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    N/__/__/__/__/__/__/__/__/__/__/

    T H S E

    pour obtenir le grade de

    Docteur

    de

    lInstitut des Sciences et Industries du Vivant et de lEnvironnement(Agro Paris Tech)

    Spcialit : Sciences de la vie et de la sant

    prsente et soutenue publiquementpar

    Laure GRIMA

    le

    VERS UNE AMLIORATION DE LEFFICACIT ALIMENTAIRE CHEZLE POISSON

    NOUVEAUX CRITERES ET VOIE DE SELECTION

    Directrice de thse : Muriel MAMBRINI

    Codirectrice de thse : Batrice CHATAIN

    Travail ralis : INRA, UR 544 laboratoire de gntique des poissons, F-78350 Jouy-en-Josas

    Ifremer, station exprimentale daquaculture, F-34250 Palavas-les-flots

    Devant le jury :

    M. Dominique BUREAU, Professeur, UNIVERSITE DE GUELPH, Canada . RapporteurM. Pierre SELLIER, Directeur de recherches, INRA, France. RapporteurM. Bernard CHEVASSUS-au-Louis, Directeur de recherches, INRA, France ExaminateurM. Etienne VERRIER, Professeur, AGROPARISTECH, France... ExaminateurM. Filip VOLCKAERT, Professeur, UNIVERSITE DE LEUVEN, Belgique ..ExaminateurMme Batrice CHATAIN, Cadre, Docteur dtat, IFREMER, France .. .Directrice de thseMme Muriel MAMBRINI, Directrice de recherches, INRA, France .. Co-directrice de thse

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    REMERCIEMENTS

    La liste des personnes que je souhaite remercier est longue, et russir exprimer toute magratitude envers ces personnes avec les mots justes me semble aujourdhui bien plus dlicat

    que de rdiger une thse.

    Avant tout, ma thse a t effectue entre deux quipes de recherches (regroupes au sein duGDR amlioration gntique des poissons), qui mont accueillie au-del des esprances de

    tout nouvel arrivant.

    Durant ces trois annes, jai eu la chance dtre lunique thsarde de ces deux quipes, mepermettant ainsi de bnficier des connaissances et des comptences de mes 5 co-encadrants.

    Jai pu dune part, apprendre de leur savoir faire complmentaire et dautre part, avoir

    toujours quelquun mon coute tout au long de ma thse. Ce statut de doctoranteprivilgie ma galement permis davoir les meilleurs poissons , les meilleurs salles

    dexprimentation et dassister de nombreux congrs internationaux.

    Je souhaitais donc les remercier ensemble davoir si bien prpar le terrain avant mon arriveet davoir su complmenter leur disponibilit .

    Je remercie mes deux directrices de thse, Batrice Chatain et Muriel Mambrini, de mavoir

    encadre au cours de cette thse. Je pense quil aurait t difficile de rver meilleur duo :toutes les deux dynamiques, souriantes, jamais court dides, jamais dfaitistes Bref jai

    toujours t dans de bonnes conditions pour travailler. Vous tiez surtout trs

    complmentaires et jai normment appris de toutes les deux. Avec le recul, je me rendscompte quel point cest incroyable, tant des scientifiques si diffrentes, que vous ayez

    russi toujours tre daccord sur tout, ce qui, je dois dire, ma bien facilit la tche.

    Il a t difficile pour moi de choisir par qui commencer, et comme Muriel a toujours t cite

    en premier sur le papier, jai dcid de commencer par Batrice, bien que vous ayez toujoursoccup la mme place pour moi.

    Je remercie Batrice pour son enthousiasme, sa capacit toujours trouver une solution tout,

    et sa petite dose de fantaisie qui permet de travailler en samusant. Jai par-dessus toutapprci de travailler avec quelquun dont le mot dordre est a va passer , haut les

    curs !!

    Je remercie Muriel, aussi pour son enthousiasme, sa rigueur scientifique, sa capacit dmler des jeux de donnes improbables, et son besoin de toujours dfinir de nouvelles

    variables (bien souvent pertinentes).

    Malheureusement les mots ne sont pas assez forts pour remercier comme il se doit mes deuxdirectrices de thse.

    Je remercie Marc Vandeputte, pour son aide prcieuse dans la mise en place du protocole des

    expriences bar, et dans lanalyse statistiques de mes rsultats. Les statistiques sont unescience bien utile en gntique, malheureusement comme me la fait rgulirement remarquer

    Marc quand je lui expliquais comment je comptais analyser mes donnes (anon.tu peux

    pas faire a) on ne peut pas faire nimporte quoi. Lavantage quand on travaille avec Marc estquen lui laissant un petite minute de rflexion il trouve toujours un moyen rigoureux

    danalyser les donnes mme lorsquelles ne sont pas vraiment quilibres.

    Je remercie Edwige Quillet de mavoir accueillie dans son laboratoire, et surtout pour stre

    montre si disponible aux moments critiques de ma thse malgr un emploi du temps charg.

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    Je te remercie aussi de mavoir fait remarquer de nombreuses reprises as-tu pens tester

    a ? , le a tant souvent trs pertinent.

    Je remercie Thierry Boujard, de mavoir initie aux joies du comportement alimentaire des

    poissons et de mavoir enseigne les secrets de la technique des rayons-X.

    Je remercie Dominique Bureau et Pierre Sellier davoir accept dtre les rapporteurs de ma

    thse, et Bernard Chevassus-au-Louis, Etienne Verrier et Filip Volckaert davoir acceptdtre les examinateurs de ma thse.

    Je remercie les membres de mon comit de thse, Hans Komen, Inge Guerden, Christle

    Robert-Grani, et Etienne Verrier, qui mont donne de prcieux conseils pour lanalyse demes rsultats, et qui, grce leur recul, ont su rorienter mes travaux lorsque javais pris du

    retard dans mon emploi du temps initial. Je tiens remercier tout particulirement Inge et

    Christle davoir pris sur leur temps pour maccueillir dans leur laboratoire et de mavoirinitie, pour Inge, lanalyse des compositions corporelles et, pour Christle, aux variances

    htrognes.

    Je remercie Nicolas Collange et Laurent Espinat davoir essuy mes dbuts en pisciculture

    avec beaucoup de patience et sans railleries, moi qui croyais quil suffisait de mettre les

    poissons dans leau pour quils soient contents. Je naurais jamais eu les mmes rsultats sivous ne vous tiez pas aussi bien occups de llevage.

    Je remercie mes colocataires de bureau : Sophie, Mathilde, Nicolas, Sandrine, et Richard pour

    lagrable salut, a va ? du matin et pour les discussions scientifiques autour dufonctionnement de limprimante (est ce que le voyant de limprimante clignote ?), je me

    demande dailleurs sil ne serait pas bon de la changer.

    Je remercie le laboratoire de gntique des poissons : Francine, Martine, Carine, Amandine,

    Caroline, Kamila, Ren, Valrie et Pascale pour la bonne ambiance en salle caf, et pour les

    financiers, les gteaux la crme de marrons, au chocolat, au th, la noisette, les sablsnantais, les tartes en tout genre, les crpes, les chouquettes, les brioches..

    Je remercie Franois Ruelle davoir t le plus merveilleux des techniciens, toujours de bonne

    humeur, jamais stress, capable de rparer toutes mes btises et mme, avec le temps, de lesanticiper afin de limiter les dgts. Jai vraiment eu de la chance de travailler avec toi, je crois

    que lon formait le duo improbable, mais pour finir il me semble que lon ne sen est pas trop

    mal sorti.

    Je remercie Alain qui a lui aussi t dune grande patience et ma beaucoup enseigne sur

    llevage du loup.

    Je remercie mes colocataires de bureau, de lIfremer cette fois, pour le mme agrable salut,

    a va? du matin, Agns et Sandie (une thsarde avec moi !! ctait chouette).

    Je remercie tout le personnel de la station daquaculture exprimentale de lIfremer, vous tes

    trop nombreux pour que je puisse tous vous citer individuellement mais le cur y est. Il rgne

    Palavas une ambiance trs agrable, spcialement le vendredi midi, et il a t difficile pourmoi de partir.

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    Je remercie plus particulirement mes cops du caf qui sont devenus mes cops en dehors de

    lIfremer, Manue, Julie, Benoist, Seb, Cyrille, Stphane, et Julien. Je vous remercie pour lesbonnes rigolades, les bonnes bouffes et aussi pour mavoir soutenue et comprise dans les

    moments difficiles.

    Je remercie toute lquipe de Quality truite et de Competus de mavoir montre quoiressemblait un vrai abattage poissons , qui est, pour finir, quelque chose qui ma beaucoup

    plu. Etre 15 pour triper un poisson (2000 en 5 jours) cre au final une ambiance pluttsympa. Jai pu, au cours de ces abattages, exprimenter le tristement fameux dcalage de

    ligne, ce qui ma permis de ne pas en faire au cours de mes expriences (toutes mes excuses

    pour vos quelques donnes perdues.). Cela ma galement servie lorsque jai du mettre en

    place mes plus modestes chanes dabattage.

    Je remercie toute lquipe du Moving pour mavoir faite transpirer le soir et mavoir vide la

    tte des manips, tableurs Excel, publies en cours de rdactionEnfin pour mavoir permisede continuer faire du sport la fin de ma thse malgr mon tat .

    Je remercie ma famille et mes amis davoir toujours taient l malgr mon emploi du tempsen pointill.

    Je remercie Guillaume pour sa prsence et son soutien au quotidien, pour sa patience, sacomprhension et sa capacit me faciliter la vie durant ces trois ans de thse et pour avoir

    toujours eu confiance en moi. Un grand merci aussi pour sa prcieuse aide dans la dernire

    ligne droite.

    Enfin, je remercie ma petite Lise de mavoir mis une srieuse dead line.

