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Moulin à vent, Zoetermeer, Pays-Bas, 1793 2015 -2016 // ENAC ARCHITECTURE FUTURS // FORMES // ÉNERGIES ATELIER DU PROF. RAPHAËL MÉNARD E P F L 1.08 FORMES #2 Mis en forme par S.Shiraishi & S. Formery, sous la dir. de R. Ménard

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EPFL ENAC SAR Publication de l'atelier R. Ménard Enseignants: R. Ménard, S.Formery, S.Shiraishi Réalistation graphique S.Shiraishi Imprimé à l'EPFL, janvier 2016

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Moulin à vent, Zoeterm

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vers un neufert des énergies

renouvelables, Part. 1

Comment scénariser l’offre de votre Infrastructure Solaire Urbaine ? Rappelons que selon notre glossaire, l’offre est la production locale d’énergies renouvelables: soleil, vent, eau et géothermie. Dans le dernier fascicule, il était fait mention du « calibrateur à ISU » et une partie de ce tableau est consacré à l’estimation du productible annuel (et du mix associé) destiné à votre architecture hébergeant mille personnes. L’offre de votre ISU sera le flux d’intrants énergétiques, destinés à nourrir les usagers de votre architecture et selon la pluralité de leurs usages. Pour comprendre les enjeux (et les rendements propres à chaque type de production renouvelable), ce livret -et le prochain- vous fournira une introduction architecturale et technique de chaque type de récolte énergétique. C’est une idée-force de l’atelier « 2050, sous le soleil exactement » : comprendre comment les énergies renouvelables peuvent être matières et formes à architecture.

Parc éolien de San Giorgio Pass en Californie, vu dans le film de Barry Levinson Rain Man (1988): la route traverse un champ d’éoliennes d’ancienne génération. Les turbines sont bien plus petites que celles que nous croisons aujourd’hui sur le bord de nos routes; elles sont aussi plus densément implantées. Un paysage moins familier de nos jours.

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Comment reConstruire la solarisation ? trois ouvrages ChoisisPour vous guider, les trois livres suivants seront d’avantageux compléments à ce cours. Evidemment « le David Mac Kay », point de repère pour chaque type d’énergies renouvelables (mais rappelez-vous que ce livre est aussi bien plus que cela : une très belle référence également pour identifier, à partir de règles simples, la demande énergétique sur la diversité des usages de la vie). Dans Sustainable Energy : Without the Hot Air !, Mac Kay expose la problématique spatiale propre à chaque récolte énergétique renouvelable. Etant presque toutes des énergies de flux, elles convoquent ontologiquement la question de leur surface, de leur situation géographique et de leur extension paysagère. Pour le prochain fascicule, dédié aux formes directes de l’énergie solaire, le Let it Shine de John Perlin sera une référence importante. Ce livre propose une fresque historique, technique et architecturale des « machines solaires » et ce, depuis 6000 ans. John Perlin met en perspective une histoire du bioclimatisme en architecture et en urbanisme, ainsi qu’une chronologie

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a. MCKAY David JC. Sustainable Energy - Without the hot air. Cambridge, UK : UIT Cambridge, 2009.

b. PERLIN John. Let it Shine : The 6,000-Year Story of Solar Energy. : New World Library, 2013.

c. FERRY Robert, MoNoIAN Elizabeth. New energies : land art generator initiative, Copenhagen Munich ; New York : Prestel, 2014.

-voire une phylogénèse- des dispositifs de captation de chaleur puis, à l’orée de la révolution industrielle, l’émergence des machines thermodynamiques. Il nous remémore aussi le tournant manqué de la transition solaire dans les années 1980, avec comme grands protagonistes l’administration Reagan et le contre-choc pétrolier. Pour finir, le guide rédigé par Robert Ferry et Elizabeth Monoian fournira un utile vadémécum aux enjeux paysagers et énergétiques des formes actuelles de captation des énergies renouvelables. Retenons finalement comme ligne d’horizon, les propos de François Roddier dans Thermodynamique de l’évolution.

