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 Michel Figeac et alii, Le prince et les arts en France et en Italie, XIV e -XVIII e  siècles, Sedes, 2010. 1 Chapitre 1 : Le prince et les arts à la fin du Moyen Âge (1300-1520) 1. Les cours princières : un foyer de culture et d’art  1.1 La multiplication des cours, un phénomène de la fin du Moyen Âge L’automne du Moyen Âge ? Les XIV e  et XV e  siècles ont été depuis longtemps considérés comme une période de troubles et de violents contrastes. Peste noire de 1348, guerre de Cent Ans, jacquerie, conflits entre les condotierri en Italie du nord, tout concourt à faire de la fin du Moyen Âge une période de crise. Néanmoins, ces désastres coïncident avec un foisonnement des productions et des manifestations de l’art favorisées par les cours princières françaises et italiennes, lesquelles constituent les bases de la civilisation de la Renaissance. Par ailleurs, les révoltes à partir de 1315-1320, la répression, la guerre et les assassinats obligent les artistes à rechercher une plus grande protection hors des villes. Le phénomène des états princiers En France En France, la résistance des princes de sang { l’autorité royale entra îne l’émergence de cours princières distinctes de la cour royale . Constituées à partir d’apanages, ces cours princières en concurrence entre elles deviennent des centres d’influence politique, des lieux d’attraction de la noblesse et des foyers de culture actifs qui affaiblissent le pouvoir royal. Peu à peu se constituent de véritables conglomérats princiers résultant d’alliances politiques : entre 1363 et 1440, les ducs de Bourgogne constituent un Etat plus puissant que le domaine royal et demandent la reconnaissance du titre royal. Les relations des princes avec le roi sont ambivalentes : d’une part, par le droit d’apanage, les premiers assurent des prérogatives souveraines comme les finances ou la justice. D’autre part, les princes se présentent comme les défenseurs des libertés régionales. Ils tentent de s’affranchir de la tutelle royale en refusant l’hommage au roi  ou en se mettant en scène lors de rites cérémoniels auxquels participaient de nombreux artistes. Pour conserver une influence face à la monarchie française, les princes cherchent à faire de la cour un centre de rayonnement culturel. Toutefois, après le rattachement de la Bretagne au domaine royal en 1490, les nouveaux interlocuteurs princiers du roi sont en Italie.

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Chapitre 1 : Le prince et les arts à la fin du MoyenÂge (1300-1520)

1.  Les cours princières : un foyer de culture et d’art 

1.1  La multiplication des cours, un phénomène de la fin du Moyen Âge

L’automne du Moyen Âge ?

Les XIVe et XVe siècles ont été depuis longtemps considérés comme une périodede troubles et de violents contrastes. Peste noire de 1348, guerre de Cent Ans, jacquerie,conflits entre les condotierri en Italie du nord, tout concourt à faire de la fin du Moyen

Âge une période de crise. Néanmoins, ces désastres coïncident avec un foisonnement desproductions et des manifestations de l’art favorisées par les cours princières françaiseset italiennes, lesquelles constituent les bases de la civilisation de la Renaissance. Parailleurs, les révoltes à partir de 1315-1320, la répression, la guerre et les assassinatsobligent les artistes à rechercher une plus grande protection hors des villes.

Le phénomène des états princiers

En France

En France, la résistance des princes de sang { l’autorité royale entra înel’émergence de cours princières distinctes de la cour royale . Constituées à partird’apanages, ces cours princières en concurrence entre elles deviennent des centresd’influence politique, des lieux d’attraction de la noblesse et des foyers de culture actifsqui affaiblissent le pouvoir royal.

Peu à peu se constituent de véritables conglomérats princiers résultant d’alliances politiques : entre 1363 et 1440, les ducs de Bourgogne constituent un Etat plus puissant que le domaine royal et demandent la reconnaissance du titre royal.

Les relations des princes avec le roi sont ambivalentes : d’une part, par le droit 

d’apanage, les premiers assurent des prérogatives souveraines comme les finances ou lajustice. D’autre part, les princes se présentent comme les défenseurs des libertésrégionales. Ils tentent de s’affranchir de la tutelle royale en refusant l’hommage au roi ouen se mettant en scène lors de rites cérémoniels auxquels participaient de nombreuxartistes. Pour conserver une influence face à la monarchie française, les princescherchent à faire de la cour un centre de rayonnement culturel. Toutefois, après lerattachement de la Bretagne au domaine royal en 1490, les nouveaux interlocuteursprinciers du roi sont en Italie.

