacité et de leurhospitalité si chaleureuse.

1. Modules sur les anneaux de groupe

1.1. Généralités. — Soit G toujours un groupe fini, R un anneau commutatif. On pose

R[G] = ∑

g∈G

rgg : rg ∈ R.

Souvent on écrit simplement RG. Cet ensemble devient un anneau par l’addition évidente, etla multiplication induite par celle de G ; on appelle R[G] l’anneau du groupe G.Les R[G]-modules M ont une autre description : il revient au même de dire que M est unR-module muni d’une G-action R-linéaire, encore autrement : muni d’un homomorphisme degroupes ϕ : G → AutR(M). Quand ϕ est donné, on retrouve la multiplication R[G]-scalairepar : (

∑g rgg) · m =

∑g rgϕ(g)(m).

Notre exemple principal sera G = Gal(L/K) où L/K est une extension galoisienne de corpsde nombres, R sera souvent l’anneau Z, et M sera “un objet arithmétique attaché à L”. Cesderniers objets ne manquent pas. Citons M = L ou M = OL (des groupes additifs, doncdes Z-modules), M = O×

L = UL (les unités : un groupe abélien normalement noté de façonmultiplicative, mais quand même un Z-module), M = cl(L) = Pic(OL). Dans tous les cas, laZ[G]-structure provient de l’action naturelle de G sur l’objet.Attention : si G n’est pas le groupe trivial, alors ZG n’est jamais intègre (posons NG =

∑g g :

alors (h − 1)NG = 0 pour tout h ∈ G), et même pas un produit d’anneaux de Dedekind. Ilexiste toujours un idéal I ⊂ ZG qui n’est pas localement cyclique. En général, on ne sait pasclassifier les ZG-modules de type fini. Il est déjà difficile (ou impossible, ça dépend de G) declassifier les modules de type fini sans Z-torsion (modules qu’on appelle réseaux).

Exemple 1.1. — Prenons K = Q et L = Q(√

3). Alors G = id, σ avec σ(√

3) = −√

3. Le

Q[G]-module (additif) L est libre sur un générateur, par exemple sur 1 +√

3 ; chose connue,car ceci revient à dire que cet élément engendre une base normale. Par contre, le réseau OL

n’est pas libre sur Z[G] (voir la suite).On a UL = ±1 · ηZ où η = 2 −

√3 est une unité fondamentale ; UL := UL/±1 est un

réseau et en fait une copie de Z (attention : UL est multiplicatif). L’élément σ agit sur UL

par inversion, et on a donc UL∼= Z[G]/(1 + σ).

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Cornelius Greither 57

1.2. Modules projectifs et modules c.t.— Pour l’instant, A est un anneau quelconque(et les modules seront pris à gauche). Rappelons que M est projectif sur A si et seulement si ily a un autre A-module M ′ tel que M ⊕M ′ soit libre. Donc tout module libre est projectif, ettoute somme directe de modules projectifs est encore projective. Quand M est de présentationfinie (ce qui est le cas dans la plus-que-plupart des cas qu’on rencontre), alors M est projectifsi et seulement M est localement libre.Un exemple banal peut être donné comme suit : Si A = Z×Z, alors le module M = Z× 0 estprojectif, mais non libre. Les idéaux a non nuls dans les anneaux OL sont plus intéressants :a est toujours projectif (de façon équivalente, localement libre de rang un), et libre si etseulement il est principal (= libre). Donc chaque fois que hL > 1, on rencontre des cas oùa est projectif mais non libre. Notons qu’on peut montrer l’existence d’un OL-isomorphismea ⊕ a−1 ∼= OL ⊕ OL.Nous aurons besoin d’un minimum de cohomologie des groupes. Pour l’instant, soit G ungroupe fini quelconque. Pour tout Z[G]-module M et tout i ≥ 0 on peut définir un groupe

abélien (dit de cohomologie) Hi(G,M) ; pour i ≤ 0, on a aussi des groupes ”de Tate” Hi(G,M).

Pour i > 0 on posera Hi(G,M) = Hi(G,M). Nous n’aurons besoin de ces groupes qu’en très

basse dimension. Par définition, H0(G,M) = MG (éléments fixes) et H0(G,M) = MG/NG M ,

où NG =∑

g∈G g est l’élément norme. De plus, H−1

(G,M) est le quotient ker(NG : M →

M)/IGM , où IG est le noyau de l’augmentation sur ZG.Si G est cyclique, engendré par σ, alors on a une périodicité :

Hi+2

(G,M) ∼= Hi(G,M) ∀i ∈ Z.

En particulier, H2(G,M) ∼= MG/NG M et H1(G,M) ∼= ker(NG : M → M)/(σ − 1)M .La définition principale dans ce contexte est la suivante :

Définition 1.2. — Un Z[G]-module M est cohomologiquement trivial (c.t.) si pour tout

sous-groupe G′ de G et pour tout i la cohomologie Hi(G′,M) est nulle.

Remarque 1.3. — Il existe des résultats qui permettent de se borner à certains sous-groupesG′ et certaines dimensions i pour la vérification de cette nullité, mais nous n’entrons pas dansles détails.

Exemple 1.4. — On montre facilement, en partant des définitions, que M = R[G] est c.t.pour tout anneau commutatif R. Par conséquent, tous les modules R[G]-libres et puis tousles modules R[G]-projectifs sont c.t. La suite longue en cohomologie montre : si l’on a unesuite courte exacte (s.c.e.) 0 → A → B → C → 0, et deux parmi les trois modules sont c.t.,alors le troisième l’est aussi. Ceci permet de dire, par exemple, que (Z/n)[G] = Z[G]/nZ[G]est c.t. ; mais ce module n’est pas projectif sur Z[G].

Proposition 1.5. — Soit R parmi les anneaux Z, Zp, OL, OL,p et M de type fini sur R[G].Alors :(a) M est c.t. ssi M est isomorphe à un quotient P/Q, où P et Q sont R[G]-projectifs detype fini.(b) Si M est sans torsion et c.t., alors M est déjà projectif sur R[G].

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58 Introduction à la conjecture ETNC et applications

Exemple 1.6 (suite de l’exemple 1.1). — Rappelons L = Q(√

3), K = Q. Alors L (mo-dule additif) est c.t., même libre sur Q[G]. Le module OL n’est pas c.t. : les éléments fixes

OGL donnent Z, mais NG OL = trL/K(OL) = 2Z, donc H

0(G,OL) ∼= Z/2 n’est pas nul.

Comme exercice, le lecteur peut vérifier que H0(G, UL) = 0 mais H

1(G, UL) ∼= Z/2, donc le

module UL n’est pas c.t. non plus.

1.3. Un exemple classique. — Posons K = Q et L = Q(ζp) pour un nombre premierp > 2 quelconque. Alors G = σa|a ∈ (Z/p)× ∼= (Z/p)×. Soit j = σ−1 ∈ G ; c’est laconjugaison complexe sur L.Rappelons encore quelques notations connues depuis Kummer : Q(ζp)

+ désigne le sous-corpsréel maximal de Q(ζp) ; hp est l’ordre de cl(Q(ζp)) (le nombre de classes), et de même h+

p =

|cl(Q(ζp)+)|. Pour tout module M sur lequel j agit, posons

M+ = x ∈ M : jx = x,

M− = x ∈ M : jx = −x

(parties plus et moins de M). Alors on sait que l’ordre de cl(Q(ζp))− est donné par hp/h

+p =:

h−p . En particulier h+

p divise hp.

On s’intéresse à la structure de C := cl(Q(ζp))− sur Z[G], ou bien sur l’anneau A := Z[G]/(1+

j). On commence en cherchant des éléments qui annulent le module fini C. On en trouve, enutilisant le célèbre théorème de Stickelberger (1870) (en fait l’énoncé ci-dessous, pour les corpsde conducteur premier, était déjà connu de Kummer) :

Théorème 1.7. — Soit ϑ = p−1 ·∑p−1

a=1 aσ−1a ∈ Q[G] et I = Z[G] ∩ ϑZ[G] (un idéal dans

Z[G]). Alors :(a) I · C = 0.(b) Soit I l’image de I dans A. Alors |A/I | = h−

p , à un facteur puissance de 2 près.

Pour mieux voir ce qui se passe, on localise (complète) tout en un premier ℓ distinct de 2 etde p. Alors Aℓ = Zℓ[G]/(1 + j), Cℓ est la partie ℓ-primaire Cℓ de C, et Iℓ = Aℓϑ est unidéal principal. Ceci laisse penser que

Cℓ ∼= Aℓ/ϑAℓ.

Ceci n’est pas vrai en général. (Un contre-exemple est fourni par ℓ = 3 et p = 3299 : ici C3n’est pas cyclique sur A3.) Il s’agit donc de trouver l’approximation optimale qui soit toujoursvraie. L’énoncé |Cℓ| = |Aℓ/ϑAℓ| est bien vrai (voir ci-haut) mais trop faible. Ceci se voitbien dans le résultat suivant de Schoof [Sch].

Théorème 1.8. — (a) Le module C est c.t. (sur le groupe G = Gal(Q(ζp)/Q)).(b) Plus concrètement : Rappelons que A = Z[G]/(1 + j). Alors on a une suite courte exacte

0 → Q → P → C → 0,

où P et Q sont projectifs de type fini sur A. (On peut choisir P libre. De plus, pour toutépimorphisme P → C avec P projectif, le noyau Q est automatiquement projectif lui aussi.)

Trouvons alors un invariant aussi fin que possible pour les modules finis de la forme F/Q (Flibre, Q projectif). Si Q est aussi libre, ce sera encore plus facile.

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Cornelius Greither 59

1.4. Idéaux de Fitting. — Soit maintenant A un anneau commutatif. Tous les modulesseront supposés de présentation finie. Un peu de langage : un 1-complexe C est la donnée de

deux A-modules M , N et d’un A-homomorphisme ρ : M → N . Si C est de la forme Am ρ→ An

(i.e., les modules pertinents sont libres), alors on pose

χ(C) := 〈det(σ) : σ sous-matrice de format n × n de ρ〉A.

Dans le cas spécial m = n, cette définition devient beaucoup plus simple : χ(C) est l’idéalprincipal de A engendré par le déterminant de ρ.

Définition 1.9. — Pour tout A-module M , on pose FittA(M) = χ(C), où C : Am ρ→ An

est tel que coker(ρ) ∼= M . (On appelera C une présentation de M .)

Bien sûr il faut montrer que l’idéal de Fitting FittA(M) est bien défini, c’est-à-dire, ne dépendpas du choix de C. Nous omettrons cette vérification.Faisons un exemple simple avec A = Z : Si M = Z/5 × Z/10, on peut prendre m = n = 2 et

ρ =

(5 00 10

), donc FittZ(M) = 50Z.

Proposition 1.10. — Soit A = O[G] avec G un groupe abélien fini et O un anneau deDedekind ; soit M un A-module qui est torsion en tant que O-module. Alors FittA(M) est unidéal projectif si et seulement si M est c.t.

Remarque 1.11. — Ce résultat vaut pour tout anneau A noethérien sans nilpotents, si oninterprète la condition c.t. dans le sens de la proposition 1.5 a).

Donnons quelques idées de la démonstration de la proposition. Soit M c.t. et de torsion sur O.On peut supposer que A est local (pour ce faire, il faut se placer dans le cadre plus général),et on prend une présentation 0 → B → An → M → 0. Alors B doit être projectif, donc libre :K = Am. La condition de torsion force que m = n. Donc M est le conoyau de ρ : An → An

et FittA(M) est principal, engendré par det(ρ). QEDSoit maintenant G = Gal(Q(ζp)/Q) et A′ = Z[1/2][G]/(1 + j). Soit C = cl(Q(ζp)

− et C ′ =Z[1/2] ⊗Z C (on enlève la partie 2-primaire de C). Schoof (voir [Sch]) a démontré en 1996 :

Théorème 1.12. — Avec ces notations on a

FittA′(C ′) = IA′,

où I désigne l’idéal de Stickelberger.

Remarque 1.13. — On peut aussi traiter la 2-partie (plus précisément, démontrer un énoncésur l’anneau A = Z[G]/(1 + j) et pour C à la place de C ′). C’est en fait couvert dans l’articlede Schoof, qui s’appuie sur le travail [Gr92]. Il faut modifier I un peu.

Présentons un modeste exemple numérique.Posons p = 23. Calculons A3/I3 ; l’idéal I3 est principal, engendré par ϑ′ =

∑22a=1 aσ−1

a

dans A (le dénominateur 23 de ϑ est inversible dans A3). Considérons l’homomorphisme

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60 Introduction à la conjecture ETNC et applications

d’anneaux f : A → Z3 donné par f(σa) =(

a23

)(symbole de Legendre). Nous allons vérifier

que f(I3) = 3Z3 :

f(ϑ′) =

22∑

a=1

( a

23

)· a

=11∑

a=1

( a

23

)· (a − (23 − a))

= −21 − 19 − 17 − 15 + 13 + 11 + 9 − 7 − 5 + 3 + 1

= −69.

Ceci donne au moins un épimorphisme A3/I3 → Z3/69Z3 = Z/3Z. En fait c’est un isomor-phisme (preuve de l’injectivité omise). On peut même montrer que A/I ′ = Z/3Z, où I ′ estla modification nécessaire pour que tout fonctionne aussi dans la partie 2-primaire (voir laremarque qui précède).Dans notre cas, C = cl(Q(ζ23))

− = cl(Q(ζ23)) ∼= Z/3Z. Puisque ce module est cyclique etannulé par I ′ (et par 1 + j), et que l’indice de I ′ dans A vaut 3, il est isomorphe à A/I ′.Ceci entraîne directement que FittA(C) = I ′, et on a donc vérifié (en partie) l’énoncé duthéorème. Aussi dans la version qui inclut la partie 2-adique, l’idéal (modifié) de Stickelbergerest d’indice 3. Remarquons qu’on peut montrer par calculs locaux que A contient exactementun idéal d’indice 3.

Terminons en regroupant quelques propriétés des idéaux de Fitting, qui sont faciles à démon-trer. Soit A un anneau commutatif quelconque.(1) FittA(A/J) = J pour tout idéal J . (On vient d’utiliser ceci.)(2) FittA(M ⊕ N) = FittA(M) · FittA(N). (Bon exercice.)(3) Pour tout idéal J ⊂ A : FittA/J (M/JM) est simplement l’image de FittA(M) dans A/J .(Changement de base)

2. Énoncé de la conjecture ETNC

2.1. Régulateurs et fonctions L. — Soit K un corps de nombres, S ⊃ S∞ un ensemblefini de places de K, | · |v la valeur absolue normalisée qui appartient à la place v ∈ S. Ondénote par US(K) ou par US le groupe des S-unités dans K. Soit YS le Z-module libre debase S et XS ⊂ YS le noyau de l’application “somme“ (qui envoie tout élément de la base sur1). On dispose d’une application classique, utilisée déjà par Dirichlet :

regS : US → R ⊗Z YS, , u 7→ −∑

v∈S

log |u|vv.

Citons deux faits importants : l’image de regS est contenue dans R ⊗ XS (ceci provient dela formule du produit et de la normalisation des valeurs absolues), et l’image de regS est unréseau dans R ⊗ XS , autrement dit : l’application induite

regS,R : R ⊗Z US → R ⊗Z XS

est un isomorphisme. Ceci provient de la démonstration du théorème de Dirichlet.

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Cornelius Greither 61

Dorénavant, le rôle de K sera pris par L où L/K est une extension G-galoisienne ; quandmême, S sera toujours attaché à K, et l’on aura aussi affaire à S(L), l’ensemble des placesde L qui se trouvent au-dessus des places de S. Dans cette situation, US(L)(L) et XS(L) sontmunis d’une G-action, et l’application regS est Z[G]-linéaire.On part de l’idée générale (pas tout à fait exacte) que la valeur de regS sur une “unite spéciale”doit être donnée par une dérivee d’une fonction L en s = 0. En fait, plus tard il faudra préciserl’ordre de la dérivée ! Le mot-clé est “leading term" = terme dominant. De plus, il ne suffitpas de parler d’une seule fonction L (dans le sens traditionnel), il faut les assembler.

Pour simplifier mettons que G est abélien ; soit G son groupe de caractères. On a un isomor-phisme d’anneaux

ι : C[G] → C × · · · × C = CG,

z 7→ (χ(z))χ∈G.

Nous supposerons toujours que S contient S∞ et aussi Sram = Sram(L/K), l’ensemble des

places de K qui se ramifient dans L. Pour tout χ ∈ G on dispose d’une fonction LS(χ, s),définie par un produit infini convergent pour Re(s) > 1 et admettant une continuation mé-romorphe en s sur C. En fait cette continuation est holomorphe, car S \ S∞ n’est pas vide.On assemble ces fonctions L en une seule, qui prend ses valeurs dans l’anneau de groupe, etqu’on appelle la fonction L équivariante.

Définition 2.1. — Soit ΘS(s) : C → C[G] la fonction déterminée par

χ(ΘS(s)) = LS(χ−1, s)

pour tout χ ∈ G et pour tout s ∈ C. Pour un entier positif k, la k-ième dérivée Θ(k)S est définie

par une formule analogue (remplacer LS par L(k)S ).

Regardons notre exemple standard K = Q, L = Q(ζp), avec S = p,∞. L’anneau C[G] s’écritcomme C[G]+ ⊕C[G]−, où C[G]+ (respectivement C[G]−) est le noyau de 1− j (de 1+ j) surC[G] ; sous l’isomorphisme ι, la partie C[G]+ correspond aux caractères pairs (χ(j) = 1) etl’autre correspond aux caractères impairs (χ(j) = −1).On sait que LS(χ, s) ne s’annule pas en s = 0 pour χ impair ; par contre, LS(χ, s) a un zérod’ordre un en s = 0 quand χ est pair. En d’autres termes, la partie plus de ΘS(0) est nulle, lapartie moins ne l’est pas. Ce comportement différent correspond en quelque sens au fait queles unités ont tendance à être concentrées dans la partie plus, c’est-à-dire, dans le sous-corpsL+ maximal réel.L’élément ϑ de Stickelberger (voir §1) a une interprétation en termes de la fonction L équi-variante. Retenons S = p,∞. Alors

ΘS(0) = −ϑ +1

2NG ∈ Q[G]−.

