Post on 22-Jun-2022
UN HABITAT EN FOND DE VALLÉESECONDAIRE
Situation topographique du site
dans le fonds de la vallée de la
Selle
Coupe de l’une des fosses ayant
livré du mobilier archéologique
Plan général du site
*tourbe : combustible fossile de
qualité médiocre formé par
décomposition partielle des
végétaux à l'abri de l'air
*tuf induré : roche poreuse
légère, souvent friable, formée
de dépôts volcaniques ou
calcaires devenue anormalement
dure
L ’intervention archéologique, motivéepar un projet de ZAC, s’est déroulée
en deux temps, en juin 2001 et ennovembre et décembre 2002, après undiagnostic qui avait révélé la présenced’une occupation néolithique attribuable àla culture de Cerny (milieu duVe millénaire av. J.-C.).Le site se localise sur la rive gauche de laSelle, un peu en amont de sa confluenceavec le ruisseau des Evoissons. Cette petiterivière serpente du sud vers le nord, et sejette dans la Somme à environ 20 km aunord, un peu en aval de la ville d’Amiens.L’implantation néolithique est située enbas de versant dans une zone d’alluvionsconstituées dans ce secteur de tufs passant
latéralement et verticalement à destourbes*. Un dôme de tuf induré*,probablement émergé en temps normal, asans doute favorisé l’installation despopulations néolithiques dans ce secteur.La fouille n’a concerné qu’une partie dusite (un peu plus de 2 500 m2 sur unesurface estimée à près d’un hectare) et apermis de mettre en évidence deuxstructures d’habitat, des fosses de rejetainsi qu’une sépulture dont la datation estsujette à discussion en raison de l’absencede mobilier funéraire.
Plan de l’une des maisons
circulaires (en vert : zone
détruite, en orange : trou de
poteau)
Reconstitution en cours d'une
maison circulaire à partir du plan
du site d’Auneau (Eure-et-Loir)
Vue générale d’une structure
d’habitat : le pourtour est
marqué par la présence de tufs
indurés
Trou de poteau de la structure 5
avec encroûtement de tuf sur le
pourtour.
L es deux structures d’habitat, que l’onpeut considérer
comme circulaires malgré lefait qu’elles aient ététronquées par les tranchéesde diagnostic, ont undiamètre de 6 m et 8 m etsont marquées par laprésence d’une couronne detuf induré sur leurpourtour. Celle-ci estpartiellement ceinturée pardes trous de poteau dontcertains ont fait l’objetd’une recalcification de lapartie supérieure qui donne un aspect demargelle. L’intérieur des maisons, où le
matériel archéologique a été retrouvé, estmarqué par une dépression,de 20 cm d’épaisseurmaximale, creusée dans letuf. La forme circulaire desmaisons est inédite enPicardie et marque unerupture importante avec laforme rectangulaire outrapézoïdale des maisons detradition danubiennelargement connues dans lenord de l’Europe entre lafin du VIe et le début du Ve millénaire avant J.-C.
DES MAISONS CIRCULAIRESINÉDITES
St 5
0 5m0 5m
Bouteille décorée de lignes
ondulées réalisées par des
impressions au peigne (dessin et
photo)
Bouteille décorée de lignes
incisées.
Grand vase à provision décoré
d’une ligne de boutons sous le
bord
*nummulite : fossile du début de
l'ère tertiaire
L es vases en céramique sont de quatretypes principaux : les bouteilles pour
contenir les liquides, les grands vases àbord droit destinés sans doute au stockagedes denrées, les petits vaseshémisphériques utilisés pour la cuisson desaliments et des plats de forme circulairedédiés à la présentation des aliments et à lacuisson des galettes. Ces vases sont réalisésselon la technique du colombin : l’argilemêlée à des dégraissants variés (silex,calcaire à nummulite*, os) est façonnéesous forme de boudins qui sont ensuitesuperposés et lissés.Bien qu’objets utilitaires, les vases sont laplupart du temps largement décorés. Lesdécors plastiques sont variés : boutons au
repoussé, à dépression ou aplatis. Lepeigne (de deux à sept dents) est l’outilprédominant pour la réalisation des décorsimprimés et/ou incisés. Les motifsdécoratifs s’organisent principalement enbandes droites ou ondulantes verticales,obliques ou horizontales et s’articulentdans plusieurs cas autour des élémentsplastiques.Les formes, les techniques et les motifsdécoratifs sont caractéristiques de laculture de Cerny qui s’étend surl’ensemble du Bassin parisien.
