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Exposé de CRIMINOLOGIE le 20 mai 2005 : Panorama des Etats qui prohibent les châtiments corporels : causes, méthodes, résultats. Exergue : « L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que l’éducation fait de lui. Il faut bien remarquer que l’homme n’est éduqué que par des hommes et par des hommes qui ont également été éduqués ». E. KANT, Réflexions sur l’éducation (recueils de cours sur l’éducation à l’Université de Konigsberg - 1776-1787). Introduction : Exposer un panorama des « Etats qui prohibent les châtiments corporels » pourrait se suffire d’une présentation statique. En bons positivistes que nous sommes l’énumération des lois sont suffisantes. De plus, il y a fort à parier (et à espérer) que l’ensemble de l’auditoire de la communication suivante est déjà tout acquis à l’idée qu’aucunes formes de violences contre 1

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Exposé de CRIMINOLOGIE le 20 mai 2005 :

Panorama des Etats qui prohibent les châtiments corporels :

causes, méthodes, résultats.

Exergue   :

« L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que l’éducation fait de

lui. Il faut bien remarquer que l’homme n’est éduqué que par des hommes et par des hommes

qui ont également été éduqués ». E. KANT, Réflexions sur l’éducation (recueils de cours sur

l’éducation à l’Université de Konigsberg - 1776-1787).

Introduction   :

Exposer un panorama des « Etats qui prohibent les châtiments corporels » pourrait se suffire

d’une présentation statique. En bons positivistes que nous sommes l’énumération des lois sont

suffisantes. De plus, il y a fort à parier (et à espérer) que l’ensemble de l’auditoire de la

communication suivante est déjà tout acquis à l’idée qu’aucunes formes de violences contre

autrui (et contre soi même) soit l’expression d’une vie humaine idéalement recherchée tant

individuellement que collectivement.

Néanmoins, pour l’étudiant qui se penche sur la question de la logique de la violence sur le

corps, il n’est pas possible de faire l’économie d’une recherche sur la notion précise du

châtiment corporel. Ce dernier étant, certainement, le plus ancien mode de contrôle social

pour assurer tout autant la transmission des valeurs considérées comme bienfaitrices (pour un

lieu et une époque donnés) à l’individu (dans la relation primitive de la famille, la tribu, le

clan) et du groupe politisé (dans la reconnaissance et la transmission d’un droit de punir au

Seigneur, au Roi, à l’Etat, (…) car va-t-on produire d’autres modes de relations collectives à

l’avenir ?).

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Dès lors, que le châtiment corporel [et je suis obligé ici d’éluder et donc de simplement

souligner la dimension symbolique du rapport au corps dont la scarification ritualisé est aussi

un moyen d’exercer un contrôle communautaire] aura été dans toutes les sociétés, durant des

millénaires, un moyen reconnu de puissance privé (pour ne pas dire paternelle) et d’utilité

publique (vous excuserez ici l’analyse anachronique) pour imposer une autorité souveraine,

une discipline du comportement et punir la déviance, il est impératif d’admettre que la

perspective d’une abolition de la violence (dans l’éducation avant tout en espérant que cela

porte des fruits sur l’avenir : ce que les études déjà tendent à montrer) est une idée

extrêmement neuve et fragile. Prétendre se raccrocher à la simple évidence que la violence est

un mal et ne peut être la source d’une éducation bonne, c’est fragiliser la lente transformation

socio-anthropologique dans laquelle s’engage nos sociétés qui s’appuient sur les droits de

l’homme (et de l’enfant plus récemment) pour construire un monde moins violent. Moins

violent dans le traitement du crime par l’Etat (abolition des peines afflictives et infamantes fin

XVIII° même si on s’interroge sur la réalité de la prison comme espace de traitements

inhumains et pas seulement de privation de liberté) mais aussi dans le droit de la sanction des

règles de vie en société (de la sphère publique ou privée).

Car, le défi n’est évidemment pas de souscrire à l’abolition des châtiments corporels ; encore

que la difficulté de savoir s’il existe des limites pour leur qualification n’est pas dénué de

fondements : couper le poing du voleur ? une fessée publique ? une gifle ? une mise à l’écart

dans le fond de la classe ? dans la chambre ? une privation de dessert (qui punit le corps dans

la frustration d’un plaisir espéré) ? Mais alors, ce n’est plus seulement le corps matériel, c’est

aussi le corps psychique : la menace d’un coup futur ? la menace de la privation de dessert ?

une vocifération agressive ? une injure ? une humiliation ? une ignorance ? une indifférence ?

… etc. Dans l’art de faire violence l’homme ne connaît pas beaucoup de limite vous le savez

autant que moi. Le défi est de participer à chaque étage de la société à la mise en œuvre,

l’évaluation, l’analyse, la prospective des règles de vie en commun et de l’accompagnement

de leurs effectivités pour avancer vers l’objectif suscité. Ne nous leurrons pas nous en

sommes qu’aux prémices d’une mutation qui s’engage notamment à travers la mise en place

du droit international depuis 1945 et des avancées de toutes les sciences humaines et dures qui

bouleversent quelques peu notre vision du monde. Vision du monde que trop souvent

l’humain démontre qu’il a une propension à la certitude de l’explication.

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Au-delà de ces considérations générales, il est proposé ici des pistes de réflexions pour

aborder la définition du châtiment corporel (I) puis exposer de façon plus didactique le

panorama des Etats engagés dans l’abolition des châtiments corporels (II).

I / Le châtiment corporel   approche d’une définition et mise en

perspective

II / Etats et prohibition des châtiments corporels

I / Châtiment corporel   : approche d’une définition et mise en

perspective

En discutant la définition du châtiment corporel et en mettant en évidence qu’il s’agit bien,

avant tout, d’un rapport de pouvoir entre les êtres (A) il est permis de survoler l’imbrication

historique du corps social qui va se constituer paradoxalement en reconnaissant, peu à peu, à

l’individu un droit de ne plus souffrir dans sa chair et dans sa psyché (B).

A / Définition et étymologie   : l’éternelle recherche de la pureté

Source dictionnaire Petit Robert 1 (1986)   :

Châtiment : verbe Châtier (du latin castigare de castus « pur » ; Cf. Chaste) : Peine sévère

infligée à celui que l’on veut corriger ; Voir : Punition, expiation, pénitence ; Châtiment

corporel voir : Correction, coup, supplice. Antonyme : Récompense.

Tout est dit ou presque dans cette définition du langage commun : le châtiment est l’archétype

de la vision dualiste du monde. Le bien/ le mal ; la vertu/ le vice ; l’eau/ le feu ; le paradis/

l’enfer.

« Le Seigneur sonde le juste comme l’impie, mais celui qui aime l’injustice, lui répugne. Sur

les impies, il fera pleuvoir le feu et le souffre ; un souffle brûlant sera leur partage ». Extrait

de la Bible, Psaumes 10 Confiance en la justice divine. (sans commentaires).

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Dans la Bible le châtiment renvoi directement à la colère de Dieu. Ne pas se soumettre à la

Justice divine c’est en toute logique s’exposer à la peine expiatoire. Car les justes sont

reconnus et protégés. Notre civilisation européenne en matière de châtiment (pour éduquer les

enfants ou pour éduquer les peuples et la confusion est encore d’actualité) se rattachera pour

longtemps à cette révélation. Le corps étant le lieu de toutes les corruptions terrestres

(entendez les désirs) il devra souffrir pour expurger les pêchés qui empêchent l’homme de

s’élever vers Dieu (figure du père symbole de loi…).

Autres exemples dans la Bible :

Les Proverbes, traditionnellement attribués au roi Salomon, mais qui s'échelonneraient en fait entre le Xe et le Ve siècle av. J.-C., considèrent non pas seulement comme utiles mais comme indispensables les châtiments corporels :

- « Celui qui ménage les verges hait son fils ! Mais celui qui l'aime le corrige de bonne heure. » (13, 23)

- « Tant qu'il y a de l'espoir châtie ton fils ! Mais ne va pas jusqu'à le faire mourir. » (19, 18)

- « La folie est ancrée au cœur de l'enfant, le fouet bien appliqué l'en délivre. » (22, 15)

C’est très intéressant de noter que le fouet (ou le martinet) est l’instrument chargé de symbole permettant d’écarter (sur autrui ou sur soi même) les mauvais esprits [renvoi est fait au dictionnaire des symboles].

L'Ecclésiastique, enfin, livre plus récent, qui date du début du IIe siècle avant J.-C., n'est pas plus tendre que les Proverbes :

- « Fais lui courber l'échine pendant sa jeunesse, meurtris-lui les côtes tant qu'il est enfant, de crainte que, révolté, il ne te désobéisse et que tu n'en éprouves de la peine. » (30, 12)

RENVOI A L’ARTICLE SUR DANTE !!!

Pour autant est-il possible d’entrevoir dans la volonté des Etats d’abandonner tout châtiment

corporel l’expression d’un pluralisme ? (…). Je laisse cette question à votre sagacité.

Source   : www.ledroitcriminel.free.fr (Jean-paul DOUCET)  :

CHATIMENT. -  Le châtiment est une sanction, prononcée contre l’auteur d’une infraction

grave, qui tend à lui faire expier sa faute en lui rendant le sens de ses devoirs envers la

divinité, envers la société et envers autrui. Ses racines plongent aux anciens temps de la vie en

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société, où le criminel devait se purifier avant de pouvoir reprendre sa place dans son groupe

social.

Dans cette définition on peut s’interroger : qu’est-ce qu’une infraction grave ? le critère de

gravité est-il toujours valable pour classifier des infractions, des déviances réelles ou

supposées ? Mais il est intéressant de souligner l’importance de la volonté de remettre dans le

droit chemin l’auteur de l’acte considéré hors norme.

En tout état de cause, le châtiment est donc une peine, une sanction qui a pour objet de punir

le déviant, le contrevenant, le délinquant, le criminel, l’insurgé, le révolté, le rebelle,

l’insoumis, l’indiscipliné,… toutes ces figures d’être en opposition ou en transgression des

règles qu’une Autorité (mandatée, imposée, reconnue, choisie, élue) va réaffirmer par le

pouvoir de la sentence pour garantir la stabilité du groupe social. Le châtiment corporel se

distingue donc de la vengeance privée et suppose l’intervention de la société pour produire la

référence et les limites à ne pas dépasser. Ce qui est complexe pour notre époque, car la

pluralité des sources de ce qui peut faire autorité s’entrecroisent (de la pyramide au réseau ?

renvoi de lecture François OST et Michel VAN DE KERCHOVE) ; et l’étau se resserre

autour de la famille nucléaire premier lieu de l’expérience du lien social.

Si l’on se penche sur l’étymologie du châtiment et de la vengeance, il est intéressant de

comprendre le lien indéfectible qui existe entre la dimension quasi tutélaire du châtiment et

l’ordre social que l’on souhaite imposé. Si la vengeance comme le châtiment a un contenu de

souffrance corporelle et psychique, elle ne concerne que deux parties.

Les grecs anciens ne s’y étaient pas trompés et nous avons vécu pratiquement jusqu’au XIX°s

sur la distinction suivante entre « kolasis » et « timôria ».

Ainsi le mot kolasis qui signifiait « émonder », « empêcher les arbres de croître » va désigner

de façon technique une « punition à fin préventive » pour éviter que l’homme se laisse

dominer par ses désirs incontrôlés ; dans la logique grecque celui qui est dans cet état

d’immoralité se dit « a-kolastos »  « celui qui n’a pas subi de punition » ; l’akolastos ne se

serait jamais dégradé si en temps utile il avait été corrigé… cqfd.

Dans le mot « timôria », on retrouve « ôra » qui signifie « soin », « souci » et « timè » qui

désigne « la valeur d’existence reconnue ou attribuée à un homme par la société ». Le sens de

« timôria » est donc « le soin qu’un homme apporte à sa « timè ». La violation de la « timè »

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d’autrui est ressentie comme un crime et le ressentiment appelle un apaisement par la réaction

punitive immédiate : la vengeance.

Aristote écrit (dans la Rhétorique) : « La vengeance (timôria) diffère du châtiment (kolasis)

car le second se fait au profit de celui qui subit [la peine] alors que la première se fait au profit

de celui qui inflige [la peine] ».

Mais, dans la vengeance, reste toujours un trouble émotionnel d’avoir été victime, la

réparation dans ce cadre est insuffisante. Le châtiment lui s’occupant de redresser le criminel

est juste ; et la victime est reconnue par le corps social (l’avènement de la victime dans notre

processus pénal aujourd’hui montre déjà la mutation de nos représentations en matière de

Justice [la victime s’autonomise finalement] - est-ce un retour de la vengeance privée ? je ne

pense pas ; l’exigence des victimes d’inspirer un « plus jamais ça » (dans le sens que le procès

serve de prévention) dans la conscience collective me paraît plus certaine [ce qui ne sera pas

sans passer par quelques excès comme l’humanité en a l’habitude]).

Platon va plus loin (dans Protagoras) et expose : « Personne ne punit les coupables pour la

seule raison qu’ils ont commis un délit, à moins de s’abandonner comme une bête féroce à

une vengeance dénuée de raison. Celui qui s’efforce de punir intelligemment n’inflige pas la

peine à cause du délit passé - n’ayant pas le pouvoir de revenir sur ce qui a été accompli -

mais en vue de l’avenir, afin que ni le coupable ni les témoins de sa punition ne commettent à

nouveau un délit[…]. Il inflige donc la peine dans un but préventif ».

Dans la société antique plus qu’un droit de punir c’est de devoir de punir qu’il faut parler, un

devoir qui s’impose par la condition humaine et la vie en société. On précisera que dans Les

Lois Platon précise que la correction n’est pas suffisante. La finalité de la peine est pour lui

l’amendement du coupable ; les témoins de la punition devront être découragés de détester

l’injustice. Et on doit souligner que le criminel jugé incurable devra être mis à mort. Une mise

à mort qui sera conservée comme peine ultime après le passage des Lumières (certes exécutée

sans tortures mais dans le fond elle est le châtiment corporel par excellence…).

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B / Du corps historiquement châtié à la révolution anthropologique   ?

Il est impossible de parler de châtiment corporel sans faire référence à la société

moyenâgeuse. On n’insistera pas sur la dimension religieuse de l’époque bien qu’elle va

renforcer (dans sa théologie de l’âme pure distincte du corps soumis aux humeurs) la pratique

du châtiment corporel comme terrain de l’expiation (nous l’avons déjà dit). Il faut penser le

« droit de punir » en abordant l’histoire du « corps violenté par la loi » (qualification juridique

du châtiment corporel ?). Qui sera la norme punitive de toutes les sociétés européennes

jusqu’au XVIII° s. Et qui est aujourd’hui encore la norme punitive de nombreux Etats

(l’Iran et l’Arabie Saoudite qui pratiquent la lapidation des femmes adultères, amputent les

membres des voleurs, la Chine qui enferme tout réfractaire politique et permet la torture des

personnes en détention administrative, les Etats-Unis qui détiennent arbitrairement et torture

sous contrôle médical, … la liste est trop longue et en réalité suivant le critère engagé tout

Etat est finalement concerné…renvoi est fait au rapport annuel d’Amnesty international).

