Post on 20-Aug-2020
Sortir du blizzard
Thèse professionnelle
Mastère Spécialisé Entrepreneuriat
Grenoble Ecole de Management
Par Clément Mercé Décembre 2014
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 2 / 64 Décembre 2014
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 3 / 64 Décembre 2014
Executive summary
Le développement personnel du porteur : quels enjeux pour la
réussite d’un projet entrepreneurial ?
Dans cette étude, nous avons cherché à définir l’entrepreneur en tant qu’humain. Nous ne nous sommes pas
attardé sur ses réalisations mais bien, sur ce qu’il est. Pour cela, nous avons suivi sa construction avec la
compréhension de son environnement (famille, éducation, études, expériences professionnelles), de son
évolution personnelle (des modèles de rôle qui l’ont influencé) jusqu’au moment où il devient porteur de projet,
puis entrepreneur et enfin chef d’entreprise. Les entrepreneurs à succès ont des traits communs, ce sont des
visionnaires, des leaders, des innovateurs, des passionnés. Toutes ces caractéristiques forment un talent que
nous avons qualifié de génie. Cette dénomination nous permet de ne pas tout expliquer. Parce qu’il est
impossible de matérialiser le génie d’un entrepreneur comme il est impossible de matérialiser celui d’un artiste.
Par contre, il est possible d’en étudier les effets. Ce talent accompagné de réussites et d’argent risque de donner
à l’entrepreneur une impression de puissance. A partir de ce moment-là, ce sentiment sera recherché comme
une drogue. Tout le reste lui semblera fade à côté. L’entrepreneur qui ne sera pas équilibré pourra basculer dans
une sorte de paranoïa. Il pourra être persuadé que les gens sont jaloux de lui et qu’ils voudront lui voler son
succès, son argent. Dans cet état d’esprit, l’individu va perdre confiance et créera un climat hostile de contrôle
absolu. Plus les enjeux financiers sont importants, plus la réaction sera excessive. Dès lors, il n’y a plus d’équilibre
et l’entrepreneur pourra être amené à tout perdre.
Nous avons cherché à comprendre la composante psychologique. Notre approche est assez générale. Ce
domaine des sciences humaines nous a appris que le sujet percevait la réalité à travers des filtres. Les réactions
qu’il va avoir seront guidées par une idée fausse de la réalité. La peur, le manque de confiance en soi,
l’importance du regard des autres sont quelques exemples de facteurs qui vont perturber les filtres de l’individu
et « noircir le tableau », lui faire retenir uniquement le négatif… C’est en cela que le développement du porteur
de projet est important. Nous avons vu qu’en amont de la réalisation, il est demandé à l’individu de fédérer
autour de son idée et de créer un climat de confiance avec les partenaires qu’il aura convaincus. Un individu sous
l’emprise de filtres négatifs aura des réactions non raisonnées sous la pression. Nos recherches nous ont permis
de comprendre que l’origine de ces filtres est dans notre passé, dans notre éducation, dans les expériences que
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 4 / 64 Décembre 2014
nous avons vécues, et toutes les situations dans lesquelles nous avons pu être acteur ou témoin. Le chemin
logique est une exploration mentale en quête de compréhension. Nos recommandations en la matière se
divisent en trois axes complémentaires et s’inscrivent dans une démarche de changement volontaire. En premier
lieu, nous recommandons l’utilisation d’habitudes saines comme socle quotidien. Les effets sont attendus en
termes d’état d’esprit et de relation à autrui. Ensuite, nous recommandons au porteur d’œuvrer pour le
développement de ses soft skills (voir partie développement des soft skills). Dans cette démarche, l’individu sera
confronté à des blocages internes. Il est intéressant d’utiliser cette matière pour alimenter la prochaine étape. En
effet, par le troisième axe, nous conseillons l’exploration des troubles nous affectant. Il y a plusieurs façons de
procéder. L’une d’entre elles est la psychothérapie. Une autre serait un coaching en développement personnel.
Une autre encore, une méthode expérimentale issue de l’étude présentée en ouverture.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 5 / 64 Décembre 2014
Table des matières
Executive summary ............................................................................................................................................... 3
Table des matières ................................................................................................................................................ 5
Remerciements ...................................................................................................................................................... 7
> Explication de la problématique et cadrage du projet ......................................................................................... 9
> Méthodologie de l'étude ................................................................................................................................... 13
> Partie I : L'entrepreneur : origine et accomplissement ....................................................................................... 15
La première intention d’entreprendre .............................................................................................................. 16
Quel avenir pour la start-up devenue PME ? ..................................................................................................... 21
Le génie de l’entrepreneur ............................................................................................................................... 24
Le côté obscur de l’entrepreneur ...................................................................................................................... 29
Première conclusion : Identification des enjeux et mesure de leurs impacts sur le succès d’un projet
entrepreneurial ................................................................................................................................................ 32
> Partie II : Compréhension des mécanismes psychologiques bloquants ............................................................. 34
Psychologie cognitive : comprendre la pensée ................................................................................................. 34
L’écoute de son corps et de ses désirs .............................................................................................................. 37
Impact de notre passé sur nos intentions présentes/futures ............................................................................. 38
L’introspection : se comprendre pour s’accepter .............................................................................................. 39
Deuxième conclusion : Compréhension des enjeux et mesure de leurs impacts sur le porteur d’un projet
entrepreneurial ................................................................................................................................................ 41
> Partie III : Le développement personnel comme réponse aux enjeux de la réussite d’un projet entrepreneurial 42
Le développement personnel adapté aux besoins de l’entrepreneur ................................................................ 42
Les habitudes à avoir pour être tourné vers la réussite ..................................................................................... 44
Le développement des soft skill ....................................................................................................................... 46
Libération de son esprit pour être en capacité d’entreprendre ......................................................................... 48
Troisième conclusion : Le développement personnel du porteur en trois étapes .............................................. 51
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 6 / 64 Décembre 2014
> Partie IV : Enseignements et préconisations ..................................................................................................... 52
Enseignements ................................................................................................................................................ 52
Préconisations ................................................................................................................................................. 54
> Ouverture ......................................................................................................................................................... 56
> Conclusion ........................................................................................................................................................ 61
> Bibliographie .................................................................................................................................................... 62
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 7 / 64 Décembre 2014
Remerciements
Cette étude a été effectuée dans le cadre du Mastère Entrepreneur de Grenoble Ecole de Management. Ce
programme m’a énormément apporté. Les femmes et les hommes qui travaillent à l’Institut de l’Entrepreneuriat
ont grandement contribué aux résultats de cette étude. C’est pourquoi je remercie Heather, Jean-Claude,
Martine et Nathalie pour leur aide et leur accompagnement. Plus largement, je remercie les personnes qui font
de Grenoble Ecole de Management un environnement d’apprentissage de grande qualité.
Je tiens à remercier les entrepreneurs que j’ai interviewés, Amar, Arno, Christian, Hugo, Mathieu et Octave pour
avoir partagé leurs expériences avec moi.
Je remercie les équipes chez EY et les membres de la Jeunes Chambre Economique de Paris qui se sont
intéressés à mon sujet, qui m’ont inspiré ce résultat.
Je remercie Evelyne et Christian pour les réflexions partagées.
Je remercie Eve et Mathieu, mes anciens associés de Yukubook avec qui nous avons vécu des moments
inoubliables qui sont à l’origine de ce travail.
Je remercie Eve pour son soutien infaillible, pour son implication et pour sa confiance.
Enfin, je remercie Bruno, mon tuteur, coach et surtout ami. Pour tout ce qu’il a fait pour m’aider à sortir du
blizzard et pour ce qu’il est.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 8 / 64 Décembre 2014
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 9 / 64 Décembre 2014
> Explication de la
problématique et cadrage
du projet
Problématique :
Le développement personnel du porteur :
quels enjeux dans la réussite d'un projet
entrepreneurial ?
Tout a commencé de rien. (Ben
Weissenstein)
Deux types de raison m’ont poussé à réaliser cette étude,
des raisons personnelles et des raisons professionnelles.
Raisons personnelles :
Sortir du blizzard. Pour mieux comprendre ma démarche,
voici l’introduction de la chanson Blizzard de Fauve :
Tu te demandes si tu es une bête
féroce ou bien un saint
Mais tu es l’un, et l’autre. Et
tellement de choses encore
Tu es infiniment nombreux
Celui qui méprise, celui qui blesse,
celui qui aime, celui qui cherche.
Et tous les autres ensemble
Trompe-toi, sois imprudent, tout
n’est pas fragile
N’attends rien que de toi, parce
que tu es sacré. Parce que tu es en
vie
Parce que le plus important n’est
pas ce que tu es, mais ce que tu as
choisi d’être
Pour ceux et celles qui se posent la question, Fauve est un
collectif qui se défini de cette manière : « Fauve est une
quête et la narration de cette quête ». J’ai choisi Fauve
pour les idées et les valeurs qu’ils véhiculent. Ce sont des
jeunes qui crient STOP à la souffrance, STOP à la
résignation. Comme eux, je veux vivre et être heureux.
C’est une chose difficile pour ma génération. Nous
sommes les sacrifiés. Nous essuyons les plâtres des
changements de ce monde. Plus encore, il nous est
demandé d’en être des acteurs importants. Pourtant, ne
rêvons pas, personne ne nous a donné les clés de ces
changements. Tout ou presque doit venir de nous. Mais
comment faire avec un passé si lourd ? Comment sortir de
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 10 / 64 Décembre 2014
ce blizzard épais qu’est notre monde ? Comment être
heureux dans cette vie ? Voilà les raisons personnelles qui
m’ont poussé à réaliser cette étude.
Raisons professionnelles :
L’entrepreneuriat et plus particulièrement la création
d’entreprise sont des disciplines où l’homme a une place
toute particulière. L’entrepreneur créateur d’une
entreprise est communément appelé : porteur de projet.
Le projet n’est donc pas le plus important dans la création.
C’est l’homme qui porte le projet qui mérite qu’on s’y
attarde. Pour avoir moi-même tenté ma chance dans une
création, je peux en témoigner. C’est pourquoi, dans ma
volonté d’étudier la réussite entrepreneuriale, j’ai choisi
d’ignorer le marché et les compétences techniques pour
me concentrer sur le porteur, sur sa personnalité et sur ses
soft skills. Parce que les compétences d’une personne ne
m’apprennent pas ce qu’elle est à l’intérieur. Sa
personnalité, ses motivations, ses attentes, ses peurs sont
toutes des composantes qui font la différence d’un projet
à l’autre, d’un porteur à l’autre.
