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Jean Calop, C.H.U., Grenoble Françoise BRION, C.H.U. Robert Debré, Paris
actualisation : Denis Richard, C.H.H.L., Poitiers
et la participation des Professeurs, Maîtres de Conférences, Enseignants et Internes des Hôpitaux suivants :
BOUQUET S., Poitiers COUET W., Tours
COURTOIS P., Poitiers DUPUIS A., Poitiers TOURNIER N., Paris
L’A.N.E.P.C. remercie Mirella Roy, Hôpital général d’Ottawa (Ontario) pour ses conseils.
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Entrant en cinquième année du cycle des études pharmaceutiques, vous franchissez un pas. Cette année constitue une étape particulièrement importante dans votre cursus universitaire, que vous suiviez une filière "officine", "industrie" ou "internat".
En effet, insérés jusqu’alors dans un système universitaire ménageant une place modeste à l’approche pratique des problèmes, vous allez être désormais confrontés aux réalités de terrain d’une existence professionnelle, la vôtre : celle de pharmacien.
Travaillant dans des services hospitaliers divers, vous serez amenés à prendre une conscience concrète de la double dimension, humaine et technique, du soin.
L'ambition de cet ouvrage n’est pas de tenter d'apporter des éléments de réponses à toutes les questions que vous vous posez, mais de constituer un manuel pédagogique actualisé à même de vous donner les bases du dialogue devant être engagé avec les divers professionnels que vous rencontrerez quotidiennement. Il vous faudra gagner leur confiance, en peu de temps, par la pertinence et la qualité de votre travail.
Un parti pris nous a animé lors de la conception de ce Guide : centrer notre propos sur la relation entre le médicament, le médecin, le pharmacien et bien sûr le patient. La pharmacie clinique, en effet, reste la préoccupation essentielle du stage de cinquième année, quand bien même de nombreuses autres activités, souvent fort techniques, mobilisent les pharmaciens hospitaliers (dispositifs médicaux, stérilisation, hygiène…). Ceci explique et justifie que nous n’ayons pas évoqué ici les possibilités pédagogiques qu’offre ce domaine d’activité spécifique.
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La France est longtemps demeurée le seul pays européen où les étudiants en pharmacie accomplissent une année entière de leurs études en milieu hospitalier. Il
s’agit d’une chance professionnelle qui doit être vécue comme une possibilité d’enrichissement quotidien et com- me une occasion unique, pour la majorité des étudiants de fréquenter des professionnels hospitaliers.
LA PHARMACIE CLINIQUE : UN ENGAGEMENT POUR L’AVENIR
La création des stages d’« externat » en pharmacie remon- te à 1985 : elle a été incluse dans une vaste réforme dont l’objectif fut et reste de permettre une interaction directe entre ces partenaires de la santé que sont le médecin, le per- sonnel soignant non médical, le pharmacien dans le but d’optimiser la qualité des soins. Son plus grand bénéfi- ciaire doit en être le patient. Cette réforme a entraîné une véritable mutation de l’exercice de la pharmacie d’offici- ne vers laquelle vous vous dirigez dans votre immense majorité. En effet, le développement de l’industrie phar- maceutique a, en l’espace de quelques décennies, privé le pharmacien de son mortier et de son pilon : de l’art de fabriquer les médicaments, le pharmacien est passé à un autre art, tout aussi délicat. Il s’agit pour lui de s’intéresser aux effets des médicaments sur l’homme, de savoir mettre en œuvre et de suivre des méthodes d’évaluation de l’ac- tivité des médicaments afin d’apprécier leur activité (phar- macodynamie), leur devenir dans l’organisme (pharmaco- cinétique), leurs effets indésirables, leurs interactions avec d’autres médicaments. Il lui faut savoir mettre en œuvre des protocoles de surveillance thérapeutique et biologique des traitements, savoir relier la susceptibilité individuelle du patient à l’action propre de chaque médicament adminis- tré, savoir adapter les schémas posologiques à l’état phy- siopathologique du patient et intégrer des paramètres éco- nomiques à sa réflexion. Enfin, et peut être surtout, il doit prendre une part active à l’information du patient et de ses proches dans un constant souci d’efficacité mais aussi d’hu- manité.
LA CINQUIÈME ANNÉE HOSPITALO-UNI- VERSITAIRE : UN TRAVAIL DE TERRAIN
Il vous faut donc aujourd’hui vous préparer à un exercice de la pharmacie moderne, ouvert vers l’éducation du patient et ayant le souci d’intégrer les techniques les plus contem- poraines de la communication. C’est le défi d’une nou- velle discipline : la pharmacie clinique. Bien sûr, semblable évolution ne saurait être prise en comp- te que par rapport à une évolution des mentalités et des programmes : des mentalités de nombreux enseignants, demeurant cloîtrés dans les murs des facultés et insuffi- samment au fait des pratiques de terrain, et de programmes dont l’évolution suit d’une façon frileuse les progrès des sciences, des techniques et du regard porté sur l’homme malade en ce XXIème siècle. Car la pharmacie clinique ne peut s’enseigner que sur le terrain, en présence du mala- de, puisque son propos est précisément d’individualiser la thérapeutique en vue de l’optimiser. Vos études universitaires ont donc désormais un but : vous permettre de bien connaître le médicament, sous toutes ses formes, et vous apprendre comment il se prescrit, com- ment s’établit le diagnostic, quelles sont les modalités d’ap- préhension du malade et de sa maladie, comme le traite-
L’ANNÉE HOSPITALO-UNIVERSITAIRECHAPITRE I
ment doit être surveillé, quels sont les risques iatrogènes inhérents à la prescription, comment il est possible d’éva- luer l’efficacité d’une prescription, quels critères dictent le choix d’une stratégie thérapeutique, comment le médecin ou le pharmacien doivent désormais intégrer la question incontournable de l’économie dans la gestion des traite- ments. La pharmacie clinique reflète une réelle culture pharma- ceutique : elle seule fait du pharmacien, pour adapter l’ex- pression de Molière, un véritable « honnête homme » de la santé, c’est-à-dire un professionnel ayant une vision panoramique de sa science. Cette culture, il vous appartient d’œuvrer pour la mettre à la disposition du malade, du prescripteur et du personnel soignant.
Cette année constitue une chance d’équilibrer vos connais- sances, en les orientant vers la pratique de terrain. Vous sera révélé un univers éloigné des sciences fondamentales enseignées en faculté. Vous verrez en quoi vous pouvez et vous devez devenir un complément performant et indis- pensable du médecin : ce dernier découvrira ainsi rapi- dement derrière le pharmacien non le gardien sourcilleux de dispositions réglementaires souvent méconnues, non le dépositaire d’une science obsolète, mais un collabora- teur rassurant et utile, susceptible de l’aider à rendre les traitements médicamenteux plus performants. Le personnel infirmier apprendra à se tourner vers le pharmacien pour toute question relative à la gestion du médicament dans l’unité de soin, à l’administration des spécialités, à l’utili- sation des dispositifs médicaux stériles. Le patient égale- ment, informé par les documents proposés par le phar- macien, comprendra mieux son traitement et saura rester observant de la prescription médicale. Cette volonté de rapprochement avec les différents parte- naires de santé, fondamentale, détermine l'avenir de la pharmacie auprès du corps médical comme auprès des consommateurs de soins que sont les patients.
UNE ANNÉE D’ « APPRENTISSAGE » HOSPITALIER : UNE CHANCE À SAISIR
Un étudiant en cinquième année reste avant tout en appren- tissage: il lui faut prendre ses marques puis repérer ses pos- sibilités d'action avant de pouvoir exercer pleinement ses
Les unités de formation et de recherche (UFR) de pharmacie ont pour mission la formation de pharmaciens ayant une bonne connaissance du médicament et de son environnement, non pas en tant que simple support d’une activité pharmacologique, mais en tant qu’objet thérapeutique de plus en plus sophistiqué, développant des activités bénéfiques ou toxiques, soumis à un système réglementaire et économique complexe. La création d’une année hospitalo-universitaire a permis de procéder à un rééquilibrage de la formation professionnelle en impliquant plus significativement le pharmacien dans une relation qui trop longtemps n’a guère lié que le prescripteur au patient. Cette année offre au pharmacien des outils en terme de connaissances pratiques, de comportements et de communication afin qu'il constitue un maillon performant et indispensable dans le circuit du médicament.
(1) Cette rémunération, pour faible qu’elle soit, établit des relations juridiques entre l’établissement de santé employeur et l’étudiant employé entraînant le respect de règles institutionnelles précises et mutualisant des droits comme des devoirs que l’étudiant doit connaître.
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L’ANNÉE HOSPITALO-UNIVERSITAIRECHAPITRE I
fonctions au sein de l'environnement hospitalier et d’assu- rer auprès du corps médical une continuité de la mission pharmaceutique. Ceci explique qu’un stage d’une année s’avère seul à même d’offrir à l’étudiant l’opportunité de s’intégrer à l’hôpital, de participer avec responsabilité aux activités qui lui sont confiées et de démontrer son aptitude humaine et technique à constituer un maillon efficace de la chaîne des soins, justifiant sa rémunération mensuelle(1). En milieu hospitalier l'association d'un pharmacien à l'équi- pe soignante est souhaitable à condition que sa formation le conduise à être efficace. Au niveau de l'officine, il est impor- tant de recentrer la profession sur un aspect plus scientifique. Dans l'industrie pharmaceutique, la connaissance du malade et de la manière dont les produits sont utilisés reste la seule spé- cificité des pharmaciens. Toute réforme visant à réduire ou supprimer la formation de terrain des pharmaciens se fera au détriment de l’avenir pro- fessionnel des jeunes diplômés de nos Facultés de Pharmacie, déjà fortement concurrencés par les étudiants issus des Grandes Ecoles ou des Facultés des Sciences dans de nombreux domaines, y compris et surtout dans l’industrie.
UN STATUT ANALOGUE À CELUI DES « EXTERNES » EN MÉDECINE
Votre statut d’étudiant hospitalier en pharmacie est identique à celui des étudiants en médecine. Connaissance doit en être prise, tout comme d’ailleurs du règlement intérieur de l'établissement de santé dans lequel vous travaillez.
PRATIQUER LA PHARMACIE CLINIQUE AU QUOTIDIEN
L'étudiant en pharmacie doit intégrer en même temps les propriétés pharmacologiques des médicaments et la phy- siopathologie du patient. Il doit se situer professionnellement entre le corps médical et le corps infirmier en respectant le territoire de chacun. Près de vingt ans après l’introduction de l’enseignement de la pharmacie clinique en France (1984), subsistent enco- re des confusions regrettables entre « pharmacie clinique », « pharmacologie », « pharmacologie clinique », voire « pharmacie chimique ». Il est donc essentiel de bien clari-
Sciences Champ d’action Exemple : regard porté sur un nouveau β-bloquant par chaque discipline
Pharmacognosie = Science des matières premières naturelles servant matière médicale à la préparation des médicaments, en particulier
des plantes médicinales ainsi que de leurs constituants. Elle s’intéresse aussi aux effets toxiques éventuels des produits naturels (*).
Pharmacie chimique = Science des corrélations structure-activité des médicaments, Corrélation entre la structure de la molécule, chimie thérapeutique qui, longtemps, a pu occuper le devant de la scène ses substituants, etc. et son coefficient de
dans les Facultés. Intéressante au plan théorique partage octanol-eau, l’effet ASI, l’effet dans le cursus des études de pharmacie, elle n’en quinidine-like, etc. demeure pas moins destinée à un auditoire d’étudiants désireux de suivre une filière industrielle.
Pharmacologie Entendue au sens large, étude du médicament et des substances d’origine exogène (xénobiotiques) susceptibles d’avoir cet usage. En pratique, « pharmacologie » a un sens plus restreint : elle rassemble la pharmacologie expérimentale, la pharmacodynamie, la pharmacométrie, la pharmacocinétique, la pharmacologie clinique (*)
* Pharmacocinétique * Science du devenir des substances * Etude du métabolisme et du devenir de (médicament ou non) dans l’organisme, la molécule dans l’organisme : en fonction du temps et de la dose administrée (*). absorption, distribution, élimination ;
* Pharmacométrie * Science de l’évaluation quantitative (mesure) de l’effet des agents pharmacologiques in vitro et/ou in vivo (*).
* Pharmacodynamie * Etude des réponses induites par une substance, * Etude de l’action de cette molécule sur soit sur l’organisme entier (in vivo), soit sur l’animal et sur l’homme : réceptologie, action une préparation isolée (ex vivo ou in vitro) ; anti-hypertensive par effet chronotrope elle s’intéresse en particulier au mécanisme d’action négatif, bathmotrope négatif, inotrope et permet d’orienter la recherche thérapeutique (*). négatif, etc.
Pharmacologie clinique Evaluation de l’activité du médicament sur l’homme Etude de sa cinétique chez l’homme sain sain ou sur l’homme malade, obéissant à des règles comme chez l’home malade (hypertendu, éthiques strictes et souvent pratiquée par des médecins, insuffisant rénal ou hépatique, diabétique, les pharmaciens n’ayant en général comme champ etc.) ; comparaison de l’activité par rapport à d’action que le suivi cinétique des médicaments d’autres antihypertenseurs et par rapport à en vu de l’adaptation posologique. un placebo dans le cadre d’investigations
cliniques.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I
Sciences Champ d’action Exemple : regard porté sur un nouveau β-bloquant par chaque discipline
Pharmacie clinique Pratique de la pharmacie au lit du malade, par le biais Vérification de la tolérance du traitement, d’une aide à la réalisation comme au suivi de la stratégie comparaison à d’autres molécules thérapeutique mise en place par le médecin, de la même famille, adaptation de la par la validation de l’ordonnance, la surveillance posologie à chaque patient, gestion des effets indésirables, l’élaboration de protocoles du plan de prise, des interactions, conseil thérapeutiques, la diffusion d’éléments d’information, au patient ou à sa famille à sa sortie le conseil au patient sortant, etc. de l’hôpital.
(*) définition adaptée d’après le Dictionnaire des Sciences pharmaceutiques & Biologiques, éditions Louis Pariente, Paris, 1997, tome III.
fier ces notions afin notamment de pouvoir les expliquer à vos interlocuteurs médicaux, qui ont toutes raisons pour méconnaître la richesse de l’enseignement pharmaceu- tique.
QUELQUES DISCIPLINES « SATELLITES » DE LA PHARMACOLOGIE…
Pour mener à bien vos missions, il vous faudra vous appuyer sur de solides connaissances en pharmacologie, en bio- pharmacie et connaître les grandes pathologies. Vous n’au- rez pas à rivaliser d’une quelconque façon avec les étu- diants formés en Faculté de médecine : votre rôle est tout autre. Chaque champ de compétence est en principe par- faitement déterminé : * Au médecin appartient le diagnostic et la prescription ; * Au pharmacien clinicien appartient l’optimisation de la thérapeutique médicamenteuse et la prévention de la patho- logie iatrogène sans même évoquer son rôle de respon- sable de l’organisation et de la sécurisation du circuit du médicament dans l’établissement de santé;
Tout ceci explique que l’enseignement de la pharmacie clinique ne puisse s’effectuer qu’à l’hôpital et que cette discipline ne puisse être réellement profitable qu’à des étu- diants en fin de cursus. Il ne s’agit plus en effet de se pen- cher sur un médicament ou sur une classe de médica- ments, mais bien de réfléchir sur des cas concrets et précis, ayant une existence propre. Votre démarche intellectuelle, correctement documentée, soigneusement étayée et argu- mentée sur la base d’éléments propres au patient comme d’éléments issus de votre propre recherche documentaire, vous permettra d’émettre une opinion et un avis destiné à aider le corps médical à affiner sa thérapeutique médica- menteuse.
Il vous faudra beaucoup de modestie et il vous faudra gagner progressivement une confiance à partir d’un savoir, d’un savoir être, d’un savoir faire. Seulement à ce prix sera- t-il possible que vous puissiez vous hausser au niveau d’un faire savoir.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
La pharmacie clinique est une discipline relativement nou- velle, plus orientée vers le patient et sa pathologie que vers le médicament. Elle a permis de rompre véritablement avec les anciennes pratiques et a satisfait à un besoin : celui de professionnels ayant une parfaite connaissance du médi- cament dans son environnement clinique. C’est à l’Université du Michigan, au début des années 1950, que les premières bases en furent jetées, mais l’es- sentiel du travail de synthèse fut réalisé par trois universi- taires de l’Université du Kentucky : David Burkholder, Paul Parker et Charles Walton, vers la fin des années 1960(2), à une époque où se multipliaient les actions en justice inten- tées par des patients ou leurs avocats à des médecins consi- dérés comme ayant commis une erreur thérapeutique ou dont le traitement s’était révélé donner lieu à une quel- conque iatrogénie. Les médecins américains ont alors sou- haité bénéficier, au niveau de leur équipe, d’un pharmacien clinicien, c’est-à-dire d’un pharmacien qui participe aux visites, aux staffs, ayant de solides connaissances sur le médicament.