Il faut souligner comment la construction de l’Etat moderne au XVI° s va trouver dans la mise

en scène de la justice expiatoire du supplice public qui flétrit le corps du condamné le moyen

d’affirmer sa souveraineté politique et donc territoriale. La vengeance privée comme justice

compensatoire liée à la loi du Talion ne sera plus de mise. Le pouvoir central dans le cadre de

ses frontières commence alors à se structurer comme un véritable corps social. Un corps

constitué (la Nation en devenir) que l’on va éduquer par la terreur du supplice dont l’objet est

d’agir véritablement comme une thérapie sociale. Il s’agit toujours de trouver le moyen de

contenir le peuple hors du champ du crime (qui plus est si ce crime dérange fortement le

pouvoir en place). Le droit de punir repose alors sur trois piliers : la vengeance publique,

l’expiation (réparer le mal du forfait par le mal du supplice) et la « déterrition » du délit par

l’exemplarité du châtiment atroce.

Le corps du supplicié est déshumanisé au sens chrétien de l’époque (comme toute prédiction

universelle la condition d’humanité est rattaché à l’appartenance à la communauté qui se

pense visionnaire - dans ce cadre la France n’est pas le pays le moins prétentieux) et sera donc

privé d’inhumation (pas d’accès à la résurrection). Le cadavre est souvent découpé en

morceaux, dispersé aux quatre coins de la ville, brûlé. En Angleterre jusqu’en 1832, le

cadavre du supplicié subit la peine infamante posthume : la « leçon d’anatomie »…

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N’oublions pas que l’on commence seulement à ouvrir les corps humains (de façon

anatomique, par curiosité et esprit scientifique) qu’au cours du XVIII° s. Et il n’est pas un

raccourci historique de faire le parallèle entre l’exploration de la machine humaine et le

développement des idées matérialistes des philosophes des Lumières qui vont rejeter la norme

du corps châtié pour la remplacer par la norme du corps incarcéré (mot rare jusqu’au XVIII° s

du latin « in » (dans) et « carcer » (prison) - la philosophie des Lumières a permis le

développement de l’idée d’incarnation (ou « réincarnation ») de l’humanité ; le rapport au

corps va fondamentalement être bouleversé). Soit dit en passant l’idée n’est pas vraiment

nouvelle et on ne fait ici que reprendre la pénitence par l’isolement en cellule individuelle (en

théorie) qui n’est autre que le modèle de la vie monacale. On ne pourra évidemment faire fi

des idées humanistes avancées et des réalisations législatives pour adapter le droit de punir et

bannir la violence légale sur le corps (relire Beccaria, Locke, Rousseau Montesquieu, etc.).

La sphère religieuse peu à peu séparé de la sphère politique aura permis un répit de courte

durée. L’individu est consacré (si l’on peut dire) mais au profit de la Nation exacerbée qui va

réitérer quelques dérives.

Car nous le savons, les XIX° et XX° siècles ne seront pas les moins violents de l’histoire de

l’humanité. L’institutionnalisation de la violence carcérale, militaire, disciplinaire,

concentrationnaire, pathologique, thérapeutique doublée par le scientisme propre à glorifier

l’eugénisme va marquer durablement le corps social dont nous sommes quelques

représentants.

Des représentants qui ont le luxe de pouvoir penser librement l’abolition des châtiments

corporels en s’appuyant sur les principes universels des droits de l’homme chèrement payés

par nos anciens.

Quelques questions peuvent guider notre réflexion :

- Qui punit ? Ce qui pose le problème de la légitimité du juge.

- Qui punit-on ? Ce qui pose le problème de la position du crime dans la société.

- Que punit-on ? L'acte ou le criminel ? Ce qui pose le problème de la responsabilité du

criminel dans l'acte. L'acte est-il un tort commis ou une infraction à une règle ? Ce qui pose le

problème de la connaissance ou de la reconnaissance des règles et de leur relativité.

- Comment punit-on ? Ce qui pose le problème des moyens de la peine qui influent souvent

sur ses modalités.

- Pourquoi punit-on ? Ce qui pose le problème des intentions de celui qui punit. Si la punition

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excède la réparation, la peine a une valeur religieuse expiatoire ou  une valeur démonstrative

qui instrumentalise un cas personnel en cherchant à réaffirmer une norme de portée générale.

Sur la question d’une révolution anthropologique en cours dans nos sociétés, je laisse à

chacune et chacun le soin de s’engager dans le débat. Nous pouvons néanmoins constater que

l’évolution récente de certains pays à s’engager par voie (ou voix car la fonction du langage

n’est pas anodine) législative dans l’abolition des châtiments corporels ouvrent des

perspectives nouvelles sur les fondements même du Droit. Nous ne pouvons cependant

raisonnablement réfléchir l’évolution du traitement pénal du corps dans l’espace social sans

considérer en parallèle les connaissances récentes dans le fonctionnement du corps matière

(biologie, procréation, neuro-sciences …) et la recherche de sa maîtrise en propre et dans

l’espace collectif (soit une recherche d’harmonie politique qui n’est sans rappeler les

questionnements des sages annciens…).

Dans la volonté de considérer « tous les membres de la famille humaine » s’est développé

certainement l’idée que toute personne en présence d’une autre doit intégrer et reconnaître la

« timè » (qui n’est autre que la dignité humaine). Plus précisément dans le cadre de l’abolition

des châtiments corporels la prospective est de favoriser l’éducation non violente des enfants

pour s’assurer qu’ils deviennent autonomes. L’autonomie étant le seul moyen d’échapper au

joug collectif qui saura nous contraindre à respecter y compris par la peine (parfois violente)

la norme partagée… Mais la question demeure : comment transmettre collectivement et

individuellement l’autonomie sans châtier ou récompenser ? C’est le fond de la question sur

les châtiments corporels tolérés par la plupart des Etats qui pour autant considère comme des

agressions punissables ces mêmes violences exercées contre un être autonomisé (qu’est

l’adulte légalement…). C’est ainsi qu’aujourd’hui, les enfants sont les victimes principales

des châtiments corporels.

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II / Etats et prohibition des châtiments corporels

Dans cette deuxième partie nous exposerons de façon plus synthétique d’une part les causes et

les conséquences de la violence exprimé par des châtiments corporels (A) et d’autre part une

présentation des Etats qui ont fait le choix de prohiber ces pratiques (B).

A   / Spécificité des châtiments corporels

Les châtiments corporels constituent une question complexe, tant sur le plan législatif que

dans leur application envers les enfants. Dans de nombreux pays, la loi autorise les châtiments

corporels des enfants, à l’école comme à la maison. Cette attitude est essentiellement motivée

par la conviction qu'il est acceptable de châtier les enfants " avec discernement ". Dans un

grand nombre d’États, le châtiment corporel des enfants est d’ailleurs la seule forme de

violence entre individus avalisée par la loi, alors que la moindre agression commise contre un

adulte y est fermement sanctionnée.

Les châtiments corporels judiciaires constituent une forme de torture ou de peine cruelle,

inhumaine ou dégradante. Ils sont par conséquent interdits par la législation internationale..

Les châtiments corporels sont expressément interdits par l’Ensemble de règles de l’ONU sur

la protection des mineurs privés de liberté (règle 67), et, de manière moins explicite, par la

Convention relative aux droits de l’enfant et par les Règles de Riyad. Dans une résolution

adoptée en avril 2000, la Commission des droits de l’homme des Nations unies estime que

" les châtiments corporels, infligés aux enfants notamment, peuvent être assimilés à des

peines cruelles, inhumaines ou dégradantes, voire à la torture ". Dans certains pays,

notamment au Nigéria, en Arabie saoudite et à Singapour, un enfant reconnu coupable de

certaines infractions est passible de la flagellation ou de la bastonnade. L’endroit où les

châtiments corporels sont les plus courants, hormis le cadre familial, reste cependant l’école.

Le rapporteur spécial sur la torture a déclaré que l’usage des châtiments corporels était

contraire à l’interdiction de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou

dégradants. Dans un récent rapport consacré au Kenya, il demandait l’abrogation des

châtiments corporels dans les établissements scolaires, et recommandait que " des poursuites

soient rapidement engagées pour coups et blessures ou pour voies de fait ", à l'encontre du

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personnel scolaire ayant infligé à des élèves des violences à l’origine de " coupures et

hématomes, traumatismes psychologiques, voire blessures graves, telles que fractures,

hémorragies internes, dents cassées… ".

Bien que les châtiments corporels dans les établissements scolaires puissent parfois ne pas

constituer une forme de torture ou de traitement cruel, inhumain ou dégradant, le Comité des

droits de l’enfant de l’ONU considère sans ambiguïté que ces châtiments sont

" incompatibles " avec la Convention relative aux droits de l’enfant. Ce Comité invite

régulièrement les États à interdire les châtiments corporels, non seulement à l’école et dans les

autres institutions, mais également au sein de la famille et de la société en général. Bien que la

Convention relative aux droits de l’enfant n’interdise pas expressément les châtiments

corporels, elle enjoint aux États de protéger les enfants de la violence physique ou

psychologique sous toutes ses formes et de veiller à ce que " la discipline scolaire soit

appliquée d’une manière compatible avec la dignité de l’enfant en tant qu’être humain et

conformément à la présente convention " (articles 19 et 28).

Le Comité recommande l’extension à la sphère familiale de l’interdiction des châtiments

corporels. Nombreux sont les États qui autorisent les châtiments corporels ou les " corrections

administrées avec discernement " au sein de la famille, pratique que condamne le Comité,

constatant notamment : «  S'agissant des châtiments corporels, peu de pays ont des lois

claires sur la question. Certains États parties ont essayé de faire la distinction entre le fait de

corriger un enfant et la violence excessive. Dans la réalité, la ligne de démarcation entre les

deux est artificielle. Il est très facile de passer d'un stade à l'autre. C'est aussi une question de

principe. S'il est interdit de battre un adulte, pourquoi n'en serait-il pas de même pour

l'enfant ? »

L’Organisation Mondiale de la Santédénonce la violence éducativecomme source de la violence des adultes Rapport mondial sur la violence et la santé

Genève novembre 2002

(ExtraitInternet:http://www5.who.int/violence_injury_prevention/download.cfm?=0000000591

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Causes de la violence

Influences familiales

Le comportement des parents et le milieu familial jouent un rôle essentiel dans le

développement d’un comportement violent chez les jeunes...

des châtiments corporels sévères pour punir des enfants sont des prédicteurs importants de la

violence pendant l’adolescence et les premières années de l’âge adulte...

une agressivité parentale et une discipline sévère à l’âge de 10 ans font nettement augmenter

le risque de condamnations ultérieures pour violence et ce, jusqu’à l’âge de 45 ans...

des châtiments corporels sévères infligés par des parents à l’âge de 8 ans laissent prévoir non

seulement des arrestations pour violence jusqu’à l’âge de 30 ans, mais également - pour les

garçons - la sévérité des châtiments qu’ils infligent à leurs propres enfants et la violence qu’ils

feraient subir à leur épouse... (page 36).

Les châtiments corporels

sont dangereux pour les enfants. A court terme, ils tuent des milliers d’enfants par an.

Beaucoup d’enfants encore sont blessés et nombreux sont ceux qui en gardent des handicaps.

A plus long terme, un grand nombre d’études montrent que cette pratique est un facteur

important dans le développement de comportements violents et qu’elle est associée à d’autres

problèmes pendant l’enfance et plus tard dans la vie... (page 71).

Conséquences de la violence

Sur la santé de l’enfant

Alcoolisme et toxicomanie, déficience intellectuelle, délinquance, violence et prises de

risques, dépression et angoisse, retards de développement, troubles de l’alimentation et du

sommeil, sentiment de honte et de culpabilité, hyperactivité, mauvaises relations, mauvais

résultats scolaires, piètre estime de soi, trouble de stress post-traumatique, troubles

psychosomatiques, comportements suicidaires et automutilation.

A plus long terme

Cancer, affection pulmonaire chronique, syndrome du colon irritable, cardiopathie ischémique

(par insuffisance de circulation sanguine) , maladie du foie...

Fardeau financier

- dépenses liées à l’arrestation et aux poursuites judiciaires engagées contre les délinquants

- coûts pour les organismes sociaux qui examinent les cas de maltraitance qui leur sont

signalés et qui protègent les jeunes victimes

- coûts associés aux foyers d’accueil

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- coûts pour le système éducatif

- coûts pour le secteur de l’emploi dus à l’absentéisme et à une faible productivité.

Profil des gangs

Entre autres facteurs... qui encouragent les jeunes à rejoindre des gangs figurent... des

châtiments corporels sévères ou une victimisation à la maison... (page 37). Ici la recherche

d’un groupe puissant dans lequel on va retrouver une place reconnue et stable (hiérarchisée)

est évidente.

Prévention de la violence

Formation au rôle de parent

Il ressort de plusieurs évaluations que la formation au rôle de parent donne de bons résultats et

quelle contribue durablement à la réduction des comportements antisociaux...

Il ressort d’une étude sur la rentabilité d’interventions précoces destinées à prévenir des

crimes et délits graves en Californie... que la formation des parents d’enfants qui manifestent

un comportement agressif prévient environ 157 crimes et délits graves par million de dollars

américains dépensés... les auteurs estimaient que la formation au rôle de parent était trois fois

plus rentable que la loi dite des “trois fautes” appliquée en Californie et aux termes de

laquelle les récidivistes sont sévèrement punis... (page 47).

on estime de plus en plus qu’il peut être bénéfique de former tous les parents et les futurs

parents... (page 78).

Visites à domicile

Il est avéré que les programmes de visites à domicile contribuent durablement à la réduction

de la violence et de la délinquance. Plus tôt et plus longtemps ils sont offerts dans la vie de

l’enfant et plus leurs effets positifs semblent importants... (page 46).

Ce type d’intervention est considéré comme étant un des plus prometteurs en ce qui concerne

la prévention d’un certain nombre de conséquences négatives, y compris la violence chez les

jeunes et les mauvais traitements infligés aux enfants... (page 78).

Il est à souligner combien le corps humain semble somatiser et « psychiser » l’ensemble des

violences subies. Que ces violences soient prodiguées par certitude d’une bonne éducation ne

change rien. Ainsi si toutes les personnes qui ont subi des châtiments corporels ne deviennent

pas incontrôlables dans la vie future c’est que la plupart ont intériorisé (sinon refoulé ? sans

faire de la psychanalyse de bas étage) ces brimades parfois douloureuses.

13

C’est alors bien dans cette perspective que l’OMS en vient à considérer que les châtiments

corporels au-delà du fait pénal doivent être considérés comme un problème de santé publique.

Nous ne sommes ni un corps ni un esprit, nous sommes les deux à la fois et dans ce cadre

nous sommes tout autant déterminé biologiquement et doué de libre arbitre ce qui n’est pas

simple (ce qui paraît même antinomique non ? - mais pour ceux que ça intéresse il faut être

attentif aux avancées des neurosciences). Dès lors il semble bien que seule la loi

collectivement engagée peut limiter la propension humaine à la violence. C’est le choix

ambitieux que quelques Etats ont engagé.

Dans la région européenne (Conseil de l’Europe), la violence familiale tue chaque jour 4

enfants de moins de 14 ans. Ce qui fait environ 1300 décès par an (Chiffres OMS 2002) ; ce

qui en fait des milliers qui subissent pendant des années...

B / Les Etats engagés dans la prohibition

Dans les 15 Etats suivants, les enfants sont légalement protégés contre tous châtiments

corporels.