De plus, le contexte économique actuel est d’autant plus
motivant pour entreprendre que notre territoire a besoin
d’entrepreneurs pour créer de la croissance et des emplois
pour relever notre économie de la crise actuelle. Notre
tissu économique est composé de grandes entreprises et
de très petites. Les grandes sociétés françaises ont un
potentiel de croissance limité. Alors que nos TPE dans une
logique de croissance peuvent devenir des PME à fort
potentiel. D’après le baromètre EY de l’entrepreneuriat
dans les pays du G20 (2013), la note qu’a obtenue la France
sur sa culture entrepreneuriale est inférieure à la moyenne
des économies du G20, de même que sa fiscalité et sa
règlementation. A l’inverse, nous avons une note en
éducation et en formation en entrepreneuriat au-dessus
de la moyenne.
Seuls 22% des entrepreneurs français estiment que la
culture entrepreneuriale française leur est favorable
(baromètre EY de l’entrepreneurial dans les pays du G20,
2013). Les axes qui font défaut sont le manque de
valorisation des entrepreneurs à succès, l’attitude face aux
risques et la peur de l’échec. Il est précisé que nos
entrepreneurs sont mis sous pression par des mesures
comme l’indicateur « 040 » qui stigmatisent l’échec auprès
de la Banque de France.
En attendant des mesures gouvernementales,
l’entrepreneur français peut agir pour faire évoluer les
mentalités. La solution que je propose est sa réussite. Il
s’agit, pour moi, de sa meilleure publicité. L’entrepreneur
à succès comme Xavier Niel (à la tête du groupe de
télécommunication français Iliad et créateur de Free) fait
parler de lui. Il devient riche, célèbre, il est perçu comme
un modèle du genre, il est à l’initiative d’infrastructures au
service de l’innovation et de l’entrepreneuriat. C’est
pourquoi, cette étude est centrée sur la réussite du porteur
de projet.
Il est dit que l’entrepreneur est quelqu’un qui voit une
opportunité là ou d’autres voient un problème. Ce
mécanisme intellectuel est entièrement lié à un état
d’esprit. La question que nous nous posons ici est : d’où
vient cet état d’esprit ? Au fil de cette partie, nous verrons
qu’il n’y a pas d’ADN de l’entrepreneuriat. Que les
entrepreneurs sont des individus ayant des traits de
caractère communs mais poussés à l’extrême. Que
l’émotion est un moteur fort qui peut constituer un enjeu
en matière de relation humaine et de confiance. Que de ce
fait, il existe un côté obscur de l’entrepreneur qui peut
l’amener à échouer dans ses projets. Enfin nous verrons
que l’entrepreneur est un individu qui ne sait pas se
remettre en question de manière bienveillante, ce qui le
pousse à accuser les autres en cas d’échecs. Ce portrait est
loin du fantasme collectif plaçant l’entrepreneur au
sommet de l’Olympe, capable de créer de la valeur à partir
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 11 / 64 Décembre 2014
d’une idée émergeant de son esprit. L’entrepreneur est un
génie lorsqu’il réussit. Et il serait une victime lorsqu’il
échoue ? Mon intention est de laisser en place le génie
créatif pour la simple et bonne raison qu’il est nécessaire
car créateur d’énergie positive. J’étudierai ses
composantes et le lien qu’il entretien avec la réussite.
Néanmoins, j’appelle à la responsabilité individuelle et
propose une lecture de l’échec de l’entrepreneur où c’est
bien lui qui en est le centre. L’échec est reconnu comme
étant une forme d’apprentissage, il fait partie intégrante
du parcours d’un entrepreneur. L’idée n’est pas d’essayer
d’échapper à l’échec, mais bien d’en apprendre le plus
possible et de le vivre le plus sereinement possible. Dans
un second temps j’apporterai des clés de compréhension
des mécanismes psychologiques à l’origine de l’attitude
des entrepreneurs face à l’échec. Pour enfin proposer une
démarche intellectuelle d’introspection permettant à
l’entrepreneur d’être autant à l’écoute de son génie que de
l’enfant fragile en lui.
Pour favoriser la réussite des entrepreneurs, nous devons
comprendre qui ils sont, d’où ils viennents, pourquoi ils
font ce qu’ils font, comment ils y parviennent et comment
ils peuvent tout faire déraper. Ensuite, il s’agit de
comprendre les raisons humaines, psychologiques de ces
forces et de ces faiblesses. Enfin, nous proposerons de
canaliser la réussite de l’entrepreneur par le biais du
développement personnel du porteur. Parce que la
réussite est humaine et pas seulement business, nous
montrerons que l’aventure entrepreneuriale peut être
enrichie par le développement personnel de l’individu.
Définition des termes du sujet :
Développement personnel : Il n’existe pas de
définition standard du développement personnel,
selon que le terme est utilisé par des coachs ou
par des psychothérapeutes. Au-delà d’une
définition, le développement personnel est une
quête individuelle qui passe par la connaissance
de soi, par l’acceptation, par l’estime de soi et qui
a pour but une réalisation. C’est l’idée de se
réaliser en tant qu’être humain, dans un rôle que
nous avons défini. Dans notre étude, le
développement personnel du porteur est donc la
quête de la réalisation d’individu en tant
qu’entrepreneur à succès.
Porteur d’un projet entrepreneurial : Nous avons
volontairement choisi l’expression de porteur de
projet plutôt que celle d’entrepreneur. Notre
définition est très littérale. Notre porteur de
projet sera donc une femme ou un homme qui
portera un projet d’entreprise. Pour Riverin et
Simard (1997) il s'agit d'une intention d'être ou de
faire. Selon Lemoine, (1997) ; Philibert et Wiel,
(1998), le projet est « une représentation mentale
exprimée et consciente d'une situation future que
l'on envisage de rendre réelle et qui intègre l'état
actuel de ce que l’individu sait sur lui-même et de
ce qu'il sait sur le monde extérieur ». Enfin, selon
De Quijano (1997), un projet est « une
construction élaborée au sein de laquelle
apparaissent des objectifs et des plans d'action
précis ». Le seul lien supplémentaire que nous
souhaitons faire par l’ajout de l’adjectif
« entrepreneurial » est celui de l’entreprise.
Comme nous l’avons expliqué dans les raisons de
cette étude, notre motivation est à la fois
économique et humaine. Nous étudierons dans la
première partie comment l’individu devient un
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 12 / 64 Décembre 2014
porteur de projet qui devient lui-même un
entrepreneur.
de l'idée de réussite : Nous acceptons deux
critères complémentaires pour mesurer la
réussite d’un projet. Le premier est la pérennité
du business mis en place. Nous nous plaçons ainsi
après une première phase de croissance, la
preuve du concept a été faite et de la valeur a été
créée. Le second critère est la satisfaction du
porteur. Ses objectifs sont atteints. L’expérience
vécue est satisfaisante, le projet est une réussite.
L'idée d'enjeux est définie comme ce qui est
risqué dans la réalisation du projet. L’enjeu est un
risque dans le sens où il est neutre au moment où
il est énoncé mais peut basculer à tout moment
vers le négatif et créer des effets néfastes. La
maîtrise de l’enjeu nous importe dans le sens où
rien n’est manichéen et où l’individu récoltera ce
qu’il aura semé.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 13 / 64 Décembre 2014
> Méthodologie de l'étude
A travers cette étude, je souhaite comprendre les facteurs
clés de succès et d’échec d’un projet, facteurs qui sont
intrinsèques à l’esprit du porteur. Je chercherai donc à
comprendre ce qui caractérise l’entrepreneur. J’étudierai
ses motivations, ses attentes, ce qu’il ressent lorsqu’il
entreprend. Puis j’irai chercher du côté des composantes
psychologiques qui peuvent être à l’origine du succès ou
de l’échec d’un projet. Enfin, j’essaierai d’apporter des clés
de compréhension de ces composantes psychologiques.
Ce que je vais étudier et ce que je ne vais pas étudier :
Je ne ferai pas une étude de psychologie. Je ne
traiterai pas des troubles psychologiques ni du
domaine de la psychopathologie. Par contre,
j’utiliserai le domaine de la psychologie pour
arriver au degré de compréhension souhaité des
effets de l’état mental d’un individu sur son
comportement.
Mes préconisations et mes conclusions seront de
l’ordre du développement personnel et du
management.
Mon étude ne listera pas le profil de
l’entrepreneur à succès, elle permettra cependant
de comprendre ce qui fait le succès d’un
entrepreneur.
Mon étude ne donnera pas une recette du succès
pour la simple et bonne raison qu’il y a un grand
nombre de facteurs à prendre en compte. Une
modélisation n’est pas mon objectif.
Mon étude a deux objectifs assumés :
1. Promouvoir le développement personnel
auprès des jeunes entrepreneurs ;
2. Donner des clés de l’auto-
compréhension de soi.
Pour réaliser cette étude, j’ai dans un premier temps pris
mes inputs personnels sur l’entrepreneuriat et sur le
développement personnel. Ayant moi-même été dans la
situation d’un porteur de projet, j’ai fait face à des
difficultés humaines importantes. Bien qu’ayant connu des
réussites et des échecs, je m’estime chanceux. Faisant
partie d’un Mastère Spécialisé en Entrepreneuriat lui-
même intégré dans l’Institut de l’Entrepreneuriat de
Grenoble Ecole de Management, j’ai baigné dans un
environnement propice à l’apprentissage. Même lorsque
mon projet faisait partie de l’incubateur de ce même
institut, mes associés et moi-même étions sous couverture
de l’apprentissage. Des coachs nous ont accompagnés
jusqu’au bout, nous apportant autant techniquement
qu’humainement. Cette expérience a alimenté cette étude
de bien des façons, c’est pourquoi j’ai choisi d’en faire un
point de départ.
Cette démarche m’a permis de voir les zones d’ombre que
je devais lever. Pour y parvenir, je suis allé chercher du
côté de la littérature. J’ai lu des études menées par des
entreprises comme EY (anciennement Ernst & Young)
pour laquelle je travaille actuellement. J’ai aussi regardé
du côté des chercheurs en science de gestion, des
psychothérapeutes, des psychiatres et des philosophes.
J’ai beaucoup appris de ces lectures.
Il manquait un dernier axe pour compléter ma thèse
professionnelle. J’avais besoin d’entendre des
entrepreneurs me parler de leurs expériences. J’ai alors
élaboré un questionnaire en vue d’interviews. Dans le
temps qui m’était imparti, j’ai rencontré 6 entrepreneurs
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 14 / 64 Décembre 2014
d’âges et d’horizons différents : 3 jeunes de moins de 30
ans avec moins de 5 ans d’expérience ; un homme de
moins de 40 ans avec 15 ans d’expérience et 2 experts de
l’entrepreneuriat de plus de 50 ans avec plus de 20 ans
d’expérience. Les interviews ont duré entre 30 et 90
minutes pour environ 20 questions cadres.