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    Prambule................................................................................................................................... 6

    Introduction ................................................................................................................................ 91. Vers une amlioration gntique de lefficacit dutilisation des aliments chez les

    vertbrs terrestres, les mthodes et les paramtres gntiques........................................... 101.1 La description de lutilisation mtabolique de laliment............................................ 101.2. Les stratgies damlioration gntique de lefficacit alimentaire.......................... 13

    2. Lestimation des paramtres gntiques de lefficacit alimentaire : les particularits des

    poissons................................................................................................................................ 242.1 Les particularits zootechniques ................................................................................ 24

    2.2 Les particularits mtaboliques.................................................................................. 27

    2.3 Les particularits de la reproduction et de la gntique............................................. 33

    3. Les premires estimations des paramtres gntiques de lefficacit alimentaire chez lespoissons................................................................................................................................ 42

    3.1 La rponse corrle la slection sur la croissance................................................... 42

    3.2 La slection sur lefficacit dutilisation de laliment................................................ 473.3 La recherche de critres indirects de lefficacit dutilisation de laliment : le pari de

    la rsistance au jene et de la croissance compensatrice ................................................. 51

    Objectifs et stratgie................................................................................................................. 54Rsultats ................................................................................................................................... 59

    Chapitre 1 : Le dterminisme de la rsistance au jene et de la croissance compensatrice. 60

    Chapitre 2 : La dtection de la variabilit gntique de lefficacit dutilisation de laliment

    et lidentification de critres indirects corrls .................................................................... 80Chapitre 3: La validation des critres indirects chez le bar................................................ 102

    Chapitre 4 : La pertinence des critres indirects dans un programme de slection chez le bar

    ............................................................................................................................................ 134

    Discussion .............................................................................................................................. 1481. La pertinence de notre stratgie ..................................................................................... 149

    1.1 La pertinence de lutilisation de la technique des rayons-X .................................... 1491.2. La pertinence de la croissance mesure en condition dalimentation restreinte

    comme critre indirect.................................................................................................... 154

    1.3. La pertinence de la rsistance au jene et de la croissance compensatrice commecritre indirect ................................................................................................................ 156

    2. La mise en place dun programme de slection pour lingr rsiduel chez le poisson 160

    2.1. La prdiction de la rponse la slection sur les critres indirects......................... 160

    2.2. La caractrisation des critres indirects : dfinir les conditions exprimentales .... 1613. Les consquences dune slection pour lingr rsiduel sur les variations de

    compositions corporelles et dutilisation des nutriments ................................................... 1733.1 La relation entre lingr rsiduel et le rendement en carcasse................................ 1733.2 La relation entre lingr rsiduel et les compositions corporelles en lipides et en

    protines ......................................................................................................................... 176

    3.3 La relation entre lingr rsiduel et lutilisation des nutriments en phase de jene etde ralimentation............................................................................................................ 181

    Conclusions et perspectives ................................................................................................... 186

    Rfrences bibliographiques .................................................................................................. 189

    Communications orales et posters.......................................................................................... 206Formations suivies au cours de la thse ................................................................................. 207

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    PREAMBULE

    Ce travail a pour objet de caractriser la variabilit gntique de lefficacit dutilisation de

    laliment des poissons dlevage, en vue de poser les bases dune slection future sur cecaractre. Il sinscrit dans un contexte de forte volution des productions piscicoles. Cette

    recherche prend appui sur les avances en termes de contrle de la reproduction, de la

    gntique quantitative et de la nutrition ralises ces trente dernires annes sur les espces

    les plus communment leves, comme sur les connaissances tablies chez les vertbrs

    terrestres, pour proposer une stratgie originale et pragmatique dapproche des paramtres

    gntiques de ce caractre complexe.

    Le dclin mondial des stocks de poissons marins a entrain ces quinze dernires annes un

    plafonnement des captures de la pche ocanique autour de 90 millions de tonnes par an

    (FAO, 2008). Or, la consommation de poissons pour lalimentation humaine et animale

    augmente rgulirement. Les projections des spcialistes tablent sur une augmentation

    prochaine de lordre de 20 %, faisant ainsi passer la consommation de 16 19 kg par an et par

    habitant dici 2030. La pche seule ne pourra donc satisfaire les besoins en produit de la

    mer. Pour rpondre ces besoins, la pisciculture est une solution. Les progrs zootechniques

    et techniques prodigieux raliss dans ce domaine ces trente dernires annes ont permis une

    augmentation spectaculaire de la production piscicole, qui est passe de 10 millions de tonnes

    en 1984 51 millions de tonnes en 2006 (FAO, 2008). Aujourdhui, prs de la moiti des

    poissons consomms dans le monde provient de la pisciculture.

    Les verrous principaux, qui ont t levs pour permettre une intensification de la production

    piscicole, sont la matrise de la reproduction, la mise au point daliments composs et inertes

    et lamlioration de la conduite dlevage et de la prophylaxie de ces espces. Cependant, la

    pisciculture intensive fait face de nombreuses critiques. Les aliments piscicoles sont, enrponse aux besoins spcifiques de ces espces, riches en protines et doivent, pour garantir la

    qualit de la chair, permettre un apport consquent en acides gras polyinsaturs de la srie

    omga 3. Or, les matires premires les plus communment utilises pour satisfaire ces

    besoins sont la farine et lhuile de poisson. Il peut sembler aberrant, en premire approche de

    baser le dveloppement de llevage de poisson sur une utilisation des rserves halieutiques.

    En fait, il ne sagit pas des mmes espces, la farine de poisson tant produite partir de petits

    plagiques faible valeur commerciale. Dans tous les cas, cette caractristique affecte la

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    durabilit des levages, la production de farine de poisson stagne aux alentours de 30 millions

    de tonnes par an et il est peu probable quelle augmente. Comme pour tous les autres levages

    et quelle que soit lespce de poisson produite, laliment reprsente plus de 50% des cots

    dexploitation. Le prix de la farine de poisson est lun des plus fluctuants du march des

    matires premires et, ces derniers mois, le prix des aliments pour poisson a augment de

    manire considrable. En corolaire, les rejets des piscicultures en azote et en phosphore sont

    directement proportionnel lutilisation de farine poisson. Par exemple, on estime que la

    production de 100 tonnes de saumon atlantique entraine un rejet de 3,5 tonnes dazote et 700

    kg de phosphore. Une voie pour accrotre la durabilit des productions piscicoles et pour

    diminuer leur dpendance vis--vis de la farine de poisson est de chercher substituer cette

    dernire. Lautre est damliorer lutilisation de laliment. Ces deux objectifs se

    complmentent. Ils font appel des approches de recherche diverses telles que celles visant

    valoriser lutilisation dautres matires premires, une meilleure comprhension des

    particularits du mtabolisme de ces espces et de leur comportement alimentaire. Le prsent

    travail a pour objectif de poser les bases dune amlioration de lefficacit dutilisation de

    laliment c'est--dire le rendement ingr sur gain de poids des poissons par voie de slection

    gntique.

    Ces dernires annes, lefficacit dutilisation de laliment sest accrue avec la matrise de la

    zootechnie et de l'alimentation mais les possibilits damlioration par voie gntique ont tpeu explores. Le principe de la slection gntique est didentifier les individus qui

    fourniront les meilleurs descendants. Ces individus seront ensuite utiliss comme gniteurs

    pour produire la gnration suivante afin damliorer les performances moyennes de la

    population pour le caractre slectionn. Lidentification de ces futurs gniteurs ncessite de

    dvelopper des systmes spcifiques pour tester les performances dun grand nombre

    dindividus. Lun des pr-requis fondamental lamlioration gntique est que la variabilit

    gntique additive du caractre dans la population soit suffisamment importante. Chez les

    poissons, la variabilit gntique de la plupart des caractres dintrts agronomiques test

    ce jour est importante, sans doute du fait de la rcente domestication de la plupart des ces

    espces. De plus, la grande fertilit et le fait que la reproduction chez la plupart des espces

    soit externe permet de concevoir des plans de slection de grande ampleur et, ainsi de pouvoir

    tester bas cot les performances dun grand nombre dindividus. Il est donc lgitime de se

    demander pourquoi nous ne disposons pas encore des paramtres gntiques dun caractre tel

    que lefficacit dutilisation de laliment alors que son amlioration aura un effet positif

    indniable sur lconomie et limpact environnemental des levages.

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    Lefficacit dutilisation de laliment est un caractre complexe minemment variable. Ceci

    est vrai chez les vertbrs terrestres et cette variabilit est dcuple chez les poissons, compte

    tenu de leurs caractristiques mtaboliques et zootechniques. Dcomposer la part gntique et

    environnementale de cette variabilit ncessite une stratgie dapproche.

    Dans une partie introductive, sont prsentes les connaissances de base qui ont t utilises

    pour tablir la stratgie employe. Nous nous sommes inspirs des programmes de slection

    mis en place chez les vertbrs terrestres (partie 1 de lintroduction), nous avons caractris

    quelles particularits des poissons demandent leur adaptation (partie 2 de lintroduction).

    Ensuite, nous avons intgr les dernires connaissances et techniques mises au point pour ces

    espces afin de mieux dcomposer la variabilit du caractre defficacit dutilisation de

    laliment (partie 3 de lintroduction) et pour identifier des critres indirects facilement

    mesurables sur lesquels baser un programme de slection, applicable en levage et un

    ensemble vari despces (partie 4 de lintroduction). Une fois la stratgie dfinie, les rsultats

    du travail exprimental sont prsents sous forme de quatre chapitres qui visent attester de

    la faisabilit de la mesure des critres indirects (chapitre 1) puis de leur pertinence en

    tablissant un protocole de mesure des corrlations gntiques de lefficacit dutilisation de

    laliment et des critres indirects (chapitre 2). Celui-ci sera appliqu des conditions

    dlevage proches des situations relles (chapitre 3), o seront mesures les hritabilits descritres indirects (chapitre 4). Aprs avoir discut de la pertinence de la stratgie gnrale

    adopte, nous proposerons une mthode pour dbuter une slection afin damliorer

    lefficacit dutilisation de laliment applicable toute espce dlevage. Ce travail illustre

    lintrt de faire converger un faisceau de connaissances, en nutrition et en gntique dans le

    but de trouver des moyens simples et fondamentaux damlioration gntique des caractres

    complexes.

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    INTRODUCTION

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    1. Vers une amlioration gntique de lefficacit dutilisation desaliments chez les vertbrs terrestres, les mthodes et lesparamtres gntiques

    1.1 La description de lutilisation mtabolique de laliment

    Lefficacit dutilisation de laliment dcrit la relation entre la quantit finale de biomasse

    produite et la quantit daliment ingr utilise pour produire cette biomasse. Initialement

    dcrit comme un simple ratio entre le gain de poids et lingr, elle est en ralit un caractre

    complexe qui rsulte de linteraction entre de nombreux composants tels que le comportement

    alimentaire, les capacits digestives, le mtabolisme, la composition corporelle ou encore

    lactivit physique (figure 1). Au cours de leur utilisation, les aliments subissent de

    nombreuses transformations dans lappareil digestif, avant que les nutriments ne soient

    utiliss dans les tissus. Ils sont dgrads progressivement et chaque tape se traduit par des

    pertes dnergie trs variables selon le type daliment (Vermorel, 1988). Les variations

    defficacit avec lesquelles lnergie contenue dans laliment est utilise, dpendent de

    nombreux processus physiologiques. Avant toute transformation, la quantit daliment ingr

    est rgule par le besoin et le comportement alimentaire de lindividu. La rgulation de

    lingr est donc, chronologiquement, le premier facteur de variation de lefficacit

    dutilisation de laliment et il semble bien, au moins chez les bovins, que les quantits

    daliment ingr sont inversement proportionnelles lefficacit dutilisation de laliment

    (Herd et al., 2004). Aprs ingestion, une partie des constituants organiques nest pas digre

    et est directement excrte sous forme de fces. La part restant dnergie effectivement

    absorbe par lindividu est appele nergie digestible.