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En Italie

C’est précisément dans le sud de l’Italie que la diffusion de l’influence françaiseest la plus forte. Si à partir de 1330, les Etats pontificaux sont concurrencés par la courd’Avignon, celle de Naples qui réunit des artistes français et italiens devient un creuset de la culture humaniste. Au milieu du XIVe  siècle, apparaissent dans le nord de l’Italiedes principautés dominées par des grands princes : les Visconti puis les Sforza à Milan,les Este à Ferrare, les Gonzague à Mantoue, les Médicis à Florence, les Montefeltro àUrbino et les Malatesta à Rimini et Pesaro. En Italie, les princes affirment moins leursuprématie par le recrutement de fonctionnaires, que par le soin de la propagande quisuppose le recrutement d’intellectuels et d’artistes. Par ailleurs, l’absence de corpsprivilégié fondamentalement distinct du reste de la société italienne permettait desrelations d’égalité entre petits princes et puissants ducs. L’expression des arts et des

lettres primait sur la puissance économique ; il s’agissait de donner un modèle de princeacceptable pour « apprivoiser » les anciennes élites urbaines. Alors que la secondemoitié du XVe siècle voit le déclin des princes territoriaux en France, c’est précisément {ce moment que les états princiers triomphent en Italie. Par ailleurs, aux XIVe-XVe siècle,la vie de cour est concentrée autour de la figure du prince, lequel devient une référenceen termes de goût. Cette place du prince implique un cadre permettant d’accueillir leshommes et familles en quête de prestige.

En France comme en Italie, la cour devient la matrice d’une élite sociale, politique

et intellectuelle où les hommes et les idées circulent d’une cour { l’autre. Elle est également le lieu de stratégies matrimoniales : en 1381, Jean Galéas Visconti, époux de lafille du roi de France Jean II le Bon, donne sa fille en mariage { Louis d’Orléans.  

1.2  La culture des princes

Une tradition aristocratique

En France comme en Italie, le goût pour la poésie courtoise en langue d’oc restevif jusqu’{ ce que se fassent entendre au XVe siècle les critiques gallophobes des tenants

du dolce stil nuovo  en langue italienne. A l’instar de la réputation de Gaston IV Fébus,comte de Foix-Béarn, la chasse fait figure de délassement préféré des princes qui leurpermet d’apparaître comme de valeureux combattants. Ce goût pour la chasses’accompagne d’une passion pour les tournois qui constituent l’expression de lapropagande politique des princes, au point qu’Elizabeth Crouzet -Pavan parle de« civilisation des tournois », comme en témoigne le « pas » de l’Arbre de Charlemagne {la cour de Bourgogne. Enfin, ces tournois s’accompagnent de divertissements littéraires.La culture des princes est effectivement marquée par le goût de la littérature courtoiseet l’expression des sentiments amoureux envers les nobles dames : en 1388, Gaston

Fébus invite Jean Froissart pour des lectures publiques de son poème Meliador .

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Nouvelles tendances

Au cours des cérémonies, les princes se mettent en scène aux côtés d’artiste et d’intellectuels de renom. S’entourer de grands esprits est un moyen pour ces princes deconforter leur propre culture et d’affirmer un talent créateur : pour renforcer leurrenommée, ils cherchent { égaler des écrivains, peintres ou sculpteurs, porteurs d’undon naturel considéré comme divin.

1.3  Le prince, lecteur, bibliophile et collectionneur

Lectures

Les bibliothèques des princes sont avant tout  composées d’ouvrages religieux :

Bible, vie de saints, textes de saint Augustin, Maître Eckart, les Lettres de saint Jérôme,l’Hexameron de saint Ambroise ou encore le Moralia in Job de saint Grégoire. Ceslectures religieuses s’accompagnent de celles d’œuvres antiques comme Ovide, Pline leJeune ou Tite-Live que possède Gaston Fébus. René d’Anjou dispose quant { lui desœuvres de Cicéron, Salluste, Platon, Ptolémée et Hérodote. Si la lecture en latin est derègle en Italie, en France et en Bourgogne ces œuvres sont traduites en languesvulgaires. Enfin, la lecture des Etymologies d’Isidore de Séville, du Speculum Historiale deVincent de Beauvais, et des traductions des traités de médecine arabes témoignent d’ungoût pour le savoir. Cette collecte des connaissances contribue à l’éducation humaniste

des princes et peu à peu la cour devient le lieu de formation aux studia humanitatis, autrement dit tout ce qui contribue { former, dans l’éducation littéraire, l’esprit et lavertu de l’honnête homme. 

Les collections

Au-delà des « petits objets décoratifs », les collections sont composéesd’éléments du décor de la vie de cour. A côté de l’orfèvrerie et de la vaisselle de luxe, lestapisseries servaient aussi à lutter contre le froid. Quant aux monnaies et médailles, ellesétaient  un symbole de l’autorité monarchique. Des vases en pierre dure étaient 

également commandés à des marchands et orfèvres réputés pour leur habiletétechnique. Enfin, l’entretien et la mise en valeur de ces collections favorisait le mécénat puisqu’il fallait  faire appel à des artistes pour mettre au goût du jour la présentationd’objets anciens. 