« Nourrie jusqu’ici par les énergies fossiles, sorte de lait maternel fourni par la Terre qui l’a engendrée, l’humanité a pu se développer. C’est bientôt l’épreuve du sevrage. Devenue adulte, elle va devoir apprendre à se nourrir par elle-même. L’humanité réalisera alors que, seule, l’énergie solaire peut assurer sa survie à long terme. »

RoDDIER François. Thermodynamique de l’évolution, un essai de thermo-bio-sociologie. Paris, France : Editions Paroles, Le temps d’apprendre, 2012.

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vers un neufert des énergies renouvelablesPourquoi ce fascicule s’intègre-t-il dans la thématique formes et non dans celle dédiée aux énergies ? D’abord parce que les dispositifs permettant de convertir les différents flux renouvelables sont des formes simples et savantes. Concentrer le flux solaire pour générer de la chaleur à haute température, convertir efficacement le courant d’une rivière en mouvement, ou tout simplement bien organiser la position d’une fenêtre dans le percement d’un mur (un capteur solaire comme un autre !) sont autant de « programmes de design » supposant une résolution formelle et matériautique informée. Voilà le programme : il s’agit de comprendre les déterminants dimensionnels, la constitution matérielle des différents dispositifs aptes à convertir nos flux renouvelables.

C’est une histoire en marche, épousant l’histoire des techniques et des relations aux paysages. Pour dimensionner l’architecture et les aménagements, tout architecte possède dans son bureau un Neufert. Et si demain, nous composions dorénavant l’architecture et le paysage avec un « Neufert des énergies

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renouvelables » ? Ce serait aussi une magnifique occasion de détourner certains principes techniques pour générer une autre architecture, point focal de convergence entre offre et demande énergétique. Encore est-il nécessaire de comprendre ce qui est juste de ce qui l’est moins, de posséder un bagage technique suffisant pour que l’intégration d’une production énergétique dans le projet architectural ne soit ni anecdotique encore moins irréaliste : l’intention consistant à ce que le projet architectural et urbain soit aussi un projet pédagogique et citoyen pour « donner à voir les flux d’énergie » sera alors vaine.

les Courants solairesCe fascicule est intitulé « Chasser les courants ! » : il décrit deux formes dérivées de l’énergie solaire : le vent et les courants d’eau. L’autre fascicule « Récolter un maximum de flux ! » traitera des formes directes de l’énergie solaire et de la géothermie. L’énergie solaire (et la variation de sa distribution dans l’espace et dans le temps sur la surface du globe) est le principal moteur des phénomènes météorologiques, dont les déplacements de masses d’air à l’intérieur de l’atmosphère ou des courant marins. C’est l’énergie mécanique (ou l’énergie cinétique) de ces déplacements de masses d’air qui est à la base de l’énergie éolienne.

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sourCes Chaudes et sourCes froidesLa terre est de fait un « moteur », notre environnement étant composé d’une cascade de cycles de Carnot « enserrés » entre sources chaudes et froides. Une face éclairée de la Terre sous le flux de la constante solaire extraterrestre (et ses plus de 1350W/m² sur le disque éclairé, ou encore 340W/m² en moyenne1 à l’entrée des couches supérieures de l’atmosphère); une face offerte au fond froid du cosmos. Une température radiative de 6000K d’un côté2 ; 3K de l’autre3. Sous ce régime, les lois de la thermodynamique décrivent que la nature génère des transferts d’énergie pour homogénéiser ce contraste thermique, ces gradients de température; les matières s’animent alors dans une cascade de boucles convectives : courants marins et circulations atmosphériques tentent de répartir

1. 340W/m² est le quart de la valeur de 1350W/m² : la surface de la géode terrestre est le quadruple du disque solaire éclairé (4πR² contre πR²). La valeur de 169W/m² vis-à-vis des 340W/m² correspond au flux touchant le sol (ou les surfaces aquatiques) : l’écart entre ces deux valeurs correspond à la quantité de flux transformé par la couche atmosphérique (réflexion et absorption) avant d’atteindre le sol.