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    Figure 1.Modle dutilisation de lnergie alimentaire par les animaux.

    Une fois absorbs, les nutriments entrent ensuite dans les pools mtaboliques mais il existe

    dautres postes de perte dnergie. Le premier est celui de lnergie ncessaire pour liminer

    les produits finaux du mtabolisme en particulier lure ou le mthane chez les ruminants. En

    retranchant cette fraction dnergie perdue lnergie digestible, on obtient lnergie

    mtabolisable. Enfin, au cours de lingestion, de la digestion, de labsorption et du transport

    des nutriments, une partie de lnergie contenue dans laliment est perdue sous forme

    dnergie thermique appele extra-chaleur. Les dpenses dextra-chaleur augmentent avec la

    quantit daliment ingr. Lnergie apparemment utilisable par les tissus est appele nergie

    nette. Elle correspond lnergie mtabolisable laquelle a t retranche lextra chaleur.

    Cette nergie est disponible pour assurer la couverture des besoins dentretien, de la

    croissance et de lactivit physique des individus. Si, sur la base de ce schma, nous analysons

    les sources de variabilit, nous pouvons les classer grossirement en trois catgories. Celles

    Ingr

    Energie

    mtabolisable

    Maintenance

    Energie

    digestible

    Physiologie

    digestive

    Comportementalimentaire

    Production

    de tissus

    Dpt

    lipides

    Dpt

    protines

    Energienette

    Mtabolisme de base

    Fces

    Extra-chaleur

    Urine

    Activit

    physique

    Ingr

    Energie

    mtabolisable

    Maintenance

    Energie

    digestible

    Physiologie

    digestive

    Comportementalimentaire

    Production

    de tissus

    Dpt

    lipides

    Dpt

    protines

    Energienette

    Ingr

    Energie

    mtabolisable

    Maintenance

    Energie

    digestible

    Physiologie

    digestive

    Comportementalimentaire

    Production

    de tissus

    Dpt

    lipides

    Dpt

    protines

    Energienette

    Mtabolisme de base

    Fces

    Extra-chaleur

    Urine

    Activit

    physique

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    qui sont associes au comportement alimentaire, celles qui sont issues des processus associs

    la digestion, physiologiques comme mtaboliques, et celles qui dpendent des particularits

    mtaboliques des individus, rapidement regroupes sous le vocable mtabolisme de base .

    Lefficacit de lutilisation de lnergie nette peut tre modlise partir des capacits

    mtaboliques de base et de la composition corporelle des individus (Kielanowski, 1976; van

    Milgen and Noblet, 1999). Les besoins dentretien couvrent les dpenses lies aux grandes

    fonctions vitales telles que la digestion, la respiration ou la circulation sanguine. Les besoins

    de croissance couvrent, la fois, la synthse et laccrtion des nutriments (protines, glucides,

    lipides), les compartiments majeurs, en termes de production finale, tant les compartiments

    protique et lipidique. Dune manire gnrale, on considre que lapport nergtique couvre

    en priorit les besoins dentretien. Lnergie alloue la production de nouveaux tissus est

    utilise pour laccrtion des protines et le dpt de lipides. La quantit dnergie ncessaire

    la production dun gramme de tissu dpend de la composition corporelle de lindividu. La

    dpense nergtique associe la fixation dun gramme de protines quivaux 9,4 kcal alors

    que la dpense nergtique associe la fixation dune gramme de lipides quivaut 5,5 kcal

    (Vermorel, 1988). Enfin, lactivit physique entraine des dpenses nergtiques

    supplmentaires qui diminuent le rendement ingr / gain, et de ce fait, lefficacit

    dutilisation de laliment (Braastad and Katle, 1989; Hughes et al., 1997; Luiting and Urff,

    1991).

    Les sources de variations de lefficacit dutilisation de laliment sont donc multifactorielles

    mais il semble que le processus physiologique, affectant de manire prpondrante les

    variations dutilisation de laliment au moins chez les ruminants, est le mtabolisme de base

    (Herd et al., 2004). Ainsi, le mtabolisme de base pourrait-il tre le critre le plus pertinent

    pour dcrire les variations defficacit alimentaire. Plus les dpenses dentretien sont faibles,

    ou plus les cots nergtiques associs la synthse des tissus sont faibles, meilleure en sera

    lefficacit dutilisation de laliment. Les dpenses nergtiques pour les besoins dentretien

    sont dpendantes du poids de lindividu. Cependant, elles varient moins vite que le poids,

    cest pourquoi elles sont reprsentes en fonction du poids mtabolique (poids lev la

    puissance pour la majorit des espces tudies ; (Vermorel, 1988). Les cots nergtiques

    de la synthse de nouveaux tissus varient avec le poids et lge des individus. En effet, plus

    un individu est g plus la part de lipides dposs, compare la part de protines, est

    importante et ceci chez toutes les espces tudies.

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    13/208

    Pourtant, quel que soit lge, les variations inter individuelles du mtabolisme de base

    semblent essentiellement expliques par des diffrences de vitesse de turnover des protines.

    Le turnover des protines est un processus ininterrompu de dgradation et de synthse des

    protines permettant aux individus le remodelage continuel de leurs tissus. Chez les bovins, le

    pourcentage de renouvellement des protines varie entre 3% par jour chez les bovins adultes

    et 10% chez lagneau (Vermorel, 1988). Le turnover des protines est un processus coteux

    en nergie qui reprsente prs de 25 % des besoins nergtiques chez le poulet (Muramatsu et

    al., 1987; Muramatsu and Okumura, I, 1985). Cest sans doute ce cot nergtique qui

    explique le lien entre le turnover des protines et lefficacit dutilisation de laliment. Cette

    relation a t montre, en particulier, sur des lignes de rat et de poulet slectionnes sur la

    croissance, les lignes prsentant la meilleure efficacit alimentaire tant galement celles

    pour lesquelles le turnover des protines tait le plus faible (Tomas et al., 1998; Tomas and

    Pym, 1995). Ce dernier est expliqu, pour ces deux espces, par un plus faible taux de

    dgradation des protines, la vitesse de synthse restant inchange (Tomas et al., 1998; Tomas

    and Pym, 1995). De mme, entre des lignes de moutons et de bufs slectionnes pour et

    contre le gain de poids, la dpense nergtique par unit de muscle dpose peuvent varier de

    plus de 20 %, une part significative de cette variation tant explique par une diffrence de

    taux de dgradation et de synthse des protines dans le muscle (Oddy et al., 1995; Oddy et

    al., 1998). Une tude rcente conduite sur le buf a montr que la vitesse de turnover desprotines et le besoin dentretien pouvaient tre lis (Bulle et al., 2007), et il ny a aucune

    raison pour quelle ne soit pas en lien avec lefficacit de rtention et daccrtion des

    protines. Ces tudes illustrent le rle essentiel que doit jouer le turnover protique dans les

    variations de lefficacit dutilisation de laliment. Il est possible que les variations de

    lefficacit du mtabolisme des lipides puissent galement expliquer des diffrences

    defficacit dutilisation de laliment entre individus. Nanmoins, le stockage des lipides est

    gnralement effectu dans un tissu particulier, utilis essentiellement comme rserve

    dnergie, contrairement au tissu protique qui, quant lui, est dans une dynamique

    dutilisation constante. Ceci explique que les variations de lutilisation mtabolique des

    lipides, leur turn-over, est bien plus faible que celui des protines (Herd et al., 2004).

    1.2. Les stratgies damlioration gntique de lefficacit alimentaire

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    Lamlioration gntique correspond des croisements raisonns entre individus en fonction

    de leur performance pour le caractre dintrt. Mettre en place un programme de slection

    ncessite deux pr-requis. Il faut, dune part, tre capable de mesurer prcisment les

    performances des individus et, dautre part, sassurer du fait que le critre est hritable, cest

    dire que les performances des individus se transmettent de gnrations en gnrations. Pour

    cela, il faut pouvoir dissocier la part de variations du caractre qui est dorigine

    environnementale de celle purement dorigine gntique. Dans le cas de lefficacit

    dutilisation de laliment, savoir mesurer prcisment les performances des individus a t le

    premier verrou lever pour mettre en place un programme de slection.

    Historiquement, les premiers progrs en termes defficacit dutilisation de laliment ont t

    raliss en lien avec lamlioration de la croissance. Cependant, en vue dintensifier la

    rponse la slection, il a fallu trouver un critre de slection refltant directement lefficacit

    dutilisation de laliment. Le choix du critre na pas t ais car diffrentes approches ont t

    dveloppes (Archer et al., 1999; Arthur et al., 2001b). Parmi ces dernires, deux ont t

    majoritairement retenues. La premire vise amliorer directement le caractre defficacit

    alimentaire, en mesurant ce dernier de manire aussi prcise que possible. Mais il sagit dun

    ratio de deux mesures variant largement avec des facteurs environnementaux. La seconde

    approche, beaucoup plus communment utilise, vise amliorer lingr rsiduel. Cettemesure correspond aux quantits daliment ingr, en plus ou en moins des quantits qui sont

    attendues, en tenant compte uniquement des besoins dentretien et des cots de production.