Ceci confirme que la partie plus de ΘS(0) est nulle. Mais il y a un beau lien entre la dérivéeΘ′

S(0) et les unités cyclotomiques. La formulation originale (en s = 1, ce qui évite les dérivées)est un peu compliquée. Moyennant l’équation fonctionnelle, on a trouvé une formulation ens = 0.Posons G+ = Gal(Q(ζp)

+/Q). Il faut choisir une place w de L+ = Q(ζp)+ au-dessus de ∞

(en d’autres termes, il faut fixer un plongement de ce corps dans R). On a des identifications

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62 Introduction à la conjecture ETNC et applications

XS(L+)∼= YS∞(L+)

∼= Z[G+], la deuxième donnée par gw 7→ g. (Attention : si l’on considère w

comme induit par le plongement ϕ dans R, alors gw est induit par ϕg−1 ; c’est comme ça, laG-action sur les places infinies.) Donc regS prendra ses valeurs dans R[G+] maintenant.Finalement nous avons besoin de l’élément λ+ = (1 − ζp)(1 − ζ−1

p ) de L+. Ce n’est pas uneunité, mais une p-unité, donc une S-unité, et elle est, à peu près, un générateur du modulegaloisien des p-unités cyclotomiques. Le lien avec la fonction L est le suivant :

Proposition 2.2. —

Θ′S(0) =

1

2regS(λ+).

C’est en généralisant (de façon conjecturale) cette formule qu’on arrive aux unités de Stark.

2.2. Unités de Stark. — Pour gagner du temps, on se borne au cas de rang 1 (“r = 1”, pourles experts). Supposons que |S| ≥ 2 et que S contient au moins une place v qui est totalementdécomposée en L. Ceci (avec le choix d’un w|v) fournit une surjection π : XS(L) → Z[G]. SoitwL le nombre de racines de l’unité contenues dans L.

Conjecture Il existe η ∈ US(L) telle que π regS(η) = wLΘ′S(0).

Il y a aussi un certain énoncé d’unicité dans la conjecture, que nous n’expliquerons pas.L’élément η est appelé unité de Stark pour L/K (s’il existe).

Exemple 2.3. — λ+ est une unité de Stark pour Q(ζp)+/Q.

Pour les groupes de classes dans la partie plus, il n’y a pas d’expression directe en termes defonctions L. Par contre il y a un lien avec ces fonctions quand même, par l’intermédiaire deStark. C’est largement conjectural, mais citons un cas où c’est établi (voir [CoGr]) :

Théorème 2.4. — Soit L+ = Q(ζp)+, S = p,∞ et G+ = Gal(L+/Q). Alors

FittZ[G+](cl(L+)) = FittZ[G+](US(L+)/〈λ+〉).

On se trouve donc dans la situation suivante : Si l’on se place dans la partie moins (en d’autrestermes, si l’on élimine les unités), on trouve (au moins localement) des 1-complexes ρ : F → Fdont le χ est donné par Θ(0) et dont le conoyau est cl−. Si l’on se place dans la partie plus,on trouve une application régulateur partant des unités vers un module explicite R⊗X ; cettefois-ci, les modules ne sont pas projectifs, et Θ′(0) est lié à l’image de cette application. Legroupe de classes dans la partie plus joue toujours un rôle, mais c’est moins visible. Dans unssens, ETNC incorpore ces deux phénomènes. Pour la suite, il nous faut un certain minimumde technologie.

2.3. Extensions, suites métrisées. — On travaille sur un anneau A qui est de type finicomme Z-module, ou comme Zp-module. (Exemples : Z[G], Z[G]/(1 + j), Zp[G].) Il estincontournable de rappeler quelques faits de base sur les extensions de modules. Fixons deuxA-modules M et N . Sur l’ensemble de toutes les suites courtes exactes (s.c.e.) ayant N ( !)à gauche et M à droite, on impose une relation d’équivalence : la ligne supérieure est dite

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Cornelius Greither 63

équivalente à celle inférieure ssi l’on peut compléter l’échelle ci-bas de façon commutative avecune flèche E → E′ (qui est d’ailleurs automatiquement un isomorphisme).

0 // N // E //

M // 0

0 // N // E′ // M // 0

L’ensemble des classes sous cette relation s’écrit Ext1A(M,N), et il est muni d’une structurenaturelle de groupe abélien. L’élément neutre est fourni par l’extension scindée : 0 → N →N ⊕ M → M → 0.Pour donner une idée, mentionnons que Ext1Z(Z/m, Z/n) est cyclique d’ordre pgcd(m,n). Enparticulier si m et n sont copremiers, toute s.c.e. 0 → Z/n → E → Z/m → 0 est scindée.Pour m = n = 2 on voit bien une suite non scindée, avec Z/4 au milieu. Elle représente leseul élément non trivial de Ext1Z(Z/2, Z/2).

Il existe des groupes ExtkA(M,N) pour tout k ≥ 1. Le cas k = 2 peut être motivé par laconcaténation de deux s.c.e. : de 0 → Q → E1 → N → 0 et 0 → N → E2 → M → 0on obtient 0 → Q → E1 → E2 → M → 0, où l’application E1 → E2 est, évidemment, lacomposée E1 → N → E2. Sur ces suites exactes à quatre termes (appelés 2-extensions - onne compte pas les zéros, et on veut Q à gauche et M à droite), on a de nouveau une relationd’équivalence, et un groupe abélien Ext2A(M,Q) qui en résulte. L’élément neutre est, cettefois-ci, donné par

0 → Q=→ Q

0→ M

=→ M → 0.

(L’auriez-vous deviné ?)On n’a pas le temps de développer la théorie. Citons plutôt une 2-extension naturelle et nontriviale sur l’anneau de groupe Z[G] d’un groupe cyclique G = 〈σ〉 :

0 → ZNG→ Z[G]

σ−1→ Z[G]

ǫ→ Z → 0.

Ceci fournit un élément x ∈ Ext2Z[G](Z, Z) ∼= H2(G, Z) ∼= H0(G, Z). Ce dernier groupe est égal

à Z/|G|Z, et on peut montrer que x en est un générateur. En des mots vagues : la 2-extensionci-dessus est “aussi non-triviale que possible”.Encore un ingrédient va entrer en jeu : la ”suite de Tate”. Reprenons la situation : L/K estG-galoisienne, S est admissible (i.e., S contient S∞ ∪ Sram, et cl(L) est engendrée par les(classes des) idéaux premiers correspondant aux places finies dans S(L)).Alors Tate [Ta] a démontré ce qui suit :

Théorème 2.5. — Il existe une 2-extension de Z[G]-modules

0 → US(L) → A → B → XS(L) → 0

telle que A est c.t., B est projectif, et la classe de cette extension dans Ext2Z[G](XS(L), US(L))

est la “classe canonique” fournie par les théories locale et globale du corps des classes.

Nous présentons un exemple qui sera instructif, espérons-le. A retenir que c’est toujours uncas relativement simple !Revenons à la situation K = Q, L = Q(ζp)

+ (donc on n’écrit plus L+), G = Gal(L/Q).Choisissons un générateur σ de ce groupe cyclique. Imposons encore les hypothèses p ≡ 3

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64 Introduction à la conjecture ETNC et applications

modulo 4, et hL = 1 (ce qui arrive par exemple pour p = 19, 23, 31, . . .). Posons S = p,∞comme avant et notons que cet ensemble est admissible. Nous allons travailler avec l’idéalJ = 〈2, σ − 1〉 de Z[G]. On peut montrer que J est cyclique, engendré par σ + 1. On peutaussi définir J comme noyau de l’épimorphisme évident Z[G] → Z/2.

Lemme 2.6. — (a) US = ±(λ+)J/2.(b) US est c.t.(c) XS(L) est projectif (même libre).

Démonstration. — (a) (Esquisse) On utilise ce qu’on sait sur les unités cyclotomiques ; enparticulier il est important que l’élément (λ+)σ−1 a une racine carrée dans US(L) (même dansU(L)). Il faut aussi utilier que toute unité est cyclotomique dans notre cas (car hL = 1).(b) De (a) on obtient une s.c.e. 0 → ±1 → US → J/2 → 0. Puisque J est libre, cette suiteest scindée sur Z[G]. De plus, le petit module ±1 est isomorphe à Z/2 ∼= Z[G]/J , donc ilest c.t. Par conséquent US est c.t. (Il aurait suffi de dire que US se trouve au milieu d’unes.c.e. aux termes extérieurs qui sont c.t.)(c) On l’a déjà vu : XS(L)

∼= Z[G].

Nous savons alors que Ext2Z[G](XS , US) = 0, le problème d’identifier la classe canonique ne se

pose donc pas ! Comme suite de Tate on peut prendre

0 → US(L) → US(L) → XS(L) → XS(L) → 0

avec l’application zéro au milieu. A suivre !On passe maintenant à une définition technique mais très importante. Sur un anneau général,un module M sera appelé c.t. ssi il s’écrit comme quotient de deux modules projectifs.

Définition 2.7. — Une suite métrisée (E,ϕ) sur un anneau A consiste en la donnée d’une2-extension E : 0 → U → A → B → X → 0 de modules de type fini sur A, tels que A est c.t.et B est projectif, et d’un isomorphisme

ϕ : R ⊗Z U → R ⊗Z X

de modules sur R ⊗Z A.

L’exemple principal, bien sûr, est fourni par les suites de Tate, où l’isomorphisme ϕ est donnépar l’application régulateur pertinente. Les deux prochaines étapes seront :— d’abord, on introduit la “caractéristique d’Euler“ χ(E,ϕ) ∈ K0(Z[G], R) attachée à n’im-porte quelle suite métrisée ;— et puis on définit un invariant TΩ = TΩL/K,S comme étant la différence χ(ETate, regS) −∂(Θ∗

S(0)). (Les seules choses qui restent à définir sont le ”terme dominant en s = 0” notéΘ∗

S(0), le K-groupe relatif K0(. . .) et le symbole ∂.)Après ces deux étapes, l’énoncé de ETNC est très bref ! Le voici :

ETNC(L/K,S) : TΩL/K,S = 0.

(Attention : pour les groupes G qui admettent des caractères irréductibles symplectiques, on atriché un peu. Mais tous les groupes abéliens et tous les groupes d’ordre impair sont couvertspar cette démarche un peu simplifiée.)

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Cornelius Greither 65

2.4. Détails de l’énoncé ; exemple cyclotomique. — On garde toutes les notationsprécédentes. Le groupe relatif K0(Z[G], R) sera aussi traité dans d’autres exposés. Il consisteen l’ensemble de classes de triplets [A,ϕ,B] où A et B sont Z[G]-projectifs et ϕ : R⊗A → R⊗Best un isomorphisme ; on n’explicitera pas ici la relation d’équivalence. Si G est abélien, onpeut donner une description plus directe :

K0(Z[G], R) = P ⊂ R[G] : P est Z[G]-projectif de rang 1,

où l’ensemble à droite est un groupe pour la multiplication dans R[G]. (Le neutre est Z[G].)En termes de triplets, P correspond à [P, id, Z[G]].On a besoin de trois autres aspects.D’abord, il y a un homomorphisme “bord” ∂ : R[G]× → K0(Z[G], R), défini par ∂(u) =[Z[G], u, Z[G]] (ou par δ(u) = uZ[G] dans la description simplifiée). Cet homomorphismedevient surjectif quand Z[G] est remplacé par un anneau local.De plus, il existe une troisième approche du K relatif. A tout Z[G]-module C qui est finiet c.t., on peut associer un élément t(C) ∈ K0(Z[G], R) par la recette suivante : prendre uneprésentation Q ⊂ P → C → 0 avec P (et par conséquent Q) projectif, et poser t(C) = [Q, i, P ]où i désigne l’inclusion. On appelle ceci dévissage, et l’on pourrait en dire plus loin sur t.Finalement on peut aussi définir [A,ϕ,B] ∈ K0(Z[G], R) quand B est projectif mais A estseulement c.t. Si Ators est c.t., alors A := A/Ators l’est aussi, donc projectif, et l’on peutposer

[A,ϕ,B] = [A, ϕ,B] − t(Ators).

On saute les détails du cas général.Maintenant nous sommes prêts pour la première étape mentionnée à la fin du numéro quiprécède. Soit donc donnée une suite métrisée (E,ϕ) ; écrivons-la encore une fois. Sans perte,la flèche U → A est une inclusion ; on abrègera R ⊗Z U en RU etc.

0 → U ⊂ Ad→ B

π→ X → 0; ϕ : RU

∼=→ RX.

Pour bricoler un triple dans K0(Z[G], R), les modules A et B sont déjà disponibles ; il manquel’isomorphisme allant de RA vers RB. Le point essentiel est qu’un tel isomorphisme ressortde la suite métrisée, de façon pas trop compliquée. On va construire ce qu’on appelle la“transposée“ ϕ : RA → RB en partant de R ⊗Z d = dR et de ϕ.Puisque R[G] est semi-simple, on trouve des sous-modules A0 ⊂ A et B0 ⊂ B tels que :

RA = ker(dR) ⊕ A0;

RB = im(dR) ⊕ B0.

Notons que ker(d) = U . On construit ϕ par composition comme suit :

RA=

// RU ⊕ A0

ϕ⊕dR

RX ⊕ im(dR)

π−1R

⊕id

B0 ⊕ im(dR)=

// RB.

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66 Introduction à la conjecture ETNC et applications

Bien sûr, ϕ dépend des choix qu’on a faits, mais on va voir exactement de quelle façon ϕpeut changer. Regardons l’application f := ϕ ⊕ dR qui dépend du choix de A0. Alors f estcompatible avec les deux filtrations 0 ⊂ RU ⊂ RA et 0 ⊂ RX ⊂ RX ⊕ im(dR) ; l’applicationinduite RU → RX est ϕ, et l’application induite RA/RU → im(dR) est dR. Ceci veut direque f peut être représenté par blocs :

f =

(ϕ ∗0 dR

),

où seulement le bloc ∗ dépend du choix du complément A0. Changer A0 revient donc à multi-

plier f par une matrice de la forme ǫ =

(id ∗0 id

)à droite. Cette matrice est élémentaire. De

la même façon on trouve qu’un changement de B0 va multiplier ϕ par une matrice élémentaireǫ′ à gauche. Il est alors bien connu que les classes [A, ϕ,B] et [A, ǫ′ϕǫ, B] sont égales dansK0(Z[G], R). Donc la classe

χ(E,ϕ) := [A, ϕ,B]

est bien définie.Pour l’énoncé final, définissons le terme dominant. Pour n’importe quelle fonction holomorphenon constante f : C → C, soit k l’ordre de f en s = 0, en d’autres termes : f(s) = aks

k +ak+1s

k+1 + . . . avec ak 6= 0. On pose f∗(0) = ak, et l’on définit Θ∗S(0) par χ(Θ∗

S(0)) =

L∗S(χ−1, 0) pour tout χ ∈ G. (Il est à noter que l’ordre de LS(χ, s) en s = 0 peut bien varier

avec χ.) Dans un dernier temps, disons que la conjecture qu’on va formuler n’est que ETNCpour un “motif" tout particulier (à savoir, le motif h0(L)).

Conjecture[ ETNC pour L/K] Soit L/K une extension G-galoisienne (abélienne pour sim-plifier) de corps de nombres, et soit S un ensemble fini admissible de places de K. Soit ETate :0 → US(L) → A → B → XS(L) → 0 une suite de Tate, et soit regS : RUS(L) → RXS(L)

l’isomorphisme régulateur. Alors on a une égalite dans K0(Z[G], R) :

χ(ETate, regS) = ∂(Θ∗S(0)).

L’expression à gauche est définie comme [A, ˜regS , B], où le tilde indique l’application ”trans-posée” expliquée ci-haut.

Remarquons tout de suite que l’énoncé original est dû à Burns et Flach, et qu’il est, for-mellement, un peu différent (n’oublions pas que nous nous sommes permis des hypothèsesqui simplifient la chose). La conjecture telle qu’énoncée est aussi équivalente à la conjectureLRNC (Lifted Root Number Conjecture) de Ritter et Weiss.Pour les corps L absolument abéliens, ETNC est démontrée (Burns et G. [BuGr], plus lestravaux de Flach pour la partie 2-primaire). De plus, mentionnons les résultats de Bley ([Bl06]qui traite certaines extensions de corps quadratiques imaginaires) et de Nickel ([Ni10] quitraite la partie moins dans certaines extensions CM, voir aussi la fin du §3.3).Avant d’essayer de démontrer une conjecture de ce type, on doit toujours faire un certainprogramme standard, plus précisément : (1) Il faut montrer que la vérité de la conjecture nedépend pas du choix de S et de la suite de Tate ! (2) Il faut établir des résultats de fonctorialité(changement de L ou de K). Disons au moins un mot sur (1).L’une des choses à montrer est l’indépendence de S (toujours supposé admissible). Posonsqu’il est déjà établi que la caractéristique χ(ETate, regS) ne dépend pas du choix de la suite

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Cornelius Greither 67

(pourvu toujours qu’il s’agisse d’une suite de Tate ; rappelons que les termes US(L) et XS(L)

sont fixés). Il faut donc montrer : Si S est admissible, S ⊂ S′, et qu’on a une suite de Tatepour S (les modules étant écrits sans prime), alors on en trouve une (notée avec prime) pourS′ de sorte qu’on ait une égalité

[A′, ˜regS′ , B′] − [A, ˜regS , B] = ∂(Θ∗S′(0)/Θ∗

S(0)).

Nous ne donnons que quelques indications. Par récurrence on peut supposer que S′ = S∪v∗ ;notons que v∗ est non ramifié.On choisira une suite de Tate pour S′ qui se déduit de celle donnée pour S de façon canonique.Soit Sv∗(L) l’ensemble des places de L au-dessus de v∗. On a des isomorphismes naturelsα : US′(L)/US(L) ∼= ZSv∗(L) et ZS′(L)/ZS(L) = ZSv∗(L). Utilisant un argument explicitequi remonte à Chinburg (aujourd’hui beaucoup d’auteurs utilisent le langage des catégoriesdérivées) on établit une “suite courte exacte de suites métrisées” :

0 // US(L) //

A //

B //

XS(L) //

0

0 // US′(L) //

A′ //

B′ //

XS′(L) //

0

0 // US′(L)/US(L) // Z[G] // Z[G] // ZSv∗(L) // 0.

Dans ce diagramme, les trois métrisations (la troisème étant donnée à peu près par α) sontcompatibles, et l’on peut invoquer un résultat de multiplicativité pour χ [Bu01]. De plus,la suite d’en bas est complètement connue. Si nous supposions pour simplifier que v∗ esttotalement inerte, ce serait exactement la suite citée quelques lignes avant le théorème 2.5à titre d’exemple simple mais non trivial. De l’autre côté, le quotient Θ∗

S′(0)/Θ∗S(0) est un

facteur eulérien, dont le terme dominant, comme on peut le montrer, correspond exactementau χ de la troisième suite métrisée.

Faisons la suite de notre exemple cyclotomique. Pour toute la notation, on renvoie au numéro2.3. La suite de Tate est assez simple :

0 → US → US0→ XS → XS → 0.