Austria (1989) Finland (1983) Latvia (1998),

Croatia (1999) Germany (2000) Norway (1987)

Cyprus (1994) Israel (2000) Sweden (1979)

Denmark (1997) Iceland (2003) Ukraine (2004)

Romania (2004) Bulgaria (2000) Hungary (2005)

En 2000, la Belgique a ajouté dans sa constitution une clause pour garantir les droits de

l’enfant à l’intégrité moral, physique, psychologique et sexuel ; ceci demeure relativement

vague et peu explicite pour interdire tous les châtiments corporels.

En 1996, la Cour Suprême d’Italie a déclaré illégal tous les châtiments corporels ; ceci n’est

pas encore confirmé dans la législation.

Dans le code civil portugais (art.1878), il semble qu’un droit de puissance paternelle soit

reconnu ; En 1994 (9 février) la Cour Suprême de ce pays a établi que cet article ne donnait

pas de pouvoir aux parents d’élever leurs enfants dans la violence physique.

14

Les 15 ETATS abolitionnistes

Suède : 1979La Suède a été le premier pays dans le monde a prohibé tous les châtiments corporels contre

les enfants. Il est inscrit dans le code de l’éducation que « les enfants ont le droit à la

protection, la sécurité et un haut niveau de développement. Les enfants doivent être traités

avec respect pour leur personne et leur individualité et ne doivent pas être sujet aux

châtiments corporels et autres traitements inhumains ».

La commission des lois qui s’est penché sur ce projet (adopté au Parlement par 259 voix

contre 6) a voulu s’engager pour favoriser tout autant la protection des enfants qu’assurer la

formation des parents à être de bons éducateurs. Son objectif étant de réduire les cas de

violences physiques sur les enfants.

Une large campagne du Ministère de la Justice a été lancée pour rappeler à tous les foyers que

la loi interdit toutes les formes de comportements contre les enfants, y compris les claques et

les fessés etc., mais aussi faire attention aux risques des accidents domestiques (four et

cuisinière, fenêtre ouverte…) qui sont des atteintes indirectes à l’intégrité de l’enfant si le

risque se réalise.

La plupart de ces considérations émanent des concepts de la loi sur la famille (code civil)

mais font référence aux lois pénales qui régissent les relations entre adultes. L’enfant est dans

ce cadre y compris dans sa famille considéré comme une personne qui a donc des droits

créances envers ses parents.

Il semble que cette législation a eu un impact sur l’ensemble du développement de la société

suédoise. Bien entendu, toutes formes de violences n’a pas disparu encore aujourd’hui mais

en rapport aux autres pays la tendance est à la baisse semble-t-il depuis 20 ans. Mais cette

réussite n’a été rendue possible que par un investissement très important dans les services

sociaux y compris de contrôle à domicile et de signalement systématique.

Finlande / 1983

Dans ce pays, l’interdiction des châtiments corporels fait partie d’une vaste réforme sur les

lois concernant les enfants. La loi de 1983 sur la garde et l’accès au droit des enfants engage

des principes sur la protection des enfants et propose notamment : « un enfant devra être élevé

dans un esprit de compréhension, entouré de sécurité et d’affection. Il ne doit pas subir de

15

châtiments corporels ou toutes autres humiliations. Sa croissance est tourné vers

l’indépendance, la responsabilité et l’adulte doit être encouragé, supporté et assisté ». De la

même façon qu’en Suède cette réforme de la famille s’appuie sur l’effectivité des concepts

pénaux entre adultes pour mettre l’enfant en relation égale avec l’adulte responsable de lui.

En premier lieu, la loi établie des « guidelines » pour élever un enfant. En deuxième lieu, la

loi fonde clairement le principe que toute violence contre l’intégrité de l’enfant (physiques ou

spirituelles) qui constituerait une offense criminelle si elle était commis par un adulte tiers

sera de la même façon considérée si elle est commis par un parent qui, par ce biais, tente de

discipliner l’enfant. En dehors du code pénal, également l’insignifiante atteinte portée par un

parent à son enfant de moins de 15 ans pourra faire l’objet d’une procédure publique. En

troisième lieu, la loi interdit, non seulement toute traitement dégradant (l’enfant ne doit jamais

être humilié) y compris des actes qui ne constituerait pas des actes criminelles et également si

ces actes ne sont pas prévus directement par la législation. Il s’agit bien d’un état d’esprit et

non simplement d’une compilation positives de textes.

De nombreuses campagnes d’informations sont lancées tant par le ministère de la Justice et

celui des affaires sociales ; parfois même sur le thème « qu’est-ce qu’une bonne éducation ? »,

que par des Organisations Non Gouvernementales pour proposer toutes aides possibles pour

éviter à tout prix que l’enfant soit battu. Des spots télévisés avant les informations du soir sont

régulières pour à la fois interpeller le téléspectateur et l’informer sur la loi en vigueur ; la

forme est souvent interactive du style :

Vous frappez vos enfants ? Mais est-ce de cette façon que l’on peut les élever ? Les

châtiments corporels sont interdits et punis par la loi. Savez-vous qu’une simple gifle humilie

la personne de l’enfant ? Parlez avec votre enfant, il a besoin d’affection et de reconnaissance

pour se construire…. Etc.

Norvège / 1987Janvier 1989, un amendement dans la loi sur la relation parent enfant inscrit : « L’enfant ne

devra être exposé à la violence physique ou un traitement qui peut menacer son physique ou

sa santé mentale ». Cette recommandation a fait suite après enquête d’un comité officiel de

surveillance sur la négligence et les abus sur enfant, commandée par le ministère de la Justice.

On notera qu’en 1983 68% de la population était contre la prohibition de tous châtiments

corporels.

16

De 1891 (date du code criminel) à 1972, il était reconnu aux parents (dans le cadre du foyer)

un droit de correction corporel modéré pour élever les enfants. En 1972 cette disposition a été

abolie ce qui a causé quelques flottements dans la capacité des parents de comprendre le droit

de punir leurs enfants. Une bonne part de la population n’a pas compris le bien fondé d’une

telle mesure. Aujourd’hui l’enfant est considéré comme une personne à part entière et est

donc protégé par le droit pénal de la même façon que toute autre personne contre qui on

utiliserait la violence. Les châtiments corporels sont en voie d’abandon comme méthode

d’éducation.

Autriche / 1989La loi du 15 mars 1989 voté par le Parlement autrichien amende la loi sur la famille et la loi

sur le bien être de la jeunesse et engage pour l’éducation des enfants que : « user de la

violence et infliger des souffrances physique ou mentales est illégale ». La loi est passée à

l’unanimité et sans aucune controverse. Cette nouvelle loi a été motivé par la connaissance

des difficultés que rencontres les enfants qui subissent des châtiments corporels.

Chypre / 1994En juin 1994, la chambre des représentants a unanimement adopté une nouvelle loi pour

prévenir les violences familiales et protéger les victimes en criminalisant « l’exercice de la

violence par un représentant de quelques membres de la famille à l’encontre d’un autre

membre ». Ces violences comprennent tout autant les atteintes physiques, sexuelles ou

psychologiques. Et plus avant, il suffit que ces actes entre adultes soient exercés en présence

d’un enfant pour pouvoir considérer cette violence exercée contre l’enfant lui-même.

Italie / 1996Mai 1996 la Cour Suprême de Rome souligne : «  l’usage de la violence pour l’éducation ne

doit pas être considéré comme légale. L’expression « correction des enfants » qui sous entend

l’élevage d’enfant est une considération culturelle anachronique et historiquement dépassée,

elle doit être redéfinie, en abolissant toute connotation d’une hiérarchie ou un autoritarisme et

introduire les idées que l’éducateur face à son apprenti est tenu d’une obligation et d’une

responsabilité sociale ». Mais pas de traduction législative à ce jour.

17

Danemark / 1997En mai 1997, le Parlement danois a inséré un amendement dans la loi sur la garde et le soin

parental : « L’enfant a le droit d’être protégé et sécurisé. Il ou Elle devra être traité(e) avec

respect comme un individu et jamais être sujet de châtiments corporels ou autres traitements

dégradants ».

Un précédent législatif moins explicite a été engagé dès 1986 en énonçant : « La garde

parental implique l’obligation de protéger l’enfant contre la violence physique et psychique et

contre tout traitement néfaste ». En 1984 un sondage mettait en valeur que seulement 25% de

la population était pour l’abolition formelle du droit des parents à châtier les enfants contre

68% contre. A cette époque les commentateurs ont indiqué que les opposants étaient plutôt

septiques quant à la prohibition légale plus que pour la possibilité du châtiment. Par la suite

d’autres commentateurs reconnus suggéraient l’interprétation suivante que les parents

traditionnels étaient attachés au « droit des parents à la punition » et permettaient quelques

châtiments physiques.

En 1997 (au moment de la proposition de la loi), d’autres enquêtes ont montré que la

population devenait favorable à la prohibition à plus de 57%.

La proposition était alors de favoriser le terrain d’action des professionnels qui travaillent

autour de la question des violences commises sur les enfants (docteurs, police et travailleurs

sociaux). L’objectif étant (et c’est peut être ce pourquoi la population a suivi) non pas de

présenter la réforme comme ayant un but de pénaliser plus de parents mais de protéger plus

d’enfants (argument qui fait mouche car qui peut être contre cette position ?).

Lettonie / 1998Le 19 juin 1998, le Parlement letton a adopté une nouvelle loi pour protéger les droits des

enfants. Celle-ci prohibe les traitements cruels, la torture et les châtiments corporels, y

compris au sein des familles. Des discussions sont engagées pour réformer le code criminel.

Croatie / 1999Sur la base de son rapport sur sur la Convention des Droits de l’Enfant examiné en 1996, le

gouvernement avait assuré au Comité onusien la volonté de la Croatie de bannir explicitement

les châtiments corporels. Une loi a été préparé curant 1998 reprenant les principes suédois sur

la prohibition des châtiments corporels et des humiliations ; elle a pris effet depuis le & juin

1999.

18

Allemagne / 2000Depuis juin 2000 il est inscrit dans le code civil allemand : « Les enfants ont le droit à une

éducation non violente. Les châtiments corporels, les souffrances psychologiques et autres

formes de mesures d’humiliations sont prohibées ». Depuis 1997, le code civil prohibait déjà

« les méthodes disciplinaires dégradantes y compris les abus physiques et psychologiques ».

Le ministre de la famille considérant que cela ne définissait pas assez le châtiment corporel

proposait en octobre 1998 la prohibition formelle : ce qui fût fait en 2000. Le gouvernement

fédéral a alors collaboré dans la mise en place de la réforme en encourageant les parents à

élever les enfants par des moyens non violents. La campagne n’a pas eu pour objectif de

mettre au pilori des parents mais de sensibiliser là la nécessité d’élever un enfant dans le

respect et le soin. Ceci c’est organisé par des communications visuels (posters et dépliants),

audiovisuels (spots télé et radio) mais aussi par la mise en place de lieux de réunion pour

discuter sur les moyens non violents et les difficultés rencontrées par tous.

Les arguments pour changer la loi ont été les suivants :

- donner aux enfants la même protection légale que celle accordée aux adultes.

- faire changer le public en lui inculquant que toutes formes de violence contre les enfants

sont contre productives et ouvrent la voie au « cycle de violence ».

- permettre aux travailleurs sociaux et tous les intervenants d’avoir des moyens d’actions plus

offensifs pour prévenir et protéger.

Les facteurs déterminants qui ont convaincu le gouvernement :

- la commission de l’enfant (tous les groupes politiques) a conclu que le changement de loi

était attendu.

- une recherche sérieuse en Allemagne arrivait à la conclusion que la majorité des enfants qui

avaient subi des châtiments corporels étaient plus en clin à se tourner vers la violence pour

s’exprimer et avaient à terme plus de chance d’avoir des comportements anti-sociaux

notamment des comportements délinquants à l’adolescence.

- de nombreux pays ayant banni la gifle ou la fessé et semblent avoir déjà des résultats ; de

plus un nombre réduit de pays européen engage encore la possibilité de « châtiment

raisonnable » (notion indéfinissable).

19

- l’Allemagne est signataire de la Convention des droits de l’enfant. Or l’article 19 engage le

droit de l’enfant d’être protéger contre toute forme de violence physique et psychologique.

- la Constitution allemande applique l’égalité entre les enfants et les adultes. Différents

articles de ce texte considère que le bon développement des personnes passent par un droit à

la protection de la valeur humaine pour garantir la liberté. Ceci rend absurde la position que

des enfants pourraient être les sujets de châtiments corporels perpétrés par des adultes.

Le changement de loi a été communiqué au public par des voies diverses : médias de masse,

cours d’éducation, réunions publiques, avec toujours la volonté de recueillir les impressions

des premiers concernés (les enfants). Pour établir une Charte des droits et devoirs des enfants

il a été réuni des enfants de tout le pays qui auront pu formellement et sans appel demandé

l’abolition de tous châtiments corporels et toutes formes d’humiliations. En 2000 la loi est

votée.

Islande / 2003Mars 2003, le gouvernement adopte une nouvelle loi sur le droit des enfants qui parachève le

processus d’abolition totale des châtiments corporels à la maison. L’article 28 engage : « Il est

de l’obligation des parents de protéger leurs enfants contre toute violence physique ou

mentale et autre conduite dégradantes ou humiliantes ». La loi est entrée en vigueur en

novembre 2003.

Aucune disposition légale ne donne droit au parent d’user de châtiments corporels, sauf cas

d’urgence d’un danger immédiat (ce qui s’apparente à la légitime défense) pour soi ou autrui.

Israël / 2000En janvier 2000, la Cour Suprême avait effectivement prohibé tous les châtiments corporels

de la sphère familiale. Un des juges avait écrit en substance les raisons pour lesquelles aucun

violence légère ne saurait être admise qu’au risque que la violence plus grande ne fasse jour à

terme.

Dans la même année la Knesset approuvait la législation pour supprimer la common law

« reasonable chastisement » defence .

20

Roumanie / 2005La loi sur la protection et la promotion des droits de l’enfant et la prohibition des châtiments

corporels a été voté en juin 2004 et est entrée en vigueur en janvier 2005

In section 1, Civil Rights and Liberties, article 28 states:1. “The child has the right to be shown respect for his or her personality and individuality and may

not be made subject to physical punishments or to other humiliating or degrading treatments. 2. “Disciplinary measures concerning the child can only be taken in accordance with the child’s

dignity, and, under no circumstances are physical punishments allowed, or punishments which relate to the child’s physical and mental development or which may affect the child’s emotional status.”

In section 3, Protection of the child against abuse and neglect, article 90 states: “It is

forbidden to enforce physical punishments of any kind or to deprive the child of his or her

rights, which may result in the endangerment of the life, the physical, mental, spiritual, moral

and social development, the bodily integrity, and the physical and mental health of the child,

both within the family, as well as in any institution which ensures the protection, care and

education of children.”

Ukraine / 2004

In Ukraine, a new Family Code came into force in January 2004, banning all corporal punishment. Article 150 of the new Code details responsibilities of parents towards their children and prohibits corporal punishment and any other humiliating punishment or treatment.

The Prevention of Domestic Violence Act 2001 also appears to make all violence against children within the family unlawful.

We have been unable to obtain further details.

Bulgaria

Corporal punishment is unlawful according to the Child Protection Act (2000). Article 11.2 states: "Every child has a right to protection against all methods of upbringing, that undermine his or her dignity, against physical, psychological or other types of violence and against all forms of influence which go against his or her interests." This is interpreted as prohibiting all corporal punishment of children, including by parents.