Ces personnes m’ont permis de comprendre comment des
entrepreneurs gèrent les épreuves, le rapport émotionnel
qu’ils ont avec leurs projets et leurs réflexes en matière
d’auto-analyse. J’ai utilisé ces résultats tout au long de
l’étude comme illustration de l’apport théorique.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 15 / 64 Décembre 2014
> Partie I : L'entrepreneur :
origine et accomplissement
L'entrepreneur qui est en nous voit
des opportunités partout où il
regarde alors que la plupart des
gens voient des problèmes partout
où ils regardent. (Michael Gerber)
Dans la partie étudiant le profil des entrepreneurs, nous
prendrons comme fil rouge une étude menée par Ernst &
Young (EY). Ce rapport a été mené sur 685 entrepreneurs
à succès. Il fonde ses résultats sur les interviews du Grand
Prix de l’Entrepreneur de l’Année, organisé par Ernst &
Young (EY) dans plus de 30 pays à travers le monde. Cette
compétition récompense des dirigeants d’entreprise à
succès (dans 58% des cas, la croissance est supérieure à
20%), dans une échelle de chiffre d’affaires (CA)
déterminée chaque année (la majorité des entreprises
réalisent un CA compris entre 10 et 20 millions USD). En
tant que collaborateur EY, j’ai eu le plaisir de participer à
un entretien à Paris pour la région Ile-de-France (IDF). J’ai
pu ainsi constater que les questions posées avaient pour
objectif de comprendre comment l’individu créait le
succès de son entreprise.
Cette étude a constaté des tendances de caractères et des
enjeux importants pour les entrepreneurs. La source des
données est très fiable, c’est pourquoi il est intéressant de
l’utiliser comme point de départ. De plus, notre objectif,
rappelons-le, est la compréhension du lien de causalité
entre la personnalité de l’entrepreneur et la réussite de
son projet La revue de littérature (sur la personnalité des
entrepreneurs) et l’expérimentation effectuées ont permis
d’enrichir les données quantitatives contenues dans ce
rapport et d’en tirer les enjeux de la personnalité de
l’entrepreneur sur la réussite d’un projet entrepreneurial.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 16 / 64 Décembre 2014
La première intention d’entreprendre
L’étude nous montre que la première expérience
d’entrepreneuriat est réalisée jeune (45% entre 20 et 29
ans) mais rarement avant 20 ans (10% seulement). Et plus
l’âge avance, plus la première intention d’entreprendre est
faible (cf. graphique 1).
Une étude INSEE a montré qu’en France, l’entrepreneuriat
n’est pas fréquemment considéré comme un choix de
carrière : en 2011, seule 12% des start-up ont été créées
par des jeunes diplômés d’études supérieures (INSEE
Première, 2012). Cela est attribué au manque de
formation à l’entrepreneuriat couplé d’une déficience de
communication des formations existantes.
L’étude de Nyock, Ilouga et Hikkerova (2013) a isolé les
contextes agissant sur les motivations et les intentions
d’entreprendre. Il s’agit :
du contexte familial et de l’éducation reçue ;
du contexte de formation ;
des premières expériences professionnelles.
La personnalité de l’entrepreneur sera forgée sous
influence. Son environnement familial, la formation qu’il
recevra et ses premières expériences professionnelles
contribueront à lui donner l’envie l’entreprendre. Plus
encore, ces contextes lui donneront des clés de
compréhension de cette envie pour qu’il puisse la
transformer en un projet professionnel.
Ces résultats sont corrélés avec le graphique 2 qui montre
que la majorité (58%) a déjà eu une expérience d’employé.
Nous sommes loin de l’image de l’entrepreneur dans son
garage à la sortie ou pendant ses études supérieures. Ce
fantasme collectif de l’entrepreneur existe pour quelques
cas célèbres, mais ce n’est pas une majorité. Le cas
médiatique le plus récent est celui de Marc Zuckerberg,
créateur de Facebook, qui a quitté Harvard avant d’en être
diplômé. L’état d’esprit est donc peut-être déjà présent
mais il sert les intérêts de quelqu’un d’autre. Les chiffres
nous montrent que les caractéristiques de l’entrepreneur –
aptitude à saisir des opportunités, goût du risque et
moteur de changement – sont peut-être développées dans
un début de carrière en tant que salarié. Ce qui est ressorti
de mes entretiens est que l’opportunité s’est le plus
souvent présentée après les études ou après une première
expérience significative (moins de 5 ans). Nous pouvons
alors avancer l’idée que l’individu ne prendra conscience
de son potentiel d’entrepreneur qu’une fois qu’il se sera
mesuré aux études et à une première qualification
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 17 / 64 Décembre 2014
professionnelle. Peu d’entrepreneurs auront la faculté,
pendant leurs études, de se projeter à travers une carrière
d’entrepreneur. Ceux qui auront choisi une formation à
l’entrepreneuriat seront enclins à se projeter dans ce sens.
Néanmoins, se tourner vers ces formations est une forme
d’engagement entrepreneurial. Nous verrons par la suite
que d’autres éléments d’influence viendront jouer leur
rôle.
Il apparaît que nous ne naissons pas entrepreneur mais
bien, que nous le devenons. C’est un point important pour
notre étude puisqu’il montre que l’entrepreneur n’a pas de
particularités génétiques « exceptionnelles ». N’importe
quel individu mis dans un environnement propice peut
être le prochain Zuckerberg.
Les 3 contextes précédemment abordés nous permettent
de comprendre que l’intention entrepreneuriale est un
cheminement intellectuel qui peut prendre plusieurs
années et qui nécessite la confrontation à divers
environnements professionnels. C’est dans ces
environnements que l’individu va rencontrer des modèles
de rôle. Selon Basow et Howel (1980), il s’agit de «
quelqu’un qui par sa vie ou son activité influence les
décisions des autres ». Avant eux, « Bucher et Stelling
(1977) théorisent que les modèles de rôle peuvent être
classés en cinq catégories : partiel, charismatique, stage,
optionnel et négatif » (Nyock, Ilouga et Hikkerova, 2013).
* Le modèle de rôle partiel est un individu qui va posséder
des compétences ou un talent particulier dans un domaine
précis (le sport par exemple) et qui va influencer d’autres
individus à faire comme lui/elle (ses frères et sœurs par
exemple). C’est le modèle de rôle les plus couramment
rencontré. Un individu qui aura un proche entrepreneur
peut se projeter à travers lui ce qui va susciter une envie
d’entreprendre.
* Le modèle de rôle charismatique va être admiré pour
son style de vie ou pour son caractère. Des individus vont
vouloir lui ressembler. C’est par ce biais qu’il ou elle aura
de l’influence. Les entrepreneurs célèbres possèdent une
aura qui est communicative. Elle touche beaucoup
d’individu d’abord de par leur fortune, puis de par leur
statut social (à la fois élevé, reconnu et particulièrement
respecté).
* Le modèle de rôle stage va aider et encourager les
autres dans leur démarche au moment de leur
socialisation. Dans le cadre d’une intention
entrepreneurial, il peut s’agir d’un mentor ou d’un proche
qui va encourager la démarche créative de l’individu.
* Le modèle de rôle optionnel va être l’exemple d’une
alternative possible (celui qui est parti de rien, la femme
qui s’est imposée dans un milieu d’hommes). Ce modèle
de rôle peut intervenir assez tard (au plus tôt au début de
la vie d’adulte). Il viendra compenser un déficit de modèle
de rôle partiel (d’entrepreneur) et offrira une alternative
professionnelle pour l’individu.
* Le modèle négatif est la variation de polarité des
modèles de rôle à l’exception du modèle charismatique qui
ne peut pas avoir d’effet négatif.
Tenez-vous loin des gens qui
tentent de diminuer vos ambitions.
Les « petites » personnes font
toujours cela, mais les « grandes »,
elles, vous font sentir que vous
pouvez également devenir génial.
(Mark Twain)
Dans leurs travaux, Scoot et Twoney (1988) ont pu
démontrer que les modèles de rôle « contribuaient
irréfutablement à la genèse d’une intention
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 18 / 64 Décembre 2014
comportementale positive ». Ces personnes qui nous
entourent nous inspirent au point de motiver des désirs de
changements comportementaux. Ils sont à la genèse de ce
que nous sommes devenus. Pour un entrepreneur en
devenir, il s’agit d’une énergie, d’une émotion transmise
par le modèle de rôle. Tous les entrepreneurs que j’ai
interviewés ont l’intime conviction d’avoir été influencés
par une personne qui serait apparue comme un modèle de
réussite entrepreneurial à leurs yeux. Dans notre réflexion
sur ce sujet, nous cherchions à savoir ce qui pouvait
influencer un individu pour qu’il s’engage, dès les études,
dans une formation entrepreneuriale. Il s’avère que ce sont
les modèles de rôle.
Scherrer et al. (1989) ont démontré que lorsqu’il s’agit
d’entrepreneuriat, l’effet des modèles de rôle est bien
amoindri par l’auto-confiance de l’individu en ses
capacités. Cela veut dire que les modèles vont pouvoir
susciter l’envie d’entreprendre mais ne seront pas décisifs
dans le passage à l’action. Cette étape est laissée à
l’appréciation des croyances de l’individu et à son auto-
confiance. L’étude de la personnalité des entrepreneurs a
montré une auto-confiance importante. En effet, un
individu qui va manquer de confiance en lui va s’auto-
censurer : il ne s’autorisera pas à réaliser ses rêves.
Plusieurs sources viendront alimenter cet état.
La première est la peur de l’échec. Cet aspect est le plus
violent. Il paralysera littéralement le cheminement
intellectuel du sujet avant qu’il n’ait le temps d’imaginer
un plan d’action. Dans certains cas, la peur de l’échec n’est
pas aussi forte. L’individu pourra donc réaliser des
projections, ira même jusqu’à la réalisation d’un business
plan. Il arrêtera tout lorsque son projet sera prêt à devenir
concret, alors qu’au contraire, c’est le moment de parler
de son projet autour de lui.
La deuxième source est la peur de réussir. Plus complexe à
analyser, cette peur est liée au fantasme individuel du
projet lui-même. Inconsciemment, le sujet ne pourra pas
réaliser un projet (un rêve) car cela impliquerait à la fois
une responsabilité (assumer le succès, en faire son
quotidien, faire face à des difficultés réelles) et la fin du
projet en tant que tel. Le projet en tant que tel est
rassurant pour l’individu, c’est là tout le plaisir du
fantasme. Nous aimons cela tant que c’est irréel et
irréalisable.