2. Approximativement la température de la lumière émise par le soleil.

3. Température du fond cosmologique : à peine quelques degrés plus élevés que le zéro absolu.

e. BECCARIo Cameron, Earth Wind Map, http://earth.nullschool.net/

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4. Vraisemblablement 250W/m² dans les déserts les plus irradiés contre une soixante de W/m² vers les pôles.

5. Au premier ordre, il suffit que le rapport des vitesses moyennes de vent soit d’environ 5, étant vu que la densité de flux est proportionnelle au cube de la vitesse de vent.

plus uniformément les températures sur la surface du globe. Cette très belle animation de Cameron Beccario et son site Earth Wind Map illustre la richesse des mouvements convectifs des masses d’air terrestre, qui agissent telles des pompes de transfert d’énergie thermique.

des potentiels très loCauxLes courants solaires (vent et eau) ont aussi pour particularité la densité contrastée de leur potentiel de production énergétique : certaines zones du monde n’ont presque pas de vent alors que d’autres sont très venteuses. On se souvient que le rapport entre le maximum et le minimum mondial pour l’irradiation solaire horizontale est sans doute d’environ quatre4; pour le vent, ce rapport est supérieur à 100 5 ! Idem pour les ressources hydrauliques et évidemment pour les énergies marines. Les courants solaires sont donc des flux locaux et spécifiques. Ils sont aussi hautement corrélés aux reliefs, à la topographie à grande échelle (pour l’hydrographie et donc le gisement hydraulique notamment) et à petite échelle (le gisement éolien est sensible à des effets de relief locaux ou à des variations de rugosité des sols). Et puis, nous allons voir que l’estimation de leur productible n’est pas directement associée à une surface en plan (quoique cela puisse être le cas pour les fermes éoliennes, mais ça nous le verrons un peu plus loin).

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2 sensibilités au Changement ClimatiqueEnfin, dernière singularité de cette famille du genre «énergies renouvelables» : une sensibilité supérieure au changement climatique. Certains courants marins seront sans doute modifiés, les glaciers vont fondre, les régimes hydriques vont être bouleversés, et puis certains vents typiques seront transformés dans leur force, leur occurrence et leur orientation… Certainement un autre symptôme d’une caractéristique de ces flux gouvernés par la « mécanique des fluides » dont les équations sont fortement non-linéaires. Les formes plus directes de conversion de l’énergie solaire risquent d’être moins concernées : pas de modifications attendues sur les cartographies d’irradiation solaire horizontale, à savoir la quantité d’énergie solaire reçue par an sur un plan horizontal6. Seul le flux direct d’énergie solaire pourrait être concerné selon la modification locale des couvertures nuageuses typiques. 6. En kWh par m² et par an ou

en W moyens par m².

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l’éolien, prinCipes de baseL’éolien, c’est simple : une belle forme aérodynamique pour chasser l’énergie cinétique du vent et une grosse dynamo pour convertir le mouvement en électricité. De façon plus ancienne, pas de générateur pour la conversion en électricité : le moulin tourne et la rotation des pales active la rotation d’une meule, après de savants renvois et plusieurs cascades d’engrenages. Mathieu Arnoux dans Mille ans de lutte par-dessus les moulins rappelle l’origine et la diffusion des dispositifs de récolte de l’énergie du vent :