    1.2.1 La rponse corrle la slection sur la croissance

    La croissance prsente un intrt conomique important. Elle est facilement mesurable, cest

    pourquoi elle a t le premier caractre avoir suscit lintrt des slectionneurs. Chez lesvertbrs terrestres, la croissance est un caractre slectionnable. En effet, son hritabilit se

    situe pour la majorit des tudes entre 0,20 et 0,40. Les programmes de slection cibls sur la

    croissance ont pu, indirectement, conduire une amlioration de lefficacit alimentaire,

    comme illustr chez le poulet (Havenstein et al., 1994) et le lapin (Moura et al., 1997). Chez

    le poulet, laugmentation defficacit alimentaire est en partie explique par le fait que les

    lignes croissance rapide ont des besoins dentretien plus faible, car leur priode de

    croissance est plus courte (Pym, 1990). Pour autant ceci nest pas toujours le cas. En fait, la

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    croissance est troitement corrle aux quantits daliment ingres. La corrlation gntique

    est, quelle que soit lespce, toujours suprieure 0,7 (tableau 1). Ainsi, les gains en

    croissance sont-ils gnralement accompagns dune augmentation de lingr et dun

    engraissement des individus (tableau 1), une pression de slection forte sur la croissance

    pouvant avoir des effets nfastes sur la sant et sur les performances de reproduction des

    individus (Rauw et al., 1998). Il se peut que la relation entre croissance rapide et efficacit

    alimentaire dpende des conditions environnementales (levage et / ou alimentation)

    pratiques pendant la slection. Dans tous les cas, les corrlations gntiques entre la

    croissance et lefficacit alimentaire sont modres (tableau 2). Ceci justifie de mettre au

    point un programme de slection permettant damliorer directement ce caractre.

    Tableau 1.Hritabilits (h2) et corrlations gntiques (Rg) du gain de poids avec lingr et

    ladiposit chez le buf, le cochon, lagneau et le poulet

    Gain de poids h2 RgIngr RgAdiposit Rfrence

    Buf Hereford et Angus 0.38 0.16 0.73 0.13 -0.20 0.25 (MacNeil et al., 1991)

    Buf Hereford 0.16 0.15 0.89 ND (Fan et al., 1995)

    Buf Angus 0.43 0.24 0.76 ND (Fan et al., 1995)

    Buf Angus 0.28 0.04 0.54 0.06 ND (Arthur et al., 2001a)

    Buf Charolais 0.34 0.04 0.39 0.08 ND (Arthur et al., 2001b)

    Buf japonais noir 0.30 0.18 ND 0.54 0.12a (Hoque et al., 2005)

    Buf hybride 0.59 0.17 0.87 0.09 ND (Nkrumah et al., 2007a)

    Cochon Yorkshire,

    Landrace et Duroc

    0.43 0.05 0.80 0.03 0.32 0.07b (Mrode and Kennedy, 1993)

    Cochon Large white 0.31 0.02 0.87 0.03 0.23 0.04b (Labroue et al., 1997)

    Cochon Landrace 0.41 0.04 0.81 0.03 0.25 0.03b (Labroue et al., 1997)

    Cochon Large white 0.24 0.82 0.64 (Johnson et al., 1999)

    Cochon Yorkshired 0.42 0.08 0.88 0.05 0.45 0.13 b

    0.38 0.23c

    (Cai et al., 2008)

    Agneau 0.25 0.06 0.84 0.07 ND (Snowder and Van Vleck, 2003)

    Agneau 0.26 0.06 0.80 0.10 ND (Cammack et al., 2005)

    Poulete 0.26 0.07 0.84 ND (Bernon and Chambers, 1988)

    Pouletf 0.33 0.09 0.78 ND (Bernon and Chambers, 1988)

    a Epaisseur du tissus adipeux sous la peau, b Gras dorsal, c Gras intra musculaire, d Nombre de jours ncessaires pouratteindre 105 Kg, evoie mle, fvoie femelle ; ND = non dtermin

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    1.2.2. La slection directe sur lefficacit alimentaire

    Une douzaine de critres t dcrite dans la littrature (Archer et al., 1999). Le premier estlindice de conversion, qui est le ratio entre lingr et le gain de poids, paramtre

    classiquement utilis pour mesurer la rentabilit dun levage. Toutefois, son utilisation est

    limite par le fait quil diminue lorsque les performances samliorent et, en particulier, il

    tend vers linfini lorsque lingr se rapproche des besoins dentretien. Il a donc plus

    rcemment t remplac par lefficacit alimentaire, qui est son inverse. Quelle que soit

    lespce tudie, ces deux critres sont hritables. Chez les bovins, lhritabilit est modre

    forte pour la majorit des tudes (0,15 0,41, tableau 2). Une seule tude mentionne une

    hritabilit nulle (Fan et al., 1995). Ces estimations sont relativement prcises, sauf pour une

    tude (MacNeil et al., 1991). Chez les cochons, lhritabilit se situe entre 0,16 et 0,28 et chez

    lagneau, elle approcherait 0,1. Cependant, les donnes tant rares, il est difficile de conclure

    quant lhritabilit moyenne de ce caractre chez les ovins. Enfin, chez le poulet

    lhritabilit est comprise entre 0,16 et 0,35, avec de faibles carts types (tableau 2).

    Lefficacit alimentaire prsente donc une hritabilit suffisamment importante dans les

    populations dlevage pour envisager son amlioration par slection gntique.

    La corrlation gntique de ces caractres avec ladiposit de la carcasse est variable suivant

    les espces et les exprimentations. Elle est gnralement non significative (tableau 2) mais,

    lorsquelle lest, on constate quune amlioration de lutilisation de laliment est associe

    une diminution de lengraissement. Une slection directe sur lefficacit alimentaire ou sur

    lindice de consommation naura, soit aucune consquence sur les variations dadiposit des

    individus, soit conduira une slection dindividus plus maigres.

    Cependant, ce critre tant le ratio entre le gain de poids et lingr, il est gntiquement

    corrl aux deux termes du ratio (tableau 2). Pour la croissance, ces valeurs sont modres leves chez toutes les espces mais, si lon considre limportance des cart-types, elles

    apparaissent trs variables. Il nest pas possible de savoir si lapparente efficacit des

    individus rsultant dune slection sur lefficacit alimentaire, est la consquence dune

    amlioration gntique de la croissance ou bien, si elle correspond effectivement une

    meilleure utilisation de laliment (Crews, 2005). Les corrlations gntiques de lingr avec

    lefficacit alimentaire sont similaires celles dcrites entre la croissance et lingr. Elles

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    indiquent quune amlioration de lindice de consommation ou de lefficacit alimentaire

    devrait logiquement saccompagner dune baisse des quantits ingres.

    Une autre limite prendre en considration concernant lefficacit alimentaire, est quelle va

    varier avec lge et, en particulier avec la part croissante que prendront les besoins dentretien

    au fur et mesure que la croissance se ralentira. Pour les mmes raisons, elle variera sans

    doute avec les capacits dutilisation de laliment entre les individus de faible poids et les

    individus de poids plus lev. En effet, les individus les plus gros doivent avoir

    proportionnellement des besoins dentretien plus levs que des individus plus petits.

    Enfin, les critres reprsents sous forme de ratios ont des proprits statistiques bien

    particulires qui ne permettent pas de prdire prcisment la rponse la slection (Gunsett,

    1986). En effet, avec de tels critres, une part plus importante de la pression de slection est

    applique sur le composant qui a la plus grande variabilit gntique additive, ce qui

    disproportionne leffet de la slection sur les variations des deux termes du ratio. Ainsi, dans

    le cas de lefficacit alimentaire, nest-il pas possible de prdire si la slection aura pour

    principal effet daugmenter le gain de poids ou de diminuer lingr.

    Les carts types importants constats pour lestimation des paramtres gntiques (tableau 2)

    illustrent quel point il est difficile dtudier de manire prcise les variations de lefficacitdutilisation de laliment.

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    18

    Tableau 2. Hritabilits (h2) et corrlations gntiques (RG) de lefficacit dutilisation de laliment, mesur

    (IC), soit par lefficacit alimentaire (EA = 1/IC), avec le gain de poids, lingr et ladiposit de la carcasse,

    lagneau et le poulet

    Efficacit alimentaire Mesure h2 RGGain de poids RGIngr RGAdiposit

    Buf Hereford et Angus IC 0.26 0.15 -0.43 0.28 0.31 0.30 0.30 0.26a

    Buf, moyennes pondres sur 21 tudes IC 0.32 0.02 ND 0.71 -0.24

    Buf Hereford EA 0.08 0.09 0.42 0.05 ND

    Buf Angus EA 0.35 0.22 0.73 0.18 ND

    Buf Angus IC 0.29 0.04 -0.62 0.06 0.31 0.07 0.03 0.06

    Buf Charolais IC 0.46 0.04 -0.46 0.08 0.64 0.07 ND

    Buf japonais noir IC 0.15 0.04 -0.17 0.33 ND -0.81 0.46

    Buf hybride IC 0.41 0.15 -0.59 0.16 0.28 0.23 -0.29 0.21

    Cochon Large White IC 0.19 0.02 -0.24 0.07 0.11 0.06 0.51 0.06

    Cochon Landrace IC 0.20 0.03 -0.47 0.04 -0.06 0.10 0.30 0.08

    Cochon Large White IC 0.16 -0.32 ND 0.40

    Cochon Yorkshire, Landrace et Duroc IC 0.28 0.06 -0.28 0.11 ND 0.24 0.09b

    Cochon Durocd IC 0.27 0.05 0.10 0.10 ND 0.52 0.08b/0.21 0.07c

    Cochon Yorkshire EA 0.17 0.07 0.30 0.21 -0.26 0.21 -0.24 0.22b /0.23 0.47c

    Agneau EA 0.10 0.05 0.85 0.16 0.79 0.07 ND

    Poulete EA 0.20 0.07 0.29 -0.27 ND

    Pouletf EA 0.35 0.09 0.59 -0.05 ND

    Poulet IC 0.16 0.03 ND 0.38 0.35g

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    19

    apaisseur du tissus adipeux sur la douzime cte, bGras dorsal, cGras intra musculaire, dNombre de jours ncessaires pour atteindre 105 Kg,abdominal ; ND = non dtermin

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    1.3.3 La slection sur lingr rsiduel

    Lingr rsiduel a t propos comme critre defficacit de lutilisation de laliment pour la

    premire fois en 1963 par Koch et collaborateurs. Il est dfini comme lcart entre lingrrel et lingr estim pour les besoins de croissance des individus. Deux mthodes

    diffrentes peuvent tre utilises pour estimer lingr des individus. Premirement, lingr

    peut tre directement prdit partir des donnes exprimentales tablissant la relation entre

    lingr et les donnes de production (gain de poids, production de lait, poids des ufs)

    (Crews, 2005). Deuximement, lingr peut tre estim partir de modles nutritionnels

    prtablis qui calculent les besoins en entretien et en production. Il existe de multiples

    modles nutritionnels, les paramtres utiliss sont trs divers et peuvent tre : la composition

    nutritionnelle de laliment (Arthur et al., 2001b; Fan et al., 1995), le coefficient defficacit

    dutilisation de lnergie mtabolisable pour le gain (Robinson and Oddy, 2004), les quantits

    dnergie requises pour laccrtion de protines et de lipides (Fowler et al., 1980; Hoque et

    al., 2006). Les paramtres des modles doivent tre recalculs pour chaque exprimentation.