L’individu qui se lancera dans un projet d’entrepreneuriat
aura su dépasser ses peurs. Lors des interviews avec des
entrepreneurs, au moment d’aborder leur première
expérience de création ou de reprise d’entreprise, les
répondants ont abordé l’idée d’opportunité. D’après leur
description, le désir de saisir cette première opportunité
était tellement fort que l’insouciance a surpassé les peurs
potentielles. Il semble que l’entrepreneur (réalisé) ne soit
pas assujetti à ces peurs. Pour les entrepreneurs en désir,
restant bloqués par leur peur, nous disons de ne pas laisser
tomber l’idée et de continuer la lecture.
Conclusion
On ne nait pas entrepreneur, on le devient.
L’environnement dans lequel nous avons grandi puis celui
dans lequel nous gravitons à l’âge adulte (les 3 contextes
que sont la famille, la formation et les premières
expériences professionnelles) nous influence dans le choix
d’une carrière d’entrepreneur. Cette influence est associée
par les chercheurs à ce qu’ils appellent les modèles de rôle
(personnes ayant une influence positive ou négative sur
notre orientation). Néanmoins, l’impact que vont avoir ces
personnes sur nous est modéré à l’intention de faire. La
confiance en soi et la gestion de ses peurs va permettre,
ou non, de passer à l’acte.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 19 / 64 Décembre 2014
Les parcours de l’entrepreneur
Certains rêvent d'incroyables
réalisations, pendant que d'autres
restent éveillés et les font. (Nolan
Bushnell)
Le graphique 3 montre que
33% des répondants estiment
que leur expérience en tant
que salarié leur a permis de
réussir. A priori, ce n’est pas
cette expérience qui leur a fait
développer leur personnalité
d’entrepreneur, mais elle est
un enjeu important de leur
réussite. "Les expériences
professionnelles modifient les
trajectoires professionnelles
en raison des frustrations
diverses rencontrées au cours des activités salariales »
confirme Nyock, Ilouga et Hikkerova (2013). Pour en finir
du fantasme collectif précédemment énoncé, 30%
expriment qu’il existe le même lien avec leurs études
supérieures. La majorité des entrepreneurs ont donc
réalisés des études supérieures et ont eu une première
expérience de salarié. De surcroît, ils considèrent que ces
deux époques de leur vie ont contribué à leur réussite
comme entrepreneur.
L’étude de Nyock, Ilouga et Hikkerova (2013) montre que
les étudiants de Business School ayant des parents
entrepreneurs sont plus au fait des sacrifices et de
l’engagement que représente l’entrepreneuriat. Ils
rappellent que l’influence du cadre familial et plus
particulièrement des parents sur l’orientation de carrière
est reconnue par les différents modèles théoriques de la
psychologie de l’orientation (Bordin, 1990 ; Holland, 1959 ;
Lent, Brov/n et Hockett, 1 996). Les enfants
d’entrepreneurs auront donc une motivation plus
importante à devenir eux-mêmes entrepreneurs que les
autres.
Ces données nous permettent de faire un parallèle entre
réussite et maturité professionnelle. L’expérience
acquise lors des études et en tant qu’employé permet à la
plupart des entrepreneurs de mettre en place un projet
viable et ainsi de donner
naissance à une entreprise
performante. Un des facteurs clés
de succès d’un projet
entrepreneurial est la maturité
professionnelle par l’expérience
d’étudiant et d’employé. De plus,
l’apprentissage de
l’entrepreneuriat augmente le
niveau d’auto-efficacité d’un
individu (Hollenbeck et Hall
2004) ; Wilson et al. (2007). Noel
(1998) a, pour sa part, démontré
que l’éducation à l’entrepreneuriat augmente fortement
l’intention d’entreprendre. L’expérience professionnelle et
l’éducation sont propices à rassurer le sujet quant à ses
capacités. Il aura plus confiance en lui et sera moins
dominé par la peur de l’échec. Lors des entretiens menés
pour cette étude, la plupart des entrepreneurs ont
témoigné qu’ils avaient considéré les opportunités qui se
présentaient à eux comme telles après leurs études et
souvent pendant ou après une première expérience
professionnelle. Mathieu sentait l’envie d’entreprendre
alors qu’il travaillait au CERN à Genève. Il a commencé sa
carrière d’entrepreneur lorsqu’une opportunité s’est
présentée à lui. Pour lui, cela s’est inscrit dans un vécu qui
lui a permis de saisir l’adéquation de la vie d’entrepreneur
avec ce qu’il était.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 20 / 64 Décembre 2014
Je n'ai pas échoué. J'ai
simplement trouvé 10 000 façons
ne pas y arriver. (Thomas Edison)
Comme disait Thomas Edison : « Je n’ai pas échoué. J’ai
simplement trouvé 10 000 façons de ne pas y arriver. » En
effet, un parcours est toujours semé d’embuche. Faire des
erreurs dans une structure déjà établie ou dans un cadre
pédagogique permet un apprentissage à moindre risque.
L’individu sera corrigé par un professeur, un supérieur ou
son erreur sera détectée par un processus de contrôle
interne. Au moment où il se lance, il n’a personne pour le
corriger, les processus sont souvent absents et il devient
celui qui est au sommet de la hiérarchie. Il paraît donc
naturel qu’avant de créer une entreprise, un individu
perfectionne ses savoirs et savoir-faire en tant qu’étudiant
puis comme employé. Avant de parler d’enjeu de réussite,
nous pouvons déjà énoncer que l’individu se réalisera en
tant qu’entrepreneur sous certaines conditions : influence
de son environnement et des modèles par le biais desquels
il peut élaborer son projet professionnel, et la maturité
professionnelle susceptible de le rassurer quant à ses
compétences techniques.
Conclusion
L’entrepreneur se lancera dans un projet lorsqu’il aura
atteint une certaine maturité professionnelle. Le degré de
maturité nécessaire sera différent d’un individu à l’autre. Il
est totalement dépendant de la confiance en soi. Pour
rappel, c’est bien cette caractéristique qui permet à
l’entrepreneur de passer à l’action. Moins l’individu aura
confiance en lui, plus il passera du temps à étudier et/ou
comme employé. Les études supérieures et le salariat sont
des expériences qui favorisent l’auto confiance. Pendant
ces périodes, la personne sera accompagnée (par une
structure, une hiérarchie, des méthodes) dans la
réalisation de ses tâches et constatera qu’elle est capable
de les effectuer. De plus, la maturité personnelle vient
s’ajouter à l’expérience professionnelle en termes de
connaissance de soi. En effet, un individu apprendra qu’il
aime faire quelque chose en le faisant. S’il se rend compte
que l’expérience de salarié « n’est pas faite » pour lui
(d’après les interviews menées sur des entrepreneurs), il
sera tenté d’essayer autre chose comme l’entrepreneuriat
ou le freelance.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 21 / 64 Décembre 2014
Quel avenir pour la start-up devenue PME ?
L’enquête menée par EY a montré que 10% des
entrepreneurs créent jusqu’à 30% des nouvelles
entreprises et que 20% d’entre eux en créent près de 1 sur
2. Pourquoi cette tendance ? Cette même étude a montré
que seul 45% affirment garder la totalité de la propriété de
leur entreprise. L’analyse d’EY a permis de mettre en
valeur 3 types de stratégie suivie par les créateurs :
Croissance et vente : suivie par les « serial
entrepreneurs » qui admettent ne pas être
capable de « diriger une entreprise mature ».
Certains gardent une participation dans leur
société mais laissent la direction. La motivation
des vendeurs est essentiellement pécuniaire.
Depuis le début des années 2000, la vente d’une
entreprise est devenue une affaire rentable. Il faut
dire que l’achat d’une start-up est fondé sur les
cashflow escomptés (flux de trésorerie futurs).
Prenons l’exemple d’une petite structure ne
possédant pas d’actif excepté un goodwill (fond
de commercer) et réalisant une croissance de
50% à 100% par an. Il est certain que les cashflow
multipliés par 1,5 voire 2 pendant 5 à 7 ans selon
la méthode vont faire décoller la valorisation. Un
enjeu des grands groupes est de conserver voir
d’acquérir un avantage compétitif face à leurs
rivaux. Ces entreprises, une fois la preuve du
concept faite, vont être fortement sollicitées car
constituant un « bon » investissement.
Croissance et destruction : Cette stratégie est
souvent subie plus que choisie. Un mécanisme
psychologique inconscient va rendre la cession de
l’entreprise impossible pour l’entrepreneur. Ce
point a été mis en lumière par Manfred F. R. Kets
de Vries, professeur de management et
psychanalyste néerlandais, fondateur du Global
Leadership Centre de l’INSEAD. Il l’appelle le
« piège du narcissisme ». Nous étudierons plus en
détail ce concept dans la partie « le côté obscur
de l’entrepreneur ». Les causes du schéma
« croissance et destruction » sont à rattacher au
porteur de projet et à son état psychologique. Il y
a là une déficience humaine.
Croissance et croissance : Ces individus ne
représentent qu’un faible nombre. Ils sont
capable à la fois de réaliser une création ex nihilo
(à partir de rien) et à la fois de rendre stable et
pérenne leur société. Economiquement, c’est la
stratégie qui a le plus de sens. En effet, la
croissance et destruction est pour moi un gâchis
perpétré par les démons intérieurs de
l’entrepreneur et la croissance et vente
représente parfois plus de spéculation que de
valeur réelle. Dans les années 2000, l’éclatement
de la bulle internet est à l’image de cette
spéculation. La valorisation pécuniaire
d’éléments non financiers comme la
communauté ou le trafic laisse place à la
spéculation. Personne n’est aujourd’hui capable
d’énoncer clairement le taux de rentabilité
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 22 / 64 Décembre 2014
interne (TRI) d’un utilisateur. N’aurions-nous rien
appris de l’éclatement de la bulle internet ?
Nous nous permettrons de rajouter le schéma
croissance et stabilisation. Notre
expérimentation nous a permis de constater que
certains dirigeants choisissaient de limiter la
croissance de leur société, ayant atteint leur
objectif de pouvoir d’achat. L’entreprise en
question ne sera plus en position d’innover et
l’arrivée d’un concurrent sera un danger pour la
pérennité. Les capacités du dirigeant et sa
motivation seront déterminant dans le choix de
cette stratégie.
Chaque schéma décrit ci-dessus, est lié à un enjeu humain.
