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Trimestriel Octobre 2003 « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale et Cancún »

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TrimestrielOctobre 200324

« Commerce des produits agricoles entre l’économie

locale et Cancún »

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2 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

L’Inter-RéseauxUn lieu d’échanges, une banque d’idées

L’ÉQUIPE DE L’INTER-RÉSEAUXPrésident : Guy Petitpierre Animation du réseau : Émilie Baconnier, [email protected] Chargé de programme : Gilles Mersadier, [email protected] Coordinatrice : Anne Lothoré, [email protected] et webmaster : Lucie Bombled, [email protected]étaire : Renaud Granier, [email protected] : Candice Chemla

GRAIN DE SELDirecteur de la publication : Dominique GentilResponsables de la rédaction : Émilie Baconnier et Anne LothoréDessins : Stew PatrikianConception graphique : E&C Pays. Tél. : 01 49 82 49 85 Impression : Imprimerie 34, ToulouseInter-Réseaux, 32, rue Le Peletier, 75009 ParisTél. : 01 42 46 57 13 Fax : 01 42 46 54 24 E-mail : [email protected] Web : www.inter-reseaux.org

Dépôt légal : Octobre 2003 • ISSN 1274-3895

afin que le récit soit le plus complet et le plus concret possible ;c’est la règle des « 5 W » (traduction anglaise de où, quand, com-ment, pourquoi et qui).

Où se passe l’action, dans quelle région, quelle communauté ouorganisation, dans quel cadre ?Quand a-t-elle démarré ? Quel était le problème ou la situation de

départ ?Comment avez-vous réalisé l’ac-tion ? Ou résolu le problème ? Outrouvé des solutions ?Pourquoi cette situation ? Pourquoiavez-vous fait tel choix ? Pour-quoi telle réussite ou tel échec ?Comment l’expliquez-vous ? Quelsétaient vos objectifs ? Les avez-vous atteints ? Quelles sont vosperspectives pour l’avenir ?Qui conduit l’action ou le projet ?Quelle est sa qualité, son expé-rience ? Avec qui l’action est-ellemenée (partenaires, autres pay-sans, etc.) ? Enfin, n’oubliez pas delivrer votre analyse sur la manière

dont vous avez réussi ou non l’expérience que vous décrivez.

Vous voyez, ce n’est pas compliqué. Disciplinez-vous à faire desphrases courtes, à mettre un titre pour cadrer votre sujet et à vousappuyer sur des exemples de terrain pour illustrer votre réflexion.Et pas plus de deux ou trois pages, car nous avons des contraintesd’espace. Une chose importante : les illustrations. Autant que pos-sible, envoyez une ou deux photos (pas floues) afin qu’on visua-lise bien votre propos ; ce qui mettra votre article en valeur. Enfin,n’oubliez pas que votre expérience peut intéresser les autres. Grainde sel se voulant un cadre d’échanges, vous pouvez participer à cetéchange. Alors à vos plumes...?

L’Inter-Réseaux est un réseau spécialisé dans la réflexion surle développement rural des pays du Sud. C’est un lieud’échanges, une banque d’idées s’appuyant sur 3 000

membres répartis dans une soixantaine de pays à travers le monde,dont les deux tiers en Afrique subsaharienne. Financé par le minis-tère français des Affaires étrangères, ce n’est ni un bureau d’étudesni un bailleur de fonds. Son rôle est plutôt de favoriser la collecteet la circulation d’informations,d’expériences ou d’initiatives pro-venant d’organisations paysanneset, plus largement, de populationsrurales du Sud. L’Inter-Réseaux a pour ambitiond’enrichir et de renouveler laréflexion et les pratiques de lacoopération entre le Nord et leSud dans le domaine du dévelop-pement rural.Pour ce faire, il favorise des occa-sions de débats et de rencontresdans différents pays ainsi que deséchanges au niveau régional, parl’animation de groupes de travailet la publication de dossiers thé-matiques. Il édite également d’autres supports, tels que Grain desel, bulletin trimestriel diffusé sur abonnement (gratuit pour les paysdu Sud), et des annuaires de ses membres (annuaire général etpar pays).

COMMENT EN FAIRE PARTIE?Les membres de l’Inter-Réseaux appartiennent à des milieux pro-fessionnels divers du Sud et du Nord, dont l’activité a trait au déve-loppement rural : organisations paysannes, universités, centres de recherche, ONG, bureaux d’études, etc. Pour devenir membrede l’Inter-Réseaux, il suffit d’en faire la demande à son secréta-riat et de remplir la fiche d’identification qui vous sera adressée enretour. En échange, il est important de contribuer à ses activitéspar l’envoi de témoignages sur des expériences de développe-ment rural, par des contributions personnelles ou collectives sur desthèmes relevant des centres d’intérêt de l’Inter-Réseaux, et parune participation à ses groupes de travail ou à ses réunions. Les orientations de l’Inter-Réseaux sont définies par un bureau de13 membres ayant à sa tête un président. Un secrétariat exécutif,basé à Paris, en assure la mise en œuvre et coordonne ses activités.

POUR CONTRIBUER À « GRAIN DE SEL »Certains n’osent pas adresser leurs témoignages à Grain de sel,car ils craignent de ne pas savoir les présenter. Voici quelquesconseils pour vous aider à prendre la plume.Vous craignez de ne pas bien savoir rédiger en français ? Que celane vous freine surtout pas. Nous sommes là pour vous aider etnous chercherons à traduire au mieux ce que vous voulez exprimer.Lorsque vous voulez raconter une histoire, pensez toujours à cetterègle très simple que l’on apprend dans les écoles de journalisme

Inter-Réseaux

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Sommaire

SUR LE TERRAINLa sécurisation foncière 4Le retour de la terre pour lutter contre le chômage au Congo 5Le « Tueur » invisible frappe aussi lescampagnes 6Des économies locales menacées 7

DOSSIERCommerce de produits agricolesIntroduction 9Une constante : le commerce de produitsagricoles est une activité risquée 10Forun Internet Inter-Réseaux–CTA 15La riziculture au Niger, une filièresacrifiée ! 17Culture et commercialisation duriz au Sénégal 18Des formes d’organisation pour la commercialisation 19Commerce des produits agricoles au Mali 20Évolution des coordinations entre acteursde la filière 21

NORD-SUD, LE POINT...De Cotonou à Cancún 23Les accords de Cotonou 23Le dernier chant du poulet : l’OMC, à abattre ou pour se battre ? 27Les leçons de Cancún 29

INTER-RÉSEAUXQuoi de neuf à l’Inter-Réseaux 31Filière riz sénégalaise : les producteurss’expriment 32Publication du Grad 34

Boîte à outilsL’OIC, le Gatt, l’OMC, quelques repères 36

BOÎTE AUX LETTRES 39

PUBLICATIONS 40

Photo de couverture : Anne Lothoré

3Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

É D I T O R I A L

Après Cancún,d’autres formes de coopération

sont indispensables

Ce numéro de Grain de sel a été préparé avant la réunion de Cancún. Il était

cependant particulièrement consacré au compte-rendu d’un forum Internet

animé par l’Inter-Réseaux, intitulé « Commerce des produits agricoles dans les

pays ACP et son rôle dans la dynamisation des économies locales ».

Le forum met en lumière l’émergence de nouveaux acteurs locaux, natio-

naux et internationaux et leur difficile « dialogue », après le retrait, partiel,

de l’État.

Nous avons pensé utile d’ajouter à ce numéro une réflexion sur Cancún,

rédigée par une participante de Solagral. Celle-ci montre bien, à la fois

l’aspect positif d’un changement de rapport de forces, grâce à l’union

« des poids lourds économiques des pays en développement »,mais aussi les

risques de retour à un bilatéralisme sans cadre, encore plus préjudiciable

aux petits pays du Sud. « La situation des producteurs de coton ouest-

africains va rester la même et les États-Unis vont pouvoir continuer à per-

turber le marché par leurs subventions massives à leurs cotonculteurs. »

Au-delà des relations commerciales, Cancún montre bien les difficultés des

relations Nord-Sud. Le Nord ne sort pas de sa bonne conscience (ou de sa

mauvaise foi ou de ses contradictions, au choix) et propose des solutions, qui

lui paraissent appropriées et valables, sans chercher à écouter réellement

les pays du Sud ; ceux-ci peinent à aller au-delà de la contestation et à ren-

trer dans une phase de propositions, de négociations, de compromis.

Ce contexte renforce l’importance pour nous d’apporter notre contribution

à des formes nouvelles de coopération. C’est le souci constant de l’Inter-

Réseaux de favoriser un dialogue critique,notamment à travers Grain de sel,

d’être un lieu de débat à partir d’informations partagées, de visions et d’in-

térêts souvent divergents, afin de développer un espace pour construire inter-

dépendance et solidarité.C’est dans cet esprit que les prochains mois devraient

être consacrés à une nouvelle organisation de l’Inter-Réseaux, avec, nous

l’espérons, un rôle croissant des acteurs du Sud.

Dominique Gentil

GRAIN DE SELN°24 • Octobre 2003

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SUR LE TERRAIN

La sécurisation foncière est aussiune question de citoyenneté

Les producteurs ruraux nepeuvent investir dans leur

activité et développer leurproduction que si leur

environnement économique(rapports de prix, etc.) estfavorable et s’ils disposent

d’une sécurité foncièresuffisante, c’est-à-dire s’ils ne

risquent pas de voir leursterres appropriées par

d’autres, s’ils sont assurés debénéficier du fruit de leurs

efforts. Mais sécurité foncièrene veut pas nécessairement

dire titre de propriété.

L’enjeu essentiel est que les droits desproducteurs sur la terre et les ressourcesqu’ils exploitent soit sécurisés : pouvoirpaisiblement cultiver ses terres ou ali-

menter son troupeau sans risque de voir sesdroits subitement contestés. Ceci ne passe pasnécessairement par le titre foncier ni la pro-priété privée. Vouloir généraliser une pro-priété privée individuelle déstructurerait lessociétés paysannes, avec sans doute une exclu-sion massive des ayants droit familiaux, femmes et jeunes, et guère d’avantages entermes de productivité : c’est d’abord le contexte économique qui limite la producti-vité de l’agriculture familiale, et non les struc-tures familiales. De plus, si les transactionsfoncières peuvent être sources de conflits làoù elles ne sont pas l’objet de règles claires, dansla grande majorité des cas, les facteurs essen-tiels d’insécurité ne sont pas liés aux droitscoutumiers : ils résultent du risque de voirquelqu’un immatriculer une terre sans qu’ellelui ait été cédée explicitement par les paysans

qui la détiennent, de voir un emprunteur tenter de revendiquer la propriété de la par-celle, de voir un arbitrage rendu dans un senscontesté sans raison auprès d’une autre ins-tance. Bref, l’insécurité foncière découle dufait que certains acteurs jouent sur les contra-dictions entre les règles locales et les législa-tions pour revendiquer des droits illégitimes.La première condition de sécurisation fon-cière est ainsi que l’État reconnaisse les modeslocaux de régulation foncière, la façon dontles autorités locales et l’administration localerèglent les problèmes, et qu’il renonce auxdispositions qui permettent de les contourner.La seconde est de définir les règles et les pro-cédures, à la fois légitimes et légales, per-mettant de traiter des questions nouvelles,comme les transactions monétaires, là où ellesse développent.

La sécurisation foncière,un enjeu de paix sociale

et de citoyenneté

Mais la sécurisation foncière n’est pas qu’unenjeu économique. C’est aussi un enjeu de

paix sociale : dans un contexte de compéti-tion croissante pour l’espace, des règles insuf-fisamment claires ou contradictoires favori-sent les conflits, les rapports de force, parfoisviolents. C’est, enfin, un enjeu de citoyenne-té : dans des États démocratiques, l’État doitoffrir à ses citoyens, à tous ses citoyens, unegarantie de leurs droits. Or, la complexité et lecoût de la procédure d’immatriculation, quireste trop souvent considérée comme la seuleforme possible de droit reconnu par l’État, enréserve l’accès à une petite élite, souvent urbaine, capable de connaître la procédure etd’en assumer le coût. L’immense majorité desacteurs ruraux en est exclue. De même, pendant longtemps, l’État a promis des titresaux paysans qu’il installait dans les périmètresaménagés, sans jamais leur donner autre choseque, au mieux, une attestation d’installationsans valeur juridique.

Dans plusieurs pays d’Afrique, des approchesnouvelles de sécurisation foncière sont encours d’expérimentation. Reconnaissance desdroits locaux, cartographie et enregistrementdes droits sur les terres agricoles, négociationet explicitation des règles sous formes deconventions locales cosignées par l’adminis-

Par Philippe Lavigne Delville (Gret)

An

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Loth

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SUR LE TERRAIN

tration, appui aux mécanismes locaux de règle-ment des conflits, recours croissant à l’écritpour les transactions foncières sont autantd’approches prometteuses qui tentent d’ap-porter des réponses concrètes aux problèmesvécus par les ruraux.

Des stratégies de sécurisation existent…

Là, les ventes de terre existent mais ne sontpas reconnues localement comme quelquechose de normal, elles aboutissent souvent àdes conflits ou des problèmes d’insécurité :vente sans l’accord des autres membres de lafamille, aboutissant à des contestations ou desspoliations ; risque de double vente, etc. Lerecours à des écrits informels fait partie desstratégies des paysans pour se sécuriser. Dansbien des cas, encourager la formalisation destransactions, sous forme de contrats écrits, enleur donnant une reconnaissance officielle dèslors qu’ils respectent quelques conditionssimples pour éviter les ambiguïtés (y a-t-ilaccord de la famille sur la vente ? quel est lecontenu précis de la transaction ? témoins,

etc.) est aussi une façon de sécuriser le fon-cier. Là où de nombreuses transactions exis-tent, impliquant des acteurs externes au milieulocal, des parcellaires peuvent être utiles pourmettre à plat qui détient quelles parcelles, avecou sans délivrance de certificats fonciers ayantvaleur juridique.

Pour le pastoralisme, garantir les couloirsde passage et l’accès aux points d’eau, limiterl’extension des champs dans les zones mar-ginales, redéfinir des modes locaux d’arbi-trage de conflits sont des façons de maintenirune complémentarité entre activités agricoleset pastorales, même là où la compétition pourl’espace entre agriculture et élevage s’accroît.La démarche des conventions locales, issuesde négociations entre les différents acteursruraux, explicitant quelles sont les règlesvalables dans une zone donnée, et validéespar l’administration sous réserve qu’elles res-pectent la législation, est une voie promet-teuse.

… qui attendent un engagementde l’État

Même si elles sont encore en expérimenta-tion, il existe une gamme de solutions pra-

tiques, simples, fondées sur les réalités localeset les modes locaux d’arbitrage. Par la négo-ciation et la clarification des règles et par desarbitrages plus cohérents, elles favorisent dessituations « gagnant gagnant ». Pour autantqu’elles soient officiellement reconnues parl’État, elles peuvent permettre une sécurisa-tion effective, tout en facilitant les transactionset les évolutions.

Même si elles font leur chemin, ces approchesdemeurent encore trop souvent expérimentales,trop dans une logique de « projet ». Reste auxorganisations paysannes à mieux les connaître,pour être capables de porter un jugement dessus.Reste aussi, et surtout, aux ruraux à mobiliserleurs représentants au sein des organisationspaysannes et leurs élus locaux, pour réclamerune sécurisation effective, pour revendiquerl’intégration de ces approches dans les poli-tiques foncières nationales, et obtenir enfin quel’État offre aux producteurs ruraux une réellesécurisation foncière. ■

Le retour à la terre pour luttercontre le chômage au Congo

Le Congo, comme d’autres pays d’Afrique, voit les taux de chômage des jeunes augmenter à un rythmevertigineux. Les autorités encouragent le retour à la terre, mais les effets sont encore modestes.

Finis les emplois assurés par l’État. LeCongo, pays aux 70 000 fonctionnairespour 3 millions d’habitants, connaît unchômage croissant. Principales cibles, les

jeunes, alors que la démographie est galo-pante : plus de 50% des congolais ont moinsde 15 ans.

Le chômage n’épargne personne, et surtoutpas les jeunes diplômés. Déjà en 1991, le paysen comptait 15 000 sans emploi. La suppres-sion de 8 000 postes de fonctionnaires, en avril1994, et de nombreuses fermetures d’entreprisespour cause de guerres civiles pendant unedécennie aggravent encore le situation.

Pour tenter de sortir les jeunes du chô-mage, les autorités congolaises lancent un appel pressant en faveur du retour à la terre,

avec des promesses de prises en charge. Les effets sont encore modestes : « Changer decadre de vie est une décision difficile, cela posebeaucoup de problèmes pour les jeunes »,explique le père Christian de la Bretesche, président du conseil d’administration du Forumdes jeunes entreprises, une association de déve-loppement particulièrement dynamique. « Ilsse demandent comment ils seront accueillis auvillage, comment les amis eux-mêmes inter-prèteront cette décision, alors que le travail dela terre a longtemps été déconsidéré... Ce retourà la terre nécessite un travail d’accompagne-ment », ajoute le père Christian. Il faut d’abordvaincre la méfiance des jeunes, fatigués par despromesses sans suite faites par les autorités : « Au Congo, on a toujours promis la lune sans

apporter d’assistance adéquate », constateGeorges, un licencié en anglais. Gaston, diplô-mé en communication, est lui aussi réticent :« J’ai papillonné d’un organe de presse à unautre, sans jamais être embauché. Malgré tout,je préfère rester à Brazzaville (la capitale).Retourner au village, c’est se barrer la routedu progrès », croit-il.

Question de survie

La misère et les terribles effets de la criseéconomique et sociale font quand même évo-luer les points de vue. René, diplômé en ges-tion, a créé une modeste plantation de bananesdans le Mayombé, une forêt du département ➤

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SUR LE TERRAIN

du Kouilou, au sud du Congo. Il lui faut unebonne dose de courage pour mener à bien sonprojet. Premier obstacle : les difficultés d’écou-lement de la production vers les villes et l’entretiende ses bananiers. Il cherche en vain un conseilleragricole et de quoi acheter un véhicule. « Lefinancement n’est pas facile à obtenir dans cepays où ceux qui ont de l’argent accordent peud’intérêt aux activités agricoles. » Même inquié-tude chez Charles. Il voudrait planter des pal-miers à huile dans la Sangha, au nord du Congo.

« La terre y est tout à fait adaptée, mais il memanque le capital de départ. »

Des jeunes sont pourtant déjà à pied d’œuvreà l’intérieur du pays. Le père Christian de laBretesche, qui suit certains d’entre eux, témoigne.« C’est une question de survie. En ville, ils cre-vaient de faim, sans compter les femmes et lesenfants à nourrir. Quoiqu’il y ait des difficul-tés à vendre la production agricole, ils don-nent maintenant un coup de main à ceux quisont restés en ville. »

Les plus ambitieux se dirigent vers les raresstructures d’encadrement et d’appui aux initia-tives économiques spécialisées dans l’octroi decrédit comme le Forum des jeunes entreprises,Agricongo, la Caisse féminine pour le déve-loppement agricole... Mais les responsables deces structures déplorent que nombre de projetsprésentés manquent de consistance, ou sontinadaptés pour un pays dont le tissu économiquereste faible. Paul Kampakol, comptable duForum, témoigne : « Nous recevons des jeunesqui nous présentent des projets inimaginables.Comment deux ou trois jeunes qui ont fini leurs études dans le domaine agronomique peu-vent-ils croire qu’ils peuvent démarrer un pro-jet avec 5 tracteurs et un terrain de 10 hectares,alors qu’ils n’ont aucune expérience dans la vieactive ? C’est vraiment incroyable. Et nous enre-gistrons plusieurs cas de ce genre. Nous leurconseillons par la suite de commencer petit. »

Avec seulement 2 % des terres cultivées pourune surface de 342 000 km2, le Congo a uneagriculture exsangue. La plupart des produitsde première nécessité sont importés. Les fermesd’État, construites au temps du marxisme àgrand renfort de subventions, sont improductives,sinon abandonnées. Brazzaville et Pointe-Noireconcentrent désormais la moitié de la popula-tion du pays. ■

Jean Valère Ngoubagoyiprésident de l’ONG,

Les amis du Pangolin, Congo

Le « Tueur » invisible frappe aussi les campagnes

Le sida fait rage au Congo. La crise économique et sociale, ledéplacement massif des citadins vers les zones rurales favorisentla progression rapide de l’épidémie.

Si les guerres civiles ont saigné le Congo,le Sida a pris le relais. C’est aujourd’hui lapremière cause de mortalité dans une villecomme Pointe-Noire, ville du pétrole, à

510 km au sud de Brazzaville. La prostitution,appelée « mourincia » (exploiter l’homme parune fausse tendresse), y a pris des proportionsinquiétantes. Une récente enquête du Programmenational de lutte contre le sida (PNLS) révèleque 2 000 personnes y sont infectées chaque

année. Et 14% des décès chez les adultes de 15à 49 ans sont dus au Sida. Cette pandémie seraitla première cause d’hospitalisation. À Brazzaville,le taux des personnes infectées en 1998 était de14%. Des chiffres en constante progression. Cetriste phénomène tient d’abord aux conflits suc-cessifs qui ont provoqué un déplacement mas-sif des citadins vers des localités où le VIH étaitpresque inexistant. Les viols, devenus monnaiecourante, contribuent aussi à sa propagation.

Les femmes fidèles sansprotection

De nombreux témoignages font état de lamultiplication des cas de contamination detrès jeunes filles démunies qui, contre desavantages matériels divers, ont des relationssexuelles avec des hommes plus âgés, infec-tés par le Sida. « Pour de nombreuses femmescongolaises, le risque majeur de contamina-tion vient du comportement sexuel du mari oude leur partenaire habituel », constatent lesspécialistes du PNLS. Et d’ajouter que : « Lesfemmes ayant une relation de type monoga-

Les amis du Pangolin, Congo

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SUR LE TERRAIN

me ne peuvent généralement pas se protégerde l’infection quand leur époux n’a pas uncomportement sexuel similaire. »

La différence des taux de contaminationentre les zones urbaines et rurales, où viventles trois quarts des Congolais, s’amenuise enraison des déplacements des populations. Lavenue dans les campagnes de prostituées ayantd’abord séjourné en ville y contribue. Selonle docteur Matondo, membre de l’Associationcongolaise du bien-être familial (ACBEF),« La progression de l’épidémie est associéeà des taux élevés de maladies sexuellementtransmissibles (MST) dans la population. Dansun petit village, par exemple, où il y a très peude femmes, dès qu’une ou deux d’entre elles sont contaminées, la maladie se propage trèsvite. »

En 1998, des données fort inquiétantes ontété recueillies dans des zones qui semblaientjusque-là épargnées. Dans des centres urbainscomme Dolisie, troisième ville du Congo, ausud, le taux de personnes contaminées atteignait14%, 11% à Sibiti, au sud-ouest, et 1% àOwando, au nord du pays.

Au Congo, la transmission hétérosexuelleconstitue la voie prédominante de contami-nation. Quelques ONG mettent en œuvre desactions préventives avec plus ou moins de suc-

cès. En 1996, le Conseil culturel pour l’édu-cation et la santé, financé par la Coopérationfrançaise, a déployé à Brazzaville des kiosquespour vendre des capotes et prodiguer desconseils aux clients. Vendues à 25 FCFA, ellesétaient beaucoup moins chères qu’en phar-macie et dans les rues. Mais dans certains quar-tiers de la partie sud de la ville, à Bacongo etMakélékélé, cette initiative n’a pas rencontréle succès attendu auprès de la population jeune,qui utilise moins la capote .

L’Onusida, la Croix-Rouge internationale,le Croissant-Rouge affichent des messagessur les panneaux dans les centres urbains pourinciter au port du préservatif. Des associationscomme Thomas Sankara et Mouvement pourla vie, mènent des campagnes dans les quar-tiers les paroisses, etc. Le but est de prévenirla jeunesse contre les rapports sexuels nonprotégés avec tous les risques qu’ils compor-tent en plus du sida : grossesse indésirable,MST...