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2.  L’artiste de cour : la formation d’un statut reconnu et stablefondé sur la réputation.

2.1  Le statut de l’artiste ne se dégage guère au XIVe siècle de celui de

l’artisan

La lente émancipation du cadre corporatif 

Au XIVe siècle, les artistes sont des hommes de métier ayant acquis parl’apprentissage et l’expérience auprès de maîtres, une grande maîtrise des techniquesdans le domaine de l’architecture, de la sculpture, ou des arts des objets. L’artiste est d’abord un producteur lié à une corporation et  ne se distingue pas de l’artisan. Al’exception des orfèvres, ceux qui travaillaient pour les cours princières n’appartenaient 

pas à un métier distinct. Si la corporation garantissait la compétence des artistes, ce fut au prix d’une réelle dépendance { l’égard des commanditaires puisque c’est derniers définissaient les codes esthétiques { mettre en œuvre. L’artiste-artisan était unexécutant qui disposait d’une libert é créatrice très limitée.

Du XIVe au milieu du XVIe  siècle, les cours princières commandent des œuvresrémunérées soient directement aux artistes-artisans soit par l’intermédiaire desmarchands italiens qui inaugurent le commerce de l’art. Pour se rapprocher du mode devie aristocratique, les élites urbaines italiennes ne font souvent qu’imiter le goût descours. Toutefois, l’intervention des cours princières dans le commerce de l’art entre1320 et 1520 a contribué { transformer le statut social de l’artiste. Martin Warnkeestime que les princes ont émancipé les artistes du cadre corporatif et leur ont permisd’exercer leur liberté créatrice. 

Les lieux du travail : ateliers et chantier

Au XIVe siècle, les princes encouragent la création d’ateliers { proximité de leurcour par la mise { disposition de l’artiste de locaux et de produits nécessaires { laréalisation des œuvres. Pour répondre à la forte demande d’œuvres, le peintre recrutedes assistants et apparaît comme un véritable chef d’équipe.

Sur le chantier, le maître d’œuvre, intermédiaire entre le prince et les artistes,était chargé de surveiller plusieurs corps de métier : sculpteurs, verriers, charpentiers,etc. Il coordonnait également les différents maîtres ouvriers responsables des équipesdu chantier. S’il ne prend pas part directement au chantier, le maître d’œuvre apparaît comme un architecte, un « ingénieur » qui possède un savoir théorique et participe àl’élaboration des plans et des dessins de l’édifice. Itinérant, il se déplace d’un chantier {l’autre et enrichit son expérience de la sorte. Contrairement aux autres artisans, il est présent sur un chantier de manière permanente et bénéficie pour son talent spécifiqued’une rétribution mensuelle, alors que les simples artisans sont payés à la journée.

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2.2  Les cours princières, relais d’une pratique de mécénat répandue dans

toutes les élites sociales.

La commande d’œuvre : une pratique générale.

Les prélats ont joué un rôle déterminant dans les commandes de constructions et d’œuvres d’art : la plupart des cathédrales françaises ont été financées par les revenusdes évêques et des chapitres. Ce rôle des prélats dans la construction d’églises a étérenforcé par les papes d’Avignon qui étaient souvent des aristocrates souhaitant embellir leur diocèse d’origine. Les églises de mendiants, quant à elles, bénéficiaient largement des dons des laïcs qui constituaient la contrepartie du droit des princes à yavoir leur sépulture.

Les clercs ont pris conscience de l’efficacité des retables et des décors { fresque

comme support d’une pédagogie religieuse. La représentation d’une « ymage »autrement dit d’une réalité spirituelle se devait aussi d’être { la gloire de Dieu, d’où lerecours aux artistes capables des meilleures représentations.

Jusqu’au milieu du XVe siècle, la pratique de la commande s’est élargie chez leslaïcs non nobles. En Italie du Sud, la commande laïque concerne surtout les confréries dedévotion et de pénitence qui cherchent à orner leurs oratoires par des retables ou despièces d’orfèvrerie. En outre, pour répondre aux pratiques dévotes de certains princes et citadins, la commande privée se diffuse : la méditation dans un lieu privé devait s’accompagner de la vision d’une représentation  religieuse d’une icône (cona).

L’élargissement de la pratique de la commande { des milieux sociaux différents a permisà des artistes qui travaillaient pour plusieurs commanditaires de vivre correctement.