According to the Family Code (1985, amended 1992), the basic functions of the family include "establishing within the family relations based on respect, attachment, friendship, common efforts and reciprocal responsibility for its development" (article 4).

21

The Penal Code prohibits violence which leads to "severe", "medium" and "trivial" bodily injury (articles 128-130), particularly if the victim is a minor (article 131). However, the complexities of the procedure for prosecution in cases of "trivial" bodily injury under the Penal Procedures Code (articles 46 and 57) limit the legal protection afforded children, and there is as yet no associated case-law concerning corporal punishment.

Hungary

Corporal punishment in the home was prohibited by an amendment to the Act on the Protection of Children and Guardianship Administration (1997), agreed by Parliament in December 2004, which came into force on January 1 2005.

Article 6, para. 5 of the Act now reads (unofficial translation): "The child has the right to be respected his/her human dignity, to be protected against abuse - physical, sexual and mental violence, failure to provide care and injury caused by any information. The child shall not be subjected to torture, corporal punishment and any cruel, inhuman or degrading punishment or treatment."

Belgium

Early in 2000 a new clause was added to the Belgian Constitution to confirm that children have an absolute right to moral, physical, psychological and sexual integrity; the legal effect of this constitutional change is not yet clear. The change follows a recommendation from the Belgian National Commission against Sexual Exploitation of Children, which also proposed ways of supporting adults in using non-violent child-rearing.

The Commission concluded: "The absence of violence in relations with children cannot be limited to a self-imposed obligation nor to a personal style of child-rearing practised by certain people. The absence of violence should be a norm respected by the whole of society, not only because even today too many children are the victims of acts of violence, but because children and their integrity as persons should be always and everywhere respected... Respect for children and violence against them can never go together. If one of the characteristics of a society which thinks of itself as civilised is the absence of violence, there can be no justification for violence against children".

In November 2000, the Belgium Parliament passed a new, detailed criminal law on child protection which increased penalties for assault and injury to children when caused by parents and others in authority over children. It is not clear, as yet, whether this law together with the constitutional changes effectively prohibits all corporal punishment.

22

BIBLIOGRAPHIE et WEBOGRAPHIE sélectives

Dictionnaire Le petit Robert n°1.

CHEVALIER J. & GHEERBRANT A., Dictionnaire des symboles, Bouquins, 2004.

CASONI D. & BRUNET Louis, La psychocriminologie apports psychanalytiques et

applications critiques, Les Presses de l’Université de Montréal, 2003, 239 p.

FOUCAULT M., Surveiller et punir, Tel Gallimard, n°225, (1975) 2004, 360 p.

KANT E., Réflexions sur l’éducation, Bibliothèque des textes philosophiques, Poche, 2000,

210 p.

SUPIOT A., Homo juridicus essai sur la fonction anthropologique du Droit, La couleur des

idées, Seuil, 2005, 330 p.

Collectif de l’Institut de Criminologie de Paris, Sanction et Culpabilité essais de philosophie

pénale et de criminologie volume II, diffusion Presses Universitaires de France, l’atelier de

l’Archer, 2000, 141 p.

Rapports annuel Amnesty international, 2002 & 2004

Revue Sciences Humaines, Violences, hors-série trimestriel n°47, déc. 2004 - fév. 2005.

Revue Le débat, L’enfant-problème, Gallimard édition, n°132, nov. - déc. 2004.

http://www.amnesty.asso.fr/02_agir/24_campagnes/torture/src2/situationparticuli%E8re.htm

http://assembly.coe.int/Documents/WorkingDocs/doc04/FDOC10199.htm

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http://www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/898586b1dc7b4043c1256a450044f331/

ccfdaa0853dc2674c1256eb3003523f8/$FILE/G0441381.pdf

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ANNEXES :Source : http://www.ohchr.org/french/bodies/crc/docs/study-quest-F.doc

Questionnaire sur l’état des chatiments corporels dans le monde enquête ONU

ÉTUDE DU SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DE L’ORGANISATION DES NATIONS UNIESSUR LA VIOLENCE CONTRE LES ENFANTS

Questionnaire à l’intention des gouvernements

Version préliminaire non éditée

Introduction

Le présent questionnaire est destiné à recueillir des informations auprès des gouvernements pour l’étude approfondie sur la question de la violence contre les enfants demandée au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par l’Assemblée générale dans sa résolution 57/190. M. Paulo Sergio Pinheiro a été désigné par le Secrétaire général comme expert indépendant pour diriger cette étude, en collaboration avec le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et a rédigé un document de réflexion sur le sujet (E/CN.4/2004/68, annexe).

Outre les réponses au présent questionnaire, l’expert indépendant utilisera pour établir le rapport sur la question de multiples sources et diverses informations et statistiques disponibles, dont les rapports présentés par les États parties au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant et d’autres instruments en matière de droits de l’homme, les informations issues des conférences et sommets des Nations Unies et de leur suivi, y compris les sessions extraordinaires de l’Assemblée générale, en particulier la vingt-septième, consacrée aux enfants. L’expert s’appuiera également sur les statistiques officielles provenant de la Division de statistique de l’ONU et sur d’autres données statistiques émanant d’organismes des Nations Unies, notamment l’UNICEF, l’OMS et l’Organisation internationale du Travail (OIT). Il sera aussi demandé aux antennes des Nations Unies sur le terrain de communiquer des renseignements pertinents. Enfin, des données seront recueillies auprès des organisations non gouvernementales ainsi que dans le cadre des consultations à l’échelon régional et sur le terrain et des réunions de groupes d’experts qui feront partie intégrante de l’étude.

Le Comité des droits de l’enfant a souligné que l’étude «devrait aboutir à la formulation de stratégies visant à prévenir toutes les formes de violence contre les enfants et à lutter contre elles avec efficacité, précisant les mesures à prendre au niveau international et au niveau national pour assurer l’efficacité de l’action de prévention, de protection, d’intervention, de traitement, de réhabilitation et de réinsertion» (A/56/488, annexe). L’Assemblée générale a demandé que, dans le cadre de l’étude, des recommandations soient présentées aux États Membres pour qu’ils les examinent et prennent les dispositions voulues, y compris des mesures efficaces pour remédier à la situation et des mesures de prévention et de réhabilitation.

Comment répondre au questionnaire

Les gouvernements sont invités à rendre compte dans leurs réponses au questionnaire des démarches qui ont été adoptées au niveau national à l’égard de la violence en général et de la violence contre les enfants en particulier. Ils voudront bien tenir compte du fait que les mesures de lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des enfants ne relèvent pas nécessairement de la compétence d’une seule et unique administration et que,

24

selon la structure de l’État, elles peuvent être du ressort des autorités fédérales, des États, des provinces ou des municipalités.

Les gouvernements souhaiteront peut être désigner un point de contact qui coordonnera les réponses au questionnaire et transmettre ses coordonnées au secrétariat de l’étude.

Si les renseignements demandés ont déjà été fournis dans un autre document, par exemple dans un rapport présenté par le gouvernement au titre de la Convention relative aux droits de l’enfant, il n’y a pas lieu de les répéter; il suffira d’indiquer les références du document considéré. Les gouvernements sont également invités à joindre à leurs réponses copie de textes législatifs ou directifs, de rapports et d’autres documents pertinents.

Le questionnaire comporte sept parties, correspondant aux rubriques suivantes: I) le cadre juridique; II) le cadre institutionnel de la lutte contre la violence à l’égard des enfants et les ressources consacrées à l’action en la matière; III) le rôle de la société civile dans la lutte contre la violence à l’égard des enfants; IV) les enfants en tant qu’acteurs de la lutte contre la violence; V)  les politiques et programmes de lutte contre la violence à l’égard des enfants; VI) la collecte de données et les travaux d’analyse et de recherche; VII)  la sensibilisation, la promotion et la formation. Des exemples des points à traiter dans chacune des parties du  questionnaire sont cités à titre indicatif, mais les gouvernements ne retiendront que ceux qui sont les plus adaptés au contexte de leur pays, de même qu’ils pourront aussi en aborder d’autres.

Les gouvernements sont invités à fournir des exemples de bonnes pratiques et de solutions novatrices utilisées dans la lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des enfants afin de contribuer à la diffusion des expériences qui ont réussi. Il leur est également demandé d’indiquer les obstacles rencontrés.

Définition de l’enfant

Les gouvernements noteront qu’aux fins du présent questionnaire, on a retenu la définition de l’enfant figurant à

l’article premier de la Convention relative aux droits de l’enfant, à savoir qu’un enfant s’entend de «tout être

humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est

applicable». Il conviendrait donc de fournir dans l’ensemble des réponses des informations concernant les

stratégies de lutte contre la violence dont sont victimes les filles et les garçons de moins de 18 ans.

QUESTIONNAIRE

I. CADRE JURIDIQUE

Cette partie du questionnaire vise à déterminer comment est traitée, dans le cadre juridique de votre pays, la question de la violence faite aux enfants, notamment la prévention de la violence, la protection des enfants contre la violence, la réparation du préjudice subi par les victimes, les peines infligées aux auteurs d’actes de violence ainsi que la réinsertion et la réadaptation des victimes.

Instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme

1. Indiquer en quoi le phénomène de la violence envers les enfants a évolué à la suite de l’adhésion de votre pays à des instruments internationaux en matière de droits de l’homme tels que la Convention relative aux droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs, le Protocole de Palerme ou des instruments régionaux ayant trait aux droits de l’homme. Fournir des renseignements sur les cas de violence contre des enfants où des tribunaux ou autres instances juridictionnelles de votre pays ont invoqué des normes internationales ou régionales touchant les droits de l’homme.

25

Dispositions légales relatives à la violence contre les enfants

2. Expliquer comment les diverses formes de violence contre les enfants sont traitées dans le la Constitution, les textes législatifs et réglementaires et, le cas échéant, le droit coutumier de votre pays.

3. Donner des précisions sur les éventuelles dispositions légales visant expressément les points suivants:

Prévention de toutes les formes de violence physique, sexuelle ou mentale, de brutalités ou de sévices, y compris sexuels, d’abandon ou de délaissement;

Protection des enfants contre toutes les formes de violence;

Réparation du préjudice subi par les enfants victimes de violence, y compris indemnisation;

Imposition de peines aux auteurs d’actes de violence à l’égard d’enfants;

Réinsertion et réadaptation des enfants victimes de violence.

4. Indiquer s’il existe des dispositions légales expresses visant toutes les formes de violence à l’égard des enfants, notamment la violence physique, sexuelle ou mentale, les brutalités ou sévices, l’abandon moral ou le délaissement, et l’exploitation sexuelle, qui interviennent:

Au sein de la famille/à la maison;

Dans les écoles et les établissements de garde et d’éducation des enfants d’âge préscolaire (structurés et non structurés, publics et privés);

Dans les écoles militaires;

Dans les institutions accueillant des enfants, notamment les établissements de garde, les foyers et les structures de soins de santé physique ou mentale;

Dans le cadre de l’application de la loi et du maintien de l’ordre, notamment dans les établissements de détention ou les prisons;

Dans le quartier de résidence, dans la rue et au sein de la communauté, y compris en milieu rural;

Sur le lieu de travail (secteurs non structuré et structuré);

Dans le cadre de la pratique de sports et dans les centres sportifs.

5. Indiquer si le système juridique de votre pays interdit expressément l’administration de châtiments corporels aux enfants, dans quelque cadre que ce soit, y compris au sein de la famille. Donner des précisions sur les éventuels moyens de défense dont disposent les personnes qui administrent des châtiments corporels à des enfants, y compris au sein de la famille. Fournir des informations sur les sanctions applicables à ces personnes.

6. Indiquer si le Code pénal autorise les châtiments corporels et/ou la peine de mort pour les infractions commises par des personnes de moins de 18 ans.

7. Préciser si la législation comporte des dispositions expresses concernant les brimades/le bizutage et le harcèlement sexuel.

26

8. Fournir des informations sur la manière dont les pratiques traditionnelles nocives ou violentes, entre autres les mutilations sexuelles féminines, les mariages précoces ou les crimes d’honneur, sont traitées dans votre pays.

9. Indiquer si des dispositions particulières sont applicables pour lutter contre toutes les formes de violence visant les enfants non ressortissants ou apatrides, y compris les enfants demandeurs d’asile ou déplacés. Si ce n’est pas le cas, préciser de quelle protection ces enfants bénéficient.

10. Donner des indications sur toute différence qui serait faite, s’agissant de la définition de la violence et du cadre juridique applicable, selon:

Le sexe ou l’orientation sexuelle de la victime et/ou de l’auteur de l’acte de violence;

L’âge de la victime et/ou de l’auteur de l’acte de violence;

Le lien existant entre la victime et l’auteur de l’acte, les cas considérés étant notamment mais non exclusivement l’infanticide, la violence sexuelle entre conjoints, l’inceste et les sévices sexuels au sein de la famille, ainsi que les châtiments corporels.

11. Fournir des renseignements concernant toute étude d’ensemble qui aurait été réalisée récemment sur le cadre juridique de la lutte contre la violence à l’égard des enfants.

12. Donner des informations sur toutes études ou enquêtes qui auraient été menées dans le but de mesurer l’effet des mesures juridiques prises pour lutter contre la violence à l’égard des enfants.

Juridictions compétentes pour connaître des cas de violence envers des enfants

13. Citer les éléments de l’appareil judiciaire de votre pays qui sont chargés de connaître des cas de violence envers des enfants. Indiquer si les tribunaux des affaires familiales ou les tribunaux pour enfants de votre pays ont des compétences particulières à cet égard.

Âge minimum pour le consentement à des relations sexuelles

14. Fournir des informations sur l’âge minimum fixé par la loi pour le consentement valable à des relations sexuelles. Cet âge diffère-t-il pour les filles et pour les garçons? Varie-t-il-pour les relations hétérosexuelles et pour les relations homosexuelles?

15. Indiquer quel est l’âge minimum du mariage pour les filles et pour les garçons.

Exploitation sexuelle des enfants

16. Fournir des renseignements sur les mesures législatives et autres prises pour prévenir l’exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales, notamment par la prostitution et d’autres pratiques sexuelles illégales. Préciser quels sont les moyens garantissant que les enfants victimes d’une telle exploitation ne seront pas traités en criminels. Donner des indications sur les mesures législatives ou autres visant à interdire toutes les formes de vente ou de traite d’enfants, y compris par leurs parents.

Pornographie et informations préjudiciables

17. Fournir des informations sur les mesures législatives et autres visant à interdire la production, la détention et la diffusion de matériel pornographique mettant en scène des enfants. Donner en particulier des indications sur les éventuels mécanismes de contrôle du matériel pornographique produit et/ou diffusé par l’intermédiaire de l’Internet.

18. Fournir des renseignements sur les éventuels textes législatifs ou directives administratives visant à protéger les enfants contre les informations et le matériel préjudiciables diffusés par différents canaux (médias, Internet, vidéocassettes, jeux électroniques, etc.).

27

Obligation de signalement des actes de violence commis contre des enfants

19. Fournir des informations sur les textes législatifs, les règlements ou les directives administratives prescrivant le signalement aux instances compétentes de toutes les formes de violence et de sévices infligés à des enfants, dans quelque cadre que ce soit. Si de tels documents existent, indiquer si tous les citoyens sont tenus de signaler les cas dont ils ont connaissance ou si cette obligation n’incombe qu’à certains groupes professionnels. Préciser quelles sont éventuellement les sanctions en cas de non-signalement.