UNE QUESTION DE DÉFINITION
La pharmacie clinique(3) n’est pas une discipline qui se suf- fit à elle même et s’enseignerait indépendamment d’autres connaissances : c’est bien plus une science transversale, décloisonnée, réalisant un véritable trait d’union entre plu- sieurs champs des sciences médicales et pharmaceutiques. Il existe en Europe une Société Européenne de Pharmacie Clinique (European Society of Clincal Pharmacy ESCP) qui organise, depuis plus de vingt ans, des congrès dans lesquels les pharmaciens des hôpitaux des pays européens échan- gent entre eux l’état d’avancement des travaux de Phar- macie Clinique dans chaque pays. En France, la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC)(4) est née en assemblée constitutive à l’initiative de pharmaciens hospitaliers en novembre 1986. Sous son égi- de, est publiée une revue trimestrielle associant des articles originaux, des synthèses bibliographiques et des lettres de rédaction approuvées par un comité de lecture. La France s’est dotée en terme d’enseignement de moyens pour former des pharmaciens cliniciens avec la cinquiè- me année hospitalo-universitaire et en essayant de recru- ter des enseignants parmi les praticiens hospitaliers (filières de l’Internat, DES de pharmacie hospitalière). Pourtant, ce cadre ne doit pas faire méconnaître une réalité de terrain moins reluisante : le nombre des postes actuellement pro- posés aux pharmaciens reste en totale inadéquation avec les objectifs idéaux de dispensation journalière, indivi- duelle et nominative des médicaments(5).
« La pharmacie clinique est l'utilisation optimale du jugement et des connaissances pharmaceutiques et biomédicales du pharmacien dans le but d'améliorer l'efficacité, la sécurité, l'économie et la précision selon lesquelles les médicaments doivent être utilisés dans le traitement des patients. » (Charles Walton – université du Kentucky – 1961)
PRÉVENIR LA IATROGÉNIE MÉDICAMENTEUSE
Un certain nombre d'études montrent que 5 à 7% des hos- pitalisations ont pour cause une pathologie iatrogène médi- camenteuse(6). Personne n’accepterait que la SNCF tolère 5 à 7% d’accidents parmi ses voyageurs ou que l’industrie pharmaceutique tolère 5 à 7% de médicaments non conformes aux exigences réglementaires ! L'analyse précise de l'origine des accidents (surdosage, non respect des contre-indications, interactions médicamenteuses dange- reuses, erreur dans l’identification du médicament ou du patient, etc.) révèle qu'ils auraient pu être évités en appli- quant une démarche qualité à la prescription et à la dis- pensation des médicaments.
QUELQUES ANALOGIES POUR RÉFLÉCHIR… En 2000, en France, la route a tué 8079 personnes et en a blessé près de 162 000, dont 27 000 considérés comme des blessés graves. Sur la base des études officielles, l’iatrogé- nie médicamenteuse nosocomiale (c’est-à-dire dans les seuls établissements de santé) représenterait environ 24 000 décès par an en France, soit trois fois la mortalité due aux accidents de la circulation. En secteur extra-hospitalier, l’iatrogénie médicamenteuse est responsable d’environ 6% des hospitalisations, hors tentatives de suicide par intoxi- cation médicamenteuse. Source : 4ème Forum de l’AAQTE (Association pour l’Assurance-Qualité en Thérapeutique et l’Evaluation), Nancy, 26-27 novembre 2002 (7)
On comprend aisément dans ce contexte que les pouvoirs publics aient pour objectif prioritaire de mettre en place des systèmes visant à faire baisser le nombre d'accidents iatrogènes médicamenteux et de demander aux profes- sionnels de la santé de s'associer pour atteindre un pour- centage d’accidents aussi bas que possible. Il s’agit donc pour nous, professionnels de la santé, de garantir au patient toute la sécurité qu’il est en droit d’attendre - quand bien même parfois certaines mesures peuvent a priori sembler
Les concepts présentés dans ce Guide sont ainsi issus du modèle québécois et adaptés en fonction des situations propres aux établissements de santé français. Il n’en reste pas moins vrai que cette présentation pourra vous sembler théorique et ne pas correspondre à ce que vous allez découvrir à l’hôpital. N’hésitez pas à vous en ouvrir à vos maîtres de stage : ceux-ci ont connaissance de ce Guide et, eux aussi, essayent ou essayeront de se rapprocher du modèle que nous proposons. Vos critiques, si elles sont constructives, seront toujours appréciées : elles témoignent de façon vivante de votre enthousiasme et de votre ambition de faire évoluer une profession trop largement frappée d’immobilisme
(2) Miller R.R. (1981), History of clinical pharmacy and clinical pharmacology, Journal of Clinical Pharmacology, 21, pp.195-197. (3) étymologiquement : la « pharmacie au lit » (du malade bien sûr !) (4) www.adiph.org/sfpc (5) La situation au Canada est bien plus positive : l’enseignement de la Pharmacie clinique y est obligatoire pour tous les étudiants depuis plus de vingt ans. Dans chaque hôpital, chaque ordonnance est validée par un pharmacien avant délivrance du traitement, avec un quota de pharmaciens de 1 pour 50 à 100 lits, sans même évoquer les assistants techniques aidant à la préparation des médicaments !
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
(6) parmi d’innombrables références, vous pouvez lire avec profit la synthèse d’Etienne Schmitt : Le risque médicamenteux nosocomial : circuit hospitalier du médicament et qualité des soins, éditions Masson Paris, 1999, 287 pages. (7) Nous faisons référence à plusieurs reprises dans ce Guide à cette association professionnelle dont les activités sont au centre de vos pré- occupations hospitalo-universitaires. Vous trouverez de nombreux renseignements sur le site : www.adiph.org/aaqte/ . Le compte-rendu de ce Forum a été publié dans un supplément au numéro 154 de la revue « Le Pharmacien Hospitalier » (septembre 2003). (8) vous trouverez des exemples de semblables associations présentés dans le chapitre consacré à la fonction n°11 de vos activités.
excessives au regard du patient, mais surtout du prescrip- teur ou de l’infirmier -. Toute activité humaine peut être à l’origine potentielle d’une défaillance parfois excusable mais rarement excusée quand elle entraîne la maladie, l'invalidité voire la mort. Il n’existe pas de parade automatisée à ce risque car même l’informatisation des prescriptions ne peut valoir l’analyse effectuée par un professionnel chevronné et bénéficiant de l’expérience des années. C’est la raison pour laquelle, dans le domaine du médi- cament, plusieurs professionnels doivent conjuguer leurs efforts et mettre en commun leurs compétences : • le médecin établit un diagnostic et définit une théra- peutique en rédigeant une ordonnance ; • le pharmacien valide l'ordonnance et dispense les pro- duits prescrits ; • enfin l'infirmière, lorsque cela est nécessaire, administre le traitement au malade selon un protocole préalablement défini. Des verrous de sécurité sont posés entre chacun de ces professionnels afin de renforcer la cohésion et l’efficacité de ce système.
A l'heure où s'organisent des associations de patients(8) ou d’auto-support, réclamant toujours plus d'attention, de vigi- lance, de chaleur humaine et de sécurité dans leurs rapports avec les professionnels de la santé, l'optimisation théra- peutique devient la règle.
PHARMACIE CLINIQUE : DES OBJECTIFS PRÉCIS À ATTEINDRE
Un système d'enseignement n’est efficace si les buts sont clairement fixés et connus de tous les étudiants. Il est impor- tant de prendre le temps de réfléchir sur les missions pro-
fessionnelles incombant au pharmacien diplômé afin de le préparer spécialement à ces tâches pendant son cursus universitaire. Pour exécuter avec rigueur et professionna- lisme son métier, des objectifs précis doivent donc être fixés et atteints lors de l’année hospitalo-universitaire. - acquérir une compétence quant à l'application pratique des connaissances pharmaceutiques ; - se familiariser avec la démarche diagnostique et l'obser- vation médicale ; - analyser rapidement la thérapeutique médicamenteuse pour un malade ; - apprendre à notifier un effet indésirable d'un médica- ment au centre de pharmacovigilance ; - perfectionner ses habiletés de communication avec les patients et les autres professionnels de santé ; - apprendre à communiquer de manière verbale et écrite des données scientifiques et techniques ; - formuler et synthétiser par écrit une étude de cas, des conseils au malade, un avis pharmaceutique ; - acquérir un jugement sûr et être capable d'intervenir avec justesse au moment approprié ; - apprendre à juger de façon critique et rationnelle la pré- sentation de données scientifiques ou cliniques ; - aider à la distribution des informations économiques dans les domaines du ressort du pharmacien ; - collaborer au développement de la pharmacocinétique et de la chronopharmacologie ; - contribuer au développement de la préparation pharma- ceutique et de la fabrication galénique ; - se sensibiliser au concept de qualité totale pour répondre au besoin d'optimisation thérapeutique ; - appliquer la formation pharmaceutique dans l'améliora- tion de l'hygiène hospitalière ; - s'initier à la recherche de la qualité dans le domaine du matériel médico-chirurgical stérile.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
Objectifs Commentaires > Acquérir une compétence • Cet objectif est destiné à vous faire apprécier la distance qui existe entre
quant à l’application l’enseignement théorique que vous avez suivi jusqu’alors (exception faite pratique des connaissances de votre stage en officine) et son application pratique. pharmaceutique • Vous ne retiendrez bien que ce que vous avez pu pratiquer et vivre au
quotidien. Lors de votre passage dans les unités de soins, vous vous trouverez confronté à la prescription de médicaments (que vous êtes censés connaître !), dans un contexte clinique. Vous devrez vous efforcer de comprendre les éléments du choix thérapeutique puis, avec l’expérience, de savoir répondre aux sollicitations, d’émettre des avis (oraux et écrits) et de faire des propositions. • N’oubliez pas que la compétence est la somme de la connaissance et d’un vécu. Le pharmacien installé depuis plusieurs années dans ses fonctions a parfois perdu en connaissance, mais a, en revanche, le vécu pour lui. • Etre compétent est avant tout savoir donner la bonne réponse au bon moment !
Se familiariser avec : • Confronté au malade, le médecin doit avant toute chose établir un diagnostic > la démarche médicale de la maladie. Pour cela, il observe le patient, l’interroge et tente de saisir les signes visant à établir un diagnostic ; de la maladie (cette science est la « séméiologie médicale »). Il dispose aussi > l’observation médicale. d’autres outils : examens biologiques et cytologiques, tests de diagnostic, imagerie, etc.
• L’ensemble de ces données constitue le dossier médical qui permet à tout médecin de l’équipe de connaître le patient et sa maladie. • La première approche du malade par le médecin constitue ce que l’on appelle l’observation médicale : il s’agit en fait d’interroger le patient pour essayer de cerner les circonstances d’apparition de la maladie et d’établir éventuellement des liens entre cette maladie et l’environnement familial, professionnel ou social. • Cet interrogatoire doit s’effectuer dans des conditions précises. Vous pourrez observer le médecin dans son approche et vous efforcer d’apprendre les linéaments d’un vocabulaire professionnel qui pourra vous sembler difficile a priori. • Il s’agit de mieux connaître la démarche du médecin, une connaissance indispensable pour apprendre à s’apprécier et à travailler ensemble. Il importe également que vous participiez aux réunions du service médical. • Veillez au plus strict respect du Code de déontologie médicale et à celui du secret professionnel auquel vous êtes évidemment astreint. Les objectifs médicaux relèvent de trois ordres : • prévenir la maladie ou son développement • soulager le malade • guérir la maladie
Pouvoir analyser et valider Cet objectif est extrêmement important pour un pharmacien : il induit de la thérapeutique médicamenteuse nombreuses missions professionnelles, devant faire l’objet de protocoles du patient (c’est-à-dire bien définis. son ordonnance) Le médecin, par son ordonnance, définit et encadre une stratégie thérapeutique.
Cette prescription doit garantir un effet maximum sur le processus pathologique ou sa prévention au prix d’un minimum d’effets indésirables.
Apprendre à transmettre La pharmacovigilance est une discipline ayant pour but la détection des effets une notification indésirables des médicaments. Elle correspond à une démarche de pharmacovigilance et à une organisation rigoureuses. afin de la rendre exploitable
Perfectionner les habiletés L’entrevue avec un patient peut se faire : de communication par : • pour prendre l’observation pharmaceutique au moment où il est entré dans > la réalisation d’entrevues et la un service ; remise d’informations au patient • lorsque le patient est en traitement pour rédiger une notification lors, par exemple, de son départ de pharmacovigilance ; de l’hôpital (conseil au patient • lorsque le patient va sortir du service afin de lui expliquer son traitement comme, sortant) au demeurant, doit le faire tout pharmacien d’officine lorsqu’il délivre > des échanges avec les autres des médicaments à un patient à partir d’une prescription médicale. professionnels de santé Le pharmacien professionnel directement impliqué dans la connaissance > des discussions avec les patients du médicament, a un rôle fondamental à jouer vis-à-vis de l’automédication. lors de la demande de Il est indispensable qu’il acquiert une compétence par rapport aux sollicitations médicaments sans ordonnance de sa clientèle afin de mieux la conseiller. Il doit connaître ses limites et conserver (domaine de l’automédication présent à l’esprit que la médication familiale ne saurait être que provisoire, intéressant les étudiants face à une symptomatologie persistante. destinés à pratiquer en officine)
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Objectifs Commentaires Apprendre la communication • Apprendre à digérer l’information orale ou écrite est essentiel dans toute
verbale et écrite de données profession confrontée à une évolution rapide du champ des connaissances. scientifiques et techniques Il vous faut pouvoir synthétiser l’essentiel de l’information et, éventuellement,
apprendre à saisir les failles d’une argumentation ou d’une démonstration. Il ne s’agit pas d’adopter une attitude critique systématique mais bien d’apprendre à poser les bonnes questions et à mettre en évidence les fautes, les oublis, les silences, le manque de rigueur. Tout ceci doit s’accompagner d’un apprentissage de la recherche bibliographique. Exemples : présentation en 15 minutes du dossier technique d’un nouveau médicament, résumé et synthèse en 10 minutes d’un article présentant une comparaison entre les principaux anti-ulcéreux, etc.
Acquérir une habileté à formuler • ETUDE DE CAS. Sélectionner un patient sur le plan de sa thérapeutique et synthétiser par écrit : médicamenteuse, et expliquer par écrit ce traitement, en l’analysant > une étude de cas ; et en le commentant. > des conseils pratiques au patient ; • CONSEILS AU MALADE. Le patient doit bénéficier d’un certain nombre > un avis pharmaceutique d’informations afin de rendre sa thérapeutique plus efficace et afin d’optimiser
l’observance du traitement. Pour cela, rien n’est mieux que de comprendre la prescription, et de comprendre aussi de quelle façon il est possible de limiter ou de supprimer les conséquences péjoratives du traitement (abus d’alcool, automédication, etc.). Les conseils doivent faire l’objet d’une rédaction écrite, aisément compréhensible, réduite aux concepts essentiels. • AVIS PHARMACEUTIQUE. Un avis pharmaceutique est l’opinion d’un professionnel sur un problème rentrant dans le cadre de ses compétences pharmaceutiques. Il ne s’agit ni d’un ordre, ni d’une directive : c’est la présentation objective d’arguments techniques, éventuellement économiques, face à une question posée. Cet avis doit être rédigé en présentant les avantages et les inconvénients de façon à éclairer celui qui sollicite cet avis pour l’aider à prendre une décision. Une grande honnêteté intellectuelle et une rigueur irréprochable constituent les deux qualités indispensables pour acquérir une crédibilité indispensable à une bonne intégration dans l’équipe soignante. Cet avis devra être rédigé selon des normes et, si possible, inclus dans le dossier médical s’il s’agit d’un avis portant sur un ou plusieurs médicament(s) intéressant le patient.
Acquérir un jugement et une Seule l’expérience peut permettre d’acquérir ce jugement et cette expérience ne habileté à formuler peut évidemment être demandée à un étudiant. Toutefois, la construction d’arbres des interventions justes décisionnels où tous les paramètres tenant au patient, à sa maladie, au moment approprié à son environnement, au médicament, doivent être pris en compte pour déterminer
une stratégie thérapeutique, constitue à ce titre un exercice pédagogique de première importance
Apprendre à juger de façon Cet objectif rejoint l’objectif n°6 : l’étape préalable consiste à synthétiser l’information critique et rationnelle à partir d’une bibliographie argumentée et à analyser cette information avant la présentation de données de la présenter verbalement ou par écrit. Cet apprentissage peut se faire : scientifiques ou cliniques • soit par rapport à un exposé réalisé par un étudiant ;
• soit par rapport à un dossier écrit ou imprimé sur un médicament ; • soit par rapport à une étude de cas clinique et/ou à une opinion pharmaceutique ; • soit par rapport à une expertise clinique d’un médicament. Il s’agit aussi d’apprendre à analyser un dossier scientifique, voire à participer aux expertises cliniques de médicaments, par exemple en participant au recueil de données au niveau de l’unité de soins, en participant avec le pharmacien hospitalier à la dispensation des médicaments en expertise selon les procédures réglementaires qu’il importe de connaître parfaitement.