Les compétences du dirigeant détermineront s’il peut faire
muter la start-up qu’il a créée
en une PME prête à affronter
une nouvelle fois la
croissance. Une PME a des
enjeux de croissance
différents d’une start-up. De
par sa taille, la gestion des
ressources, qu’elles soient
humaines, financières ou
matérielle, nécessite une
vision adaptée à un marché
plus grand et confrontée à une concurrence plus rude.
Pour comprendre l’implication de la personnalité de
l’entrepreneur dans le choix d’un schéma plutôt qu’un
autre, il est important de considérer les défis pour réussir
associés aux qualités (cf. le génie de l’entrepreneur) et aux
défauts (cf. le côté obscur de l’entrepreneur) du dirigeant.
Le graphique 5 décompose les principaux défis auxquels
sont confrontés les entrepreneurs. Dans 1/3 des cas, il
s’agit du financement de la croissance. C’est
particulièrement le cas pour les entreprises en croissance-
croissance (type 3).
Chaque développement nécessite un apport de cash en
adéquation avec le plan d’affaire des années futures. Ces
capitaux ont pour origine :
Les fonds propres de l’entité. Dans ce cas,
l’utilisation de ces ressources est simple pour le
dirigeant. Peu de PME possèdent la trésorerie
nécessaire à leur développement.
L’emprunt auprès d’établissement de crédit.
L’éligibilité à ce type de financement est sous
accord de l’établissement. Les emprunts doivent
servir à l’acquisition d’actifs le plus souvent
immobilisables (il n’est pas possible de financier
le besoin en fond de roulement -BFR). Ce choix
implique une augmentation de
l’endettement global de l’entreprise.
Les locations longues durées sont
aussi des solutions de financement
d’actifs stables.
Les financements à court
terme. Ils ont pour objectif le
financement du BFR. Ce sont les
lignes de crédits, les factors, les
autorisations de découverts
bancaires.
L’augmentation de capital. Il s’agit de faire
rentrer au capital de l’entreprise de nouveaux
associés, des investisseurs ou de réaliser une
entrée en bourse. L’augmentation de capital a un
impact sur la part possédée par l’entrepreneur
(elle diminue). Dans le cas de l’entrée d’un nouvel
associé ou d’investisseurs, la confiance doit être
de mise. Investir dans une entreprise est risqué. Il
y a le risque économique et le risque humain.
D’après les Business Angels, c’est un pari sur le
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 23 / 64 Décembre 2014
porteur de projet qui est pris. Cela implique que
les deux risques pèsent sur l’entrepreneur.
Toutes ces sources de financements vont inclure une
composante humaine. Le banquier, l’investisseur, l’associé
potentiel, toutes ces personnes doivent pouvoir faire
confiance en l’homme à la tête de l’entreprise. Selon
Christian, serial-entrepreneur accompli, l’humilité est la
clé des relations humaines. Lui-même a toujours été en
capacité de relever le défi financier auquel il pouvait faire
face. Il n’estime pas être en capacité de comprendre
comment il a évité tous les « pièges » qui pouvaient être
sur sa route. Il s’estime chanceux de cette situation. De
notre côté, nous rattachons la « chance » de Christian à un
comportement et une attitude professionnelle vis-à-vis de
ses partenaires. « C’est surtout une question d’éducation »
précise-t-il à ce sujet. Sa personnalité lui a permis de
relever les défis financiers qui se sont présentés à lui.
Quant à la chance, il y en surement une partie, même si
nous récoltons ce que nous semons…
Pour revenir à l’étude menée par EY, dans 19% des cas, les
savoir-faire possédés ainsi que les ressources humaines
ont été les enjeux les plus importants. Ces deux aspects
sont liés. Lorsqu’un savoir-faire nécessaire n’existe pas en
interne, deux solutions sont possibles. La première est
d’externaliser ce savoir-faire. Cette solution permet de
gagner en flexibilité. Néanmoins, elle est coûteuse et il n’y
pas de contrôle sur les procédés. La seconde est
l’internalisation des compétences, autrement dit,
embaucher. Cette solution permet une maîtrise des
processus et donc la possibilité d’établir des contrôles. La
problématique peut être le recrutement, une partie de la
gestion des ressources humaines. Ces deux enjeux ont
aussi une composante humaine très importante. Les
attentes de l’entrepreneur en la matière et sa façon de
répondre à ces enjeux seront primordiales pour la réussite
de son entreprise.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 24 / 64 Décembre 2014
Conclusion :
Les défis qui attendent les entrepreneurs ont
essentiellement une portée humaine. Depuis la cession
jusqu’au financement de la croissance, en passant par la
gestion des talents, tous les défis énoncés ci-dessus ont
pour fondement les relations avec les parties prenantes.
Un entrepreneur qui sait créer un lien de confiance avec
ses interlocuteurs, qui est à l’écoute de leurs besoins sera
en capacité de répondre à ces défis. Il trouvera un associé
ou des investisseurs, il négociera l’aide de sa banque pour
le financement de sa trésorerie… Les entrepreneurs à
succès ont tous pour point commun d’être capable de
fédérer leurs parties prenantes autour de sa vision. Ils
créent un climat de confiance propice à la conclusion
d’accord. Ils font en sorte que chacun soit satisfait dans le
« deal » signé.
Le génie de l’entrepreneur
Avec le graphique 6, nous prenons connaissance des
principales qualités d’un entrepreneur par les
entrepreneurs. Il est intéressant de voir ce qu’ils aiment le
plus chez eux. La vision, la passion et la motivation sont les
trois grandes idées qui ressortent.
La vision
Le lien établi entre entrepreneur et vision est couramment
accepté. Pour beaucoup, c’est le point de différenciation
entre un manager et un grand leader. Par vision, nous
entendons la faculté qu’a un individu de voir au-delà du
réel et de trouver un chemin pour atteindre ce but. Plus
encore, l’entrepreneur possède la faculté de transmettre
de l’émotion qui a pour intérêt d’être ressentie, vécu par
l’interlocuteur.
La passion
Pour beaucoup d’entrepreneurs, la passion est un moteur
essentiel de leur projet (résultat des interviews). Pour le
comprendre, il faut revenir sur la vision. Précédemment,
nous avons abordé le génie. Dans l’art, le génie est perçu
comme la manifestation d’un talent au-delà de la
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 25 / 64 Décembre 2014
perfection technique. Il en est de même pour
l’entrepreneur. Lors de la présentation de l’Iphone (le
premier), Steve Jobs a présenté son produit comme une
« révolution ». Le mot n’était pas choisi par hasard, il
reflétait tout le talent de cet homme au travers d’un objet.
Le public l’a perçu ainsi par ailleurs. C’est ce génie que
ressentent tous les entrepreneurs, c’est cette émotion qui
leur est si chère : se trouver génial fait ressentir un plaisir
incomparable. Cela procure une énergie incroyable,
utilisée pour faire avancer le projet, le transmettre aux
autres afin qu’il adhèrent à l’idée, à l’homme.
Vous ne pouvez pas demander
aux clients ce qu'ils veulent et
ensuite essayer de le leur donner.
Au moment où vous l'aurez créé, ils
voudront autre chose. (Steve Jobs)
L’entrepreneur qui va ressentir cette force en lui va avoir
une passion pour cette énergie. Dans ce cas précis, le
retour au salariat n’est pas perçu comme une option. Ces
profils sont dotés d’un fort égo. La recherche d’un travail
peut être ressentie comme rabaissant : pourquoi vendre
des compétences alors qu’on peut vendre du rêve ?
Néanmoins, considérons le sens du mot « passion » : état
affectif immense et irraisonné qui domine quelqu’un. Son
origine étymologique vient du grec pathos qui signifie
subir. Le résultat des interviews est clair et sans appel.
Seuls les entrepreneurs les plus expérimentés considèrent
la passion comme étant « dangereuse » pour reprendre les
mots de Christian. Nous l’avons compris, la passion décrite
par les entrepreneurs est cette addiction à l’énergie qu’ils
sont capables de créer (et qui provoque un état affectif
immense et irraisonné). Cet état qui va les dominer peut
aisément leur faire perdre le sens des réalités. C’est une
approche dangereuse des responsabilités.
Les motivations à entreprendre
Tous les jours, je me lève et regarde
la liste des personnes les plus riches
d'Amérique. Si mon nom n'y
apparait pas, je vais travailler.
(Robert Orben)
Les entrepreneurs interrogés par EY placent leur
motivation en 3ème
position.
Nos recherches sur la motivation des entrepreneurs est
sans équivoque. Lors des entretiens, nous avons pu
dégager 3 grandes motivations à entreprendre. Ces 3
types de moteurs personnels ont pu être vérifiés dans la
littérature. Il s’avère que les entrepreneurs ont une, voire
deux de ces motivations.
Devenir leader
L’entrepreneur aime exprimer ses idées et rallier le plus
grand nombre. Une de ses caractéristiques est de détenir
ce qui est communément appelé la vision. Pour certains
individus, il est difficile voire insupportable de suivre la
vision d’une autre personne. Il existe un lien émotionnel
fort avec la vision de l’entrepreneur : c’est le génie qui lui
est attribué. Lors des interviews, c’est l’idée de liberté qui
est majoritairement ressortie. Lorsqu’il a été demandé à
Octave de donner plus de précisions sur la notion de
liberté à laquelle il était attaché, il expliqua qu’il s’agissait
de la possibilité de suivre ses propres idées et de les
mettre en œuvre comme lui souhaite les réaliser. Nous
avons alors interprété ce besoin de liberté comme la
volonté d’être le leader de sa vision.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 26 / 64 Décembre 2014
Devenir leader implique aussi la liberté pour
l’entrepreneur. Ce besoin de liberté se caractérise de deux
manières. La première, l’entrepreneur a des attentes
précises et il lui est très difficile d’accepter un rendu
différent. La liberté consiste ici à faire soi-même ou
d’exiger un livrable conforme à ses attentes. La seconde,
l’entrepreneur aime prendre des décisions et faire des
choix. Se voir imposer des décisions peut être une source
importance de démotivation.
Ce besoin de leadership est très lié à une incapacité qu’a
l’entrepreneur à lâcher prise sur son projet.
Paradoxalement, c’est sa ténacité qui peut basculer à
l’extrême jusqu’à l’aveuglement. Ainsi, il peut manquer de
voir des signes certains de danger (business ou humain) et
courir à l’échec. Dans ce cas, il sera peu probable que
l’entrepreneur en question soit capable d’analyser son
échec de cette manière. Il aura plus tendance à accuser les
autres qu’à considérer sa réelle responsabilité.