Des traitements inaccessibles

S’il est difficile de mesurer les résultats detoutes ces campagnes, une chose paraît sûre,

l’épidémie progresse. Selon l’Onusida, sur unepopulation congolaise de 3 millions d’habi-tants, plus de 100 000 sont atteints du sida dont 45 000 femmes et 5 000 enfants de 0 à 15 ans. Alors qu’en 1994, on avançait lechiffre de seulement 8 000 personnes vivantavec le sida. Les médicaments « antisida » (lesrétroviraux) ne sont pas encore à la portée dessidéens congolais comme c’est le cas dans cer-tains pays africains. Le traitement qu’on trou-ve dans les centres ambulatoires de Brazzavilleet de Pointe-Noire coûte excessivement cher : 300 000 FCFA par mois (3 000 FF).

Sans espoir de traitement, beaucoup préfè-rent ne pas savoir s’ils sont porteurs ou non duvirus. De nombreux patients fuient les dispen-saires de Brazzaville où le test de dépistage estsystématique. Ils préfèrent se faire soigner dansles dispensaires de rues plutôt que dans les hôpi-taux. D’autres refusent carrément d’aller prendreles résultats des examens médicaux de peurd’apprendre qu’ils sont séropositifs. ■

Jean Valère Ngoubagoyi président de l’ONG,

Les amis du Pangolin, Congo

Des économies locales menacéespar des projets de développement !« Sous le paravent de la lutte contre la pauvreté, les éleveursde la Corne de l’Afrique pourraient se voir exclus du commercetraditionnel de l’élevage vers les pays du Golfe, pour le plusgrand bénéfice des concurrents du Groupe de Cairns. »

Par Eric Fermet-Quinet, conseiller en développement agricole

L’élevage est pour les pays de la Corne de l’Afrique une activité source dedevises fondamentales. Depuis dessiècles, les éleveurs exportent leurs

moutons, chèvres, dromadaires et bovins versles pays du golfe Arabique. Symbolique de cecommerce, le mouton « à tête noire » est unmets fort apprécié par le consommateurarabe. Les ressources de millions d’éleveursdépendent de ce commerce.

L’épidémie de fièvre qu’a connue laSomalie ces dernières années a brutalementstoppé l’exportation de viande de mouton.Les répercussions sur les revenus des éle-veurs ont été désastreuses. Ce fut l’occasionpour les concurrents néo-zélandais et aus-traliens de se placer sur le marché arabedont la demande de viande n’était pas satis-faite. Alors qu’ils étaient absents sur cemarché il y a encore quelques années, ils

détiennent aujourd’hui entre 30 et 40 % desparts. Les efforts des éleveurs de la Cornepour contourner les interdictions d’exporta-tion en faisant faire un détour de plusieursmilliers de km à leurs troupeaux ne suffirentpas à combler la perte des parts de marché.

Le mouton « à tête noire » au cœur de la guerre

commerciale

Avec la levée partielle des interdictionsd’exportations de moutons « à tête noire »,les australiens ont dû développer une autrestratégie d’attaque des marchés est-africains.Ils ont importé des souches de moutons à têtenoire pour en faire l’élevage et concurrencerdirectement la production est-africaine. Dansun commerce mondialisé, la concurrence

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SUR LE TERRAIN

entre un nomade somalien etun grand propriétaire australienpeut sembler déloyale. La véri-table lutte va se mener sur lagarantie sanitaire et la certifica-tion d’origine des animaux.

En effet, les produits de l’éle-vage est-africain doivent ré-pondre aux critères sanitairesérigés par l’OIE (Office interna-tional des épizooties). C’estl’Organisation mondiale ducommerce (OMC) qui veille aurespect de ces normes et quivérifie si le produit est en adéquation avec les exigencesdes consommateurs des paysimportateurs. La certificationd’origine et les normes sani-taires sont devenues des armescommerciales dont les produc-teurs locaux n’ont pas la maî-trise. C’est pourtant bien lemoyen qui permettrait aux pro-ducteurs du Sud de valoriserleurs produits et de rester dansla course.

Des systèmes de santé communautaires…

Or, des agences de développement propo-sent depuis plusieurs années des finance-ments pour créer des systèmes de « santécommunautaire » et pour former desagents : les fameux « médecins » ou « vété-rinaires aux pieds nus ». Les agents qu’ellesforment sont, pour la plupart, analphabèteset insuffisamment formés, laissant de ce faitlibre cours à de multiples dérives (charlata-nisme, automédication, exercice illégal…).Comme conséquence, les produits du sec-teur primaire ne peuvent décemment passatisfaire les exigences des critères interna-tionaux. Et de ce fait, l’humanitaire influesur le marché par le biais de ces projets quidévalorisent les produits locaux au profitdes producteurs du Nord qui bénéficient dela protection des normes sanitaires recon-nues par l’OMS, l’OMC, l’OIE…

Or, certaines ONG occidentales chargéesde mettre en œuvre ces systèmes commu-nautaires, essentiellement celles qui sont financées par les États membres duCommonwealth (dont font partie l’Australieet la Nouvelle-Zélande), essayent deconvaincre les pays est-africains de ne pas

rentrer dans le système de normalisationinternationale.

En légiférant et en institutionnalisant cespratiques douteuses de « pseudo-agents sani-taires communautaires », soit-disant « adap-tées aux conditions des éleveurs et consom-mateurs des pays pauvres », le modèle sani-taire mis en place restera incompatible avecles normes recommandées par les grandesinstitutions internationales. Cet état deschoses fait le jeu des pays concurrents,essentiellement les pays du Groupe deCairns1.

… qui font le jeu des paysdéveloppés

Cela dépasse le simple cas du mouton « àtête noire » et de la concurrence extérieuresur ce produit. L’installation durable d’unsous-système vétérinaire et sanitaire priveradurablement, voire définitivement, ces paysde la moindre chance de maîtriser leur déve-loppement sanitaire, et surtout de l’accès auxmarchés mondiaux pour l’exportation deleurs produits agricoles encore compétitifs.L’exclusion des pays pauvres du marchéinternational sera inéluctable et ce, au béné-fice des pays riches, qui possèdent déjà d’un

système sanitaire conforme. Les quelquesmarchés africains qui résistent un tant soitpeu à la concurrence extérieure seront viteramenés à un état de dépendance.

Ces projets financés par l’aide au déve-loppement, sous couvert de lutter contre lapauvreté, desservent les bénéficiaires etamoindrissent le peu d’armes qui restentaux pays du Sud. Heureusement aucun paysn’a pour l’instant modifié sa législationdans le sens souhaité par l’aide « humani-taire ». Mais ces débats et influences son-nantes et trébuchantes retardent d’autantl’application des normes vétérinaires etsanitaires internationales qui leur permet-traient de rester dans la « course » du com-merce international et pourraient bien s’avé-rer désastreux pour l’avenir. ■

1 Le Groupe de Cairns se compose de 17 pays : Afrique duSud, Argentine, Australie, Bolivie, Brésil, Canada, Chili,Colombie, Costa Rica, Guatémala, Indonésie, Malaisie, Nouvelle-Zélande, Paraguay, Philippines, Thaïlande, Uruguay. Ces paysagro-exportateurs sont hostiles aux subventions agricoles. Ilsconsidèrent que les politiques de soutien agricole condui-sent à une concurrence déloyale sur les marchés mondiauxet les empêchent de profiter pleinement de leurs avantagescomparatifs. Ils sont pour une libéralisation totale de l’agri-culture.

Page 9: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

9Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

Le commerce des produits agricoles est un thèmeapparu à différents niveaux dans les numérosrécents de Grain de sel : règles commerciales auniveau international, chute des prix des matières

premières sur le marché mondial, difficultés d’intégra-tion au niveau régional, difficultés sur les marchésnationaux1...

C’est aussi un thème abordé sous la forme d’un forumInternet, animé par l’Inter-Réseaux et financé par leCentre technique agricole (CTA), intitulé « Commercedes produits agricoles dans les pays Afrique, Caraïbes,Pacifique, et son rôle dans la dynamisation des écono-mies locales ».

Ce dossier de Grain de sel se fait l’écho du forum etdes différentes contributions que vous nous avez faitpartager. Ce patchwork de différents thèmes d’intérêtstratégique pour les économies locales reste tech-nique et doit faire l’objet de discussions et d’explica-tions. Le dossier est à mettre en lien avec la rubriqueNord-Sud qui suit.

Nous nous soumettons ici au difficile exercice de resti-tuer les contributions apportées au forum, en tentantde faire ressortir les thèmes abordés. Difficile exercicedu fait de la diversité et de la richesse des contribu-tions, dont nous remercions l’ensemble des auteurs.

1 Grain de sel n° 21 - Commerce agricole : un jeu de dupes ;Grain de sel n° 22 - Commerce agricole : le point de vue du terrain ;Grain de sel n° 23 - Boîte de développement.

D O S S I E R

Commerce de produits agricoleset son rôle dans la dynamisation

des économies locales

➤Éléments rassemblés par Émilie Baconnier et Anne Lothoré.

CFSI

Page 10: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

10 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

Une constante : le commerce de produitsagricoles est une activité risquée

De nombreuses contributions évoquent desproblèmes récurrents rencontrés pour lacommercialisation des produits agricoles,problèmes récurrents du fait des par-

ticularités intrinsèques à la production agricole : longue durée du processus de pro-duction, production saisonnière et de qualitéirrégulière, instabilité de l’offre et des prix,inélasticité de la demande (la demande ne variepas directement en fonction des prix : il fautbien manger !), externalités nombreuses... Etil en ressort une constante : le commerce deproduits agricoles est par nature une acti-vité risquée.

Au niveau national ou local, les approvi-sionnements sont de plus en plus difficiles àmaîtriser (périodes d’abondance ou de carenceen produits), la production est dispersée, lesdélais de livraison non respectés, le stockageest difficile ; le transport génère des coûts éle-vés, les taxes formelles et informelles aug-mentent les coûts. Le manque d’informationsur les prix et le manque de circuits fiables dedistribution sont aussi évoqués.

Des changements récents del’environnement économique et

institutionnel de l’agricultureet du commerce des produits

agricoles

De nombreuses contributions relatent desgrands changements de l’environnement éco-nomique et institutionnel qu’ont connus l’agri-culture et le commerce des produits agricoles.

Au cours du dernier siècle, l’articulationhistorique États – offices publics – paysan-neries avait fonctionné dans beaucoup de paysafricains : l’agriculture ayant souvent été consi-dérée comme le secteur d’accumulation pourle financement du développement, la gestiondes filières par l’État s’opérait souvent au détri-ment des producteurs. Cette étatisation de l’agri-culture a souvent engendré des échecs majeursen termes de production, ce qui n’a pas manquéd’alimenter l’argumentaire des agences inter-nationales qui ont peu à peu développé desoutils pour préparer les économies locales à lalibéralisation.

Aussi, dans les années 1990, le contexte aradicalement et rapidement changé : libéralisa-

tion de l’économie agricole, ouverture aux mar-chés régionaux et mondiaux, retrait de l’Étatdes secteurs productifs et démantèlement desoffices de commercialisation dans de nombreuxpays du Sud.

Le désengagement des États et la remise encause du triptyque États – offices publics – pay-sanneries s’est traduit par une modification del’accès aux différents services agricoles (sup-pression ou réduction des structures d’appui àl’agriculture : conseil technique, crédit, com-mercialisation) et les conséquences se sont rapi-dement manifestées tant au niveau de la production que de la structuration et du fonc-tionnement des filières : il y a eu une diversi-fication et une multiplication de nouveauxacteurs, et les producteurs du Sud se sont retrou-vés exposés à une concurrence croissante, notam-ment des produits importés.

D O S S I E R

« Cependant, ce pilotage par les États etla centralisation des offres permettaientl’existence de standards de productionnationaux (Daviron, 1999) à l’origine d’uneconfiguration oligopolistique des marchésmettant en concurrence les différents États-nations. Mais elle a aussi débouché surquelques “ success stories ” dès lors quel’environnement économique (infrastruc-tures et services) et parfois idéologiqueétait favorable. » Robert Hirsch, Agence française de développement,France.

« Le planteur de cacao était, avant 1995,dans une situation à la fois rassurante et peuvalorisante. Le producteur ne posait pas laquestion de savoir à qui il allait livrer soncacao et à quel prix, ce qui était du ressort dela coopérative, qui elle-même appliquait lesinstructions administratives… En juillet 1995, les règles du jeu ont changésans que les nouvelles soient préalablementexpliquées aux paysans… Économiquementtrès vulnérables, isolés, dispersés, mal for-més ou informés, les planteurs ont connu ungrand désarroi… » Alain Bernard, assistant technique du ministère desAffaires étrangères français, Cameroun.

« La restructuration des organismes de pro-

duction et de commercialisation, la libérali-

sation des marchés ont propulsé sur la scène

publique, non seulement de nouveaux acteurs,

mais aussi de nouveaux instruments de coor-

dination entre opérateurs économiques des

différentes filières.

Ce qui frappe les observateurs, c’est le foi-

sonnement des initiatives en matière d’or-

ganisations. Qu’elles soient horizontales

(entre producteurs ou opérateurs) ou ver-

ticales (entre producteurs et intermédiaires

le long d’une filière), les structures de concer-

tation et de contractualisation constituent

une des composantes du nouveau paysage

institutionnel. »

Bio Goura Soule, Lares, Laboratoire d’analyse régio-

nale et d’expertise sociale, Bénin.

L’émergence de nouveauxacteurs avec leurs stratégies

propres…

Les milieux ruraux se sont organisés, ontdéveloppé de nouvelles fonctions. Ces nou-veaux rôles ont incontestablement participé aurenforcement des capacités des acteurs (capa-cité à se regrouper, discuter, concerter, propo-ser, planifier...) et sont des atouts pour l’ave-nir, pour contribuer au développement de leurlocalité. Ces acteurs (producteurs, commer-çants, transporteurs...) ont parfois « inventé » denouvelles modalités de gestion locale, d’orga-nisations. Mais, en même temps, apparaissentdes intérêts et stratégies parfois divergents.

Entre producteurs etcommerçants, un dialogue

parfois difficile

Certaines contributions du forum soulignentqu’entre producteurs et commerçants, la conver-gence d’intérêt n’est pas automatique. Différentspoints contradictoires ressortent.

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11Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

● Stratégies de court terme du producteurversus stratégies de long terme du commer-çant-transformateur pour construire et conso-lider la filière

Le commerçant reproche au producteur dene pas s’investir assez sur la filière : le pro-

ducteur a un comportement opportuniste, decourt terme. Or, les producteurs ont de leur côtésouvent de petites plantations, et ne disposentgénéralement pas de ressources financières pourl’investissement à long terme.

● Diversification versus spécialisationDu point de vue du producteur, la diversi-

fication des productions et des sources de reve-nus est souvent vue comme un atout : le pro-ducteur raisonne souvent multi-produits,multi-activités, pour limiter les risques (mar-ché, climat...) et faire face à de multiplescontraintes (accès à la terre et aux facteurs deproduction comme les intrants, crédit, etc.).De son point de vue, la spécialisation est unrisque économique et alimentaire (ex : dépen-dance de la production cotonnière commeunique culture de rente). Du point de vue ducommerçant-transformateur, la spécialisationpar produit ou par filière peut permettre deséconomies d’échelle (des coûts de productionqui réduisent au prorata de la quantité pro-duite), et l’amortissement d’investissementsparfois importants.

D O S S I E R

« Les circuits de l’approvisionnement à la

commercialisation des produits dérivés fruits

et légumes regroupent de nombreux acteurs

qui sont : les fournisseurs de la matière pre-

mière qui sont les producteurs et/ou pro-

priétaires de vergers, les producteurs de déri-

vés ou transformateurs, les distributeurs

locaux, les associations de commercialisa-

tion, et les exportateurs (…) Il existe des

possibilités de développer la filière fruits et

légumes… par la mise en œuvre d’un cadre

de concertation dynamique entre les acteurs

de la filière. Il s’agit notamment de la mise en

place d’un système d’information sur le mar-

ché des produits dérivés, une information

faible sur les prix des matières premières et

leur disponibilité, ainsi que sur la demande et

les débouchés en produits transformés… »

Hamadé Sigue, Inera, Institut de l’environnement

et de recherches agricoles, Burkina.

CFS

I

« Ainsi ce qui se passe au Sénégal, c’est que

de gros calibres se regroupent en organisa-

tions de producteurs dites faîtières, achètent

à vil prix (par rapport au réel) la partie expor-

table selon eux de la production des diffé-

rents producteurs de sorte à avoir une quan-

tité assez substantielle, puis procèdent à

l’exportation vers la France pour le haricot,

l’Italie pour la tomate par exemple. Ce qui

fait qu’au bout du compte, les producteurs,

dans une léthargie totale, ne bénéficient qua-

siment pas du fruit de leurs efforts. »

Oumar Ly, Ancar, Agence nationale de conseil

agricole et rural, Sénégal.

Page 12: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

12 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

● Produit pour vendre versus produit pourmanger et vendre

Si les produits autoconsommés n’ont pas devaleur pour les commerçants (et pour cause :ils ne peuvent pas les vendre et se faire unemarge dessus), par contre, les produits non ven-dus autoconsommés par le producteur et safamille ont une valeur : ils constituent un reve-nu, non monétaire, certes, mais revenu agrico-le quand même (les produits autoconsommés ontune valeur !).

● La défiance entre acteursLes producteurs critiquent les pratiques usu-

raires ou déloyales de certains opérateurs de lafilière. Les commerçants dénoncent le manquede fiabilité de certains producteurs : non-res-pect des accords passés (quantité de produits,calendrier de livraison, remise en cause desprix), qualité des produits insuffisante…

Les différents acteurs dans une même filièredoivent parvenir à s’organiser. Cela s’avèrepossible puisque certaines filières comme cellede la pomme de terre ou de l’oignon y par-viennent (cf. contribution de Michaël Camara,formateur, Fédération des paysans de FoutaDjallon, Guinée).

● Risques au niveau des transactions com-merciales, un manque ou une insuffisance deprofessionnalisme des nouveaux acteurs : levolontarisme qui caractérise tous les interve-nants contraste avec le niveau de profession-nalisme dont ils peuvent se prévaloir. De nom-breux privés qui s’étaient lancés dans la collecteet la commercialisation ont vite déchanté.

● Risques sociopolitiques

« Tout autant qu’à la définition des actionset à la mobilisation des moyens nécessaires,et sans nul doute en préalable, c’est donc àl’instauration de la confiance, ou à son retour,qu’il convient de s’atteler. » Alain Bernard, assistant technique du ministère desAffaires étrangères français, Cameroun.

● Production locale versus produits importés

Si le producteur voit d’un mauvais œil lesproduits importés, par rapport auxquels il n’estpas compétitif (produits subventionnés ou del’aide alimentaire), le commerçant, lui, y voit unintérêt : les produits à bas prix importés etrevendus sur les marchés urbains fournissentdes marges substantielles...

Côté producteurs Côté commerçants

Manque de ressources financières Investissements sur le long termepour investir sur le long terme (équipements de transformation/stockage)

Intérêt pour la diversification La spécialisation permet et pluriactivité des économies d’échelle

La spécialisation est un risque

Les produits autoconsommés Seuls les produits vendusont une valeur ont une valeur

Souhaite vendre au plus fort prix Souhaite acheter au plus bas prix

« Le principal atout réside dans la motiva-tion des producteurs qui souhaitent se don-ner les moyens pour résoudre leurs pro-blèmes afin de devenir une filière viable…avec le souci de s’associer pour être plus pro-ductifs et de renforcer leur pouvoir de négo-ciation avec les commerçants et les expor-tateurs. » Magalie Cathala, DEA Essor/Prasac, France.

Des limites et des risques liés àce nouveau contexte

La déstructuration des filières « étatiques »génère des risques non maîtrisés par la plupartdes acteurs des filières.

● Risques sur la production, sur sa dura-bilité, et de façon plus aiguë sur la qualité desproduits. La baisse des rendements, l’insuffi-sance des moyens de commercialisation, lemanque d’entretien des infrastructures, l’in-suffisance de mise en valeur, l’endettement despaysans, la perte de savoir-faire etc. sont desrisques réels, déjà rencontrés par certaines filières(cf. la contribution sur la filière cacao deBernard Charlery de la Masselière, groupeMoca).

« Les petits planteurs de palmier, dont l’en-cadrement s’est singulièrement distendudepuis le retrait des sociétés publiques, uti-lisaient de plus en plus fréquemment du maté-riel végétal « tout venant », ce qui risque, àterme, de contrarier la nécessaire augmen-tation des rendements actuels… Les repre-neurs des sociétés publiques, confrontés auvieillissement des plantations ont souventaccordé la priorité à la rénovation de l’outilindustriel (huileries) avant de replanter… Lecaractère irréversible de l’ouverture sur lemonde des filières oléagineuses d’Afrique del’Ouest… fera que ses propres productions ris-quent d’être de moins en moins concurren-tielles, si un effort d’amélioration de leurcompétitivité n’est pas entrepris, là où il peutporter ses fruits rapidement. » Robert Hirsch, AFD, France.

« La gravité de la pauvreté dans certaineszones, la rapidité de la modernisation dansd’autres, l’exclusion sociale qui côtoie unerichesse majeure sont des signes d’instabi-lité notoire. » Bernard Charlery de la Masselière, groupe Moca,Cameroun.

« Cette rapide libéralisation a conduit à descoûts extrêmement élevés qui sont payéspar l’ensemble des secteurs de la productionnationale et des acteurs socio-économiques.L’agriculture a été le premier secteur a enavoir subi les effets. Elle est restée moribondeet s’est montrée de plus en plus incapable àassurer sa fonction première qui est de nour-rir la population. » Pascal Pecos Lundy, Gradec, Groupe de rechercheet d’appui au développement communautaire, Haïti.

Page 13: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

13Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

● Risques de forte dépendance : la libéra-lisation modifie complètement les standards dequalité et le mode de segmentation des mar-chés ; elle débouche sur des modes d’intégra-tion verticale renforcés, avec des formes contrac-tuelles diverses, qui peuvent certes offrir desavantages évidents en termes de stabilité, suiteau démantèlement des dispositifs antérieurs,mais qui contiennent aussi des risques de fortedépendance dès lors qu’elles ne sont pas com-pensées par des contrepouvoirs ou des régle-mentations de la concurrence.

● Risque d’apparition de géants mondiauxet rapports de forces inégalitaires limitantles marges de manœuvres locales : l’espacelaissé vacant par la déstructuration des Étatss’est traduit par la multiplication de « petits »acteurs en aval de la production, mais l’on aégalement vu apparaître des géants mondiauxaux pouvoirs de marché largement supérieursà celui de nombreux « pays producteurs ». Il ya risque d’oligopsone de quelques firmes mon-diales (sur le café ou le cacao par exemple),face à des producteurs souvent faiblement orga-nisés et dont les moyens d’information et d’ac-tion sont sans commune mesure avec ceux deleurs nouveaux partenaires commerciaux.

● Risques sur l’environnement fragilisé.

« Le secteur rizicole a été le premier à avoirpâti de l’ouverture de l’économie haïtienne.Déjà en difficulté pour répondre à l’aug-mentation de la demande interne, il a étépoussé au delà de ses limites suite à l’abais-sement des barrières tarifaires et douanières,situation à laquelle il n’était pas préparé. Cequi laisse voir le degré d’opportunisme aveclequel les pouvoirs publics ont mis en placeces mesures qui ont conduit à la fois à uneconcurrence accrue et déloyale du riz sub-ventionné américain, la marginalisation etla perte de compétitivité de la riziculturehaïtienne. » Pascal Pecos Lundy, Gradec, Groupe de rechercheet d’appui au développement communautaire, Haïti.