On a US = ±1 ⊕ (λ+)J/2, XS∼= Z[G], et regS(λ+) = 2Θ∗

S(0). Puisque la suite de Tate aune application zéro au milieu, la transposée de regS est heureusement facile à trouver : ellecoïncide avec regS . On trouve (rappelons que t(C) a été défini au §2.4, pour tout module Cfini et c.t.) :

χ(US , regS , Z[G]) = χ(US/±1, regS , Z[G]) − t(±1)

= χ(J/2, 2Θ∗S(0), Z[G]) − [J, i, Z[G]]

= χ(J,Θ∗S(0), Z[G]) − [J, i, Z[G]]

= χ(Z[G],Θ∗S(0), Z[G])

= ∂(Θ∗S(0)).

On a donc confirmé ETNC dans cet exemple.

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68 Introduction à la conjecture ETNC et applications

3. Applications et compléments

3.1. Idéaux de Fitting dans la partie moins. — Soit toujours L/K une extensionabélienne, de groupe de Galois G, où K est totalement réel et L un corps CM. Pour motivernotre démarche, décrivons quelques constructions et résultats de Kurihara pour K = Q. Lebut est de calculer FittA′(cl(L)−), où A′ = Z[1/2][G]/(1 + j) et par abus de notation cl(L)−

dénote la partie moins de cl(L) avec la partie 2-primaire enlevée. Cet abus de notation vaudrapour tous les modules : on tensorise avec Z[1/2] avant de prendre le noyau de 1 + j.Il est clair que tout résultat dans cette direction impliquera les idéaux de Stickelberger. Maisdéjà pour L = Q(ζn) où n n’est pas la puissance d’un premier, la généralisation immédiateserait trop naïve : il ne suffit pas de poser ϑn = n−1

∑(a,n)=1 aσ−1

a et de prendre l’idéal

Z[Gn] ∩ ϑnZ[Gn]. (On a posé Gn = Gal(Q(ζn)/Q).) Même dans la partie moins, l’indice decet ideal dans A sera en général infini.On peut par exemple vérifier que ϑ55 est annulé par ν := NGal(Q(ζ55)/Q(ζ5)), et ν n’est pas zérodans Z[G55]/(1 + j). La sortie de cette impasse a été trouvée par Sinnott (et Kurihara se sertd’une variante) : il faut mettre beaucoup de générateurs, provenant des sous-corps de L, dansl’idéal de Stickelberger à construire.Pour aller plus vite, bornons-nous au cas L = Q(ζn). Dans ce cas, les constructions de Sinnottet de Kurihara sont les mêmes. Un diviseur distingué de n est par definition un m|n tel que met n/m sont copremiers. Soit Dn l’ensemble des diviseurs distingués de n. Pour tout m|n on aun épimorphisme naturel Gn → Gm et une injection “corestriction“ corm,n : Z[Gm] → Z[Gn]qui envoie 1 sur Nker(Gn→Gm). On pose :

I ′n = 〈corm,n(ϑm) : m ∈ Dn〉Z[Gn] ;

I(Ku)Q(ζn) = Z[Gn] ∩ I ′n.

L’idéal I(Ku)L “à la Kurihara” est par contre défini pour tout L absolument abélien.

Le résultat suivant provient de travaux de Kurihara [Ku03] et de Kurihara et Miura [KuMi].

Théorème 3.1. — Soit L absolument abélien, de groupe G sur Q. Alors

FittA′(cl(L)−) = I(Ku)L A

′.

Notre but dans le travail [Gr07] était d’étendre ce résultat aux extensions abéliennes du typeCM, c’est-à-dire que K est totalement réel et L est totalement complexe, en supposant queETNC est vraie. Les méthodes de Kurihara ne sont applicables qu’avec des hypothèses assezrestrictives. En fait l’énoncé ne se généralise pas tel quel (voir la suite), il faut le changerquelque peu. Comme point de départ, la construction des idéaux donnée ci-dessus se généra-

lise : on a un idéal I(Ku)L/K ⊂ Z[G] pour toute extension L/K G-abélienne avec K totalement

réel et L un corps CM.Mais quel est le lien avec ETNC? Cette conjecture nous dit beaucoup sur les suites de Tate.Mais le groupe cl(L) est caché subtilement dans cette suite ; il se trouve “dans US(L)“, enraison de la condition que les S-places engendrent cl(L). Un point essentiel est l’existence desuites “ de Tate” pour de plus petits ensembles S, en particulier pour l’ensemble minimal S∞.Le prix à payer est que le terme à droite (qui est XS jusqu’à maintenant) devient moins beau.Par contre, ce terme à droite contiendra cl(L) de façon plus visible, et le terme à gauche au

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moins ne devient pas plus difficile. Donnons quelques détails. L’existence et les propriétés des“suites de Tate pour les petits ensembles S” ont été découvertes par Ritter et Weiss.Notons pour commencer que l’ensemble S∞ des places infinies est rarement admissible. Notonsaussi que US∞

(L) = U(L) = O×L .

La suite pour S∞ prend la forme suivante :

0 → U(L) → A∞ → B∞ → ∇ → 0.

La complication principale est le module ∇ = ∇S∞. C’est un module de type fini sur Z[G], et

on sait que

∇tors = cl(L).

La “partie sans torsion“ ∇ := ∇/∇tors est plus compliquée à décrire. Elle reflète la ramifica-tion dans l’extension L/K. Plus concrètement, soit S admissible ; on attache un “module deramification" Wv à chaque place finie v ∈ S (ce module est projectif sur Z[Gv ] ssi v est nonramifié) ; pour v infini on pose Wv = Z. Alors ∇ est le noyau d’une application canonique⊕

v∈S indGGv

(Wv) → Z. (On voit une analogie avec la définition du module plus simple XS .)Le programme pour calculer FittA′(cl(L)−) est alors le suivant :(1) On modifie la suite qui précède comme suit :

(E−∞) 0 → U(L)− → A−

∞ → B′∞

−→ (∇/F )− → 0.

Ici F sera un sous-module libre auxiliaire de ∇ tel que ∇/F est fini. C’est la première modifi-cation ; de plus, on prend la partie moins partout. Il est bien connu que U(L)− est fini et égalà µ′

L (les racines de l’unité de L, modulo la partie 2-primaire). Donc cette suite possède uneunique métrisation, à savoir : la métrisation triviale ϕ0. En utilisant la validité de ETNC, onest en mesure de calculer χ(E−

∞, ϕ0).Puis, on peut établir une métrisation ϕ∞ sur cette suite et calculer χ(E∞, ϕ∞).(2) Le module (∇/F )− est une approximation au module cl(L)− ; dans cette étape on calculeson idéal de Fitting, appuyé sur la connaissance de χ(E−

∞, ϕ0) et un lemme. Noter que siµ′

L = 0, alors la suite (E−∞) ressemble beaucoup aux présentations qui servent pour définir les

idéaux de Fitting.(3) On fait le lien entre (∇/F )− et le groupe de classes cl(L)−. Ceci faisant, il arrive quelquechose d’inattendu : les calculs nous contraignent à remplacer cl(L)− par son dual (de Pon-tryaguine).Voilà le programme. On donnera quelques explications sur (2) et (3) seulement. Supposonspour simplifier que µ′

L est trivial. Quant à (2), on a besoin d’un lemme. Rappelons que dansnotre cadre, le groupe relatif K0(Z[G], R) peut aussi être vu comme groupe multiplicatif detous les idéaux fractionnaires P ⊂ Z[G], plus explicitement : P parcourt les Z[G]-sous-moduleslocalement libres de rang un dans R[G]. Rappelons aussi que FittZ[G](N) est localement librede rang un pour tout N qui est fini et c.t.

Lemme 3.2. — Soit (E) : 0 → 0 → Ad→ B → N → 0 une suite métrisée. Alors N est fini,

la métrisation ϕ est triviale (notons-la donc ϕ0), et on a

χ(E,ϕ0) = FittZ[G](M).

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70 Introduction à la conjecture ETNC et applications

Démonstration. — La métrisation ϕ est un isomorphisme R ⊗ 0 → R ⊗ N . Par conséquent,N doit être fini, et ϕ = ϕ0. Par construction alors, la transposée ϕ0 vaut dR. Donc on a

χ(E,ϕ0) = [A, d, B].

Quand on passe de la description via triplets à l’autre (via modules localemet libres de rangun), on voit que ce triplet correspond exactement à l’idéal de Fitting du conoyau de d (calculerlocalement).

Soit alors χ(E−∞) = ∂(f). (Comme indiqué plus haut, on ”connaît l’élément f ” ; plus précisé-

ment, il est donné par une expression compliquée, dans laquelle le seul ingrédient non expliciteest le terme dominant de la fonction L équivariante). Alors les deux lemmes pris ensembleproduisent

FittA′((∇/F )−) = (f).

Expliquons maintenant l’étape (3). Rappelons que F est un sous-module libre de ∇, que∇tors = cl(L), et qu’on a posé ∇ = ∇/∇tors ; alors F peut aussi être vu comme sous-modulede ∇, et on a une s.c.e.

0 → cl(L)− → (∇/F )− → (∇/F )− → 0.

Ici on connaît l’idéal de Fitting du terme au milieu (qui est c.t.), et on connaît le terme àdroite complètement (on a omis beaucoup de détail ici). Il faut maintenant passer à une suiteavec quatre termes. Soit x ∈ A′ tel que x∇− ⊂ F−. Alors on obtient

0 → cl(L)− → (∇/F )− → x−1F−/F− → x−1F−/∇− → 0.

Ici le troisième et le quatrième terme sont explicites, et le deuxième et le troisième sont c.t.Ceci permet d’appliquer le lemme suivant :

Lemme 3.3. — Soit donné une suite exacte de modules finis sur A′ (ou sur Z[G]) de laforme

0 → M → Q → Q′ → M ′ → 0

telle que Q et Q′ sont c.t. Alors on a la formule (Fitt étant pris sur A′ ou sur Z[G], selon lecas) :

Fitt(M∨) = Fitt(Q) · Fitt(Q′)−1 · Fitt(M ′).

Remarques : (a) L’idéal Fitt(Q′) est projectif de rang un, donc l’inversion a bien un sens.(b) Il est incontournable dans la preuve de prendre le dual M∨ au lieu de M .Quand on applique ce lemme à nos données, on obtient une formule compliquée pourFittA′(cl(L)−). Après des calculs un peu longs on arrive finalement au résultat qui suit [Gr07] :

Théorème 3.4. — Soit L/K une extension abélienne avec groupe G, K totalement réel et Ltotalement complexe. Supposons que ETNC est vraie pour L/K, et que L ne contient pas deracines de l’unité d’ordre impair (ou plus généralement que µ′

L est c.t. en tant que G-module).Alors

FittA′(cl(L)−∨) = I

(Ku)L/K · A′,

où I(Ku)L/K est un idéal du type Stickelberger, construit par Kurihara.

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Cornelius Greither 71

Mentionnons pour terminer qu’il y a une classe d’extensions (“nice extensions”) pour lesquelles

cet idéal est principal dans la partie moins ; la formule pour FittA′(cl(L)−∨) était connue sans

aucune condition (ETNC ou quoi que ce soit), voir Thm. 4.11 dans [Gr00]. Dans ce cas assezparticulier on n’a pas besoin du dual, parce que cl(L)− est c.t. pour les extensions appelées“nice”, et l’idéal de Fitting d’un module fini c.t. ne change pas sous dualisation. (Mais engénéral, il change certainement, voir §3.2.) Il est d’ailleurs très intéressant de voir que Nickela démontré la partie moins de ETNC pour les extensions “nice” ; voir [Ni09].

3.2. Résultats négatifs sur l’idéal de Fitting du groupe de classes. — Contentons-nous d’une esquisse :(a) Dans un article en commun avec Kurihara [GrKu], on démontre que l’énoncé du théorème3.4 devient faux en général si l’on ne prend pas le dual de cl(L)−. En effet, déjà l’inclusion ⊃est fausse.Pour rendre ce phénomène plus transparent, prenons un exemple purement algébrique. SoitG le groupe non cyclique d’ordre 4, avec générateurs s et t. On va considérer des modules surZ[G] annulés par 2, donc des modules sur F2[G]. Posons x = 1 − s et y = 1 − t dans F2[G].Alors x2 = y2 = 0, et 1, x, y, xy sont une F2-base de F2[G]. Soit M = F2[G]/(xy) ; il est facilede voir que FittZG(M) = 〈2, xy〉. Le dual M∨ peut être décrit ainsi : c’est un F2-vectoriel debase u, v,w ; xu = w = yv, et yu = xv = 0. Ceci donne une présentation sur Z[G] avec deuxgénérateurs u, v et les relations 2u = 2v = 0, yu = xv = 0, xu = yv. Ceci nous donne uneprésentation de M∨ ayant une matrice

2 00 2y 00 xy −x

.

On peut montrer directement que l’idéal engendré par les sous-déterminants 2 × 2 de cettematrice ne contient pas 2. Donc FittZ[G](M

∨) est distinct de (en fait, proprement contenudans) FittZ[G](M).(b) Dans une prépublication très récente [Ku10], Kurihara démontre que même si l’on retientle dual, le théorème 3.4 devient faux à défaut de la trivialité cohomologique de µL en dehorsde 2. En effet il montre davantage : il existe des exemples pour lesquels on n’a même pasl’inclusion ⊃ dans le théorème 3.4, qu’on dualise cl(L−) ou non. Ceci semble indiquer qu’il

n’a pas de formule nette pour FittA′(cl(L)−∨) en toute généralité.

Esquissons un exemple donné par Kurihara. Pour K on peut prendre le corps réel biquadra-tique Q(

√79,

√69). Le corps quadratique Q(

√79), dont le nombre des classes vaut 3, admet

une extension F1 cubique cyclique non ramifiée partout, et le corps quadratique Q(√

69) admetune extension cubique cyclique F2 non ramifiée en dehors de 3 et non absolument abélienne.Par conséquent, L0 = F1F2 est linéairement disjoint de k(ζ3∞), et L0/K est une extensionabélienne de groupe Z/3×Z/3. C’est presque l’exemple cherché ; pour le moment, les résultatsde Kurihara garantissent au moins que pour n assez grand, l’inclusion de 3.1.5 ne vaudra paspour L = L0(ζ3n)/K, avec et sans dualisation. Il est probablement possible de spécifier unevaleur explicite de n. Notons que le groupe µL n’est pas c.t. pourvu que n > 0. En effet,

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72 Introduction à la conjecture ETNC et applications

Gal(L/K) contient un sous-3-groupe non trivial, et celui agit trivialement sur µL3, qui parconséquent ne peut être cohomologiquement trivial.

3.3. Suites “simples“ de Tate. — Dans cette section finale et extrêmement fragmentairenous voudrions mentionner des travaux actuels de G. et Popescu [GrPo]. La notion de suitede Tate existe aussi bien pour les ”corps de fonctions”, plus précisément pour les extensionsgaloisiennes de corps globaux L/K de caractéristique finie. Un tel corps K (ou L) est toujoursune extension fini d’un corps de fonctions rationnelles F(t), où F est un corps fini.Dans ce cadre, G. et P. ont trouvé une description assez directe des complexes pertinents pourETNC ; cette description revient aux 1-motifs utilisés par Deligne dans sa démonstration dela conjecture de Brumer-Stark (voir le livre [Ta] sur les conjectures de Stark). Ajoutons toutde suite que les 1-motif sont sympathiques et beaucoup plus simples et abordables que lesmotifs généraux.Grosso modo, sous certaines hypothèses on peut attacher, pour tout ℓ, un Zℓ[G]-module Mà toute extension G-galoisienne L/K de corps de fonctions. (Le nombre premier ℓ pourra,ou non, être égal à la caractéristique de K.) Ce module M est de type fini, sans torsion, etmuni d’une action naturelle de Frobenius (noté F ). G. et P. démontrent que M est c.t., et que1 − F : M → M donne naissance à une 2-extension 0 → ZℓUS,T → M → M → ZℓXS → 0.Ici, l’ensemble T est une autre donnée technique ; c’est un ensemble fini non vide de placesde K, qui ne rencontre pas S. Dans un certain sens on est aussi capable de montrer que cette2-extension est une suite de Tate. On doit expliquer ici ce qu’on entend par “suite de Tate",car on a changé légérement le terme de départ.En partant de cette construction relativement simple d’une suite de Tate, on peut vérifierla validité de ETNC. A notre connaissance, c’était établi avant par Burns pour toutes lesextensions de corps de fonctions. Mais il semble possible d’étendre la construction au cas descorps de nombres, avec retombées potentielles sur ETNC dans ce cas. En tout cas il fautcomparer ceci avec les travaux récents de Nickel (voir en particulier [Ni10]) qui, lui aussi, saitétablir la validité de ETNC dans la partie moins pour les corps de nombres sous certainescontraintes.

Références

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[GrPo] C. Greither and C. Popescu, The Galois module structure of ℓ–adic realizations of Picard1–motives and applications, prépublication 2010.

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[KuMi] M. Kurihara and Takashi Miura, Stickelberger ideals and Fitting ideals of class groups forabelian number fields, preprint 2009.

[Ku10] M. Kurihara, Remarks on the Fitting ideals of the duals of ideal class groups, preprint 2010.

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appear in Math. Z., DOI 10.1007/s00209-009-0658-9.

[Sch] René Schoof, Minus class groups of the fields of the l-th roots of unity, Math. Comput. 67

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[Ta] J. Tate, Les conjectures de Stark pour les fonctions L d’Artin en s = 0, Progress in Mathe-matics Vol. 47, Birkhäuser, Boston 1984.

7 décembre 2010

Cornelius Greither, Institut für Theoretische Informatik und Mathematik, Universität der Bundeswehr,

München, 85577 Neubiberg, Germany • E-mail : [email protected]

Publications mathématiques de Besançon - 2012/1

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INTRODUCTION À LA CONJECTURE PRINCIPALE DE LA

THÉORIE D’IWASAWA NON COMMUTATIVE DES CORPS

TOTALEMENT RÉELS

par

Thong Nguyen Quang Do

Résumé. — Cet article constitue une version élaborée et étendue d’un mini-cours donné par

l’auteur sur le sujet mentionné dans le titre aux Journées Arithmétiques de Meknès 2010. Avec

les deux autres mini-cours de W. Bley et C. Greither (voir [Ble12] et [Gre12] dans ce volume),

l’idée générale était de fournir à des non-experts un aperçu des derniers développements autour

de l’un des thèmes les plus fascinants de la théorie des nombres, à savoir les propriétés arithmé-

tiques attachées aux valeurs spéciales des fonctions L complexes. Nous énoncerons la Conjecture

Principale du titre et nous donnerons un aperçu de sa démonstration suivant [Kak10] (voir aussi

[RW11]).