Les aspects de la commande princière

Loin de se limiter aux ateliers régionaux, les princes n’hésitaient pas à envoyerdes ambassadeurs acquérir des œuvres auprès d’artistes lointains. L’itinérance de lacour et l’étendue des possessions princières permettaient d’élargir le réseau des artistesconnus. Cette pratique est { l’origine du terme de « fournisseur de cour » qui devient auXVIe siècle un véritable statut. A l’instar des exemples de Charles V et de Jean de Berry,de simples objets en ivoire pouvaient passer du rang d’objets usuels { celui d’œuvred’art dès lors qu’ils servaient comme divertissement du roi. Ce goût pour l’ivoires’accompagne de celui des tissages de tapissiers. En l’absence d’ateliers de lissier auprèsde la cour, les commandes passaient par l’intermédiaire de marchands en lien avec lesmaîtres d’ateliers. A cette époque, les princes n’imposaient que rarement le choix desthèmes à illustrer à quelques exceptions : Louis d’Anjou décide lui-même des motifs del’Apocalypse. 

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2.3  Les artistes de la cour, entre serviteurs et officiers

L’appel à des séjours temporaires 

Les séjours temporaires n’étaient pas les plus précoces puisqu’ils supposaient que l’artiste se soit déjà fait connaître ou ait été recommandé à des princes par dessouverains, des autorités municipales ou des marchands voire des ambassadeurs. A cetitre, l’orfèvre Hermann Kaissel travaillait avec le roi ainsi que les ducs de Berry,d’Orléans et de Bourgogne. En Italie, l’apogée des artistes et des architectes « itinérants »se situe vers 1400 : Bartolomeo de Novara fut le maître d’œuvre des Visconti, des Este et des Gonzague. Être reconnu par le prince offrait par la suite à un artiste la possibilité denégocier de meilleures conditions de vie dans sa patrie d’origine.  

 Artistes ou serviteurs ?

D’une part, le service du prince permet tait de rompre avec le système du métieret de la commande en rendant les artistes plus libres. Pour justifier leur supériorité surle commun, les princes devait manifester leur capacité à reconnaître les hommes dotésdes meilleurs talents et leur permettre d’exprimer ces dons. C’était aussi une occasion des’affirmer comme le représentant de Dieu. Ce nouveau statut de l’artiste reposait dèslors sur les notions de gloire et de libéralité.

D’autre part, les artistes qui mettaient leur talent au service du prince faisaient 

désormais partie du personnel de cour. A ce titre, ils étaient des officiers et recevaient un titre ainsi qu’une charge comme celle de « valet de chambre du prince ». Pour autant ce lien personnel restait attaché à la personne du prince et cessait après sa mort. Bienque le service du prince fût généralement un honneur pour l’artiste, certains ont parfoisrefusé cette collaboration, d’autant qu’ils pouvaient s’attirer la jalousie des autresofficiers du prince qui les considéraient comme des « parvenus ».

Salaires et gratification

Pour être { l’abri de la moindre préoccupation matérielle, les artistes recevaient deux types de rémunérations. La première était généralement une rémunérationannuelle qui portait le nom de commission. Toutefois, cette commission ne rétribuait pas l’œuvre en soi mais la disponibilité de l’artiste au « bon plaisir » du prince, en luiaccordant la liberté nécessaire { l’expression de son talent. Cette commissionrécompensait le génie de l’artiste en tant qu’il contribuait au rayonnement de la cour.L’œuvre proprement dite était rémunérée indépendamment de la commission par unegratification en argent fondée sur le goût et le jugement esthétique du prince. Cetterelation entre l’artiste et le prince apparaît comme le transfert de la tradition féodale dudon et du contre-don sur le terrain artistique : l’artiste offrait gratuitement son œuvre

au prince en remerciement des ses faveurs et de sa protection. Puis, le prince remerciait 

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l’artiste par une gratification qui correspondait au plaisir qu’il avait éprouvé en voyant l’œuvre.

Des écrivains officiels pour la grandeur du prince

A la cour, les écrivains ont précédé les arts de la représentation figurée. Ilsjouaient un rôle actif dans la propagande politique de princes pour justifier une autoritéparfois en manque de légitimité. Ils étaient chargés de conserver la mémoire de lagrandeur du prince, d’où la reconnaissance de la fonction d’historiographe à partir durègne de Charles VII au cours duquel des auteurs comme Jean Chartier tenaient leschroniques du règne en cours. Louis XI répartit ensuite les fonctions entre la charge d’« autorité des chroniques » chargée du « journal » des événements du règne, et de celled’« historien du roi » dont le titulaire devait réécrire l’histoire des rois précédents dans

une logique de propagande officielle. Des hommes comme Monstrelet, Mathieud’Escouchy et Jean de Wavrin ont été historiographes des ducs de Bourgogne. Parailleurs, la cour pouvait favoriser la carrière d’écrivains itinérants appréciés comme JeanFroissart, mais peu disposés pour écrire l’histoire officielle.  