LA POTERIE : ENTRE OBJETUTILITAIRE ET SYMBOLE CULTUREL
Hache polie en silex crétacé
Armatures tranchantes utilisées
comme pointes de flèches
Tranchet
Grattoir
Fragment de meule en grès
Lame en silex crétacé
L es niveaux géologiques locaux duCrétacé supérieur, entaillés par le
cours de la rivière, comportent desbancs de silex de bonne qualité quiont été largement exploités pourconfectionner les outils. Le support leplus employé est l’éclat réalisé pourfaçonner des grattoirs, desdenticulés, des tranchets.Une production de lames quinécessite l’intervention detailleurs ayant un savoir-faireplus élevé est égalementprésente. Ces lames ont étéutilisées soit brutes, soitretouchées. Certaines d’entreelles ont été fractionnées pour
la confection des armatures de flèches.Leur forme trapézoïdale est obtenuepar une retouche abrupte des deuxbords disposés en oblique. Leshaches polies font partie égalementde l’outillage commun de cespopulations. Fixées dans un mancheen bois, elles étaient utilisées pour letravail du bois, en particulierl’abattage des arbres destinés à laconstruction. Quelques outils en grès ont étéretrouvés dans les fosses. Il s’agitessentiellement de fragments demeules utilisées pour le broyage des
céréales.
L’OUTILLAGE EN SILEX ET EN GRÈS :TÉMOIN DES ACTIVITÉSARTISANALES ET DE LA CHASSE
Répartition des différentes
espèces animales consommées
Traces de découpe au silex sur
un métacarpe de cerf
Outil en bois de cerf en place
dans une petite infractuosité du
terrain
Merlin à fendre perforé en bois
de cerf
*merlin : hache à gros tranchant
unique servant à fendre le bois
*merrain : tige centrale de la
ramure du cerf
L a faune recueillie sur le site révèleune activité principalement centrée
sur l’élevage. Les animaux les mieuxreprésentés sont les bovins, suivis de prèspar les suidés. En revanche les caprinés neparticipent que pour une faible part àl’alimentation. Les bovins,de même que les suidés,sont abattusprincipalement pourfournir de la viande.Des traces de découpesur les ossements témoignent deleur consommation. La chasse est orientéevers le sanglier et le cerf pour ce qui estdes grands mammifères et vers le blaireaupour ce qui est des petits. La présence de
renards, d’oiseaux et de lièvres reflètecependant la variété des espèces chassées.Certains os, comme les métapodes depetits ruminants (capriné ou chevreuil),ont été sélectionnés pour la réalisation depoinçons. Les bois de cervidés, eux, ontété plutôt recherchés pour la confection
de merlin* àfendre. La
perforationdestinée à recevoir le
manche en boispermettait une utilisation du
biseau comme hache. Sur l’un des outils,le merrain* porte des traces d’un emploien percussion.
CHEPTEL ET GIBIER : DEL’ALIMENTATION À L’ARTISANAT
Frise chronologique du Ve
milénaire av. J.-C.
Maison circulaire reconstituée à
partir du plan du site d’Auneau
(Eure-et-Loir)
L es débuts du Néolithique sont trèsmal documentés dans la Somme, et
seuls des indices à Longpré-les-Corps-Saints et à Étouvie attestent de la présencedes populations Cerny dans la région.Mais c’est bien au niveau national que lesite de Conty revêt une importance touteparticulière. En effet, nos connaissancessur la culture de Cerny sont à ce joursporadiques. En dehors de l’enceinte àfossés interrompus de Balloy (Seine-et-Marne), les indices d’occupation restentmaigres, dispersés sur un large territoire,et représentés soit par des niveauxd’occupation, soit par des fosses isolées,soit par des sépultures monumentales detype Passy (Yonne). Les structures
d’habitat clairement identifiées et datéesde cette période n’ont été reconnues à cejour que sur le site d’Auneau (Eure-et-Loir) et peut-être sur celui d’Herblay(Yvelines). Les données acquises à Conty, tant sur laculture matérielle que sur les structuresd’habitat, renouvellent doncnos connaissances de la culturede Cerny et témoignent ànouveau d’une ruptureimportante dans tous lesdomaines par rapport auxtraditions danubiennesfortement ancrées au début duVe millénaire dans le Bassinparisien.
DES DONNÉES INÉDITES POUR LA SOMME, UN INTÉRÊT AU NIVEAU NATIONAL