Ndrl : A l’occasion de la sortie de l’album ‘’Mégalopolis’’, et des concerts qui allaient suivre, Herbert Pagani eut droit à un grand Echiquier pour lui tout seul. Le décor était composé d’immenses dessins réalisés par l’artiste. C’était magique, simplement magique. Vous pourrez retrouver certaines archives sur le site de l’INA (Institut National de l’Audiovisuel). Megalopolis est un des premiers ‘’concept album’’. C’est une histoire de surconsommation, de pertes de liberté, de fin d’un monde, de contrôles, d’emprisonnement, d’individualisme, de luttes aussi, de croyances un peu. C’est terriblement et malheureusement d’actualité. On ne peut pas écouter cette histoire (car c’est aussi conté) par bribes. Il faut s’asseoir et l’écouter de bout en bout. C’est terrifiant mais aussi plein d’espoir. Pagani était un de ces artistes visionnaires. Quelqu’un disait ‘’on ne peut pas changer le monde avec une chanson’’… peut être…mais une chanson, comme toute œuvre (car contrairement à Gainsborg je pense qu’elle est un art) peut certainement faire réfléchir et guider notre façon de concevoir notre rapport aux autres, notre façon d’envisager l’avenir, de nous engager…et puis ‘’ A quoi sert une chanson si elle est désarmée ?’’.

Herbert Pagani, (Herbert Avraham Haggiag Pagani), est né le 24 avril 1944 à Tripoli,

dans une famille libyenne juive expulsée de ce pays en 1952 . Après une enfance déchirée entre des parents divorcés, entre la France et l'Allemagne, il s'exprime d'abord par le dessin et la peinture. Il débute dans la chanson sous la houlette d'Annalena Limentani, assistante de Roberto Rossellini, traduisant en italien ceux qu'il appelle ses «  dieux  », Jacques Brel et Léo Ferré, et en diffusant leurs chansons au-dessous des Alpes. Il traduit aussi Mouloudji, Barbara et Édith Piaf (il adapte Antoine, Michel Polnareff, Françoise Hardy, Claude Nougaro, France Gall…). C’est grâce à une lettre écrite à Jacques Brel, reçue par son ex-femme car Brel avait déménagé, qu’il débute à Radio Monte-Carlo, où il anime des émissions en direction de l’Italie du nord (en remplacement d’une animatrice malade). Les nombreux appels des auditeurs, ravis de ce gai luron, décide le directeur de la station à le mettre à l’antenne. L’artiste y met une condition : diffuser un de ses disques à chaque émission, la radio officielle italienne les censurant alors. Il chante dans le film Amore mio aiutami (1969) d’Alberto Sordi (titre anglais Help Me My Love). Il joue et chante dans Marco Visconti (1975) téléfilm de Anton Giulio Majano (it). Sa musique est encore utilisée aujourd’hui comme dans Perdutoamor (it) (2003) où l’on entend le titre Mia Lombardia (la version italienne du Plat Pays de Brel, adaptée par Pagani).

https://www.youtube.com/watch?v=jNufrcDHuvM

Son premier disque, paraît en 1971. Il débute ainsi:" Dring, dring… sonnerie du téléphone.- Allo?- Vous avez demandé à être réveillé ! - Ah oui, par vous. Mon nom est Herbert Pagani, et le vôtre? - Il est sept heures, répond sèchement la standardiste. "Herbert Pagani, dès lors resta toujours en éveil. Il chanta les travailleurs immigrés, la violence, la sècheresse de sa terre "rouge orange", les enfants qui quittent la maison, les hommes méditerranéens et leurs errances. Il chanta aussi la Venise des palais qui se désagrègent, des touristes, des faux-semblants, des ordures et des dorures, de l'amour, des "seins gonflés des cathédrales". Ces chansons sont éruptives, chaleureuses, pleines de lucidité et de désamour, mais aussi d'embrasements amoureux, de lyrisme.

https://www.youtube.com/watch?v=JFwq2ay8Z18

Il enregistre en 1972 Megalopolis (avec Christian Chevalier, Jean Claudric, Ivan Graziani, Jean-Claude Petit et Jean-Claude Vannier aux orchestrations), une comédie musicale de politique fiction, sorte d'opéra-rock, bien avant Starmania, qui fait frémir aujourd'hui par sa lucidité.