Aider au développement • Le contexte économique actuel impose une réflexion préalable à la réalisation des informations économiques de chaque acte médical, et, notamment, avant de prescrire. dans les domaines qui sont • L’approche des rapports coût/efficacité et risque/bénéfice, coût/utilité est encore directement du ressort embryonnaire dans la plupart des Facultés de pharmacie. Pourtant, la du pharmacien pharmacoéconomie est une discipline appelée à se développer d’une façon
considérable dans les années à venir. L’argument économique doit donc demeurer en permanence présent à l’esprit dans le domaine de la santé, et ce notamment pour le pharmacien hospitalier, responsable d’un budget et qui est amené, au travers des travaux du Comité du Médicament, à promouvoir une liste limitée de spécialités. Mais, avant tout, il s’agit plus de limiter le gaspillage et de prévenir les redondances de prescription que d’entraver la prescription ! • Toute étude comparative produite devra donc intégrer des arguments économiques, sans qu’ils n deviennent prioritaires sur la sécurité ou la santé du patient.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
Objectifs Commentaires Contribuer et collaborer Le suivi des médicaments à marge thérapeutique étroite (théophylline,
au développement phénobarbital, digoxine, valproate, propranolol, ciclosporine, antirétroviraux, etc.) de la pharmacocinétique impose le respect strict de protocoles de surveillance et une excellente coordination par le transfert des résultats entre le laboratoire et le service clinique afin de fournir des prélèvements du dosage des médicaments biologiques utilisables et d’interpréter au mieux les résultats fournis à l’issue des à marge thérapeutique étroite analyses. La cinquième année constitue à ce titre une année de « décloisonnement » et favoriser l’interprétation entre des disciplines jusqu’alors enseignées de façon isolée (ou presque, tout des résultats ainsi que l’utilisation dépendant de la capacité des enseignants à organiser leurs disciplines respectives de ces derniers sur la posologie et de leur volonté de collaborer entre eux ou non !). et le plan de prises • Etablir des plans de prise en fonction des données chronopharmacologiques,
des données cinétiques, des habitudes du patient représente à ce titre un exercice intellectuel des plus formateurs.
Contribuer à développer • Le concept de qualité appliqué à la pharmacie en général sous la forme des la préparation pharmaceutique, Bonnes pratiques de fabrication doit s’appliquer dans la mesure du possible à la reconstitution des cytostatiques l’officine hospitalière. Outre les préparations galéniques classiques, les sollicitations et des antibiotiques, la préparation médicales dans le domaine des préparations des poches pour alimentation de mélanges pour nutrition parentérale et de la reconstitution centralisée des cytostatiques sont justifiées au parentérale, etc. travers de la compétence pharmaceutique. selon les Bonnes pratiques • Apprendre à intégrer une prescription, une fabrication et un suivi de la préparation de fabrication est intéressant sur le plan de la formation de tous les étudiants (surtout s’ils se
destinent à la filière industrielle). • Il s’agit ici également de l’art pharmaceutique qui consiste à préparer un « médicament » au sens large. C’est le domaine plus classique des préparations magistrales. • En termes de pharmacie clinique, il s’agit avant tout de comprendre la demande du prescripteur et de réaliser une forme et un conditionnement unitaire adapté au patient.
Etre sensibilisé au concept • Il s’agit d’une sensibilisation au concept de qualité totale faisant écho à une d’assurance-qualité pour nécessité d’optimisation thérapeutique, de réduction de la iatropathogénie. répondre à un impératif • Le concept d’assurance-qualité peut s’appliquer dans tous les domaines d’optimisation des activités et à toutes les échelles : celle de l’ établissement de santé tout entier comme pharmaceutiques notamment celle du travail d’une aide-soignante. vis-à-vis des pathologies • Il existe une méthodologie de traitement des questions relatives à la qualité. iatrogènes • Vous devez notamment être sensibilisé aux Bonnes pratiques de fabrication (BPF),
aux Bonnes pratiques de prescription (BPP), aux Bonnes pratiques de dispensation (BPD) ainsi enfin qu’aux Bonnes pratiques d’utilisation (BPU) (vous trouverez des éléments de réflexion pour vous y aider dans les pages qui suivent).
Appliquer la formation • C’est le domaine de l’antisepsie, de la désinfection et de la stérilisation. La pharmaceutique dans prévention des infections rejoint également le concept d’« assurance-qualité ». Les l’amélioration de l’hygiène antibiotiques représentent pour de nombreuses pharmacies le premier poste de hospitalière dépenses et, certainement, le poste sur lequel il doit être possible d’optimiser les
thérapeutiques en promouvant es conférences de consensus et en évitant les prescriptions redondantes ou inutiles. • Le développement de l’hygiène hospitalière et sa coordination par les Comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) doit avoir une répercussion sur la prescription des antibiotiques.
Appliquer la formation Vous devez connaître (et reconnaître) les problèmes liés au transfert des pharmaceutique dans médicaments dans l’organisme en lien avec des dispositifs médicaux (perfuseurs, l’amélioration de l’utilisation cathéters divers, poches de transfert, seringues, etc.) ainsi que ceux liés à la des dispositifs médicaux. compatibilité contenant-contenu. la connaissance de certains phénomènes est
importante car elle peut avoir des conséquences sur les posologies (exemple : adsorption de trinitrine sur certains biomatériaux).
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LE MEDICAMENT A L’HÔPITALCHAPITRE I I I
Le pharmacien hospitalier doit donc composer avec une mission qui ne se limite plus à la délivrance passive de biens pharmaceutiques dans un cadre avant tout adminis- tratif. Il doit cibler un enjeu déterminant : le patient et sa sécurité. Dans ce contexte, l’une de ses missions essen- tielles est de sécuriser le circuit du médicament(12). Plusieurs textes réglementent cet aspect de nos fonctions. Il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver et c’est la raison pour laquelle nous vous proposons ici une double démarche: 1) Vous familiariser avec les diverses étapes du circuit, et ce qu’elles représentent pour le pharmacien hospitalier ; 2) Prendre connaissance du texte réglementaire le plus important, l’arrêté du 31 mars 1999 (J.O. du 1er avril 1999) ; plutôt que de proposer le texte « brut » nous avons préfé- ré vous en proposer une lecture critique le replaçant dans son contexte, celle qu’en livrent deux pharmaciens des Hôpitaux, Etienne Schmitt et François Locher(13).
Avant que la loi n°92-1279 du 8 décembre 1992 ne lui consacre un mode d’exercice propre, la pharmacie hospitalière était considérée comme une simple dérogation au principe de l’indivisibilité de la propriété et de la gérance de l’officine(9). Cette loi a donc consacré un nouveau type d’exercice de la Pharmacie, parallèle à l’officine et à l’industrie pharmaceutique, la Pharmacie à usage intérieur (P.U.I.) des établissements de santé(10). Son décret d’application, publié en décembre 2000, après de nombreuses années d’atermoiements divers, a fixé le cadre de ce nouvel exercice dans l’hôpital, en rappelant un certain nombre de règles imposées par les principes généraux du droit pharmaceutique français et par son évolution récente(11). Parmi ces principes, la pharmacie doit, essentiellement et simultanément, s’exercer auprès des patients hospitalisés et du prescripteur, et constituer l’environnement sécuritaire des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux stériles) au sein de l’établissement. des textes ultérieurs ont renforcé encore ce rôle, en chargeant la pharmacie d’une mission de « sécurisation du circuit des produits de santé ».
LA PRESCRIPTION La prescription médicamenteuse est devenu un acte banal. Elle n’en est pas moins un acte médical de la première importance, avec tout ce que cela comporte en matière de risque : risque vital pour le patient, mais également risque judiciaire pour le médecin prescripteur et le per- sonnel soignant administrant les médicaments(14).
Liberté de prescription. Au terme de l’article 8 du Code de déontologie médicale (15), « dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance ». Tou- tefois, cette règle est tempérée pour trois catégories de médicaments : médicaments réservés à l’usage hospitalier, médicaments à prescription initiale hospitalière, médica- ments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement(16). Certaines spécialités reconnues comme par- ticulièrement toxiques peuvent relever d’obligations déro- gatoires au régime commun des substances vénéneuses(17). De plus, à l’hôpital, la liberté du prescripteur est limitée également par les possibilités offertes par la liste des médi- caments disponibles à la Pharmacie à usage intérieur de l’établissement où il exerce son art (18). Mise à part cette situation, le médecin reste seul habilité à juger de l’opportunité ou de la contre-indication à un acte de diagnostic ou de soin. Dans le cadre des données acquises de la science, le médecin a le choix du traite- ment qu’il croit le plus apte à obtenir la guérison du patient. Celui-ci reste par contre toujours libre d’accepter ou de refuser les prescriptions ordonnées. De plus, malgré le sta- tut que représente l’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) d’une spécialité pharmaceutique, préalable au débit à titre gratuit ou onéreux du médicament, le prati- cien peut, lorsqu’une indication thérapeutique le lui com- mande, prescrire même des produits non reconnus par l’autorité administrative. En tout état de cause, le patient doit être informé du choix thérapeutique du médecin : si la prescription est proposée après exposé des dangers du produit et justification du choix, la confiance du patient n’est pas abusée (du moins au sens juridique). Le consentement éclairé du patient constitue donc le principal des corollaires de la liberté thé- rapeutique du médecin, la rencontre médicale étant celle de deux volontés : celle du médecin et celle du patient. La liberté thérapeutique du médecin représente donc une part importante des prérogatives attachées à l’exercice de son art et le champ d’application de cette liberté n’est pra- tiquement pas borné. Toutefois, la portée conférée à la liberté de la prescription par l’article L.162-2 du Code de la Sécurité sociale la rend opposable aux cocontractants du médecin comme aux pouvoirs publics : cette opposabilité présente un caractè- re d’ordre public et représente une règle de droit. Dans les
(9) article L.5125-17 du Code de la santé publique. (10) Peigné J. (2001), Le régime des pharmacies à usage intérieur, Bull. juridique de la santé publique, n°44, pp.10-13. (11) Décret n°2000-1316 du 20 décembre 2000. (12) Analyse des missions des pharmacies à usage intérieur, Les Nouvelles Pharmaceutiques, n°209, 1er février 2001, pp.12-14. (13) Schmitt E., Locher F. (1999), Cadre juridique du circuit du médicament en milieu hospitalier consécutif à l’arrêté du 31 mars 1999, Bulletin de l’Ordre des Pharmaciens, n°364, pp.427-450. (14) L’étudiant intéressé pourra consulter de nombreuses références. Nous lui conseillons tout particulièrement la suivante, à laquelle nous faisons de larges emprunts qui doivent être considérés comme autant d’hommage à la remarquable synthèse de ses auteurs : Peligry M. (2003) La prescription médicamenteuse, Droit, déontologie et soin, 3(2), pp.208-246. (15) décret n°95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale. (16) décret du 2 décembre 1994, assoupli par un décret en date du 27 octobre 1998 pour les deux premières catégories de médicaments pour des situations d’urgence. (17) exemple : statut du Subutex®, de l’Halcion®, du Rohypnol, etc. (18) articles L.5123-2s et L.5126-1s du Code de la Santé publique.
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LE MEDICAMENT A L’HÔPITALCHAPITRE I I I
faits donc, la prescription médicale ne peut être dictée ni par le pouvoir politique ni par une autorité administrative et tout règlement prétendant limiter la liberté de prescrip- tion serait annulé pour excès de pouvoir.
Expression de la prescription. La prescription est un docu- ment écrit, lisible et compréhensible, encadré par un cer- tain nombre de dispositions légales. Elle constitue un préa- lable à l’administration de tout médicament en milieu hospitalier, quand bien même le médicament ne contient aucune substance vénéneuse. Cette règle ne souffre qu’une unique exception : l’administration d’un produit en situa- tion d’urgence, qui peut être réalisée en l’absence de pres- cription, pourvu que l’infirmier dispose d’un protocole général écrit et validé par le médecin chef de service (la prescription intervenant donc dans ce contexte bien spé- cifique a posteriori). La prescription peut être réalisée sur papier libre, à la main ou imprimée (prescription informatisée), pourvu qu’elle soit authentifiée par la signature du médecin et qu’elle apporte les précisions réglementairement indispensables à sa validation et à sa délivrance par le pharmacien. Il exis- te deux cas particuliers pour lesquels la prescription doit être rédigée sur un support spécifique : les stupéfiants(19) et les médicaments dérivés du sang(20). Cependant, dans la plupart des cas, la prescription du méde- cin hospitalier est effectuée oralement et transcrite dans le dossier de soins de chaque malade par l'infirmière qui l'ac- compagne dans sa visite. La généralisation de l’informati- sation du circuit du médicament, incluant la saisie de l’or- donnance par le médecin, devrait progressivement mettre un terme à cette pratique à la fois dangereuse et illégale.
Capacité à prescrire. Les capacités de prescription varient en fonction de la compétence des prescripteurs et sont par- fois limitées : les restrictions prévues par l’A.M.M. sont aussi fonction de la nature du médicament, de ses carac- téristiques, de son degré d’innovation, de son coût (21). Dans les faits, le prescripteur effectif à l’hôpital reste sou- vent un interne en médecine qui exerce sous la responsa- bilité d'un senior. De plus, les médecins hospitaliers n'hé- sitant pas à solliciter leurs confrères d'autres services : il peut y avoir plusieurs prescripteurs pour un même malade.
Responsabilité du médecin. Les conséquences domma- geables des soins dispensés dans un établissement de san- té public sont appréciées par les juridictions administra- tives, selon les principes du droit administratif. L’action n’est alors pas dirigée contre le médecin mais contre le service hospitalier dont il dépend, qui dispose ensuite d’une action récursoire contre son agent. Le médecin est tenu à une obligation de moyens, non de résultat : en d’autres termes, il doit des soins, non la gué- rison. La médecin n’est évidemment pas une science exac- te, infaillible et les aléas de l’acte médical, imprévisibles, empêchent de qualifier l’obligation de soins du médecin
(19) Vous consulterez avec profit l’arrêté du 31 mars 1999 (J.O. du 10 octobre 1991) et notamment sa section 4. (20) Voir l’article R.5144-29 du Code de la santé publique. (21) Voir article R.5143-3-5 du Code de la santé publique. (22) Bégué D. (2003), La prescription de médicaments hors AMM, Médecine & Droit, 60, pp.85-94. (23) article L.5121-12 du Code de la santé publique. (24) décret du 27 septembre 1990. (25) cité par Bégué D. (2003), ibid., page 88. (26) Vous lirez, s’agissant du Comité du Médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) la sous-section 6 des « Bonnes pra- tiques de pharmacie hospitalière » (B.O. n°2001/2bis), entièrement consacrée à l’organisation de cette instance. (27) Vous repérerez aisément cet agrément : il est mentionné par un petit « Collect. » à la fin des RCP (monographies) des médicaments. (28) Dans certains domaines, vous pourrez être surpris par les « services » en question : ainsi, en psychiatrie, les patients hébergés dans des familles d’« accueil thérapeutique » sont considérés comme « hospitalisés » et bénéficient-ils des médicaments de l’hôpital…
d’obligation de résultat. Si la prescription n’est pas écrite ou demeure imprécise dans son contenu, la responsabilité du médecin prescripteur peut être engagée (au triple plan dis- ciplinaire, civil et pénal) pour manquement fautif à son obligation de soins de moyen.
Prescription hors A.M.M(22). L’autorisation de mise sur le marché constitue un agrément accordé par l’Agence fran- çaise de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) pour commercialiser et permettre l’utilisation effective d’un médicament. Elle constitue une référence pour le méde- cin car elle encadre les situations et conditions dans les- quelles ce dernier peut prescrire le médicament (indica- tions, posologie, mode d’administration, contre-indications, précautions d’emploi, interactions, etc.). La prescription dans le cadre de l’A.M.M. doit donc constituer une règle. Cependant, aucun texte ni principe interdit à un médecin de prescrire hors A.M.M : • d’une part, il peut prescrire hors A.M.M. dans le cadre d’une Autorisation temporaire d’utilisation (A.T.U.) nomi- native ou de cohorte (23) ; • d’autre part, il peut prescrire hors A.M.M. dans le cadre de la recherche biomédicale (24)
En pratique, le pourcentage de prescription hors A.M.M. est important : entre 15 et 20% de la totalité des prescriptions. Dans la plupart des cas, elles se justifient par de réels besoins et s’appuient sur des preuves scientifiques à défaut de s’appuyer sur le texte, souvent trop restrictif, de l’A.M.M. Sans entrer ici dans le détail, un exemple s’imposera de façon flagrante à vous en hôpital : celui des prescriptions de pédiatrie (ainsi, en réanimation pédiatrique, plus de 90% des prescriptions sont elles réalisées hors AMM et en ambulatoire, entre 30 et 35% des prescriptions le sont(25) ).