Abstract. — This article consists in an extended and elaborate version of a mini-course taught

by the author on the subject of the title at the « Journées Arithmétiques » of Meknès 2010.

Together with the two other mini-courses by W. Bley and C. Greither, the general idea was to

give to non-experts an overview of the latest developments around one of the most fascinating

themes of number theory, namely the arithmetic properties attached to special values of complex

L-functions. We shall state the Main Conjecture of the title and give a sketch of its proof

according to Kakde [Kak10] (see also Ritter-Weiss [RW11]).

Introduction

Cet article constitue une version élaborée et étendue d’un mini-cours donné par l’auteur sur le

sujet mentionné dans le titre aux Journées Arithmétiques de Meknès 2010. Avec les deux autres

mini-cours de W. Bley et C. Greither (voir [Ble12] et [Gre12] dans ce volume), l’idée générale

était de fournir à des non-experts un aperçu des derniers développements autour de l’un des

thèmes les plus fascinants de la théorie des nombres, à savoir les propriétés arithmétiques

attachées aux valeurs spéciales des fonctions L complexes. Quelques exemples archétypiques :

les congruences de Kummer, la formule analytique du nombre de classes, la conjecture de Birch

et Swinnerton-Dyer ... Tout un corpus de résultats, et surtout de conjectures, aussi mystérieux

les uns que les autres (« mystiques », dirait K. Kato) se trouve maintenant englobé dans la

Classification mathématique par sujets (2000). — 11R23.

Mots clefs. — p-adic Lie extensions, localization sequence of K-theory, perfect complexes, p-adic zeta, non

abelian pseudo-measure.

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76 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

conjecture équivariante des nombres de Tamagawa (ETNC) qui fait l’objet des deux autres

mini-cours. S’il fallait résumer en une seule phrase la nature de cette ETNC, on pourrait

dire qu’il s’agit d’un principe logal-global hypersophistiqué qui fait se rencontrer les mondes

archimédien et p-adique autour de la valeur spéciale L∗(M, 0), où L(M,s) est la fonction

L complexe (et largement conjecturale) attachée à un motif et L∗(M, 0) le premier terme

non nul de son développement de Taylor au voisinage de zéro. Comme il n’est pas question

de traiter des motifs en général dans un mini-cours, le lecteur pourra se focaliser sur deux

exemples emblématiques, le motif de Tate et le motif associé à une courbe elliptique. On ne les

définira même pas, sauf pour dire que les fonctions L attachées au premier sont les fonctions

L d’Artin, et au second, la fonction L de Hasse-Weil de la courbe elliptique.

La théorie d’Iwasawa constitue à l’heure actuelle la seule méthode générale pour attaquer le

problème des valeurs spéciales, selon le schéma suivant :

Lp(M,s) oo CP//

OO

interpolation p-adique

arithmétique de M

au niveau infini

(modules, complexes

d’Iwasawa)

descente d’Iwasawa

L(M,s) ooETNC ou autres conjectures

//

arithmétique de M

au niveau fini

(groupes de Selmer,

de Tate-Shafarevich ...)

Explication : l’interpolation p-adique des valeurs spéciales permet de construire des fonctions

Lp qui sont plus directement liées aux propriétés arithmétiques des motifs que leurs analogues

complexes. Ces liens se lisent « au niveau infini » via des Conjectures Principales (CP) qui sont

des relations précises entre des objets analytiques (les fonctions Lp) et des objets arithmétiques

(modules ou complexes d’Iwasawa). Par descente jusqu’au « niveau fini », on obtient des

renseignements, parfois complets, sur l’arithmétique des valeurs spéciales. Il reste à expliquer

les mots entre guillemets. Le processus principal de la théorie d’Iwasawa est la montée-descente

le long d’une extension infinie F∞/F de corps de nombres, construite naturellement à partir du

motif M pour trivialiser certaines actions galoisiennes. Dans les cas classiques, au motif M est

attaché un certain groupe algébrique dont les points de pn-torsion (n variable) engendrent F∞.

Par exemple, le groupe algébrique pour le motif de Tate est Gm, F∞ = F (µpn) et le module

d’Iwasawa usuel est la limite projective le long de la tour des p-groupes de classes. Pour le

motif issu d’une courbe elliptique E, le groupe algébrique est E elle-même, F∞ = F (E[p∞])

et le module d’Iwasawa est le dual de la limite inductive des p-groupes de Selmer.

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Thong Nguyen Quang Do 77

Dans les premiers temps de la théorie, les motifs étudiés (motif de Tate sur un corps totalement

réel F , courbe elliptique à multiplication complexe sur un corps quadratique imaginaire K

avec bonne réduction ordinaire en p) donnaient des tours F∞ telles que Gal(F∞/F (µp)) ≃ Zp,

Gal(K∞/K(E[p])) ≃ Z2p. Pour des groupes G de la forme Zdp, on dispose d’un théorème de

structure pour les modules noetheriens de torsion sur l’algèbre complète Zp[[G]], qui permet

d’associer aux modules d’Iwasawa standard des « séries caractéristiques », que les CP relient

alors de façon précise aux fonctions Lp. Mais cette théorie d’Iwasawa commutative laisse

échapper des cas importants, à commencer par les courbes elliptiques E sans multiplication

complexe, pour lesquelles on sait que Gal(F (E[p∞])/F ) est un sous-groupe ouvert de GL2(Zp)

(un résultat de Serre). La recherche d’une théorie d’Iwasawa non commutative devient donc

nécessaire, avec d’emblée trois problèmes à résoudre :

– définir un « élément caractéristique » malgré l’absence d’un théorème de structure

– définir un « élément zêta p-adique » qui non seulement réalise l’interpolation p-adique des

valeurs spéciales, mais jouit d’équivariance par rapport à un groupe d’automorphismes du

corps de base

– relier fonctoriellement ces deux éléments

Un cadre général a été proposé par [CFK+05] pour les courbes elliptiques sans MC, puis

étendu aux motifs par [FK06]. Au terme de nombreux efforts, le cas du motif de Tate sur

un corps totalement réel vient d’être résolu indépendamment par Ritter-Weiss ([RW11]) et

par M. Kakde ([Kak10]). C’est ce que nous nous proposons d’exposer ici, en nous appuyant

largement sur la prépublication [Kak10]. Notons que celle-ci a été révisée et corrigée dans une

version de 2011, qui a fait l’objet d’un atelier d’étude à l’université de Münster (avril 2011).

La descente ne sera pas traitée, seulement la CP non commutative. Comme il s’agit d’une

introduction, on se souciera moins des détails techniques – d’autant moins qu’ils relèvent assez

souvent de la théorie des groupes plutôt que de la théorie des nombres– que de la ligne générale

du raisonnement. Les préliminaires de la théorie d’Iwasawa classique, tels qu’ils sont exposés

par exemple dans le livre [Was97], suffiront largement au débutant. Tous les raffinements

ultérieurs seront plus ou moins expliqués dans le texte – un texte qui ne prétend à aucune

originalité, visant seulement un but pédagogique.

1. Rappels sur la Conjecture Principale commutative (ou classique)

Comme on l’a dit dans l’introduction, la Conjecture Principale classique (CPC) fait le lien

entre certains objets galoisiens (ici, certains modules d’Iwasawa) et certains objets analytiques

(ici, les fonctions L p-adiques).

1.1. Notations générales. —

– p = un nombre premier, supposé impair par commodité

– F = un corps de nombres totalement réel

– Fcyc = la Zp-extension cyclotomique de F

– Γ = Gal(Fcyc/F ) ≃ (Zp,+), γ un générateur topologique de Γ

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78 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

– κF = le caractère cyclotomique de F/F , u = κF (γ).

Soit O l’anneau des entiers d’une extension finie de Qp. Pour tout groupe profini G, soit

ΛO(G) l’algèbre d’Iwasawa lim←

O[G/U ], U parcourant les sous-groupes ouverts de G. On écrira

simplement Λ(G) si O = Zp. En particulier l’application γ 7→ 1 + T induit un isomorphisme

de ΛO(Γ) sur l’algèbre des séries formelles O[[T ]].

1.2. Le contexte galoisien. — Soit F∞/F une extension galoisienne telle que :

(i) F∞ est un corps totalement réel, contenant Fcyc(ii) F∞/F est non ramifiée en dehors d’un ensemble fixé Σ de places de F . On supposera (sauf

mention expresse du contraire) que Σ contient l’ensemble Ram(F∞/F ) des places ramifiées

de F∞/F (et donc, puisque F∞ contient Fcyc, Σ contient toutes les p-places de F ) ainsi que

les places archimédiennes.

(iii) G := Gal(F∞/F ) est abélien (ce qui explique la terminologie « commutative ») et H :=

Gal(F∞/Fcyc) est fini. En fixant un relèvement de Γ à G, on pourra identifier G à H × Γ,

et ΛO(G) à O[H][[T ]].

Soit M∞ la pro-p-extension abélienne maximale de F∞ qui est Σ-ramifiée, i.e. non ramifiée

hors de Σ. Alors G opère sur X := Gal(M∞/F∞) par automorphismes intérieurs, et le Λ(G)-

module X est l’objet arithmétique principal qui intervient dans la CPC.

NB : Dans les premiers temps de la théorie d’Iwasawa, l’attention se concentrait plutôt sur

X = Gal(L∞/F∞(µp))− (où µp désigne le groupe des racines p-ièmes de l’unité, L∞ la pro-p-

extension abélienne non ramifiée maximale de F∞(µp), et (·)− la « partie moins » sous l’action

de la conjugaison complexe), à cause évidemment du rôle central du groupe de classes en

théorie algébrique des nombres. Les modules X et X sont reliés par le « miroir » (Spiegelung),

mais la refocalisation sur X au lieu de X s’explique à la fois par ses meilleures propriétés

fonctorielles et sa meilleure adaptabilité à un cadre « K-théorique » (voir le §2.3 ci-dessous).

1.3. Le contexte analytique p-adique. — (Dans cette sous-section, on suppose seulement

que Σ contient p ∞).

Il s’agit d’interpoler p-adiquement les valeurs aux entiers négatifs des fonctions L complexes.

Plus précisément, notons G le groupe des caractères abéliens p-adiques (i.e. à valeurs dans

Q×p ) d’ordre fini de G. Pour tout ψ ∈ G, on cherche une fonction continue Lp(s, ψ) de s ∈ Zp

(s 6= 1 si ψ est le caractère trivial 1) à valeurs dans Cp telle que :

∀n ∈ N, n ≡ 0mod(p− 1), Lp(1 − n,ψ) = L(1 − n,ψ)∏

℘|p

(1 −

ψ(℘)

N(℘)1−n

),

où L(s, ψ) est la fonction L complexe attachée à ψ (au sens du §2.4 ci-après).

[on a omis la référence au corps de base F dans les notations].

De façon équivalente on peut chercher une fonction p-adique LΣ(s, ψ) vérifiant

LΣ(1 − n,ψ) = Lp(1 − n,ψ)∏

℘∈Σ,℘∤p∞

(1 −

ψ(℘)

N(℘)

1−n).

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Thong Nguyen Quang Do 79

Le théorème d’existence dû (indépendamment et par des méthodes différentes) à Barsky, P.

Cassou-Noguès et Deligne-Ribet peut s’énoncer ainsi :

Théorème 1.1. — Pour tout ψ ∈ G, posons Hψ = ψ(γ)(1 + T )− 1 si ψ|H = 1 (type W), et

Hψ(T ) = 1 si ψ|H 6= 1 (type S). Il existe une série Gψ,Σ(T ) ∈ Zp[ψ][[T ]] telle que

LΣ,p(1 − s, ψ) =Gψ,Σ(us − 1)

Hψ(us − 1)(le quotient est indépendant du choix de γ).

Dans toute la suite, on privilégiera l’approche de [DR80] pour au moins deux raisons :

– Deligne et Ribet construisent la série Gψ,Σ(T ) à partir de formes modulaires p-adiques de

Hilbert, et ce sont des relations entre les termes constants des q-développements de ces

formes qui fournissent des congruences décisives dans la théorie non commutative (voir

§3.6).

– Dans l’interprétation donnée par Serre [Ser78], les résultats de [DR80] montrent en fait

l’existence d’un « élément zêta p-adique » global (par opposition à « caractère par carac-

tère »). Plus précisément, soit QΛ(G) l’anneau total des fractions de Λ(G) ; un élément

f ∈ QΛ(G) est appelé pseudo-mesure de G si (g − 1)f ∈ Λ(G) pour tout g ∈ G. D’après

[DR80] :

Théorème 1.2. — Il existe alors une unique pseudo-mesure ζΣ = ζΣ(F∞/F ) ∈ QΛ(G)

telle que pour tout ψ ∈ G, ψ(ζΣ) =Gψ,Σ(T )

Hψ(T ).

Ici, ψ désigne l’homomorphisme naturel Λ(G) // ΛZp[ψ](Γ)

ϕ∼

// Zp[ψ][[T ]] déduit

de σ ∈ G 7→ ψ(σ)σ(mod H), puis étendu à QΛ(G) −→ QZp[ψ][[T ]]. La formule du théo-

rème peut aussi s’interpréter en termes d’intégration p-adique. Pour tout entier positif

n ≡ 0(modp − 1), ψκnF est un homomorphisme continu de Γ dans Z×p , qu’on peut inté-

grer par rapport à toute mesure f ∈ ΛZp[ψ](Γ) : f(ψκnF ) (ou 〈ψκnF , f〉):= ϕ(f)(κnF (γ) − 1).

Si ξ ∈ QΛ(G) est une pseudo-mesure, on peut définir suivant [Ser78], 1.12 une intégrale

ξ(ψκnF ) (ou 〈ψκnF , ξ〉), et LΣ,p(1 − n,ψ) n’est autre que ξ(ψκnF ) (la notation « évaluation

en un caractère » sera expliquée au §2.4.1) C’est l’élément zêta p-adique ζΣ qu’il faudra

généraliser dans la théorie non commutative (voir §2.4).

1.4. CPC et théorème de Wiles. — Soit ψ ∈ H. Dans cette section, on écrira pour

simplifier Λ et Λψ au lieu de Λ(Γ) et ΛZp[ψ](Γ). Le Λψ-module X ⊗Λ(G) Λψ est noetherien

et de Λψ-torsion (c’est la « conjecture faible » de Leopoldt, qui est un théorème d’Iwasawa).

Soit hψ(T ) ∈ Λψ sa série caractéristique. Dans [RW02a],§5.2, Ritter-Weiss ont montré que

hψ(T ) et Gψ,Σ(T ) ont même invariant µ. Compte-tenu de ce renseignement complémentaire,

la CPC (ou théorème de Wiles, [Wil90], Theorem 1.3) s’énonce ainsi :

Théorème 1.3. — ∀ψ ∈ H, les séries hψ(T ) et Gψ,Σ(T ) engendrent le même idéal dans Λψ.

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80 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

Cet énoncé « caractère par caractère » n’est pas entièrement satisfaisant, puisqu’on sait que

les séries Gψ,Σ(T ) proviennent d’un élément ζΣ(F∞/F ) p-adique global. Mais (sauf dans le

cas« semi-simple » où p ne divise pas l’ordre deH), et en l’absence d’un théorème de structure,

nous ne savons pas par quel invariant remplacer la série caractéristique. De fait, l’énoncé d’une

Conjecture Principale équivariante (CPE) va nécessiter ce qu’on pourrait appeler un« chan-

gement de paradigme » : remplacer les modules par des complexes.

2. Énoncé de la Conjecture Principale non commutative (ou équivariante)

On se propose d’étendre la CPC avec un double objectif :

– traiter le cas oùG n’est pas forcément abélien, tout en gardant une signification arithmétique

(voir l’introduction). On parle alors de Conjecture Principale non commutative, ou CPNC,

selon la terminologie de [FK06], [CFK+05], etc ...

– tenir compte de l’action galoisienne de G, et non seulement de Γ. On parle alors pour cette

raison de Conjecture Principale équivariante, ou CPE, selon la terminologie de [RW04].

Les deux objectifs sont liés, mais la CPNC devant inclure la CPC, on préférera utiliser dans

la suite, ne serait-ce que pour des raisons sémantiques, l’appellation (CPE). Pour énoncer une

telle conjecture, il va falloir :

– trouver un substitut au module X et sa série caractéristique

– construire une généralisation de l’élément ζΣ p-adique (ou pseudo-mesure) de Deligne-Ribet

– relier fonctoriellement les deux objets arithmétique et analytique

Rappelons que, comme annoncé dans l’introduction, nous considérons ici seulement le motif

de Tate, en d’autres termes nous cherchons une généralisation directe du théorème de Wiles.

2.1. Le contexte galoisien. — Comme dans le §1, F désigne un corps de nombres totale-

ment réel, p un nombre premier impair.

Définition 2.1. — Une extension galoisienne F∞/F est dite admissible si elle vérifie les

propriétés suivantes :

1. F∞ est un corps totalement réel contenant Fcyc. On notera systématiquement H =

Gal(F∞/Fcyc).

2. F∞/F est non ramifiée en dehors d’un ensemble fini Σ de places de F .

3. G := Gal(F∞/F ) est un groupe de Lie p-adique compact.

Rappelons quelques résultats importants de M. Lazard (voir e.g. [Ser95]) :

1. Tout groupe de Lie p-adique admet un sous-groupe ouvert compact qui est p-saturé, de

rang fini.

2. Tout pro-p-groupe p-valué de rang fini est un groupe de Lie p-adique compact sans

torsion.

3. Tout groupe p-valué complet est un groupe de Lie p-adique.

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Thong Nguyen Quang Do 81

4. Un groupe topologique est un groupe de Lie p-adique si, et seulement si, il contient un

sous-groupe ouvert qui est un pro-p-groupe puissant.

5. La catégorie des groupes de Lie p-adiques est stable par extension.

(pour les définitions manquantes, voir e.g. [Ser95]).

Exemples d’extensions admissibles :

1. Un groupe de Lie p-adique abélien compact G étant de la forme H × Zdp, H fini, la

conjecture de Leopoldt pour F entraîne que G est le groupe de Galois d’une extension

admissible abélienne F∞/F si et seulement si d = 1, i.e. G est un groupe de Lie p-adique

abélien de dimension 1.

2. Si K est un extension galoisienne finie totalement réelle de F , l’extension Kcyc/F est

admissible et son groupe de Galois est un groupe de Lie p-adique de dimension 1.