Procédures de recours

20. Fournir des informations sur les éventuelles procédures de recours qui sont applicables en ce qui concerne toutes les formes de violence commises contre des enfants dans les cadres suivants:

Au sein de la famille/à la maison;

Dans les écoles et les établissements de garde et d’éducation des enfants d’âge préscolaire (structurés et non structurés, publics et privés);

Dans les écoles militaires;

Dans les institutions publiques et privées accueillant des enfants, telles que les établissements de garde, les foyers et les structures de soins de santé physique et mentale;

Dans le cadre de l’application de la loi et du maintien de l’ordre, notamment dans les établissements de détention ou les prisons;

Dans le quartier de résidence, dans la rue et au sein de la communauté, y compris en milieu rural;

Sur le lieu de travail (secteurs non structuré et structuré);

Dans le cadre de la pratique de sports et dans les centres sportifs.

21. Indiquer si ces procédures sont accessibles aux enfants ou aux personnes agissant en leur nom. Préciser si une aide juridique peut être obtenue pour le dépôt de plaintes et, dans l’affirmative, dans quelles conditions.

22. Exposer les mesures qui ont été prises pour faire connaître les possibilités de porter de plainte pour violence envers un enfant.

23. Fournir des renseignements sur les règles particulières qui seraient applicables en matière de procédure ou de preuve dans le cadre des actions engagées pour violence à l’égard d’un enfant.

24. Indiquer quelle est généralement l’issue des plaintes pour violence à l’égard d’un enfant (par exemple, indemnisation des victimes, punition des coupables, réinsertion des coupables, thérapie familiale).

25. Indiquer quel est généralement l’aboutissement des actions en justice dans le cadre desquelles des enfants et des adolescents sont reconnus coupables d’actes de violence (par exemple, incarcération, châtiments corporels, travail d’intérêt général, réinsertion, thérapie familiale).

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II. CADRE INSTITUTIONNEL DE LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES ENFANTS ET RESSOURCES CONSACRÉES À L’ACTION MENÉE EN LA MATIÈRE

Il s’agit ici d’établir si votre pays est doté d’une institution qui coordonne les activités multisectorielles de lutte contre la violence à l’égard des enfants (prévention, protection, réparation, réinsertion et réadaptation).

26. Existe-t-il actuellement, notamment à l’échelon de l’administration fédérale, des États/provinces, des municipalités et des collectivités locales, des autorités, structures et mécanismes officiels qui sont chargés de la lutte contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, les citer et indiquer comment la coordination entre eux est assurée.

27. Y a-t-il une administration publique qui chapeaute la lutte contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

28. Votre pays consacre-t-il des moyens financiers et/ou humains particuliers à la lutte contre la violence en général?

Dans l’AFFIRMATIVE, en indiquer l’ampleur.

29. Votre pays consacre-t-il des moyens financiers et/ou humains particuliers aux activités visant à lutter contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

30. Des donateurs internationaux ou bilatéraux fournissent-ils des moyens à votre pays pour des activités visant à lutter contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, indiquer l’ampleur de ces moyens et la manière dont ils sont utilisés.

31. Votre pays aide-t-il d’autres pays dans les efforts qu’ils déploient face au problème de la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

32. Si votre pays est doté d’une institution nationale de défense des droits de l’homme (commission de défense des droits de l’homme ou médiateur pour les droits de l’homme, par exemple) ou d’une institution expressément vouée à la protection des droits de l’enfant, cette institution a-t-elle un rôle ou une compétence quelconque dans la lutte contre la violence à l’égard des enfants et est-elle notamment habilitée à recevoir des plaintes?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

33. Existe-t-il dans votre pays des structures parlementaires particulières (par exemple des commissions spéciales) qui s’occupent de la lutte contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

34. Le Parlement de votre pays a-t-il pris récemment des initiatives pour lutter contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

29

III. RÔLE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE DANS LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES ENFANTS

L’objet est ici de recueillir des informations sur les activités de la société civile liées à la lutte contre la violence envers les enfants.

35. Décrire les initiatives importantes prises par la société civile pour lutter contre la violence à l’égard des enfants dans votre pays, en précisant quels types de structure agissent dans ce domaine (par exemple établissements universitaires, associations professionnelles, associations féminines, associations d’étudiants, groupements communautaires, groupes d’inspiration religieuse, groupes animés par des enfants ou des jeunes gens, syndicats, organisations patronales, organisations non gouvernementales nationales ou internationales) et quelles sont leurs principales activités (par exemple promotion, sensibilisation, travaux de recherche, prévention, réadaptation et traitement des enfants victimes de violence, fourniture de services ou de moyens).

36. Décrire le soutien apporté par les pouvoirs publics de votre pays à ces activités et les efforts entrepris pour coordonner les initiatives de la société civile et celles des administrations.

37. Décrire le rôle joué par les médias dans la lutte contre la violence à l’égard des enfants.

IV. LES ENFANTS EN TANT QU’ACTEURS DE LA LUTTE CONTRE LA VIOLENCE

Cette partie du questionnaire vise à recueillir des informations sur les activités menées par  les enfants eux-mêmes pour lutter contre la violence.

38. Fournir des informations sur la consultation des enfants et leur participation à la conception des activités, ainsi qu’à la mise en œuvre et au suivi des programmes et politiques visant à lutter contre la violence dont ils sont victimes. Donner des précisions (notamment âge et autres caractéristiques des enfants associés à ces processus).

39. Expliquer, le cas échéant, de quelle manière les enfants prennent part à l’établissement des règles particulières applicables en matière de procédure ou de preuve dans les procès pour violence envers des enfants. Donner des précisions (notamment âge et autres caractéristiques des enfants associés à ce processus).

40. Indiquer l’ampleur et le type de moyens mis à disposition pour faciliter la participation des enfants aux activités visant à lutter contre la violence dont ils sont victimes.

V. POLITIQUES ET PROGRAMMES DE LUTTE CONTRE LA VIOLENCE À L’ÉGARD DES ENFANTS

Une politique globale de lutte contre la violence à l’égard des enfants s’entend d’une politique qui vise de multiples formes de violence à l’égard des enfants, s’applique aux différents cadres dans lesquels la violence intervient et comporte des volets prévention, protection, aide médicale, psychologique, juridique et sociale aux victimes, réadaptation et réinsertion des victimes et interventions auprès des auteurs des actes de violence. Une telle politique se distingue des programmes qui concernent spécifiquement certains sous-types de violence à l’égard des enfants ou ses effets dans des populations ou des cadres particuliers.

41. Le gouvernement de votre pays est-il doté d’une politique globale de lutte contre la violence à l’égard des enfants?

30

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser et exposer les éventuelles dispositions sexospécifiques que prévoit la politique.

42. Le gouvernement de votre pays exécute-t-il des programmes visant expressément à prévenir et combattre la violence à l’égard des enfants ou fournit-il un soutien direct à d’autres organismes pour la mise en œuvre de tels programmes?

Dans l’AFFIRMATIVE, fournir des rapports succincts de ces programmes, s’il en existe, ou indiquer le localisateur URL de ces derniers, et préciser, au moyen du tableau ci-après, quels cadres et quels types de violence sont visés par ces programmes.

Violence physique

Violence sexuelle

Violence psychologique Délaissement

Pratiques traditionnelles

nocives

Autres types de violence

Famille/domicileÉcolesÉtablissements pour enfantsQuartier/communautéLieu de travailApplication de la loiAutres cadres

43. Le gouvernement de votre pays vérifie-t-il l’impact de ces politiques et programmes de lutte contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, décrire les systèmes de contrôle utilisés et indiquer le localisateur URL ou une autre référence d’une description plus détaillée du système et des résultats obtenus.

44. Le gouvernement de votre pays participe-t-il à des activités de lutte contre la violence à l’égard des enfants coordonnées à l’échelon international?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

VI. COLLECTE DE DONNÉES ET TRAVAUX D’ANALYSE ET DE RECHERCHE

Cette partie du questionnaire doit permettre d’obtenir une vue d’ensemble des systèmes d’information et des données sur la violence faite aux enfants qui peuvent être utilisés pour éclairer, planifier et contrôler les diverses formes d’intervention (politiques, mesures législatives et programmes) visant à lutter contre la violence à l’égard des enfants.

45. Au cours des cinq dernières années, des enquêtes de victimisation, des enquêtes épidémiologiques ou d’autres enquêtes en population portant sur toutes formes de violence à l’égard des enfants ont-elles été menées dans votre pays?

Dans l’AFFIRMATIVE, fournir des précisions, indiquer des références ou joindre des documents.

46. Des études à petite échelle ou des études représentatives fondées sur des entretiens avec les parents et les enfants concernant la victimisation violente des enfants ont-elles été réalisées?

31

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser.

47. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement de votre pays a-t-il exécuté ou commandé des projets de recherche scientifique portant sur le problème de la violence à l’encontre des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser le sujet de la recherche et indiquer où l’on peut trouver des renseignements plus détaillés sur les résultats des projets.

48. Des études ou des enquêtes ont-elles été menées sur les effets des mesures législatives prises pour lutter contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, préciser, fournir des références ou joindre des documents.

49. Le gouvernement de votre pays possède-t-il un système qui lui permet d’enquêter officiellement sur tous les décès d’enfants dont on sait ou dont on soupçonne qu’ils peuvent être liés à des actes de violence?

Préciser.

50. Des rapports dressant le profil statistique des décès dont on sait ou dont on soupçonne qu’ils sont liés à la violence et sur lesquels une enquête a été menée dans le cadre du  dispositif précité sont-ils publiés périodiquement (par exemple tous les ans)?

Dans l’AFFIRMATIVE, quelle est la proportion des décès par homicide concernant des personnes de moins de 18 ans?

… %

51. Si le gouvernement de votre pays publie de tels rapports, indiquer selon quels critères les données sont ventilées aux fins de l’établissement de ces rapports (cocher tous ceux qui sont applicables):

SexeÂgeAppartenance ethniqueMode de décès (homicide, suicide, mode indéterminé)Causes extérieures de décès (arme à feu, strangulation, etc.)Lieu de l’incident (adresse)Cadre de l’incident (domicile, école, etc.)Heure et date de l’incidentLien entre la victime et l’auteur de l’acteAutres critères

52. Indiquer le nombre total de cas de violence contre des enfants notifiés en 2000, 2001, 2002 et 2003.

53. Indiquer le nombre total de condamnations et de cas notifiés pour les diverses catégories d’infraction de violence contre des enfants en 2000, 2001, 2002 et 2003.

32

VII. SENSIBILISATION, PROMOTION ET FORMATION

Cette partie du questionnaire est destinée à recueillir des informations sur les éventuelles activités de sensibilisation, de promotion et de formation que le gouvernement de votre pays a menées dans le domaine de la lutte contre la violence à l’égard des enfants.

54. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement de votre pays a-t-il organisé lui-même ou commandé des campagnes de sensibilisation à la violence et de prévention de la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, décrire les campagnes réalisées récemment, en précisant notamment quels étaient les cadres et les types de violence sur lesquels elles portaient et quelle en était l’audience cible (grand public, dispensateurs de soins, enseignants, etc.).

55. Par quels canaux les messages et l’information ont-ils été diffusés (cocher tous ceux qui ont été utilisés)?

Presse écriteRadioTélévisionThéâtreÉcolesAutres canaux

56. Au cours des cinq dernières années, le gouvernement de votre pays a-t-il assuré, fait exécuter ou parrainé des programmes de formation dans le domaine de la lutte contre la violence à l’égard des enfants?

Dans l’AFFIRMATIVE, indiquer sur quels domaines les derniers programmes de formation portaient et quels groupes en ont bénéficié (cocher tous les domaines et groupes visés):

Prévention Protection Mesures de réparation Réadaptation Sanctions

Professionnels de la santé (notamment les pédiatres, les infirmières, les psychiatres et les dentistes)

Praticiens de la santé publique

Travailleurs sociaux et psychologues

Enseignants et autres éducateurs

Fonctionnaires de justice (notamment les juges)

Membres de la police

Personnel pénitentiaire

Personnel s’occupant des mineurs délinquants

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Personnel des établissements pour enfantsParents/représentants légaux

Autres groupes (spécifier)

Fournir des précisions.

Envoi des réponses

Les réponses au présent questionnaire, rédigées dans l’une des six langues officielles de l’Organisation des Nations Unies, sont à envoyer à la fois sur papier et sous forme électronique, d’ici au 31   juillet   2004 , à l’adresse suivante:

Paulo Sergio PinheiroOffice des Nations Unies à Genève − Haut-Commissariat aux droits de l’homme CH − 1211 Genève 10 / Télécopie: +41 22 917 90 22 / Adresse électronique: [email protected]

INTRODUCTION SUR LA PLACE DU CORPS DANS LE SOCIAL

Question socio-anthropologique

Source   : http://revel.unice.fr/anthropo/document.html?id=47

La littérature anthropologique est riche de descriptions du corps. Elle nous les livre en les

théorisant, mettant en valeur toute la complexité de leurs conceptions. Mais, si la mise en

perspective anthropologique accentue la pertinence du débat Nature/Culture, elle permet, aussi,

d'interroger la définition univoque que la civilisation occidentale a conférée historiquement au

corps et qu'elle a imposée, comme seuls regard et discours légitimes. En effet, les disciplines

biologiques et médicales ont acquis un monopole de savoir et de gestion du corps à l'exclusion de

toute autre forme.

Dans les sociétés exotiques, le corps s'exprime à travers des mythes, des croyances et des

rituels thérapeutiques dont l'efficacité symbolique est démontrée par les travaux ethnologiques.

Ces derniers mettent en avant les aspects rationnels, bien que spécifiques, de ces types de pensée

ou de pratique, même si les termes de « mentalité primitive », « pensée sauvage », « empirisme et

déterminisme causal »... peuvent paraître ambigus.

Le recul anthropologique, avec le travail qu'il impose sur soi et sur les cultures, interroge non

seulement la pensée magique mais aussi sa confrontation avec la pensée technico-scientifique. Il

permet de mieux comprendre le sens de ce qui est en acte, dans nos sociétés, lorsque pensée

savante et représentations profanes se rencontrent, comme par exemple dans la relation

médecin/malade. Il donne, par là, une dimension historique à nos institutions, nos croyances et

nos pratiques sans réduire la confrontation culturelle à l'opposition de deux grands modèles :

Tradition/Modernité, Sociétés froides/Sociétés chaudes. En fait, la modernité occidentale, en se

heurtant aux sociétés appellées d'abord primitives puis exotiques, se questionne à travers des

cultures autres !

Il appartient à la sociologie, comme à l'anthropologie et encore plus à la socio-anthropologie, de

resituer, dans des sociétés telles que les nôtres, le débat sur la culture et ses formes symboliques.

Il s'agit de leur rendre toute leur rationalité, dans le lieu même où domine la conception matérielle

et technique du monde. D'autant plus que cette approche unidimensionnelle des faits sociaux est

34

au coeur même des crises qui traversent notre modernité. Le corps, à travers la difficulté des

questions qu'il pose, en est une bonne illustration.

Mais qu'est-ce que le corps ? Comment le penser ? Sous quel registre le définir ? Ses formations

relèvent-elles de l'essence intrinsèque d'une « chose » ou obéissent-elles aux aspects relationnels

et métaphoriques inhérents à tout social et à toute symbolique ?