DE L’APPROVISIONNEMENT DE LA PHARMACIE A L’ADMINISTRATION
DES MEDICAMENTS Approvisionnement. La pharmacie de l’hôpital s’approvi- sionne presque exclusivement de façon directe auprès des laboratoires pharmaceutiques, selon des procédures com- plexes relevant du Code des marchés publics. Plus rare- ment, elle s’approvisionne auprès du grossiste-répartiteur pour répondre à des besoins ponctuels. De fait, la Pharmacie à usage intérieur de l’hôpital ne détient pas toutes les spécialités en stock, mais unique- ment celles figurant sur une liste (appelée « Livret théra- peutique » ou « Livret du Médicament ») et dont le choix est fait, chaque année, par un collège de spécialistes, le Comité du Médicament(26). En principe, seules les spécia- lités bénéficiant de l’agrément aux collectivités hospita- lières peuvent être retenues dans ces choix(27). Ce stock est destiné à l’approvisionnement des unités de soins de l’hôpital ou des services relevant de l’établisse- ment de santé(28), et, inversement, les patients hospitalisés
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LE MEDICAMENT A L’HÔPITALCHAPITRE I I I
ne peuvent prétendre bénéficier de la fourniture de médi- caments par le réseau officinal (Code de la sécurité sociale). Le pharmacien hospitalier veille à fournir les médicaments au meilleur coût pour la collectivité : c’est la raison pour laquelle leur achat impose une procédure lourde mais garantissant le meilleur usage des deniers publics. Il doit ensuite veiller à limiter tout gaspillage (par des biais diffé- rents : commandes sur bons nominatifs à défaut de véritable ordonnance, délivrance sur présentation de justificatifs comme, par exemple, l’antibiogramme pour certains anti- biotiques, etc.).
Dispensation -Administration. Il n'y a pas la plupart du temps dans les hôpitaux français de dispensation des médi- caments par le pharmacien, mais une distribution par l'in- firmière à partir d'un stock présent dans les unités de soins qui est réapprovisionné par une commande régulière (heb- domadaire, bi-hebdomadaire, rarement journalière) à la pharmacie de l'établissement.
L'infirmière effectue la distribution des médicaments confor- mément à la prescription médicale mais elle peut dans certains cas distribuer un médicament non prescrit. Il en est ainsi des médicaments disponibles sans ordonnance en ambulatoire (aspirine, paracétamol, laxatifs, etc.) mais aus- si parfois d'autres appartenant à un tableau de substances vénéneuses et considérés à tort comme inoffensifs, ce qui pose un grave problème légal et engage pleinement sa res- ponsabilité. Il vous appartiendra de définir les modalités de dispensa- tion et d’administration des médicaments mises en place dans l’établissement où vous effectuerez votre stage. Ces modalités sont souvent variables selon les services et selon la nature des spécialités délivrées/administrées. Pour vous aider en vous proposant une « norme », vous prendrez connaissance de la circulaire n°666 du 30 janvier 1986 relative à la mise en application des pratiques de bonne dispensation des médicaments en milieu hospitalier (annexe 2 de ce chapitre)(29).
(29) Egalement : La dispensation des médicaments dans les services cliniques : guide méthodologique (1993) Assistance publique des Hôpitaux de Paris
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ANNEXE 1 DU CHAPITRE 3
Avenir l’article du Bulletin de l’Ordre des
Pharmaciens n°364, pages 427 à 450, en fac simile
(19 pages)
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ANNEXE 2 DU CHAPITRE 3
Avenir fac-simile de la circulaire n°666
du 30 janvier 1986. (20 pages)
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IATROGENIE MEDICAMENTEUSE
Le Dictionnaire Robert définit la "iatrogénie" comme "tou- te pathologie d'origine médicale"(30) : cette notion ne recouvre pas la seule intervention du médecin, mais tout ce qui est du domaine de l'action médicale (thérapeutique ou diagnostique), y compris par extension, l'automédica- tion. Il s’agit donc d’envisager tout ce qui porte préjudice à un malade hospitalisé du fait de la prescription médica- menteuse. Par là même, sont inclus, sous le vocable de iatrogénie médicamenteuse :
1 - les effets indésirables sans mauvais usage des thérapeu- tiques (aléas non fautifs), tels le risque lié au médicament (allergie imprévisible, anomalie enzymatique), une situation rendue obligatoire par une impasse thérapeutique, un risque lié à de simples précautions d’emploi, etc; 2 - les effets indésirables avec mauvais usage des thérapeu- tiques, que ce "mauvais usage" soit le fait du médecin (confor- mément à l'étymologie), ou d'autres soignants (notamment le pharmacien ou l'infirmière) : cet aléa fautif résulte du non respect d’une contre-indication officielle, d’une mauvaise indication, d’une posologie excessive et hors AMM, d’un traitement inutilement prolongé, etc. ou d’une erreur totale de prescription.
Cette conception de la iatrogénie s'éloigne du sens pre- mier et étymologique, mais elle en respecte l'esprit: la meilleure connaissance des effets indésirables des théra- peutiques, dans le but de rechercher tous les moyens de les prévenir. Le potentiel récidivant ou chronique de nombreuses patho- logies les situe souvent à l'intersection de plusieurs spécia- lités médicales, d'où une grande fréquence des polypres- criptions et donc une augmentation du risque d'interactions médicamenteuses et d'erreurs de toute nature(31). La pratique thérapeutique doit conduire le médecin com- me le pharmacien à s'interroger sur le potentiel souvent iatrogénique de la prescription(32), en pesant son rapport bénéfice-risque ; des considérations médico-légales inter- fèrent de plus avec ces considérations(33). Prévenir la iatrogénie médicamenteuse pourrait se résu- mer à la prescription idéale de la molécule adaptée, la plus à même de limiter les manifestations indésirables, dans une indication adéquate, à la posologie la plus per- sonnalisée, et au bon moment. Certaines dispositions régle- mentaires, les Recommandations de l'AFSSAPS ou les réfé- rences médicales opposables (R.M.O.) constituent autant de barrières destinées - au moins en théorie - à contenir les excès de certains prescripteurs (qui, cependant, restent libres de leur prescription, cf. supra chapitre 3). Faute par- fois de pouvoir satisfaire efficacement à ces différentes recommandations, il peut s'avérer indispensable, en cas de survenue d'effets indésirables, de co-prescrire des médi-
caments correcteurs, même si le prescripteur doit chercher avant tout à adapter la posologie ou à modifier le choix de la molécule prescrite, et tout en sachant que les cor- recteurs sont eux-mêmes à l'origine d'une iatrogénie poten- tielle. Mais, au-delà de ces aspects médicaux, prévenir la iatrogénie médicamenteuse serait aussi - et peut-être sur- tout - pour le pharmacien hospitalier de garantir une vali- dation pertinente de l'ordonnance et une administration conforme aux Bonnes pratiques. La qualité de la stratégie thérapeutique mise en oeuvre, c'est-à-dire son efficacité (appréciée par le SMR, l'ASMR et par le concept d'Evidence Based Medicine), sa maniabili- té (minimisation du risque d'interactions) mais aussi sa tolé- rance par le patient (versus traitements de référence), condi- tionne l'observance du traitement et donc sa pérennité.
ERREURS MEDICAMENTEUSES
Les erreurs médicamenteuses peuvent être classées en plu- sieurs catégories : * Par leur nature : scientifiques, techniques, pratiques ; * Par leur origine dans le circuit du médicament : pres- cription, dispensation, administration. Pour autant, ces classifications se recoupent évidemment : par exemple, une erreur de prescription peut être scienti- fique ou technique : vous trouverez de nombreuses préci- sions et statistiques sur ces questions en bibliographie(34)(35)(36).
ERREURS SCIENTIFIQUES
Se situant au niveau de la prescription, elles concernent le médecin(37). "L'objectif fondamental d'une politique du médicament à l'hôpital est d'assurer aux malades le béné- fice des meilleures thérapeutiques du moment, c'est à dire les plus efficaces et les plus sûres" : toute prescription ne répondant pas à cet objectif peut être considérée comme une erreur scientifique.
• En pratique, cette erreur est difficile à déceler, du moins a priori, car le diagnostic est plus ou moins sûr, et l’intérêt réel ou supposé du ou des médicament(s) indiqué(s) dans une affection donnée reste plus ou moins certain. • Les erreurs incontestables restent donc : - les redondances - les inexactitudes grossières (ex : pénicilline pour traiter une tuberculose, rétinoïde chez une femme enceinte).
Erreur restant rare, à moins d’une grossière erreur de diagnostic ou de négligence de la symptomatologie.
ABSENCE DE PRESCRIPTION
CHOIX DU (DES) MÉDICAMENT(S)
(30) Dictionnaire de la Langue Française, 1988, tome 5, page 322. (31) ainsi, le « U » de unités peut être confondu avec un « 0 » et 1.0mg a pu être lu comme 10mg. (32) La question, si elle est d’actualité, n’en est pas moins ancienne. Un numéro de Sciences & Vie de mars 1962 (n°534) titrait « Alerte aux médicaments » : Michel Conte, alors titulaire de la Chaire de Thérapeutique à la faculté de médecine de Paris, y soulignait que les « mala- dies des remèdes » constitueraient « le problème médical de l’avenir »… (33) Les prescripteurs américains y sont particulièrement sensibilisés: par exemple, certains effets indésirables des neuroleptiques (tels les dyskinésies tardives), reconnus comme invalidants et rebelles aux traitements correcteurs, les exposent à des actions judiciaires en vue de dédommagement de la part des patients ou de leur famille. Cette situation ne tardera pas à devenir également banale en Europe… (34) Calop J., Grain F., Amro S. (1999), Iatrogénie : prévenir les erreurs de la médication, Officiel Santé, pp.36-37. (35) Consulter : * Queneau P. (1997), Rapport de mission sur la iatrogénie médicamenteuse et la prévention, www.inserm.fr * Association pour l’Assurance Qualité en Thérapeutique et l’Evaluation www.adiph.org/aaqte/ * Voir aussi : http://www.mederrors.com, un site américain spécifiquement dédié à l’erreur médicale : informations, bibliothèque on-line, recommandations, etc. (36) Votre livre de chevet dans ce domaine : Schmitt E. (1999), Le risque médicamenteux nosocomial : circuit hospitalier du médicament et qualité des soins, Masson, Paris, 287 pages. (37) Vous lirez, par exemple, à ce propos : Bontemps H., Fauconnier J., Bosson J.-L., Brilloit C., François P., Calop J. (1997), Evaluation de la qualité de la prescription des médicaments dans un CHU, J. Pharm. Clin., 16, pp.49-53.
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L’ERREUR THERAPEUTIQUECHAPITRE IV
• Posologie trop faible et traitement sans effet • Posologie excessive, avec effets indésirables importants sans bénéfice thérapeutique supplémentaire.
• Interactions pharmacologique ; • Interactions cinétique ; • Interaction physico-chimiques.
Leur origine est variable :
Niveau de compétence du prescripteur. Il dépend de la qualité de sa formation initiale, de l’ancienneté de sa pra- tique(38), de l'intérêt qu'il porte au domaine de la pharma- cologie et de la thérapeutique : une remise à jour constan- te des connaissances est fondamentale. Or la tradition française a toujours privilégié le diagnostic par rapport à la thérapeutique lors de la visite, le diagnostic est générale- ment abondamment discuté et fait l’objet de présentations de cas de malades dans le service ; la thérapeutique, quant à elle, est en fait réglée rapidement, souvent sans justifi- cation précise. L’interne en médecine, insuffisamment for- mé à la Faculté, doit apprendre seul, sur le terrain, les médi- caments – lorsque sa formation n’est pas prise en main par… les laboratoires pharmaceutiques ! -. C’est tout l’in- térêt des protocoles de traitements, standardisés, validés par une équipe pluridisciplinaire, et qui peuvent ensuite être appliqués aisément même par des prescripteurs « juniors ».
Pluralité des prescripteurs. Le recours au confrère spécia- liste pour un problème diagnostique ou thérapeutique rele- vant de sa compétence est fréquent à l'hôpital. Or si ce prescripteur extérieur au service vient voir le malade pour lequel il a été appelé à une heure "creuse", il risque de n’avoir pour interlocuteurs que les infirmières qui ne sont pas toujours susceptibles de le renseigner exactement d'où un risque au niveau de la transmission de l'information (sauf si le dossier du patient est correctement informatisé). De fait, plus les médecins ayant en charge un patient sont nombreux, plus le risque d’erreur est important.
Mode de prescription. La prescription orale est source d'er- reurs et les auteurs comme les textes réglementaires ne considèrent comme valide qu’une prescription écrite. De plus, une ordonnance écrite permet d’éviter certaines erreurs d’interprétation.
Absence ou insuffisance de l'intervention pharmaceutique dans les services cliniques. Le pharmacien hospitalier a un rôle d'information important à jouer auprès du corps médical et du personnel infirmier, encore faut-il qu'il pren- ne le temps de s'informer lui-même. La cause première de cette absence d'intervention pharmaceutique au niveau des prescriptions est le manque de pharmaciens hospita- liers, parfois un désintérêt pour la pratique de terrain.
ASSOCIATION CONTRE-INDIQUÉE
POSOLOGIE ERRONÉE
(38) Plusieurs études, américaines notamment, soulignent l’importance des erreurs commises par les médecins « juniors », entendez les internes en médecine. (39) Ce dernier exemple a fait l’objet d’une mise en garde des laboratoires UCB publiée sur le site de la Food and Drug Administration amé- ricaine (FDA), compte tenu de l’extrême gravité des conséquences de ce type de confusion (bien sûr, vous savez ce que sont le Keppra® et le Kalétra® ! sinon, saisissez vous du dictionnaire Vidal® le plus proche !) (source : Vidal news n°78, 13 octobre 2003).
ERREURS TECHNIQUES
Se situant au niveau de l'exécution pratique des prescrip- tions, elles concernent au premier chef le pharmacien mais aussi l'infirmière. Les erreurs techniques sont très difficiles à recenser et les articles indiquant les moyens et les méthodes à mettre en œuvre pour les dépister sont rares. Le pourcentage d'er- reur techniques dans les hôpitaux varie entre 15 et 21% du total des doses administrées. Elles peuvent concerner : - l'heure d'administration - la dose administrée - le nom du médicament - la voie d'administration Il faut ajouter : - l'administration d'un médicament de mauvaise qualité (périmé, mal conservé, contaminé) - l'absence de prise effective du médicament par le mala- de (non-observance)
De nombreuses causes peuvent être à l’origine d’erreurs techniques : Mode de prescription. Les ordres verbaux formulés par le prescripteur peuvent être mal interprétés par l'infirmière et une confusion entre deux noms de résonance voisine est possible (exemple : aspirine au lieu d'asparaginase), de même qu’une confusion entre unités de prises (exemple : entre microgramme et milligramme). Ce style d'erreur est également possible avec une ordon- nance écrite par une personne dont la qualité d'écriture est mauvaise (exemples : Lévophed® et Solupred®, Corva- sal® et Coversyl®, Trandate® et Ténordate®, Keppra® et Kalé- tra®(39)). Prescription incomplète. Les ordres donnés par le pres- cripteur sont parfois fort succints (exemple : « Passez à Monsieur X du paracétamol et passez à 0,4 de calci deux fois »), le médecin imaginant que l'infirmière est susceptible de traduire tous les sous-entendus concernant la voie d'ad- ministration, l'heure d'administration, etc… Transcriptions multiples de la prescription initiale. la pres- cription, écrite, doit être signée du prescripteur, y compris sa version retranscrite dans le dossier de soins. Les mul- tiples retranscriptions (sur les piluliers, sur les bons de com- mande pour la pharmacie, etc.) constituent autant de sources d’erreurs du fait d’écritures parfois illisibles, de la présence d’abréviations nombreuses et non codifiées, de l’oubli de certaines mentions. Mauvaises pratiques de gestion des armoires de service. Les médic
Jean Calop, C.H.U., Grenoble Françoise BRION, C.H.U. Robert Debré, Paris
actualisation : Denis Richard, C.H.H.L., Poitiers
et la participation des Professeurs, Maîtres de Conférences, Enseignants et Internes des Hôpitaux suivants :
BOUQUET S., Poitiers COUET W., Tours
COURTOIS P., Poitiers DUPUIS A., Poitiers TOURNIER N., Paris
L’A.N.E.P.C. remercie Mirella Roy, Hôpital général d’Ottawa (Ontario) pour ses conseils.