Les statuts privilégiés

Devenir un familier du prince permet d’obtenir un certain nombre d’avantagescomme la liberté de circuler dans tous les états du prince et les exemptions d’impôt. En

1330, Giotto reçoit à la cour angevine de Naples le brevet de « familier et fidèle du roi ».On ne relève néanmoins qu’un seul cas de « familier » en France avec le peintre Girardd’Orléans sous le règne de Jean II le Bon. Cette absence de l’usage du statut de familieren France semble s’expliquer par le poids de l’ « ordre » de la noblesse en France quirefusait de partager certains services du prince avec des roturiers. En Italie, la« familiarité » était fondée sur le partage de valeurs esthétiques entre le maître et lesmembres de la famiglia. Si des artistes accédèrent { la noblesse par l’oct roi du statut dechevalier, leur anoblissement pouvait faire débat. Dès lors, on justifiait l’anoblissement par la culture si vaste des artistes qu’elle permettait d’exercer un rôle de courtisan par la

conversation et d’instruire le prince et sa famille. 

L’émulation entre les cours 

Au XIVe  siècle, l’hégémonie des valeurs courtoises et du modèle françaiscontribue à la continuité du « gothique international » qui entre peu à peu en conflit avecla volonté de retour { l’Antiquité classique dans la seconde moitié du XVe siècle. Sous lerègne de Charles V (1364-1380), les constructions royales du Louvre, de Vincennes et del’Hôtel Saint-Pol sont admirées par les princes de sang qui cherchent à donner à leurpropre cité une allure de capitale. En Italie, des ambassades sont envoyées pour aller

s’informer de l’esthétique et de l’architecture des cours voisines avant de construire son

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propre palais : pour le château de Porta Giovia { Milan, Francesco Sforza s’est inspiré dela transformation du Castel Nuovo angevin en résidence royale par l’architecte GuillemSagrera.

Des voyages s’organisent pour sélectionner les nouveaux artistes et les faire venirà la cour. Cette recherche des meilleurs talents rompt avec le système artisanalcorporatif qui réservait les commandes aux seuls citoyens inscrits localement.Néanmoins, cette chasse aux talents artistiques est à nuancer puisque le choix desartistes se faisait aussi sur des critères politiques : le roi de Naples favorisait les artistesengagés aux côtés des guelfes.

Pour lutter contre cette fuite des talents, les princes n’hésitaient pas { fairepression sur un artiste renommé pour l’empêcher d’aller chez un prince concurrent. Afind’interdire à des artistes de cour de travailler pour des commandes extérieures, desprinces ont mis en place un monopole qui leur réservait l’exclusivité de l’innovation de

l’artiste. Toutefois, certains pouvaient tout de même être envoyés dans des coursextérieures : des jeunes artistes pour qu’ils perfectionnent leur art et des artistesexpérimentés pour y connaître les tendances et les styles.

3.  L’art au service du prince ordonnateur 

3.1  La construction, premier art princier

Les constructions monumentales reflètent la culture, le goût du prince et savolonté d’imposer un pouvoir fort. Ces travaux symbolisent la magnificence du prince

qui affirme par ailleurs sa mission spirituelle en finançant la construction d’édificesreligieux.

La multiplication des palais au royaume de France

A Paris, le Palais de la Cité achevé par Philippe le Bel abrite l ’ensemble desservices du gouvernement du royaume et la résidence royale. Philippe VI inaugure lapratique des réceptions fastueuses qui réunissent artistes par une politique de prestigequi vise à conforter sa légitimité. Traumatisé par la révolte parisienne conduite par

Etienne Marcel, Charles V préfère des résidences éloignées de l’enceinte de la ville, d’oùla construction du château de Vincennes à partir de 1361. Soucieux de manifester leurautonomie politique, les frères et cousins de Charles V n’hésitent pas à multiplier leurshôtels : duc de Bourbon, hôtel de Louis d’Orléans sur la rive droite, hôtel de Nesle du ducde Berry sur la rive gauche, etc. Le château de La Ferté-Milon que Louis d’Orléans fait construire au nord-est de Paris introduit une nouvelle conception de la résidenceprincière puisqu’il s’agit également d’un palais. A l’image du palais de Philippe le Bon {Dijon et de la transformation du château de Montbard en résidence ducale, laconstruction de palais n’épargne pas les ducs de Bourgognes. En revanche, à cause de la

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guerre de succession, les chantiers ne commenceront en Bretagne qu’{ partir de 1460 et du règne de François II de Montfort.

Les conceptions princières de l’urbanisme en Italie. 