Objet de sciences positives, comme de sciences humaines, le corps, lorsqu'il est souffrant, est le

centre des théories médicales et de leurs pratiques. La clinique psychanalytique, elle-même, bien

que n'abordant le corps qu'en termes de signifiants, n'aurait pas vu le jour sans une construction

du corps par la science moderne. C'est le décriptage des symptômes hystériques et le caractère

traumatique de la sexualité qui conduisirent Freud, en rupture avec l'hypnose, à se séparer de la

médecine pour poser l'inconscient.

Le corps se présente, ainsi, dans nos sociétés sous différentes facettes. La question de ses

références devient une question contemporaine. Pourtant elle apparaît paradoxale tant domine

aujourd'hui la définition naturaliste du corps. Cette dernière tend à l'enfermer dans un

questionnement qui part de l'évidence de son apparence avec le présupposé occidental d'un corps-

matière, où fonctionnement et dysfonctionnement de sa substance cachent, en fait, sa réalité qui

est le produit d'une construction historique.

Les phénomènes corporels font l'objet de discours et d'interprétations. Ils appartiennent, ainsi,

à côté de leurs caractères organiques, à des registres de représentation et de langage. Au coeur

des rituels et des croyances magiques ou religieuses, le rapport des hommes à la souffrance est un

des éléments constitutifs, par rationalisation1, des grandes religions. Ainsi, malgré sa réalité

matérielle, le corps ne peut être dissocié de tout ce qui l'inscrit dans la culture et le langage. Il

n'est plus possible, aujourd'hui, de le penser en dehors de ces référentiels. Dans un contexte où se

perd l'euphorie utopique du progrès, les approches en termes de positivisme scientifique et

technique trouvent leurs limites. En effet, dans le cadre de la sécularisation qui est liée à

l'avènement de la modernité, la Science s'est construite dans une subversion du paradigme

religieux, cherchant même à l'éliminer et à répandre, dans l'ensemble de la culture et des

institutions, l'esprit de sa propre démarche. Le débat actuel autour du corps fait de la perspective

anthropologique une des oppositions essentielles à l'impérialisme du scientisme technologique.

Resituer dans leur histoire2 ces deux positions, l'une culturelle et relativiste, l'autre

homogénéisante et réductrice par son type de rationalité, fait émerger la possibilité d'une

réflexion critique où se confrontent le paradigme du corps-matière et celui du corps-

métaphorique.

Les caractères contradictoires et exclusifs de ces deux conceptions du corps ne concernent, en

effet, que nos sociétés. Ils nous introduisent à une lecture critique de notre culture et font

apparaître la construction sociale des cadres institutionnels et discursifs de la réalité du corps.

Cette culture est, d'ailleurs, la seule à interroger la place de cette réalité dans les registres

symboliques ou imaginaires, de même que la nature et le sens des symboles qu'elle produit. Le fait

corporel se présente, ici, de manière explicite, comme un fait parlé et pensé, mais aussi manipulé,

dans le référentiel d'une culture dont le mode d'organisation en réglemente la gestion.

Il n'est plus contradictoire, alors, de questionner, du point de vue de la culture et du langage,

cette réalité ou ce réel du corps qui, tout en se présentant comme simples données de la matière,

35

sont traversés par des discours qui n'ont ni le même statut ni la même légitimité et qui n'obéissent

pas aux même modes de légitimation. Cette interrogation du fait corporel se place ainsi dans une

double rupture.

D'une part, il se différencie de l'approche psychologique, clinique comme expérimentale, qui

accentue les dimensions formalisées ou expressives du corps, celles qui émanent des sens et des

émotions.

D'autre part, il se distancie d'un abord biologique et physiologique, celui de l'organisme, qui se

présente sous des aspects analytiques, descriptifs et fonctionnels.

Ces approches sont aussi naturalistes les unes que les autres. Elles ont pour effet, si ce n'est

pour objectif, d'« instrumentaliser » le corps. Il devient, alors, force de production, source

d'énergie ou système d'adaptation. Ces cadres conceptuels, qui font du corps un objet de savoir,

conditionnent sa manipulation technique. Toutes ces problématiques participent, en effet, d'une

histoire qui prétend être celle du corps réel, alors qu'elle n'est que celle de ses conceptions.

Produites et transmises par des institutions, dont la médecine moderne en est le meilleur exemple,

elles cherchent à distinguer les discours afin d'en unifier un et de l'intégrer dans le champ de la

Science, essayant, par là, de mieux maîtriser une technologie d'intervention.

Par contre, lorsqu'il est pris comme fait culturel, le corps devient un objet anthropologique.

Porteur de sens, sans aucune visée téléologique, il se construit à travers les pratiques et les

institutions indépendamment de toute finalité biologique. Inscrit dans un a priori du langage, il

participe d'un fonctionnement collectif.

Mais au-delà du simple rejet du biologisme, l'interprétation anthropologique du corps trouve sa

spécificité en le construisant comme fait historique et social. Etabli par une symbolique collective

qui l'intègre dans la complexité d'une culture, le corps en devient un des éléments indissociables.

Il est inséparable d'une aperception holistique, dont la place et la forme diffèrent de celles que lui

donne la démarche analytique moderne.

La pensée d'un corps-matière, détaché de l'âme, est consensuellement posé comme un élément

constitutif de la civilisation occidentale moderne. Mais cette dernière introduit en outre l'idée d'un

corps indissociable de l'individu, de l'extérieur de son image et de l'intérieur de son vécu. La

culture du corps n'est plus, comme chez les Grecs3, une figuration pour autrui qui évolue, tout au

long des interactions, dans une altérité. Elle est plutôt, ici, l'incorporation d'une subjectivité qui se

déploie dans une identité stable, construite par identification et transmise socialement. L'individu

accède à la modernité par un processus historique d'« autocontrainte4 », qui socialise violence et

pulsions et qui le fait, ainsi, se réaliser dans la sublimation5. La valorisation contemporaine de

l'éthique et de l'ethos de la « maîtrise de soi » comme modèle de comportement, sur lequel repose

d'ailleurs toute personnalisation incorporée de la domination, en est une bonne illustration.

Le corps se trouve alors au centre du phénomène d'individuation qui caractérise les sociétés

modernes. Le surinvestissement narcissique dont il est actuellement l'objet, sur le plan social, est

un des indicateurs majeurs de cette transformation. L'individu devient un être de droit, de

jouissance et de besoin, défendant une intimité qui est indissociable du statut de la personne. A ce

titre, le corps se donne à voir à l'interstice d'espaces juridiques, économiques, psychiques qui sont

à l'intersection du public et du privé. Mais c'est par la science et par la publicité, et aussi par le

sport, que les phénomènes du corps font une entrée dans l'espace public6. Il apparaît, alors, dans

36

un discours médiatisé qui est toujours un discours normatif parlant d'hygiène, de maladie et de

santé, sous couvert de légitimité médicale. Cette dernière repose sur un caractère rationnellement

construit d'énoncés qui obéissent, à la fois, au principe poppérien de falsifiabilité et à l'efficacité

spectaculaire de leurs applications techniques. La mesure, l'expérimentation et l'observation

empirique sont, ici, les seules à être valorisées, ce qui, dans un contexte de « rationalisation du

monde », confirme la médecine moderne dans le bien-fondé de sa nouvelle orientation historique

qui la conduit à aligner ses savoirs et sa pratique sur le modèle de la science.

Le fait corporel, dans cette acception individuelle, est aussi un objet sociologique. Il peut être

relié à une conception pragmatiste de l'individu qui le construit dans une forme sociale et qui

l'inscrit dans un espace d'interactions7. S'y délimitent des frontières, s'élaborent des stratégies, se

mettent en place des tactiques autour d'images du moi et de l'autre. Se créent ainsi des

représentations qui édifient des identités dans un contexte d'altérité. Cette marque individualisée

du corps, si elle peut être saisie comme conscience et comme stratégie, ne permet pas la prise en

compte de son appartenance holistique à un système global, culturellement et historiquement

produit. Sa transmission comme sa transformation historique, par la dynamique des groupes

sociaux ou des classes, échappent à l'analyse. La dimension fantasmatique, elle-même, perd de

son acuité au profit d'une survalorisation des élaborations cognitives.

Une telle problématique occulte ce qui relève du Sujet au profit d'un individu-acteur étudié à

travers des logiques d'action. Ce dernier, soit en stratège8, oriente rationnellement sa conduite, se

fixe des objectifs et analyse des situations, soit, au contraire, est défini comme un être déterminé9,

produit par des jeux d'interactions ou des systèmes qui l'aliènent en le positionnant. D'autres

sociologues ont étudié le corps à travers l'usage social10 qui le façonne en le socialisant à des

contraintes de consommation ou de travail. D'autres encore le posent dans un a priori de la

détermination biologique. Ils recherchent dans l'hérédité, plutôt que dans l'héritage, l'explication

de l'action. L'acte est, ici, défini comme réponse à une poussée énergétique de l'organisme et non

comme traduction d'un désir. La capacité d'adaptation devient une valeur vitale. Elle est le produit

d'une sélection qui obéit aux lois de l'évolution. Ces théories sociales se confrontent à des

paradigmes behavioristes ou sociobiologiques, comme d'autres, fonctionnalistes, rejettent les

thèses utilitaristes, analyses qui sont à l'oeuvre implicitement dans les conceptions biologisantes

du corps et qui en légitiment la gestion ou le contrôle.

Une lecture socio-anthropologique du corps, en raison du positionnement même de

l'anthropologue est probablement la seule à être en mesure d'extraire le fait corporel à sa réalité

matérielle propre.

Dépouillé de cet unique caractère matériel, le corps devient, alors, objet et instrument d'une

culture. Il y acquiert une fonctionnalité active et participe à la construction symbolique de celle-ci.

Comme l'illustrent les travaux de l'ethnologue Mary Douglas11, les représentations et les discours

sont pénétrés de métaphores corporelles. Retraduisant les relations sociales dans les termes

symboliques d'un ordre biologique, le langage métaphorique masque l'arbitraire de cette réalité et

rend ainsi possible son fonctionnement. Les métaphores font entrer le biologique dans le langage

et fournissent, par l'interprétation, un contenu culturel et un cadre social aux rapports humains.

Faisant reposer sa légitimité sur un ordre de la Nature, la culture impose, comme un absolu

universel, le contenu des autorités et des hiérarchies, comme celui des normes qui codifient les

37

comportements. Environnement naturel et organisme biologique participent, ainsi, non seulement

d'une histoire de l'imaginaire mais aussi et surtout d'un principe d'organisation intellectuel du

monde. Le langage, par la production des signifiants et de leur système de relation, est le seul à

même de créer un ordre où se positionne le Symbolique.

Par ce type de problématique, comme par les terrains et les thèmes qu'il étudie et les outils qu'il

met en oeuvre, dans une relation nécessaire à la posture éthique, le questionnement socio-

anthropologique s'instaure par une rupture avec le discours dominant des sociétés modernes.

Son mode d'interrogation participe donc aujourd'hui d'un enjeu et devient l'instrument

privilégié d'une nouvelle problématique qui intègre, dans des ensembles signifiants, des réalités

cliniques, textuelles, organisationnelles et comportementales.

Il opère ainsi à contre-courant de toute pensée positiviste ou pragmatiste, fonctionnelle ou

utilitariste, qui dissocie les domaines, isole les objets, cherchant pour chacun d'eux la cause

efficiente. Pensée qui se veut opérationnelle et qui justifie l'analyse du seul point de vue de sa

capacité à évaluer et à gérer les problèmes posés, indépendamment de leurs effets de vérité,

cherchant à en assurer ainsi leur contrôle. Le corps et ses manifestations symptômatiques

deviennent un des objets privilégiés sur lequel s'exercent actuellement la volonté d'emprise et les

discours de maîtrise. Dans les sociétés modernes, il se trouve non seulement isolé d'un ensemble

de la Nature, mais il est aussi, avec l'individu, coupé du lien communautaire. Il n'est plus, comme

dans les sociétés exotiques, relié à un collectif ou même à un cosmos, avec ses séries de

correspondances, tant mythiques que matérielles, où tout se tient. Il disparaît alors des cadres

sociaux de la mémoire, condition, pour chacun, du sentiment d'appartenance à un ensemble

temporel et collectif, condition de toute transmission.

L'individu se trouve, ainsi, seul, confronté aux manifestations de son corps. Pris dans ce face-à-

face imaginaire, il devient dépendant d'espaces institutionnels qui l'aliènent en faisant de son

corps un objet autonomisé. Propriété de ces espaces, les faits corporels peuvent être alors

abstraits. Ils deviennent des signes qui sont construits et instrumentalisés par une pensée

spécifique qui tente de les contrôler mais dans la négation du Sujet et de sa dimension désirante.

Dissociant la personne du corps, ces institutions le mettent ainsi, grâce à leurs rituels, en

conformité avec leur fonctionnement. Dans les faits, elles le désacralisent et le font entrer dans

une sphère profane, bouleversant par là notre rapport au sacré. La laïcisation du corps, l'histoire

de la médecine en témoigne, a été une des conditions essentielles de l'emprise scientifique et

médicale. Cette laïcisation, qui porte la marque culturelle de l'Occident, a fait porter sur le

registre des phénomènes corporels un des effets les plus importants du mouvement général de

sécularisation.

L'expulsion du corps de la sphère du sacré et son entrée instrumentale dans la rationalité

technique ne sont pas sans conséquences juridiques, éthiques et sociales sur le champ médical,

comme l'illustrent les difficultés auxquelles se confrontent certains secteurs de pointe de la

médecine, tel celui des transplantations d'organes. La performance technique, qui est exemplaire

dans ce domaine, se trouve freinée par les résistances culturelles de patients et de familles qui se

réfèrent à une définition sacrée du corps ou de certaines de ses composantes physiques mais

toujours symbolisées, comme de la mort. Dans ce domaine, la rationalité médicale se heurte à la

logique du fantasme et à celle du don pris, ici, dans son acception d'échange. Comment résoudre,

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de la manière la plus rationnelle possible, le problème de la pénurie des organes à greffer ? La

réponse est cherchée du côté de la rationalisation par l'économique, l'organisationnel, voire le

marketing.

Entré, ainsi, dans l'institution médicale, réapproprié par les médecins, à l'exclusion de tout

discours concurrent, en particulier religieux, les pathologies ou les dysfonctionnements du corps

deviennent matière première d'un travail de nature professionnelle. Dans son champ, et à

l'exclusive de toute intervention extérieure, se définissent des savoir-faire, se transmettent des

pratiques et s'enseignent des connaissances théoriques. Les compétences relèvent de positions

statutaires et hiérarchiques qui délimitent des identités et des espaces de qualification et de

réglementation. Toute prise en charge institutionnelle obéit à un principe de séparation radicale

avec d'un côté le monde des soignants qui produit ses propres signes de distinction et de l'autre

l'univers des soignés.

En s'inscrivant ainsi dans un champ professionnel, la médecine moderne s'approprie l'autorité

légitime de définir les critères du normal et du pathologique, de l'état de santé et de maladie. Elle

décharge la famille. Seule l'autorité professionnelle du médecin peut légitimer une personne dans

un statut de malade, lui donnant des droits et des devoirs. Contrairement à la manière dont elle

est traitée dans les sociétés traditionnelles, la maladie devient une entité spécifique qui se

différencie de l'ensemble des infortunes. Elle seule justifie, d'ailleurs, les interventions médicales

en matière thérapeutique. Toute autre forme de souffrance ou de malheur qui n'entre pas dans ce

cadre « rationnel-légal » ne relève pas de cette légitimité médicale. Toute une symptomatologie,

exclue de ce champ thérapeutique, se tourne vers les médecines populaires et parallèles,

reléguées dans la marginalité au nom de l'exercice illégal de la médecine.