Des besoins, certains récurrents,certains nouveaux

● Besoins en infrastructures de commer-cialisation : nécessaire amélioration des infra-structures de transport pour limiter la disper-sion de la production et favoriser l’écoulementde la production, mise en place de lieux et techniques de stockage ;

● Besoins en ressources financières : détaxede l’achat de matériels agricoles, des intrants ;besoins d’un accès facilité au crédit ; constitu-tion de fonds de commercialisation pour contour-ner les usuriers et éviter le bradage des récoltes… ;

« Il existe des structures modernes de stoc-kage, il s’agit de magasins construits en semi-dur, équipés de claies et d’une aération assu-rant une durée de conservation supérieure.Leur coût élevé représente un obstacle pourles petits producteurs. » Magalie Cathala, DEA Essor/Prasac, France.

« Un problème crucial est désormais le finan-cement de l’activité de production à partir desrecettes de commercialisation. Les réseauxde caisses villageoises décentralisées se sontcréés, mais restent géographiquement limi-tés, et la grande majorité des crédits neconcerne pas l’investissement productif. »Alain Bernard, assistant technique du ministère desAffaires étrangères français, Cameroun.

● Besoins de protections et de subven-tions : les mesures prises par rapport à l’im-portation sont très insuffisantes. Certaines impor-tateurs arrivent toujours à contourner la régle-mentation mise en place. Mais une volontépolitique de la part de l’État pour la protectiondes filières permettrait d’éviter un risque dedisparition de certaines cultures en faveur descultures de diversification que les paysans développent actuellement pour leur survie.

« Les barrières non tarifaires ne sont pas lesseuls obstacles, mais elles contribuent effec-tivement dans le cas de São Tomé e Príncipeà rendre plus difficile le développement desexportations et donc, par voie de consé-quence, le développement de certaines acti-vités qui ne seraient pas viables en interne compte tenu de la faible dimension du mar-ché local. » Frédéric Kilcher, ONG Nuova Fronteira et Jean-MarieKamls, Cirad-Tera, São Tomé e Príncipe.

● Besoins de renforcement des capacitéshumaines : capacités des OP pour les nouvellesfonctions qu’elles assument (stockage, com-mercialisation, exportation) ; capacités des trans-formateurs (maîtrise des techniques de trans-formation et de conservation) ; capacités pourla gestion de l’épargne-crédit et la gestion desproduits agricoles pour mieux valoriser les pro-duits et une meilleure prise en compte de l’amor-tissement des investissements pour la pérenni-té des filières... ;

● Besoin de cadres de concertation, de réor-ganisation entre acteurs : besoin de mise enoeuvre de cadres de concertation dynamiquesentre les nombreux acteurs de la filière (avecnotamment la mise en place de systèmes d’in-formation sur les marchés), pour formaliser lesrelations entre les différents acteurs, pour réduire les risques de détournements, et pourlimiter le pouvoir des mégafirmes dont les inté-rêts dépassent les priorités nationales. Ces cadresde concertation assureraient efficacement la défense des intérêts des producteurs et des« petits » acteurs de la filière. ➤

CFSI

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14 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

Quelles perspectives ?

Des contributions ont mis l’accent sur lesrelations de conflit d’intérêt entre les producteurset les autres acteurs de filières. Le commerçanta tendance à raisonner « produit ». Le produc-teur est attaché à son territoire et à sa survie...Pourtant, n’y a-t-il pas de stratégies « gagnant-gagnant » possibles ?

Certains auteurs ont tenté de mettre en avantdes esquisses de solutions propres à la situa-tion de leur pays et d’autres qui pourraient êtregénéralisables.

Au niveau local, la commercialisation de pro-duits agricoles n’est que l’un des aspects desactivités des ruraux, et l’agriculture peut n’oc-cuper qu’une place réduite dans leurs revenus.Face à la détérioration de leurs revenus moné-taires agricoles, les producteurs ne sont pasincités à la production pour la vente et sontpoussés vers des stratégies de repli de la pro-duction pour la seule autoconsommation, lasécurité alimentaire, le renouvellement de laforce de travail, le maintien en zone rurale... Ilspeuvent être poussés à développer des straté-gies en dehors de l’agriculture. Néanmoins,l’agriculture contribue à créer de l’emploi ruralpar les activités amont et aval qui lui sont liées

(transformation des produits, valorisation dessavoir-faire locaux) mais aussi par la gestion, ledéveloppement et la mobilisation des ressourcesterritoriales auxquelles elle contribue directementet qui peuvent être le support d’activités nou-velles... Le milieu rural conserve une fonctiond’accueil et de « filet de sécurité » dans les stra-tégies familiales. Il faut donc faire en sorte detrouver les solutions adéquates.

Plusieurs auteurs proposent des éléments deréflexion afin de mettre en place un cercle ver-tueux de développement à partir du commercedes produits agricoles. Voici quelques exemples

« Une complémentarité peut être trouvée etcombler le vide créé par le désengagement desÉtats et la privatisation des entreprises publiques.Cette collaboration existe déjà dans l’hévéacul-ture et des financements extérieurs ont mêmeété mis en place pour la renforcer. Mais il faudraque les associations professionnelles de producteursdépassent leurs revendications immédiates pourde meilleurs prix et esquissent, avec les indus-triels, les pouvoirs publics… et les bailleurs defonds intéressés, les contours de ces filières oléa-gineuses à l’horizon 2020. Mais pour l’heure, ilfaut reconnaître que la marche vers ce nouveaupartage des tâches et des responsabilités risqued’être longue. » Robert Hirsch, AFD

« La commercialisation de la production localevaut mieux que tout discours sur l’aide au déve-loppement. » Joackim Saizonou, Agri-culture, Bénin.

« Il apparaît qu’il faut intervenir à tous les niveauxen même temps, sinon les efforts fournis d’un côtépourraient fort bien être voués à l’échec par lemanque de résolution des autres aspects. » FrédéricKilcher, ONG Nuova Fronteira et Jean-Marie Kamls, Cirad-Tera, São Tomé e Príncipe.

Quid du forum électronique ?

Ce forum n’a pas été le lieu d’expression de tous les acteurs de la commercialisation et le courtdélai pour réaliser ce forum Internet fait ressortir certaines lacunes. En effet, certaines théma-tiques clés comme la question du crédit, du stockage ou encore de la protection sont très peuabordées. Cela restera un regret de ce forum riche en enseignements tant sur la thématique trai-tée que sur la méthodologie que nous avons employée pour le réaliser. Ce forum peut paraîtresuccinct et de nombreux problèmes restent inabordés, mais il a le mérite d’avoir permis auxcontributeurs de s’être exprimés librement. Les nouvelles technologies de l’information et de lacommunication (NTIC) se sont révélées ici comme un outil intéressant de palabre électroniquepour mettre en avant les questions que les gens se posent. Mais cet outil révèle un manque pourinciter les personnes à participer. Une rencontre physique entre les personnes intéressées seraitpeut-être une solution pour relancer le débat. Nous laissons cette question à votre appréciationet allons lancer de notre côté une évaluation sur la méthodologie utilisée pour ce forum.

de solutions esquissées pour que le commercedes produits agricoles soit véritablement unfacteur de dynamisation des économies locales.

Le commerce par lui-même peut-il dynami-ser les économies locales si l’État ne joue pasun rôle d’arbitre, de sécurisation de l’environ-nement de la production à travers de politiquesagricoles? Sécurité alimentaire, souverainetéalimentaire et viabilité des zones rurales sontintimement liées... Quels rôles chacun desacteurs doit-il jouer ? Quels défis et leçons àtirer après l’expérience de Cancún ? ■

● De nouvelles stratégies« L’économie des petits producteurs ruraux d’Afrique évolue. Face à la constante augmentation de leursbesoins financiers, ils doivent pouvoir générer des recettes croissantes et sécurisées. Dans le contexte actueld’une aide au développement toujours limitée dans le temps et qui insiste sur l’autonomie financière desstructures promues, le CIDR a alors formulé une nouvelle hypothèse d’intervention, basée sur la créationd’entreprises de services viables aptes à sécuriser l’amont et l’aval de la production et à assurer l’interfacecommerciale entre des agriculteurs organisés et le marché. » Michel Pernot du Breuil, CIDR, Centre international de développement et de recherche, France.

« Créer des marchés relais…, équiper les zones de production de structures de stockage…, appuyer les com-merçants qui sont en fait les collaborateurs rapprochés des producteurs sur les aspects organisationnels etfinanciers…, mettre en place un cadre juridique de coordination et de suivi… » Magalie Cathala, DEA Essor/Prasac, France.

● Des protections« Que faire relever les prix ?…La boîte de développement pourrait fournir à Haïti une opportunité, garantiedans le cadre des règles commerciales internationales, d’adopter une stratégie alternative de protection dela production interne de riz, afin d’assurer des prix de vente supérieurs aux producteurs et de garantir leniveau de vie dans les zones rurales… » Pascal Pecos Lundy, Gradec, Groupe de recherche et d’appui au développement communautaire, Haïti.

● Une diversification« Compte tenu de l’instabilité des productions agricoles au Niger, il est hautement recommandable de déve-lopper la culture de manioc, ce qui reste d’ailleurs facile dans la pratique… » Moustapha Aboubakar, Redes Réseau d’expertises en développement économique et social, Niger.

● Des formations« Des programmes intégrés de vulgarisation agricole, de formation et suivi des organisations de producteurs,d’aide à l’introduction de technologies adaptés pour la transformation des produits, et ce, de préférence dansle cadre d’une contractualisation avec les acheteurs, de préférence sur une base équitable. » Frédéric Kilcher, ONG Nuova Fronteira et Jean-Marie Kamls, Cirad-Tera, São Tomé e Príncipe.

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15Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

« Commerce des produits agricoles dans les pays Afrique, Caraïbes, Pacifique, et son rôle dans la dynamisation des économies locales »

Forum Internet Inter-Réseaux–CTA

Des informations ont été fournies sous formede fiches de présentation pour alimenter les débats.Deux grands points été abordés :

- les moyens pour améliorer la commerciali-sation des produits agricoles ;

- la valorisation des exportations de produits agricoles.

Résumé des fiches pour alimenter les débats

1) Trouver les moyens de sortir de l’impasse

● Les agricultures paysannes des pays ACPsont condamnées à la pauvreté

Les agricultures paysannes d’Afrique ne sontplus compétitives sur leur propre marché natio-nal (F1) du fait, entre autres, de leur faible pro-ductivité (F2), et de la concurrence déloyale desimportations d’excédents, à des prix subven-tionnés par les pays développés (F3).

Les prix agricoles trop bas ne permettent pasaux paysans de survivre, avec comme consé-quence l’appauvrissement de centaines de mil-lions de paysans, l’exode et le gonflement desbidonvilles (F4).

● Les agricultures des pays développés sontsubventionnées

Le protectionnisme vert (subventions agricoleseuropéennes et américaines) est dénoncé (F5).

La politique agricole européenne (PAC), fon-dée dans les années 1960 sur un système de sou-tien des prix (sur le marché intérieur et à l’ex-portation), se traduit par des excédents à partirde 1970. Ces excédents ont conduit à une réfor-me de la PAC en 1992, puis en 1999, pour dimi-nuer ces soutiens. Mais les excédents n’ont pasdisparu pour autant du fait de la mise en placed’aides directes aux agriculteurs au titre de la

protection de l’environnement ou du dévelop-pement rural (F6).

La politique agricole des États-Unis, mise enplace en 1973 pour stimuler la production (pourrépondre à la demande mondiale et réduire ledéficit extérieur), est modifiée en 1996 par leFair Act qui vise à donner un plus grand rôle aumarché. Le Fair Act se traduit par l’équivalentd’un système de soutien par les prix, soit par lebiais des «marketing loans» (prêts à la com-mercialisation), soit par celui des subventionsou crédits à l’exportation, ou même via l’aidealimentaire (F7).

● Ce que réclament les pays en développement(PED)

Plusieurs PED ont réclamé en 2000, sous formed’une « boîte développement », la possibilité deprotéger leurs agricultures paysannes en élevantles barrières douanières et la suppression de touteforme de subvention à l’exportation des excé-dents agricoles des pays développés (F8).

Les pays de l’Uemoa ont également présentéen 2002 une position commune pour les prochaines négociations agricoles de l’OMC àCancún en 2003 (F9).

Il faut néanmoins savoir que dans le cadre desprogrammes d’ajustement structurel (PAS), denombreux PED se sont engagés à réduire forte-ment leurs barrières tarifaires et ont maintenuleurs taxations à l’importation à des niveaux trèsbas pour continuer à bénéficier des aides bud-gétaires découlant de ces PAS (F10).

De plus, quand bien même ils pourraient adop-ter des niveaux de taxation plus élevés, nom-breux PED préfèrent les conserver à un bas niveaupour permettre une alimentation à bas prix despopulations urbaines, au détriment des paysanset de la production agricole nationale (F11).

Enfin, il est rappelé que «les pays riches ne se

sont pas développés sur les réformes qu’ils pres-crivent aujourd’hui : presque tous ont usé de pro-tections et de subventions pour favoriser la crois-sance de leurs industries» (F12).

2) Mieux valoriser les exportations agricoles

● La crise des matières premières agricolestropicales…

Dans la plupart des PED, les revenus d’ex-portation dépendent en grande partie des matièrespremières. Ces dernières générent les devisesétrangères nécessaires à l’importation de pro-duits de première nécessité. Or, les prix inter-nationaux des matières premières ne cessent dedécliner et les pertes qui en découlent sonténormes. S’y ajoute une extrême instabilité desprix qui empêche toute prévision des revenuset donc toute programmation des investisse-ments au niveau des États. Cette instabilité affec-te également la capacité des pays très endettésà assurer régulièrement le service de leur dette.Les prix internationaux dérisoires affectent aussiles familles dont l’essentiel des revenus moné-taires provient de la production et de la ventedes matières premières (F14).

● ... dont l’une des causes profondes est une surcapacité structurelle de production

Les prix sur le marché des matières premièresagricoles reflètent les conditions de l’offre et dela demande. Avec la progression de la producti-vité, les excédents de l’offre par rapport à lademande se traduisent par des stocks plus impor-tants, qui, à leur tour, font baisser les prix (F15).

● Le démantèlement des offices de commer-cialisation

Les programmes d’ajustement du FMI et de la Banque mondiale ont conduit au démantèle-

Déroulement du forum InternetLe forum s’est déroulé d’avril 2003 à juillet 2003. Trente quatre contributions et documents ont été publiés.

Nous remercions tous les contributeurs.

Par Guy Petitpierre

Éléments pour alimenter les débats

Page 16: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

16 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

ment des offices nationaux de commercialisation. Cette libéralisation a échoué, car elle ne s’est pasaccompagnée d’une stratégie de développementpermettant le maintien des aspects les plus posi-tifs de ces offices de commercialisation. Totalementabandonnés par les pouvoirs publics, les petitsagriculteurs sont devenus les acteurs les plusdéfavorisés et les plus mal protégés sur les mar-chés mondiaux (F17).

● L’effondrement des accords internationauxsur les matières premières

Les accord internationaux sur les matières pre-mières, mis en place en 1976 sous les auspicesde la Cnuced, visaient à assurer des prix rému-nérateurs et stables, tout en tenant compte desintérêts des pays consommateurs. À la fin desannées 1980, tous étaient tombés en désuétude etleur fonction de stabilisation des prix avait étécomplètement perdue de vue.

Les gouvernements des pays industrialisésaffirment que l’échec de ces accords sur lesmatières premières plaide en faveur du libre-échange. Néanmoins le libre-échange engendrel’instabilité et la pauvreté à l’échelle mondiale.Des problèmes de fonds ne sont toujours pasrésolus pour aider les producteurs à faire face àla baisse des prix (F18).

● L’impact de l’Accord agricole sur les condi-tions d’accès aux marchés des pays développésest resté globalement décevant

L’Accord agricole a entraîné des réductionstarifaires à l’entrée des pays développés, maisleur impact est limité. D’importantes restrictionsen matières d’accès subsistent et les mesuressanitaires et phytosanitaires, ainsi que les obs-tacles techniques au commerce mettent souventles PED en difficulté. L’instabilité des prix sur lesmarchés mondiaux n’a pas diminué, ni l’instabilité

structurelle des marchés agricoles, faisant del’agriculture un secteur d’activité spécifique(F13).

● La valeur ajoutée de la transformation restedans les pays industrialisés : cas du cacao et du café

La plupart des matières premières sont expor-tées non transformées par les PED, ce qui favo-rise le transfert de la valeur ajoutée de la trans-formation des pays pauvres vers les pays riches.Il s’ensuit que si la faiblesse des cours interna-tionaux ruine les communautés les plus dému-nies, les consommateurs n’en profitent nulle-ment. Au cœur du pire effondrement des marchésde matières premières depuis cinquante ans, lesprix à la consommation n’ont cessé d’augmen-ter. Dans le même temps, la part de revenus despetits agriculteurs ne cesse de décroître. Cetterépartition de moins en moins équitable conduità un transfert de ressources insupportable, desplus pauvres vers les plus riches (F16). ■

Céréales● Les céréales au Niger : de la production à la commercialisation / Moustapha

Aboudakar, 2003. ● Le commerce des céréales et l’accès au marché européen / Oumar Ly, 2003. ● Périmètres irrigués rizicoles au Niger : d’une gestion étatique à une gestion

paysanne, un transfert difficile ! / Nouhou Bassirou, 2003.● Le secteur rizicole haïtien : de la nécessité d’un minimum de protection / Lundy

Pascal Pecos, 2003. ● La culture du riz dans la vallée du fleuve Sénégal / Cisse Peinda Gueye, 2003. ● La riziculture au Niger, une filière sacrifiée ! / Moussa Ayouba, 2003. ● Le riz : marché national, approvisionnement urbain, marché régional, concurrence

des importations / Augustin Wambo Yamdjeu, 2003. ● Contribution à l’analyse de la filière riz dans la vallée du fleuve Sénégal / Guy Petitpierre,

Laurent Lhopitallier, Atelier Riz / Sénégal, Saint-Louis, 2003.● La riziculture au Sénégal, contraintes et perspectives / Ousmane Gaye, 2003. ● Programme d’appui à la sécurité alimentaire : suivi des importations / Bulletin 50

Lansana Bayo, 2003. ● Présentation de la filière rizicole de la Guinée / Lansana Bayo, 2003. ● Riz, étude de cas : recherche dans les bas-fonds / Saizonou Joachim, 2003. ● Le riz local n’est connu que localement au Bénin / Saizonou Joachim, 2003.

Autres produits● Commerce des produits agricoles dans les pays ACP et son rôle dans la dynamisa-

tion des économies locales : cas du Bénin / Appolinaire Belou, 2003. ● Le marché du lait et produits laitiers au Sénégal / Ba Diao M, 2003. ● Libéralisation de la commercialisation d’un produit de base : conséquences et pers-

pectives, Le cas du cacao au Cameroun / Bernard Alain, 2003. ● Le commerce des produits agricoles dans les pays ACP et son rôle dans la dynami-

sation des économies locales : le cas de la filière fruits et légumes dans l’ouest duBurkina / Hamadé Sigue, 2003.

● Acteurs, qualité et territoire à l’épreuve de la libéralisation de la filière / BernardCharlery de la Masselière, 2003.

● L’oignon camerounais, une filière fragile qui se développe / Yaya Maldangoï, NoéWoin, Magalie Cathala, 2003.

● L’ Uemoa et les perspectives de création d’un marché régional des corps gras enAfrique de l’Ouest / Robert Hirsch, 2003.

● Les filières oléagineuses d’Afrique de l’Ouest : quelles perspectives face à l’intégra-tion et à la mondialisation ? / Robert Hirsch, 2003.

● La « belle de Guinée » dit non au protectionnisme / Abdoulaye Diallo, 2003.

Généralités● Commercialisation des produits agricoles et impacts socio-économiques dans les

pays africains et Caraïbes / Paul Dovonou , 2003. ● Principaux obstacles rencontrés pour l’accès des produits agroalimentaires aux mar-

chés mondiaux : le cas de São Tomé e Príncipe / Frédéric Kilcher, Jean-Marie Kalms,2003.

● Commerce des produits agricoles au Mali et leurs rôles dans la dynamisation deséconomies locales / Moussa Yacouba Maïga, 2003.

● Subventions agricoles, systèmes de santé publique ou communautaire... et luttecontre la pauvreté : attention aux manipulations ! / Eric Fermet-Quinet, 2003.

● Un nouveau mode d’accès au marché, plus sécurisant et rémunérateur pour lespetits producteurs / Michel Pernot du Breuil, 2003.

● Commerce des produits agricoles et lutte contre la pauvreté au Bénin : le poids descontingences institutionnelles / Mathieu Houinato, 2003.

● Le nouveau cycle de négociations agricoles à l’OMC et les perspectives pour les paysde l’est et du sud de la Méditerranée / Pr Najib Akesbi, 2003.

● Concurrence des importations : réponse à la Fiche riz n°4 / J. Berthelot, 2003. ● Effondrement des accords internationaux sur les matières premières : réponse à la

fiche n°18 / J. Berthelot, 2003. ● Le déclin du commerce des matières premières et son impact sur la pauvreté :

réponse à l’article fiche n°14 / J. Berthelot, 2003. ● Les subventions des produits agricoles tuent tous les efforts de développement /

J. Berthelot, 2003.● Impact de l’Accord agricole sur les conditions d’accès aux marchés des pays déve-

loppés : réponse à l’article fiche n°13 / J. Berthelot, 2003.

Liste des contributions et documents apportés au forum

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17Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

F1 - Commerce international des produits agricoles et son impact sur les exploi-tations agricoles familiales africaines. Forum européen sur la coopération audéveloppement rural. Montpellier, 3-6/09/2002.

F2 - Inégalités agricoles et pauvreté paysanne de masse. - Extraits de « Protégerla paysannerie pauvre dans un contexte de mondialisation » présenté parMarcel Mazoyer, sommet de la FAO, Rome, juin 2002.

F3 - Les raisons très actuelles de l’appauvrissement extrême de centaines de mil-lions de paysannes et de paysans. - Extraits de « Protéger la paysannerie pauvredans un contexte de mondialisation » présenté par Marcel Mazoyer, sommetde la FAO, Rome, juin 2002.

F4 - Les causes de la faim. Editorial du journal Le Monde, 15 juin 2002. F5 - Protectionnisme vert. Editorial du journal Le Monde, 31 août 2002. F6 - La Politique agricole commune (PAC). Extrait de « Les agricultures du Sud

et l’OMC », Fiches de Solagral, mars 2001. F7 - La politique agricole des États-Unis. Extrait de « Les agricultures du Sud et

l’OMC », Fiches de Solagral, mars 2001. F8 - La proposition de « boîte développement ». Extrait « L’agriculture au-delà du

commerce », Synthèse de la conférence internationale, Solagral, janvier 2002. F9 - La proposition de l’Uemoa. Extraits de « Volatiles de l’Agriculture », n12. -

Solagral, janvier 2003. F10 - Le rôle et la conditionnalité des prêts consentis par le FMI. Extraits de « Deux

poids, deux mesures : commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté »,rapport Oxfam, ch.5, 2002.

F11 - Les conséquences de l’Accord agricole sur la politique agricole des pays ACP.Extrait de « Les agricultures du Sud et l’OMC », Fiche 4, Solagral, mars 2001.

F12 - « Il n’existe pas une bonne politique pour le développement ». Article du Pr. Ha-Joo Chang, paru dans le journal Le Monde, 9 juillet

F13 - Impact de l’Accord agricole sur les conditions d’accès aux marchés des paysdéveloppés. Extrait de « Les agricultures du Sud et l’OMC », Fiches deSolagral, mars 2001.

F14 - Le déclin du commerce des matières premières et son impact sur la pau-vreté. Extrait de « Deux poids, deux mesures : commerce, globalisation etlutte contre la pauvreté », rapport d’Oxfam, Ch. 6, 2002.

F15 - La cause profonde de la faiblesse des cours des matières premières : une sur-capacité structurelle de production. Extrait de « Deux poids, deux mesures :commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté », rapport d’Oxfam, Ch. 6, 2002.