En Italie, le moindre poids du phénomène dynastique impliquait l’affirmation dela capacité du prince à gouverner de manière ordonnée par la qualité de ses choixarchitecturaux. A Milan, Galvanno Fiamma estimait que par son caractère monumentalle palais princier devait supplanter tous les palais municipaux. Dans son Trattato di

 Architettura rédigé entre 1461 et 1464, le sculpteur florentin Antonio Averlino dit leFilarète imagine la cité idéale de Sforzinda qui illustre les conceptions et les vertus duprince. Pour lui, la puissance du prince se manifeste par sa capacité à contrôlerl’ensemble du chantier d’un bout { l’autre et  à imposer sa volonté sur tous (ingénieurs,

maîtres d’œuvre). Néanmoins, le prince ne parvient que très rarement à imposer sesvues aux représentants de la population urbaine qui restent attachés aux traditionsarchitecturales locales : pour la cathédrale de Milan, la tentative des ducs d’introduiredes proportions de style gothique international est rejetée au profit des traditionsarchitecturales lombardes. En outre, les polémiques de goûts architecturaux s’inscrivent au cœur des oppositions politiques puisque les milanais restaient attachés { l’autonomiecommunale alors que les ducs cherchaient à surveiller la population. Le seul édifice quitraduise l’image d’un prince puissant et soucieux de ses sujet s est l’Hôpital Majeur quivisait  { remplacer par un hôpital unique l’ensemble des fondations hospitalières et 

caritatives. D’une manière générale, le mécénat princier s’imposait plus facilement dansles petites villes, moins puissantes financièrement.

En matière d’art, les princes italiens ne recherchaient pas le consensus maisl’étonnement du visiteur devant un monument spectaculaire qui portait l’empreinte et larenommée de son commanditaire. C’est notamment le cas du palais ducal d’Urbino parLuciano Laurana chargé d’exprimer l’intérêt du duc pour les arts et la connaissance et qui a inspiré de nombreux palais français comme Blois ou Fontainebleau. Par ailleurs, leTemple Malatesta de Rimini en style antique, réalisé par le Florentin Léon BattistaAlberti, ressemblait davantage { un arc de triomphe antique qu’{ une église. 

3.2  L’organisation de la décision : artiste, conseillers, ingénieurs,exécutants.

Les maîtres des œuvres du roi et des princes en France. 

A partir du règne de Charles V, le « maître maçon du roi » reçoit la coordinationde tous les chantiers royaux. Cette fonction favorisait par ailleurs la constitution devéritables dynasties d’architectes. Le maître maçon du roi pouvait aussi être au service

de princes puisque Raymond du Temple a également travaillé avec le duc de Bourgogne

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pour le château de Rouvres. En 1365 est crée l’office de « général maître des œuvres duroi » chargé de coordonner le travail des maîtres-maçons et des maîtres charpentiersdans la prévôté de Paris. Cette charge donne lieu au développement de dynastiesd’officiers qui ne se limitent pas aux Valois : Jean Robert qui travaille pour René d’Anjouest le fils de Nicolas Robert au service des ducs de Savoie. Dans la seconde moitié du XVe siècle, la fonction de maît re des œuvres du roi évolue vers celle d’ingénieur en bâtiment dans le cadre de la construction de châteaux qui deviennent des résidences princières,notamment dans le Val de Loire.

Le prince, régulateur de l’urbanisme et de l’architecture en Italie. 

Si en France le « maître d’œuvre » était vu comme un officier du roi spécialisédans son domaine de compétence, l’architecte italien se pense en homme de cour

exclusivement dévoué à la personne du prince. Il traduisait la volonté de se dernier enétudes et en dessins. Par ailleurs, l’architecte devait s’illustrer dans tous les domainesqui entraient dans la construction de l’édifice conformément { la dimension« universelle » de l’homme de la Renaissance revendiquée par Léonard de Vinci.  

3.3  Les expressions de la propagande princière

Effigies et portraits

Les effigies

Les portraits de Charles V témoignent d’une évolution dans la représentation duroi vers le milieu du XIVe siècle : on ne cherche plus à montrer la fonction royaleidéalisée qu’incarnerait le souverain mais à présenter le roi dans son individualité. Parailleurs, les figures du roi ou de la reine étaient censées rappeler leur intervention dansla construction à laquelle elles étaient associées. Les représentations équestres desprinces étaient rares : en France, celles représentant le roi de France de la sorte étaient réservées aux médailles et aux monnaies. En Italie, seuls les condotierri étaient représentés à cheval puisque les princes préféraient apparaître en défenseurs de la paix

et des arts.

Les portraits

Progressivement, le portrait l’emporte sur les autres supports. Certains estiment que l’introduction du portrait { la cour traduit la première manifestation des artsitaliens en France : l’influence de l’école siennoise aurait été transmise par SimoneMartini { la cour d’Avignon. Dans plusieurs cours italiennes comme Milan, Naples,Ferrare ou Urbino, les peintures représentant les milieux princiers étaient destinées à

l’autoglorification des milieux aristocratiques qui étaient { la fois act eur et spectateur

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de leur propre magnificence. En l’absence de règles de succession bien définies commeen France, la mise en scène de la famille visait à faire reconnaître une continuitédynastique.