    Les expriences ayant compar les deux mthodes destimation de lingr mettent en

    vidence de fortes corrlations gntiques et phnotypiques entre lingr rsiduel mesur

    partir des donnes exprimentales et lingr rsiduel mesur partir des modles

    nutritionnels (suprieures 0,7) (Arthur et al., 2001b; Hoque et al., 2006; Robinson and

    Oddy, 2004). Lingr rsiduel estim partir des donnes exprimentales tant plus facile

    dutilisation, il est plus souvent utilis que lingr rsiduel estim par les modles

    nutritionnels.

    Lquation classiquement utilise pour estimer lingr rsiduel partir des donnes

    exprimentales est la suivante :

    y = 0+ 1 PM + 2 GP + IR

    o y est lingr, 0 est lordonne lorigine de la rgression, 1 est le coefficient de

    rgression partiel de lingr sur le poids mtabolique, PM est le poids mtabolique, 2 est le

    coefficient de rgression partiel de lingr sur le gain de poids, GP est le gain de poids et IR

    lingr rsiduel. Le principe est de compartimenter lnergie fournie par laliment ingr

    entre les besoins dentretien et de croissance, la part dingr restant correspond lingr

    rsiduel. Lingr rsiduel prenant en compte, la fois, les besoins mtaboliques des

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    individus et leur niveau de production quel que soit leur stade de dveloppement, il devrait

    donc tre comparable tout au long du cycle de vie des individus (Crews, 2005). Cette quation

    peut-tre modifie pour prendre en compte les besoins spcifiques dun individu, compte tenu

    des productions attendues. Ainsi, pour les poules pondeuses, le poids de luf peut-il tre

    ajout au gain de poids pour tenir compte de lnergie utilise pour pondre un uf. Lquation

    devient alors :

    y = 0+ 1 GP + 2 PM + 3 PO + IR

    o 3est le coefficient de rgression partiel de lingr sur le poids de luf, et PO le poids de

    luf. Chez le porc, lun des problmes majeurs la production de viande est la production de

    gras qui lui est associe. Lobjectif, pour cette industrie, est donc damliorer lefficacit

    dutilisation de laliment tout en conservant un taux dengraissement le plus faible possible.

    Dans ce but, un indice de la teneur en gras de la carcasse est ajout lquation. Cet indice

    peut tre le taux de gras dorsal ou intramusculaire, ou encore la teneur en muscle maigre de la

    carcasse.

    Les mthodes de calculs de lingr rsiduel varient donc dune espce lautre, mais aussi

    dune tude lautre, en fonction des besoins de la filire et des contraintes exprimentales(disponibilit des donnes, structure dlevage etc..). Nanmoins, quelle que soit lespce

    tudie on retrouve systmatiquement les cots dentretien et de production dans la prdiction

    de lingr. Notons toutefois que, pour des animaux en croissance, considrer seulement le

    gain de poids pourrait-tre suffisant compte tenu du fait que, dans la majorit des tudes, il

    explique plus de 70 % des variations de lingr (tableau 1).

    Lhritabilit de lingr rsiduel est faible modre dans la majorit des tudes menes

    chez les vertbrs terrestres (tableau 3) et a t gnralement estime avec une bonne

    prcision. Chez les bovins, elle est en moyenne de 0,2. Chez les cochons, elle est de lordre de

    0,3. Chez le lapin, de 0,45 et chez les ovins et les poulets, elle est comprise entre 0,11 et 0,33,

    et les carts types correspondants tant faibles. La corrlation gntique de lingr rsiduel

    avec lingr est gnralement leve, les individus les plus efficaces tant ceux qui

    consomment le moins daliment, sauf dans deux tudes ralises chez les bovins (Fan et al.,

    1995; Jensen et al., 1992). Notons toutefois, ces deux tudes tant relativement anciennes,

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    quil est possible que la mesure de lingr tait, cette poque, moins prcise que dans les

    tudes plus rcentes.

    Lingr rsiduel, de part son mode de calcul, doit tre phnotypiquement indpendant du

    gain de poids. Il ressort de lensemble de ces tudes que la corrlation gntique entre ces

    variables nest pas significative (tableau 3). Chez les bovins, le lapin, et les ovins toutes les

    corrlations estimes sont affectes dcarts types importants Les tudes conduites chez les

    cochons et les poulets apportent des rsultats similaires, hormis deux tudes pour lesquelles la

    corrlation gntique entre le gain de poids et lingr rsiduel est modre (Hoque et al.,

    2007a; Tixier-Boichard et al., 1995). En consquence, une slection base sur lingr

    rsiduel devrait diminuer lingr de la population sans modifier ses performances de

    croissance.

    Les effets attendus dune slection sur lingr rsiduel sur la qualit de la chair sont

    variables. Chez les bovins, les cochons et le lapin, lingr rsiduel est, pour la moiti des

    tudes, indpendant de ladiposit des carcasses (tableau 3). Nanmoins, lorsquune

    corrlation significative est dtecte, elle est gnralement positive quelle que soit lespce

    tudie, les individus les plus efficaces tant aussi les moins gras. Il est noter que ces

    rsultats doivent aussi dpendre du type de mesure dadiposit ralise. Il est probable que les

    volutions constates soient diffrentes selon quil sagisse du gras musculaire, du gras

    abdominal ou de la carcasse entire.

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    23

    Tableau 3. Hritabilits (h) et corrlations gntiques (RG) de lingr rsiduel avec le gain de poids, lin

    laliment, estime soit avec lindice de conversion, IC, soit avec lefficacit alimentaire, EA, et ladiposit des

    le cochon, lagneau et le poulet

    Utilisation alimentIngr rsiduel h2 RGGain depoids

    RGIngr

    RG MesureRGadipo

    Buf Holstein 0.36 0.17 0.39 0.29 -0.02 0.26 ND IC -0.45 0

    Buf Hereford 0.07 0.13 0.31 0.87 -0.9 IC ND

    Buf Angus 0.23 0.12 -0.71 -0.14 -1 IC ND

    Buf Angus 0.39 0.03 -0.04 0.08 0.69 0.03 0.66 0.05 IC 0.17 0.

    Buf Charolais 0.39 0.04 -0.10 0.13 0.79 0.04 0.85 0.05 IC ND

    Buf japonais noir 0.24 0.11 -0.07 0.14 ND 0.64 0.10 IC -0.66 0

    Buf hybride 0.21 0.12 0.46 0.45 0.73 0.18 0.62 0.09 IC 0.35 0

    Cochon Yorkshire, Landrace et Duroc 0.30 0.06 0.21 0.11 ND ND IC 0.15 0

    Cochon Large white 0.15 0.12 ND ND IC 0.67

    Large white franais 0.24 0.03 0.00 0.12 0.77 0.10 0.71 0.12 IC 0.33 0

    Cochon Duroc 0.38 0.05 0.53 0.08c ND 0.85 0.02 IC 0.39 0.03a0.3

    Cochon Yorkshire 0.29 0.07 0.17 0.18 0.52 0.12 -0.74 0.13 IC -0.14 0.16a 0.

    Lapin 0.45 0.11 -0.09 0.22 ND 1 IC 0.15 0

    Agneau 0.26 0.07 0.29 0.20 0.77 0.07 0.23 0.07 EA ND

    Agneau 0.11 0.05 -0.03 0.20 0.61 0.15 ND IC ND

    Pouletf 0.33 0.03 -0.37 0.13 0.62 0.05 -0.22 0.08 EA ND

    Pouletg 0.27 0.02 0.07 0.11 0.40 0.04 -0.38 0.05 EA ND

    aGras dorsal, bGras intra musculaire, cNombre de jours ncessaires pour atteindre 105 Kg, eGras costal, fvoie mle, gvoie femelle ; ND = non dte

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    2. Lestimation des paramtres gntiques de lefficacitalimentaire : les particularits des poissons

    Trs peu de donnes sur les paramtres gntiques de lefficacit dutilisation de lalimentsont actuellement disponibles chez le poisson, et aucun programme de slection na, notre

    connaissance, encore dbut. Ceci est sans doute expliqu par le fait que la majorit des

    espces leves ce jour nont t que rcemment domestiques et que lintensification des

    productions est relativement rcente. Toutefois, la tche est plus complexe chez ces espces

    car les particularits des poissons, tant zootechniques que physiologiques, font que les sources

    de variation de lefficacit dutilisation de laliment sont plus importantes que chez les

    vertbrs terrestres. Autant de sources de variation quil faut savoir contrler ds lors que lon

    souhaite estimer les paramtres gntiques de ce caractre complexe. Pourtant les

    particularits de la reproduction des poissons font quil est possible dutiliser des voies

    dapproches diffrentes de celles de vertbrs terrestres.

    2.1 Les particularits zootechniques

    Nous retiendrons trois grandes caractristiques qui diffrentient llevage des poissons de

    celui des vertbrs terrestres : i) llevage est ralis en groupes, les individus partageant un

    environnement commun, opaque et de composition difficilement contrlable, ii) il est

    extrmement diversifi avec plus de 200 espces domestiques ce jour et ii) il est

    relativement rcent.

    Tout dabord, le fait que les poissons soient levs en groupe et dans un milieu opaque, fait

    que la quantification prcise des quantits ingres est difficile lchelle du groupe voire

    impossible l chelle des individus. Ceci a des implications considrables sur lestimation de

    lefficacit dutilisation de laliment sur lesquelles nous reviendrons en dtails. En

    pisciculture intensive, les poissons sont levs en groupe en densit leve. Chaque groupe a

    sa hirarchie propre (Huntingford, 2004). De telles hirarchies peuvent affecter les

    performances des poissons de manire variable suivant leur statut social. En effet, dans les

    groupes de poissons o une structure hirarchique est tablie, lalimentation des individus

    subordonns peut, de ce fait, tre restreinte. Pour un nombre important despces de

    salmonids, il existe une corrlation ngative entre la densit dlevage et la croissance : chez

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    le saumon atlantique (Salmo salar) (Refstie and Kittelsen, 1976), le saumon coho

    (Onchorynchus kisutch) (Fagerlund et al., 1981), la truite arc-en-ciel (Onchorynchus mykiss)

    (Li and Brocksen, 1977; Refstie, 1977), lomble de fontaine (Salvelinus fontanilis) (Vijayan

    and Leatherland, 1988), et la truite de lac (Salvelinus namaycush) (Sodeberg and Krise, 1986),

    mais pas chez lomble chevalier (Salvelinus alpinus)(Jorgensen et al., 1993). Les interactions

    sociales peuvent affecter aussi lefficacit dutilisation de laliment car, avec ces dernires, on

    a constat, dune part une augmentation des vitesses mtaboliques (Brett, 1964; Christiansen

    et al., 1991) et, dautre part, une augmentation du niveau de stress des individus (Schreck,

    1982). Ainsi, dans plusieurs tudes, une relation ngative entre lefficacit alimentaire et la

    densit a t mise en vidence (Mary and Sakthivel, 2007; Ridha, 2006; Wang et al., 2000a).