« La diffusion des moulins à vent, à partir de 1200, vient augmenter la fiabilité du système : peu chers, souvent mieux protégés et insensibles aux variations des cours d’eau, ils peuvent pallier l’intermittence des moulins à eau. En France, pour l’essentiel, ils sont réservés à la meunerie, mais le monde méditerranéen et les Pays-Bas développeront par la suite leur contribution au fonctionnement des salines ou à l’exhaure des polders. Leur installation, le plus souvent très bien documentée dans les sources, présente aujourd’hui un intérêt spécial : elle implique une réorganisation profonde des marchés très réglementés de la meunerie et de l’énergie. C’est un exemple particulièrement précoce de réaction positive à l’innovation technologique. […] Pour le royaume d’Angleterre, la seule région véritablement couverte par les archives, le Domesday Book, inventaire des droits du roi dressé en 1086, fait état d’au moins six mille moulins. On ne peut donner de chiffres comparables pour la France, l’Italie ou l’Empire, mais les sources locales conservées dans les archives (ventes, donations, conflits, contrats) sont considérables et nous permettent d’en comprendre mieux le fonctionnement à mesure que le temps avance.

Agriculture et Economie rustique, Moulins à vent et à eau, Planche IV. Vûe perspective de l’intérieur du moulin, in Encyclopédie, ou Dictionnaire Raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, sous la dir. de D. Diderot et d’Alembert

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2 […] La meunerie fut le premier but de ces installations, qui permettaient, en produisant sans effort des quantités importantes de farine, d’épargner aux familles paysannes un travail long et fastidieux, qui pouvait dès lors être employé à d’autres tâches : l’installation d’un moulin était une condition essentielle à la pluriactivité des paysans, et partant, à la naissance d’une division du travail dans les villages. »

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loi de produCtionLa puissance instantanée (comme la production annuelle) est proportionnelle à la surface balayée par les pales (la surface du disque parcourue par leur rotation). Mais elle est surtout proportionnelle au cube de la vitesse du vent. Autrement dit, dès que la vitesse de vent est doublée, la puissance produite par éolienne est en général multipliée par huit ! (en général, parce que le rendement de l’éolienne peut changer selon la vitesse de vent). Cette loi physique met en exergue l’intermittence intrinsèque de ce type-là de production: évidemment, avec une telle non-linéarité du vent, on comprend que la production puisse être fortement erratique.

des maChines presque parfaites ?Autre enseignement aussi, les éoliennes contemporaines (dite à axe horizontal) ne sont pas loin d’être au maximum de leur accomplissement technique : elles s’approchent du rendement maximum physiquement possible, appelée limite de Betz. Ce « mur du son énergétique » énonce qu’il n’est pas possible de soutirer près de 60% du flux de puissance éolien. Or les éoliennes contemporaines sont très proches de cette asymptote : un vrai tour de force. Dès lors, pour accroître ce type de récolte, pas d’autres chemins que d’accroître la surface balayée par les pales.

Depuis ces dernières années, on assiste à une véritable course au gigantisme. Les grandes éoliennes offshore tutoient maintenant une capacité de 10MW sous vent nominal7. Comme « règle du pouce », on peut retenir que l’éolienne débite en moyenne sur une année 20 à

7. Correspondant en général à une vitesse de vent de 12 mètre par seconde, soit environ 40km/h à hauteur du centre de l’éolienne.

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2 30% de sa capacité nominale dans un bon site : une éolienne offshore de 10MW produira 20 à 30GWh d’électricité par an. Néanmoins, cette « sylviculture du vent » obéit à un « urbanisme des énergies renouvelables », à règles nécessaires pour optimiser les rendements de production.

Ainsi les éoliennes ne peuvent être situées à trop grande proximité les unes des autres : leur interaction avec le flux éolien génère des turbulences à proximité. Tout comme le prospect solaire dans le cas du bioclimatisme, les champs éoliens obéissent aussi à des règles de « prospects aérauliques » ; et plus l’éolienne est grande, plus l’interdistance entre ses congénères doit être élevée. Ainsi, en plan, la densité de production stagne et plafonne d’après Mac Kay à une densité de flux moyen d’environ8 2-3W par m² de sol.