3. Prenons F∞ = MΣ = la pro-p-extension abélienne Σ-ramifiée maximale de Fcyc. Il est

connu par la théorie d’Iwasawa classique que H = Gal(MΣ/Fcyc) n’a pas de sous-Λ(Γ)-

module fini non nul, ce qui est équivalent à dire que la dimension projective de H sur

Λ(Γ) est au plus égale à 1. Si l’on suppose en outre que l’invariant µ de X est nul,

alors H ≃ Zλp en tant que Zp-module et G est de dimension de Lie λ + 1. Si de plus

λ = 1 (comme c’est le cas pour F = Q(µ37)+), G ≃ Zp ⋉ Γ et l’extension F∞/F est

communément appelée « fausse courbe de Tate ».

4. La nullité de l’invariant µ de Gal(MΣ/Fcyc) va nous permettre de construire (avec l’aide

de G. Perbet) une infinité d’exemples presque généraux. Il est connu que µ = 0 si et

seulement si le groupe de Galois sur Fcyc de la pro-p-extension Σ-ramifiée maximale

FΣ de F est pro-p-libre (sur λ générateurs). Soit P un pro-p-groupe p-valué au sens

de Lazard, et dont le nombre minimal de générateurs soit inférieur ou égal à λ. Alors

P est un quotient de Gal(FΣ/Fcyc) ; notons L/Fcyc l’extension galoisienne de groupe

P ainsi obtenue. L’extension L/F n’est pas a priori galoisienne. Soit F∞ sa clôture

galoisienne, qu’on peut décrire ainsi : pour tout σ ∈ Γ, choisissons un relèvement σ de σ

à GΣ(p) ≃ HΣ(p) ⋉ Γ, où GΣ(p) (resp. HΣ(p)) désigne le groupe de Galois sur F (resp.

Fcyc) de la pro-p-extension Σ-ramifiée maximale de F (resp. Fcyc) ; par construction,

l’extension F∞/Fcyc est la composée de toutes les extensions de Fcyc obtenues à partir

de L par conjugaison par tous les σ quand σ décrit Γ. Le groupe Gal(σ(L)/Fcyc) est le

conjugué σP σ−1. Notons ω : P −→ R∗+ ∪ ∞ la filtration du groupe p-valué P (voir

e.g. [Ser95]) et définissons une filtration ωeσ sur σP σ−1 par ωeσ(σxσ−1) = ω(x), ce qui

fait de σP σ−1 un groupe p-valué. Notons que les filtrations ω et ωeσ ont même image, et

qu’elles sont automatiquement discrètes car P est de rang fini. En notant πeσ la surjection

canonique Gal(F∞/Fcyc) ։ σP σ−1, on peut définir sur Gal(F∞/Fcyc) une filtration Ω

telle que Ω(x) = Infeσ(ωeσ(πeσ(x))) = mineσ

(ωeσ(πeσ(x))) (ici inf = min parce que l’image de

ωeσ est discrète). En résumé : Gal(F∞/Fcyc) est un pro-p-groupe p-valué de filtration Ω.

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82 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

Comme la catégorie des groupes de Lie p-adiques est stable par extension, Gal(F∞/F )

est également un groupe de Lie p-adique.

2.2. Le contexte K-théorique. — La (CPE) va s’énoncer dans le contexte de la localisa-

tion des groupes de K-théorie en basses dimensions, plus précisément d’une suite exacte :

K1(Λ(G)) // K1(Λ(G)S)∂S

// K0(Λ(G),Λ(G)S ) // K0(Λ(G)) // K0(Λ(G)S) .

Dans cette section, nous utiliserons librement les rappels de K-théorie faits dans l’exposé de

W. Bley ([Ble12],§2) quitte à modifier quelques notations ou apporter quelques compléments.

2.2.1. Localisation d’un anneau par rapport à un ensemble de Øre. — La construction du

localisé d’un anneau (associatif) commutatif R par rapport à un ensemble multiplicatif S ⊂ R,

contenant 1, est bien connue. Si R n’est pas commutatif, le procédé reste immédiatement

valable si S est central. Si S n’est pas central, on introduit la

Définition 2.2. — Un ensemble multiplicatif S ⊂ R, contenant 1, est appelé ensemble de

Øre à gauche (resp. à droite) s’il vérifie les propriétés suivantes :

1. ∀r ∈ R,∀s ∈ S, Sr ∩Rs 6= ∅ (resp. rS ∩ sR 6= ∅)

2. Si s ∈ R vérifie rs = 0 (resp. sr = 0) pour un certain s ∈ S, il existe s′ ∈ S tel que

s′r = 0 (resp. rs′ = 0).

Si S ⊂ R est un ensemble de Øre à gauche (resp. à droite), on peut construire un anneau

localisé à gauche (resp. à droite) S−1R (resp. RS−1) vérifiant les propriétés universelles ha-

bituelles. Ces dernières impliquent, si S est de Øre à gauche et à droite, l’existence d’un

isomorphisme naturel S−1R∼

−→ RS−1.

Pour tout R-module à gauche (resp. à droite) M , pour tout ensemble de Øre S à gauche (resp.

à droite), on peut construire le localisé à gauche (resp. à droite) S−1M = S−1R⊗RM (resp.

MS−1 = M ⊗R RS−1). Notons que le foncteur M S−1M (resp. M MS−1) est exact.

2.2.2. Le K0 relatif et la suite exacte de localisation. — Si S ⊂ R est un ensemble de

Øre, à gauche disons, on dispose d’au moins trois définitions équivalentes du groupe rela-

tif K0(R,S−1R) :

1. Soit iS : R −→ S−1R l’homomorphisme canonique défini par la localisation en S. Alors

K0(R,S−1R) est par définition K0(R, iS) ([Ble12], §2.3).

2. Soit HS la catégorie des R-modules de type fini, de dimension projective finie, et qui

sont en plus de S-torsion (un R-module M est de S-torsion si S−1M = 0). On note

K0(HS) le groupe de Grothendieck de la catégorie HS , défini de la façon habituelle par

générateurs et relations.

3. Soit CS la catégorie des complexes bornés de R-modules noetheriens projectifs, et dont la

cohomologie est de S-torsion. On note K0(CS) le groupe de Grothendieck de la catégorie

CS .

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Thong Nguyen Quang Do 83

Exercice 1. — : K0(R,S−1R) = K0(R, iS) ≃ K0(HS) ≃ K0(CS) (ces isomorphismes peuvent

être décrits explicitement ; voir [Kak10], juste après la définition 4). On peut maintenant

énoncer le théorème de localisation de Bass-Berrick-Keating :

Théorème 2.3. — Soit R un anneau (associatif) et soit S ⊂ R un ensemble de Øre à gauche,

ne contenant pas de diviseur de 0. On a une suite exacte canonique :

K1(R) // K1(S−1R)

∂S// K0(R,S

−1R) // K0(R) // K0(S−1R)

On a une description explicite de ∂S (voir [Ble12], §2.4) : ∂S envoie α ∈ K1(S−1R) sur

[Rn, α, Rn], où α est un relèvement quelconque de α dans GLn(S−1R) ⊂ GL∞(S−1R).

2.2.3. L’ensemble de Øre canonique. — Retournons à la situation arithmétique, avec les

mêmes notations que depuis le début de ce §2. Prenons pour R l’algèbre d’Iwasawa Λ(G) (ou

plus généralement ΛO(G), O étant l’anneau des entiers d’une extension finie de Qp ; les raison-

nements et résultats seront les mêmes que pour Λ(G)). Suivant Coates et al. ([CFK+05],§2)

introduisons l’ensemble de Øre canonique S = S(G,H) :

Définition 2.4. — S = S(G,H) est l’ensemble des f ∈ Λ(G) tels que Λ(G)/Λ(G)f soit un

Λ(H)-module de type fini.

Citons sans démonstration (voir [CFK+05], [Kak10]) les propriétés suivantes :

1. S est un ensemble de Øre à gauche et à droite. On notera Λ(G)S au lieu de S−1Λ(G)

ou Λ(G)S−1.

2. On a Λ(G) → Λ(G)S et Λ(G)×S ։ K1(Λ(G)S).

3. L’algèbre localisée Λ(G)S est semi-locale.

4. Un Λ(G)-module M est de S-torsion si et seulement si M est de type fini sur Λ(H).

5. S ne contient pas de diviseurs de 0 donc on a une suite exacte

K1(Λ(G)) // K1(Λ(G)S)∂S

// K0(Λ(G),Λ(G)S ) // K0(Λ(G)) // K0(Λ(G)S) .

Une simplification importante du 5 réside dans le lemme suivant :

Lemme 2.5. — L’homomorphisme de connexion ∂S est surjectif, i.e. l’on a une suite exacte

K1(Λ(G)) // K1(Λ(G)S)∂S

// K0(Λ(G),Λ(G)S ) // 0 .

(voir e.g. [Kak10], lemma 5).

La surjectivité énoncée dans le lemme 2.5 permet d’associer à toute classe [M ] ∈ K0(Λ(G),Λ(G)S )

un « élément caractéristique » fM ∈ K1(Λ(G)S) tel que ∂S(fM ) = [M ]. C’est déjà une amorce

de (CPE), comme le montre l’étude du cas particulier classique où G = Γ.

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84 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

2.2.4. Le cas particulier G = Γ. — Dans ce cas, H = (1) et Λ = Zp[[T ]] est l’algèbre

d’Iwasawa classique. Pour tout f ∈ Λ \ (0), il est immédiat que Λ/Λf est de type fini si et

seulement si p ∤ f , donc l’ensemble canonique n’est autre que Λ \ pΛ. De plus, la catégorie

HS introduite dans 2.2.2 n’est autre que la catégorie des Λ-modules noetheriens de torsion

dont « la » série caractéristique n’est pas divisible par p (i.e. d’invariant µ nul). Comme

l’image d’un Λ-module fini (pseudo-nul) dans K0(HS) est nulle (Schneider-Venjakob), si M

est pseudo-isomorphe àr⊕

i=1

Λ/Λfi, p ∤ fi, alors [M ] =r∑

i=1

[Λ/Λfi] et la description explicite

de ∂S montre que ∂S(fM) = [M ], où fM =∏mi=1 fi est « la » série caractéristique de M .

2.2.5. Le point de vue de Ritter-Weiss. — Ritter et Weiss introduisent et étudient une CPE

correspondant à une extension admissible dont le groupe de Galois est de dimension de Lie

égale à 1. Ils localisent l’algèbre Λ(G) par rapport à l’ensemble S des non-diviseurs de zéro

appartenant au centre de Λ(G). Le localisé Λ(G)S n’est alors autre que l’anneau total des

fractions Q(Λ(G)), et le groupe relatif K0(Λ(G), Q(Λ(G))), noté habituellement K0T (Λ(G)),

n’est autre que le groupe de Grothendieck K0(HS) de la catégorie des Λ(G)-module noethe-

riens de torsion qui sont de dimension projective finie. La suite exacte de localisation s’écrit

dans ce cas :

K1(Λ(G)) // K1(Q(Λ(G)))∂

// K0T (Λ(G)) // K0(Λ(G)) // K0(Q(Λ(G))) .

2.3. L’objet arithmétique. — Comme depuis le début, l’objet arithmétique central est

X = Gal(M∞/F∞), où M∞ est la pro-p-extension abélienne Σ-ramifiée maximale de F∞. Il

est connu que X est un Λ(G)-module noetherien de torsion (Ochi-Venjakob). Si le groupe

de Lie p-adique G est sans p-torsion, X est un module de Λ(G)-dimension projective finie,

auquel on peut alors associer des invariants fonctoriels intéressants tels que son idéal de Fitting

initial ou sa caractéristique d’Euler-Poincaré (voir [CFK+05]). Mais ce n’est plus le cas en

général si G possède de la p-torsion. L’idée est de remplacer X par un complexe parfait de

Λ(G)-modules qui, en quelque sorte, « approxime » X tout en possédant une interprétation

K-théorique.

2.3.1. Le complexe canonique. — On note C(F∞/F ) le complexe de cohomologie étale

RHom(RΓét(Spec(OF∞[1/Σ]),Qp/Zp),Qp/Zp), où Qp/Zp est le faisceau constant correspon-

dant au groupe abélien Qp/Zp sur le site étale Spec(OF∞[1/Σ]). Comme Qp/Zp est une limite

inductive de p-groupes on a une interprétation peut-être plus familière en termes de cohomo-

logie galoisienne :

RΓét(Spec(OF∞[1/Σ]),Qp/Zp) ≃ RΓ(Gal(FΣ/F∞),Qp/Zp),

où FΣ est l’extension Σ-ramifiée maximale de F . Rappelons quelques propriétés essentielles

du complexe C(F∞/F ) (voir e.g. [FK06]) :

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Thong Nguyen Quang Do 85

– Le complexe C(F∞/F ) est parfait, i.e. quasi-isomorphe à un complexe borné de Λ(G)-

modules noetheriens projectifs. Par abus de langage, on confondra souvent un tel quasi-

isomorphisme avec une égalité dans la catégorie dérivée.

– Le complexe est acyclique sauf en degré 0 et −1, i.e. H i(C(F∞/F )) = 0 si i 6= 0,−1. Plus

précisément H0(C(F∞/F )) = Zp et H−1(C(F∞/F )) = X.

– dans un langage peut-être plus familier, l’existence du complexe C(F∞/F ) équivaut à l’exis-

tence (qui est un résultat de cohomologie galoisienne) d’une suite exacte de Λ(G)-modules

(1) 0 // X // Y // Λ(G)aug

// Zp // 0,

où aug dénote l’augmentation et Y = Y (F∞/F ) est un certain Λ(G)-module canonique de

dimension projective ≤ 1 ([NQD84], [RW02b]).

Pour avoir un interprétation K-théorique du complexe C(F∞/F ), il faut imposer une condition

supplémentaire à l’extension F∞/F .

2.3.2. Condition « µ = 0 ». — On suppose que l’extension admissible F∞/F est telle qu’il

existe un pro-p-sous-groupe ouvert H ′ tel que le groupe de Galois sur FH′

∞ de la pro-p-extension

abélienne Σ-ramifiée maximale de FH′

∞ soit un Zp-module de type fini.

Cette condition n’est qu’un cas particulier de la conjecture classique d’Iwasawa qui stipule que

pour toute extension finie K/Q, le groupe de Galois sur Kcyc de la pro-p-extension abélienne

Σ-ramifiée maximale de Kcyc a un invariant µ nul ; si l’extension K/Q est abélienne, c’est le

théorème de Ferrero-Washington.

Par inflation-restriction on montre facilement le

Lemme 2.6. — X = Gal(M∞/F∞) est de type fini sur Λ(H) si et seulement si F∞/F vérifie

la condition « µ = 0 ». (On rappelle que H = Gal(F∞/Fcyc).)

Donc, si l’extension admissible F∞/F vérifie « µ = 0 » (ce qu’on supposera désormais), le

complexe C(F∞/F ) est de S-torsion. D’après le §2.2, sa classe dans le groupeK0(Λ(G),Λ(G)S )

existe, et sera notée [C(F∞/F )] : c’est l’objet arithmétique de la CPE.

Exercice 2. — : si X est de dimension projective finie (e.g. si G est sans p-torsion) montrer

que [C(F∞/F )] = [Zp] − [X].

2.3.3. Le point de vue de Ritter-Weiss. — Si G est de dimension 1 (i.e. H est fini), Ritter-

Weiss placent la suite exacte (1) dans un diagramme commutatif

Λ(G)=

//

ψ

Λ(G)

ψ′

X // Y // Λ(G)

aug// // Zp,

tel que augψ′ = 0. La classe Σ ∈ K0T (Λ(G)) définie par Σ = [Cokerψ] − [Cokerψ′] est

indépendante du choix de (ψ,ψ′). Elle est notée S dans [RW06] et c’est l’objet arithmétique

de la CPE en dimension 1 selon Ritter-Weiss.

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86 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

Exercice 3. — : le morphisme naturel K0(Λ(G),Λ(G)S ) −→ K0T (Λ(G)) envoie [C(F∞/F )]

sur −Σ.

2.4. L’objet analytique. — On a vu au §1.3 que, pour un groupe G = Gal(F∞/F ) abélien

de dimension 1, la pseudo-mesure de Deligne-Ribet ζΣ(F∞/F ), qui « connaît » toutes les

fonctions LΣ,p(s, ψ), vit dans l’anneau total des fractions QΛ(G), plus précisément dans le

localisé Λ(G)(p). Si en outre « µ = 0 », ζΣ(F∞/F ) est une unité du localisé, noté Λ(G)• dans

[RW06], obtenu en inversant tous les éléments centraux de Λ(G) qui sont réguliers (= non

diviseurs de 0) dans Λ(G)/pΛ(G). But : généraliser ζΣ(F∞/F ) à toute extension admissible

F∞/F .

2.4.1. — Pour toute représentation d’Artin (i.e. à noyau ouvert) ρ de G sur Qp, pour tout

plongement ν : Qp −→ C, notons LΣ(s, ν ρ) la fonction L archimédienne privée des facteurs

euleriens correspondant aux places finies de Σ. Un théorème classique de Siegel dit que,

pour tout entier positif impair n, la valeur LΣ(1 − n, ν ρ) est un nombre algébrique ; si

le plongement ν est remplacé par un autre plongement, ce nombre algébrique est remplacé

par un conjugué dans Q, mais Siegel a en fait montré qu’il existe un choix canonique de ce

conjugué, de sorte qu’on peut parler de « la » valeur algébrique LΣ(1 − n, ρ), qui dépend du

caractère (encore noté ρ) de la représentation d’Artin. Comme pour les caractères (abéliens)

ψ de dimension 1, on peut alors chercher à interpoler ces valeurs algébriques par une fonction

p-adique LΣ,p(s, ρ). C’est ce qu’a fait Greenberg ([Gre83]), par induction de Brauer à partir

de fonctions LΣ,p(s, ψ).

Pour toute extension finie L/Qp, d’anneau d’entiers O, définissons maintenant une fonction :

K1(Λ(G))S −→ L∪∞, f 7→ f(ρ) qui nous permettra de parler de la valeur d’un élément du

K1(localisé) « en ρ », où ρ est un homomorphisme continu de G dans GLn(O). Une telle re-

présentation induit un homomorphisme d’anneaux de Λ(G) dans Mn(ΛO(Γ)), définie par σ 7→

ρ(σ)σ, où σ est l’image de σ dans Γ. Il est montré dans [CFK+05] que cet homomorphisme

s’étend en un homomorphisme de Λ(G)S dans Mn(QO(Γ)) (où QO(Γ) est le corps des fractions

de ΛO(Γ)), qui induit à son tour un homomorphisme ϕρ : K1(Λ(G)S) −→ K1(Mn(QO(Γ))).