Peu { peu, on assiste en Italie { un phénomène d’individualisation des cours. AMilan, la culture princière rompt avec la tradition communale italienne en associant leportrait à la glorification : on passe de l’image infâmante du citoyen condamné { celle duprince empli de gloire et de vertu. Si Urbino privilégie la représentation individuelle duprince, Mantoue et Ferrare voient dans la représentation des courtisans un moyend’éducation : tout courtisan devait être la hauteur de l’image glorificatrice que renvoyait son portrait. Par ailleurs, le portrait apparaissait comme un instrument politique quipermettait de conclure des alliances matrimoniales sous forme de cadeaux.

Parmi les artistes, une distinction s’opère progressivement  entre le« pourtraicteur » chargé de coordonner les métiers intervenant sur le gros œuvre et la

décoration extérieure du palais d’une part, et  de l’autre le « peintre ordinaire »responsable de la décoration intérieure.

Les arts de la fête

Réceptions en l’honneur d’autres princes, traités politiques, célébration devictoires, les occasions de réjouissances fastueuses ne manquaient pas. Les mariages,par le système des dots, faisaient l’objet de véritables compétitions dans l’échange decadeaux entre deux lignées. Les banquets étaient quant à eux entrecoupés

d’ « entremets » qui étaient des petits spectacles dansés et chantés comme le banquet duFaisan offert à Lille par Philippe le Bon. Au cours des bals qui suivaient ces banquets, lesmusiciens picards ou « flamands » ont acquis une grande renommée européenne. JeanHockeghem a travaillé pour les ducs de Bourbon et le roi de France alors que le célèbreJosquin de Près (1440-1525) exerce pendant 20 ans en Italie avant de devenir musiciende Louis XII. En Italie, les princes humanistes encourageaient au théâtre la mise en scènede classique comme la comédie de Plaute qu’Ercole d’Este fait représenter en 1486 dansla cour du château de Ferrare. Néanmoins, loin d’être cantonnées { la cour, lesréjouissances princières avaient habituellement lieu dans les rues et les grandes places,

notamment lors des entrées du prince dans les villes, des tournois ou des grandsévénements.

4.  Une nouvelle géographie de la culture

4.1  Une faible influence italienne dans le centre des Valois

Paris devient le foyer du renouvellement artistique impulsé par Charles V, lequelentend rompre avec l’image du souverain combattant. Par sa volonté d’incarner lemonarque de culture et de vertus, Charles VII fait de la cour le cadre privilégié de l’action

du roi. Ses frères, Philippe de Bourgogne et Jean de Berry manifestent un goût pour les

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livres et l’étude entretenu { Paris qui devient un foyer d’échanges intellectuels et un lieuoù les princes s’échangent les artistes : les nouveautés architecturales introduites dansla transformation du château de Philippe Auguste ont servi de modèle à de nombreuxchâteaux de la Renaissance française.

Les capitales ducales comme Bourges et Dijon apparaissent également commedes relais d’initiatives artistiques parisiennes. Si des artistes, comme Jean de Cambraisau service du duc de Bourgogne reçoivent le titre de « valet », les enlumineurs demanuscrits bénéficient d’une situation comparable : Jean Pucelle, au service des princesde France, est le premier à situer les personnages dans un décor traité en perspective.Finalement, les influences italiennes n’ont pas été déterminantes sur le centre artistiquedes Valois, du moins avant l’œuvre de Jean Fouquet qui voyage en Italie vers 1445.  

4.2   Avignon et Naples , traits d’union entre l’Italie et la France.

Entre 1316 et 1375, l’installation de la curie pontificale { Avignon entraîne unemultiplication des commandes artistiques : le chantier du palais d’Avignon mobilise desartistes toscans (Matteo Giovannetti), siennois (Simone Martini), florentins, français,bourguignon ou encore allemands, dont certains reçoivent le titre de « familiers ». Parailleurs, la sollicitation d’humanistes comme Pétrarque a permis la reconstitution de labibliothèque pontificale dont les ouvrages s’étaient presque totalement dispersés du fait du transfert de la papauté. Mais si Avignon a pu favoriser la diffusion du style « gothiqueinternational », des contacts existaient néanmoins entre l’art français et l’art italien

depuis la conquête angevine du royaume de Naples.

Just ement, Robert d’Anjou (1309-1343) est l’un des premiers { développer lemodèle du roi sage et savant qui inspirera Charles V. Le climat de paix du royaume deNaples attire d’ailleurs les artistes qui peuvent bénéficier d’une rétribution annuelle et d’un office. Si pour Boccace ou Pétrarque, le voyage { Naples était l’occasion d’un retourvers la patrie italienne, il s’agissait pour d’autres, comme Giotto, d’une étape d’un périplepassant par Avignon et qui finissait { Florence. Enfin, bien que l’influence des peintrestoscans ait été déterminante, la plupart des chants à la cour étaient écrits en langue d’oïl. 