Quelle place la psychanalyse occupe-t-elle dans ce mouvement de « rationalisation du monde » ?

S'y reconnaît-elle une filiation ? Y inscrit-elle une rupture ?

Née dans l'Europe positiviste du XIXe siècle, la psychanalyse a, pour particularité, d'interroger

de manière critique la science, de définir le statut de son discours et de travailler l'originalité de

sa pratique. Liée à la médecine, par ses origines et ses effets thérapeutiques, elle en récuse son

appartenance, prônant, à la suite de Freud, la « laïen analyse ». Détachée de l'hypnose12, elle

réoriente sa praxis autour du langage et de la culture, qu'elle se réapproprie à partir d'un

processus de déconstruction, reconnaissant par là son affinité avec la langue poétique...

Se plaçant hors du champ de la science, tout en étant partie prenante de ses débats

épistémologiques, rejetant néanmoins le positivisme, la psychanalyse se rattache-t-elle pour

autant à la pensée mythologique ou à celle de la « pensée sauvage » ? Quels peuvent être ses

rapports avec la cure magique ? Autant d'interrogations qui posent, comme pour la médecine, la

question des filiations, mais qui ne peuvent être appréhendées que dans l'« historial » d'une

culture.

D'autres contextes, par leur exotisme, posent le corps dans un registre discursif et institutionnel

différent. Comme le montre Hérodote, le recours à l'enquête, chez les peuples qu'il appelle

« Barbares », est une autre manière d'éclairer les discours et les coutumes et de mettre ainsi en

relief leur pluralité. Plus tard, l'anthropologie faira l'apologie de cette démarche et s'imposera

avec le relativisme.

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Se référer à des observations de terrain ethnologique a l'avantage de mettre au premier plan les

dimensions culturelles du corps et de le présenter, de manière explicite et empirique, comme

produit d'une construction sociale. La fonctionnalité non naturaliste de l'enveloppe corporelle et

de ses organes peut ainsi être mise en évidence et théorisée. Ces exemples alimentent la réflexion

sur l'enjeu que représente le fait corporel lorsqu'il entre dans le discours social et portent à la vue

la place qu'il occupe dans l'imaginaire individuel ou collectif.

En effet, toutes les cultures connues, à l'exception des nôtres, font du corps une partie

intégrante du social. Il est au coeur des pratiques magiques et thérapeutiques comme des

croyances religieuses ou des mythologies. Il est inclu dans des systèmes de représentation où se

mêlent imaginaires collectifs, observations empiriques, savoir-faire et interprétations. Dans toute

« pensée sauvage » qui est aussi une pensée du double, différents niveaux de la réalité,

antinomiques pour nous, sont appréhendés dans une même cohérence d'ensemble.

La critique du primat de l'explication organiciste est la condition pour construire l'objet et

fonder l'intérêt heuristique de la démarche et de ses résultats. Position jamais acquise, tant le

recours à la preuve biologique rejoint, dans nos types de sociétés, un imaginaire aussi bien

individuel que collectif. Ce dernier délègue à la science, sur le mode de la « foi », un pouvoir

légitime de validation s'appuyant sur des procédures d'expérimentation ou de formalisation, de

mesure empirique ou de pragmatisme et d'observation. A celles-ci se confronte un autre type de

pensée, celui de dominés ou d'exclus, qui se trouve aliénés à une autre totalité, celle de la

croyance magique et de ses mises en scènes, émotionnelles et expressives, du corps et des

infortunes. Dissocié, par négation ou par défaut, de la parole et de sa capacité d'élaboration, leur

corps ne peut s'inscrire dans une histoire, celle du sujet, et être positionné ainsi dans un contexte

avec ses logiques, culturelles et langagières, de relation.

Comment rendre compte d'une problématique du corps qui puisse associer l'organisation

biologique à un principe de classification non organique, car symbolique et langagier ?

Paradigme subversif à l'égard de la pensée positive, mais qui permet d'articuler des polarités du corps, la droite et la

gauche, l'intérieur et l'extérieur, le corps-matière et l'esprit..., à une polarité sociale fonctionnelle et organisatrice d'un ordre

intellectuel composé d'affects. Cette polarité rejoint celle de la division Sacré/Profane, Pur/Impur. Construite par de

« l'Interdit », elle se retrouve au coeur même de la structuration du langage, de l'inconscient et de la culture. Elle réinterroge

la technique et la science du côté de ses origines, de ses filiations et de ses effets et la confronte à d'autres cheminements. Elle

donne sa mesure à la violence et au mode de domination que recèle l'imposition de toute légitimité qui ne repose que sur une

vérité totalisante, opaque à ses éléments et à sa logique de construction.

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D A N T E ( LA DIVINE COMÉDIE)   :L E P O È T E E T L E C R I M E

Document établi à partir des traductions et notes d’Alexandre Masseron (éd. Albin Michel) et d’André Pézart (éd. Gallimard) Source : www.ledroitcriminel.free.fr

Comme le ferait un moraliste ou un pénaliste, avec « La Divine Comédie » Dante s’attache aux

diverses sortes d’actions humaines. Quant à leur qualité, il distingue entre les actions tenues pour

bonnes, les actions constituant des péchés et les actions caractérisant un crime. Si les premières

méritent une récompense, les deuxièmes appellent une expiation, tandis que les troisièmes exposent

à la damnation.

Nous suivrons le poète au fil de son voyage dans l’au-delà. Sa quête, qui commence par l’Enfer et se poursuit par le Purgatoire, s’achève au Paradis.

I - L’ENFER : LA DAMNATION.

Au dessus de la porte de l’Enfer, porte que ne franchit aucune âme vertueuse, une inscription :

Par moi, on entre dans le domaine des douleurs…

C’est la Justice qui inspira mon sublime créateur…Vous qui entrez ici, perdez toute espérance.

En effet, les peines infligées aux damnés sont perpétuelles. Prononcées pour l’éternité, elles ne laissent place à aucun espoir de rédemption.

A - Haut enfer.

Les lâches sont parqués hors de l’enceinte de l’Enfer.

Vestibule : les lâches. Séjournent dans ce vestibule la foule innombrable de ceux qui n’eurent pas eu le courage de prendre parti pour le bien contre le mal, de ceux qui vécurent sans infamie mais sans vaillance. N’ayant jamais été de vrais vivants et n’appelant dès lors que le mépris, ils errent, nus, harcelés par des taons et des guêpes. Dante y place Ponce Pilate, Ésaü et Célestin V qui abdiqua la papauté.

C’est l’Achéron qui marque la frontière de l’Enfer.

Premier cercle : les païens et infidèles. Il s’agit du Limbe, où se situe le château des âmes vertueuses et des hommes illustres qui n’ont pas eu l’heur de connaître le Christ, qui ne peuvent dès lors voir Dieu, mais qui ne subissent naturellement aucun supplice. S’y côtoient Homère, Horace, Lucain, Lucrèce, Ovide, Platon, Sénèque, Socrate… et Saladin dont la vertu était reconnue par ses adversaires.

C’est après ce premier cercle que commence l’Enfer proprement dit.A l’entrée siège Minos, juge des enfers : il s’enquiert des fautes commises ; chaque âme confesse les siennes ; il les soupèse et fixe à chacune le cercle où elle subira son châtiment.Sont condamnés ceux qui ont pleinement vécu dans le péché, ceux qui ont succombé délibérément au vice, ceux qui ont adhéré au mal sévissant sur la Terre.

Deuxième cercle : les luxurieux. Il s’agit de ceux qui ont fait passer le plaisir charnel avant la plénitude spirituelle, au mépris de la raison. Ils sont précipités dans un lieu sans lumière ,balayé par

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un ouragan infernal qui les roule comme des galets sur une plage. Pour eux, pour Achille, Cléopâtre, Hélène de Troie, Pâris, Sémiramis ou Tristan, nul repos, nul réconfort, nul espoir.

Troisième cercle : les gourmands. Le cercle réservé aux goinfres est celui d’une pluie éternelle, composée d’eau noirâtre et pesante, de neige et de grêle, rendant la terre puante. Les banqueteurs y sont déchiquetés à leur tour par Cerbère aux trois gueules. Ils resteront là jusqu’au jour du Jugement dernier. Dante évoque à cet égard un certain Ciacco, dit le « pourceau », beau parleur, gai compagnon, qui passait de festin en festin.

Quatrième cercle : les avares et prodigues. Dante met ces deux extrêmes que sont les avares et les prodigues les uns en face des autres, roulant de lourds rochers, se heurtant et s’injuriant mutuellement : « Pourquoi amasses-tu ? », « Pourquoi prodigues-tu ? ». Leur vie a été si abjecte, que leur visage est noir au point de n’être plus reconnaissable. En effet, pour Dante « de la passion pour la richesse découle tout le mal de l’univers » ; il déplore que cède à cette tentation tant des gens d’Église que des laïcs.

Cinquième cercle : les coléreux. Les coléreux, qui ont laissé de noires fumées anéantir leur raison, sont plongés dans un bourbier ;là ils se frappent le corps des mains et des pieds, ils se déchirent aussi de leurs dents. De même qu’ils ont vécu sous l’empire de la colère, de même ils se trouvent enfoncés dans la vase des berges du Styx.

Justement, le Haut enfer est séparé du Bas enfer par le Styx.

B - Bas enfer.

Sixième cercle : les hérétiques. Les hérésiarques et les hérétiques leurs disciples, qui ont été des diviseurs, sont couchés dans des tombes dont le couvercle n’est pas fermé. Entre ces fosses jaillissent des flammes éparses dont la chaleur est proportionnelle à la gravité de leurs errements. On y trouve notamment Épicure et ses disciples, pour avoir enseigné que l’âme meurt avec le corps  ; et même un pape, qui ne reconnaissait au Christ qu’une nature humaine (sur son tombeau, cette inscription : « Je garde la pape Anastase, que Plotin fit sortir de la voie droite »).

Les trois cercles suivants sont réservés aux esprits maudits, à ceux qui ont pratiqué l’injustice, à ceux qui ont fait du tort à autrui que ce soit par la violence ou par la ruse.Mais, observe le poète, alors que la force est inscrite dans la nature humaine pour sa sauvegarde, la fraude est le fait de l’homme lui-même. C’est pourquoi Dieu sanctionne moins sévèrement les violents que les fraudeurs.

Septième cercle : les violents.

Ce cercle accueille les gens qui se sont rendus coupables de violence. Comme leur agression a pu être dirigée contre leur prochain, contre eux-mêmes ou contre Dieu, trois enceintes ont été prévues.

1° Les violents envers autrui. Les personnes qui emploient la force envers autrui peuvent s’en prendre, soit à sa personne (mort ou blessures), soit à ses biens (dégradation, incendie ou extorsion). Même si elles sont placées dans deux loges distinctes, de toute manière elles se trouvent sous la surveillance du Minotaure et elles sont plongées dans un fleuve de sang.

Les violents dans la personne d’autrui. Ceux qui tuèrent ou causèrent volontairement des blessures à leur prochain subissent leur peine dans la première loge. Leur supplice consiste à être plongés dans du sang bouillant, plus ou moins profondément selon la gravité de leurs crimes. Parmi ces damnés : Denys de Syracuse, Assolin qui tyrannisa Padoue et Guy de Montfort qui assassina pendant la Sainte messe un fils de Richard d’Angleterre.

Les violents dans les biens d’autrui. « O aveugle cupidité, observe Virgile, qui nous éperonnes si fort pendant notre courte vie, tu nous plonges dans du sang bouillant pour la vie éternelle ». Tel est du moins le cas pour les pirates, les pillards, tel Attila, et les brigands, tel un certain Rinier Pazzo auteur de pillages et de meurtres en 1267-1268.

2° Les violents envers eux-mêmes. L’homme exerce parfois des violences sur lui-même, que ce soit sur sa personne ou sur ses biens. Celui qui a commis cette faute est dirigé vers une deuxième enceinte, où il aura à pleurer de s’être lui-même privé de la béatitude qui lui était promise.

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Les suicidés. Dès que l’âme quitte le corps dont elle s’est elle-même détachée, Minos l’envoie dans la septième fosse. En effet, pour Dante, l’homme n’a pas loisir de fuir le combat pour le bien qui doit être le but de sa vie. Le suicidé est transformé en buisson, dans la « forêt des douleurs », ce qui lui fait perdre jusqu’à l’apparence humaine. Le poète ayant cassé une branche d’un buisson, il en sort du sang et des plaintes ; il s’agit de Pierre de la Vigne, jadis Conseiller de Frédéric II de Hohenstaufen : injustement accusé de trahison il se suicida dans sa prison.

Les dissipateurs. Puisqu’elles ont dilapidé leurs biens au lieu de les faire fructifier pour le bien commun, les ombres des dissipateurs sont déchiquetées lambeaux par lambeaux, par des chiennes noires, féroces et avides qui les pourchassent à travers la Forêt des douleurs.

3° Les violents envers Dieu. Enfin on peut faire violence à la Divinité, soit en la niant et en la blasphémant elle-même, soit en méprisant la Nature qu’elle a créée et ses fins. C’est dans une troisième enceinte que se rend celui qui a le mépris de Dieu dans le cœur et sur les lèvres ; elle consiste en un désert de sable sec et serré, où errent des âmes nues, et sur lequel tombe une pluie lente mais continue de larges flocons de feu.

Les sodomites. Selon Dante les sodomites portent atteinte à Dieu en ce qu’ils enfreignent une loi fondamentale de la Nature, qui est celle de l’amour fécond. Ils doivent marcher sous la pluie de feu (qui évoque Sodome) sans jamais s’arrêter. Dante y rencontre nombre de Florentins.

Les usuriers. Dieu invite l’homme à se procurer ses biens spirituels et temporels, à partir de la nature, par le fruit de son travail. L’usurier viole ce commandement, puisqu’il prospère en faisant payer à un taux excessif de l’argent nécessaire à autrui. Le supplice qui lui est réservé est de demeurer assis, sous la pluie de feu, portant au cou une bourse marquée d’un signe distinctif. Là encore Dante ne cite guère que quelques Florentins.

Les blasphémateurs, en pensées, en paroles ou en actes. Sans pouvoir prendre le moindre repos, ils s’efforcent d’écarter de leur peau les flammèches qui s’y déposent et les brûlent intensément. Dante prend comme exemple Capanée, géant impie qui, lors du siège de Thèbes, défia et injuria Jupiter (le crime de lèse-Majesté divine est général) ; mais aussi Accurse, professeur de droit à Bologne, l’un des plus grands glossateurs de son temps (qui s’éloignait trop de l’esprit de la loi divine).

Huitième cercle : les fraudeurs.

La fraude, qui heurte profondément la conscience, est employée tantôt envers quelqu’un qui accorde sa confiance, tantôt envers quelqu’un qui la refuse. Sont assignés dans le huitième cercle ceux qui recourent à l’hypocrisie, l’adulation, la sorcellerie, la fausseté, le vol, l’escroquerie, la simonie, la concussion et autres procédés semblables. Ces fraudeurs sont répartis dans dix fosses circulaires dites bolges.