Par équivalence de Morita, K1(Mn(QO(Γ))) ≃ K1(QO(Γ)) ≃ QO(Γ)×. Considérons par

ailleurs l’augmentation ΛO(Γ) −→ O, dont le noyau est un idéal premier ℘. Par localisa-

tion en ℘, nous obtenons un homomorphisme aug : ΛO(Γ)℘ −→ L, que nous pouvons étendre

en aug : QO(Γ) −→ L ∪ ∞ envoyant tout x ∈ QO(Γ) \ ΛO(Γ)℘ sur ∞. En composant

ϕρ avec aug, nous obtenons l’homomorphisme cherché K1(Λ(G))S −→ L ∪ ∞, f 7→ f(ρ).

Cet homomorphisme possède certaines propriétés fonctorielles qui interviendront dans la par-

tie « théorie des groupes » de la démonstration de la CPE, et pour lesquelles on renvoie à

[CFK+05] ou [Kak10].

2.4.2. — La première propriété exigée de l’hypothétique pseudo-mesure ζΣ(F∞/F ) est alors :

(P1) Soit F∞/F une extension admissible, et soient Σ, S les ensembles précédemment associés

à F∞/F . Il existe ζΣ(F∞/F ) ∈ K1(Λ(G)S) tel que, pour tout caractère d’Artin ρ de G, pour

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Thong Nguyen Quang Do 87

tout entier positif n divisible par (p− 1), on ait :

ζΣ(F∞/F )(ρκnF ) = LΣ(1 − n, ρ)

(P1) est une propriété d’interpolation, mais globale (par opposition à « caractère par carac-

tère ») : la pseudo-mesure ζΣ « connaît » toutes les fonctions LΣ,p(s, ρ), ρ parcourant les

caractères d’Artin de G. Pour mieux insister sur la nature globale de ζΣ, revenons au cas

où G est de dimension 1, abélien, i.e. G ≃ H × Γ, avec H fini (mais d’ordre pas forcément

premier avec p). Avec les notations du §1.3, on voit sans difficulté que pour tout caractère

ψ ∈ G, l’image ψ(ζΣ) = Gψ,Σ(T )/Hψ(T ) vit dans le localisé Oψ[[T ]]×℘ψ , où Oψ = Zp[ψ]

et ℘ψ est l’idéal maximal de Oψ (pour des détails voir §2.7 ci-dessous), et donc l’élément∏ψ∈ bG ψ(ζΣ) de

∏ψ∈ bGOψ[[T ]]×℘ψ « connaît » aussi toutes les fonctions LΣ,p(s, ψ). Mais c’est

un élément « semi-simplifié », pas global. L’approche de Ritter-Weiss apporte là-dessus un

éclairage peut-être plus fonctoriel :

2.4.3. Le point de vue de Ritter-Weiss. — Dans toute cette sous-section, G sera de dimension

1, mais pas forcément abélien, donc G ≃ Γ ⋉H, avec H fini, non forcément abélien. D’après

Greenberg ([Gre83]), pour tout caractère ψ de G, la construction de la fonction LΣ,p(s, ψ)

se fait comme dans le §1.3, i.e. LΣ,p(1 − s, ψ) = Gψ,Σ(us − 1)/Hψ(us − 1) (c’est indépendant

du choix de u). Soit Irrp(G) l’ensemble des caractères p-adiques irréductibles d’ordre fini

de G, et soit Rp(G) l’anneau des caractères virtuels de G. Suivant [RW04], introduisons

l’élément LF,Σ ∈ Hom(Rp(G), (Qp ⊗ QΛ(Γ))×) défini par LF,Σ(ψ) = Gψ,Σ(γ − 1)/Hψ(γ −

1) (c’est indépendant du choix de γ). En fait on vérifie directement sur la définition que

l’homomorphisme LF,Σ appartient au sous-groupe Hom∗(Rp(G), (Qp ⊗ QΛ(Γ))×) formé des

f : Rp(G) −→ (Qp⊗QΛ(Γ))× tels que f(ψσ) = f(ψ)σ pour tout σ ∈ Gal(Qp/Qp) et f(ψ⊗ρ) =

ρ#(f(ψ)) pour tout caractère ρ de type W (où ρ# est l’automorphisme de Qp ⊗ QΛ(Γ)

défini par ρ#(γ) = ρ(γ).γ). En utilisant la « description Hom » des algèbres de groupes à

la Fröhlich, Ritter-Weiss montrent que cent(QΛ(G))× s’identifie canoniquement au groupe

Hom∗ précédent, et donc que la norme réduite Nr : K1(QΛ(G)) −→ cent(QΛ(G))× peut être

vue comme un homomorphisme, noté det, de K1(QΛ(G)) dans Hom∗(Rp(G), (Qp ⊗QΛ(Γ)))

([RW04], theorem 8). Dans ce langage, la propriété (P1) est remplacée par :

(P ′1) Il existe ΘΣ ∈ K1(QΛ(G)) tel que det(ΘΣ) = LF,Σ. Si « µ = 0 », ΘΣ appartient en fait

à K1(Λ(G)•), où Λ(G)• est obtenu à partir de Λ(G) en inversant tous les éléments centraux

qui sont réguliers modulo p.

2.5. Énoncé de la CPE. — La CPE (ou CPNC) relie fonctoriellement les deux objets

algébrique et analytique

2.5.1. — Avec les notations précédentes :

(CPE) Soit F∞/F une extension admissible, vérifiant l’hypothèse « µ = 0 ». Il existe un

(unique) élément ζΣ(F∞/F ) ∈ K1(Λ(G)S) tel que :

(i) Pour tout caractère d’Artin ρ de G, pour tout entier positif n divisible par (p − 1),

ζΣ(F∞/F )(ρκnF ) = LΣ(1 − n, ρ)

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88 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

(ii) Le morphisme de liaison ∂S : K1(Λ(G)S) −→ K0(Λ(G),Λ(G)S ) envoie ζΣ(F∞/F ) sur

−[C(F∞/F )].

2.5.2. — Dans le cas particulier de dimension 1, Ritter-Weiss ([RW04]) proposent la version

suivante :

(CPE1) Supposons en outre que G est de dimension 1. Il existe un (unique) élément ΘΣ ∈

K1(QΛ(G)) tel que det(ΘΣ) = LF,Σ et ∂(ΘΣ) = Σ, où ∂ est le morphisme de liaison

K1(QΛ(G)) −→ K0T (Λ(G)).

2.5.3. Sur l’unicité. — Sauf dans des cas particuliers (comme dans le cas commutatif, voir

§2.6), l’unicité de la pseudo-mesure ζΣ(F∞/F ) ∈ K1(Λ(G)S) n’est pas connue.

Dans le cas où G est de dimension 1, l’unicité équivaut à Ker(Nr) = SK1(QΛ(G)) = (1)

(voir [RW04], remark E). Une conjecture de Suslin prédit que SK1(A) = (1) pour toute

algèbre centrale simple A sur un corps de dimension cohomologique ≤ 3. Or le corps QΛ(Γ)

est de dimension cohomologique 3 d’après un résultat de Kato, et donc le corps cent(QΛ(G))

possède la même propriété.

En dimension supérieure, M. Kakde ([Kak10], 2.5) propose de regarder l’unicité non plus

dans K1(·), mais dans K ′1(·) = K1(·)/SK1(·). Plus précisément, définissons SK1(ΛO(G) :=

lim← U

SK1(O(G/U)) = lim← U

Ker(K1(O[G/U ]) −→ K1(L[G/U ])), U parcourant les sous-groupes

ouverts de G, et désignons par SK1(ΛO(G)S) l’image de SK1(ΛO(G)) par l’homomorphisme

naturel K1(ΛO(G)) −→ K1(ΛO(G)S), d’où une suite exacte de localisation

K ′1(Λ(G)) // K ′1(Λ(G)S)∂S

// K0(Λ(G),Λ(G)S ) // 0

La CPE modifiée s’énonce ainsi :

(CPE’) Soit F∞/F une extension admissible, vérifiant l’hypothèse « µ = 0 ». Il existe un

unique élément ζΣ(F∞/F ) ∈ K ′1(Λ(G)S) tel que

– Pour tout caractère d’Artin ρ de G, pour tout entier positif n divisible par (p − 1),

ζΣ(F∞/F )(ρκnF ) = LΣ(1 − n, ρ)

– Le morphisme de liaison

∂S : K ′1(Λ(G)S) −→ K0(Λ(G),Λ(G)S )

envoie ζΣ(F∞/F ) sur −[C(F∞/F )].

On peut bien entendu énoncer aussi une conjecture (CPE’1) à la Ritter-Weiss.

Exercice 4. — : avec les notations du §2.4, montrer que SK1(Λ(G)S) = Ker ∂S∩(∩ρ(augϕρ)),

ρ parcourant toutes les représentations d’Artin de G (voir [Bur10]).

Ce résultat permet de montrer qu’en dimension 1, la conjecture (CPE1) (sans l’assertion

d’unicité) entraîne la conjecture (CPE’1). En effet, dans la formulation de la (CPE’1), les

conditions det(ΘΣ) = LF,Σ et ∂•(ΘΣ) = Σ (où ∂• désigne évidemment le morphisme de liai-

son K1(Λ(G)•) −→ K0(Λ(G),Λ(G)•) montrent que ΘΣ est unique modulo Ker ∂•∩Ker det =

SK1(Λ(G)S) d’après l’exercice 3 et le §2.6 ci-après.

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Thong Nguyen Quang Do 89

2.6. Comparaison des conjectures (CPE) et (CPE1) en dimension 1. — On se

propose de montrer qu’en dimension 1, les conjectures (CPE) et (CPE1) coïncident. Supposons

donc que dimG = 1, i.e. H est fini. Un Λ(G) module noetherien est alors de S-torsion si et

seulement si c’est un Zp-module de type fini, ou, de façon équivalente, il est annulé par un

élément de Λ(Γ) \ pΛ(Γ), pour un certain sous-groupe ouvert Γ ≃ Zp de G. Il en résulte que

K0(Λ(G),Λ(G)S ) = K0(Λ(G),Λ(G)•), d’où un diagramme commutatif

K1(Λ(G)) // K1(Λ(G))•

∂•// K0(Λ(G),Λ(G)•)

K1(Λ(G)) // K1(Λ(G))S

∂S// K0(Λ(G),Λ(G)S )

nat

K1(Λ(G)) // K1(QΛ(G))∂

// K0T (Λ(G))

L’équivalence de (CPE) et (CPE1) résulte immédiatement d’une chasse dans ce diagramme

et de l’égalité nat([C(F∞/F )]) = −Σ (exercice 2).

Remarque 2.7. — On verra plus loin (proposition 3.2 de la section 3.2) un résultat beaucoup

plus fort, à savoir l’équivalence des conjectures (CPE’) et (CPE’1).

2.7. Comparaison de la (CPE1) commutative et de la (CPC). — Si G est abélien de

dimension 1, la (CPE1) est une amélioration équivariante de la (CPC) (ou théorème de Wiles).

Elle a été prouvée par Ritter et Weiss dans [RW02b]. On va en redonner une démonstration

suivant [Kak10], §3, dans le contexte de la (CPE) (voir l’énoncé 2.5.1), et qui aura le mérite

de souligner clairement la différence entre les points de vue équivariant et « semi-simplifié ».

Théorème 2.8. — Si G est un groupe de Lie p-adique de dimension 1, abélien, la (CPE1)

est vraie.

Rappel : si le corps totalement réel F vérifie la conjecture de Leopoldt et si G = Gal(F∞/F )

est abélien, alors G est nécessairement de dimension 1.

Démonstration. — Soit F∞/F une extension admissible telle queG = Gal(F∞/F ) soit abélien

de dimension 1. Alors G ≃ H × Γ avec H = Gal(F∞/Fcyc) fini abélien. Pour tout caractère

d’Artin ρ de G, notons Oρ = Zp[ρ], πρ = une uniformisante de Oρ, Fρ = le corps fixe

de Ker ρ, Mρ = la pro-p-extension abélienne maximale de FρFcyc non ramifiée hors de Σ,

Xρ = Gal(Mρ/FρFcyc). Soit ζΣ = ζΣ(F∞/F ) la pseudo-mesure de Deligne-Ribet associée à G

(voir §1.3).

Lemme 2.9. — ζΣ est une unité de Λ(G)S .

En effet, décomposons H sous la formeH = H ′×Hp oùHp est le p-sous-groupe de Sylow deH.

Alors Λ(G)S∼

−→⊕

ψ∈ bH′ ΛOψ(Hp × Γ)S , H ′ désignant l’ensemble des caractères irréductibles

de H ′. Chaque composante ΛOψ(Hp × Γ)S est un anneau local d’idéal maximal Mψ = x ∈

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90 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

ΛOψ(Hp×Γ)S;1(x) ∈ πψΛOψ(Γ)S. Or, pour tout ψ ∈ H ′, l’élément (ψ×1)(ζΣ) de ΛOψ(Γ)Sn’appartient pas à πψΛOψ(Γ)S à cause de l’hypothèse µ = 0. QED

Revenons maintenant à la démonstration du théorème 2.8. La propriété la plus difficile à mon-

trer est l’identité ∂S(ζΣ(F∞/F )) = −[C(F∞/F )] (voir 2.5.1 (ii)). Considérons le diagramme

commutatif aux lignes exactes :

1 // Λ(G)× //

θ

Λ(G)×S∂S

//

θS

K0(Λ(G),Λ(G)S )

θ0

// 0

1 //∏ψ ΛOψ(Γ)× //

∏ψ ΛOψ(Γ)×S

∂S//∏ψK0(ΛOψ(Γ),ΛOψ (Γ)S) // 0 ,

où ψ parcourt l’ensemble H des caractères irréductibles de H et les flèches verticales sont

définies naturellement. En particulier, θ0([P•]) =

([ΛOψ(Γ)

⊗L

Λ(G) P•])

ψpour tout complexe

P • de Λ(G)-modules dont la cohomologie est de S-torsion. Notons [C•ψ] la composante en ψ

de θ0([C(F∞/F )]). La cohomologie du complexe C•ψ est donnée par :

H i(C•ψ) =

0 si i 6= 0,−1

Xψ si i = −1

Zp si i = 0 et ψ = 1

0 si i = 0 et ψ 6= 1

La (CPC) (théorème de Wiles) dit que ∀ψ ∈ H, ∂(ψ(ζΣ)) = −[C•ψ], et donc la ligne exacte

inférieure peut-être vue comme une version semi-simplifiée de l’énoncé 2.5.1 (ii). Pour montrer

l’énoncé « global », il suffit, compte-tenu du lemme 2.9 et du diagramme commutatif précé-

dent, de montrer l’injectivité de θ0. Or θ et θS sont injectifs par construction, donc il suffira,

par le lemme du serpent, de montrer que Coker θ s’injecte dans Coker θS. Soit x ∈ Λ(G)×S

tel que θS(x) = (xψ) ∈∏ψ ΛOψ(Γ)×. Alors x =

1

|H|

∑h∈H h(

∑ψ∈ bH xψψ(h−1)) et donc

x ∈ Λ(G)[1/p] ∩ Λ(G)S = Λ(G). De même, x−1 ∈ Λ(G), donc x ∈ Λ(G)×. On a ainsi montré

que Coker θ s’injecte dans Coker θS , ce qui achève la preuve de 2.5.1 (ii). Il reste à montrer

la propriété d’interpolation p-adique pour toute représentation d’Artin ρ de G. On peut évi-

demment se ramener au cas où ρ est irréductible, donc de dimension 1 puisque G est abélien.

Mais alors il ne reste rien à montrer, puisque aussi bien l’interpolation p-adique que l’unicité

de la pseudo-mesure sont assurées par le théorème de Deligne-Ribet.

3. Schéma de démonstration de la CPE’

La CPE (sans l’assertion d’unicité) a été démontrée par Ritter-Weiss ([RW11]) et, indépen-

damment, la CPE’ par M. Kakde ([Kak10]). La preuve de Kakde étant à notre avis tech-

niquement plus simple à suivre, c’est son principe que nous allons exposer ici. Les notations

générales restent celles du §2.

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Thong Nguyen Quang Do 91

3.1. La stratégie de Burns-Kato. — Technique mise à part, il est clair que toute tentative

de démonstration de la CPE doit commencer par :

– une description aussi précise que possible des groupes K1(Λ(G)) et K1(Λ(G))S– puisque l’objet arithmétique [C(F∞/F )] est déjà donné, une étude de l’existence de l’objet

analytique ζΣ(F∞/F ).

En restant un peu vague, on peut dire que la stratégie de Burns-Kato pour atteindre ces deux

objectifs consiste à se ramener à des sous-quotients abéliens de G auxquels on applique la CPC

(théorème de Wiles) avant de recoller ensemble les informations abéliennes ainsi obtenues.

Kato ([Kat05]) en a donné les modalités précises pour étudier K1(Λ(G)) et K1(Λ(G)S),

puis Burns (aux journées Iwasawa 2006 de Limoges) des modalités analogues pour construire

ζΣ(F∞/F ). Précisons maintenant la stratégie de Burns-Kato.

Soit I une famille de paires (U, V ), où U est un sous-groupe ouvert de G et V un sous-groupe

ouvert de H, distingué dans U et tel que le quotient U/V soit abélien. Pour tout (U, V ) ∈ I,

on a un homomorphisme composé

θU,V : K1(Λ(G))NG,U−→ K1(Λ(U))

nat−→ K1(Λ(U/V )) = Λ(U/V )× ,

où NG,U est la norme en K-théorie. Si S désigne l’ensemble de Øre canonique pour G et (par

abus de langage) pour U/V , on a de même θS,U/V : K1(Λ(G)S) −→ Λ(U/V )×S . Posons :

θ = (θU/V )I : K1(Λ(G)) −→∏

(U,V )∈I

Λ(U/V )× et

θ = (θS,U/V )I : K1(Λ(G)S) −→∏

(U,V )∈I

Λ(U/V )×S .

L’idée est qu’un choix judicieux de I permettrait de décrire les images de θ et θS, et même,

si I est « assez gros », d’avoir l’injectivité de θ. Pour cerner les images, on introduit deux

sous-groupes Φ ⊂∏I Λ(U/V )× et ΦS ⊂

∏I Λ(U/V )×S tels que Φ = ΦS ∩

∏I Λ(U/V )×S , et

pour faire le lien avec θ, θS et I on impose les conditions suivantes :

(θ1) Im θ = Φ

(θ2) Im θS ⊂ ΦS

(θ3) Pour toute représentation d’Artin ρ de G, ρ est une Z-combinaison linéaire (finie) de

représentation induites IndGUj (χj), où (Uj , Vj) ∈ I et χj est un caractère d’ordre fini de

Uj/Vj .

Alors :

Proposition 3.1. — Soit F∞/F une extension admissible vérifiant « µ = 0 ». S’il existe

θ, θS, I vérifiant les conditions (θ1), (θ2), (θ3) et si (ζΣ(F V∞/FU∞)I ∈ ΦS, alors ζΣ(F∞/F ) existe

et vérifie ∂S(ζΣ(F∞/F )) = −[C(F∞/F )]. Si de plus θ est injectif, ζΣ(F∞/F ) est unique.