F16 - La valeur ajoutée de la transformation des matières premières reste dans lespays industrialisés : le cas du cacao et du café. Extrait de « Deux poids, deuxmesures : commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté », rapportd’Oxfam, Ch. 6, 2002.

F17 - La libéralisation des bureaux de commercialisation. Extrait de « Deux poids,deux mesures : commerce, globalisation et lutte contre la pauvreté », rapportd’Oxfam, Ch. 6, 2002.

F18 - L’effondrement des accords internationaux sur les matières premières. Extraitde « Deux poids, deux mesures : commerce, globalisation et lutte contre lapauvreté », rapport d’Oxfam, Ch. 6, 2002.

La riziculture au Niger, une filière sacrifiée !Le « miracle nigérien »

en riziculture

Le Niger est un pays sahélien où le secteurrural occupe une place dominante. La majorité dela population est rurale. Le pays est l’un des pluspauvres de la planète avec un PIB par habitant infé-rieur à 200 dollars US.

Au cours des années 1980, d’importants inves-tissements ont été réalisés en matière d’aména-gements hydro-agricoles. Près de 8000 ha depérimètres irrigués rizicoles ont été réalisés lelong du fleuve Niger. Environ 400 exploitantsse sont organisés en coopérative pour gérer lepérimètre en assurant l’approvisionnement enintrants, la gestion hydraulique, la commercia-lisation ainsi que la gestion financière. L’Officenational des aménagements hydro-agricoles(Onaha) assurait l’appui à la mise en valeur et l’entretien des ouvrages hydrauliques. La pro-duction sur ces périmètres était de 5 tonnes parhectare avec deux campagnes par an. Il était ainsipossible de produire 10 tonnes par hectare chaqueannée. Les performances de la riziculture étaienttelles que le pays recevait régulièrement des visi-teurs d’autres pays de la sous-région pour consta-

ter le « miracle nigérien ». La production natio-nale bénéficiait d’une légère protection, en rai-son d’un manque de compétitivité au niveau del’usinage. Le paddy ainsi que le produit trans-formé par les minirizeries étaient largement com-pétitifs face au riz importé. La production natio-nale couvrait près de 45 % des besoins nationauxen riz assurant de substantielles économies dedevises au pays. L’économie locale était relati-vement dynamique et l’exode rural limité.

Un retournement de situationsuite à la mise en place des PAS

Avec la mise en œuvre des politiques d’ajus-tement structurel (PAS) au milieu des années1980, le pays a été amené par les bailleurs à abandonner la construction des aménagementshydro-agricoles. Le pays aussi n’a malheureu-sement pas su prendre les mesures politiques etinstitutionnelles nécessaires au renforcement etau développement de la filière. Après le désen-gagement des bailleurs internationaux, aucuneffort n’a été fourni pour réaliser de nouveauxaménagements. Les mesures de protection de lafilière ont été levées, l’aide alimentaire interna-

tionale fut déversée sur le marché sans discer-nement et les subventions aux intrants, notam-ment les engrais furent supprimés. L’Onaha avu sa subvention diminuer de façon drastique,l’amenant à licencier une bonne partie de sonpersonnel d’encadrement. L’autogestion a étéinstituée sans préparation préalable et les res-ponsables paysans ont vu leurs responsabilités,et surtout leurs charges, croître sans que desmesures d’accompagnement adéquates n’aientété prises.

Des politiques agricoles poursortir de l’insécurité alimentaire

Les conséquences de ces mesures antisocialeset contre-productives ont été immédiates. Baissedes rendements, insuffisance des moyens de com-mercialisation, manque d’entretien des infra-structures, insuffisance de mise en valeur, endet-tement des paysans, etc. Autant de problèmesqui indiquent le désarroi des producteurs.

Les besoins de consommation augmentantchaque année sous les effets de la croissancedémographique, la demande nationale en riz croîtrégulièrement alors que l’offre décline. Le pays

Liste des fiches pour alimenter le débat

Page 18: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

18 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

est obligé de consacrer une part importante de ses devises à l’importation du riz parce quel’aide alimentaire reçue est à la fois irrégulièreet insuffisante. La dépendance alimentaire dupays augmente ainsi d’année en année aggra-vant l’insécurité alimentaire et la précarité éco-nomique des ménages pauvres.

L’heure est maintenant à la promotion du sec-teur privé pour sortir l’agriculture du marasme.

Dans un pays pauvre où la population est à majo-rité rurale, la promotion du secteur privé impliquedes efforts importants et constants dans plusieursdomaines : formation, accès aux financements,subvention des investissements structurants,connaissance des marchés, professionnalisationetc. Cela implique aussi des politiques agricolesfondées sur une approche participative et trans-parente, assurant la participation des agriculteurs

et de leurs organisations dans leur définition et leurmise en œuvre.

Au niveau international également, il convien-drait de faire le choix de politiques qui privilégientles intérêts des pauvres afin de réduire leur misère à défaut de leur permettre d’accéder à unniveau de vie décent. ■

Moussa Ayouba, agronomeNiger, avril 2003

Culture et commercialisation du riz au Sénégal

Les problèmes liés à lalibéralisation au niveau national

La culture du riz a démarré au Sénégal dansles années 1950, dans la vallée du fleuve Sénégalavec de grandes sociétés dotées de beaucoup demoyens et d’équipements. Lors de la libéralisa-tion de la filière, les paysans ont eu des difficul-tés du fait du faible niveau organisationnel, dumanque de maîtrise du système de gestion, sur-tout par la faiblesse des moyens pour faire faceaux difficultés d’une gestion complexe de cettefilière.

La libéralisation brutale de la filière riz a per-mis à des prestataires de services privés de sepositionner pour prendre la relève de la Sociétéd’aménagement et d’exploitation des terres duDelta (Saed) pour la transformation et la com-mercialisation du riz local. C’est ainsi que desopérateurs privés ayant bénéficié de finance-ments de projets de l’État, tel que le fonds de

promotion économique (FPE), ont installé desminirizeries venues gonfler la masse des décor-tiqueuses artisanales installées dans presque tousles villages du Delta.

Faute de professionnalisme et de fonds de rou-lement, les privés qui se sont lancés dans la col-lecte et la commercialisation ont vite déchanté.La plupart des grandes organisations paysannesse sont substituées aux privés pour transformeret commercialiser leur propre production. LaFédération des périmètres autogérés (FPA) abénéficié de l’appui de la Saed qui a mis à sadisposition l’une des deux grandes rizeries de larégion pour transformer le paddy pour le rem-boursement du crédit octroyé par la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (CNCAS).Les petits producteurs continuent à utiliser lesdécortiqueuses artisanales et d’autres louent lesservices des prestataires de services. Les rizeriesrestent encore fonctionnelles grâce aux presta-tions de service.

Les problèmes liés à l’extérieur :le riz sénégalais n’est pas

concurrentiel

La commercialisation du riz local constituetoujours un véritable casse-tête à chaque cam-pagne à cause de la concurrence déloyale dessous-produits de riz provenant des pays asiatiquesimportés à volonté. De plus de 400 000 tonnesen 1995, les importations sont passées à plus de650 000 tonnes depuis 1999 et ne cessent de grim-per depuis la disparition de la Caisse de péré-quation et la libéralisation totale de la filière riz en1996. Il arrive régulièrement que la commercia-lisation du riz local soit complètement bloquée(exemple des campagnes 1995-96 et 1996-97).

Les principales difficultés constatées pour lacommercialisation sont :

● mauvaise séparation des différents calibresau décorticage ;

● mélange de plusieurs variétés au décor-ticage ;

● très mauvaise qualité de l’emballage ;● absence de marketing ;● irrégularité et non disponibilité des stocks

au niveau des marchés des grandes villes ;● endettement chronique des paysans à cause

du non-remboursement des crédits de campagnesfaute d’écoulement du produit ;

● manque de professionnalisme des principauxacteurs de la filière.

Des dynamiques en cours auniveau de la production et de la

commercialisation

Au niveau de la productionDepuis 1998, une nouvelle dynamique a été

entreprise par les paysans avec :● l’utilisation de semence certifiée de nouvelles

variétés ;● l’application d’un nouveau paquet technique ;

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Page 19: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

19Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

● une amélioration de la transformation ;● et la création d’un cadre de concertation entre

acteurs.

Ces mesures ont permis une augmentation desrendements et la production d’un riz de meilleu-re qualité.

Au niveau de la commercialisationEn ce qui concerne la commercialisation, plu-

sieurs solutions ont été tentées. Par exemple, en2000, la Fédération des groupements fémininsdu Sénégal s’était engagée à commercialiser leriz local, mais les résultats escomptés étaient loind’être atteints. En 2001, des producteurs et destransformateurs organisés avec l’appui de la Saedet de la CNCAS n’ont pas non plus changé ladonne, malgré l’application des recommanda-tions issues de cette réunion. Quant aux com-merçants, ils n’ont pas joué le jeu malgré leuradhésion au Ciriz (cadre de concertation). Ilspréfèrent l’importation grâce aux marges béné-ficiaires qu’ils en tirent. De toute façon, ils n’ontpas les mêmes intérêts que les producteurs. Unesolution durable au problème n’est toujours pastrouvée. La baisse du prix des engrais lors de lacampagne 2000-2001 avait juste permis une bais-se du prix du produit fini. Mais l’application dela TVA depuis 2001-2002 vient encore compli-quer le problème.

Des problèmes de goût ou dechoix politiques ?

Il faudrait essayer de chercher pourquoi le rizlocal n’est pas aimé par les populations des villeset particulièrement des Dakarois. Il faut entre-prendre une campagne médiatique pour faire unbon marketing du riz local. Certains disent qu’iln’est pas bien connu ou qu’il n’est pas dispo-nible sur le marché, à Dakar et dans d’autresrégions. La TC 10 (nouvelle variété d’originetaiwanaise) commence à percer sur le marchéde Dakar grâce à son emballage et à l’appui dela Chine apporté aux producteurs (dotation enmatériel de décorticage plus performant que ladécortiqueuse artisanale habituelle, magasins de stockage, fonds de roulement, mise en placed’un circuit de commercialisation etc.). Unemeilleure organisation des producteurs devraitpouvoir aboutir à des résultats similaires pourles autres variétés homologuées très performanteset plus connues au Sénégal.

Dans la campagne de marketing à entreprendre,il faudra inclure un volet cuisson parce que lesfemmes des villes ne savent pas comment cuisi-ner le riz local, beaucoup plus exigeant en eauque le riz importé. Il faudrait également réveillerun élan de patriotisme et faire savoir aux populationsque le pays ne peut continuer à dépendre éter-nellement de l’importation.

Un fonds de commercialisation doit égale-ment être mis en place pour contourner les usu-riers et éviter le bradage des récoltes. Jusque-làles mesures prises par rapport à l’importationsont très insuffisantes. Certains importateurs arri-vent toujours à contourner la réglementation miseen place. Il faudrait une meilleure volonté poli-tique de la part de l’État pour la protection de lafilière, afin d’éviter un risque de disparition de lariziculture en faveur des cultures de diversifica-tion que les paysans développent actuellementpour leur survie.

L’État peut prendre des mesures autres que devenir à la rescousse des producteurs pour acheterles stocks bloqués à l’occasion des campagnesélectorales, mais cela ne changera rien s’il n’y a pasdes mesures durables de sortie de crise face à l’im-portation massive de riz asiatique. Certes, la pro-duction locale supporte des taxes équivalentes àcelles de l’importation, mais elle permet au moinsde réaliser une économie en devises. Seule l’ex-pansion de l’agriculture céréalière permettra d’éra-diquer la pauvreté et d’assurer une sécurité ali-mentaire des ruraux qui constituent 70 % de lapopulation sénégalaise. ■

Madame Cisse Peinda Gueyeprésidente de la Feprodes

[email protected] avril 2003

Des formes d’organisation pour la commercialisationL’expérience de la Fédération des paysans du Fouta Djallon, Guinée

Mise en place d’un nouveaumode organisationnel

Des problèmes récurrents d’approvisionne-ment en semences d’oignons et de pommes deterre, ainsi que des difficultés d’écoulement de laproduction ont poussé la Fédération de Fouta àintervenir. En 1993, elle décide de prendre encharge l’approvisionnement en intrants des pro-ducteurs et de négocier des accords commer-ciaux avec les commerçants de Conakry. En1994, un accord-cadre portant sur la campagnede commercialisation a été signé par les repré-

sentants des producteurs, la Chambre de com-merce et l’Union des commerçants importateurset distributeurs de pommes de terre et d’oignons.

Un nouveau mode d’organisation intra-filièreétait lancé. Les unions de groupements de pro-ducteurs, maillon intermédiaire entre les grou-pements de base et la Fédération, ont pour fonc-tion de recenser les besoins en intrants, répartiret vendre les intrants, gérer les crédits-campagne,organiser la commercialisation, et de faire cir-culer l’information.

La rupture de l’accord-cadre a conduit laFédération à engager de nouvelles négociationsavec des représentants des commerçants régio-naux et à poursuivre ses efforts sur la structura-tion des deux filières oignon et pomme de terre.Dans le cas de cette dernière, avec l’Union desgroupements de producteurs de Timbi-Madina

(UGTM), les choses sont le plus avancées enmatière d’organisation de la commercialisation.La Fédération reste chargée de négocier avec lesautorités les mesures de protection tarifairesnécessaires et de contribuer à la mise au pointdes contrats entre producteurs et commerçants(détermination du prix plancher au producteur,d’un prix plafond…).

C’est surtout en matière de partage de res-ponsabilités dans le financement du crédit-campagne et du crédit-commercialisation quedes innovations ont été introduites. La forte inter-dépendance financière des organisations pay-sannes et des commerçants permet de garantirle paiement des producteurs dès la livraison deleur production et de donner un poids suffisantaux commerçants régionaux pour l’approvi-sionnement du marché de Conakry.

Cette expérience date un peu mais resteriche d’enseignements pour d’autrespays.

Page 20: « Commerce des produits agricoles entre l’économie locale ...

20 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

Un système decommercialisation concerté

entre les acteurs

Selon le système qui a été mis en place, laFédération et/ou l’UGTM mobilisent leurs fondspour la mise en place du crédit-campagne, lequeln’est récupéré qu’une fois que les commerçants ontréalisé leurs ventes. Dans l’intervalle, les com-merçants auront financé l’avance de trésoreriepermettant de payer les producteurs à la livraison.

● Lorsque la Fédération investit ses fonds dansla commercialisation, elle finance les intrantsdes producteurs, elle paye les producteurs à lalivraison (sur la base d’un prix plancher négo-cié au préalable avec les commerçants en dédui-sant le crédit-campagne [intrants]). Ce sont lescommerçants qui avancent la trésorerie néces-saire à ce règlement et qui deviennent du mêmecoup propriétaires de la récolte (et donc respon-sables). La Fédération récupère le crédit-cam-pagne avancé, une fois que les commerçants ontécoulé le stock constitué.

● Lorsque l’UGTM investit ses fonds dans lacommercialisation, le schéma est en gros le même.La différence est que l’UGTM reste propriétairede la production achetée aux producteurs et demeu-re responsable du stockage et de sa gestion. Leprix de vente sorti du magasin de l’Union est fixesur toute la saison pour les commerçants ayant pré-financé la campagne. Le prix suit l’évolution descours sur les marchés de Conakry pour les autres.

Pour les différents acteurs, les avantages dusystème de commercialisation sont les suivants :

● pour les producteurs : garantie d’approvi-sionnement en intrants, débouchés assurés à

condition de respecter les normes de qualité,paiement « cash » à la livraison ;

● pour les commerçants : sécurité d’approvi-sionnement, sécurité de collecte et de stockage,acquisition de la production en partie à crédit,régulation du marché du point de vue de l’offre loca-le et internationale (mesures de protection tari-faires), ce qui limite les risques commerciaux ;

● pour l’organisation des producteurs : récu-pération facile du crédit-campagne auprès desproducteurs, garantie d’écoulement de la pro-duction, régulation de la mise en marché grâceà l’effet stockage, consolidation des relationsavec les partenaires commerciaux.

L’approvisionnement du marché de la pommede terre est aujourd’hui assuré à 95 % par la pro-duction nationale (environ 1 800 tonnes) qui estcontrôlée à plus de 50 % par les organisationspaysannes et les commerçants associés. Cettemaîtrise amont (semences et intrants) et aval (qua-lité et calibre des produits, stockage permettantune mise en marché graduelle) de la productioncontribue à lisser les fluctuations du marché. Lesproducteurs ont vu leurs revenus s’améliorer etjouissent d’un environnement plus stable.

Des limites persistent cependant

● La capacité de stockage demeure insuffi-sante.

● Le fonds de roulement ne permet pas de cou-vrir la totalité des besoins en engrais.

● La faible surface financière des commerçantsrégionaux les rend dépendants des grossistes.Parce qu’ils déposent une partie de leurs produits

à crédit chez les revendeurs, ils sont directementliés à la capacité d’absorption du marché.

Dans le cas de la filière oignon, les négocia-tions entre la Fédération, les producteurs et lescommerçants portaient sur des accords de mêmenature. Mais la croissance des parts de marchéde la Fédération (estimés à 20 %) en 1995 a étéremise en question à cause de la concurrence desoignons de Hollande importés à des prix bradéset à une surtaxation insuffisante rendant nonconcurrentielle la production locale.

Perspectives

En parvenant à négocier la mise en place demesures de protection adaptées (suspension tem-poraire des importations de pomme de terre), laFédération a pu créer des conditions favorablesau développement de cette filière. L’expériencede la filière pomme de terre témoigne des capacitésde réponse des producteurs lorsque l’environne-ment technique et économique leur est plus favo-rable et que des alliances peuvent être nouées avecd’autres intervenants dans la filière pour réguler l’ap-provisionnement du marché. Cependant, et mêmesi des efforts en matière de qualité des produitsont été réalisés, la question de l’amélioration deleur compétitivité demeure. Une meilleure adé-quation au pouvoir d’achat des consommateursne pourrait qu’avoir des effets bénéfiques pour laconsolidation de ces filières. ■

Michaël Camara, formateur,Fédération des paysans du Fouta Djallon,

année 2003

Commerce des produits agricoles au Mali et leurrôle dans la dynamisation des économies localesProduire pour manger

Au Mali, l’agriculture est pratiquée par plusde 50 % de la population, comme partout ailleursen Afrique. Excepté dans les zones de culturede rentes, le paysan malien produit d’abord pourmanger, donc pour assurer sa sécurité alimen-taire. C’est ensuite qu’il envisage de vendre sonsurplus de production. C’est une agriculture desubsistance.

La productivité du système agricole tradi-tionnel est très faible à cause des pertes engen-drées sur la chaîne de production et de com-mercialisation.

L’agriculture, une activité risquée

Au niveau de la production, les pertes sontliées à différents phénomènes :

● manque d’encadrement technique, dû audésengagement de l’État (jusqu’ici principalpourvoyeur de prestations dans ce domaine)amorcé sous la pression des ajustements structurelsimposés par le FMI et la Banque mondiale. Lesprivés ne sont pas parvenus à prendre la relèveaprès le départ de l’État ;

● faiblesse des circuits d’approvisionnementen intrants agricoles (engrais, semences, pesti-

cides), ce qui agit défavorablement sur les rende-ments et la mauvaise qualité des semences utilisées ;

● caractère aléatoire des pluies qui a plongéle pays dans une sécheresse chronique ;

● prédateurs ;

Au niveau du stockage, les pertes sont dues :● à l’inadéquation des infrastructures de stoc-

kage qui sont le plus souvent de mauvaise qua-lité ;

● aux parasites, aux intempéries ;

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21Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

Le commerce des produitsagricoles dynamise l’économie

locale

Dans les économies locales, le commerce desproduits agricoles joue un rôle moteur.

Dans le contexte de la décentralisation amor-cée par les États, principal pourvoyeur en res-sources, les différentes communautés doiventtrouver des ressources pour satisfaire leurs besoins(les soins de santé, l’éducation, l’hydraulique,les infrastructures d’assainissement...). C’est avec la vente des surplus de production que lesproducteurs ont pu faire face aux besoins et à ladéficience effective et irréversible de l’État, en com-mercialisant les surplus de production qui dépas-

saient leur capacité d’autoconsommation. Uneamélioration de la commercialisation des pro-duits agricoles a pu donc apporter une solutionau manque de ressources des communautés etcontribuer ainsi à renforcer le bien-être des popu-lations, surtout les plus vulnérables.

Une agriculture diversifiée,l’exemple de Tonka

L’activité principale des habitants de la loca-lité de Tonka, au nord du Mali, dans la régionde Tombouctou, est l’agriculture. Ils se sont orga-nisés autour d’un lac aménagé pour l’agricultu-re, l’élevage et la pêche. Sa production agricole

n’est pas totalement liée aux pluies. L’irrigationse fait de façon gravitaire, directement à partirdu fleuve, même en période de décrue.

Comme les paysans aiment le dire : « chaquemois correspond à une récolte ». Les exploitantssont au nombre de 4 500, organisés en coopéra-tives par village. Ils produisent : des céréales (duriz, du mil-sorgho), des tubercules (des patates,du manioc), du haricot, des légumes (oseille deGuinée, du gombo, des choux, des oignons etc.).Les pêcheurs du lac sont aussi très actifs. Ilsdéversent de grandes quantités de poissons sur lemarché.

Grâce à cette prospérité acquise, Tonka estdevenue un grand carrefour dans la région. Leséchanges s’effectuent avec les régions voisines(Ségou, Gao Tombouctou, Mopti), et avec unpays voisin, la Mauritanie. Tous viennent s’ap-provisionner à la foire de Tonka, qui est la plusimportante de la région. Une bonne partie de laproduction est commercialisée sur place par descircuits souvent très complexes et difficiles àévaluer, puisqu’elle ne passe par aucun circuitde contrôle ou d’enregistrement.

La Municipalité de Tonka, qui n’a pas encore4 ans, a déjà réalisé neuf écoles primaires, quatrecentres de santé, plusieurs puits et forages, deuxautres foires hebdomadaires, deux marchés àbétail, un parc de vaccination, une gare routièreet plusieurs infrastructures d’assainissement dansla ville. Toutes ces actions ont été effectuées avecla participation financière des populations quitirent des revenus de la commercialisation desproductions agricoles.

Cet exemple illustre comment une productiondiversifiée peut jouer un rôle majeur dans la com-mercialisation des produits agricoles en appuyantau décollage des municipalités nouvellementcrées. ■

Moussa Yacouba Maïga,Mali, avril 2003

Évolution des coordinations entre acteursde la filière en relation avec qualité et territoire,conséquences de la libéralisation

La réaction des petits producteurs decafé arabica à la dérégulation du

marché, à la libéralisation des filièreset à l’évolution erratique des cours

mondiaux est étudiée par le groupeMoca (Montagnes et Cafés, puis

Montagnes et Communautés agraires).

On sait les risques que fait peser le nou-veau modèle de marché, qui cache desrapports de force très inégalitaires : risquessur la production, risques sociopoli-

tiques, risques sur l’environnement. Chacundes acteurs, à quelque niveau qu’il soit et pourson propre intérêt à long terme, ne peut êtreindifférent au rapport qu’il établit avec les ter-

ritoires de production et donc avec les produc-teurs. Au niveau de ces territoires, la diversitéest généralisée à toutes les échelles géogra-phiques.

Cette diversité correspond à des phases dif-férentes dans l’évolution de la filière, phasesqui aujourd’hui s’entrecroisent, donnant à laproduction un visage très hétérogène. ➤

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22 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

D O S S I E R

La première phase dans l’évolution de lafilière correspond à la consolidation de l’État, de l’économie et de la société au niveaunational, dans un contexte de modernisationagricole fondée sur le productivisme. La caféi-culture a joué un rôle déterminant dans ce pro-cessus. Elle a notamment contribué à :

● la création de nouvelles sociétés paysanneset de nouvelles identités ;

● la formation d’un compromis territorial entred’un côté la capacité des petits producteurs àinvestir le territoire, à le mettre en valeur, et satis-faire ainsi leurs besoins en terre, et, d’un autrecôté, le besoin pour l’État d’étendre sa légitimi-té et sa souveraineté ;

● la constitution de nouveaux rapports sociauxà travers le système d’encadrement et la spécia-lisation des fonctions au sein de la filière ;

● la création de revenus parfois importantspour l’État, dont la redistribution sous quelqueforme que ce soit, même inégalitaire, a scellél’unité de la « coffee fraternity ».