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Entrant en cinquième année du cycle des études pharmaceutiques, vous franchissez un pas. Cette année constitue une étape particulièrement importante dans votre cursus universitaire, que vous suiviez une filière "officine", "industrie" ou "internat".
En effet, insérés jusqu’alors dans un système universitaire ménageant une place modeste à l’approche pratique des problèmes, vous allez être désormais confrontés aux réalités de terrain d’une existence professionnelle, la vôtre : celle de pharmacien.
Travaillant dans des services hospitaliers divers, vous serez amenés à prendre une conscience concrète de la double dimension, humaine et technique, du soin.
L'ambition de cet ouvrage n’est pas de tenter d'apporter des éléments de réponses à toutes les questions que vous vous posez, mais de constituer un manuel pédagogique actualisé à même de vous donner les bases du dialogue devant être engagé avec les divers professionnels que vous rencontrerez quotidiennement. Il vous faudra gagner leur confiance, en peu de temps, par la pertinence et la qualité de votre travail.
Un parti pris nous a animé lors de la conception de ce Guide : centrer notre propos sur la relation entre le médicament, le médecin, le pharmacien et bien sûr le patient. La pharmacie clinique, en effet, reste la préoccupation essentielle du stage de cinquième année, quand bien même de nombreuses autres activités, souvent fort techniques, mobilisent les pharmaciens hospitaliers (dispositifs médicaux, stérilisation, hygiène…). Ceci explique et justifie que nous n’ayons pas évoqué ici les possibilités pédagogiques qu’offre ce domaine d’activité spécifique.
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La France est longtemps demeurée le seul pays européen où les étudiants en pharmacie accomplissent une année entière de leurs études en milieu hospitalier. Il
s’agit d’une chance professionnelle qui doit être vécue comme une possibilité d’enrichissement quotidien et com- me une occasion unique, pour la majorité des étudiants de fréquenter des professionnels hospitaliers.
LA PHARMACIE CLINIQUE : UN ENGAGEMENT POUR L’AVENIR
La création des stages d’« externat » en pharmacie remon- te à 1985 : elle a été incluse dans une vaste réforme dont l’objectif fut et reste de permettre une interaction directe entre ces partenaires de la santé que sont le médecin, le per- sonnel soignant non médical, le pharmacien dans le but d’optimiser la qualité des soins. Son plus grand bénéfi- ciaire doit en être le patient. Cette réforme a entraîné une véritable mutation de l’exercice de la pharmacie d’offici- ne vers laquelle vous vous dirigez dans votre immense majorité. En effet, le développement de l’industrie phar- maceutique a, en l’espace de quelques décennies, privé le pharmacien de son mortier et de son pilon : de l’art de fabriquer les médicaments, le pharmacien est passé à un autre art, tout aussi délicat. Il s’agit pour lui de s’intéresser aux effets des médicaments sur l’homme, de savoir mettre en œuvre et de suivre des méthodes d’évaluation de l’ac- tivité des médicaments afin d’apprécier leur activité (phar- macodynamie), leur devenir dans l’organisme (pharmaco- cinétique), leurs effets indésirables, leurs interactions avec d’autres médicaments. Il lui faut savoir mettre en œuvre des protocoles de surveillance thérapeutique et biologique des traitements, savoir relier la susceptibilité individuelle du patient à l’action propre de chaque médicament adminis- tré, savoir adapter les schémas posologiques à l’état phy- siopathologique du patient et intégrer des paramètres éco- nomiques à sa réflexion. Enfin, et peut être surtout, il doit prendre une part active à l’information du patient et de ses proches dans un constant souci d’efficacité mais aussi d’hu- manité.
LA CINQUIÈME ANNÉE HOSPITALO-UNI- VERSITAIRE : UN TRAVAIL DE TERRAIN
Il vous faut donc aujourd’hui vous préparer à un exercice de la pharmacie moderne, ouvert vers l’éducation du patient et ayant le souci d’intégrer les techniques les plus contem- poraines de la communication. C’est le défi d’une nou- velle discipline : la pharmacie clinique. Bien sûr, semblable évolution ne saurait être prise en comp- te que par rapport à une évolution des mentalités et des programmes : des mentalités de nombreux enseignants, demeurant cloîtrés dans les murs des facultés et insuffi- samment au fait des pratiques de terrain, et de programmes dont l’évolution suit d’une façon frileuse les progrès des sciences, des techniques et du regard porté sur l’homme malade en ce XXIème siècle. Car la pharmacie clinique ne peut s’enseigner que sur le terrain, en présence du mala- de, puisque son propos est précisément d’individualiser la thérapeutique en vue de l’optimiser. Vos études universitaires ont donc désormais un but : vous permettre de bien connaître le médicament, sous toutes ses formes, et vous apprendre comment il se prescrit, com- ment s’établit le diagnostic, quelles sont les modalités d’ap- préhension du malade et de sa maladie, comme le traite-
L’ANNÉE HOSPITALO-UNIVERSITAIRECHAPITRE I
ment doit être surveillé, quels sont les risques iatrogènes inhérents à la prescription, comment il est possible d’éva- luer l’efficacité d’une prescription, quels critères dictent le choix d’une stratégie thérapeutique, comment le médecin ou le pharmacien doivent désormais intégrer la question incontournable de l’économie dans la gestion des traite- ments. La pharmacie clinique reflète une réelle culture pharma- ceutique : elle seule fait du pharmacien, pour adapter l’ex- pression de Molière, un véritable « honnête homme » de la santé, c’est-à-dire un professionnel ayant une vision panoramique de sa science. Cette culture, il vous appartient d’œuvrer pour la mettre à la disposition du malade, du prescripteur et du personnel soignant.
Cette année constitue une chance d’équilibrer vos connais- sances, en les orientant vers la pratique de terrain. Vous sera révélé un univers éloigné des sciences fondamentales enseignées en faculté. Vous verrez en quoi vous pouvez et vous devez devenir un complément performant et indis- pensable du médecin : ce dernier découvrira ainsi rapi- dement derrière le pharmacien non le gardien sourcilleux de dispositions réglementaires souvent méconnues, non le dépositaire d’une science obsolète, mais un collabora- teur rassurant et utile, susceptible de l’aider à rendre les traitements médicamenteux plus performants. Le personnel infirmier apprendra à se tourner vers le pharmacien pour toute question relative à la gestion du médicament dans l’unité de soin, à l’administration des spécialités, à l’utili- sation des dispositifs médicaux stériles. Le patient égale- ment, informé par les documents proposés par le phar- macien, comprendra mieux son traitement et saura rester observant de la prescription médicale. Cette volonté de rapprochement avec les différents parte- naires de santé, fondamentale, détermine l'avenir de la pharmacie auprès du corps médical comme auprès des consommateurs de soins que sont les patients.
UNE ANNÉE D’ « APPRENTISSAGE » HOSPITALIER : UNE CHANCE À SAISIR
Un étudiant en cinquième année reste avant tout en appren- tissage: il lui faut prendre ses marques puis repérer ses pos- sibilités d'action avant de pouvoir exercer pleinement ses
Les unités de formation et de recherche (UFR) de pharmacie ont pour mission la formation de pharmaciens ayant une bonne connaissance du médicament et de son environnement, non pas en tant que simple support d’une activité pharmacologique, mais en tant qu’objet thérapeutique de plus en plus sophistiqué, développant des activités bénéfiques ou toxiques, soumis à un système réglementaire et économique complexe. La création d’une année hospitalo-universitaire a permis de procéder à un rééquilibrage de la formation professionnelle en impliquant plus significativement le pharmacien dans une relation qui trop longtemps n’a guère lié que le prescripteur au patient. Cette année offre au pharmacien des outils en terme de connaissances pratiques, de comportements et de communication afin qu'il constitue un maillon performant et indispensable dans le circuit du médicament.
(1) Cette rémunération, pour faible qu’elle soit, établit des relations juridiques entre l’établissement de santé employeur et l’étudiant employé entraînant le respect de règles institutionnelles précises et mutualisant des droits comme des devoirs que l’étudiant doit connaître.
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L’ANNÉE HOSPITALO-UNIVERSITAIRECHAPITRE I
fonctions au sein de l'environnement hospitalier et d’assu- rer auprès du corps médical une continuité de la mission pharmaceutique. Ceci explique qu’un stage d’une année s’avère seul à même d’offrir à l’étudiant l’opportunité de s’intégrer à l’hôpital, de participer avec responsabilité aux activités qui lui sont confiées et de démontrer son aptitude humaine et technique à constituer un maillon efficace de la chaîne des soins, justifiant sa rémunération mensuelle(1). En milieu hospitalier l'association d'un pharmacien à l'équi- pe soignante est souhaitable à condition que sa formation le conduise à être efficace. Au niveau de l'officine, il est impor- tant de recentrer la profession sur un aspect plus scientifique. Dans l'industrie pharmaceutique, la connaissance du malade et de la manière dont les produits sont utilisés reste la seule spé- cificité des pharmaciens. Toute réforme visant à réduire ou supprimer la formation de terrain des pharmaciens se fera au détriment de l’avenir pro- fessionnel des jeunes diplômés de nos Facultés de Pharmacie, déjà fortement concurrencés par les étudiants issus des Grandes Ecoles ou des Facultés des Sciences dans de nombreux domaines, y compris et surtout dans l’industrie.
UN STATUT ANALOGUE À CELUI DES « EXTERNES » EN MÉDECINE
Votre statut d’étudiant hospitalier en pharmacie est identique à celui des étudiants en médecine. Connaissance doit en être prise, tout comme d’ailleurs du règlement intérieur de l'établissement de santé dans lequel vous travaillez.
PRATIQUER LA PHARMACIE CLINIQUE AU QUOTIDIEN
L'étudiant en pharmacie doit intégrer en même temps les propriétés pharmacologiques des médicaments et la phy- siopathologie du patient. Il doit se situer professionnellement entre le corps médical et le corps infirmier en respectant le territoire de chacun. Près de vingt ans après l’introduction de l’enseignement de la pharmacie clinique en France (1984), subsistent enco- re des confusions regrettables entre « pharmacie clinique », « pharmacologie », « pharmacologie clinique », voire « pharmacie chimique ». Il est donc essentiel de bien clari-
Sciences Champ d’action Exemple : regard porté sur un nouveau β-bloquant par chaque discipline
Pharmacognosie = Science des matières premières naturelles servant matière médicale à la préparation des médicaments, en particulier
des plantes médicinales ainsi que de leurs constituants. Elle s’intéresse aussi aux effets toxiques éventuels des produits naturels (*).
Pharmacie chimique = Science des corrélations structure-activité des médicaments, Corrélation entre la structure de la molécule, chimie thérapeutique qui, longtemps, a pu occuper le devant de la scène ses substituants, etc. et son coefficient de
dans les Facultés. Intéressante au plan théorique partage octanol-eau, l’effet ASI, l’effet dans le cursus des études de pharmacie, elle n’en quinidine-like, etc. demeure pas moins destinée à un auditoire d’étudiants désireux de suivre une filière industrielle.
Pharmacologie Entendue au sens large, étude du médicament et des substances d’origine exogène (xénobiotiques) susceptibles d’avoir cet usage. En pratique, « pharmacologie » a un sens plus restreint : elle rassemble la pharmacologie expérimentale, la pharmacodynamie, la pharmacométrie, la pharmacocinétique, la pharmacologie clinique (*)
* Pharmacocinétique * Science du devenir des substances * Etude du métabolisme et du devenir de (médicament ou non) dans l’organisme, la molécule dans l’organisme : en fonction du temps et de la dose administrée (*). absorption, distribution, élimination ;
* Pharmacométrie * Science de l’évaluation quantitative (mesure) de l’effet des agents pharmacologiques in vitro et/ou in vivo (*).
* Pharmacodynamie * Etude des réponses induites par une substance, * Etude de l’action de cette molécule sur soit sur l’organisme entier (in vivo), soit sur l’animal et sur l’homme : réceptologie, action une préparation isolée (ex vivo ou in vitro) ; anti-hypertensive par effet chronotrope elle s’intéresse en particulier au mécanisme d’action négatif, bathmotrope négatif, inotrope et permet d’orienter la recherche thérapeutique (*). négatif, etc.
Pharmacologie clinique Evaluation de l’activité du médicament sur l’homme Etude de sa cinétique chez l’homme sain sain ou sur l’homme malade, obéissant à des règles comme chez l’home malade (hypertendu, éthiques strictes et souvent pratiquée par des médecins, insuffisant rénal ou hépatique, diabétique, les pharmaciens n’ayant en général comme champ etc.) ; comparaison de l’activité par rapport à d’action que le suivi cinétique des médicaments d’autres antihypertenseurs et par rapport à en vu de l’adaptation posologique. un placebo dans le cadre d’investigations
cliniques.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I
Sciences Champ d’action Exemple : regard porté sur un nouveau β-bloquant par chaque discipline
Pharmacie clinique Pratique de la pharmacie au lit du malade, par le biais Vérification de la tolérance du traitement, d’une aide à la réalisation comme au suivi de la stratégie comparaison à d’autres molécules thérapeutique mise en place par le médecin, de la même famille, adaptation de la par la validation de l’ordonnance, la surveillance posologie à chaque patient, gestion des effets indésirables, l’élaboration de protocoles du plan de prise, des interactions, conseil thérapeutiques, la diffusion d’éléments d’information, au patient ou à sa famille à sa sortie le conseil au patient sortant, etc. de l’hôpital.
(*) définition adaptée d’après le Dictionnaire des Sciences pharmaceutiques & Biologiques, éditions Louis Pariente, Paris, 1997, tome III.
fier ces notions afin notamment de pouvoir les expliquer à vos interlocuteurs médicaux, qui ont toutes raisons pour méconnaître la richesse de l’enseignement pharmaceu- tique.
QUELQUES DISCIPLINES « SATELLITES » DE LA PHARMACOLOGIE…
Pour mener à bien vos missions, il vous faudra vous appuyer sur de solides connaissances en pharmacologie, en bio- pharmacie et connaître les grandes pathologies. Vous n’au- rez pas à rivaliser d’une quelconque façon avec les étu- diants formés en Faculté de médecine : votre rôle est tout autre. Chaque champ de compétence est en principe par- faitement déterminé : * Au médecin appartient le diagnostic et la prescription ; * Au pharmacien clinicien appartient l’optimisation de la thérapeutique médicamenteuse et la prévention de la patho- logie iatrogène sans même évoquer son rôle de respon- sable de l’organisation et de la sécurisation du circuit du médicament dans l’établissement de santé;
Tout ceci explique que l’enseignement de la pharmacie clinique ne puisse s’effectuer qu’à l’hôpital et que cette discipline ne puisse être réellement profitable qu’à des étu- diants en fin de cursus. Il ne s’agit plus en effet de se pen- cher sur un médicament ou sur une classe de médica- ments, mais bien de réfléchir sur des cas concrets et précis, ayant une existence propre. Votre démarche intellectuelle, correctement documentée, soigneusement étayée et argu- mentée sur la base d’éléments propres au patient comme d’éléments issus de votre propre recherche documentaire, vous permettra d’émettre une opinion et un avis destiné à aider le corps médical à affiner sa thérapeutique médica- menteuse.
Il vous faudra beaucoup de modestie et il vous faudra gagner progressivement une confiance à partir d’un savoir, d’un savoir être, d’un savoir faire. Seulement à ce prix sera- t-il possible que vous puissiez vous hausser au niveau d’un faire savoir.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
La pharmacie clinique est une discipline relativement nou- velle, plus orientée vers le patient et sa pathologie que vers le médicament. Elle a permis de rompre véritablement avec les anciennes pratiques et a satisfait à un besoin : celui de professionnels ayant une parfaite connaissance du médi- cament dans son environnement clinique. C’est à l’Université du Michigan, au début des années 1950, que les premières bases en furent jetées, mais l’es- sentiel du travail de synthèse fut réalisé par trois universi- taires de l’Université du Kentucky : David Burkholder, Paul Parker et Charles Walton, vers la fin des années 1960(2), à une époque où se multipliaient les actions en justice inten- tées par des patients ou leurs avocats à des médecins consi- dérés comme ayant commis une erreur thérapeutique ou dont le traitement s’était révélé donner lieu à une quel- conque iatrogénie. Les médecins américains ont alors sou- haité bénéficier, au niveau de leur équipe, d’un pharmacien clinicien, c’est-à-dire d’un pharmacien qui participe aux visites, aux staffs, ayant de solides connaissances sur le médicament.