Démonstration. — Supposons (ζΣ(F V∞/FU∞))I ∈ ΦS et prenons f ∈ K1(Λ(G))S tel que

∂S(ζΣ(F∞/F )) = −[C(F∞/F )].

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92 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

En posant fU,V = θS,U/V (f), on a (fU,V )I ∈ ΦS d’après (θ2). Mais l’homomorphisme naturel

K0(Λ(G),Λ(G)S ) −→∏

I

K0(Λ(U/V ),Λ(U/V )S)

envoie [C(F∞/F )] sur ([C(F V∞/FU∞)])I , donc ∂(fU,V ) = −[C(F V∞/F

U∞)] pour tout (U, V ) ∈ I,

d’après Wiles. Cela équivaut à f−1U,V ζΣ(F V∞/F

U∞) ∈ Λ(U/V )× pour tout (U, V ) ∈ I, et comme

l’élément v = (f−1U,V ζΣ(F V∞/F

U∞))I appartient aussi à ΦS, la relation entre Φ et ΦS donne

v ∈ Φ, et la condition (θ1) fournit un u dans K1(Λ(G)S) tel que θ(u) = v. Par abus de

langage, notons encore u l’image de u dans K1(Λ(G)S) et montrons que uf est la pseudo-

mesure ζΣ(F∞/F ) cherchée. Nous avons déjà ∂S(uf) = −[C(F∞/F )]. Reste à montrer la

propriété d’interpolation en utilisant la condition (θ3). Soit ρ un caractère d’Artin de G.

D’après (θ3), ρ =∑

j nj IndGUj (χj). Pour tout entier positif n divisible par (p − 1), on a :

ζΣ(F∞/F )(ρκnF ) =∏

j

ζΣ(IndGUj (χj)κnF )nj

=∏

j

ζΣ(IndGUj (χjκn

FUj∞

))nj

=∏

j

ζΣ(FVj∞ /F

Uj∞ )(χjκ

n

FUj∞

)nj = LΣ(ρ, 1 − n)

Si l’on suppose que θ est injectif, l’unicité de ζΣ(F∞/F ) résulte immédiatement de l’unicité

des ζΣ(FVj∞ /F

Uj∞ ).

Au plan technique, le choix de la famille I dépend de propriétés plus ou moins maniables du

groupe G, et la construction de Φ,ΦS s’appuie sur des congruences entre les pseudo-mesures

abéliennes ζΣ(F V∞/FU∞). C’est en suivant cette stratégie que les premiers cas particuliers de la

CPE ont été démontrés par [Kat06], [Kak11], [Har10] ... Voir aussi Ritter-Weiss dans un

autre langage ([RW08a],[RW08b]).

3.2. Critères de réduction pour la CPE’. — La démarche de [Kak10] consiste, dans

une première étape algébrique, à réduire la démonstration de la CPE’ au cas où G est de

dimension 1 et à choisir des sous-quotients abéliens le plus maniables possibles.

La réduction à la dimension 1 est due à Burns ([Bur10]). Nous exposons ici la preuve de

[Kak10], thm. 21 :

Proposition 3.2. — La CPE’ est vérifiée par F∞/F si et seulement si elle est vérifiée par

toutes les sous-extensions FU∞/F correspondant à tous les sous-groupes ouverts U de H qui

sont normaux dans G.

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Thong Nguyen Quang Do 93

Démonstration. — Le passage de la CPE’ pour F∞/F à la CPE’ pour FU∞/F est clair. Inver-

sement, considérons le diagramme commutatif aux lignes exactes :

K ′1(Λ(G))

λ// K ′1(Λ(G)S)

∂S// K0(Λ(G),Λ(G)S )

// 0

lim← G

K ′1(Λ(G)) λ// lim←K ′1(Λ(G)S) // lim

←K0(Λ(G),Λ(G)S) ,

où G parcourt les quotients G/U tel que U soit un sous-groupe ouvert deH et soit normal dans

G. Un résultat algébrique de Fukaya-Kato ([FK06], proposition 1.5.1) permet de montrer que

K ′1(Λ(G)) ≃ lim←K ′1(Λ(G)). Si la CPE’ est vérifiée pour tous les quotients G, on peut trouver,

pour tout G, une unique pseudo-mesure ζG ∈ K ′1(Λ(G)S) vérifiant les propriétés requises. Soit

f ∈ K ′1(Λ(G)S) un élément caractéristique de [C(F∞/F )], i.e. vérifiant ∂S(f) = −[C(F∞/F )].

Pour tout G, soit fG l’image de f dans K ′1(Λ(G)S), et posons uG = ζGf−1G

. Les fG (resp.

les ζG) forment un système projectif par construction (resp. par la propriété d’unicité de la

CPE’), donc (uG)G ∈ lim←K ′1(Λ(G)S), et en fait (uG)G ∈ λ(lim

←K ′1(Λ(G)) par construction.

Par suite il existe u ∈ λ(K ′1(Λ(G))) qui s’envoie sur uG pour tout G. Montrons que ζΣ = uf

est la pseudo-mesure cherchée. Il est clair que ∂(ζΣ) = −[C(F∞/F )]. Pour vérifier la propriété

d’interpolation, soit ρ une représentation d’Artin de G, qui se factorise forcément à travers

un certain G. Comme ζΣ s’envoie sur ζG par passage au quotient (à cause de l’unicité de ζG),

on a, pour tout entier positif n divisible par (p− 1) :

ζΣ(ρκnF ) = ζG(ρκnF ) = LΣ(ρ, 1 − n)

La proposition 3.2 permet de se ramener au cas où G est de dimension 1, i.e. G ≃ H ⋊ Γ,

avec H fini.

Le second critère de réduction de [Kak10] va permettre de se ramener au cas « hyper-

élémentaire ».

Définition 3.3. — Soit ℓ un nombre premier. Un groupe fini P est appelé ℓ-hyper-élémentaire

si P ≃ Cm⋊P1, où Cm est le groupe cyclique d’ordre m et P1 est un ℓ-groupe fini, avec ℓ ∤ m.

Un groupe fini est appelé hyper-élémentaire s’il est ℓ-hyper-élémentaire pour un certain ℓ.

Un théorème de Dress-Wall dit que, pour tout groupe fini G, on a un isomorphismeK ′1(O[G]) ≃

lim←K ′1(O[P ]), où P parcourt les sous-groupes hyper-élémentaires de G et la lim

←est prise par

rapport aux applications de norme et aux applications induites par la conjugaison ([Kak10],

thm. 23).

Considérons maintenant un groupe de Lie p-adique compact G de dimension 1, i.e. G ≃ H⋊Γ,

avec H fini. Fixons un sous-groupe Γpe

de Γ tel que Γpe−1

opère trivialement sur H. Pour tout

sous-groupe hyper-élémentaire P de G/Γpe

, notons UP l’image réciproque de P dans G.

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94 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

Proposition 3.4. — La CPE’ est vérifiée par une extension admissible F∞/F de dimension

de Lie égale à 1 si et seulement si elle est vérifiée par toute sous-extension F∞/FUP∞ , où P

parcourt les sous-groupes hyper-élémentaires de G/Γpe

.

Démonstration. — analogue à celle de la proposition 3.2.

Les propositions 3.2 et 3.4 permettent de ramener la démonstration de la CPE’ au cas où le

groupe de Galois de l’extension admissible est du type UP , i.e. c’est un groupe de Lie p-adique

de dimension 1, possédant un sous-groupe central ouvert isomorphe à (Zp,+), et tel que le

quotient est hyper-élémentaire.

3.3. Le cas ℓ-hyper-élémentaire, ℓ 6= p. — Dans ce cas, la stratégie de Burns-Kato va

s’appliquer sans difficulté majeure. Pour simplifier les notations, appelons G un groupe de type

UP , Γ ≃ (Zp,+) son sous-groupe central privilégié, G = G/Γ le quotient ℓ-hyper-élémentaire.

Lemme 3.5. — G est de la forme Γ×G, avec G ℓ-hyper-élémentaire (voir [Kak10], lemma

24).

On peut écrire G sous la forme Cm ⋊Q, où Cm est un groupe cyclique d’ordre m premier à ℓ

et Q est un ℓ-groupe.

Exercice 4. — si p ∤ m, adapter la démonstration du théorème 2.8 du §2.7 pour montrer que

la CPE’ est vraie.

On suppose désormais que G ≃ Cpr ⋊ Q, où p ne divise pas l’ordre de Q. Pour tout s ≤ r,

soit Qs le centralisateur dans G du sous-groupe Cps de Cpr , et soit Us l’image réciproque de

Qs dans G. Pour s ≤ t ≤ r, posons :

U s = Γ ×H0(Qs, Cpr) ×Qs, U s,t = Γ ×H0(Qs, Cpr) ×Qt

θs : K′1(Λ(G))

norme−→ K ′1(Λ(Us))

nat−→ K ′1(Λ(U s))

θs,S : K ′1(Λ(G)S)norme−→ K ′1(Λ(Us)S)

nat−→ K ′1(Λ(U s)S)

θ : K ′1(Λ(G)) −→∏s≤rK

′1(Λ(U s))

θS : K ′1(Λ(G)S) −→∏s≤rK

′1(Λ(U s)S)

Pour s ≤ t ≤ r on a des morphismes naturels

Ns,t : K′1(Λ(U s)) −→ K ′1(Λ(U s,t))

et

πs,t : K′1(Λ(U t)) −→ K ′1(Λ(U s,t)).

Idem en localisant en S.

Définition 3.6. —

Soit Φ (resp. ΦS) l’ensemble des (xs) ∈∏s≤rK

′1(Λ(U s)) (resp.

∏s≤rK

′1(ΛO(U s))) tels que

1. Pour tous s ≤ t ≤ r, Ns,t(xs) = πs,t(xt)

2. (xs) est fixé par la conjugaison par Q.

On peut alors montrer par un calcul direct (i.e. sans introduire de concept nouveau) la

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Thong Nguyen Quang Do 95

Proposition 3.7 ([Kak10], propos. 30). —

θ : K ′1(ΛO(G))∼

−→ Φ; Im θS ⊂ ΦS ; Im θS ∩∏

s≤r

K ′1(ΛO(US)) = Im θ

NB : l’hypothèse que p ∤ (G : Us+1) joue un rôle dans ce calcul.

Quant à la condition (θ3) elle est immédiate : pour toute représentation d’Artin irréductible

ρ de G, il existe s ≤ r et une représentation ρs de Us telle que ρ = IndGUs ρs. On en déduit,

par un raisonnement analogue à celui de la proposition 2 du §3.2, le

Théorème 3.8. — Soit F∞/F une extension admissible vérifiant µ = 0. Supposons que G =

Gal(F∞/F ) est de dimension 1 et que G/Γpe

est ℓ-hyper-élémentaire, ℓ 6= p (l’exposant e est

défini juste avant la proposition 3.4). Alors F∞/F vérifie la CPE’.

3.4. Le cas p-hyper-élémentaire. — réduction au cas pro-p.

Sans surprise, ce cas est de loin le plus difficile. Soit donc G = G/Γpe

, où P est un p-groupe

et p ∤ m. Le groupe Gal(Qp(µm)/Qp) agit sur l’ensemble Cm des caractères (de dimension 1)

de Cm ; soit C l’ensemble des orbites de cette action ; par abus de langage, on notera aussi C

un système de représentants de C. L’algèbre de groupe Zp[Cm] se décompose comme somme

directe ⊕χ∈COχ, où chaque Oχ est l’anneau des entiers d’une extension finie Lχ de Qp. L’action

de P sur Cm induit une action sur chaque Oχ via l’homomorphisme P −→ Gal(Lχ/Qp). On

notera U = UP = l’image réciproque de P dans G. Alors G ≃ Cm ⋊ U , et l’on note tχl’homomorphisme composé U −→ P −→ Gal(Lχ/Qp), Uχ = Ker(tχ).

Lemme 3.9. —

K ′1(Λ(G))∼

−→⊕

χ

K ′1(ΛOχ(Uχ))U/Uχ

Démonstration. — Pour tout n ≥ 0, posons Gn = G/Γpe+n et

Uχ,n = Ker(U/Γp

e+n−→ P −→ Gal(Lχ/Qp)

).

Un résultat d’Oliver ([Oli88], thm. 12.2) dit que

K ′1(Zp[Gn])∼−→ ⊕χK

′1(Oχ[Uχ,n])

U/Uχ,n ,

et un résultat de Fukaya-Kato déjà cité ([FK06], proposition 1.5.1) permet de passer à la

limite projective.

Un raisonnement analogue à celui de la proposition 2 du §3.2 donne la

Proposition 3.10. — Soit F∞/F une extension admissible telle que G = G/Γpe

soit p-

hyper-élémentaire, disons G ≃ Cm ⋊ P, p ∤ m. Alors la CPE’ est vérifiée par F∞/F si et

seulement si elle est vérifiée par toute extension FKerχ∞ /F

Cm⋊Uχ∞ quand χ parcourt Cm.

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96 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

Ce résultat permet de réduire la démonstration de la CPE’ au cas où G = ∆ × Gp, où ∆

est un groupe cyclique fini d’ordre premier à p et Gp est un pro-p-groupe de Lie compact

de dimension 1. Le reste de la preuve va se diviser en deux parties, l’une algébrique, l’autre

arithmétique.

3.5. Description algébrique du K ′1. — Rappelons les hypothèses : G est un pro-p-groupe

de Lie p-adique de dimension 1, de la forme G ≃ H ⋊ Γ, H fini. On fixe un sous-groupe Γpe

de Γ qui agit trivialement sur H, et G = G/Γpe

. Suivant la stratégie de Burns-Kato, on va

construire les homomorphisme θ et θS et déterminer leurs images.

3.5.1. Conditions multiplicatives. — Introduisons d’abord quelques notations supplémen-

taires. O est l’anneau des entiers d’une extension finie non ramifiée de Qp. Pour tout sous-

groupe P de G, UP est l’image réciproque de P dans G, NG le normalisateur de P dans G,

WGP le groupe de Weyl NGP/P . Enfin, C(G) est l’ensemble des sous-groupes cycliques de

G.

Définition 3.11. —

1. ∀P ∈ C(G), P 6= (1), fixons un caractère ωP de P d’ordre p. Posons ω1 = ω1 = un

caractère non trivial de Γpe

dont la restriction à Γpe+1

est triviale Alors ∀P ∈ C(G), ωPinduit une application de ΛO(UP )× (resp. ΛO(UP )×S ) dans lui-même, encore notée ωP ,

définie par g ∈ UP 7→ ωP (g)g.

2. ∀P ∈ C(G), P 6= (1), définissons une application αP de ΛO(UP )× (resp. ΛO(Γpe

)×S )

dans lui-même par x 7→ xp/∏p−1k=0 ω

kP (x). Pour P = (1), définissons α1 = α1 par

x 7→ xp/ϕ(x), où ϕ est le Frobenius en p. Si P ≤ G n’est pas cyclique, posons simplement

αP (x) = xp. Enfin, notons α = (αP )P≤G.

3. Pour P ≤ P ′ ≤ G tels que [P ′, P ′] ≤ P , notons trP,P ′ : ΛO(UabP ′ ) −→ ΛO(UP /[UP ′ , UP ′ ])

la trace, nrP,P ′ : ΛO(UabP ′ )× −→ ΛO(UP /[UP ′ , UP ′ ])× la norme, πP,P ′ : ΛO(Uab

P ) −→

ΛO(UP /[UP ′ , UP ′ ]) la surjection naturelle. Idem pour les mêmes objets localisés en S.

4. Pour tout P ∈ C(G), notons TP (resp TP,S) l’image de l’application de ΛO(UP ) (resp.

ΛO(UP )S) dans lui-même définie par x 7→∑

g∈WGP gxg

−1.

Les homomorphismes θ et θS dans la stratégie de Burns-Kato seront définis par :

θP : K ′1(ΛO(G))norme−→ K ′1(ΛO(UP ))

nat−→ K ′1(ΛO(Uab

P )) = ΛO(UabP )×

θ = (θP ) : K ′1(ΛO(G)) −→∏

P≤G

ΛO(UabP )×

Idem pour θP,S et θS . Pour décrire les images de θ et θS , introduisons :

Φ = le sous-groupe de∏P≤G ΛO(Uab

P )× formé des (xP ) vérifiant les propriétés suivantes :

(M1) Pour tous P ≤ P ′ ≤ G tels que [P ′, P ′] ≤ P, nrP,P ′(xP ′) = πP,P ′(xP ).

(M2) (xP ) est fixé par la conjugaison par tout g ∈ G.

(M3) Pour tout P ≤ G, x|P |P ≡ x1(mod p).

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Thong Nguyen Quang Do 97

(M4) Pour tout P ∈ C(G) et P 6= (1), αP (xP ) ≡∏P ′ ϕ(αP ′(xP ′))(mod pTp), le produit∏

P ′ portant sur tous les P ′ ∈ C(G) tels que P ′p = P 6= P ′. Pour P = (1), on a xp1 ≡

ϕ(x1)∏P ′ ϕ(αP ′(xP ′))(mod pT1), le produit

∏P ′ portant sur tous les P ′ ∈ C(G) tels que

P ′p = (1) 6= P ′

Définitions analogue pour ΦS .

Les résultats algébriques fondamentaux de Kakde ([Kak10], thm. 49 et 50) sont résumés dans

le

Théorème 3.12. —

1. θ réalise un isomorphisme K ′1(ΛO(G))∼

−→ Φ ;

2. Im θS ⊂ ΦS ;

3. ΦS ∩∏P≤GΛO(Uab

P )× = Im θ

La preuve sera donnée à la fin de cette section.

3.5.2. Conditions additives. — Un argument-clé dans la démonstration est de rendre les

conditions multiplicatives (Mj) plus maniables en les transformant en conditions « addi-

tives »(Aj) via une application « logarithmique ». Ritter-Weiss ([RW06]) ont eu l’idée d’étendre

au cadre de la théorie d’Iwasawa le « logarithme entier » défini par Oliver-Taylor (voir [Oli88])

pour le K1 des algèbres de groupes finis. Une telle extension nécessite de travailler dans les

pro-p-complétés des algèbres d’Iwasawa localisées, mais dans la suite, on passera sur cet as-

pect technique (puisqu’on ne donnera pas de démonstration complète). Dans notre cas, le lien

entre algèbres de groupes finis et algèbres d’Iwasawa est fourni par le

Lemme 3.13 (voir e.g. [Kak10], 5.1.2). — ΛO[G] = R[G]τ , où R = ΛO(Γpe

) et τ est le

« twist » induit par le 2-cocycle

τ : G×G −→ ΛO(Γpe

)× (h1γa1 , h2γ

a2) 7→ γ

ha1+a2pe

ipe

([·] désigne la partie entière).