Le système café est à conjuguer avec une soli-darité qui est d’abord nationale. On sait le poidsdes collectivités locales, des organismes profes-sionnels et le rôle décisif du politique, surtoutquand il vient à défaillir, dans le fonctionnementdu système. Pour le petit producteur, cela a été lagarantie d’avoir accès au marché et d’y voirdéfendre son revenu. L’approche en terme defilière reste donc marquée par une analyse de lacompétitivité et elle insiste sur la coordinationentre les acteurs et sur le contrôle de la produc-tion et des producteurs.

La deuxième phase dans l’évolution de lafilière est marquée par la désorganisation dece système, dans un contexte de crise écono-mique et de baisse des revenus. Plusieurs rai-sons viennent expliquer les changements récents :

● des problèmes de dysfonctionnements ausein de la filière ayant limité la capacité d’in-vestissement des planteurs et entravé la redistri-bution du revenu tiré du café ; problèmes liésaussi à l’évolution des relations de pouvoir.

● des problèmes liés à l’environnement de laproduction au niveau local comme national.

● des évolutions macroéconomiques externes,comme la crise de l’État face au capitalisme, lamontée en puissance des multinationales, qui setraduisent par l’élimination progressive des méca-nismes de contrôle, d’intervention et d’organi-sation avec les politiques de libéralisation desfilières. Les producteurs en ressortent démunis,livrés à eux-mêmes et la concurrence s’est accrueentre les territoires de production.

On arrive donc à système de plus en plus com-plexe, marqué par les résistances ou la déprisedes appareils d’encadrement, l’arrivée sur lesterritoires mêmes de production de nouveaux

opérateurs privés, un environnement socio-poli-tique et économique incertain. Comment les pro-ducteurs réagissent-ils pour valoriser leur pro-duction, quelles initiatives leur restent-ils?

On peut identifier rapidement quelquesstratégies expérimentées par les producteurs.Le mot stratégie est sans doute excessif tant lespetits producteurs doivent faire face d’abord àla nécessité du quotidien.

◆ L’action des producteurs est d’abordfonction de la capacité ou non des institutionsà maintenir une dynamique collective et àintervenir directement dans le champ de laproduction. Le café reste encore souvent aucœur des stratégies de pouvoir. L’État ne peutpas se désintéresser de l’évolution du secteur.Mais la plupart des institutions publiques ou pri-vées ont perdu une grande partie de leurs moyensd’intervention. C’est pourtant par l’action de cesdernières que pourraient s’opérer l’améliorationde la compétitivité, la réduction des coûts de pro-duction et la rénovation des caféières...

◆ Dans beaucoup de pays, les logiques sonttrès individuelles. A priori, la libéralisation dela filière pourrait permettre que soit mieux recon-nue la place qu’y tiennent les producteurs. Maisces derniers restent en position de faiblesse dueà des manques : de terres, de capital, de crédit, d’in-trants, de main-d’œuvre, d’informations, decontrôle sur les prix, etc. Bien que chacun aitconscience du rôle social que joue le café, la tentation est donc d’abandonner la culture pour investir dans d’autres activités. Dans un contexte de surproduction, on peut s’en réjouir sion ne prend pas garde au savoir-faire qui estperdu et à une « culture » du café indispensabledans une perspective de qualité. Mais on trouve

aussi des producteurs dynamiques qui se lancentdans des créneaux nouveaux. Là aussi le succèséventuel dépend de l’environnement général danslequel ils opèrent.

◆ La qualité est aussi un facteur importantdans le cadre de nouvelles formes d’organi-sation ou de coordination entre acteurs.L’objectif est de créer de la valeur et de garan-tir celle-ci en établissant un contrat entre pro-ducteurs, industriels, organisations publiques etprivées intervenant sur le territoire de produc-tion. C’est le cas des associations de producteursde la région pionnière du Cerrado Mineiro, auBrésil. Il s’agit cependant d’un bouleversementdans les modes d’organisation qui n’est pas sifacile à mettre en place. Elle suppose une cer-taine solidarité et une volonté commune dedéfendre un produit et son territoire de produc-tion, à travers des appellations d’origine géo-graphique. Mais le secteur de la production restesouvent hétérogène et les différents acteurs sontplutôt en compétition sur le territoire. Ces stra-tégies sont par ailleurs en concurrence avec cellesdes torréfacteurs et des distributeurs qui privilé-gient la valorisation par la marque et non par leterritoire d’origine.

En conclusion, c’est bien l’intérêt de tous quiest en jeu dans l’attention portée au développe-ment global et durable des territoires productifset à redessiner les voies d’une meilleure coordi-nation et solidarité entre les acteurs. ■

Bernard Charlery de la Masselière,professeur des universités, groupe Moca,

Conférence internationale « Qualité etéquité : enjeux de recherche sur le café »

Paris, SIA, 24 février 2003

CFSI

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NORD-SUD . LE POINT

De Cotonou à Cancún

Le commerce des produits agricoles est une question fondamen-tale par rapport aux économies locales (cf. Dossier page 9)et les articles sur l’Accord de Cotonou et Cancún montrent quedes faiblesses persistent. Mais la reprise des débat ne pourraqu’améliorer la situation.

Cancún : échec ou réussite ?

Le texte final de Cancún consacrant la non-réussite des négociations,n’est pas un résultat positif. Sur l’agriculture plus particulièrement,la déclaration finale ne répond à aucune des attentes des parties pre-nantes, le traitement de la question du coton ne satisfait pas les paysafricains porteurs de l’initiative, le texte permet aux pays développésde maintenir leur protectionnisme et leur dumping vis-à-vis des pro-ductions africaines, le texte aggrave le caractère déjà déséquilibré desaccords de l’OMC et il accentue la mise sous contrôle de la paysan-

nerie mondiale, au Sud et au Nord, par les entreprises agroalimen-taires.Mais certains de mettre en avant ce que Cancún a apporté, même siles questions de développement du cycle de Doha ont été marginali-sées. Cancún a été l’occasion pour les PMA et les pays cotonniers deposer enfin leurs problèmes face aux subventions du Nord, des pro-blèmes communs à toutes les paysanneries du monde comme l’ou-verture des marchés agricoles et la baisse des prix ont été mis en avant,des coalitions de pays se sont créées afin de mieux faire contrepoidsaux poids lourds que sont les États-Unis, l’UE et leurs alliés commel’Australie, le Canada...

Néanmoins, Cancún ne reste qu’une ébauche des contacts à renforcerentre responsables politiques et paysans et aucun résultat concret n’estsorti de ce sommet. Y aura-t-il une reprise des négociations ? Posera-t-on les problèmes des subventions, des compensations ? Le conceptde « souveraineté » alimentaire sera-t-il pris en compte ?

La société civile s’exprime

De très nombreux sites et prises de positions circulent... trop nombreusespour en rendre compte ici. Quelques sites qui, de lien en lien, vous per-mettront d’aller plus loin.

Concertation de la société civile d’Afrique de l’Ouest et du Centre sur lesenjeux des négociations commerciales en vue de CancúnEnda met en ligne la déclaration des organisations de la société civiled’Afrique de l’Ouest et du Centre sur les enjeux des négociations com-merciales. http://www.enda.sn/concersysdeclar.htm

Le Nord avec le Sud, conférence de presse organisée par les OPA belges :enjeux de CancúnDans le cadre des négociations de l’Accord sur l’agriculture à l’OMC, desorganisations paysannes et de producteurs agricoles du monde entier

prennent des positions communes contre la logique actuelle des négo-ciations et pour la mise en œuvre de politiques agricoles et commercialessolidaires. C’est l’objet de la Déclaration de Dakar signée par des organi-sations paysannes de 32 pays des 4 continents en mai 2003. http://csa-mailinglist.org

Position sur Cancún de Via Campesina, Mouvement paysan international.http://www.viacampesina.orgSolagral : http://www.solagral.orgGroupe des 77 (Groupe des pays en développement aux Nations unies) : www.g77.org (positions des pays en développement à l’OMC).Fipa-Ifap, Fédération internationale des producteurs agricoles www.ifap.orCoordination Sud : www.coordinationsud.orgOxfam : www.oxfam.org

Les accords de Cotonou

L’Union européenne (UE) accorde depuis1975 un régime commercial préféren-tiel aux pays Afrique, Caraïbes, Pacifique,dits pays ACP. Ce régime préférentiel

visait à promouvoir et à diversifier les expor-tations des pays ACP, et à favoriser leur crois-sance et leur développement.

Succédant aux conventions de Lomé, l’ac-cord de partenariat ACP-UE appelé Accord deCotonou (puisque signé dans cette ville duBénin) est un accord global en matière d’aideet de commerce, conclu entre 77 pays ACPet l’UE. Il fixe le cadre de coopération entreles États signataires pour une période de 20 ans.

Le protocole financier qui l’accompagne estrenégocié tous les 5 ans. Les ressources sontallouées aux ACP par le biais du Fonds européen de développement (FED).

L’accord a pour objectif principal de rédui-re la pauvreté par le biais de l’intégration progressive des pays ACP dans l’économie

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24 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

NORD-SUD . LE POINT

mondiale. Du point de vue commercial, Cotonouengage une réforme radicale puisque le sys-tème des préférences non réciproques est rem-placé par des accords de libre-échange entrel’Union européenne et des groupes régionauxACP (les Accords de partenariat économiques).

L’accord s’articule autour de quatre voletsinterdépendants : dialogue politique, commer-ce, investissements, et coopération au déve-loppement.

4 piliers :● Renforcement de la dimension politiqueEn plus du maintien des trois institutions de

Lomé (le conseil des ministres UE-ACP, lecomité des ambassadeurs et l’assemblée pari-taire UE-ACP), les accords de Cotonou intro-duisent deux nouveautés : l’impératif de bonnegestion des affaires publiques (appelée aussi labonne gouvernance) et la coopération dans ledomaine migratoire. La violation des « élé-ments essentiels » (comme l’État de droit, lerespect des droits de l’homme…) peut entraî-ner la suspension de l’aide.

● Définition d’un cadre cohérent d’actionL’Accord de Cotonou pose pour objectif

central la réduction de la pauvreté dont la réa-lisation repose sur une stratégie intégrée arti-culée autour de trois domaines prioritaires : ledéveloppement économique, le développe-ment social et humain, l’intégration et la coopé-ration régionale. L’accord introduit aussi unchangement dans le mode d’élaboration de lacoopération en cherchant à ouvrir davantagele partenariat aux acteurs de la société civile(voir les 4 principes fondamentaux ci-dessous).

● Modification du régime commercialL’accord établit des zones de libre-échange

entre l’UE et les pays ACP sur une périodetransitoire de 8 ans (le régime actuel sera main-tenu jusqu’en 2008 grâce à une dérogation obte-nue auprès de l’Organisation mondiale du commerce [OMC]). L’adaptation du disposi-tif à l’égard des ACP s’accompagnera d’uneamélioration du régime commercial en faveurde l’ensemble des PMA. Dans l’Accord deCotonou, un accent particulier est mis sur laconformité aux règles de l’OMC au travers dela mise en place des accords de partenariat éco-nomique régionaux (APER) qui remplacerontles préférences tarifaires non réciproques. Lerégime préférentiel va donc éclater en plusieursaccords de coopération commerciale et éco-nomique.

● Coopération financièreL’Accord de Cotonou vise à rationaliser et

moderniser les instruments de coopération finan-cière via deux grandes enveloppes. L’une seraconsacrée au développement à long terme sousforme d’aides non remboursables accordéesdans des programmes nationaux ou régionaux,et l’autre consiste à appuyer le secteur privé parle biais de capitaux à risque ou de prêts boni-fiés pour faciliter les investissements. La ratio-nalisation des instruments de coopération aconduit à la suppression du Stabex et du Sysmin.

Les quatres principes fondamentaux :● Égalité des partenaires et appropriation

par les pays ACP de leurs propres stratégies dedéveloppement. Ces derniers pourront déter-miner en toute souveraineté leurs stratégies.

●Participation de tous les acteurs : l’État doitagir en partenariat avec la société civile, le secteur privé et les autorités locales (article 6 de l’accord). De plus, les pays ACP etl’UE se sont engagés à aider les acteurs non éta-tiques et les gouvernements locaux à renforcerleurs capacités (articles 4, 5, 7, 33) pour favori-ser leur participation à la coopération ACP-UE.Le processus participatif doit parvenir à l’éla-boration d’une véritable « stratégie nationale ».

● Dialogue et engagement mutuel : les signa-taires de l’accord s’engagent mutuellement surle respect des droits humains, qui seront contrô-lés. L’article 8 précise que ce dialogue permetd’éviter d’utiliser les procédures de consulta-tion prévues par les articles 96 et 97 en cas deviolation d’éléments essentiels tels des cas degrave corruption. L’article 8 doit être considé-ré comme une procédure d’évaluation réguliè-re de la situation au niveau des droits de l’hom-me, de la démocratisation, de la gouvernance etde l’État de droit.

● Différenciation et régionalisation : les spé-cificités régionales doivent être prises en compte.

Le volet commercial deCotonou, axe névralgique de la

politique de coopération de l’UE

Le nouvel accord commercial révolutionneles relations commerciales entre l’UE et les paysACP. En effet, il met en place, à partir de 2008,des Accords de partenariat économique

Pays de l'UE et ACP (Afrique, Caraîbes, Pacifique) ayant notifié l'Accord de CotonouSource : La Documentation française, 2003

d'après Sciences Po/atelier de Cartographie

Caraïbes Union Européenne

Afrique

- Antigua-et-Barbuda- Bahamas- Barbades- Dominique- Grenade- Saint-Christophe-et-Nivres- Saint-Vincent-et-les- Grenadines- Sainte-Lucie- Trinidad-et-Tobago

Pacifique- Cook- Fidji- Kiribati- ºles Marshall- Micron sie- Nauru- Niue- Palau- Salomon- Samoa occ.- Tonga- Tuvalu- VanuatuCap Vert

Saint-Thomaset Prince Seychelles

ºles Maurice

Comores

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25Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

NORD-SUD . LE POINT

De Rome à Cotonou…

1957 : Traité de Rome qui prévoit un régime d’association avec les « payset territoires d’outre-mer »1963 : Yaoundé I, premier accord entre la CEE et 18 États africains etmalgaches sur le commerce (préférences tarifaires), la coopération finan-cière et technique1968 : Yaoundé II, prorogation de Yaoundé I1975 : Lomé I. Le contexte international tant économique que politiqueet l’adhésion du Royaume-Uni à la Communauté européenne ont large-ment déterminé la refonte complète des accords de Yaoundé et la créa-tion de la Convention de Lomé. L’accord concerne 46 pays. Il constitue lesystème de préférences commerciales le plus favorable aux pays ACPpuisqu’il offre des préférences commerciales pour presque tous les pro-duits primaires, industriels et transformés, exportés par ces pays versl’Europe. L’accord prévoit :- des préférences tarifaires non réciproques pour les exportations ACPvers la CEE- un système de compensation du déficit des recettes d’exportation, suiteà la fluctuation des prix sur les marchés mondiaux : le Stabex

- des protocoles favorables aux exportations ACP dans des secteurs commele sucre, la viande bovine et la banane- un financement des infrastructures- des programmes agricoles1979 : Lomé II, comme Lomé I, 58 pays ACP, mais la nouveauté est l’ins-tauration du Sysmin (pour les produits miniers)1984 : Lomé III, 65 pays ACP. L’approche sectorielle est privilégiée, le butannoncé étant l’autosuffisance et la sécurité agroalimentaire.1989 : Lomé IV, 68 pays ACP. La grande nouveauté est la mise en placede la conditionnalité : les droits humains et les plans d’ajustements struc-turels (PAS) du FMI doivent être respectés1995 : Lomé IV bis, 70 pays ACP. Le respect des droits humains et de l’État de droit deviennent des conditions suspensives. Les concepts dedéveloppement durable et de lutte contre la pauvreté sont introduits.1996 : Livre vert de la Commission européenne finalisé. L’invitation ànégocier un nouvel accord pour remplacer Lomé est lancée.23 juin 2000 : Signature de l’Accord de Cotonou entre l’UE et 77 pays ACP1er avril 2003 : Entrée en vigueur de l’accord

(APE) qui seront à l’origine de blocs régionauxavec lesquels l’UE contractera. Les APE consis-tent principalement à introduire la réciprocitédans les relations commerciales UE-ACP, dansle cadre d’accords de libre-échange. La cou-verture géographique, les produits concernés,le processus de libéralisation et les mesures d’ac-compagnement seront définis ultérieurementdans le cadre de ces accords régionaux.

Par la mise en place de ces nouveaux accordsrégionaux, l’UE prouve sa volonté de faire ren-trer sa politique de coopération en conformitéavec les règles internationales du commercemondial régi par l’OMC : les lois du marchédoivent seules gouverner les échangeset aucu-ne entrave ne doit exister. D’ici 2007, le sys-tème tarifaire préférentiel entre l’UE et les paysACP doit être démantelé. C’est pourtant cemême système préférentiel qui permettait defaciliter les exportations des pays ACP sur lemarché européen.

Cotonou prévoit un traitement différenciépour le PMA et les non-PMA pour les paysACP qui ne s’engageront pas dans les APE.

Le 26 février 2001, l’Europe a adopté l’ini-tiative appelée « tout sauf les armes » modi-fiant le Système de préférences généralisé (SPG)de la Communauté. Cette initiative étend lelibre accès au marché communautaire, en fran-chise de droits et de contingents, à tous les pro-duits originaires des pays les moins avancés(PMA), à l’exception des armes et des muni-tions… Seuls les trois produits les plus sen-sibles ne sont pas libéralisés immédiatement :les bananes, le riz et le sucre.

Pour les pays ACP non PMA, leur accès aumarché européen sera régi par un dispositifalternatif qui reste à définir.

Cotonou, quelles avancées ?

Succédant à Lomé, Cotonou se devait dedépasser les limites du précédent accord et derépondre à la préoccupation majeure de rentreren conformité avec les règles de l’OMC.

La Convention de Lomé n’a pas enrayé lamarginalisation des pays ACP dans le com-merce international puisque la part des expor-tations de ces pays n’a cessé de décroître. En 25années de préférences non réciproques, le résul-tat s’avère décevant puisque les pays ACP gar-dent aujourd’hui une place marginale dans lecommerce international. Leur part est passée en1975 de 3 % des échanges mondiaux à 1,5 %

actuellement, et de 8 % des échanges au sein dumarché européen en 1975 à 3 % actuellement. Parailleurs, les exportations se sont peu diversifiéeset sont restées centrées sur des produits primaires,même si des exceptions sont à noter.

Trois raisons principales ont amené à la réforme de Lomé :

● la non-conformité de l’accord commercialavec les règles de l’OMC (puisque les préfé-rences accordées sont discriminatoires et non réci-proques) ;

● des préférences inefficaces, voire désinci-tatives, en terme d’insertion des pays ACP dansle commerce mondial ;

● la nécessaire redéfinition par l’Europe del’organisation de ses échanges avec les paystiers. En effet, la France a multiplié les parte-nariats avec d’autres pays non ACP, rendantcette région moins « stratégique » pour leséchanges.

Les échéances à venir

Dates Evènements

2002-2008 Négociations formelles de nouveaux accords commerciaux entre UE et pays ACP

2004 Les pays ACP non-PMA doivent décider de leur engagement ou non dans des accords de libre-échange avec l’UE

2006 Révision des accords prévus

1er janvier 2008 Entrée en vigueur des nouveaux accords

2008 à 2020 Mise en œuvre des accords (l’UE a dû demander une dérogation auprès de l’OMC pour qu’elle puisse maintenir le régime actuel jusqu’en 2008)

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26 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

NORD-SUD . LE POINT

Pour les défenseurs de l’accord de Cotonou,ce nouvel accord reste équilibré puisqu’il main-tient l’accès préférentiel et non réciproque deLomé aux produits ACP pendant encore 8 ans.Il permettra aussi de construire un régime commercial novateur par la mise en place desAPE. Ces nouveaux accords commerciauxseront sensés :

● favoriser les flux d’investissements directseuropéens vers les ACP ;

● favoriser le « verrouillage » du processus delibéralisation commerciale ;

● favoriser la restructuration des économiesdes pays ACP ;

Le nouvel accord permet une ouverture pro-gressive des pays ACP et facilitera les ajuste-ments économiques.

Ainsi, l’Accord de Cotonou se devait d’en-gager une réforme des relations commercialesentre l’UE et ses partenaires de la zone ACP.Mais qu’en est-il réellement ?

Cotonou n’est actuellement pas évaluabledans sa globalité. Les effets attendus tels que lapromotion de l’intégration régionale, la stimu-lation d’investissements intérieurs et extérieurs,l’insertion dans l’économie mondiale, le ren-forcement des politiques économiques et com-merciales... ne sont pas atteints. Les négocia-tions sur les accords régionaux ne sont certespas toutes conclues. Cependant, les risques de cetaccord pour les signataires des pays ACP sontfacilement envisageables. En effet, une libéra-lisation trop rapide et mal préparée pourra avoirdes conséquences néfastes sur leur économie.

Concrètement, on peut d’ores et déjà tirercertains conclusions de l’Accord de Cotonou.

Un dialogue politique qui reste difficilement accessible à tous● Selon les termes des articles 4, 5, 6 et 7

des accords de Cotonou, la société civile doitparticiper à part entière dans la définition desprogrammes et stratégies de développementde son pays. Chaque pays se doit de trouver lamanière et les ressources de se structurer pourparvenir à une participation effective. Certainspays comme le Bénin peuvent se targuer d’avoireu un certain succès dans la transparence duprocessus de programmation. Mais cela impliqueune structuration en réseaux représentatifs dela société civile et une transparence dans tout leprocessus de négociation et de décision. Ondénote d’ores et déjà un déficit d’informa-tions, des problèmes de représentativité pourune mise en place effective de participation etde consultation de la société civile.

● Processus participatifs et consultations sontà la mode : Cadre stratégique de lutte contre la

pauvreté (CSLP), Nouveau partenariat pour ledéveloppement de l’Afrique (Nepad), Cotonou...mais qu’en est-il réellement ? Les institutionsde Bretton Woods continuent d’imposer leurscritères et leur mode de fonctionnement dansles pays du Sud. La participation semble s’ar-rêter à la simple formulation des objectifs àatteindre comme dans l’élaboration des CSLP.La réelle définition des politiques et des stra-tégies restent hors de portée de la sociétécivile. Même les parlements nationaux sontexclus du processus.

● « Les organisations paysannes veulent àce titre que s’établissent de véritables cadresde dialogue au niveau national entre elles etles États. Ces cadres seraient l’occasion queles organisations participent de manière effec-tive et efficace à la définition des programmesindicatifs nationaux et aux discussions sur lesnégociations portant sur les APE. Elles deman-dent un statut permettant leur participation auxsessions des rencontres... Si les OP consententque la mondialisation est irréversible pour elles,cela ne peut signifier que toutes les règles doi-vent être calquées sur les seules lois du mar-ché et de la concurrence... La libéralisation du commerce n’est pas une fin en soi et ne doitpas empêcher nos États de mettre en place despolitiques agricoles nationales et sous-régio-nales adaptées aux réalités spécifiques de chaquepays ou région », se défendait MamadouCissokho, président de l’Asprodeb, Associationsénégalaise pour la promotion du développe-ment à la base.