    Chez les espces territoriales comme les salmonids, des interactions sociales fortes peuvent

    aussi apparaitre faible densit. Dans ces conditions, lefficacit alimentaire des individus

    dominants peut aussi dpendre de la densit de la population, car lnergie dpense par les

    individus dominants pour dfendre leur territoire est fonction du nombre de concurrents

    potentiels (Kestemont and Baras, 2001). Une forte densit peut aussi rendre plus difficile

    laccs laliment par encombrement dans le bassin, les individus augmentant alors leur

    activit et leur dpense nergtique pour se nourrir (Alanara and Brannas, 1996; Marchand

    and Boisclair, 1998), ce qui peut affecter lefficacit alimentaire. Par ailleurs, une forte

    densit peut affecter la qualit de leau et, en consquence, la croissance et lefficacitdutilisation des aliments (Lemari, communication personnelle).

    Le taxa des tlostens inclus plus de 23 000 espces et est le taxa le plus diversifi des

    vertbrs. Ces espces se sont rpandues sur toute la surface du globe et ont colonis une

    multitude dcosystmes diffrents. A cette diversit dhabitats correspond une diversit de

    rgimes alimentaires, les diffrentes espces ayant des besoins mtaboliques varis. La

    domestication des 200 espces, aujourdhui produites en pisciculture, a ncessit une

    adaptation des systmes dlevage aux besoins physiologiques de chacune des espces, ce qui

    a abouti une large diversification des structures et des techniques dlevage. Cette diversit

    des pratiques piscicoles empche la gnralisation des rsultats trouvs sur une espce de

    poissons lensemble des espces domestiques. Il semble que, mme au sein des

    salmonids, lutilisation de lazote et de lnergie est diffrente selon les espces (Berg and

    Bremset, 1998; Rasmussen and Ostenfeld, 2000; Refstie et al., 2000). Il a t montr que le

    saumon atlantique prsentait une meilleure efficacit alimentaire que la truite arc-en-ciel, ceci

    pouvant sexpliquer par une meilleure rtention des protines de la part du saumon atlantique

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    (Azevedo et al., 2004a; Azevedo et al., 2005). Les rsultats des comparaisons entre les

    espces sont toutefois variables. Dans une autre tude, les saumons atlantiques et les truites

    arc-en-ciel avaient des efficacits alimentaires comparables mais les truites arc ciel avaient

    des capacits digestives des protines, des lipides et de lnergie suprieures celles du

    saumon atlantique (Krogdahl et al., 2004). Il se peut que ces rsultats dpendent des

    conditions exprimentales adoptes et, en particulier de lge des poissons et de la nature du

    rgime alimentaire test.

    Relativement la domestication des vertbrs terrestres qui remonte lhomme prhistorique

    (10 000 av JC) (Diamond, 2002), la pisciculture est une activit rcente. Historiquement, la

    pisciculture est ne en Chine il y a quatre mille ans avec llevage de la carpe (Balon, 2004).

    Toutefois, les premires fcondations artificielles et, avec elles la matrise du cycle de vie

    complet des poissons, nont t ralises quau 18mesicle avec la truite arc-en-ciel. Ce nest

    que dans les annes 1850 que la pisciculture a commenc se dvelopper, les espces

    majoritairement produites tant les salmonids. A partir des annes 1950, le nombre despces

    domestiques sest considrablement accru, passant de 42 186 en 2003 (FAO, 2008). Les

    connaissances des particularits physiologiques et mtaboliques de ces diffrentes espces

    sont variablement approfondies et les programmes damlioration gntique nont dmarr

    que pour un faible nombre dentre elles. Toutefois, la relative jeunesse de la pisciculture fait,quen gnral, la variabilit gntique des populations dlevage est encore leve. Les effets

    dune possible rduction de la variabilit gntique par slection des gnotypes intressants

    pour llevage sont donc limits. De plus, les souches sauvages de chacune des espces

    domestiques sont encore bien souvent prsentes dans la nature, permettant le

    rafraichissement du pool gntique des populations dlevage. Pour certaines espces comme

    la sriole ou languille, la production est encore uniquement base sur lutilisation de

    gniteurs sauvages. Pour des espces comme le bar ou la daurade, on recourt priodiquement

    lutilisation de gniteurs sauvages (Gjedrem, 2000). Il en rsulte que la variabilit gntique

    de la plupart des caractres dintrt agronomique reste importante (Gjedrem, 2000).

    Cette domestication rcente fait aussi que les progrs zootechniques sont permanents.

    Gnralement, une nouvelle espce est leve en tenant compte des connaissances

    accumules sur les autres espces et de ce que lon sait de ses particularits et de son

    comportement en milieu naturel. Les paramtres dlevage sont ensuite amliors par

    implmentations successives. Le niveau dadaptation des conditions dlevage peut donc

    varier en fonction de lanciennet de la domestication. Trs vraisemblablement, ltat de

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    domestication influence les besoins nergtiques des individus et leur efficacit dutilisation

    de laliment. En effet, on remarque quen pisciculture les premiers gains de croissance

    obtenus sont souvent lis une diminution de la rponse des situations de stress

    (adaptabilit un nouvel environnement, baisse des interactions dominant-domin, .)

    (Fontaine and le Bail, 2004). Il est cependant difficile de pouvoir quantifier leffet de la

    domestication sur les variations de lefficacit dutilisation de laliment car il nexiste pas,

    notre connaissance, dtudes comparatives entre lignes sauvages et lignes domestiques. On

    constate toutefois une tendance lamlioration de lefficacit alimentaire dune espce

    lorsque la zootechnie est parfaitement maitrise. Chez le saumon atlantique lefficacit

    alimentaire de lignes sauvages a t compare celle de lignes slectionnes sur la

    croissance depuis 5 gnrations (Thodesen et al., 1999). Cette tude montre que lefficacit

    alimentaire des lignes slectionnes est bien suprieure celle des lignes sauvages (0,93 et

    1,16 pour les lignes sauvages et slectionnes, respectivement). Vraisemblablement, une part

    de cette amlioration peut-tre due au processus de domestication. Cependant, moins de

    possder la fois des lignes sauvages, domestiques et slectionnes, il nest pas possible de

    dissocier la part de lamlioration de lefficacit alimentaire explique par la domestication de

    celle explique par la slection sur la croissance.

    2.2 Les particularits mtaboliques

    Les poissons, toutes espces confondues, prsentent deux particularits mtaboliques

    majeures en comparaison aux vertbrs terrestres : i) ils sont pokilothermes en ce sens quils

    ne rgulent pas leur temprature interne, ii) leur mtabolisme protique est particulier : ils

    sont ammoniotliques, le produit final de leur mtabolisme azot tant lammoniac, et ils

    utilisent prfrentiellement les protines des fins nergtiques, ayant des capacits limites

    digrer et mtaboliser les glucides complexes.

    La temprature corporelle du poisson fluctue avec la temprature de leau, ce qui influe sur la

    vitesse du mtabolisme. Ainsi, la temprature extrieure fait varier les besoins nergtiques

    dentretien et de croissance des poissons. Par exemple, pour une carpe de 80 g les besoins

    nergtiques dentretien passe de 28 67 kJ par kg et par jour entre 10C et 20C (Mdale

    and Guillaume, 1999). Chez la truite arc-en-ciel, la quantit dnergie ncessaire pour

    produire un kilogramme de masse corporelle est de 15-16 kJ 8C et de 17-19 kJ entre 15 et

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    18C (Mdale and Guillaume, 1999). Leffet de la temprature sur les besoins nergtiques

    est espce dpendante, entre autres, elle dpend de lorigine co-systmique de lespce

    (figure 2). Du fait de leur pokilothermie, les besoins dentretien en nergie des poissons sont

    trs infrieurs ceux des vertbrs terrestres : ils avoisinent 40 kJ par kg et par jour chez la

    truite arc-en-ciel alors que, chez les homothermes, les besoins nergtiques dentretien sont

    proches de 300 kJ par kg et par jour (Cho and Bureau, 1998).

    Figure 2. Effet de la temprature de leau sur les dpenses nergtiques chez diffrentes

    espces (Brett, 1972), cit par Mdale et Guillaume, 1999).

    Enfin, dune manire gnrale, le mtabolisme des poissons et, plus particulirement leur

    besoin en nutriments, est trs dpendant des facteurs environnementaux tels que la salinit, la

    quantit doxygne dissous, ou la qualit gnrale de leau (Four and Labb, 1999).

    Les poissons ont un besoin lev en protines alimentaires (entre 30 et 55% de la matire

    sche de laliment, selon lespce et lge des poissons) et lon sait aujourdhui que ceci est

    expliqu par une utilisation particulire des protines alimentaires. En effet, le turnover

    protique dans le muscle de poisson (en moyenne 3-4% par jour) est plus faible que celui

    mesur chez les vertbrs terrestres (en moyenne 12-14% par jour), alors que loxydation du

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    pool dacides amins des fins nergtiques est plus important (Mambrini and Guillaume,

    1999). En consquence, ce sont majoritairement les acides amins dorigine alimentaire qui

    servent de substrat nergtique au poisson (Mambrini and Guillaume, 1999). Pour satisfaire

    ce besoin, lingrdient majeur des aliments piscicoles est une matire premire riche en

    protines, de composition en acides amins quilibr, la meilleure source tant encore la

    farine de poisson. Comme indiqu en prambule, ceci a des consquences indniables sur la

    durabilit des levages (Cho and Bureau, 1997). Or, on connait mal le dterminisme de cette

    particularit mtabolique dont la variabilit phnotypique comme gntique a t encore peu

    tudie.