Continuons à noter R = ΛO(Γpe

) et désignons par Conj(G) l’ensemble des classes de conjugai-

son deG. Il est facile de voir qu’on a un isomorphisme de R-modules R[G]τ/[R[G]τ , R[G]τ ]∼

−→

R[Conj(G)]τ .

Lemme 3.14 (voir e.g. [Kak10], proposition 61). — Le logarithme p-adique Log(1+x),

pour tout x appartenant au radical de Jacobson de R[G]τ , induit un unique homomorphisme

log : K1(R[G]τ ) −→ R[Conj(G)]τ ⊗Zp Qp

On peut maintenant définir le logarithme entier inspiré de celui d’Oliver-Taylor :

Définition 3.15. — Soit ϕ l’application sur R définie par le Frobenius en p sur O et l’éléva-

tion à la puissance p-ième sur Γpe

. On étend ϕ (en conservant la même notation) à R[Conj(G)]τ

en envoyant la classe de g sur celle de gp (attention : gp 6= gp en général). Pour tout

x ∈ K ′1(ΛO(G)), on pose L(x) = log(x) − ϕp log(x). On vérifie que L est un homomorphisme

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98 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

de K ′1(ΛO(G)) dans R[Conj(G)]τ , appelé logarithme entier (c’est manifestement une généra-

lisation non commutative de l’homomorphisme classique de Coates-Wiles).

Proposition 3.16. — Soit µ(O) la torsion de O×. On a une suite exacte de ΛO(Γpe

)-

modules :

1 // µ(O) ×Gab // K ′1(ΛO(G))L

// ΛO(Γpe

)[Conj(G)]τ // Gab // 1

Démonstration. — voir [Kak10], lemmes 66 et 67.

Introduisons maintenant les analogues additives des conditions (Mj).

Définition 3.17. —

1. Pour tout P ≤ G, le groupe de Weyl WGP agit R-linéairement sur R[P ab]τ par conju-

gaison sur P (rappelons que R = ΛO(Γpe

)). Définissons tP : R[Conj(G)]τ −→ R[P ab]τ

par g 7→∑

x∈C(G,P )x−1gx|x−1gx ∈ P, où C(G,P ) est un système de représentants

de P dans G. C’est une application R-linéaire bien définie, indépendante du choix de

C(G,P ).

2. Pour tout P ∈ C(G), définissons ηP : R[P ]τ −→ R[P ]τ par ηP (h) = h si h est un généra-

teur de P , 0 sinon. (En d’autres termes, ηP (x) = x− 1p

∑p−10 ωkP (x)). Posons βP = ηP tP

si P ∈ C(G), tP si P ≤ G, non cyclique ; puis β = βR = (βP )P≤G : R[Conj(G)]τ −→∏P≤GR[P ]τ .

3. Pour tout P ∈ C(G), soit TP,R l’image de l’application tr : R[P ]τ −→ R[P ]τ , x 7→∑g∈W

GP gxg

−1. C’est un idéal de l’anneau (R[P ]τ )WGP , qui coïncide avec l’idéal TP de

la définition 3.11 (4).

Avec ces définitions, on peut introduire l’analogue additif Ψ de Φ. C’est le sous-groupe de∏P≤GR[P ab]τ formé des (aP ) tels que :

(A1) Soit P ≤ P ′ ≤ G tel que [P ′ : P ] ≤ P . Si P n’est pas cyclique, trP,P ′(aP ′) = πP,P ′(aP )

(on rappelle que la trace trP,P ′ a été introduite dans la définition 3.11 (3)). Si P est cyclique et

P ′ non cyclique, ηP (trP,P ′(aP ′) = πP,P ′(aP ). Si P ′ est cyclique et si P ′ 6= P , trP,P ′(aP ′) = 0.

(A2) (aP )P∈C(G) est invariant par la conjugaison pour tout g ∈ G.

(A3) Pour tout P ∈ C(G), aP ∈ TP,R

La meilleure maniabilité des conditions « additives »(Aj) permet de démontrer par des calculs

directs (de type combinatoire) la

Proposition 3.18 ([Kak10], thm. 53). — β = βR induit un isomorphisme de R-modules

R[Conj(G)]τ∼

−→ Ψ.

On peut maintenant comparer les homomorphismes θ et β :

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Thong Nguyen Quang Do 99

Proposition 3.19. — On a un diagramme commutatif aux lignes exactes :

1 // µ(O) ×Gab // K ′1(ΛO(G))

θ

L// R[Conj(G)]τ

β ≀

// Gab // 1

1 // µ(O) ×Gab // ΦL

// Ψλ

// Gab // 1

Idée de la preuve : Il suffit de définir les flèches λ et L. L’existence de λ découle immédia-

tement de l’isomorphie de β. Définissons ensuite uP :∏C≤G ΛO(Uab

C )× −→ ΛO(UabP )× par

uP ((xC)) =∏P ′ ϕ(xP ′)|P

′| si P 6∈ C(G), le produit portant sur tous les P ′ ∈ C(G)) tels

que P ′p ≤ P ; par uP ((xC)) =∏P ′ ϕ(xP ′) si P ∈ C(G), le produit

∏P ′ portant sur tous les

P ′ ∈ C(G) tels que P ′p = P 6= P ′. Le produit vide est 1 par convention. Posons u = (uP )Pet définissons LP par :

LP ((xC)) =

1

p2|P |log

(αP (xP )p|P |

uP (α((xC )))

)si P 6∈ C(G))

1

plog

(αP (xP )

uP (α((xC )))

)si P ∈ C(G)) et P 6= (1)

1

plog

(α1(x1)

ϕ(x1)u1((xC))

)si P = (1)

(le point technique est de pouvoir donner un sens à log(·)). La proposition 3.19 se démontre

alors en faisant à la main tous les calculs requis.

Nous sommes enfin en mesure de démontrer le théorème algébrique principal de [Kak10].

Preuve du théorème 3.12 :

(1) L’isomorphie de θ se montre en appliquant le lemme des 5 au diagramme de la proposition

3.19

(2) Soit ΦS le pro-p-complété de ΦS . On montre comme dans la proposition 3.19 que Im θS ⊆

ΦS, d’où, puisque ΦS ∩∏P≤G ΛO(UP )×S = ΦS , l’inclusion Im θS ⊆ ΦS.

(3) ΦS ∩∏P≤G ΛO(Uab

P )× = Φ, d’où l’égalité avec Im θ d’après (1).

Remarque 3.20. — Dans le théorème 3.12 précédent, ainsi que dans la proposition 3.7 du

§3.3, l’isomorphie de θ entraîne que K ′1(Λ(G)) s’injecte dans K ′1(ΛO(G)S), ce qui n’était pas

visible a priori.

3.6. Congruences arithmétiques. — Suivant la stratégie de Burns-Kato, il nous reste

maintenant (voir la proposition 3.1 du §3.1) à montrer que ΦS contient les éléments zêta p-

adiques associés aux extensions admissibles abéliennes que nous avons introduites. Rappelons

les hypothèses : G = Gal(F∞/F ) est un pro-p-groupe de Lie p-adique de dimension 1, G ≃

H ⋊ Γ ; pour tout sous-groupe P de G = G/Γpe

, UP désigne l’image réciproque de P dans

G, et l’on posera FP = FUP∞ , KP = F[UP ,UP ]∞ . L’extension KP /FP est admissible abélienne,

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100 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

de groupe de Galois isomorphe à UabP , et l’on notera ζP ∈ Λ(Uab

P )×S la pseudo-mesure de

Deligne-Ribet associée.

3.6.1. Propriétés arithmétiques des ζP . — La propriété d’induction (θ3) étant évidente pour

la famille I = P ≤ G (voir la proposition 3.7 du §3.3), le théorème 3.12 du §3.5 permet

immédiatement de ramener la démonstration de la CPE’ à celle du

Théorème 3.21. — L’élément (ζP )P≤G ∈∏P≤G ΛO(Uab

P )×S vérifie les propriétés suivantes :

(Z1) Pour tous P ≤ P ′ ≤ G tel que [P ′, P ′] ≤ P , nrP,P ′(ζP ′) = πP,P ′(ζP )

(Z2) (ζP )P≤G est fixé par la conjugaison pour tout g ∈ G.

(Z3) Pour tout P ≤ G,αP (ζP )∏

P ′ verP,P ′(αP ′(ζP ′))≡ 1 (mod pTp,S), le produit

∏P ′ étant pris sur

tous les P ′ ∈ C(G) tels que P ′p = P et P ′ 6= P .

La vérification des conditions (Z1) et (Z2) se fait par des calculs directs ([Kak10], proposition

89). La congruence (Z3) paraît d’une autre nature, car elle nécessite des méthodes modulaires

– ce qui n’est pas étonnant au fond, puisque la construction de la pseudo-mesure de Deligne-

Ribet est modulaire. En fait, Kakde démontre un certain nombre de congruences qui entraînent

(Z3) et qui s’appuient toutes sur un même principe, baptisé par Ritter-Weiss « le principe

du q-développement de Deligne-Ribet ». Nous nous contenterons d’expliquer ce principe, en

faisant l’impasse sur tous les autres arguments modulaires.

3.6.2. Approximation des ζP . — L’idée de départ est d’approximer les pseudo-mesures ζP par

des suites d’éléments dans certaines algèbres de groupes finis. Rappelons que κ = κF désigne

le caractère cyclotomique sur F . Soit f l’entier positif caractérisé par κp−1(Γpe

) = 1 + pfZp.

Définition 3.22. — Soit TP,j l’image de l’application trP,f de Zp[UP /Γpe+j ]/pf+j dans lui-

même déterminée par x 7→∑

g∈WGP gxg

−1. On peut vérifier que l’isomorphisme Λ(UP )∼

−→

lim← j

Zp[UP /Γpe+j ]/pf+j envoie TP sur lim

← jTP,j.

Voici le lien avec les fonctions L : pour x ∈ UP /Γpe+j , notant δ(x) la fonction caractéristique

de xΓpe+j

dans UP , on peut définir la fonction zêta partielle complexe ζ(δ(x), s) =∑

A

δ(x)(gA)

N(A)s

pour ℜ(s) > 1, où gA est le symbole d’Artin de A dans UP et la somme porte sur tous les idéaux

entiers A de FP étrangers à Σ. D’après Klingen-Siegel, ζ(δ(x), s) se prolonge analytiquement à

C, sauf en s = 1 qui est un pôle simple. De plus ζ(δ(x), 1−k) ∈ Q pour tout entier k positif. Si

ε est une fonction localement constante sur UP à valeurs dans un Q-espace vectoriel V , disons

ε ≡∑

x∈UP /Γpe+j ε(x)δ(x) pour j >> 0, on peut définir canoniquement une valeur spéciale

L(ε, 1 − k) =∑

x∈UP /Γpe+j

ε(x)ζ(δ(x), 1 − k) ∈ V

(si ε est un caractère d’Artin de dimension 1, ce n’est autre que la valeur spéciale de la fonction

L classique associée à ε, privée des facteurs euleriens en Σ).

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Thong Nguyen Quang Do 101

Si V = Qp, alors pour tout entier positif k ≡ 0(p − 1), pour tout u ∈ UP , posons ∆uP (ε, 1 −

k) = L(ε, 1 − k) − κ(u)L(εu, 1 − k), où εu est la fonction localement constante définie par

εu(g) = ε(ug),∀g ∈ UP .

Proposition 3.23 (cp [RW11] ). — Pour j > 0 et k ≡ 0(p − 1), la surjection natu-

relle Λ(UP ) ։ Zp[UP /Γpe+j ]/pf+j envoie (1 − u)ζP ∈ Λ(UP ) sur

x∈UP /Γpe+j

∆uP (δ(x), 1 −

k)κ(x)−kx (mod pf+j)

(la démonstration utilise la relation (1 − u)ζP (κkε) = ∆uP (ε, 1 − k) ; voir [DR80], après le

théorème 0.5).

3.6.3. Le principe du q-développement de Deligne-Ribet. — Dans le contexte de la proposition

3.23, Kakde démontre trois congruences sur les valeurs spéciales ∆uP (δ(x), 1 − k) ([Kak10],

propositions 104 à 106) qui entraînent la congruence (Z3) cherchée. Pour ces trois congruences,

il utilise, comme dans [RW11], un même principe que nous allons brièvement exposer. Toutes

les notations non expliquées provenant de la théorie des formes modulaires de Hilbert peuvent

être trouvées dans [Kak10], §6.5.

Proposition 3.24 ([DR80], proposition 6.1). — Soit L un corps de nombres totalement

réel de degré r, soit LabΣ son extension Σ-ramifiée abélienne maximale. Soit ε une fonction

complexe localement constante sur Gal(LabΣ /L). Pour tout entier positif k ≡ 0(p− 1) :

1. Il existe un idéal entier f de L, à support dans Σ, et une forme modulaire de Hilbert

Gk,ε ∈Mk(Γ00(f),C) dont le q-développement standard s’écrit :

2−rL(ε, 1 − k) +∑

a

(∑

A

ε(gA)κk−1(A))qaL ,

la première somme portant sur tous les éléments totalement positifs a ∈ OL, la seconde

sur tous les idéaux A de OL contenant a et premiers à Σ.

2. En une pointe α définie par un idèle α ∈ A×L , le q-développement de Gk,ε a pour terme

constant κk((α))2−rL(εg, 1 − k), où (α) est l’idéal de L engendré par α, g est l’image

de (α) par l’application de réciprocité d’Artin, et εg est la fonction localement constante

définie par εg(h) = ε(gh).

Le principe du q-développement de Deligne-Ribet est la

Proposition 3.25 ([DR80], 0.3 et 5.13 à 5.15). — Soit f ∈ Mk(Γ00(f),Q). Supposons

que le q-développement standard de f ait tous ses coefficients non constants dans Z(p). Soit

α ∈ A×L un idèle fini. Soit c(0, α) (resp. c(0)) le terme constant du q-développement de f en la

pointe définie par α (resp. du q-développement standard). Alors c(0) − κ−k(αp)c(0, α) ∈ Z(p).

Cas particulier : dans le contexte de la proposition 3.24, cette différence vaut 2−r∆(u)(ε, 1−k),

où u ∈ Gal(LabΣ /L) est l’image de α par Artin.

Ceci termine la démonstration par Kakde de la CPE’.

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102 La conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

3.7. Le point de vue de Ritter-Weiss. — Revenons aux notations du §2.4.3. Pour at-

taquer la CPE1’ (i.e. la CPE1 sans l’assertion d’unicité), Ritter-Weiss démontrent d’abord

plusieurs théorèmes de réduction :

1) Dans [RW06],[RW05], ils utilisent d’abord le logarithme à la Oliver-Taylor de K1(Λ(G)•)

dans T (QΛ(G)) := QΛ(G)/[QΛ(G), QΛ(G)] (où le chapeau indique la pro-p-complétion) pour

montrer qu’une extension admissible F∞/F telle que Gal(F∞/F ) est de dimension 1 et µ = 0,

vérifie la CPE1’ si et seulement si LF,Σ ∈ det(K1(Λ(G))). Notons la disparition de la condition

sur Σ, grâce au théorème de Wiles.

2) Disons que l’extension F∞/F est p-élémentaire si Gal(F∞/F ) est le produit direct d’un

groupe cyclique d’ordre premier à p et d’un pro-p-groupe. Par des techniques d’induction,

Ritter-Weiss montrent dans [RW05] que la vérification de la propriété LF,Σ ∈ det(K1(Λ(G)))

pour toute extension admissible équivaut à sa vérification pour toute extension p-élémentaire.

3) À partir de maintenant, supposons que F∞/F est p-élémentaire. La troisième réduction de

Ritter-Weiss fait intervenir une interprétation logarithmique de la propriété de 2) ([RW08c],

§3). Plus précisément, on a un diagramme commutatif

K1(Λ(G))

Dét

L// T (QΛ(G))

≀ Trace réduite

HOM(Rp(G), ( Λ(Γ) ⊗ Qp)∗)

L// Hom∗(Rp(G), QΛ(Γ) ⊗ Qp) ,

où HOM est un sous-groupe de Hom∗ défini par des congruences qu’on ne rappellera pas

(voir e.g. [RW11],§1). On ne rappellera pas non plus la définition de l’homomorphisme L qui

fait commuter le diagramme. On peut vérifier que LF,Σ appartient au sous-groupe HOM, et

donc définir une pseudo-mesure logarithmique tF,Σ ∈ T (QΛ(G)) telle que L(LF,Σ) = tF,Σ. En

utilisant le principe du q-développement, Ritter-Weiss montrent que LF,Σ ∈ det(K1(Λ(G))) si

et seulement si tF,Σ ∈ T (Λ(G)) := Λ(G)/[Λ(G), Λ(G)]. C’est sous cette forme que la CPE1’ est

démontrée dans [RW11]. Deux points-clés résident dans des congruences dites « de Möbius-

Wall » ([RW11], thm. 2 dont la preuve est combinatoire) et de « torsion » ([RW11], thm. 3,

dont la preuve utilise le principe du q-développement)

NB : je ne sais pas si les congruences de [Kak10] et de [RW11] sont indépendantes ou pas.

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22 janvier 2012

Thong Nguyen Quang Do, Laboratoire de Mathématiques, UMR 6623 de l’Université de Franche-

Comté et du CNRS, 16 route de Gray, 25030 Besançon cedex,

France • E-mail : [email protected]

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Manabu Ozaki, Waseda University (Japon) ___________________________________________________ [email protected]

Emmanuel Royer, Université Blaise-Pascal Clermont-Ferrand 2 _______ [email protected]

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ISSN 1958-7236

Les Publications mathématiques de Besançon éditent des articles de recherche mais aussi des articles de synthèse, des actes, des cours avancés. Les travaux soumis pour publication sont à adresser à Christian Maire [email protected] ou à l’un des membres du comité scientifique. Après acceptation, l’article devra être envoyé dans le format LaTeX 2e, de préférence avec la classe smfart. La version finale du manuscrit doit comprendre un résumé en français et un résumé en anglais.

Laboratoire de Mathématiques de Besançon (CNRS UMR 6623)

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2012/1

Publ

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12/1H. Asensouyis et J. Assim

Codescente pour le noyau sauvage étale

F. Bencherif et T. GariciSuites de Cesàro et nombres de Bernoulli

W. BleyLa Conjecture équivariante de Tamagawa

C. GreitherIntroduction à la conjecture ETNC et applications

T. Nguyen Quang DoLa conjecture principale de la théorie d’Iwasawa non commutative

Revue du Laboratoire de mathématiques de Besançon (CNRS UMR 6623)

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