UNE QUESTION DE DÉFINITION
La pharmacie clinique(3) n’est pas une discipline qui se suf- fit à elle même et s’enseignerait indépendamment d’autres connaissances : c’est bien plus une science transversale, décloisonnée, réalisant un véritable trait d’union entre plu- sieurs champs des sciences médicales et pharmaceutiques. Il existe en Europe une Société Européenne de Pharmacie Clinique (European Society of Clincal Pharmacy ESCP) qui organise, depuis plus de vingt ans, des congrès dans lesquels les pharmaciens des hôpitaux des pays européens échan- gent entre eux l’état d’avancement des travaux de Phar- macie Clinique dans chaque pays. En France, la Société Française de Pharmacie Clinique (SFPC)(4) est née en assemblée constitutive à l’initiative de pharmaciens hospitaliers en novembre 1986. Sous son égi- de, est publiée une revue trimestrielle associant des articles originaux, des synthèses bibliographiques et des lettres de rédaction approuvées par un comité de lecture. La France s’est dotée en terme d’enseignement de moyens pour former des pharmaciens cliniciens avec la cinquiè- me année hospitalo-universitaire et en essayant de recru- ter des enseignants parmi les praticiens hospitaliers (filières de l’Internat, DES de pharmacie hospitalière). Pourtant, ce cadre ne doit pas faire méconnaître une réalité de terrain moins reluisante : le nombre des postes actuellement pro- posés aux pharmaciens reste en totale inadéquation avec les objectifs idéaux de dispensation journalière, indivi- duelle et nominative des médicaments(5).
« La pharmacie clinique est l'utilisation optimale du jugement et des connaissances pharmaceutiques et biomédicales du pharmacien dans le but d'améliorer l'efficacité, la sécurité, l'économie et la précision selon lesquelles les médicaments doivent être utilisés dans le traitement des patients. » (Charles Walton – université du Kentucky – 1961)
PRÉVENIR LA IATROGÉNIE MÉDICAMENTEUSE
Un certain nombre d'études montrent que 5 à 7% des hos- pitalisations ont pour cause une pathologie iatrogène médi- camenteuse(6). Personne n’accepterait que la SNCF tolère 5 à 7% d’accidents parmi ses voyageurs ou que l’industrie pharmaceutique tolère 5 à 7% de médicaments non conformes aux exigences réglementaires ! L'analyse précise de l'origine des accidents (surdosage, non respect des contre-indications, interactions médicamenteuses dange- reuses, erreur dans l’identification du médicament ou du patient, etc.) révèle qu'ils auraient pu être évités en appli- quant une démarche qualité à la prescription et à la dis- pensation des médicaments.
QUELQUES ANALOGIES POUR RÉFLÉCHIR… En 2000, en France, la route a tué 8079 personnes et en a blessé près de 162 000, dont 27 000 considérés comme des blessés graves. Sur la base des études officielles, l’iatrogé- nie médicamenteuse nosocomiale (c’est-à-dire dans les seuls établissements de santé) représenterait environ 24 000 décès par an en France, soit trois fois la mortalité due aux accidents de la circulation. En secteur extra-hospitalier, l’iatrogénie médicamenteuse est responsable d’environ 6% des hospitalisations, hors tentatives de suicide par intoxi- cation médicamenteuse. Source : 4ème Forum de l’AAQTE (Association pour l’Assurance-Qualité en Thérapeutique et l’Evaluation), Nancy, 26-27 novembre 2002 (7)
On comprend aisément dans ce contexte que les pouvoirs publics aient pour objectif prioritaire de mettre en place des systèmes visant à faire baisser le nombre d'accidents iatrogènes médicamenteux et de demander aux profes- sionnels de la santé de s'associer pour atteindre un pour- centage d’accidents aussi bas que possible. Il s’agit donc pour nous, professionnels de la santé, de garantir au patient toute la sécurité qu’il est en droit d’attendre - quand bien même parfois certaines mesures peuvent a priori sembler
Les concepts présentés dans ce Guide sont ainsi issus du modèle québécois et adaptés en fonction des situations propres aux établissements de santé français. Il n’en reste pas moins vrai que cette présentation pourra vous sembler théorique et ne pas correspondre à ce que vous allez découvrir à l’hôpital. N’hésitez pas à vous en ouvrir à vos maîtres de stage : ceux-ci ont connaissance de ce Guide et, eux aussi, essayent ou essayeront de se rapprocher du modèle que nous proposons. Vos critiques, si elles sont constructives, seront toujours appréciées : elles témoignent de façon vivante de votre enthousiasme et de votre ambition de faire évoluer une profession trop largement frappée d’immobilisme
(2) Miller R.R. (1981), History of clinical pharmacy and clinical pharmacology, Journal of Clinical Pharmacology, 21, pp.195-197. (3) étymologiquement : la « pharmacie au lit » (du malade bien sûr !) (4) www.adiph.org/sfpc (5) La situation au Canada est bien plus positive : l’enseignement de la Pharmacie clinique y est obligatoire pour tous les étudiants depuis plus de vingt ans. Dans chaque hôpital, chaque ordonnance est validée par un pharmacien avant délivrance du traitement, avec un quota de pharmaciens de 1 pour 50 à 100 lits, sans même évoquer les assistants techniques aidant à la préparation des médicaments !
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
(6) parmi d’innombrables références, vous pouvez lire avec profit la synthèse d’Etienne Schmitt : Le risque médicamenteux nosocomial : circuit hospitalier du médicament et qualité des soins, éditions Masson Paris, 1999, 287 pages. (7) Nous faisons référence à plusieurs reprises dans ce Guide à cette association professionnelle dont les activités sont au centre de vos pré- occupations hospitalo-universitaires. Vous trouverez de nombreux renseignements sur le site : www.adiph.org/aaqte/ . Le compte-rendu de ce Forum a été publié dans un supplément au numéro 154 de la revue « Le Pharmacien Hospitalier » (septembre 2003). (8) vous trouverez des exemples de semblables associations présentés dans le chapitre consacré à la fonction n°11 de vos activités.
excessives au regard du patient, mais surtout du prescrip- teur ou de l’infirmier -. Toute activité humaine peut être à l’origine potentielle d’une défaillance parfois excusable mais rarement excusée quand elle entraîne la maladie, l'invalidité voire la mort. Il n’existe pas de parade automatisée à ce risque car même l’informatisation des prescriptions ne peut valoir l’analyse effectuée par un professionnel chevronné et bénéficiant de l’expérience des années. C’est la raison pour laquelle, dans le domaine du médi- cament, plusieurs professionnels doivent conjuguer leurs efforts et mettre en commun leurs compétences : • le médecin établit un diagnostic et définit une théra- peutique en rédigeant une ordonnance ; • le pharmacien valide l'ordonnance et dispense les pro- duits prescrits ; • enfin l'infirmière, lorsque cela est nécessaire, administre le traitement au malade selon un protocole préalablement défini. Des verrous de sécurité sont posés entre chacun de ces professionnels afin de renforcer la cohésion et l’efficacité de ce système.
A l'heure où s'organisent des associations de patients(8) ou d’auto-support, réclamant toujours plus d'attention, de vigi- lance, de chaleur humaine et de sécurité dans leurs rapports avec les professionnels de la santé, l'optimisation théra- peutique devient la règle.
PHARMACIE CLINIQUE : DES OBJECTIFS PRÉCIS À ATTEINDRE
Un système d'enseignement n’est efficace si les buts sont clairement fixés et connus de tous les étudiants. Il est impor- tant de prendre le temps de réfléchir sur les missions pro-
fessionnelles incombant au pharmacien diplômé afin de le préparer spécialement à ces tâches pendant son cursus universitaire. Pour exécuter avec rigueur et professionna- lisme son métier, des objectifs précis doivent donc être fixés et atteints lors de l’année hospitalo-universitaire. - acquérir une compétence quant à l'application pratique des connaissances pharmaceutiques ; - se familiariser avec la démarche diagnostique et l'obser- vation médicale ; - analyser rapidement la thérapeutique médicamenteuse pour un malade ; - apprendre à notifier un effet indésirable d'un médica- ment au centre de pharmacovigilance ; - perfectionner ses habiletés de communication avec les patients et les autres professionnels de santé ; - apprendre à communiquer de manière verbale et écrite des données scientifiques et techniques ; - formuler et synthétiser par écrit une étude de cas, des conseils au malade, un avis pharmaceutique ; - acquérir un jugement sûr et être capable d'intervenir avec justesse au moment approprié ; - apprendre à juger de façon critique et rationnelle la pré- sentation de données scientifiques ou cliniques ; - aider à la distribution des informations économiques dans les domaines du ressort du pharmacien ; - collaborer au développement de la pharmacocinétique et de la chronopharmacologie ; - contribuer au développement de la préparation pharma- ceutique et de la fabrication galénique ; - se sensibiliser au concept de qualité totale pour répondre au besoin d'optimisation thérapeutique ; - appliquer la formation pharmaceutique dans l'améliora- tion de l'hygiène hospitalière ; - s'initier à la recherche de la qualité dans le domaine du matériel médico-chirurgical stérile.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
Objectifs Commentaires > Acquérir une compétence • Cet objectif est destiné à vous faire apprécier la distance qui existe entre
quant à l’application l’enseignement théorique que vous avez suivi jusqu’alors (exception faite pratique des connaissances de votre stage en officine) et son application pratique. pharmaceutique • Vous ne retiendrez bien que ce que vous avez pu pratiquer et vivre au
quotidien. Lors de votre passage dans les unités de soins, vous vous trouverez confronté à la prescription de médicaments (que vous êtes censés connaître !), dans un contexte clinique. Vous devrez vous efforcer de comprendre les éléments du choix thérapeutique puis, avec l’expérience, de savoir répondre aux sollicitations, d’émettre des avis (oraux et écrits) et de faire des propositions. • N’oubliez pas que la compétence est la somme de la connaissance et d’un vécu. Le pharmacien installé depuis plusieurs années dans ses fonctions a parfois perdu en connaissance, mais a, en revanche, le vécu pour lui. • Etre compétent est avant tout savoir donner la bonne réponse au bon moment !
Se familiariser avec : • Confronté au malade, le médecin doit avant toute chose établir un diagnostic > la démarche médicale de la maladie. Pour cela, il observe le patient, l’interroge et tente de saisir les signes visant à établir un diagnostic ; de la maladie (cette science est la « séméiologie médicale »). Il dispose aussi > l’observation médicale. d’autres outils : examens biologiques et cytologiques, tests de diagnostic, imagerie, etc.
• L’ensemble de ces données constitue le dossier médical qui permet à tout médecin de l’équipe de connaître le patient et sa maladie. • La première approche du malade par le médecin constitue ce que l’on appelle l’observation médicale : il s’agit en fait d’interroger le patient pour essayer de cerner les circonstances d’apparition de la maladie et d’établir éventuellement des liens entre cette maladie et l’environnement familial, professionnel ou social. • Cet interrogatoire doit s’effectuer dans des conditions précises. Vous pourrez observer le médecin dans son approche et vous efforcer d’apprendre les linéaments d’un vocabulaire professionnel qui pourra vous sembler difficile a priori. • Il s’agit de mieux connaître la démarche du médecin, une connaissance indispensable pour apprendre à s’apprécier et à travailler ensemble. Il importe également que vous participiez aux réunions du service médical. • Veillez au plus strict respect du Code de déontologie médicale et à celui du secret professionnel auquel vous êtes évidemment astreint. Les objectifs médicaux relèvent de trois ordres : • prévenir la maladie ou son développement • soulager le malade • guérir la maladie
Pouvoir analyser et valider Cet objectif est extrêmement important pour un pharmacien : il induit de la thérapeutique médicamenteuse nombreuses missions professionnelles, devant faire l’objet de protocoles du patient (c’est-à-dire bien définis. son ordonnance) Le médecin, par son ordonnance, définit et encadre une stratégie thérapeutique.
Cette prescription doit garantir un effet maximum sur le processus pathologique ou sa prévention au prix d’un minimum d’effets indésirables.
Apprendre à transmettre La pharmacovigilance est une discipline ayant pour but la détection des effets une notification indésirables des médicaments. Elle correspond à une démarche de pharmacovigilance et à une organisation rigoureuses. afin de la rendre exploitable
Perfectionner les habiletés L’entrevue avec un patient peut se faire : de communication par : • pour prendre l’observation pharmaceutique au moment où il est entré dans > la réalisation d’entrevues et la un service ; remise d’informations au patient • lorsque le patient est en traitement pour rédiger une notification lors, par exemple, de son départ de pharmacovigilance ; de l’hôpital (conseil au patient • lorsque le patient va sortir du service afin de lui expliquer son traitement comme, sortant) au demeurant, doit le faire tout pharmacien d’officine lorsqu’il délivre > des échanges avec les autres des médicaments à un patient à partir d’une prescription médicale. professionnels de santé Le pharmacien professionnel directement impliqué dans la connaissance > des discussions avec les patients du médicament, a un rôle fondamental à jouer vis-à-vis de l’automédication. lors de la demande de Il est indispensable qu’il acquiert une compétence par rapport aux sollicitations médicaments sans ordonnance de sa clientèle afin de mieux la conseiller. Il doit connaître ses limites et conserver (domaine de l’automédication présent à l’esprit que la médication familiale ne saurait être que provisoire, intéressant les étudiants face à une symptomatologie persistante. destinés à pratiquer en officine)
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Objectifs Commentaires Apprendre la communication • Apprendre à digérer l’information orale ou écrite est essentiel dans toute
verbale et écrite de données profession confrontée à une évolution rapide du champ des connaissances. scientifiques et techniques Il vous faut pouvoir synthétiser l’essentiel de l’information et, éventuellement,
apprendre à saisir les failles d’une argumentation ou d’une démonstration. Il ne s’agit pas d’adopter une attitude critique systématique mais bien d’apprendre à poser les bonnes questions et à mettre en évidence les fautes, les oublis, les silences, le manque de rigueur. Tout ceci doit s’accompagner d’un apprentissage de la recherche bibliographique. Exemples : présentation en 15 minutes du dossier technique d’un nouveau médicament, résumé et synthèse en 10 minutes d’un article présentant une comparaison entre les principaux anti-ulcéreux, etc.
Acquérir une habileté à formuler • ETUDE DE CAS. Sélectionner un patient sur le plan de sa thérapeutique et synthétiser par écrit : médicamenteuse, et expliquer par écrit ce traitement, en l’analysant > une étude de cas ; et en le commentant. > des conseils pratiques au patient ; • CONSEILS AU MALADE. Le patient doit bénéficier d’un certain nombre > un avis pharmaceutique d’informations afin de rendre sa thérapeutique plus efficace et afin d’optimiser
l’observance du traitement. Pour cela, rien n’est mieux que de comprendre la prescription, et de comprendre aussi de quelle façon il est possible de limiter ou de supprimer les conséquences péjoratives du traitement (abus d’alcool, automédication, etc.). Les conseils doivent faire l’objet d’une rédaction écrite, aisément compréhensible, réduite aux concepts essentiels. • AVIS PHARMACEUTIQUE. Un avis pharmaceutique est l’opinion d’un professionnel sur un problème rentrant dans le cadre de ses compétences pharmaceutiques. Il ne s’agit ni d’un ordre, ni d’une directive : c’est la présentation objective d’arguments techniques, éventuellement économiques, face à une question posée. Cet avis doit être rédigé en présentant les avantages et les inconvénients de façon à éclairer celui qui sollicite cet avis pour l’aider à prendre une décision. Une grande honnêteté intellectuelle et une rigueur irréprochable constituent les deux qualités indispensables pour acquérir une crédibilité indispensable à une bonne intégration dans l’équipe soignante. Cet avis devra être rédigé selon des normes et, si possible, inclus dans le dossier médical s’il s’agit d’un avis portant sur un ou plusieurs médicament(s) intéressant le patient.
Acquérir un jugement et une Seule l’expérience peut permettre d’acquérir ce jugement et cette expérience ne habileté à formuler peut évidemment être demandée à un étudiant. Toutefois, la construction d’arbres des interventions justes décisionnels où tous les paramètres tenant au patient, à sa maladie, au moment approprié à son environnement, au médicament, doivent être pris en compte pour déterminer
une stratégie thérapeutique, constitue à ce titre un exercice pédagogique de première importance
Apprendre à juger de façon Cet objectif rejoint l’objectif n°6 : l’étape préalable consiste à synthétiser l’information critique et rationnelle à partir d’une bibliographie argumentée et à analyser cette information avant la présentation de données de la présenter verbalement ou par écrit. Cet apprentissage peut se faire : scientifiques ou cliniques • soit par rapport à un exposé réalisé par un étudiant ;
• soit par rapport à un dossier écrit ou imprimé sur un médicament ; • soit par rapport à une étude de cas clinique et/ou à une opinion pharmaceutique ; • soit par rapport à une expertise clinique d’un médicament. Il s’agit aussi d’apprendre à analyser un dossier scientifique, voire à participer aux expertises cliniques de médicaments, par exemple en participant au recueil de données au niveau de l’unité de soins, en participant avec le pharmacien hospitalier à la dispensation des médicaments en expertise selon les procédures réglementaires qu’il importe de connaître parfaitement.