    Les sources de variations de lefficacit dutilisation de laliment par les poissons sont donc

    nombreuses : tat de domestication, hirarchie du groupe, temprature et qualit du milieu

    dlevage. Il se peut aussi, compte tenu du lien entre lefficacit dutilisation de laliment et

    le turnover protique dcrit chez les vertbrs terrestres, que la rgulation particulire du

    mtabolisme azot des poissons ajoute un facteur supplmentaire de variation.

    Il semble bien, par ailleurs, que lefficacit dutilisation des aliments, comme pour les

    vertbrs terrestres, varie avec le poids, la composition corporelle et le taux de rationnement

    des animaux. Le poids est un facteur de variation important. Mme si la croissance despoissons est continue, elle se ralentit avec le temps et, comme chez les vertbrs terrestres, les

    besoins dentretien en nergie des poissons augmentent proportionnellement au poids des

    individus (Cho and Bureau, 1995; Lupatsch et al., 2003). Pour un mme ingr, plus un

    poisson est petit, plus il allouera une part importante de lnergie ingre sa croissance

    (Mdale and Guillaume, 1999). Limportance du poids dans les variations de lefficacit

    dutilisation de laliment devrait toutefois tre moindre que pour les vertbrs terrestres car les

    besoins dentretien des poissons sont plus faibles. De mme, comme chez les vertbrs

    terrestres, lefficacit dutilisation de laliment varie en fonction de la composition corporelle

    des individus car la rtention et la synthse des lipides sont moins coteuses en nergie que

    laccrtion et la synthse des protines (Blaxter, 1989; Bureau et al., 2002). Enfin, il semble

    bien que lefficacit dutilisation de laliment varie avec le taux de rationnement. Laliment

    est utilis plus efficacement lorsquil est rationn entre 50 et 70% du niveau dalimentation

    volont que lorsquil est distribu un niveau proche de la satit (Bureau et al., 2006; Mazur

    et al., 1993). Un tude rcente montre que la corrlation entre le gain de poids et lingr est

    plus troite lorsque lalimentation est restreinte 70 % du niveau dalimentation volontaire,

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    que lorsque laliment est distribu satit (Silverstein, 2006). Les auteurs suggrent que

    lorsque les poissons sont nourris satit, toute lnergie fournie par lalimentation nest pas

    attribue la croissance, une partie tait perdue. Ces pertes pourraient tre associes une

    augmentation de lutilisation dnergie utilise pour la production de fces et durine, une

    augmentation des pertes par lextra-chaleur (Smith, 1989) ainsi qu une diminution de

    lefficacit digestive (Hoars et al., 1979). En fait, la relation entre la quantit dnergie

    ingre et le gain nergtique nest linaire que jusqu un optimum dingr (figure 3). Au-

    del de cet optimum, lefficacit de lutilisation de lnergie en gain nergtique diminue.

    Ceci nous rappelle le fait que, chez les vertbrs terrestres, la corrlation gntique entre

    lingr et lefficacit alimentaire est majoritairement ngative (tableau 1).

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    Figure 3. Variations du gain en nergie chez la truite en fonction de lnergie digestible

    ingre (Mdale and Guillaume, 1999).

    En rsum, tudier les paramtres gntiques de lefficacit dutilisation de laliment chez le

    poisson, demande la mise au point dun protocole spcifique qui prenne en compte les trois

    contraintes majeures que soulvent les particularits zootechnique et mtabolique des

    poissons (tableau 4).

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    Tableau 4.Rcapitulatif des principales caractristiques du modle poisson, consquences et

    implications dans ltude des variations defficacit dutilisation de laliment

    Origine des

    particularits

    Consquences Implication pour programme de

    slection sur lefficacit alimentaire

    Zootechnie

    Elevage en groupe,

    en densit leve

    Cration de hirarchie sociale

    qui modifie lefficacit

    dutilisation de laliment,

    quantification prcise de

    lingr difficile pour le

    groupe et impossible pour

    lindividu

    Contrler la composition du groupe,

    Mettre au point un protocole bas sur

    des mesures de groupe ou qualifier des

    mthodes destimation de lingr

    individuel

    Domestication

    rcente

    Large variabilit gntique Fort potentiel pour amlioration

    gntique exploiter

    Diversit des

    espces leves

    Grande diversit inter-espces,

    variabilit des besoins

    mtaboliques

    Vrifier quun protocole mis au point

    sur une espce peut tre appliqu

    une autre

    Mtabolisme

    Pokilothermie Influence de la temprature sur

    les besoins nergtiques

    dentretien et de croissance

    Contrler des paramtres de

    lenvironnement, veiller dans les

    comparaisons des variations

    communes de lenvironnement

    Mtabolisme

    protique

    Utilisation nette de lnergie

    des protines alimentaires plus

    leve

    Manque de donnes pour anticiper les

    effets, veiller la composition de

    laliment

    Il sagira de savoir mesurer de manire fiable lingr de groupe ou davoir qualifi une

    mthode destimation de lingr individuel au sein dun groupe, de contrler au mieux les

    sources de variations ou de comparer les individus levs dans des environnements les plus

    comparables possibles et de tester la pertinence de lutilisation du protocole ainsi mis au point

    dans des conditions varies dlevage et pour dautres espces.

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    2.3 Les particularits de la reproduction et de la gntique

    2.3.1. Gnralits

    Le mode de reproduction des poissons, gnralement externe, ainsi que leur forte fcondit,

    font que les modles gntiques animaux ou vgtaux peuvent tre employs. La reproduction

    externe permet de sparer les ufs dune mme femelle en lot spars et il est possible, pour

    chaque gniteur, dtre fertilis par un ou plusieurs gniteurs du sexe oppos, que ce soit dans

    la nature ou par fcondation in vitro, lorsque cette dernire est matrise, ce qui est le cas chez

    de nombreuses espces dlevage. Cette caractristique des poissons, dune part, permet de

    multiplier le nombre possible de familles produites partir dun lot de gniteurs et, dautre

    part offre une large flexibilit dans le choix des plans de croisements exprimentaux. La forte

    fcondit des poissons permet, en outre, dobtenir pour chaque famille produite un grand

    nombre de descendants. Par exemple, une femelle mature produit entre 100 et 150 mille ufs

    par kilogramme pour la carpe, aux alentours de 300 mille ufs par kilogramme pour le bar et

    de lordre de 1750 ufs par kilogramme pour la truite arc-en-ciel (Refstie and Gjedrem, 2005)

    Cette forte fcondit des poissons permet galement dappliquer des pressions de slection

    relativement fortes. En contrepartie, un faible nombre de gniteurs suffit engendrer la

    gnration suivante, ce qui peut entraner, si lon ne veille pas aux plans de croisement, une

    augmentation rapide du taux de consanguinit dans la population.

    La reproduction des poissons rend donc possible la mise en place de plans de croisements

    exprimentaux de grande ampleur y compris des plans factoriels et ceci pour un cot limit.

    En revanche, les larves et les juvniles sont de taille trop petite pour raliser, lclosion, un

    marquage physique, rendant difficile le suivi des individus. Par ailleurs, larves et juvniles

    sont, comme les adultes, soumis aux variations environnementales. En particulier, les

    performances futures de croissance peuvent largement dpendre des conditions dlevage de

    dbut de vie. Ainsi, on ne pouvait comparer les performances entre familles que lorsquelles

    taient leves sparment, ceci jusqu ce que les individus aient atteint une taille suffisante

    pour tre marqus. Il sagit dlever les familles en groupes rpliqus, groupes pour lesquels il

    faut veiller ce que lenvironnement soit aussi comparable que possible. Toutefois, mme

    dans ces conditions, leffet groupe ou bassin biaise lestimation des paramtres gntiques en

    confondant les effets gntiques et les effets de lenvironnement. Dans leur tude mene sur

    des saumons atlantiques, Refstie et collaborateurs (Refstie, 1990)ont trouv que leffet de

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    lenvironnement commun contribuait pour 10 % de la variation totale de la croissance. Ainsi,

    llevage des familles en bassin spars, en ajoutant un effet denvironnement commun, a

    pour consquence de surestimer les paramtres gntiques. Par ailleurs, pour un nombre de

    descendants constant, plus le nombre de familles tudies est important plus les paramtres

    gntiques sont estims de manire fiable. La fiabilit des rsultats dpendra donc des

    capacits de la structure exprimentale utilise.

    Avec le dveloppement des marqueurs gntiques, il est maintenant possible denvisager

    llevage dun nombre important de familles dans un mme bassin, ds le stade uf. Les

    individus peuvent tre rassigns posteriori leurs parents respectifs en utilisant les

    marqueurs microsatellites (Estoup et al., 1998). Les microsatellites sont des squences

    rptes non codantes du gnome nuclaire. Au sein dune espce, certains microsatellites

    sont trs variables dun individu lautre. Le nombre de rptitions chacun des marqueurs

    est une signature gntique des individus. En comparant les signatures microsatellites des

    individus tests celles des gniteurs utiliss pour le croisement, il est possible de rassigner

    les individus leurs parents respectifs. Aujourdhui, lutilisation des marqueurs

    microsatellites est une technique fiable pour la rassignation de parent. Chez la carpe,

    lutilisation de 8 marqueurs microsatellites a permis un taux de rassignation de 95 % pour un

    croisement factoriel entre 24 mles et 10 femelles (Vandeputte et al., 2005). Chez le bar, il at possible de rassigner 96% des individus issus dun croisement factoriel complet entre 76

    mles et 13 femelles en utilisant 8 marqueurs microsatellites (Vandeputte et al., 2009). De

    nombreuses tudes ont utilis avec succs cette technique pour estimer la variabilit gntique

    de la croissance des poissons (Dupont-Nivet et al., 2008; Fishback et al., 2002; Herbinger et

    al., 1999; Saillant et al., 2006; Vandeputte et al., 2005). Cette technique est de plus en plus

    utilise, malgr son cot lev, pour contrler la consanguinit.

    2.3.2. Les plans de croisements

    Il est donc possible, pour estimer les paramtres gntiques, de recourir diffrents plans de

    croisement. Le choix du plan de croisement dpend, dune part, des effets gntiques attendus

    sur les variations du caractre (i.e., additif et non additif) et, dautre part, des capacits

    daccueil de la structure exprimentale ou de la possibilit de raliser une rassignation de

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    parent. Quel que soit le plan choisi, il est prfrable, tant que faire se peut, de raliser les

    fcondations le mme jour.

    a) Les croisements parpaire

    Ce plan de croisement est le plus simple. Il consiste fertiliser les ufs de chaque femelle

    avec la semence dun seul mle (figure 4). A lissue du croisement, seules des familles de

    plein frres sont compares. Avec ce type de croisement, il nest pas possible de quantifier

    leffet maternel. Il nest pas possible non plus de tester les effets de dominance sur les

    variations du caractre. Les effets maternels et de dominance, sils sont prsents, biaisent

    lestimation de leffet additif. Ce plan de croisement nest donc pertinent que lorsque les

    effets gntiques non additifs et les effets maternels sont connus pour tre faibles.