Un accord au profit de la penséeunique● Cette nouvelle convention a une dominante

libre-échangiste. Néanmoins, le libre-échan-ge n’est pas une réponse satisfaisante pour deséconomies qui n’ont pas les capacités de pro-duction suffisantes. Quarante années d’ouverturecommerciale ont amplement fait la démonstra-tion qu’elle ne suffit pas à promouvoir la pro-duction. Sur le plan commercial, une asymétrie en faveur des pays ACP doit êtreconservée par le « traitement spécial diffé-rencié » (TSD). L’intégration réussie dansl’économie mondiale apparaît bien plus commele résultat plutôt que comme la cause du déve-loppement économique et social. Les pays ACPdemandent des moyens financiers supplémen-taires pour amortir le choc des libéralisationsmais l’UE ne veut pas en entendre parler.

● Les APE peuvent avoir des effets négatifs :- augmenter les marges bénéficiaires des

exportateurs européens ou des importateursACP plutôt que de baisser les prix pour lesconsommateurs ACP des produits importés ;

- entraîner une chute brutale des taxes per-

çues par les Etats ACP. Et la baisse des recettesfiscales provenant des douanes, diminuée parl’ouverture des frontières, limite d’autant plusles deniers publiques à disposition des paysACP. Les budgets nationaux pourraient seretrouver en grande difficulté ;

- faire obstacle à la diversification des échangesdes pays ACP avec des partenaires autres quel’UE.

Un accord qui ne fait pas le jeu « des Suds »● La distinction entre pays PMA et non

PMA, imposée en fait par les accords de l’OMC,met fin au principe de non-discriminationau sein du groupe ACP. Elle conduit donc àrendre difficile la constitution de blocs régionauxà l’intérieur desquels serait organisé le libre-échange. En effet, de très nombreux espacesrégionaux incluent à la fois des PMA et desnon-PMA. De plus, les pays ACP non PMAqui ne signeront pas d’accord de libre-échangepasseront sous un régime alternatif, vraisem-blablement le Système préférentiel généralisé.Ce régime d’accès au marché européen est pourle moment moins favorable que le régime deLomé. Il est en outre géré unilatéralement parla Communauté européenne.

● L’ouverture des marchés peut être l’occa-sion de profiter des opportunités créées. Maisencore faut-il que les pays ACP aient l’occa-sion d’en tirer profit en ayant la possibilitéd’adapter leur stratégie commerciale, et qu’ils en aient les moyens. L’ouverture desmarchés se fait dans le sens d’une ouverturevers le Sud, de nombreuses importations deprovenance européenne risquent d’affluer surles marchés des pays ACP. Cependant lescontraintes internes de production : infra-structure, instabilité économique et politique...limitent le champ de réactivité de ces pays. Lesproduits européens vont venir concurrencerceux du Sud. Et les pays ACP s’inquiètent d’au-tant plus de la concurrence des produits agri-coles européens « subventionnés » (sous formed’aide à la production, à l’exportation).

● Quelques chiffres révélateurs : On peutdresser un bilan du « partenariat » de l’UE avecles pays ACP en terme de commerce : la partdes pays ACP dans le commerce mondial estpassée de 6,7 % en 1976 à 3 % en 1998. Et entre1995 et 2000, la part des exportations agricolesde l’UE vers les pays ACP a crû de 18,5 % à 25 %. On peut en déduire que l’UE a augmen-té ses revenus tirés de ses « partenaires » paysACP durant les 5 dernières années. Par ailleurs,les règles de Bretton Woods ont été imposéesaux pays ACP à travers Cotonou : article 41,obligation de mettre en œuvre l’Accord généralsur le commerce des services (AGCS) ; article

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27Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

NORD-SUD . LE POINT

46, obligation de mettre en œuvre l’Aspect dedroits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic) ; article 67, respect desplans d’ajustement structurels (PAS) du Fondsmonétaire international (FMI). Ces dispositionsfont le jeu des pays du Nord qui « contrôlent »le FMI, la Banque mondiale (BM) et l’OMC.

Et le secteur agricole enparticulier ?● Les produits du secteur primaire sont au

cœur des grandes discussions Nord-Sud depuisles années 1970. Ils sont d’une importance vitale tant pour les pays en développement quepour les pays industrialisés. Mais la différenceentre ces deux zones réside dans la dépendanceque les économies du Sud ont vis-à-vis des ventesde leurs produits de base et dans leur faible capa-cité à absorber les aléas de leur commerce.

● En matière agricole tout particulièrementles Accords de Cotonou pourraient se révéler êtredangereux pour les pays ACP qui devrontouvrir leurs frontières aux exportations agri-coles et alimentaires de l’UE. Le libre-échangetant prôné peut s’avérer être très déséquilibrant.Les acteurs du groupe ACP ont un besoinimportant d’informations pour mener à bienles négociations commerciales. Surtout quel’impact potentiel des APE sur les pays ACPconstitue un sujet de préoccupation majeur. En définitive, il semble que l’on pourrait s’ache-miner vers un régionalisme artificiel, crée àl’aide des Aper, et qui serait imposé par le haut,c’est-à-dire par l’UE...

Bibliographie* Solagral, Les agricultures du Sud et l’OMC, Fiche n°11 Solagral : De la Convention de Lomé à

l’Accord de Cotonou, mars 2001* ECDPM, ODI, Eclairage sur les négociations commerciales, De Doha à Cotonou, juin 2003* Défis Sud, Cotonou : les Sénégalais face au marché, n°56 février-mars 2003* Le Courrier ACP-UE, Accord de Cotonou… un chantier en plein essor, mai-juin 2001* Pillot (D), les enjeux agricoles des accords de Cotonou, GRET, Agridoc, novembre 2001, 5 pages

Siteswww.acpsec.org/fr.cotonou/accord1.htmhttp://users.skynet.be/gresea/cotonou7.htmhttp://www.sosfaim.be/Mouvementspaysans/mpaysa5.htmhttp://users.skynet.be/gresea/ge35.pdfhttp://www.euforic.org/http://www.globenet.org/aitec/chantiers/solidarite/lome/greseaait.htmhttp://europa.eu.int/comm/development/development_old/cotonou/index_fr.htmhttp://www.csa-be.org/http://euroinfocentre.orghttp://hcci.gouv.fr/http://globenent.org/aitec

Le dernier chant du poulet : l’OMC, à abattre ou pour se battre ?

L’OMC, l’arbre qui cache laforêt ?

Des accords de l’OMC… nonrespectés « au Nord »De nombreuses voix du Sud comme du Nord

soulignent que pour les pays du Nord, la règleen termes d’ouverture des frontières et de cir-culation des produits agricoles est plutôt du

type : « Faites ce que je dis, pas ce que je fais :je protège, tu libères... »

Les pays du Nord n’ont en effet pas respec-té les mesures préconisées par l’Accord de l’OMC 1 : « Ils ont traîné les pieds pour revoirà la baisse leurs droits de douane, et les aides ontcontinué à être versées aux agriculteurs, contrai-rement à ce que stipulait l’OMC. »2 Les aidescontinuent d’y être versées sous diverses formesdéguisées (boîtes bleue, verte, orange3...) ; lesaides américaines ont même augmenté.

En conséquence, de nombreux produits sub-ventionnés par les pays du Nord arrivent fina-lement sur les marchés du Sud, à des prix infé-rieurs aux coûts de production locaux, et mettentsérieusement en péril les productions locales.

Des mesures appliquées « au Sud »…au-delà des accords de l’OMCDes pays du Sud ouvrent leurs frontières au-

delà de ce que stipule l’Accord : protection bienen deçà des plafonds prévus. Ils s’exposent

Après des bonds prodigieux dans les années 1980 puis un étouffement sous une avalanche de morceaux de pouletsà la fin des années 1990, la filière avicole sénégalaise risque aujourd’hui de s’écrouler définitivement.Le poulet... un exemple parmi beaucoup d’autres productions locales menacées tour à tour dans différents pays duSud : viande de bœuf, pomme de terre, riz, oignons, tomates, légumes.... Menacées par qui, par quoi ? L’OMC,la cause de tous les maux ?

L’Accord de Cotonou marque la remise encause d’un modèle de coopération pour l’adap-ter aux nouvelles donnes de l’économie et de lacoopération mondiale. Mais la validité du nou-veau dispositif commercial pourrait se trouverfragilisée à l’épreuve des réalités.

L’intégration régionale pourrait souleverdes difficultés en raison des conditions demise en œuvre du nouveau régime commer-cial mais aussi de l’organisation des écono-mies des pays ACP. L’intégration régionaleen Afrique se heurte à plusieurs éléments,indépendamment de l’accord de Cotonou,des obstacles politiques et économiques : il

existe beaucoup de conflits, les pays sontplutôt concurrents, alors que la signature desAPE requiert au préalable la constitution dezones commerciales effectives, sous-entendudes zones stables politiquement et économi-quement. Néanmoins, l’Accord de Cotonoureste un vecteur d’opportunités pour les paysACP puisqu’il est marqué par une volontéinstitutionnelle de favoriser les régiona-lismes, le dialogue politique et l’ouverture àla société civile. ■

Éléments rassemblés par Émilie Baconnier, Inter-Réseaux

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28 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

ainsi à une concurrence accrue de produc-tions d’autres pays, y compris du Sud. C’estl’exemple emblématique des brisures de rizasiatique envahissant le marché sénégalais, audétriment du riz local.

Pourquoi une telle ouverture, une telle sur-exposition alors que l’OMC n’en demande pas tant ?

Certains de noter les contraintes des plansd’ajustement structurel (PAS) du Fond monétaire international (FMI), qui conditionnentles aides budgétaires à cette ouverture des fron-tières. Les accords régionaux et tarifs doua-niers communs aux pays de l’Uemoa (Unionéconomique et monétaire ouest-africaine) imposés par le FMI ou la Banque mondialesont aussi soulignés.

Mais cette ouverture aux frontières n’est pasnécessairement « subie » : elle peut être encou-ragée par les gouvernements du Sud eux-mêmes.L’arrivée sur les marchés urbains de produits bon marché, importés, permet de fournir auxpopulations des villes des produits à faible coût« Poulet pas cher ! »… et donc de se « garan-tir », au moins à court terme, une certaine paixsociale, et accessoirement, des bulletins devote.

Des contraintes… au-delà de l’OMCDe nouveaux pays du Sud entrent sur le

marché mondial et viennent concurrencer lesagricultures paysannes moins compétitives.

Les difficultés pour les productions locales peu-vent être aussi liées à la baisse des prix sur lemarché mondial 4. C’est par exemple le casdu café : le café vietnamien entre sur le mar-ché mondial et participe à la baisse des coursmondiaux.

Le difficile positionnement des produitsvivriers sur les marchés locaux peut aussi êtrelié aux avantages accordés aux cultures d’ex-portation : les cultures de rentes d’exporta-tion sont parfois largement encouragées parles gouvernements du Sud, au détriment desproduits vivriers, car elles sont source de devises.Elles permettent donc de limiter des déséqui-libres macroéconomiques.

L’OMC pour sauver le poulet ? Des avis divergentsL’OMC ne marche pas... parce qu’on

n’applique pas l’AccordCertains de dire que les résultats de l’Accord

ne sont pas positifs, parce que justement, l’Accordn’est pas bien appliqué… Nombreux modèleset théories montrent qu’en appliquant effecti-vement les mesures préconisées, avec un orga-ne de règlement des différents (ORD) effica-ce pour les faire appliquer, la situation devraits’améliorer 5.

L’OMC ne marche pas... parce qu’on neva pas assez loin : les « jusqu’auboutistes »

Il faut pousser davantage le processus : ouvrirencore plus, échanger plus librement, interdiretoute subvention... C’est ce que réclament cer-tains pays, y compris du Sud (pays du Groupede Cairns, comme le Brésil, l’Argentine, leCanada, ou l’Australie) 6.

L’OMC ne marche pas... Réformons-la,et renforçons-la !

Ce sont les partisans du « Ne jetons pas lebébé avec l’eau du bain, mieux vaut de mau-vaises règles que pas de règles du tout ». Selonce point de vue, il serait plus préjudiciable pourdes pays faibles du Sud de se retrouver dans

des négociations bilatérales (en particulier avecles États-Unis) qu’internationales 8.

Aussi, plutôt que de faire disparaître l’OMC,il est suggéré de garder une instance mondialede négociation, une OMC renforcée, maisprofondément réformée, « pas tant pour négo-cier internationalement la réduction des pro-tections [ou subventions], mais pour négocierla maîtrise des productions dans les grandspays exportateurs »9.

Et le poulet dans tout cela ? Deschoix politiques nécessaires

Les avis sur l’OMC et ses rôles et avenirpotentiels divergent, et le poulet sénégalais,comme d’autres productions agricoles du Sud,se retrouve donc au milieu d’une arène auxenjeux qui le dépassent largement.

Localement, plusieurs acteurs sont particu-lièrement concernés :

● le citadin, qui fait entendre sa voix pourune nourriture pas chère, et même si la saveurn’est pas la même, il va préférer le poulet impor-té bon marché ;

● le paysan (70 % de la population auSénégal), qui voit sa production agricole deplus en plus restreinte en termes de diversité(abandon de nombreuses productions devenues

Zéro subvention :Attention au jeu de dupe !

Certains mettent en garde contre les dangersde l’arrêt des subventions 7 : si les subventionsagricoles du Nord viennent brider les écono-mies du Sud et doivent cesser, les pays du Suddoivent-ils pour autant prôner le « zéro sub-vention ! » et se priver ainsi d’un outil de poli-tique agricole ? La suppression totale des sub-ventions agricoles n’est-elle pas un piège pourles pays du Sud ?

NORD-SUD . LE POINT

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29Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

NORD-SUD . LE POINT

Les leçons de Cancún

L’accentuation de la fractureNord-Sud

Le résultat de la Conférence ministérielle deCancún fait apparaître au grand jour la scissionNord-Sud. L’échec de la Conférence de Seattleen 1999 était essentiellement dû au conflitUE–États-Unis. Aujourd’hui, au contraire, lesdeux grands avaient abouti à un accord surl’agriculture, encore une fois pierre d’achop-pement des négociations, qu’ils souhaitaientmettre sur la table comme base de discussion.Mais cela n’a pas suffi pour faire plier le G 22,qui regroupe les poids lourds économiques despays en développement, ni pour entamer la soli-dité dans les négociations du groupe des pluspauvres, ACP-Union africaine et pays les moinsavancés, qui ont tiré les enseignements des dis-cussions précédentes.

En revanche, le Groupe de Cairns, quiregroupait des pays développés et en dévelop-pement agroexportateurs, sur la base d’un libé-ralisme complet, n’a pas résisté à ses contra-dictions internes.

La France, qui dans les grands sommetsinternationaux, qu’il s’agisse de la Conférencesur le financement du développement à

Monterrey, du Sommet mondial sur le déve-loppement durable de Johannesburg ou du G 8à Evian, se fait le porte-parole de la cause desplus pauvres et met en avant les droits écono-miques, sociaux et culturels, est restée ici trèsfrileuse et trouvait même que la position euro-péenne allait trop loin. Face aux impératifs com-merciaux et économiques, les bonnes inten-tions ne pèsent pas très lourd.

Quel bilan global desnégociations ?

Faut-il se réjouir ou regretter cet échec de laConférence ministérielle ? On doit bien sûr seféliciter de la fermeté des pays africains, desplus pauvres, qui ont refusé un accord qui neles satisfaisait pas. Mais au fond, ce sont lespays riches qui sortent gagnants de la dis-cussion, puisque le statu quo est entériné. Lasituation des producteurs de coton ouest-afri-cains va rester la même et les États-Unis vontpouvoir continuer à perturber le marché parleurs subventions massives à leurs cotoncul-teurs. Les discussions sur les investissementsvont se continuer de façon bilatérale, les pays

riches étant libres d’imposer des contraintesimportantes aux plus faibles.

Il ne faut pas se tromper : si, au final, les dis-cussions se sont bloquées sur les sujets deSingapour1, c’est bien parce que le projet decompromis ne comportait aucune réelle avan-cée sur l’agriculture, qui emploie la majoritéde la population active mondiale, essentielle-ment dans les pays en développement. Maistant que les négociations multilatérales porte-ront sur les outils de politique agricole despays, et non sur de vrais instruments de régu-lation du commerce international, l’agricul-ture restera une pierre d’achoppement. Il esttemps de reconnaître que l’Accord agricole estfondé sur de mauvaises bases, et qu’il fautprendre le problème autrement et dans sa globalité.

L’échec de Cancún fragilise les processusde négociations et questionne sur la gou-vernance internationale. Arriver au consen-sus à 146 pays, c’est effectivement extrême-ment difficile. Mais à Cancún, les pays se sontregroupés. Quand 22 pays, qui représententplus de la moitié de la population mondialen’arrivent pas à faire entendre leur voix dansles négociations, quels instruments de gouver-nance faut-il mettre en œuvre ? Même avec

non rentables, trop fortement concurrencées),et ses revenus en baisse constante ;

● l’État, qui doit arbitrer, décider en termesde la place du développement rural par rapportau milieu urbain, quels types d’« agricultures »,quelles « agri-techniques », quels paysans, pro-ducteurs... ?

De véritables choix de société et choix poli-tiques, sachant que l’État doit s’assurer unepaix sociale (« Poulet pas cher ! »), qu’il estplus facile d’« assurer » sur du court terme unesécurité alimentaire par des prix bas que demener une réelle politique de souveraineté ali-mentaire, que l’État a besoin de devises (cul-tures d’exportation), et que la politique natio-nale ne dépend pas que du niveau national... :pas facile d’élaborer politiques et programmes

nationaux quand leur financement dépend desenveloppes de bailleurs extérieurs… ce sur quoinous reviendrons10.

« Le principal problème des pays en déve-loppement, c’est qu’ils n’ont pas de politique agri-cole claire et cohérente. Ils ne sont pas dotésd’outils économiques et politiques leur per-mettant d’assurer l’alimentation de leur popu-lation, en favorisant le décollage du secteuragricole »11. ■

Éléments rassemblés par Anne Lothoré, Inter-Réseaux

1 Grain de Sel n°24, Boîte à outils : l’OMC... quelques repères.2 Alternatives économiques n°217 bis, p 7, septembre 2003.3 Grain de Sel n°23, Boîte à outils : boite de développement,p 26.

4 Grain de Sel n° 22 : Baisse des prix des matières premièresagricoles sur le marché international.5 Banque mondiale : http://www.worldbank.org/prospects/gep2004. 6 Agricultural Protectionism : Debt Problems and the DohaRound, by Julio J. Nogués. Trade Reform for Economic Growthand Poverty Reduction, T. Ademola Oyejide, Nigeria.http://www1.worldbank.org/devoutreach 7 Subventions agricoles, systèmes de santé publique ou com-munautaire... et lutte contre la pauvreté: attention aux manipulations ! / Eric Fermet-Quinet , 2003. 8 G. Monbiot, Extrait de The Guardian, Londres, cité dans leCourrier International n°670 p28, 4 sept. 2003.9 La gestion des marchés : libéraliser ou réguler les échan-ges ? / Didier Pillot – Gret, Agridoc.http://www.agridoc.com/fichestechniques_gret/politiques-agricoles10 Le prochaine GDS portera sur les PA : faites-nous part devos contributions à <[email protected]>.11Bénédicte Hermelin de Solagral, dans Alternatives écono-miques, ibid.

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NORD-SUD . LE POINT

des regroupements, les pays du Sud n’arriventpas à se faire entendre ; et ce sont les intérêtséconomiques et commerciaux qui dominentet sortent gagnants.

Le système des Nations unies a subi l’an der-nier une grave crise de légitimité. L’OMC, autreinstrument de gouvernance mondiale, montreson incapacité à aboutir à des accords équi-tables. Où la voix des plus pauvres peut-ellese faire entendre ? De ces crises successives,les perdants sont toujours les mêmes : les payset les populations les plus défavorisés de la planète.

Pourquoi le texte de compromisn’était pas acceptable

Le cycle de Doha: un cycle pourdévelopper les pays développés ?Depuis le lancement du cycle de négociation

à Doha, appelé cycle de développement, lespays du Sud n’ont eu de cesse de revendiquerl’application du traitement spécial et différen-cié (voir rubrique Boîte à outils) et de deman-der une plus grande attention aux questions demise en œuvre. La configuration des négocia-tions montre qu’ils ont été capables de s’orga-niser pour faire entendre collectivement leurvoix.

Ces efforts ont été vains, comme le montrel’absence des préoccupations en matière dedéveloppement dans le projet de texte. Les paysen développement doivent se contenter demesures d’assistance technique. Pourtant, onpeut s’étonner de la pertinence de cette répon-se dans un contexte de décroissance des budgetsd’aide publique au développement (APD) auniveau mondial.

Agriculture : toujours la pierred’achoppement Le projet de déclaration finale réaffirmait la

logique de dérégulation et de libéralisationdes marchés agricoles, dont les conséquencesse sont déjà révélées catastrophiques pour desmillions de producteurs agricoles, en particulierdans les pays en développement. La nécessitéd’une régulation mondiale de l’offre de pro-duits agricoles et alimentaires, qui permettraitd’assurer un prix rémunérateur et un revenustable aux producteurs agricoles, n’est tou-jours pas reconnue et intégrée dans les discussions.

● Des dispositions sur les produits straté-giques insuffisantes

Même si le texte reprenait le concept de pro-duits spéciaux, il prévoyait toujours de dimi-

nuer les droits de douane sur ces produits, alorsque la grande majorité des pays en développe-ment demandent au contraire à n’être soumis àaucun engagement, et demandaient même lapossibilité de relever ces droits lorsqu’ils sonttrop bas. Le droit des pays à protéger lesfilières agricoles locales contre des importa-tions à bas prix fortement déstabilisatrices n’esttoujours pas reconnu.

● Une proposition scandaleuse sur le cotonLe paragraphe sur le coton constitue une véri-

table injure faite aux pays en développement.Le texte propose que le sujet soit abordé sousl’angle de l’accès aux marchés pour les pro-duits non agricoles. Cela ne résout absolumentpas le problème à court terme des pays coton-niers africains qui ne possèdent pas d’industrietextile compétitive tournée vers l’extérieur.Suggérer aux pays africains victimes du dum-ping de résoudre cette question par la diversi-fication de leurs économies est une leçon demorale inacceptable : « laissez nous produirenotre coton, et faites autre chose », répondentainsi les États-Unis. Au final, c’est le cynismedes pays développés et, sur cette question enparticulier, des États-Unis, qui apparaît au grand jour.

● La régulation des marchés mondiaux dematières premières agricoles ignorée

Même s’il faut saluer la reconnaissance duproblème lié à la chute et à l’instabilité desprix des matières premières agricoles (voir ledossier), le texte reste très faible sur cette ques-tion. Elle devrait être centrale : elle impliquede reconsidérer toute la structure des négocia-tions agricoles, en autorisant la protection desmarchés nationaux ou régionaux, et en assu-rant une véritable gestion de l’offre mondia-le. Aucun de ces aspects n’est explicitementmentionné.

Environnement: encore beaucoupd’efforts à faire!Comme on pouvait s’y attendre, le texte fai-

sait très peu de place à l’environnement. Cesujet avait d’ailleurs été relégué dans le grou-pe fourre-tout « autres sujets ». Un an après leSommet mondial sur le développement durable,les pays ont mis leurs engagements de côté.L’absence de référence aux engagements prisà l’issue de ce sommet montre la volonté de lamajorité des pays membres de l’OMC de pro-céder à la libéralisation des échanges en iso-lation clinique des autres sources de droitinternational. En outre, elle confirme la criseactuelle du système de gouvernance mondia-le, où l’OMC fait cavalier seul, sans tenircompte des préoccupations de développement

et d’environnement exprimées dans d’autresenceintes. Le projet de texte d’une très faibleportée s’en ressent à plusieurs niveaux :

● Pas de décision forte sur le statut d’ob-servateur des secrétariats des accords mul-tilatéraux sur l’environnement (AME)

Le texte se contentait d’affirmer que la « Session extraordinaire du Comité sur le com-merce et l’environnement continuera d’inviterà ses réunions, conformément à sa pratiqueactuelle, les secrétariats des accords multila-téraux sur l’environnement invités jusqu’ici etdu Programme des Nations unies pour l’envi-ronnement (Pnue) et de la Conférence desNations unies sur le commerce et le dévelop-pement (Cnuced). » Leur participation est restreinte au seul comité sur le commerce etl’environnement, alors que d’autres comitésprennent des décisions ayant un impact fort surl’environnement (agriculture, services, conseildes Adpic). En outre, au sein même de ce comi-té, ces institutions auront toujours un accès limi-té sans marge de manœuvre pour faire valoirleur expertise.