8. A titre d’exemple, une éolienne de 10MW possède un diamètre balayé supérieur à 150m et nous avons vu que sa disponibilité sera de l’ordre de 20à 30% : le flux moyen annuel est alors d’environ 2-3MW. Grosso modo, elle doit être séparée d’environ 3 fois cette distance (comme première règle du pouce) pour les éoliennes les plus proches. Elle occupe donc une surface d’environ 1km² : nous retrouvons bien 2 à 3W par mètre carré de sol comme densité de flux surfacique.

g. Formule de puissance et quelques valeurs pour une éolienne contemporaine à axe horizontal.

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les autres turbines : un ouvroir à arChiteCture potentielle ! Et si on portait un autre regard sur le potentiel de l’intégration du petit éolien et de l’architecture ? En particulier, par les potentialités offertes par le sous-type d’éolien à axe vertical. Leur aïeule : l’éolienne à axe vertical de Blyth datant de la fin du 19ème siècle. Pas de système d’orientation en fonction de la direction du vent pour ce type-là d’aérogénérateur. La dissymétrie de la forme aérodynamique permet la conversion du flux éolien en mouvement de rotation. C’est l’équivalent d’un grand anémomètre. C’est très rudimentaire mais très efficace pour convertir en énergie mécanique des vitesses de vent faible. Certes le rendement de conversion (le Cp) est plus faible : d’environ 0,15 contre environ 0,5 pour nos grandes éoliennes à axe horizontal (qui doivent, elles disposer d’un système d’orientation de leur nacelle afin que le plan de rotation de leurs pales soit tout le temps perpendiculaire au flux venteux).

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h. Eolienne à axe vertical de Blyth. L’un des premiers exemples d’éolienne à axe vertical à trainée (de type Savionius), 1895. Pas de système d’orientation en fonction de la direction du vent pour ce type-là d’aérogénérateur. La dysmétrie de la forme aérodynamique permet la conversion du flux éolien en mouvement de rotation. C’est l’équivalent d’un grand anémomètre.

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2 les éoliennes vertiCales de type darrieusD’autres types d’éoliennes à axe verticale, de type Darrieus9, permettent-elles de retrouver des rendements pouvant tendre vers 0,4. La tour Wind-it avec son exostructure exploite cette architecture éolienne. Il y a là assurément une nouvelle histoire contemporaine à explorer autour des formes-là. La conversion d’un flux cinétique est de fait plus facilement appropriable que l’effet photoélectrique à l’origine du photovoltaïque. Les machines éoliennes (ou hydrauliques) sont aussi assurément «bricolables» à partir de matériaux locaux ou de composants réemployés (comme les roulements à bille par exemple).

9. Qui sont des éoliennes à portance et non à traînée comme les précédentes (de type Savonius).

i. Wind-it, http://elioth.com/en/2010/02/wind-it/

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le petit hydraulique et quelques énergies marinesLe petit hydraulique10 est aussi une énergie de flux dont le gisement est gouverné par une loi analogue à celle de l’éolien. La différence principale réside dans la masse volume de l’eau comparée à celle de l’air : elle est environ 800 fois plus élevée. Les machines hydrauliques peuvent donc se permettre des vitesses de flux d’eau plus modérées, comme des surfaces traversées par le courant plus réduites. Mathieu Arnoux dans Mille ans de lutte par-dessus les moulins insiste sur le rôle historique cette production énergétique :

« Des études récentes ont montré que l’énergie hydraulique avait joué un rôle essentiel dans la première industrialisation en France ou aux États-Unis, en particulier via la mise au point de la turbine hydraulique11. […] La machinerie hydraulique, simple dans son principe, connut des progrès constants, qui en renforçaient l’efficacité. D’après les archéologues, dans une bonne partie de l’Europe, la fin du 10ème siècle est marquée par la généralisation des moulins à roue verticale et par une augmentation significative des dimensions des roues hydrauliques et des meules, signes d’une croissance du rendement énergétique des moulins. […] Ainsi s’expliquent l’apparition et la diffusion, à partir du milieu du siècle suivant, de moulins à tan et à foulon, utilisés pour le traitement du cuir et des tissus de laine. La roue hydraulique cesse alors d’être utilisée seulement pour faire tourner les meules, et des dispositifs à came ou à bielle permettent de transformer le mouvement rotatif en mouvement alternatif : elle devient un dispositif de récupération de l’énergie hydraulique susceptible de

10. Situation d’opportunité mais gisement en général faible du fait de la canalisation des rivières et fleuves urbains. Le gisement de la Seine à Paris est par exemple extrêmement faible du fait d’un courant très mesuré.