Aider au développement • Le contexte économique actuel impose une réflexion préalable à la réalisation des informations économiques de chaque acte médical, et, notamment, avant de prescrire. dans les domaines qui sont • L’approche des rapports coût/efficacité et risque/bénéfice, coût/utilité est encore directement du ressort embryonnaire dans la plupart des Facultés de pharmacie. Pourtant, la du pharmacien pharmacoéconomie est une discipline appelée à se développer d’une façon
considérable dans les années à venir. L’argument économique doit donc demeurer en permanence présent à l’esprit dans le domaine de la santé, et ce notamment pour le pharmacien hospitalier, responsable d’un budget et qui est amené, au travers des travaux du Comité du Médicament, à promouvoir une liste limitée de spécialités. Mais, avant tout, il s’agit plus de limiter le gaspillage et de prévenir les redondances de prescription que d’entraver la prescription ! • Toute étude comparative produite devra donc intégrer des arguments économiques, sans qu’ils n deviennent prioritaires sur la sécurité ou la santé du patient.
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LA PHARMACIE CLINIQUECHAPITRE I I
Objectifs Commentaires Contribuer et collaborer Le suivi des médicaments à marge thérapeutique étroite (théophylline,
au développement phénobarbital, digoxine, valproate, propranolol, ciclosporine, antirétroviraux, etc.) de la pharmacocinétique impose le respect strict de protocoles de surveillance et une excellente coordination par le transfert des résultats entre le laboratoire et le service clinique afin de fournir des prélèvements du dosage des médicaments biologiques utilisables et d’interpréter au mieux les résultats fournis à l’issue des à marge thérapeutique étroite analyses. La cinquième année constitue à ce titre une année de « décloisonnement » et favoriser l’interprétation entre des disciplines jusqu’alors enseignées de façon isolée (ou presque, tout des résultats ainsi que l’utilisation dépendant de la capacité des enseignants à organiser leurs disciplines respectives de ces derniers sur la posologie et de leur volonté de collaborer entre eux ou non !). et le plan de prises • Etablir des plans de prise en fonction des données chronopharmacologiques,
des données cinétiques, des habitudes du patient représente à ce titre un exercice intellectuel des plus formateurs.
Contribuer à développer • Le concept de qualité appliqué à la pharmacie en général sous la forme des la préparation pharmaceutique, Bonnes pratiques de fabrication doit s’appliquer dans la mesure du possible à la reconstitution des cytostatiques l’officine hospitalière. Outre les préparations galéniques classiques, les sollicitations et des antibiotiques, la préparation médicales dans le domaine des préparations des poches pour alimentation de mélanges pour nutrition parentérale et de la reconstitution centralisée des cytostatiques sont justifiées au parentérale, etc. travers de la compétence pharmaceutique. selon les Bonnes pratiques • Apprendre à intégrer une prescription, une fabrication et un suivi de la préparation de fabrication est intéressant sur le plan de la formation de tous les étudiants (surtout s’ils se
destinent à la filière industrielle). • Il s’agit ici également de l’art pharmaceutique qui consiste à préparer un « médicament » au sens large. C’est le domaine plus classique des préparations magistrales. • En termes de pharmacie clinique, il s’agit avant tout de comprendre la demande du prescripteur et de réaliser une forme et un conditionnement unitaire adapté au patient.
Etre sensibilisé au concept • Il s’agit d’une sensibilisation au concept de qualité totale faisant écho à une d’assurance-qualité pour nécessité d’optimisation thérapeutique, de réduction de la iatropathogénie. répondre à un impératif • Le concept d’assurance-qualité peut s’appliquer dans tous les domaines d’optimisation des activités et à toutes les échelles : celle de l’ établissement de santé tout entier comme pharmaceutiques notamment celle du travail d’une aide-soignante. vis-à-vis des pathologies • Il existe une méthodologie de traitement des questions relatives à la qualité. iatrogènes • Vous devez notamment être sensibilisé aux Bonnes pratiques de fabrication (BPF),
aux Bonnes pratiques de prescription (BPP), aux Bonnes pratiques de dispensation (BPD) ainsi enfin qu’aux Bonnes pratiques d’utilisation (BPU) (vous trouverez des éléments de réflexion pour vous y aider dans les pages qui suivent).
Appliquer la formation • C’est le domaine de l’antisepsie, de la désinfection et de la stérilisation. La pharmaceutique dans prévention des infections rejoint également le concept d’« assurance-qualité ». Les l’amélioration de l’hygiène antibiotiques représentent pour de nombreuses pharmacies le premier poste de hospitalière dépenses et, certainement, le poste sur lequel il doit être possible d’optimiser les
thérapeutiques en promouvant es conférences de consensus et en évitant les prescriptions redondantes ou inutiles. • Le développement de l’hygiène hospitalière et sa coordination par les Comités de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) doit avoir une répercussion sur la prescription des antibiotiques.
Appliquer la formation Vous devez connaître (et reconnaître) les problèmes liés au transfert des pharmaceutique dans médicaments dans l’organisme en lien avec des dispositifs médicaux (perfuseurs, l’amélioration de l’utilisation cathéters divers, poches de transfert, seringues, etc.) ainsi que ceux liés à la des dispositifs médicaux. compatibilité contenant-contenu. la connaissance de certains phénomènes est
importante car elle peut avoir des conséquences sur les posologies (exemple : adsorption de trinitrine sur certains biomatériaux).
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LE MEDICAMENT A L’HÔPITALCHAPITRE I I I
Le pharmacien hospitalier doit donc composer avec une mission qui ne se limite plus à la délivrance passive de biens pharmaceutiques dans un cadre avant tout adminis- tratif. Il doit cibler un enjeu déterminant : le patient et sa sécurité. Dans ce contexte, l’une de ses missions essen- tielles est de sécuriser le circuit du médicament(12). Plusieurs textes réglementent cet aspect de nos fonctions. Il n’est pas toujours aisé de s’y retrouver et c’est la raison pour laquelle nous vous proposons ici une double démarche: 1) Vous familiariser avec les diverses étapes du circuit, et ce qu’elles représentent pour le pharmacien hospitalier ; 2) Prendre connaissance du texte réglementaire le plus important, l’arrêté du 31 mars 1999 (J.O. du 1er avril 1999) ; plutôt que de proposer le texte « brut » nous avons préfé- ré vous en proposer une lecture critique le replaçant dans son contexte, celle qu’en livrent deux pharmaciens des Hôpitaux, Etienne Schmitt et François Locher(13).
Avant que la loi n°92-1279 du 8 décembre 1992 ne lui consacre un mode d’exercice propre, la pharmacie hospitalière était considérée comme une simple dérogation au principe de l’indivisibilité de la propriété et de la gérance de l’officine(9). Cette loi a donc consacré un nouveau type d’exercice de la Pharmacie, parallèle à l’officine et à l’industrie pharmaceutique, la Pharmacie à usage intérieur (P.U.I.) des établissements de santé(10). Son décret d’application, publié en décembre 2000, après de nombreuses années d’atermoiements divers, a fixé le cadre de ce nouvel exercice dans l’hôpital, en rappelant un certain nombre de règles imposées par les principes généraux du droit pharmaceutique français et par son évolution récente(11). Parmi ces principes, la pharmacie doit, essentiellement et simultanément, s’exercer auprès des patients hospitalisés et du prescripteur, et constituer l’environnement sécuritaire des produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux stériles) au sein de l’établissement. des textes ultérieurs ont renforcé encore ce rôle, en chargeant la pharmacie d’une mission de « sécurisation du circuit des produits de santé ».
LA PRESCRIPTION La prescription médicamenteuse est devenu un acte banal. Elle n’en est pas moins un acte médical de la première importance, avec tout ce que cela comporte en matière de risque : risque vital pour le patient, mais également risque judiciaire pour le médecin prescripteur et le per- sonnel soignant administrant les médicaments(14).
Liberté de prescription. Au terme de l’article 8 du Code de déontologie médicale (15), « dans les limites fixées par la loi, le médecin est libre de ses prescriptions qui seront celles qu’il estime les plus appropriées en la circonstance ». Tou- tefois, cette règle est tempérée pour trois catégories de médicaments : médicaments réservés à l’usage hospitalier, médicaments à prescription initiale hospitalière, médica- ments nécessitant une surveillance particulière pendant le traitement(16). Certaines spécialités reconnues comme par- ticulièrement toxiques peuvent relever d’obligations déro- gatoires au régime commun des substances vénéneuses(17). De plus, à l’hôpital, la liberté du prescripteur est limitée également par les possibilités offertes par la liste des médi- caments disponibles à la Pharmacie à usage intérieur de l’établissement où il exerce son art (18). Mise à part cette situation, le médecin reste seul habilité à juger de l’opportunité ou de la contre-indication à un acte de diagnostic ou de soin. Dans le cadre des données acquises de la science, le médecin a le choix du traite- ment qu’il croit le plus apte à obtenir la guérison du patient. Celui-ci reste par contre toujours libre d’accepter ou de refuser les prescriptions ordonnées. De plus, malgré le sta- tut que représente l’autorisation de mise sur le marché (A.M.M.) d’une spécialité pharmaceutique, préalable au débit à titre gratuit ou onéreux du médicament, le prati- cien peut, lorsqu’une indication thérapeutique le lui com- mande, prescrire même des produits non reconnus par l’autorité administrative. En tout état de cause, le patient doit être informé du choix thérapeutique du médecin : si la prescription est proposée après exposé des dangers du produit et justification du choix, la confiance du patient n’est pas abusée (du moins au sens juridique). Le consentement éclairé du patient constitue donc le principal des corollaires de la liberté thé- rapeutique du médecin, la rencontre médicale étant celle de deux volontés : celle du médecin et celle du patient. La liberté thérapeutique du médecin représente donc une part importante des prérogatives attachées à l’exercice de son art et le champ d’application de cette liberté n’est pra- tiquement pas borné. Toutefois, la portée conférée à la liberté de la prescription par l’article L.162-2 du Code de la Sécurité sociale la rend opposable aux cocontractants du médecin comme aux pouvoirs publics : cette opposabilité présente un caractè- re d’ordre public et représente une règle de droit. Dans les
(9) article L.5125-17 du Code de la santé publique. (10) Peigné J. (2001), Le régime des pharmacies à usage intérieur, Bull. juridique de la santé publique, n°44, pp.10-13. (11) Décret n°2000-1316 du 20 décembre 2000. (12) Analyse des missions des pharmacies à usage intérieur, Les Nouvelles Pharmaceutiques, n°209, 1er février 2001, pp.12-14. (13) Schmitt E., Locher F. (1999), Cadre juridique du circuit du médicament en milieu hospitalier consécutif à l’arrêté du 31 mars 1999, Bulletin de l’Ordre des Pharmaciens, n°364, pp.427-450. (14) L’étudiant intéressé pourra consulter de nombreuses références. Nous lui conseillons tout particulièrement la suivante, à laquelle nous faisons de larges emprunts qui doivent être considérés comme autant d’hommage à la remarquable synthèse de ses auteurs : Peligry M. (2003) La prescription médicamenteuse, Droit, déontologie et soin, 3(2), pp.208-246. (15) décret n°95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale. (16) décret du 2 décembre 1994, assoupli par un décret en date du 27 octobre 1998 pour les deux premières catégories de médicaments pour des situations d’urgence. (17) exemple : statut du Subutex®, de l’Halcion®, du Rohypnol, etc. (18) articles L.5123-2s et L.5126-1s du Code de la Santé publique.
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LE MEDICAMENT A L’HÔPITALCHAPITRE I I I
faits donc, la prescription médicale ne peut être dictée ni par le pouvoir politique ni par une autorité administrative et tout règlement prétendant limiter la liberté de prescrip- tion serait annulé pour excès de pouvoir.
Expression de la prescription. La prescription est un docu- ment écrit, lisible et compréhensible, encadré par un cer- tain nombre de dispositions légales. Elle constitue un préa- lable à l’administration de tout médicament en milieu hospitalier, quand bien même le médicament ne contient aucune substance vénéneuse. Cette règle ne souffre qu’une unique exception : l’administration d’un produit en situa- tion d’urgence, qui peut être réalisée en l’absence de pres- cription, pourvu que l’infirmier dispose d’un protocole général écrit et validé par le médecin chef de service (la prescription intervenant donc dans ce contexte bien spé- cifique a posteriori). La prescription peut être réalisée sur papier libre, à la main ou imprimée (prescription informatisée), pourvu qu’elle soit authentifiée par la signature du médecin et qu’elle apporte les précisions réglementairement indispensables à sa validation et à sa délivrance par le pharmacien. Il exis- te deux cas particuliers pour lesquels la prescription doit être rédigée sur un support spécifique : les stupéfiants(19) et les médicaments dérivés du sang(20). Cependant, dans la plupart des cas, la prescription du méde- cin hospitalier est effectuée oralement et transcrite dans le dossier de soins de chaque malade par l'infirmière qui l'ac- compagne dans sa visite. La généralisation de l’informati- sation du circuit du médicament, incluant la saisie de l’or- donnance par le médecin, devrait progressivement mettre un terme à cette pratique à la fois dangereuse et illégale.
Capacité à prescrire. Les capacités de prescription varient en fonction de la compétence des prescripteurs et sont par- fois limitées : les restrictions prévues par l’A.M.M. sont aussi fonction de la nature du médicament, de ses carac- téristiques, de son degré d’innovation, de son coût (21). Dans les faits, le prescripteur effectif à l’hôpital reste sou- vent un interne en médecine qui exerce sous la responsa- bilité d'un senior. De plus, les médecins hospitaliers n'hé- sitant pas à solliciter leurs confrères d'autres services : il peut y avoir plusieurs prescripteurs pour un même malade.
Responsabilité du médecin. Les conséquences domma- geables des soins dispensés dans un établissement de san- té public sont appréciées par les juridictions administra- tives, selon les principes du droit administratif. L’action n’est alors pas dirigée contre le médecin mais contre le service hospitalier dont il dépend, qui dispose ensuite d’une action récursoire contre son agent. Le médecin est tenu à une obligation de moyens, non de résultat : en d’autres termes, il doit des soins, non la gué- rison. La médecin n’est évidemment pas une science exac- te, infaillible et les aléas de l’acte médical, imprévisibles, empêchent de qualifier l’obligation de soins du médecin
(19) Vous consulterez avec profit l’arrêté du 31 mars 1999 (J.O. du 10 octobre 1991) et notamment sa section 4. (20) Voir l’article R.5144-29 du Code de la santé publique. (21) Voir article R.5143-3-5 du Code de la santé publique. (22) Bégué D. (2003), La prescription de médicaments hors AMM, Médecine & Droit, 60, pp.85-94. (23) article L.5121-12 du Code de la santé publique. (24) décret du 27 septembre 1990. (25) cité par Bégué D. (2003), ibid., page 88. (26) Vous lirez, s’agissant du Comité du Médicament et des dispositifs médicaux stériles (COMEDIMS) la sous-section 6 des « Bonnes pra- tiques de pharmacie hospitalière » (B.O. n°2001/2bis), entièrement consacrée à l’organisation de cette instance. (27) Vous repérerez aisément cet agrément : il est mentionné par un petit « Collect. » à la fin des RCP (monographies) des médicaments. (28) Dans certains domaines, vous pourrez être surpris par les « services » en question : ainsi, en psychiatrie, les patients hébergés dans des familles d’« accueil thérapeutique » sont considérés comme « hospitalisés » et bénéficient-ils des médicaments de l’hôpital…
d’obligation de résultat. Si la prescription n’est pas écrite ou demeure imprécise dans son contenu, la responsabilité du médecin prescripteur peut être engagée (au triple plan dis- ciplinaire, civil et pénal) pour manquement fautif à son obligation de soins de moyen.