● Rien sur la coopération entre l’OMC etle PNUE

Cet impératif, rappelé très fortement àJohannesburg, a été laissé dans l’ombre. Pourtantle renforcement de la collaboration entre lesorganisations internationales de l’environne-ment et les institutions économiques mondiales(OMC, Banque mondiale, FMI) est vigoureu-sement encouragé. On crée ainsi un pôle dedomination économique, sur lequel on voit malcomment s’exercera le contrôle politique.

En dépit de ce constat amer, quel cheminparcouru depuis Marrakech et Seattle ! Le panorama des relations Nord-Sud a changé. Les pays en développement, mêmeles Africains, ont clairement le droit à la paro-le et sont susceptibles de refuser de signer desaccords qui ne les satisfont pas. Comme lorsde la conclusion du cycle de l’Uruguay, lesÉtats-Unis et l’Union européenne avaient concluun préaccord sur l’agriculture, sans tenir comp-te des demandes des pays pauvres, espérantainsi obtenir un accord final, ce qu’ils n’ont puimposer. Les pays en développement pourront-ils maintenant transformer l’essai et faire valoirleur point de vue dans les négociations com-merciales ? ■

Solagral, 15 septembre 2003

1 Les sujets dits « de Singapour » : investissements, transpa-rence dans les marchés publics, concurrence et facilitation ducommerce.

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INTER-RÉSEAUX

31Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

Quoi de neuf à l’Inter-Réseaux ?

● Anne Lothoré et Gilles Mersadier ont participé aux journées nationalesde l’AFDI les 5 et 6 juin 2003. Durant ces deux journées, l’organisation desAgriculteurs français et Développement international a proposé plusieursateliers thématiques rassemblant des représentants d’organisations d’agri-culteurs du Sud et du Nord.Contact : Agriculteurs français et Développement international, 11 rue dela Baume, 75008 Paris [email protected] - www.afdi-opa.org

● Visite d’Inades Formation À l’occasion de leur tournée annuelle auprès de leurs partenaires financiers,l’Inter-Réseaux a reçu la visite de MM. Ouédraogo (directeur) et Dounia,en provenance du siège de l’organisation Inades Formation à Abidjan.Monsieur Ouédraogo nous a présenté l’actualité de leur programme trien-nal 2003-2005, et en particulier les thématiques faisant l’objet d’uneréflexion au sein du réseau des bureaux nationaux de l’organisation : plai-doyer et lobbying sur la défense du patrimoine génétique, politique etméthodologie de capitalisation, maîtrise des filières porteuses. Contact : Inades Formation, 08 BP 8 Abidjan 08 - Côte-d’Ivoire [email protected] - www.inadesfo.org

● Changement de directeur au Cesao Un nouveau directeur général a été nommé en avril à la tête du Centred’études économiques et sociales d’Afrique de l’Ouest : M. Nikiema. Venant de Dakar où il participait au Réseau d’expertises des politiquesagricoles (Repa), il remplace Mme Ouéba au siège du Cesao à Bobo-Dioulasso.Contact : Cesao, 01 BP 305 Bobo-Dioulasso, 01 [email protected]

L’INTER-RÉSEAUX A PARTICIPÉ DES NOUVELLES DE NOS PARTENAIRES

L’Association des organisations professionnelles et paysannes au Mali(AOPP) et l’Inter-Réseaux sont associés en vue de préparer et d’organiserune rencontre sous-régionale sur ce thème. À l’initiative du Fida (Fondinternational de développement agricole), ils vont valoriser sur 3 pays(Niger, Burkina et Mali) quelques expériences d’innovations (techniques,sociales ou organisationnelles) portées par des agriculteurs et leurs orga-nisations. Une manifestation sera organisée début 2004 réunissant les« innovateurs » et leurs partenaires (projets et ONG, recherche-dévelop-pement, administration et bailleurs). Trois objectifs sont visés : 1) per-mettre un échange entre des paysans engagés dans des dynamiques d’in-novation, 2) comprendre le rôle que peuvent jouer les organisationspaysannes pour accompagner les innovations de leurs membres, 3) iden-tifier les conditions et les modalités de synergie entre ces démarches pay-sannes, la recherche et la vulgarisation agricole. Pour vos contributionssur ce thème et des renseignements complémentaires, écrivez-nous :AOPP, BP 3066 Bamako – Mali ; [email protected] Inter-Réseaux, 32 rue Le Peletier, 75009 Paris [email protected]

Redev, une communauté de travail émergente

Au ministère des Affaires étrangères français, la sous-direction duDéveloppement économique et de l’environnement (DCT/E) a décidéd’associer assistants techniques, attachés de coopération, chargés de mis-sion du département, opérateurs français et partenaires du Sud, au sein d’unréseau d’échange et d’information. Ce réseau, le Réseau développementrural durable (Redev) se propose d’être un espace dynamique, ouvert etflexible, d’information, de dialogue, de confrontation d’analyses et d’ex-périences, et de réflexion sur le dispositif de coopération français en matièrede développement rural. Ce réseau a pour objectif de faciliter les échangestransversaux d’informations entre les acteurs, les secteurs et les pays afinde créer une communauté de travail solidaire et cohérente.Le Redev est un réseau sur les thématiques du développement ruraldurable, à savoir :● politiques publiques : politiques agricole, politique de l’eau, de l’énergie...● appui institutionnel aux secteurs productifs● appui aux producteurs et à leurs organisations● foncier, gestion des ressources et biens communs, environnement de la

productionDes groupes de travail sont mis en place autour de ces thèmes. Le pre-mier groupe étant celui sur l’appui aux OP, groupe animé par l’IR.Des informations sur le Redev et les groupes de travail sont accessiblessur le site Redev : www.redev.info

Organisé par l’association Untaani de Diapangou et l’antenne régionaled’Îles de Paix du 17 au 21 mars 2003, l’atelier portait sur la promotion du petitélevage (volailles, ovins, caprins…) au sein des organisations paysannes. Îlesde Paix appuie les communautés de base au Burkina. Cette ONG travaille dansle domaine de la sécurité alimentaire et du renforcement des capacités.Dans son programme, une place particulière a été réservée pour des activités de dynamisation des échanges d’expériences entre organisations paysannes. L’antenne espère, au travers de ces activités, favoriser la créationd’un réseau informel de contacts qui relie l’ensemble des organisations paysannes de la région. Pour plus de renseignements, vous pouvez les contac-ter à cette adresse : Îles de Paix, Antenne régionale, BP 75 Fada N’Gourma,Burkina, [email protected]

L’innovation paysanne, un nouveau thème de travail pour l’Inter-Réseaux

Atelier d’échange d’expériences sur la promotion du petit élevage au sein des OP

Journée mondiale de la femme rurale le 15 octobre 2003

La Journée mondiale de la femme rurale est une initiative lancée par plusieursONG internationales à Beijing en 1995 lors de la 4e conférence internationalede l’ONU sur les femmes et organisée depuis 1997 par la fondation Sommetmondial des femmes (FSMF). Des célébrations et événements sont organisésdans plus de 100 pays autour du monde. « Partout dans le monde, les femmesrurales jouent un rôle majeur dans la sécurité alimentaire ainsi que dans le dévelop-pement et la stabilité des campagnes. Et pourtant, leur statut ne leur permet souvent

pas de jouir de droits fonciers ou d’accéder à des services vitaux comme le crédit, lesintrants, la vulgarisation, la formation et l’éducation. Leur contribution vitale au seinde la société est largement méconnue. La Journée mondiale de la femme rurale apour ambition de changer cette situation en braquant les feux de l’actualité sur lesfemmes rurales au moins une fois par an, afin de rappeler à la société combien elleleur doit et de leur rendre l’hommage qu’elles méritent. »http://www.woman.ch/women/2-introduction.asp

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INTER-RÉSEAUX

32 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

Filière riz sénégalaise : les producteurs s’expriment

Éléments rassemblés par Gilles Mersadier, Inter-Réseaux

Dans le cadre du forum électronique sur le « Commerce des produits agricoles

dans les pays ACP et son impact sur ladynamisation des économies locales »,

l’Inter-Réseaux a organisé les 9 et 10 avrilun atelier de réflexion et de débat

sur la filière riz au Sénégal.

Un atelier–débat pour faciliterla rencontre et l’échange de

points de vues

Organisé avec l’appui du Centretechnique agricole (CTA) dans leslocaux du Centre interprofession-nel de formation agricole (Cifa) à

Saint-Louis, l’atelier a réuni vingt-cinq participants durant deux jour-nées pour échanger autour des problèmes de la filière riz sénéga-laise. Plusieurs catégories d’acteursétaient représentées : des respon-sables d’unions de producteurs de riz, des cadres de la Société nationale d’aménagement et d’ex-ploitation des terres du Delta dufleuve Sénégal (Saed), un représen-tant de l’Institut sénégalais de larecherche agronomique (Isra) et leprésident de l’Association nationaledes consommateurs du Sénégal.L’animation était assurée par GuyPetit Pierre et Laurent Lhopitallier

de l’Inter-Réseaux Paris, assisté deDaouda Diagne, membre de l’Inter-Réseaux Sénégal.

Les riziculteurs de la vallée dufleuve Sénégal se défendent

face aux critiques extérieures

Les animateurs se sont étonnésque dans la littérature récente lafilière Riz sénégalaise ne bénéficiepas d’une bonne image :

● Une riziculture «trop chère»(irrigation par pompage et travailmécanisé) qui doit faire face à unedégradation des aménagements et

Inter-Réseaux

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INTER-RÉSEAUX

33Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

à un non-renouvellement des équi-pements.

● Une production nationale limi-tée, couvrant moins de 20 % desbesoins, nécessitant l’importationde 700 000 tonnes de riz en 2002,pour une valeur de plus de 100 mil-liards de FCFA.

Les producteurs ont réagi vive-ment en argumentant leurs posi-tions :

● La culture du riz irrigué dans lavallée est indispensable. Ellerépond à une contrainte des agri-culteurs pour lutter contre la sali-nité des sols : ils doivent inonderune fois par an leur parcelle pourla lessiver et empêcher la remontéedu sel. Ensuite, elle reste une prio-rité : le producteur veut en priori-té garantir son autoconsommationen riz, base de son alimentation.

● Le pompage est une contrain-te, mais il permet de pallier l’ab-sence de pluie. Et si l’électrificationde la vallée avait été menée à sonterme, les pompes électriques faciliteraient le travail du rizicul-teur. Quant à la mécanisation, elleest nécessaire, car les terres sontlourdes et donc impossibles à tra-vailler à la main ou en culture attelée.

Des tentatives pour faciliter la commercialisation

du riz local et sa promotiondans la capitale

Plusieurs responsables d’unionsde producteurs ont reproché à l’État de ne pas mettre en placedes mécanismes appropriés pourpermettre au riz local de concur-rencer sur le marché national le rizimporté des pays asiatiques. Et depréciser que, de toute manière, onne trouve pas de riz local à Dakar,sa commercialisation reste «confi-dentielle» et sporadique.

Mme Cissé Peinda Gueye, prési-dente de la Feprodes 1, témoignesur plusieurs solutions tentées cesdernières années. Ainsi, il y a troisans, la Fédération des groupements

féminins du Sénégal s’était enga-gée à commercialiser le riz localaprès une grande rencontre à laChambre de commerce et d’agri-culture de Dakar, mais les résultatsescomptés étaient loin d’êtreatteints. Quant aux commerçants,ils n’ont pas joué le jeu malgré leuradhésion au cadre de concertation.Ils préfèrent l’importation à causede leurs marges bénéficiaires. Ilfaut dire que celles-ci ne doiventpas être négligeables : la brisurede riz est généralement bradée surle marché international car consi-dérée comme un sous-produit, etles taxes à l’importation sur le rizsont supprimées au Sénégal depuisjuillet 2002 !

Sur la faible pénétration du rizlocal dans la capitale, Mme Cisséprécise qu’il faut chercher pour-quoi ce riz n’est pas aimé par lespopulations des villes, particuliè-rement par les Dakarois. Il faudraitégalement réveiller un élan de

patriotisme et faire savoir auxpopulations que le pays ne peutcontinuer à dépendre éternelle-ment de l’importation. (Mme Cisséa présenté lors de l’atelier un plande promotion destiné à promou-voir le riz local sur la capitale et àfaciliter la mise en place d’unréseau de distribution)

L’ensemble des points abordésau cours de l’Atelier sont détaillésdans le compte-rendu et dans lescontributions des participants. Cesdocuments ainsi que d’autres surle Forum des riziculteurs béninoiset la filière riz en Afrique sont dis-ponibles sur le forum « Commercesdes produits agricoles2 ». ■

1 Feprodes : Fédération des groupements et associations de femmes productrices de Saint-Louisau Sénégal – BP 5017 Saint-Louis, Sénégal ;[email protected]

2 (http://forum1.inter-reseaux.net, rubriqueThématique> Céréales)

Au Bénin, les riziculteurs constituent un comité de concertation

Plusieurs riziculteurs béninois soutenus par le réseau APM Bénin construi-sent un processus de recherche-action qui fait intervenir des responsableset des techniciens d’organisations paysannes, des ONG et des bureauxd’études béninois. Quatre phases se sont déroulées depuis avril 2002 :

● Des enquêtes sur des initiatives paysannes relatives à la riziculture, etnotamment sur l’implication de certaines organisations paysannes dans cettefilière ;

● Un atelier de synthèse pour dégager les problèmes communs aux rizicul-teurs béninois, et les initiatives paysannes qui permettent d’y faire face ;

● Des études complémentaires pour renforcer le niveau d’information desriziculteurs afin qu’ils puissent dégager des actions collectives ;

● Un forum des riziculteurs présentant les conclusions des études complé-mentaires pour alimenter les ateliers débats et déboucher sur la créationd’un comité de concertation des riziculteurs béninois.

Contact : réseau Agriculture paysanne et modernisation (APM) au Bénin, BP 07 – Adjohoun, tél. : 229 27 30 84, [email protected]

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INTER-RÉSEAUX

34 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

Série AAUTONOMIE

Collection

CHANGER L’AIDE, C’EST NOTRE AFFAIRE À TOUS

Chacun de ceux qui apportent de l’aide semble ne s’intéresser qu’à son projet. Aussi, plusieursintervenants extérieurs agissant dans un même village ou une même zone créent le désordre.Comment maîtriser cela « par en bas » ?

Notre force, est-ce l’aide extérieure qui la crée ?A1Objectif de ce livret : Faciliter la réflexion au sein d’une organisation paysanne(OP) sur le danger de devenir de plus en plus incapable defaire quelque chose sans aide.

Thème 3Quels problèmes avons-nous avec l’aide ?

« Il y a pas mal de problèmes avec l’aide. Je peux raconter une peti-te anecdote. Tu connais le chacal ? Il y a un arbre fruitier dont lesfruits sont beaucoup aimés par les chacals. Et là, il y a un chacal quiest malade. Alors on lui demande de quoi il avait eu ses maux deventre. Il avait la diarrhée. On lui a demandé ce qui lui avait donnéla diarrhée. Il a dit : « Par tel fruit ». Et on lui a dit : « Qu’est-ce quiva te soigner ? » Et il a dit : « Le même fruit ». C’est cela l’aide.Ndeye Sarr, Présidente de la FONGS (Fédération des ONG paysannesSénégalaises).

On dit chez nous que sil’argent ne vient pas de

l’effort des gens, il détruitles liens de parenté.

Aminé Miantolooum, Tchad.

Lorsque le gens me disent qu’ils n’ont rien, qu’ils sontpauvres, je commerce à les

faire réfléchir sur ce qu’ils ont.Personne n’a « rien ».

Joséphine Ndione, Sénégal.

La main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit. Proverbe.

Marier une fille à ton fils sans son apport, c’est apprendreà ton fils à abandonner sa femme.

Bambaye Guelmian, Tchad.

L’aide sans effort personnel est comme une rivaquine avalée sans eau.Bambaye Gelmian, Tchad.

Comment augmenter nos ressources propres ?A2

Objectif de ce livret :Porter l’attention sur les ressources locales mobilisables parles organisations paysannes (OP). S’interroger sur les expé-riences contribuant à renforcer l’autonomie financière des OP.

Thème 3« Chacune pour toutes puis toutes pour chacune »

« Le crédit est organisé par groupement et, au sein de celui-ci, paremprunteur. Au début, pendant les 3 premières années, on avait unfonds d’appui aux groupements. On prêtait à ceux-ci et c’était rem-boursé : 1/3 revenait au Graif et les 2/3 restaient au niveau du grou-pement pour renforcer la caisse et permettre d’autofinancerd’autres actions. Depuis l’année dernière, on a... » Joséphine Ndione, responsable de l’association Graif (Groupe de recherche etd’appui aux initiatives féminines, Sénégal)

Les OP doivent avoir en tête que l’aide extérieure n’est paséternelle. Il faut créer des activités de substitution pour

financer ses propres programmes après l’aide.Noyau de Ouahigouya, Burkina.

Les petits projets d’un an, de deux ans, c’est cela qui rend dépendant.

Mariam Maïga, Burkina.Il faudrait que l’aide produise de quoi laisser l’aide.

Noyau de Ouahigouya, Burkina.

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INTER-RÉSEAUX

35Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

Comment combiner nos ressources propres avec les apports d’aide ?A3Objectif de ce livret : Une fois que l’argent de l’aide est là, comment ne pas oublierqu’il ne durera pas ? Comment bien lier entre elles les res-sources du groupe et les contributions du donateur ?

Thème 3« Les ressources propres et l’autonomie

de l’association JIG-JAM», Sénégal

« Les ressources propres sont celles qui ne sont pas financées par unpartenaire mais qui sont générées par des activités que l’associationmène. Ou bien qui sont mobilisées à partir de la participation desmembres. Ce sont ces ressources propres qui nous permettent, parce que c’est très souple, de financer des actions et même des ini-tiatives nouvelles. Par exemple... »Sara Diouf, secrétaire général de l’association paysanne Jig-Jam, Sénégal.

Tout projet qui dit attendre des aides pour démarrer est unmauvais projet, de même que toute aide qui déclare susciter

un projet qui n’existe pas est une mauvais aide.Didier Burgun, France.

Au lieu de continuer la main tendue auprès des bailleurs, de fonds, il faut créer des sources de financement au niveau

local. Elles sont possibles et nombreuses.Tamba Yancouba, Sénégal.

Comment épauler sans blesser l’autonomie ?A4Objectif de ce livret : Faciliter la réflexion des agents d’un organisme d’appui surle thème de l’autonomie de ceux qu’il aident. Thème 3

L’aide peut blesser le groupe

« Un groupement qui a mis en place son fonctionnement, si l’aidearrive, alors sa méthode de fonctionnement n’est plus adéquatepour gérer l’aide ! Il devrait normalement évoluer, se former etréfléchir pour être en mesure de s’adapter à cette nouvelle situa-tion. Parce qu’une aide extérieure, forcément, perturbe.../ »Geneviève Pillet, membre fondateur de l’Assaild (Association d’appui aux initiativeslocales de développement, Tchad)

« On dit que si un cheval appartient à tout le monde, la soif va le tuer parce chacun se dit que, s’il n’est pas là, quelqu’un

d’autre va l’abreuver. »Naaba Kagone, Burkina.

« Ce sont ce que vous appelez les bénéficiaires qui sont les vrais acteurs et non pas ceux qui les aident ».

Mamadou Cissokho, Sénégal.

Ces extraits sont tirés d’une collection de 31 livrets à découvrir sur le site web du Grad à l’adresse :www.globenet.org/grad/livre/index.html

Vous pouvez aussi les commander (série par série) : [email protected]

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36 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

BOÎTE À OUTILS

L’OIC et sa Charte, le Gatt et ses Rounds, l’OMC et ses Conférences ministérielles...

quelques repèresÉléments rassemblés par Anne Lothoré,

Inter-Réseaux, sur la base de fichespédagogiques de Solagral et autres documents1

De l’OIC au Gatt (1946-1950)

À la fin de la deuxième guerre, beaucoup d’économistes pensaientque le protectionnisme développé durant l’entre-deux-guerres avait étéune cause majeure de cette deuxième guerre mondiale. Aussi, la coopé-ration économique internationale, la liberté du commerce, leséchanges entre nations autonomes et l’interdépendance commer-ciale étaient vus comme des moyens essentiels pour retrouver prospéritéet développement économique et promouvoir ainsi la paix.

Dans la suite de la création de la Banque mondiale et du Fond moné-taire international est alors prévue la création de l’Organisation inter-nationale du commerce (OIC). Une charte élaborée par plus de 50 paysest adoptée par les Nations unies, à la Havane, en 1946. Cette charte dite« de La Havane » comporte des volets concernant le commerce maisaussi l’emploi, les investissements, les services, des accords de produits...

Parallèlement, et pour anticiper sur le volet commer-cial de l’OIC, 23 pays lancent un cycle de négociationscommerciales, à Genève. Ce premier cycle de négocia-tions aboutit à un accord de réduction de barrières tari-faires : l’Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, ou Gatt (General Agreement on Tariffs andTrade), signé en 1947.

Mais l’OIC est rapidement « enterré » avant même d’êtrevéritablement né, les États-Unis ne voulant pas ratifier lacharte de la Havane. Le Gatt devient alors l’instrumentmultilatéral de réglementation du commerce (1950).

Du Gatt à l’OMC (1947-1994)

L’objectif du Gatt était de supprimer des pratiques limitant le com-merce, avec comme référence majeure la libre concurrence : libéraliserle commerce, réduire progressivement les droits de douane sur les pro-duits manufacturés, créer un marché où les produits peuvent s’échan-ger librement, conformément à la théorie des avantages comparatifs deRicardo (selon cette théorie, chaque pays a intérêt à se spécialiser dansle ou les produits pour lesquels il a le moins mauvais coût de productioncomparativement aux autres pays).

Trois principes fondamentaux guidaient les négociations commer-ciales du Gatt :

● la suppression des discriminations entre pays : un pays doit accor-der à tous ses partenaires ce qu’il accorde à son partenaire privilé-

gié (clause de la nation la plus favorisée) ;● la suppression des discriminations entre produits

importés et produits locaux : le traitement est le même pourles produits importés et pour les produits locaux (clausedu traitement national) ;

● la réciprocité : chaque pays doit accorder des avan-tages équivalents à ceux qu’on lui accorde.

Le Gatt ne s’occupait que des marchandises. Il n’avaitpas de compétences sur les produits agricoles et sonaction s’arrêtait aux frontières.

Depuis le premier accord signé à Genève en 1947, 8 cycles de négociations, ou « rounds », se sont succé-dés dans le cadre du Gatt. Le dernier cycle, l’Uruguayround, s’est terminé en 1994 sur un accord final, l’Accordde l’OMC, qui institue l’Organisation mondiale du com-merce. L’OMC remplace dès lors le Gatt en tant qu’or-ganisation.

Membres

Observateurs

AutresSource : d'après Sciences Po Cartographie © DR

Les membres de l'OMC

De l’OIC aux Gatt (1946-50)

● 1944 - Accords de Bretton Woods : création de la Banque mondiale et du FMI.

● 1946 - Charte de la Havane : adoption de la charte de l’OIC.

● 1947 - Gatt, en tant qu’accord international : 1er cycle de négociations, signé à Genève.

● 1950 Gatt, en tant qu’organisation de réglementation du commerce succède au projetd’OIC.