    Figure 4.Croisement par paire, un mle crois avec une femelle. Les mles sont reprsents

    en bleu, les femelles en rose et les descendants en vert.

    b) Les croisements hirarchiques

    Les croisements hirarchiques sont les plus couramment utiliss chez les vertbrs terrestres.

    Il existe deux types de croisements hirarchiques : par la voie mle (figure 5) et par la voie

    femelle (figure 6). Le croisement hirarchique par la voie mle consiste croiser chaque mle

    avec plusieurs femelles. Le nombre de familles de plein frres est gal au nombre de femelles

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    et le nombre de familles de demi frres est gal au nombre de mles. Le croisement

    hirarchique par la voie femelle consiste croiser chaque femelle avec la semence de

    plusieurs mles. Le nombre de familles de plein frres est gal au nombre de mles et le

    nombre de familles de demi frres est gal au nombre de femelles. Dans les deux cas, les

    composants de la variance mle et de la variance femelle reprsentent chacun un quart de la

    variance additive gntique totale. Le croisement hirarchique par la voie mle permet une

    estimation non biaise de la variance gntique additive et une estimation des effets

    maternels, qui peuvent toutefois tre biaiss en prsence deffets de dominance. Par la voie

    femelle, la variance gntique additive estime peut tre biaise par les effets maternels, si ces

    derniers sont consquents. Les croisements hirarchiques ne permettent pas destimer la

    variance de dominance.

    Figure 5. Croisement hirarchique par voie mle. Les mles sont reprsents en bleu, les

    femelles en rose et les descendants en vert.

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    Figure 6.Croisement hirarchique par voie femelle. Les mles sont reprsents en bleu, les

    femelles en rose et les descendants en vert.

    c) Les croisement factorielsCe plan de croisement consiste croiser tous les mles avec toutes les femelles. Avec le

    croisement factoriel complet, le nombre de familles de plein frres est gal au nombre de

    mles multipli par le nombre de femelles (figure 7). Le croisement factoriel est le seul plan

    de croisement qui permette destimer sans biais les effets gntiques additifs et de dominance

    ainsi que les effets maternels.

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    Figure 7.Croisement factoriel complet. Les mles sont reprsents en bleu, les femelles en

    rose et les descendants en vert.

    Afin de limiter les cots exprimentaux, le nombre de gniteurs utiliss ainsi que le nombrede descendants peut tre optimis. Du fait quil est plus facile de synchroniser la reproduction

    dun grand nombre de mles que dun grand nombre de femelles, on peut prfrer des

    croisements factoriels avec peu de femelles, plus facile mettre en uvre et ayant des

    proprits similaires aux croisements factoriels utilisant le mme nombre de mles et de

    femelles pour lestimation de la variance gntique additive (Dupont-Nivet et al., 2002). Le

    nombre de femelles utilises dans le croisement ninflue que trs peu sur la prcision des

    estimations des paramtres gntiques (Vandeputte et al., 2001). Cependant, il semble

    ncessaire dutiliser au moins 40 mles et deux femelles, et de caractriser au moins 1000

    descendants afin davoir une estimation prcise de lhritabilit des caractres tudis

    (Vandeputte et al., 2001). Ce type de croisement factoriel partiel ne biaise pas les estimations

    des paramtres gntiques. Pour autant, il ne permet pas destimer les effets maternels et peut

    savrer risqu car dpendant de la fcondit de seulement deux femelles.

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    2.3.3. Les possibilits offertes par les clones

    La reproduction externe des poissons rend aussi possible les manipulations chromosomiques

    et en particulier la production de clones. Nous insistons dans la prsente section sur les atouts

    que peuvent reprsenter les clones pour estimer les paramtres gntiques, plus

    spcifiquement sur la possibilit quils offrent de caractriser en dtails la variabilit

    environnementale. Les clones, chez les poissons, peuvent tre produits par gynogense ou

    androgense. Le principe gnral est le mme. Le matriel gntique dun des deux parents

    est dtruit avant la premire division de luf, par une mthode chimique ou thermique. Cest

    alors, sur la base du gnome dun seul des parents, que lembryon se dveloppera. Il est en

    gnral plus difficile, mais pas impossible, de dtruire totalement le matriel gntique de la

    femelle, la production de clones par androgense demandant une vigilance particulire quantau contrle de lorigine gntique effective des individus. Nous dtaillons ci-dessous plus

    prcisment lobtention de clones gynogntiques.

    Pour obtenir des clones gynogntiques, il faut pratiquer successivement deux types de

    gynogense. La premire, la gynognse mitotique, permet de crer des individus

    homozygotes tous leurs locus partir dune femelle htrozygote. La deuxime, la

    gynognse miotique, permet dentretenir les clones mitotiques. Ces deux techniques ont t

    rcemment dcrites en dtail (Komen and Thorgaard, 2007). La gynognse mitotique

    implique plusieurs tapes. En premier, lADN contenu dans les spermatozodes est fragment

    par rayonnement gamma ou ultra violets. Les spermatozodes, ainsi inactivs, sont fusionns

    avec lovule non trait, ce qui a pour effet dactiver, dans lovule, la deuxime division de la

    miose. Par la suite, le gnome haplode est rendu diplode en inhibant la premire division de

    mitose. Cette inhibition est classiquement ralise par choc de pression ou choc thermique.

    Les individus ainsi produit sont appels haplodes doubls (figure 8).

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    Figure 8.A. Miose classique : recombinaison entre chromatides non surs, suivie par la

    premire division de miose produisant deux paires de chromatides surs. Ces paires de

    chromatides sont ensuite spares au cours de la deuxime division de miose pour produire

    4 gamtes diffrents. B. Gynognse mitotique : inhibition de la premire division mitotique

    crant des embryons homozygotes diplodes (Komen and Thorgaard, 2007).

    Lorsque les lignes haplodes doubles ont t cres, il est possible de les conserver au

    travers de gnrations successives par gynognse miotique (figure 9). Le principe est

    quasiment identique celui de la gynognse mitotique : les spermatozodes sont dabord

    inactivs puis fusionns avec lovule. La diffrence est, quavec cette technique, la formation

    dembryons diplodes se fait la fin de la deuxime division de miose, en empchant le

    globule polaire de sortir de luf et ce, par choc thermique ou par choc de pression. Pour le

    Recombinaison

    Ovulation

    2divisionmiotique

    Gamtes

    Ttrades miotiques

    A

    Recombinaison

    Ovulation

    2divisionmiotique

    Gamtes

    Ttrades miotiques

    Chocthermique

    Haplodes doublsB

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    maintien des lignes homozygotes, la gynognse miotique est prfre la gynognse

    mitotique, car elle ncessite des conditions exprimentales moins traumatisantes pour les

    ufs. Par exemple, lorsque le choc thermique est utilis pour la formation de lembryon

    diplode, la temprature adquate pour la gynognse mitotique est de 31,5C alors que celle

    de la gynognse miotique varie entre 26 et 28C. Ces plus faibles tempratures augmentent

    le taux de survie des ufs.

    Figure 9.Gynognse miotique : inhibition de la deuxime division de miose produisant

    des diplodes miotiques. Si le parent est homozygote tous ses locus, comme cest le cas

    la suite dune gynognse mitotique, tous les descendants sont eux aussi homozygotes

    (Komen and Thorgaard, 2007).

    Entre les individus dun mme clone, les variations gntiques ainsi que les co-variations

    entre lenvironnement et le gnotype sont nulles lintrieur dun clone, seules restent les

    variations environnementales. Ainsi, du fait de leur homognit gntique, les organismes

    clons prsentent donc une rduction de la variance phnotypique. Il en rsulte que les

    coefficients de variations des caractres sont en gnral plus faibles chez les clones que dans

    Recombinaison

    Ovulation

    Chocthermique

    Ttrades miotiques

    Diplodes miotiques

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    les familles classiques. Les variations intra clone tant plus faibles, les variations inter clones

    apparaissent plus importantes, ce qui facilite la dtection de variabilit gntique. Les

    particularits gntiques des clones ont dj t mises profit pour dtecter la variabilit

    gntique de caractres fortement soumis aux variations environnementales tels que le

    comportement (Iguchi et al., 2001; Lucas et al., 2004). Cependant, luniformit phnotypique

    des clones dpend de la sensibilit du caractre aux variations environnementales dans la

    population de base. Les performances des individus sont dautant plus homognes que le

    caractre prsente une hritabilit leve. De plus, luniformit phnotypique des clones

    dpend de leur sensibilit aux variations environnementales. En effet, la rponse des

    individus aux variations environnementales peut dpendre de leur patrimoine gntique.

    Ainsi, les clones peuvent tre plus ou moins sensibles aux variations environnementales. Il en

    rsulte que, dans un environnement donn, les variances dun mme caractre ne seront pas

    identiques dun clone lautre. En revanche, il est possible dlever un mme individu

    gntique dans diffrents environnements et, ainsi, destimer lampleur des interactions

    gnotype x environnement ou damliorer, par rptition, la prcision de la mesure du

    caractre pour un gnotype donn.

    3. Les premires estimations des paramtres gntiques de

    lefficacit alimentaire chez les poissons

    3.1 La rponse corrle la slection sur la croissance

    Comme chez les vertbrs terrestres, une stratgie envisageable pour amliorer lefficacit

    dutilisation de laliment est de slectionner sur la croissance. Il existe plusieurs critres

    permettant de caractriser la croissance des poissons. Le poids est le critre le plus simple. Il

    est facilement mesurable et est intgrateur des performances de lindividu depuis lclosion de

    luf jusquau stade adulte. De ce fait, le poids a t le critre le plus couramment utilis pour

    estimer les paramtres gntiques de la croissance (tableaux 5 et 6).

    Notons immdiatement que le critre mesur pour slectionner sur la croissance a t le poids

    ou la longueur, qui est troitement corrle au poids et plus facile mesurer dans des

    conditions classiques dlevage. Il aurait sans doute t intressant dutiliser des critres de

    gain de poids indpendants de la valeur du poids. En effet, la relation entre le gain de poids et

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    le poids nest pas linaire. Longtemps, on a utilis le taux de croissance spcifique (ou

    specific growth rate, SGR), qui fait lhypothse