Mégalopolis sera jouée triomphalement au théâtre de Chaillot en décembre 1975, et reprise dans la foulée à Bobino en avril 1976.

En 1975 son disque "Les années de la rage et les heures de l'amour", œuvre emblématique, entame avec ferveur le parcours profondément juif d'Herbert. La chanson "l'étoile d'or" fera le tour du monde. Elle décrit par ellipses le destin du peuple juif, ses pérégrinations, ses souffrances, et l'implacabilité de ceux qui le traquent encore, alors qu'il est de retour sur sa terre. Sur les pochettes de disque il arbore souvent son étoile de David, comme une référence, comme un slogan, comme un aveu ‘’Le temps de tracer un sillon’’.

https://www.youtube.com/watch?v=Q3Eb9-KtWuQ

Il se présentait politiquement à gauche, aussi bien dans ses prises de positions en France que dans le soutien au sionisme et à l'État d'Israël  ; on l'a vu aux côtés de François Mitterrand et il a enregistré une chanson pour le parti socialiste, brocardée d’ailleurs par le polémiste Louis Pauwels, en raison de ce passage : France socialiste Puisque tu existes Tout devient possible Ici et maintenant. Dans plusieurs de ses chansons, il a insisté sur son identité juive (l’étoile d’or) et son soutien à Israël (Plaidoyer pour ma terre), texte qui constitue son ‘’credo’’ philosophique.

Polyglotte, il parlait italien, français, allemand, anglais et espagnol. Il avait également des notions en russe.

Mais Herbert est fatigué. Il est lassé des tournées, des routes qu'il sillonne, des tours de chant. Il fuit "Paris, capitale-poubelle", et il "fuit les affiches qui l'engueulent en couleurs". Il se fuit lui-même et cherche à s'extraire de cette vie exposée qui l'insupporte. Il ne veut plus se retrouver happé par la solitude, au sortir de ses spectacles, traversant des couloirs froids, avec sur les épaules son "vieux pull d'arlequin". Il se remet à peindre, retourne dans sa ville, à Milan, quitte son appartement de la rue Caulaincourt, et se réhabitue à des plaisirs discrets, intenses. Il collecte des matériaux sur le sable des plages, il court pieds nus dans l'eau, et emplit des valises de feuilles Canson, recouvre ses toiles de peintures criardes, et se met à écrire. Il publiera "Préhistoire d'amour" (Editions Robert Laffont). Il retrouve la sérénité et l'envie de faire, de chanter, de transmettre, et se prépare à revenir sur scène. Mais il meurt à 44 ans (ndrl :une semaine après Félix Leclerc), le 16 août 1988 à Palm Springs en Californie, où il passait des vacances, des suites d’une leucémie à évolution accélérée. Il repose à Tel Aviv (Israël).

https://www.youtube.com/watch?v=TxLwAu6nfiY

Discographie

1967  : L’Amicizia (30  cm Mama, RPLP-001)

1971  : Concer to d’Italie (30 cm Pathé Marconi 2C 064 11757 - version française partielle de L’Amicizia à laquelle s'ajoutent quelques titres originaux)

1972  : Megalopolis (2×30  cm P a t h é M a r c o n i 2 C 16 2 12354-5 - double album qui deviendra un spectacle à Bobino. Réédité en 1989 2×CD EMI 251 978)

1974  : Les Années de la Rage et les Heures de l'Amour (30 cm Pathé Marconi 2C 062 12733)

1975  : Ballate dal Marco Visconti (30 cm RCA Italiana, TPL1-1155)

1975  : Peintures (30  cm P a t h é M a r c o n i 2 C 0 6 6 13059)

1976  : Palcoscenico (30  cm RCA Italiana, TPL-1-1225)

19 76  : Pa g a n i à B o b i n o (30 cm Pathé Marconi 2C 066 14294)

Source : Chante France –

Wikipédia – Revue Je Chante –

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