Gagner PLUS d’argent
Lors des interviews, à la question « quelle est votre
motivation principale à entreprendre ? », Arno a
immédiatement répondu : « gagner de l’argent ». Comme
lui, plusieurs autres entrepreneurs interrogés ont exprimé
la motivation financière. En effet, l’entrepreneur veut
devenir riche. C’est le cas pour un certain nombre de
profils commerciaux, considérant qu’ils pourront
bénéficier d’une plus grande partie de la marge réalisée. Il
peut arriver que cette personne néglige l’aspect gestion
d’une création d’entreprise. Le résultat est (souvent) une
cessation de paiement : étant focalisé carnet de
commande et chiffre d’affaires (CA), ils n’optimisent pas
leurs ressources (trésorerie) pour pérenniser leur activité.
En général, ces entrepreneurs exploitent un filon jusqu’à
épuisement des ressources et font mourir leur activité. Ils
en créeront une autre à la découverte d’une autre
opportunité (d’un autre filon).
Pour certains entrepreneurs, le statut rattaché à l’argent
les motive plus que le pouvoir d’achat effectif qu’ils vont
acquérir. Tel un Picsou, ils veulent amasser des richesses
pour les montrer au plus grand nombre : « voyez, j’ai
réussi ». Ce rapport au statut est lié à un besoin de
reconnaissance, développé dans le point suivant.
Être reconnu
Le besoin de reconnaissance est lié à la motivation de
devenir un leader. Pour faire simple, il s’agit de la
reconnaissance du statut de leader et d’homme riche.
C’est une idée qu’a exprimé Arno dans son interview. Il a
expliqué qu’il était important pour lui d’être reconnu pour
son courage, pour son ambition et pour sa capacité à
trouver et à mettre en place des solutions performantes.
Une personne motivée à entreprendre pour être aux
commandes de son projet peut le faire en total anonymat.
Le besoin de reconnaissance va être fondé sur l’une ou
l’autre ou les deux précédentes motivations. Cela va
dépendre de la reconnaissance recherchée. Certains
entrepreneurs veulent être perçus comme des génies,
d’autres comme des puissants de ce monde (quoi de
mieux que l’argent pour se sentir puissant ?).
Cette motivation peut être dangereuse si elle n’est pas
dépassée par l’individu (car elle sera en l’occurrence
intarissable). Elle prend sa source dans l’idée que nous
nous faisons du regard des autres, ou de l’image de nous-
même que nous cherchons dans ces regards. Être reconnu
riche, puissant et génial n’est pas une solution parce
qu’elle ne changera pas le regard que nous avons sur nous-
même. Nous verrons plus loin comment gérer ce besoin et
faire en sorte qu’il ne nous contrôle plus.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 27 / 64 Décembre 2014
Catlin et Matthews (2001) ont établi une liste de traits de
caractère des entrepreneurs :
Visionnaire et pionnier;
Ayant cette capacité de trouver une opportunité
là où d’autres ne voient qu’un problème ;
Comme étant à la recherche d’opportunités et de
défis à relever ;
Créateur d’énergie et de passion ;
Ayant la rage de vaincre et cherchant à atteindre
des résultats exceptionnels ;
Créatifs ;
Cherchant à rendre le monde meilleur ;
Proactif et tourné vers le futur ;
Intelligent, capable et déterminé ;
Ayant un fort sens de l’imminence ;
Capable de prendre des risques ;
Entêtement à réussir, prospérer et « faire la
différence ».
Nous y retrouvons les choix de l’enquête d’EY avec la
vision en tête.
Un élément que nous n’avons pas abordé jusqu’ici est la
notion de risque :
Le succès, c'est se promener
d'échecs en échecs tout en
restant motivé. (Winston Churchill)
L’entrepreneur a la capacité de prendre des risques. Il
considère l’échec comme un apprentissage, une difficulté
dans son parcours plutôt que la fin de l’aventure. La
célèbre citation de Churchill (ci-dessus) est très éloquente
à ce sujet. Par cette phrase, il dit que le succès ne peut
arriver sans risque. Effectivement, nous pouvons admettre
qu’en restant dans la sécurité, les opportunités se font
rares. L’entrepreneur considère généralement être parti
de rien, c’est-à-dire sans fortune. Le risque est donc
simplement de revenir à ce qu’il avait auparavant, comme
en témoigne la citation ci-dessous :
Si vous commencez avec rien et
que vous finissez avec rien, vous
n’avez donc rien à perdre.
(Michael Dunlop)
Le génie de l’entrepreneur c’est aussi sa faculté à rebondir
en cas d’échec. Les risques sont assumés car ils ne sont pas
si effrayants. La confiance que l’entrepreneur va placer en
lui sera salvatrice face à la prise de risque. Nous
approfondirons un aspect de la gestion de l’échec dans la
partie suivante, le côté obscur de l’entrepreneur.
Conclusion
Parmi les qualités communément énoncées, il y en a une
qui est un enjeu à elle seule : la vision. L’entrepreneur
innovateur a besoin d’une vision. Il se servira de ses autres
qualités (énoncées ci-dessus) pour atteindre ses objectifs
et réaliser cette vision. L’enjeu est de l’avoir pour réussir
mais aussi le lien qui existe entre vision en entrepreneur.
La sensation de génie qui s’accompagne d’une victoire
(prévue) est addictive. Nous verrons dans la partie
suivante (Défauts attribués aux entrepreneurs) le danger
que cela implique lorsqu’un lien s’établi avec la passion. De
plus, nous avons pu isoler 3 types de motivation à
entreprendre : devenir leader, gagner plus d’argent (qu’en
étant employé) et être reconnu. Nous avons pu entrevoir
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 28 / 64 Décembre 2014
des dangers dans la compréhension de ces attentes. Il
s’agit d’enjeux importants pour les entrepreneurs car de
mauvaises décisions peuvent être prises dans l’émotion et
dans l’entêtement. Nous verrons dans la partie « les
défauts attribués aux entrepreneurs » qu’il s’agit de traits
de caractère répandus dans le domaine.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 29 / 64 Décembre 2014
Le côté obscur de l’entrepreneur
Cette partie est centrale dans notre étude. Elle énonce les
traits de la personnalité de l’entrepreneur qui peuvent le
mener à sa perte. Ce côté obscur témoigne de faiblesses
que l’entrepreneur a la responsabilité de combler. Nous
verrons dans leur exposition que ces défauts ont un impact
direct sur les parties prenantes de l’entreprise.
Le besoin de contrôle
Nous avons vu que l’entrepreneur avait un lien particulier
avec sa vision. Elle est à la fois une source de motivation,
d’énergie et d’émotion. La peur de perdre le contrôle sur
son idée « grandiose » (selon Manfred F. R. Kets de Vries,
professeur de management et psychanalyste néerlandais,
fondateur du Global Leadership Centre de l’INSEAD) fait
qu’il peut se sentir menacer par des parties prenantes, y
compris dans son équipe.
L’entrepreneur aura des difficultés à aborder des
questions de dominance et de soumission et se montrera
méfiant vis-à-vis de l’autorité. De par cet aspect, il est en
opposition au manager qui est capable de passer
facilement d’une position d’autorité à une position de
subordination. Le manager perçoit son supérieur comme
un modèle (de rôle). Au contraire, l’entrepreneur étouffe
dans de telles structures. Il a beaucoup de mal à travailler
dans un entreprise qu’il n’a pas créée.
“Many entrepreneurs are misfits who need to create their
own environment.' Offering the deference a subordinate
usually owes a superior often suffocates this type of
person. They tell themselves that they don't want to be at
the mercy of others. Even if they move away from old
controlling influences, these concerns linger on. Many of
the entrepreneurs I have been studying are preoccupied
with the threat of subjection to some extemal control or
infringement on their will. When such people are suddenly
placed in a subordinate position, power conflicts are
inevitable.”
Les interviews menées confirment que le besoin de
contrôle est bien lié à la vision. Un entrepreneur peut
penser qu’il court à sa perte si une partie prenante émet
une influence qui fera changer de cap à sa société. C’est un
sentiment qu’a partagé Octave lors de son interview. En
soi, cela paraît légitime. Une entreprise ne peut avoir
qu’une seule stratégie à un instant T. Deux forces inverses
appliquées sur un objet le maintiendront immobile. Cette
loi de physique s’applique aussi avec les idées. Octave
nous a précisé qu’il a très mal vécu cette situation (avec
son associé de l’époque). Sa réponse a été de chercher à
convaincre son partenaire. N’y parvenant pas, la situation
est devenue conflictuelle. Les choses ont empiré jusqu’à la
séparation des deux hommes. Le dirigeant a le rôle
d’arbitre entre sa vision et celle de cette influence. La
question de la pertinence de cette seconde vision doit être
posée. Il s’agirait même de la considérer comme une
alternative voire un enrichissement de la vision originale.
Nous verrons que cela nécessitera de la part du dirigeant
du lâché prise. Les effets sont potentiellement très positifs
pour l’entreprise. Premièrement, cela peut permettre
d’identifier un talent parmi les parties prenantes. En
laissant cette personne exprimer ses idées et en y prêtant
un réel intérêt, nous assistons à l’augmentation de sa
motivation. S’il s’agit d’un employé, l’effet est décuplé (et
contagieux pour le reste de l’équipe). Deuxièmement, une
opportunité peut se présenter pour répondre au défi de la
croissance et croissance. Troisièmement, personne n’est
infaillible, pas même le visionnaire. La remise en question
de sa stratégie peut la renforcer. Les entrepreneurs les
plus expérimentés que nous avons interrogés conseillent
d’ouvrir la communication et de faire preuve de pédagogie
avec la personne concernée.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 30 / 64 Décembre 2014
En termes de communication, cette réponse est très
intelligente. Elle permet de rompre le conflit. Tout
simplement, lorsque deux interlocuteurs sont en contact, il
doit y avoir un équilibre des forces. Aucun ne doit essayer
de dominer et aucun ne doit se rabaisser. En réagissant
ainsi, nos entrepreneurs chevronnés éliminent le conflit
des idées en détournant le sujet. Ils quittent le champ des
idées pour celui de l’humain. Ils sont alors en position de
rétablir l’équilibre de la communication. Pour ceux qui ne
savent pas comment rétablir l’équilibre, pensez « il est un
prince et je suis un prince ». Ressentez cette idée en vous
et comportez-vous comme tel.
Le sentiment de méfiance
Ce sentiment est lié à la nécessité de contrôle. Il traduit la
peur d’être victime de la jalousie qu’il pense susciter et
ainsi de perdre ce qu’il a acquis. Son attitude traduit une
préparation à la catastrophe qui risque de s’abattre sur lui.