1° Les séducteurs pour eux-mêmes, ou pire pour autrui. Répartis en deux troupes, ils courent sans cesse, poursuivis et fouettés par des démons cornus armés de grands fouets. À l’un d’eux qui s’arrête, un démon crie : « Marche, ruffian ! ici il n’y a pas de femmes à vendre ! ». Parmi ces séducteurs : Jason, qui trahit Médée ; et un certain Venedico qui prostitua sa sœur Guiselabelle au marquis de Ferrare.

2° Les adulateurs. Dante voit les flatteurs et les flagorneurs plongés dans des excréments paraissant tirés de latrines humaines. L’un avoue : « C’est dans ce bas-fond que m’ont plongé les flatteries dont je n’eus jamais la langue rassasiée ». Parmi eux Thaïs, une prostituée qui avait particulièrement encensé son amant.

3° Les simoniaques. Ayant trafiqué, contre argent, de choses saintes, les simoniaques sont plongés la tête la première dans des trous évoquant des bourses, d’où ne sortent que leurs jambes qu’ils agitent furieusement sous l’effet de flammes leur brûlant les pieds. Le premier d’entre eux fut Simon le Magicien, qui tentât d’acheter des Apôtres le pouvoir de communiquer le Saint-Esprit aux fidèles par l’imposition des mains ; mais Dante y place également des papes qui s’étaient fait un dieu d’or et d’argent, tel Nicolas III Orsini.

4° Les devins et jeteurs de sorts. En prétendant lire dans un avenir qui n’appartient qu’à Dieu, les devins commettent un péché. Pour l’expier, ils sont condamnés à marcher à reculons, la tête tournée vers l’arrière ; en sorte que chacun d’eux est tordu, le visage tourné vers ses reins, ses larmes

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coulant sur ceux-ci. Parmi les plus connus, Tirésias, à la fois homme et femme ; Aruns, qui prédit la guerre entre César et Pompée, et Michel Scot particulièrement renommé comme astrologue.

5° Les baratiers, trafiqueurs et concussionnaires. C’est dans cette cinquième bolge que Minos envoie ceux qui se sont livrés à des trafics d’argent, notamment les concussionnaires. Elle est emplie de poix épaisse et brûlante dans laquelle sont plongés les damnés ; ils ne peuvent en sortir sans se faire harponner par des diables. Un de ces derniers affirme que l’on y trouve nombre d’habitants de Lucques qui, pour de l’argent, font d’un « non » un « oui ».

6° Les hypocrites. Les hypocrites, qui cachent sous une feinte sincérité leur fourberie foncière, subissent comme d’autres une sorte de peine du talion. Ils portent une lourde chape, aux capuchons baissés devant les yeux, toute dorée à l’extérieur, mais de plomb à l’intérieur ; leur poids les fait marcher très lentement, mais pour l’éternité. Comme exemple de la « gent pourpeinte » dont le visage affiche des sentiments qu’ils n’éprouvent pas, Dante met en scène deux frères d’un ordre religieux dégénéré, dont le seul but était la recherche de leur propre plaisir.

7° Les voleurs. La septième fosse est emplie de toutes sortes de serpents qui ont pour mission de lier dans le dos les mains des voleurs, ces mêmes mains dont ils ont fait si mauvais usage pendant leur vie. Ainsi, d’un certain Cacus qui vola le troupeau d’un voisin, et périt sous la massue d’Hercule ; ou de Vanni Fucci qui, en 1293, vola dans la cathédrale de Pistoia le trésor de la chapelle Saint-Jacques.

8° Les conseillers perfides. Parvenu à la huitième fosse, Dante ne voit qu’une multitude de flammes. Sous chacune se trouve un fourbe qu’elle empêche de distinguer. Par exemple Ulysse, le guerrier « aux milles tours », qui pleure la ruse ayant permis aux Grecs de détruire Troie. Ou encore Guido de Montefeltro, un chef gibelin, qui dit : « Les ruses je les connus toutes, et en fis si bien usage que le bruit s’en répandit jusqu’aux confins de la terre. Mes œuvres ne furent pas celles d’un lion mais d’un renard ».

9° Les semeurs de discorde et les schismatiques. Dans la neuvième loge se trouvent ceux qui furent de leur vivant semeurs de division, de scandale et de schisme ; damnés pour avoir opposé des hommes entre eux, leur corps est ici coupé en deux. Bertrand de Born décrit ainsi son sort : « Je suis celui qui donna au jeune roi des conseils perfides ; je mis aux prises le père et le fils ; pour avoir séparé des êtres aussi unis, je porte mon cerveau séparé de mon tronc ; ainsi s’observe en moi la loi du talion ».

10° Les falsificateurs. A l’intérieur de cette dixième et dernière division du huitième cercle « la Justice infaillible punit tous les faussaires ». Dante distingue quatre cas.

Les falsificateurs de métaux et alchimistes. L’un d’entre eux, Griffolino d’Arezzo précise qu’il a été envoyé dans la dernière des dix fosses parce que sur terre il pratiquait l’alchimie. Gisant sur le sol, rongés par la gale, la lèpre, des démangeaisons sans fin, de leurs propres ongles ils se grattent furieusement et sans fin (cette peine semble inspirée des maladies que peuvent contracter ceux qui manipulent certains métaux).

Les falsificateurs de personnes. Dante fait entrer dans cette catégorie les individus qui se sont faits passer pour un autre afin d’obtenir certains avantages. Devenus fous furieux, sous l’empire de la rage, ils se poursuivent et s’infligent de cruelles morsures. Ainsi, Giani Schicchi de Florence : sur la prière d’un certain Simone, qui se savait déshérité par son oncle, il se grima en vieillard, se coucha dans le lit où l’oncle venait de mourir, et dicta un testament en faveur de son ami, sans s’oublier au passage.

Les falsificateurs de monnaies. Les faux-monnayeurs, pour leur part, sont frappés d’hydropisie ; ils soupirent après une seule goutte d’eau, mais ils ne sauraient en trouver dans ce lieu. L’un reconnaît qu’il falsifia l’alliage qui porte le sceau de St Jean-Baptiste ; un autre, Maître Adam, avoue avoir frappé des florins d’or qui contenaient trois carats de métal impur, ce pourquoi il fut brûlé vif.

Les falsificateurs de paroles. Les fourbes sont atteints d’une fièvre si aiguë qu’ils transpirent de tous les pores de la peau au point de répandre une fumée à l’odeur fétide. Voici le supplice qu’endure Sinon, ce grec qui parvint à persuader les Troyens de faire entrer dans leur ville le cheval imaginé par Ulysse ; ou encore la femme de Putiphar, qui accusa faussement Joseph d’avoir voulu la violer.

Neuvième cercle : les traîtres.

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En ce dernier cercle coule l’un des fleuves de l’Enfer : le Cocyte, un fleuve de glace ; les traîtres y grelottent dans un froid éternel. Dante les apostrophe ainsi : « Plèbe maudite entre toutes, rejetée dans ce lieu dont il est terrifiant de parler, mieux eût valu pour vous que vous eussiez été des brebis ou des chèvres » ; en effet des animaux, eux, ne trahissent pas !

1° Les traîtres envers leurs parents. Ce sont des ombres dolentes prises dans la glace ; leur visage est violacé de froid, elles claquent des dents. Cette subdivision a pour nom évocateur la « Caïnat ». Le poète y place notamment deux frères Mangona, l’un gibelin, l’autre guelfe ; ils furent toujours en conflit et finir par s’entretuer.

2° Les traîtres envers leur patrie ou leur parti. Ce deuxième cadran porte le nom d’« Anténora », en souvenir du prince Troyen Anténor qui aurait trahi Priam en ouvrant le cheval de Troie. Outre Ganelon, Dante y place Buoso de Duera à qui avait été confiée une solide troupe de gibelins mais qui, corrompu par les largesses du Prince, laissa passer l’armée de Charles d’Anjou, « Depuis il pleure le fin argent de France ».

3° Les traîtres envers leurs hôtes. Ces derniers aussi sont pris dans la glace, mais la tête renversée en arrière afin que le gel empêche leurs larmes de couler. Cette zone est dite de la « Tolomea », du nom de ce Prolémée qui fit tuer dans un banquet Simon Maccabée. Dante y voit un certain Alberigo, qui fit tuer traîtreusement des ennemis au cours d’un festin auquel il les avait conviés en donnant ce signal « Qu’on serve les fruits ». Il y place aussi un certain Branca d’Oria : désirant prendre la place qu’occupait son beau-père, il l’invita dans son château, où il le fit assassiner par ses hommes.

4° Les traîtres envers leurs bienfaiteurs. L’ultime région de ce dernier cercle, dite de la « Judaïque », reçoit les pires criminels : ceux qui ont trahi leur bienfaiteur. Ils sont entièrement pris dans la glace tels des fétus dans du verre, quand ce n’est pire. Pour s’en tenir à trois noms, citons : Judas Iscariote qui trahit Jésus, Brutus et Cassius qui trahirent César au point de participer à son assassinat.

On peut observer que l’Enfer s’ouvrait avec les lâches et culmine avec les traîtres. Cette échelle des valeurs est révélatrice des généreuses convictions de Dante.

II - LE PURGATOIRE : L’EXPIATION.

Au Purgatoire, montagne de purification cernée de sept corniches, sont assignées les âmes de ceux qui ont commis l’un des sept péchés capitaux, mais qui peuvent néanmoins être amendées. Le gardien des lieux est le stoïcien Caton d’Utique, homme vertueux s’il en fût, défenseur passionné des libertés républicaines.

La peine rédemptrice infligée aux âmes dirigées vers le purgatoire est en rapport avec le vice auquel ils ont succombé. Un ange leur rappelle un passage des Béatitudes. Des exemples leur sont proposés.

Première corniche : l’orgueil. Péché contre l’humilité, commis notamment par Lucifer et par la vielle de Troie. Expiation : portant une lourde pierre, les orgueilleux marchent courbés vers le sol, les yeux dirigés vers la terre, battant leur coulpe. Ils paraphrasent le Notre Père ; un ange leur rappelle que seront heureux les pauvres en esprit. Modèles : Marie, David et Trajan.

Deuxième corniche : l’envie. Péché contre l’amour commis par Caïn ; mais aussi par la siennoise Sapia, pour s’être réjouie des malheurs d’autrui plutôt que de son propre bonheur. Expiation : ayant jeté des regards envieux sur les biens d’autrui, les envieux se retrouvent les paupières cousues. Ils récitent la litanie des saints, alors qu’un ange chante : heureux les miséricordieux. Exemple à suivre : Marie, Oreste.

Troisième corniche : la colère. Péché contre la douceur commis par Marc le Lombard. Expiation : ayant cédé à un élan du corps qui obscurcissait leur intelligence, les coléreux marchent entourés d’une épaisse fumée âcre qui les empêche de voir et de sentir. Ils entonnent l’Agnus Dei, pendant qu’un ange chante  : heureux les pacifiques. Modèle : Marie, Pisistrate, St Étienne.

Quatrième corniche : l’acédie (paresse spirituelle). L’acédie est un péché contre la sollicitude, remontant aux pères de l’Église, qui consiste, par indolence ou dégoût, à ne pas s’efforcer d’atteindre au beau, au bien, au bon, au pur, au vrai. Il a été commis par les troyens en fuite qui refusèrent de suivre Énée jusqu’au terme de la longue quête qui finit par le conduire dans le Latium. Puisqu’ils ont

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été négligents dans l’accomplissement de leur mission sur Terre, ces pécheurs sont contraints de courir en pleurant autour d’une montagne, tandis qu’un ange chante l’une des Béatitudes : heureux les affligés. Exemples : la Sainte-Vierge… et Jules César.

Cinquième corniche : l’avarice et la prodigalité. Premier des trois vices liés aux biens terrestres, l’avarice est un péché contre la générosité ; il a notamment commis par Midas et par Crassus, puisqu’ils thésaurisaient sans souci de l’intérêt général. Les avares sont étendus sur le sol, face contre terre, pieds et poings liés. Ils confessent que leur âme était rivée aux biens matériels : Adhaesit pavimento. Un ange chante la quatrième Béatitude : Beati qui esuriunt. En modèle de pauvreté et de libéralité : Marie, St Nicolas, et Frabricius, consul romain qui refusa un don gracieux des Samnites à qui il avait fait accorder la paix par le Sénat.

Sixième corniche : la gourmandise. La gloutonnerie est un péché contre la tempérance ; il a été reproché au pape Martin IV, saint homme au demeurant, mais si bon vivant qu’il aurait trop aimé les anguilles du lac de Bolsena et le vin blanc de Vernaccio. La peau sur les os, les gloutons passent et repassent devant deux arbres qui suscitent leur faim et leur soif. ; ils subissent le classique supplice de Tantale. Ils prient Labia mea Domine, tandis qu’un ange chante la seconde partie de la quatrième Béatitude : heureux ceux que les attraits du goût n’excitent pas d’un trop vif désir de se gorger. En exemple, l’Âge d’or et St Jean-Baptiste qui se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.

Septième corniche : la luxure. C’est le péché contre la chasteté perpétré à Sodome et à Gomorrhe, mais tout autant en Italie du temps de Dante. Les luxurieux marchent dans un brasier, cernés par les flammes qui aseptiseront la blessure laissée par leur débauche ; l’un d’eux précise : « Je suis Guido Guinizelli, je me purifie, m’étant déjà repenti avant ma dernière heure ». Ils prient pour la clémence de Dieu (Summae Deus clementiaie), pendant qu’un ange entonne Heureux les cœurs purs. L’exemple à suivre est bien évidemment la Sainte-Vierge.

III - LE PARADIS : LA RÉCOMPENSE.

Le Paradis comporte d’abord sept ciels planétaires :

Premier ciel : Ciel de la Lune. Pour les esprits qui ont manqué à leurs vœux sous la pression des événements, tel Alcméon qui se montra impie pour ne pas perdre la piété, ou Piccarda Donati qui fut contrainte par sa famille de quitter le couvent où elle était entrée par vocation.

Deuxième ciel : Ciel de Mercure. Pour les esprits actifs et bienfaisants, tel Justinien qui s’efforça de restaurer la civilisation romaine, notamment sa législation.

Troisième ciel :Ciel de Vénus. Pour les esprits aimants, tel Folquet de Marseille, troubadour du XIIe siècle qui porta très haut la poésie courtoise, finit par entrer dans les ordres et devint abbé du Thoronet (Dante entend souligner l’importance de la poésie dans la vie sociale).

Quatrième ciel : Ciel du Soleil. Pour les docteurs et théologiens, tel St Thomas d’Aquin qui sert ici de guide à Dante, après s’être présenté comme « un agneau du troupeau de St Dominique ».

Cinquième ciel : Ciel de Mars. Pour les chevaliers du Christ, tels Charlemagne, Godefroy de Bouillon ou Robert Guiscard, fils de Tancrède d’Hauteville, qui chassa les sarrasins de la botte italienne et de Sicile.

Sixième ciel : Ciel de Jupiter. Pour les princes pieux, justes et sages, tels David, Trajan, Constantin, ou Guillaume II le Bon, roi de Sicile qui fut un souverain estimé et aimé par ses sujets.

Septième ciel : Ciel de Saturne. Pour les esprits contemplatifs, tels St Benoît ou Pierre Damien qui occupa les plus hautes fonctions de l’Église avant de se retirer dans un couvent sous le nom de Pierre Pécheur.

Ensuite le Ciel des étoiles, où figurent St Pierre et la foi, St Jacques et l’espérance, St Jean et la charité.

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Enfin, l’Empyrée, pure lumière où siègent Dieu, les anges et les bienheureux.

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