Prescription hors A.M.M(22). L’autorisation de mise sur le marché constitue un agrément accordé par l’Agence fran- çaise de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) pour commercialiser et permettre l’utilisation effective d’un médicament. Elle constitue une référence pour le méde- cin car elle encadre les situations et conditions dans les- quelles ce dernier peut prescrire le médicament (indica- tions, posologie, mode d’administration, contre-indications, précautions d’emploi, interactions, etc.). La prescription dans le cadre de l’A.M.M. doit donc constituer une règle. Cependant, aucun texte ni principe interdit à un médecin de prescrire hors A.M.M : • d’une part, il peut prescrire hors A.M.M. dans le cadre d’une Autorisation temporaire d’utilisation (A.T.U.) nomi- native ou de cohorte (23) ; • d’autre part, il peut prescrire hors A.M.M. dans le cadre de la recherche biomédicale (24)
En pratique, le pourcentage de prescription hors A.M.M. est important : entre 15 et 20% de la totalité des prescriptions. Dans la plupart des cas, elles se justifient par de réels besoins et s’appuient sur des preuves scientifiques à défaut de s’appuyer sur le texte, souvent trop restrictif, de l’A.M.M. Sans entrer ici dans le détail, un exemple s’imposera de façon flagrante à vous en hôpital : celui des prescriptions de pédiatrie (ainsi, en réanimation pédiatrique, plus de 90% des prescriptions sont elles réalisées hors AMM et en ambulatoire, entre 30 et 35% des prescriptions le sont(25) ).
DE L’APPROVISIONNEMENT DE LA PHARMACIE A L’ADMINISTRATION
DES MEDICAMENTS Approvisionnement. La pharmacie de l’hôpital s’approvi- sionne presque exclusivement de façon directe auprès des laboratoires pharmaceutiques, selon des procédures com- plexes relevant du Code des marchés publics. Plus rare- ment, elle s’approvisionne auprès du grossiste-répartiteur pour répondre à des besoins ponctuels. De fait, la Pharmacie à usage intérieur de l’hôpital ne détient pas toutes les spécialités en stock, mais unique- ment celles figurant sur une liste (appelée « Livret théra- peutique » ou « Livret du Médicament ») et dont le choix est fait, chaque année, par un collège de spécialistes, le Comité du Médicament(26). En principe, seules les spécia- lités bénéficiant de l’agrément aux collectivités hospita- lières peuvent être retenues dans ces choix(27). Ce stock est destiné à l’approvisionnement des unités de soins de l’hôpital ou des services relevant de l’établisse- ment de santé(28), et, inversement, les patients hospitalisés
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LE MEDICAMENT A L’HÔPITALCHAPITRE I I I
ne peuvent prétendre bénéficier de la fourniture de médi- caments par le réseau officinal (Code de la sécurité sociale). Le pharmacien hospitalier veille à fournir les médicaments au meilleur coût pour la collectivité : c’est la raison pour laquelle leur achat impose une procédure lourde mais garantissant le meilleur usage des deniers publics. Il doit ensuite veiller à limiter tout gaspillage (par des biais diffé- rents : commandes sur bons nominatifs à défaut de véritable ordonnance, délivrance sur présentation de justificatifs comme, par exemple, l’antibiogramme pour certains anti- biotiques, etc.).
Dispensation -Administration. Il n'y a pas la plupart du temps dans les hôpitaux français de dispensation des médi- caments par le pharmacien, mais une distribution par l'in- firmière à partir d'un stock présent dans les unités de soins qui est réapprovisionné par une commande régulière (heb- domadaire, bi-hebdomadaire, rarement journalière) à la pharmacie de l'établissement.
L'infirmière effectue la distribution des médicaments confor- mément à la prescription médicale mais elle peut dans certains cas distribuer un médicament non prescrit. Il en est ainsi des médicaments disponibles sans ordonnance en ambulatoire (aspirine, paracétamol, laxatifs, etc.) mais aus- si parfois d'autres appartenant à un tableau de substances vénéneuses et considérés à tort comme inoffensifs, ce qui pose un grave problème légal et engage pleinement sa res- ponsabilité. Il vous appartiendra de définir les modalités de dispensa- tion et d’administration des médicaments mises en place dans l’établissement où vous effectuerez votre stage. Ces modalités sont souvent variables selon les services et selon la nature des spécialités délivrées/administrées. Pour vous aider en vous proposant une « norme », vous prendrez connaissance de la circulaire n°666 du 30 janvier 1986 relative à la mise en application des pratiques de bonne dispensation des médicaments en milieu hospitalier (annexe 2 de ce chapitre)(29).
(29) Egalement : La dispensation des médicaments dans les services cliniques : guide méthodologique (1993) Assistance publique des Hôpitaux de Paris
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ANNEXE 1 DU CHAPITRE 3
Avenir l’article du Bulletin de l’Ordre des
Pharmaciens n°364, pages 427 à 450, en fac simile
(19 pages)
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ANNEXE 2 DU CHAPITRE 3
Avenir fac-simile de la circulaire n°666
du 30 janvier 1986. (20 pages)
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IATROGENIE MEDICAMENTEUSE
Le Dictionnaire Robert définit la "iatrogénie" comme "tou- te pathologie d'origine médicale"(30) : cette notion ne recouvre pas la seule intervention du médecin, mais tout ce qui est du domaine de l'action médicale (thérapeutique ou diagnostique), y compris par extension, l'automédica- tion. Il s’agit donc d’envisager tout ce qui porte préjudice à un malade hospitalisé du fait de la prescription médica- menteuse. Par là même, sont inclus, sous le vocable de iatrogénie médicamenteuse :
1 - les effets indésirables sans mauvais usage des thérapeu- tiques (aléas non fautifs), tels le risque lié au médicament (allergie imprévisible, anomalie enzymatique), une situation rendue obligatoire par une impasse thérapeutique, un risque lié à de simples précautions d’emploi, etc; 2 - les effets indésirables avec mauvais usage des thérapeu- tiques, que ce "mauvais usage" soit le fait du médecin (confor- mément à l'étymologie), ou d'autres soignants (notamment le pharmacien ou l'infirmière) : cet aléa fautif résulte du non respect d’une contre-indication officielle, d’une mauvaise indication, d’une posologie excessive et hors AMM, d’un traitement inutilement prolongé, etc. ou d’une erreur totale de prescription.
Cette conception de la iatrogénie s'éloigne du sens pre- mier et étymologique, mais elle en respecte l'esprit: la meilleure connaissance des effets indésirables des théra- peutiques, dans le but de rechercher tous les moyens de les prévenir. Le potentiel récidivant ou chronique de nombreuses patho- logies les situe souvent à l'intersection de plusieurs spécia- lités médicales, d'où une grande fréquence des polypres- criptions et donc une augmentation du risque d'interactions médicamenteuses et d'erreurs de toute nature(31). La pratique thérapeutique doit conduire le médecin com- me le pharmacien à s'interroger sur le potentiel souvent iatrogénique de la prescription(32), en pesant son rapport bénéfice-risque ; des considérations médico-légales inter- fèrent de plus avec ces considérations(33). Prévenir la iatrogénie médicamenteuse pourrait se résu- mer à la prescription idéale de la molécule adaptée, la plus à même de limiter les manifestations indésirables, dans une indication adéquate, à la posologie la plus per- sonnalisée, et au bon moment. Certaines dispositions régle- mentaires, les Recommandations de l'AFSSAPS ou les réfé- rences médicales opposables (R.M.O.) constituent autant de barrières destinées - au moins en théorie - à contenir les excès de certains prescripteurs (qui, cependant, restent libres de leur prescription, cf. supra chapitre 3). Faute par- fois de pouvoir satisfaire efficacement à ces différentes recommandations, il peut s'avérer indispensable, en cas de survenue d'effets indésirables, de co-prescrire des médi-
caments correcteurs, même si le prescripteur doit chercher avant tout à adapter la posologie ou à modifier le choix de la molécule prescrite, et tout en sachant que les cor- recteurs sont eux-mêmes à l'origine d'une iatrogénie poten- tielle. Mais, au-delà de ces aspects médicaux, prévenir la iatrogénie médicamenteuse serait aussi - et peut-être sur- tout - pour le pharmacien hospitalier de garantir une vali- dation pertinente de l'ordonnance et une administration conforme aux Bonnes pratiques. La qualité de la stratégie thérapeutique mise en oeuvre, c'est-à-dire son efficacité (appréciée par le SMR, l'ASMR et par le concept d'Evidence Based Medicine), sa maniabili- té (minimisation du risque d'interactions) mais aussi sa tolé- rance par le patient (versus traitements de référence), condi- tionne l'observance du traitement et donc sa pérennité.
ERREURS MEDICAMENTEUSES
Les erreurs médicamenteuses peuvent être classées en plu- sieurs catégories : * Par leur nature : scientifiques, techniques, pratiques ; * Par leur origine dans le circuit du médicament : pres- cription, dispensation, administration. Pour autant, ces classifications se recoupent évidemment : par exemple, une erreur de prescription peut être scienti- fique ou technique : vous trouverez de nombreuses préci- sions et statistiques sur ces questions en bibliographie(34)(35)(36).
ERREURS SCIENTIFIQUES
Se situant au niveau de la prescription, elles concernent le médecin(37). "L'objectif fondamental d'une politique du médicament à l'hôpital est d'assurer aux malades le béné- fice des meilleures thérapeutiques du moment, c'est à dire les plus efficaces et les plus sûres" : toute prescription ne répondant pas à cet objectif peut être considérée comme une erreur scientifique.
• En pratique, cette erreur est difficile à déceler, du moins a priori, car le diagnostic est plus ou moins sûr, et l’intérêt réel ou supposé du ou des médicament(s) indiqué(s) dans une affection donnée reste plus ou moins certain. • Les erreurs incontestables restent donc : - les redondances - les inexactitudes grossières (ex : pénicilline pour traiter une tuberculose, rétinoïde chez une femme enceinte).
Erreur restant rare, à moins d’une grossière erreur de diagnostic ou de négligence de la symptomatologie.
ABSENCE DE PRESCRIPTION
CHOIX DU (DES) MÉDICAMENT(S)
(30) Dictionnaire de la Langue Française, 1988, tome 5, page 322. (31) ainsi, le « U » de unités peut être confondu avec un « 0 » et 1.0mg a pu être lu comme 10mg. (32) La question, si elle est d’actualité, n’en est pas moins ancienne. Un numéro de Sciences & Vie de mars 1962 (n°534) titrait « Alerte aux médicaments » : Michel Conte, alors titulaire de la Chaire de Thérapeutique à la faculté de médecine de Paris, y soulignait que les « mala- dies des remèdes » constitueraient « le problème médical de l’avenir »… (33) Les prescripteurs américains y sont particulièrement sensibilisés: par exemple, certains effets indésirables des neuroleptiques (tels les dyskinésies tardives), reconnus comme invalidants et rebelles aux traitements correcteurs, les exposent à des actions judiciaires en vue de dédommagement de la part des patients ou de leur famille. Cette situation ne tardera pas à devenir également banale en Europe… (34) Calop J., Grain F., Amro S. (1999), Iatrogénie : prévenir les erreurs de la médication, Officiel Santé, pp.36-37. (35) Consulter : * Queneau P. (1997), Rapport de mission sur la iatrogénie médicamenteuse et la prévention, www.inserm.fr * Association pour l’Assurance Qualité en Thérapeutique et l’Evaluation www.adiph.org/aaqte/ * Voir aussi : http://www.mederrors.com, un site américain spécifiquement dédié à l’erreur médicale : informations, bibliothèque on-line, recommandations, etc. (36) Votre livre de chevet dans ce domaine : Schmitt E. (1999), Le risque médicamenteux nosocomial : circuit hospitalier du médicament et qualité des soins, Masson, Paris, 287 pages. (37) Vous lirez, par exemple, à ce propos : Bontemps H., Fauconnier J., Bosson J.-L., Brilloit C., François P., Calop J. (1997), Evaluation de la qualité de la prescription des médicaments dans un CHU, J. Pharm. Clin., 16, pp.49-53.
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L’ERREUR THERAPEUTIQUECHAPITRE IV
• Posologie trop faible et traitement sans effet • Posologie excessive, avec effets indésirables importants sans bénéfice thérapeutique supplémentaire.
• Interactions pharmacologique ; • Interactions cinétique ; • Interaction physico-chimiques.
Leur origine est variable :
Niveau de compétence du prescripteur. Il dépend de la qualité de sa formation initiale, de l’ancienneté de sa pra- tique(38), de l'intérêt qu'il porte au domaine de la pharma- cologie et de la thérapeutique : une remise à jour constan- te des connaissances est fondamentale. Or la tradition française a toujours privilégié le diagnostic par rapport à la thérapeutique lors de la visite, le diagnostic est générale- ment abondamment discuté et fait l’objet de présentations de cas de malades dans le service ; la thérapeutique, quant à elle, est en fait réglée rapidement, souvent sans justifi- cation précise. L’interne en médecine, insuffisamment for- mé à la Faculté, doit apprendre seul, sur le terrain, les médi- caments – lorsque sa formation n’est pas prise en main par… les laboratoires pharmaceutiques ! -. C’est tout l’in- térêt des protocoles de traitements, standardisés, validés par une équipe pluridisciplinaire, et qui peuvent ensuite être appliqués aisément même par des prescripteurs « juniors ».
Pluralité des prescripteurs. Le recours au confrère spécia- liste pour un problème diagnostique ou thérapeutique rele- vant de sa compétence est fréquent à l'hôpital. Or si ce prescripteur extérieur au service vient voir le malade pour lequel il a été appelé à une heure "creuse", il risque de n’avoir pour interlocuteurs que les infirmières qui ne sont pas toujours susceptibles de le renseigner exactement d'où un risque au niveau de la transmission de l'information (sauf si le dossier du patient est correctement informatisé). De fait, plus les médecins ayant en charge un patient sont nombreux, plus le risque d’erreur est important.
Mode de prescription. La prescription orale est source d'er- reurs et les auteurs comme les textes réglementaires ne considèrent comme valide qu’une prescription écrite. De plus, une ordonnance écrite permet d’éviter certaines erreurs d’interprétation.
Absence ou insuffisance de l'intervention pharmaceutique dans les services cliniques. Le pharmacien hospitalier a un rôle d'information important à jouer auprès du corps médical et du personnel infirmier, encore faut-il qu'il pren- ne le temps de s'informer lui-même. La cause première de cette absence d'intervention pharmaceutique au niveau des prescriptions est le manque de pharmaciens hospita- liers, parfois un désintérêt pour la pratique de terrain.
ASSOCIATION CONTRE-INDIQUÉE
POSOLOGIE ERRONÉE
(38) Plusieurs études, américaines notamment, soulignent l’importance des erreurs commises par les médecins « juniors », entendez les internes en médecine. (39) Ce dernier exemple a fait l’objet d’une mise en garde des laboratoires UCB publiée sur le site de la Food and Drug Administration amé- ricaine (FDA), compte tenu de l’extrême gravité des conséquences de ce type de confusion (bien sûr, vous savez ce que sont le Keppra® et le Kalétra® ! sinon, saisissez vous du dictionnaire Vidal® le plus proche !) (source : Vidal news n°78, 13 octobre 2003).
ERREURS TECHNIQUES
Se situant au niveau de l'exécution pratique des prescrip- tions, elles concernent au premier chef le pharmacien mais aussi l'infirmière. Les erreurs techniques sont très difficiles à recenser et les articles indiquant les moyens et les méthodes à mettre en œuvre pour les dépister sont rares. Le pourcentage d'er- reur techniques dans les hôpitaux varie entre 15 et 21% du total des doses administrées. Elles peuvent concerner : - l'heure d'administration - la dose administrée - le nom du médicament - la voie d'administration Il faut ajouter : - l'administration d'un médicament de mauvaise qualité (périmé, mal conservé, contaminé) - l'absence de prise effective du médicament par le mala- de (non-observance)
De nombreuses causes peuvent être à l’origine d’erreurs techniques : Mode de prescription. Les ordres verbaux formulés par le prescripteur peuvent être mal interprétés par l'infirmière et une confusion entre deux noms de résonance voisine est possible (exemple : aspirine au lieu d'asparaginase), de même qu’une confusion entre unités de prises (exemple : entre microgramme et milligramme). Ce style d'erreur est également possible avec une ordon- nance écrite par une personne dont la qualité d'écriture est mauvaise (exemples : Lévophed® et Solupred®, Corva- sal® et Coversyl®, Trandate® et Ténordate®, Keppra® et Kalé- tra®(39)). Prescription incomplète. Les ordres donnés par le pres- cripteur sont parfois fort succints (exemple : « Passez à Monsieur X du paracétamol et passez à 0,4 de calci deux fois »), le médecin imaginant que l'infirmière est susceptible de traduire tous les sous-entendus concernant la voie d'ad- ministration, l'heure d'administration, etc… Transcriptions multiples de la prescription initiale. la pres- cription, écrite, doit être signée du prescripteur, y compris sa version retranscrite dans le dossier de soins. Les mul- tiples retranscriptions (sur les piluliers, sur les bons de com- mande pour la pharmacie, etc.) constituent autant de sources d’erreurs du fait d’écritures parfois illisibles, de la présence d’abréviations nombreuses et non codifiées, de l’oubli de certaines mentions. Mauvaises pratiques de gestion des armoires de service. Les médic