Il existe donc 2 Gatt ! Le Gatt en tant qu’accord international, Accord général sur les tarifsdouaniers et le commerce, signé à Genève en 1947 (sa version actualisée en 1994 : c’est l’accord général sur les marchandises adopté à Marrakech, ou Accord de l’OMC). Mais leGatt est aussi l’organisation internationale créée en 1950, en remplacement de l’OIC et pouradministrer l’accord.

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37Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

BOÎTE À OUTILS

Cependant, et contrairement au Gatt, l’OMC n’est pas liée au systè-me des Nations unies et à ses grands textes fondamentaux, en particu-lier la charte de l’ONU1.

Intégration des échanges agricoles dans le cycle de négociations Uruguay 2Jusqu’en 1986, le Gatt autorisait des protections douanières sur les

produits agricoles : protections tarifaires et non tarifaires comme lesquotas d’importation, subventions aux agriculteurs ou aux exportations.

Ces protections, largement utilisées par les États-Unis ou l’Europeont provoqué des tensions croissantes entre les principaux pays expor-tateurs. Ces pays ont alors décidé d’inclure l’agriculture dans le Gattlors du lancement du cycle de l’Uruguay, en 1986.

Il s’agissait surtout d’adopter des règles pour aboutir à une concur-rence moins coûteuse, et les négociations se sont concentrées sur lesmesures encadrant la production et la commercialisation des produitsalimentaires tempérés (céréales, viandes, lait). La libéralisation deséchanges agricoles devait permettre la baisse des prix des produits ali-mentaires, et donc améliorer l’alimentation des populations pauvres.

L’Accord de Marrakech, acte final du cycle de négociations UruguayAccord de Marrakech, Accord(s) de l’OMC, Accords du Gatt,

Accord de l’Uruguay Round... autant de désignations désignant le mêmeacte final du cycle de négociations commerciales de 1986-1994. Cet accord unique institue l’OMC. Il regroupe 29 accords juridiquesdistincts couvrant l’agriculture, les services, les marchandises... et autresmémorandums, déclarations et décisions ministérielles.

Parmi les 29 accords juridiques et décisions de l’Accord de Marrakech,certains concernent plus particulièrement l’agriculture, les pays endéveloppement (PED) et les pays les moins avancés (PMA) : l’Accordrelatif à l’agriculture, l’Accord général sur les marchandises, l’Accordrelatif aux mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), l’Accord relatifaux obstacles techniques au commerce (OTC), l’Accord général sur lecommerce des services (AGCS ou Gats en anglais, concerne tous lesservices, privés et publics, à l’exception des services dits régaliens àsavoir police, justice, armée, diplomatie), l’Accord relatif aux aspectsdes droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (Adpic,ou Trips en anglais), l’Accord relatif aux mesures concernant les inves-tissements et liées au commerce (MIC ou Trims en anglais).

L’Accord de Marrakech, tournant vers une plus grande libéralisation des échangesLes signataires de l’Accord de Marrakech s’engagent à réduire les

protections aux frontières et leurs soutiens à la production. Les mesuresde l’Accord agricole relèvent de trois catégories :

● faciliter l’accès au marché en réduisant les droits de douane et autresprotections à l’importation ;

● réduire les soutiens internes ayant un impact sur la compétitivitédes agriculteurs face à leurs concurrents étrangers, en particulier lessubventions et autres programmes qui visent à accroître ou à garantir lesprix à la production et les revenus des agriculteurs. Dans ce cadre, lessoutiens aux agricultures dans les pays développés ont été classés dansdes « boîtes » de couleur différente : boîte bleue, boîte verte, boîte orange3... ;

● réduire les subventions à l’exportation et autres soutiens appliquéspour assurer de façon dirigée la compétitivité des exportations.

Depuis 1995 : l’OMC et ses conférences ministérielles

L’OMC, au-delà du commerce des marchandisesLe Gatt ne s’occupait que du commerce des marchandises. Le champ

d’intervention de l’OMC dépasse le cadre des politiques strictementcommerciales pour intégrer d’autres politiques nationales qui inter-fèrent avec le commerce : politiques agricoles, régimes d’investissementet de protection de la propriété intellectuelle…

L’OMC répond à quatre objectifs principaux : ● améliorer l’accès au marché des biens et services ;● renforcer le système de règles commerciales internationales ;● garantir la stabilité, la prévisibilité et la transparence du com-

merce mondial ;● améliorer le système de règlement des conflits commerciaux.Et elle est chargée de tâches concrètes : ● veiller à la bonne mise en œuvre de l’Accord de Marrakech, fonda-

teur de l’OMC ;● administrer les procédures de règlement des différends pour régler

les conflits commerciaux, via en particulier l’organe de règlement des dif-férents ;

● devenir le lieu d’une négociation commerciale permanente ;● administrer le mécanisme d’examen des politiques commerciales ;● coopérer avec le Fonds monétaire international et la Banque mondiale.En 2003, l’OMC comprend 146 pays membres. C’est une instance

de concertations et de négociations permanentes en raison de sonfonctionnement par cycles de négociations : on parle de rounds, car il n’ya pas de traité définitif.

Les négociations à l’OMC suivent officiellement certains principes ● l’engagement unique : « rien n’est convenu tant que tout n’est pas

convenu ». Chaque thème de négociation fait partie d’un ensemble indi-visible et aucun ne peut faire l’objet d’un accord séparé : être membrede l’OMC signifie donc adhérer à l’ensemble des Accords, sans excep-tion ;

● un traitement spécial et différencié en faveur des PED, et encoreplus pour les PMA. Ce traitement n’est cependant que transitoire puisquePED et PMA devront se conformer à terme aux mêmes disciplines queles pays développés (voir encart) ;

● la prise en compte du développement durable dans les négocia-tions ; ➤

8 cycles de négociations commerciales du Gatt (1947-1995)

Cycle Appellation Durée Pays Thèmes

1er Genève 1947 23 tarifs 2e Annecy 1949 13 tarifs 3e Torquay 1950- 51 38 tarifs 4 e Genève 1956 26 tarifs 5e Cycle Dillon 1960-62 26 tarifs 6 e Cycle Kennedy 1964-67 62 tarifs, mesures anti-dumping 7 e Cycle Tokyo 1973-79

102 tarifs, mesures non tarifaires,

« accords cadres » 8e Cycle Uruguay 1986-94 123 tarifs, mesures non tarifaires ; normes

et règles internationales pour éviter desformes déguisées de protection ; intégra-tion de nouveaux domaines : agriculture,services, textiles et vêtements ; élargisse-ment des négociations aux politiques nationales interférant avec le com-merce. Accord de l’OMC, signé à Marrakech et instituant l’OMC

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38 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

BOÎTE À OUTILS

● la transparence des négociations ;● un forum de discussions permanentes.En principe, le processus décisionnel de l’OMC est très égalitaire entre

les pays membres : chaque pays a une voix, indépendamment de sarichesse, sa taille, sa population ou son poids dans le commerce mondial.Les statuts de l’OMC prévoient la prise d’une décision à la majoritésimple ou des deux tiers. Dans les faits, c’est la règle du consensus quia jusqu’à maintenant été retenue, et la règle généralisée du droit de vetoprévaut : une décision est prise si aucun pays ne s’y oppose.

Dans la réalité, il y a un manque certain de transparence et d’égali-té entre les pays dans la négociation. Suite à de vives critiques lors de laConférence de Seattle (négociations tenues dans les « salons verts »,couleur du salon du directeur de l’OMC…), l’OMC s’est engagée à pro-poser des réformes et a particulièrement insisté sur l’amélioration del’accès aux documents officiels, sur la publicité des débats et tente demieux intégrer les ONG et autres acteurs de la société civile au proces-sus de négociations.

La Conférence ministérielle, instance suprême de décision de l’OMCComposée de représentants de tous les pays membres, la conférence

ministérielle se réunit au moins tous les deux ans et rassemble tous lesmembres de l’OMC, pays ou unions douanières. Elle décide l’ordre dujour des négociations, l’admission de nouveaux membres, la conclusiond’accords nouveaux et la création de groupes de travail permanents (surl’environnement par exemple).

Depuis la naissance de l’OMC, 5 conférences ministérielles se sontsuccédé, la dernière en date ayant eu lieu en septembre dernier à Cancún,au Mexique (cf. article sur Cancún dans la rubrique Nord-Sud).

Comme autres instances de décision, il y a aussi :● le conseil général, responsable de la préparation des conférences

ministérielles. Il est chargé de mettre en œuvre les décisions en éma-nant. Il gère «au quotidien» l’OMC, chapeaute des conseils théma-tiques et peut créer des groupes de travail spécialisés ;

● le comité des négociations commerciales, approuvé à Doha. Il éta-blit des mécanismes de négociation et supervise les progrès des négociationsayant lieu au sein de groupes de travail. Il se réunit tous les deux à troismois ;

● un secrétariat est chargé d’appuyer les différents organes de décision.

Quatrième conférence ministérielle de l’OMC à Doha et ouverture d’un 9e round À l’occasion de la quatrième conférence ministérielle de l’OMC à

Doha, au Quatar, les pays membres de l’OMC ont décidé d’ouvrir un nou-veau cycle de négociations sur le commerce mondial : le cycle de Doha,dit aussi « cycle du Millénaire » ou « programme de Doha pour le déve-loppement ».

Ce cycle de négociations commerciales, comme les 8 précédents dansle cadre du Gatt, a pour objectif d’étendre la libéralisation des échanges

Documents consultés : - Solagral : http://www.solagral.org/publications/pedago/agri_omc_2001/index-

bis.htm

- Agridoc : http://www.agridoc.com/fichestechniques_gret/politiques-agricoles

- Alternatives économiques n°217 bis, septembre 2003. – 14p.

Autres sites :- Organisation mondiale du Commerce : www.wto.org/french/tratop_f/agric_f.htm

- Haut-comité à la coopération internationale :

http://www.hcci.gouv.fr/lecture/synthese/sy011.html

- Union européenne : http://europa.eu.int/comm/trade/issues/newround/index_en.htm

- Organisation pour la coopération au développement économique :

www.oecd.org/agr.htm

- Documentation française :

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossier_international/omc

5 Conférences ministérielles de l’OMC (1996-2003)Date Conférence Lieu

9-13 décembre 1996 1ère Singapour 18-20 mai 1998 2ème Genève 30 nov-3 déc. 1999 3ème Seattle

9-14 novembre 2001 4ème Doha et début du 9e round

10-14 septembre 2003 5ème Cancún

➤Traitement spécial et différencié

Les pays en développement (PED) bénéficient dans la plupart desaccords d’un traitement plus favorable que les pays développés,notamment :● des délais de transition plus longs pour la mise en œuvre desAccords ;● des obligations réduites : par exemple, il y a obligation de réductiondes droits de douane de 36% pour les pays développés, seulement 24%pour les pays en développement, et les PMA en sont exemptés ;● des exemptions : par exemple, les PED peuvent utiliser des aidesinterdites pour les pays développés, comme des aides à la commer-cialisation, aide au transport intérieur et international, aide à l’inves-tissement agricole, subventions des intrants pour les agriculteurspauvres… ;● des programmes d’assistance technique, notamment pour la réformedes législations nationales. Par exemple, les PMA ne doivent respectercertains engagements que dans la mesure où ils sont compatibles avecles besoins du développement, des finances et du commerce de chacund’entre eux ou avec leurs capacités administratives et institutionnelles

commerciaux. Il doit permettre d’aller plus loin que le cycle de l’Uruguay,en particulier en ce qui concerne les productions agricoles, il doit revoirles règles commerciales existantes et les étendre à de nouveaux domaines.Les résultats doivent renforcer la capacité des pays en développement àtirer pleinement parti de l’impulsion qu’il produira sur le commerceinternational, et contribuer au développement durable : d’où l’appella-tion de ce cycle : « programme de Doha pour le développement ».

Le cycle de négociations commencé à Doha en 2001 devrait aboutiren 2004-2005. ■

1 La FAO, organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, a mis en avant leprincipe d’un « droit à l’alimentation » reconnaissant à chacun la possibilité de se nourrir defaçon saine et équilibrée. Ce droit rentre en contradiction avec les politiques décidées à l’OMC. Avec le Comité des droits de l’homme des Nations unies, la FAO a engagé des négociationsavec les États pour que ce droit devienne effectif. Pour pouvoir porter plainte et saisir unejuridiction chargée de régler les conflits… il faudrait en outre qu’une juridiction existe. Cequi n’est pas le cas (Alternatives économiques n°217 bis, sept. 2003. – p. 11).2 Extrait de : « La gestion des marchés de Marrakech à Doha. Les enjeux des négociations agri-coles internationales / Didier Pillot. – Gret. Agridoc ».3 Voir Grain de Sel n° 23 p. 26.

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39Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

BOÎTE AUX LETTRES

À propos des exploitationsfamiliales rurales

■ Il me paraît impéra-tif de conserver lesexploitations fami-liales rurales. Peut-être la rentabilitéfinancière de grandesexploitations mécani-sées serait-elle supé-

rieure à celle des petites fermes tradition-nelles – malgré des dangers peu ou mal pris encompte comme les érosions. Mais leur abandonpriverait définitivement de possibilités d’adapta-tion, d’améliorations, de progrès à la mesure desressources des exploitations familiales rurales.Des appuis tels que ceux proposés par la « boîtede développement » de l’Uemoa pourraientassurer une certaine stabilité des prix et desdébouchés. En plus, j’aurais aimé quelques pro-positions pour vaincre la crainte légitime desessayeurs de nouvelles techniques ou variétés…car le risque d’échec fait peur à des exploitants àla limite de leur survie alimentaire.L’exploitation familiale est la condition obligéedu maintien de la vie rurale, le meilleur moyende lutte contre l’émigration urbaine. Mais plusencore, elle engage la responsabilité des cultiva-teurs et leur initiative, développe leur amour deleur terre et de leur bétail ; ils peuvent choisir lestechniques en fonction des conditions locales,des aptitudes des terres, des critères spécifiquesliés au sol, au microclimat, à l’histoire de chaqueparcelle et en tenant compte de la force de tra-vail disponible.Il n’y a pas d’incompatibilité absolue entre cetteresponsabilisation des paysans et les grands pro-grammes financiers d’aide au développementagricole. J’ai suivi pendant près de 40 ans de telsprojets au Niger, dans la région de Tahoua. Uneétude générale, appuyée de travaux de géologie,pédologie, hydraulique, sociologie, faite dansles années 1960, avait été suivie d’essais pra-tiques avec un large appui de l’animation rurale.Le tout devait servir de base aux projets ulté-rieurs d’exécution, en employant l’encadrementformé et les paysans associés. Mais la douzainede projets de financement successifs ont établileur programme sans les cultivateurs et sanstenir compte des études de détail.

Une préparation de leurs actions faite avec lesacteurs – les paysans – aurait permis de valori-ser leurs savoirs, leurs expériences, de connaîtreleurs appréciations critiques, les besoins d’ap-puis tels qu’ils les ressentent : ce n’aurait pas étéune perte de temps, et cela aurait pu éviter unmanque de confiance des cultivateurs, parfoislégitime, face aux innovations proposées.Pierre Martin, août 2003

Et l’effort du labeur des paysans s’envole à l’instant…

■ Je vous remerciede l’intérêt que vousportez à notre grainde sel pour ce forumsur « le commercedes produits agri-coles dans les paysd’Afrique, Caraïbes,

Pacifique ». Tout sujet qui aura trait à l’agricul-ture trouvera une place privilégiée au sein denotre organisme car la vie économique de notrepays repose sur l’agriculture. II me semble sou-vent que les pays développés, compte tenu deleur production en grande quantité grâce à l’évo-lution de la technique, trouvent insignifiants lesproduits agricoles africains dans la balance com-merciale mondiale. Voilà un continent vaste avecses terres fertiles, n’ayant pas les moyens tech-niques de sa politique agricole, et qui verra trèsréduite sa part de marché à l’échelle mondiale.Les agriculteurs possèdent des produits dans lesvillages. Mais faute de routes pour les évacuer àtemps, les produits périssent et l’effort du labeurdes paysans s’envole à l’instant.Combien de fois nous assistons à ce sous-déve-loppement de l’Afrique, et voyons sans défenseles produits pourrir sur le marché : tomates,mangues, bananes, avocats, ananas...Aujourd’hui, nous voyons la nécessité de seregrouper en petites coopératives, en mutuellesde développement pour défendre les intérêts dela richesse agricole de nos paysans. La tâchen’est pas aussi facile que dans les Caraïbes, oùles paysans ont compris depuis de longuesannées la nécessité de se retrouver ensemblepour faire face à la normalisation qu’on leurimpose.Nous espérons qu’avec toutes vos expériencesdans le domaine agricole, nous serons auprès devous pour en accueillir de nouvelles connais-sances et pour une acceptation de l’Afrique à uneplace importante dans le commerce mondial.Mes encouragements à toute l’équipe de l’Inter-Réseaux.Mamadou Traore, secrétaire général de la Mudeko,Mutuelle pour le développement de Kotoula, dans le département de Kotoula S/P de Tienko, 01 BP 964, Abidjan 01, Côte-d’Ivoire.

L’impérialisme domine l’aideau développement

■ Chers partenaires, nousavons lu avec un grandintérêt les deux articles :« À propos de l’aide au développement », de M. Emmanuel Nghenzek,Cameroun, et : « Lesactions visant au dévelop-

pement rural doivent créer un nouveau paysanprofessionnel et libre » de M. David Rakatovalo,de Madagascar, parus dans Grain de sel numéro17, avril 2001, page 27. Il est vrai que l’aide audéveloppement, par le canal des programmesnationaux conçus souvent dans des bureaux, necontribuera jamais au développement durable enAfrique. La majorité des populations étantrurales, plus de 70 % dans nos pays africains res-tent totalement exclus de la conception, l’élabo-ration, la gestion et le contrôle de l’exécution deces programmes nationaux. Il y a toujoursd’énormes profits pour les tenants du pouvoir etles bailleurs de fonds, comme l’a stigmatisé laprésidente de l’Action internationale contre lafaim AICF/France à sa démission, confirmée surRadio France International le 6/03/2002 (je cite).L’impérialisme domine l’aide au développe-ment. Aujourd’hui, tout leader d’un pays afri-cain ou asiatique cherchant l’autonomie nationa-le en valorisant les ressources de son paysdevient la bête noire à battre sous toutes lesformes. Le vrai partenariat doit renforcer l’auto-nomie des nécessiteux. Apprendre à quelqu’un àmarcher de lui-même sans toujours le guider.Aidez-nous à stabiliser la politique, l’économie etdifférentes activités. Démontrez un vrai amour duprochain !Pour l’Action pour le développement rural intégré(ADRI), Chibale Mwansa

Ça Kanam…■ Juste pour vousdire merci de votrefidélité dans la distri-bution de votre revueGrain de sel. Ellenous donne une idéesur ce que les autresfont dans le domaine

rural. Cela fait chaud au cœur de savoir qu’il ya des gens qui se donnent de la peine pour ledéveloppement rural, surtout durable. Un coupde chapeau à tous ces amoureux de la nature.Un clin d’œil à La Calebasse de l’IR-Sénégal.Je leur dis tout simplement « Ça kanam » (celasignifie « on avance »). À bientôt. ArmandNdilmbaye, Esso-Focus, Kome Base, Tchad

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40 Grain de sel • N° 24 • Octobre 2003

PUBLICATIONS

Les économies en développement à l’heurede la régionalisationSous la direction de Philippe Hugon

La quasi-totalité des pays en développe-ment est engagée dans des processusd’intégration régionale dont les formesvont des coopérations sectorielles auxunions politiques avec transferts de sou-veraineté. Cette régionalisation, qui setraduit par des interdépendances écono-miques de fait au sein d’un espace, estmultiforme.L’intégration régionale, que cet ouvrageétudie d’un point de vue économique etpolitique, est révélatrice du renouveau dela question de l’État-nation dans uncontexte de mondialisation et de diversi-té des constructions de l’État. Elle se pose de manière spécifique dans leséconomies émergentes, car celles-ci n’ont pas connu l’histoire occiden-tale de construction des État-nation.En restituant la régionalisation dans la mondialisation, en présentant lesprincipales théories de l’intégration régionale et en évaluant les coûts etles avantages des accords régionaux, cet ouvrage présente ainsi les dif-férentes conceptions du régionalisme. Il compare les processus de régio-nalisation en cours dans les différents continents et prend comme illus-tration l’Asean, la SADC, l’Uemoa et la Cedeao.Karthala

Question agraire et mondialisationPoint de vue du SudAlternatives Sud

Cruciale pour l’avenir de l’humanité, laquestion agraire est au cœur des contradic-tions et des aberrations de l’actuelle mon-dialisation. Les politiques de libre-échangeimposées dans des conditions d’inégalitéextrême accroissent les écarts : surproduc-tion d’un côté, malnutrition de l’autre. Lesimpasses sociales et environnementales dumodèle agricole dominant sont patentes :baisse des prix internationaux, exode ruralmassif, paupérisation, famines récurrentesau Sud, crises alimentaires au Nord… Latendance bénéficie aux transnationales de l’in-dustrie agroalimentaire mais accable descentaines de millions de petits paysans. Laproblématique de l’accès à la terre renvoie

aux différentes conceptions de réforme agraire à l’œuvre : les unes, enphase avec la libéralisation des marchés ; les autres, synonymes d’unevéritable démocratisation de l’agriculture. L’articulation sur le plan inter-national de nombreux mouvements paysans locaux replace la questiondes alternatives au centre des débats. Centre tricontinental, L’Harmattan

Février 2003 : un nouveau sommetFrance-Afrique a été mis en scène, avecballet de limousines. De leur côté, Agir iciet Survie se sont mobilisés et ont organiséun autre sommet pour l’Afrique à Paris.Les invités, principalement issus de lasociété civile africaine, y ont démonté lelangage politiquement correct du sommetofficiel, sur le partenariat (Nepad) et surl’impunité (à géométrie variable). Le trai-tement très insuffisant de la dette et dusida a contraint à revenir sur les cam-pagnes citoyennes en cours. La criminali-té des multinationales a été scrutée, demême que les stratégies de privatisations promues par le FMI, la Banquemondiale et l’OMC.Karthala

Un autre sommet pour l’AfriqueContre-voix citoyennes, février 2003, Les actesAgir ici et Survie

Initiation à une démarche de dialogueÉtude des systèmes de production dansdeux villages de l’ancienne boucle du cacao (Côte-d’Ivoire)Nicolas Ferraton, Hubert Cochet, Sébastien Bainville

En matière de développement rural, lesdécisions sont trop souvent prises loindes réalités de terrain. Face à ce problè-me, ce manuel pédagogique propose uneméthode pour améliorer l’apprentissagedes futurs formateurs en développementrural pour observer et comprendre unsystème agraire. Il a été rédigé à partir del’exemple concret d’une formation àAbengourou en Côte-d’Ivoire réaliséconjointement par le Cnearc, l’INAPG et l’École supérieure d’agronomie deYamoussoukro.

La démarche mise en œuvre s’appuie sur l’observation in situ et surl’écoute des acteurs concernés par le développement rural avec unepriorité pour les agriculteurs. Il est ainsi proposé de changer d’attitudepar rapport à l’acquisition des connaissances et aux comportementsprofessionnels avec les agriculteurs. Trois attitudes clés : savoir obser-ver, écouter et dialoguer. Une grande importance est accordée auxenquêtes, à l’analyse du discours des personnes enquêtées et à la resti-tution auprès des agriculteurs du travail effectué.Offrant en outre le grand avantage de lier dans une même probléma-tique théorie et pratique, cette démarche aborde les problèmes d’unefaçon globale en liant différentes disciplines (agronomie, économie,sociologie, etc.). Les nombreux outils méthodologiques et aspects

pédagogiques présentés dans cet ouvrage le rendent très utile pour lesagents de développement et les formateurs qui travaillent avec les pay-sans.« Observer et comprendre un système agraire », dossier pédagogiqueAgridoc, éditions du Gret.