Les plus paranoïaques pensent susciter l’envie au point
qu’on veuille les attaquer pour les voler.
S’il perd toute sa fortune, l’entrepreneur considère qu’il a
payé le prix : "done their penance for having successful”.
Cette ruine produit un certain soulagement car l’anxiété
de perdre sa fortune est partie avec et il peut repartir de
zéro. Par ailleurs, il en a de nouveau la force et
l’enthousiasme. Cela peut lui permettre de trouver un
nouveau but. Précédemment, nous avions abordé la
notion d’échec. Dans ce cas, cette situation sera le salut
recherché par l’individu. C’est pourquoi, certaines
personnes choisiront (inconsciemment ou non) la stratégie
croissance et destruction. Amar que nous avons interrogé
nous a raconté qu’après un contrôle fiscal qu’il a estimé
préjudiciel, il a décidé de fermer son entreprise.
Le besoin de reconnaissance
Le besoin de contrôle et le sens de la méfiance sont
symptomatiques d’un sentiment que le succès ne durera
pas. Ainsi, l’entrepreneur veut être reconnu pour ce qu’il
accomplit (tant que ça dure). Pour rappel, il s’agit d’une
des motivations à entreprendre.
Certains individus veulent montrer aux autres qu’ils ne
sont pas n’importe qui, qu’ils « pèsent ». Ils cherchent la
reconnaissance pour cela. Cette recherche de l’admiration
montre une peur de l’indifférence. Ce sentiment a poussé
des dirigeants à faire construire des monuments à leur
gloire (immeubles, usines…). Pour Christian, tout bon
dirigeant doit être un mégalomane mesuré. Il rajoute
« quand tu crées une boite, tu dois penser que tu es
capable de déplacer des montagnes ». Cette idée de
grandeur est effectivement nécessaire à l’entrepreneur.
Elle lui permet de tenir moralement face aux difficultés
qu’il va rencontrer. Mais cette idée de grandeur ne doit pas
être rattachée au regard des autres. Auquel cas, nous
tombons du côté obscur.
Conclusion
Les entrepreneurs ont un côté sombre. Manfred F. R. Kets
de Vries énonce que les entrepreneurs tels que décrits ci-
dessus vont être très méfiants de leur environnement et
seront vigilants envers leurs parties prenantes. Cela peut
leur faire perdre le sens de la mesure et les faire devenir
paranoïaques. De plus, le contrôle et la méfiance créent un
système autoritaire dans lequel manipulation et flatterie
sont de mise. Nous l’avons énoncé précédemment, il est
important de créer un climat de confiance. Ces aspects de
la psychologie de l’entrepreneur sont dangereux pour la
réussite de son projet. Les capacités intellectuelles comme
la capacité à être un visionnaire seront des enjeux pour la
logique croissance et croissance. La maîtrise de ses
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 31 / 64 Décembre 2014
pulsions sera plus importante encore pour atteindre la
première phase de croissance. Avant d’être aux
commandes d’une entreprise, il est primordial d’être aux
commandes de son corps et de son esprit. A présent, nous
nous focaliserons sur ces aspects de la psychologie de
l’entrepreneur.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 32 / 64 Décembre 2014
Première conclusion : Identification des enjeux et mesure de leurs impacts sur le succès d’un
projet entrepreneurial
L’entrepreneur comme n’importe quel individu va être influencé par son environnement. Les contextes d’influence (famille,
formations et premières expériences) vont avoir un impact décisif sur la personnalité de l’individu et sur son intention
d’entreprendre. Néanmoins, le degré d’autocensure de l’individu va déterminer s’il va ou non passer à l’action. S’il a
confiance en lui et s’il est capable de gérer ses peurs (échec et réussite), il sera en mesure d’entreprendre. Ces
caractéristiques vont évoluer pendant les études supérieures et pendant les premières années en tant que salarié. La
maturité personnelle et professionnelle va avoir un impact certain sur l’auto confiance de l’individu.
Une fois lancé, les enjeux de la personnalité de l’entrepreneur sur son projet peuvent être résumés par la maîtrise des
relations humaines. Il est important d’être capable de créer un climat de confiance avec ses partenaires. Le génie dont peut
faire preuve l’entrepreneur est à double tranchant. Travaillant par passion, il a un lien émotionnel très fort avec
l’accomplissement de sa vision. Il peut aller jusqu’à la perte de son entreprise pour la protéger. Ce comportement témoigne
d’un profond mal-être. En effet ces manifestations externes ont des sources internes (l’esprit). La réalisation d’un projet
passe alors par la maîtrise de ses peurs, de ses douleurs et de ses ruminements négatifs. Le développement personnel est
donc un enjeu pour la réussite d’un projet entrepreneurial. Nous verrons dans la prochaine partie les mécanismes qui
rentrent en considération pour comprendre ces manifestations et les liens à briser pour se libérer.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 33 / 64 Décembre 2014
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 34 / 64 Décembre 2014
> Partie II :
Compréhension des
mécanismes
psychologiques bloquants
Psychologie cognitive : comprendre la
pensée
En conclusion de la première partie, nous avons mis en
évidence les enjeux de la personnalité du porteur pour la
réussite de son projet. En partant des réussites et des
échecs constatés, notre analyse nous a permis de mettre
en lumière les manifestations externes de l’esprit (par les
attitudes face à des situations difficiles). L’intérêt est à
présent de comprendre l’origine de ces maux. Pour ce
faire, nous avons cherché à comprendre le cheminement
psychologique qu’ils suivent afin d’en comprendre la
source.
Ainsi, nous avons regardé du côté de la psychologie
cognitive, sous-discipline de la psychologie. Cette science
a pour objet l’étude des mécanismes intellectuels, des
processus de la pensée. Dans le cerveau humain,
l’information est traitée de différentes manières, à
différents paliers. A travers la théorie du traitement de
l’information, Atkinson et Shiffrin (1969) ont proposé une
conceptualisation de l’architecture cognitive.
* Le registre d’informations sensorielles : premier palier
de traitement de l’information, le registre d’informations
sensorielles est une zone de stockage temporaire de
l’information. L’impact sur notre cerveau est immédiat, le
premier traitement d’une information est sensoriel. Donc,
nous ressentons l’information avant de la comprendre.
* La mémoire à court terme (MCT) : une fois passée par
le registre sensoriel, l’information vient dans cette
instance cognitive où elle va rester 30 secondes le temps
de choisir si elle sera traitée ou oubliée. Le traitement est
réalisé dans l’instance suivante.
* La mémoire à long terme (MLT) : il s’agit de l’instance
qui traite l’information, elle peut y être stockée ou être
effacée.
* La structure de contrôle supervise la circulation et le
traitement de l’information dans les registres mémoires.
Cette architecture est considérée comme simpliste,
néanmoins elle nous aide à comprendre grossièrement le
parcours d’une information.
Les différents registres et mémoires sont aussi appelés
dans un langage plus courant des filtres. C’est par eux que
nous analysons le monde qui nous entoure. Comprendre
pourquoi nos filtres nous font ressentir telle ou telle chose
passe par la compréhension de l’origine de ces filtres et
de l’impact qu’ils ont sur notre vie. Il est important de
comprendre qu’une sensation déclenchée par un élément
externe à notre esprit prend source dans notre esprit : « Il
m’a lancé un regard menaçant, pourtant je ne lui ai pas
parlé » induit que nous avons croisé le regard de
quelqu’un [fait], que nous avons pensé que ce regard
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 35 / 64 Décembre 2014
nous était destiné [interprétation] et que nous nous en
avons ressenti une menace [interprétation]. La personne
regardait peut-être quelqu’un d’autre, ou elle ne regardait
peut-être rien du tout. Il se peut qu’elle soit elle-même
dans ses pensées et qu’elle ne nous ait pas vus. Il nous est
impossible de savoir ce que signifiait réellement ce regard
et pourtant nous nous sommes sentis en danger. La
question est : cette personne nous a effectivement
menacés ou une voix dans notre tête nous en a
convaincus ?
Dans l’abrégé de psychologie, Delay et Pichon expliquent
que la perception est une réaction psycho-chimique qui
retranscrit l’image de l’objet qui n’est pas une
reproduction fidèle de la réalité objective. La perception
est composée de 3 processus étroitement associés. Ils
nous permettent de sentir et de comprendre nos
perceptions :
Le processus récepteur isole nos sensations pour les
analyser. En effet, selon Delay et Pichon, « nous ne
percevons jamais de sensations isolées, mais un certain
champ perceptif, ayant une structure. » Cela veut dire
que nos perceptions sont complexes de par leur structure.
Pour les intégrer, il nous faut en isoler les composantes.
Le processus symbolique : l’analyse de ces champs
perceptifs est associée à des concepts pour être identifié.
Une fois la structure décomposée, chaque élément va
être rattaché à des critères qui vont nous faire percevoir
un concept.
Le processus affectif est le lien émotionnel rattaché au
concept précédemment identifié. La personnalité du
sujet a une influence sur ce processus. Les trois processus
de perception sont liés et pourront être dissociés sous
certaines influences (drogues par exemples).
Les processus perceptifs ont une partie innée et une
partie acquise. L’expérience a donc une certaine influence
sur notre façon de percevoir. De plus, lorsque le champ
perceptif n’a pas une structure forte (reprenons l’exemple
du regard de tout à l’heure), la personnalité du sujet va
combler cette structure.
La notion de filtre est très importante dans cette étude
car l’entrepreneur est sûr de lui et de son analyse. Il aura
beaucoup de mal à considérer l’idée que son analyse n’est
pas objective. Les entretiens que nous avons pu réaliser
nous permettent d’avancer que l’entrepreneur se remet
peu en cause dans ses échecs. Sa capacité à rebondir l’y
aide. Elle lui donne le choix de la réflexion, du débriefing
ou de l’action. Il préfèrera l’action le plus souvent. Seuls
les plus sages (souvent les plus expérimentés)
s’autorisent à analyser leur implication. Les autres
accusent un élément extérieur de leurs problèmes,
renforçant leur côté obscur.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 36 / 64 Décembre 2014
Conclusion
La psychologie cognitive est l’étude des mécanismes de
la pensée. Cette science nous apporte la notion de filtres,
écrans qui nous font interpréter les faits. Accepter que
nos filtres nous proposent une réalité interprétée nous
permettra de considérer qu’une autre version des choses
existe (même si nous sommes persuadés que ce que nous
ressentons est représentatif de toutes les réalités).