4.3  Les rivalités italiennes entre princes combattants et seigneursurbains.

Milan est dominé par la puissance des Sforza qui domine celle des autres princes.Des artistes se mettent à leur disposition pour réaliser le château de Milan et lachartreuse de Pavie. Les appels de peintres et de sculpteurs extérieurs s’inscrivent également dans le jeu diplomatique : le rapprochement des Sforza avec Florence,principal adversaire des Visconti, favorise l’arrivée de Florentins qui renouvellent lesdébats esthétiques.

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Par ailleurs, les petits états princiers d’Italie sont marqués par descomportements variés. A Rimini, les artistes se mettent au service de la propagandepolitique des Malatesta en exaltant la figure du souverain et de sa famille. A Urbino, enrevanche, se déploie une cour savante et sobre caractérisée par le raffinement intellectuel et la présence d’humanistes. Quant au palais de Ferrare, c’est un lieu de fêteavec décors et distractions fastueux qui s’inspirent des modèles antiques.

A Florence, les relations entre le prince et les arts ne répondent pas à la mêmelogique puisque les commandes passaient soit par les institutions communalespubliques, soit par les riches familles florentines. Ce qui revenait plus ou moins aumême. Dans la première moitié du XVe siècle, Côme de Médicis se contente derecommander des artistes florentins dans les autres cours, d’où la diffusion d’un retour {l’antique qui rompt avec le « gothique international ». Ce n’est qu’{ partir de 1460 que cemême Côme de Médicis se rapproche de la culture princière : constitution d’une

bibliothèque personnelle, commande de la fresque de son palais à Benozzo Gozzoli et donation de la villa de Careggi au philosophe Marcile Ficin, lequel constitue la premièreacadémie d’humanistes. Vers 1469, Laurent de Médicis met véritablement en place unrégime à caractère princier en organisant des tournois, mais continue de réserver sescommandes aux artistes florentins.

4.4  Eclatement et recomposition

A partir de 1494, les expéditions françaises en Italie sont { l’origine d’un

phénomène de repli des princes qui favorise le recrutement local des artistes.

Italie

Florence tente de réaffirmer son primat culturel, au point qu’en 1504, PieroSoderni commande à Michel Ange la statue du David sur la place de la Seigneurie et lafresque de la bataille de Cascina. A cette commande s’ajoute la fresque de la batailled’Anghiari { Léonard de Vinci. 

Pour répondre { la concurrence exercée par la cour d’Avignon, les pape s Sixte IV(1471-1484) et Innocent VIII (1484-1492) tentent de bâtir à Rome le nouveau palais du

Latran et celui du Belvédère. Toutefois, ce chantier pour la rénovation de la curieromaine s’est réalisé au détriment des autres centres princiers. En 1508, Jules II confie àMichel-Ange la décoration de la voûte de la chapelle Sixtine, lance le projet deconstruction de la basilique Saint-Pierre et conçoit les galeries chargées de relier leVatican au Belvédère. Désormais, si Florence reste une référence pour la qualité de sesartistes, elle n’est plus qu’une étape avant  de se mettre au service d’un mécène pluspuissant.

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Le Royaume de France

Vers la fin du XVe siècle, les liens artistiques entre la France et l’Italie passent désormais par le roi. En effet, René d’Anjou, qui s’installe en Provence en 1470, s’entoured’artistes de France du nord, de Bourgogne, de Lorraine, d’italiens (Pietro de Milano,Francesco Laurana) et du nord (enlumineurs Barthélémy Eyck, Picard EnguerrandQuarton). Ce réveil artistique du nord privilégie les résidences royales du Val de Loire. Sicomme le montrent les grandes salles du château d’Amboise, les structures restent gothiques, l’activité royale se déploie dans le renouvellement de l’ornementation desfaçades et des décors intérieurs.

Conclusion

A la fin du Moyen Âge, l’artiste passe de l’exécutant dépendant des consignes ducommanditaire { celui dont on reconnaît l’ingenium, c'est-à-dire le don correspondant àla valeur même de l’artiste. Cette valeur non quantifiable n’est compensée que par la« libéralité » du prince. Dans la mesure où la production artistique élève l’âme, les artsdeviennent également un outil d’éducation pour le prince « sage » et le modèle de vertusqu’il prétend incarner. D’où l’inscription des arts aux côtés des enseignements libérauxpar les humanistes. Enfin, les cours de la fin du Moyen Âge permettent de définir lescritères du Beau, autrement dit la valeur d’une œuvre en fonction du plaisir qu’elle

procure à celui qui la regarde. Ce passage de l’art { l’Art , pour reprendre le mot d’Edouard Pommier, fut { la base de la conception de l’art { la Renaissance et sous lamonarchie absolue.