11. Mathieu Arnoux, Mille ans de lutte par-dessus les moulins. Mathieu Arnoux, Le Temps des laboureurs. Travail, ordre social et croissance en Europe, Xe-XIVe siècle, Paris, Albin Michel, 2012.

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2 multiples usages. […] Des forges équipées de marteaux hydrauliques apparaissent au 12ème siècle, autorisant les forgerons à traiter des pièces de fer de grandes dimensions, celles qui, au siècle suivant, assurent la bonne tenue des édifices gothiques. Vers 1200, des roues hydrauliques sont adaptées aux soufflets des fourneaux métallurgiques, favorisant des progrès considérables, d’abord dans la production de l’argent et des métaux non ferreux puis, après 1250, dans la production du fer. »

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barrages hydrauliques, tours et montagnes solairesDernière étape de ce tour d’horizon des flux solaires secondaires : les barrages hydrauliques et les tours solaires. Pourquoi ce parallèle ? Les uns et les autres exploitent le travail des forces de gravité. Le grand hydraulique optimise la conjugaison d’un bassin hydraulique en altitude et d’une conduite forcée permettant de faire travailler les forces de gravité de masses liquides considérables sur une grande hauteur (m.g.H). En termes de flux, le grand hydraulique réclame aussi une très grande surface pour le bassin de captation supérieur. Pour une hauteur de chute de 500m (H=500m) et pour des précipitations annuelles de l’ordre de 1000mm par an, le flux12 est alors de moins de 0,01W par m² en plan masse ! Il faut donc un bassin versant gigantesque pour parvenir à un flux potentiel tangible. Sur les mêmes hypothèses que précédemment, un bassin versant de 100km² générerait potentiellement (mais il y a encore les pertes de la turbine et des conversions électriques à prendre en considération) de l’ordre de 500kW.

12. 1m/an.m² * 1000kg/m3 * 9,81m/s² * 500m~ 4,9MJ par m² et par an ~ 0,006W/m²

j. barrage hydraulique

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2 Les cheminées solaires (ou leur variante les montagnes solaires) fonctionnent de la même manière mais à l’envers et avec de l’air! Le volume d’air compris sous la serre en partie basse s’échauffe, l’air est alors plus léger et la cheminée génère le tirage thermique. De façon semblable à un grand barrage, le productible annuel est alors gouverné par le produit ¤.A.H où ¤ est l’irradiation solaire horizontale annuelle (la même chose que la pluviométrie dans le cas précédent), A, la surface de la serre ou du collecteur solaire (le bassin versant hydraulique) et H, la hauteur de « chute » de l’air plus léger ! Les tours ou montagnes solaires réalisent ainsi une concentration locale de la convection naturelle, bien connue le long de nos reliefs avec les ascendances thermiques.

k. cheminée solairel. montagne solaire, prototype chilien (Fondef), Elioth, 2005

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et Comment renseigner mon sCénario de produCtion ?De fait, au terme de cette première partie, de notre ébauche d’un «Neufert des énergies renouvelables», nous avons commencé par les techniques les plus appropriables mais les plus compliquées à caractériser comme flux horizontal d’offre énergétique… Votre ISU comporte un gisement local éolien ou hydraulique (voire incorpore une montagne solaire) : évaluez d’abord plutôt le productible que de tenter d’associer une surface en plan masse avec un rendement caractéristique. Cette approche sera bien plus appropriée pour la prochaine partie, dans le fascicule #1.09.

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