Ensuite, nous pourrons essayer de comprendre l’origine
intérieure de ces sensations, de ces douleurs.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 37 / 64 Décembre 2014
L’écoute de son corps et de ses désirs
L’introspection désigne l’action de regarder à l’intérieur
de notre esprit.
Notre corps est la proie de manifestations, de symptômes
provoqués inconsciemment par notre esprit. Souvent,
nous savons ce qu’il va se passer, rougir en public par
exemple. Mais le savoir ne nous aide pas à mieux le
contrôler. Se laisser aller est la première étape d’un
processus de glissement qui va laisser le trouble nous
envahir jusqu’à ce les mots deviennent des maux.
L’homme est désir (Pascal)
D’après Catherine Bensaïd (1994), « le désir est
nécessaire à la sensation d’exister ». D’après nos
interviews, le désir d’entreprendre serait lié à un besoin
de liberté, de reconnaissance, de sensations, d’énergie…
D’où vient ce désir ? Cette question doit être posée. Car
nos désirs peuvent nous rendre la vie agréable lorsqu’ils
sont comblés. A l’inverse, la non satisfaction d’un désir
déclenche immanquablement la frustration. Ce sont de
réels instants de bonheur qui sont à notre portée.
Néanmoins, ils peuvent aussi nous rendre la vie
insupportable en surgissant de nulle part et en devenant
une véritable obsession. Comprendre l’origine de nos
désirs peut nous permettre de maîtriser leurs effets. Ce
questionnement permet d’isoler les désirs qui nous sont
ordonnés par notre environnement, par la société (raison
d’être du marketing) et de conserver ceux qui
proviennent de nous, les désirs individuels. Cette analyse
est une première étape qui nous permettra de
comprendre qui nous sommes à l’intérieur et d’être à son
écoute.
Attention à ne pas confondre le besoin qui est lié à la
survie avec le désir qui fait « preuve d’engagement dans
l’acte de vivre ».
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 38 / 64 Décembre 2014
Impact de notre passé sur nos intentions
présentes/futures
J’ai plus de souvenirs que si j’avais
mille ans (Charles Baudelaire)
L’éducation reçue de nos parents résulte de l’éducation
transmise par toutes les générations passées. Certains
mécanismes sont renouvelés de générations en
générations. Les parents sont le miroir de leurs enfants. Il
est important que ce miroir reflète amour et intérêt. Sans
cela, il est impossible de se définir. La résultante est que
l’éducation que nos parents ont reçue de leurs propres
parents nous impacte. Pour comprendre notre
personnalité, nos choix, nos croyances, nous devons
comprendre celles de nos aïeux. La construction de notre
esprit est antérieure à notre naissance.
A son arrivée au monde le nouveau-né est doté de pré-
discours et de pré-langage de son corps. Les premiers
gestes que nous allons recevoir vont conditionner nos
relations futures. Catherine Bensaïd (1994) va plus loin
encore en expliquant que les humeurs de la mère vont
avoir d’importantes répercussions sur le ressenti de
l’enfant : « Une mère malheureuse ou préoccupée donne
la sensation à un enfant, déjà lorsqu’il est tout petit, de ne
pas être aimé ; et surtout de ne pas faire ce qu’il faut pour
pouvoir être aimé. Il est impossible pour un enfant de
penser que sa mère puisse être triste pour des raisons
extérieures à lui. » ; Elle rajoute que « toute preuve
d’amour est preuve d’existence ». Rappelons-nous que le
besoin de reconnaissance des entrepreneurs était en fait
la demande d’une preuve d’existence.
L’éducation que nous avons reçue représente la mise en
place d’une structure sociale sur lequel repose notre
esprit. Nous retrouvons les contextes d’influence. La
raison de cette influence est donc que ces contextes nous
ont permis d’intégrer ce qui nous paraît « normal » de
vivre. A l’âge adulte, nous serons prédisposés à les
revivre. Nous pouvons partir à leur recherche, nous les
trouverons dans une entreprise, auprès d’un compagnon,
d’un mentor… Il y a un certain magnétisme à cela. Nous
sommes attirés comme si un fil invisible nous guidait à
travers la vie. Ainsi, il nous est très difficile de changer des
traits de notre caractère ainsi que nos habitudes. L’intérêt
de notre démarche est de comprendre les fils qui nous
guident, de les accepter pour peut-être choisir de ne pas
les suivre.
Conclusion :
Le voyage intérieur commence par la recherche et la
compréhension de nos origines. L’éducation est le
fondement de notre personnalité. L’éducation de nos
parents explique donc leur personnalité et ainsi
l’éducation qu’ils nous ont transmise. L’approche par les
origines concerne l’entrepreneur comme n’importe quel
individu. Nous n’avons pas mis en avant une quelconque
singularité liée à sa personnalité.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 39 / 64 Décembre 2014
L’introspection : se comprendre pour
s’accepter
Ignorer sa douleur en essayant de la cacher quelque part
dans son esprit ou « l’assommant avec des antalgiques ou
des anxiolytiques » ne vous en débarrassera pas. Selon
Christophe André (2009), « l’acceptation est un outil
précisément adapté non pas pour supprimer la
souffrance, mais pour en limiter l’extension à toute la
personne ». Une douleur est liée à des évènements
passés. Elle est complexe à analyser. L’acceptation est la
première étape car elle permet de relâcher la pression
qu’a cette douleur sur notre quotidien.
Monsieur mon passé, laissez-moi
passer (Léo Ferré)
Nos faiblesses quotidiennes, nos petits malaises, nos
angoisses, la colère qui nous ronge ou la tristesse qui nous
suit est liée à nous. Elles peuvent être provoquées par un
élément extérieur mais le lien est bien dans notre tête.
Nous devons comprendre ce qui en est à la source, ce qui
va provoquer cette situation insupportable. La
compréhension de soi nous permet de rattacher une
mauvaise sensation à une source, une fragilité. De cette
manière, il nous est possible de reprendre le contrôle de
nos émotions. De cette façon, nous arrivons à
comprendre que ce regard n’avait rien de menaçant, mais
plutôt qu’ayant peur d’être menacé, je recherche la
menace partout (pour m’en prévenir). Une fois que j’ai
compris cela, je suis en capacité de lâcher prise et de
considérer que je ne suis pas attaqué. « Mais attention,
parfois voyons-nous des attitudes de rejet ou
d’humiliation là où elles ne sont pas ! Nous vivons comme
une agression des situations qui ne présentent
objectivement rien de menaçant : le danger possible n’est
que le pur produit à la fois de nos expériences passées et
de notre imagination. Trop sensibilisés par des
traumatismes passés, nous sommes à l’affût de tout signe
susceptible d’éveiller à nouveau un type d’agression qui
appartient à notre histoire et non à la situation présente »
(Catherine Bensaïd, 1994). De plus, de cette manière, je
peux prendre soin de ma fragilité et me préserver des
situations qui me touchent au lieu de m’acharner à me
mettre en danger (ce qui me donne l’illusion d’être fort).
Si je ne fais pas ce chemin, je continue à me sentir
menacer et cette attitude est elle-même menaçante. En
surveillant mon potentiel assaillant, je peux lui faire
ressentir la même sensation de menace et ainsi,
paradoxalement, concrétiser ma peur. De la même façon,
un entrepreneur va tellement avoir peur d’échouer qu’il
va concrétiser l’objet de sa peur en échouant. C’est ce que
nous avons vu précédemment, l’entrepreneur en question
sera soulagé de perdre son entreprise. L’échec devient
rassurant car il doit être réellement affronté, il n’est plus
menaçant, il peut être combattu. La douleur est un
poison qui prend trop de place dans notre vie. Nous
devons agir sur notre pensée pour nous en libérer.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 40 / 64 Décembre 2014
Aaron Temkin Beck (1967) défini la « distorsion
cognitive » comme étant l’interprétation et la perception
de faits à partir de filtres erronés. Le courant français de
la psychologie cognitive retient six façons de se faire du
mal (acronyme GRIMPA) :
Généralisation : tirer une conclusion générale à
partir d’un évènement ponctuel
Raisonnement dichotomique : analyse les
situations/relations avec seulement deux critères
excessifs et opposés.
Inférence arbitraire : tirer une conclusion
négative sans être en total possession des faits
Maximalisation du négatif et minimalisation du
positif
Personnalisation : se sentir responsable des
évènements, des comportements des autres
Abstraction sélective : ne retenir et ne se fixer
que sur l’élément négatif d’une situation ou
d’une relation.
Nous venons de voir que le porteur d’un projet avait
d’importantes responsabilités. Rappelons-le, il se doit
d’avoir un comportement et des attitudes dignes d’un
prince s’adressant à d’autres princes. En étant dirigeant
d’une entreprise, il est amené à conclure des partenariats.
Les risques qu’il prend ne le concernent plus seulement
lui. Pour ces raisons, il doit être aux commandes de sa vie.
L’alignement recherché concerne les 3 éléments que sont
l’intellect, l’envie et l’action. Apprendre à se connaître
pour savoir où sont nos failles, être à l’écoute de nos
désirs et passer à l’action pour réaliser nos rêves. Pour
l’entrepreneur, la nécessité de garder le contrôle, la
méfiance qu’il peut avoir envers ses partenaires et son
besoin excessif de reconnaissance sont des
manifestations externes qui peuvent traduire 3
problématiques internes :
Le manque de confiance en soi ;
L’attachement au regard des autres ;
L’incapacité à lâcher prise.
Conclusion :
Nos filtres ne sont pas nos amis, particulièrement lorsqu’il
existe un lien avec une douleur mentale. En effet, notre
esprit ne perçoit pas objectivement la réalité et peut
même la percevoir négativement (si présence de
distorsions cognitives). Nous avons pu voir avec le
GRIMPA que nous avions 6 façons de nous faire mal.
L’entrepreneuriat n’est pas un choix de carrière facile. La
prise de risque, la pression, le surmenage, la solitude,
toutes ces difficultés doivent être gérées le plus
sainement possible. Il est de la responsabilité de
l’entrepreneur de réagir en conséquence, il en va de la
réussite de son projet. Pour cela, il doit se libérer du
regard des autres, lâcher prise et accepter de ne pas
pouvoir tout contrôler, et avoir confiance en lui et en ses
capacités. Le doute est permis tant qu’il entre dans une
démarche d’apprentissage. A partir du moment où il
devient douloureux, le procédé doit être renouvelé, une
action doit être menée pour libérer l’esprit de ses
douleurs. Nous profitons de cette conclusion pour
énoncer que certains maux sont complexes et nécessitent
l’intervention de spécialistes. L’accompagnement permet
l’assurance d’aller dans la bonne direction en ne suivant
pas une analyse erronée de la réalité.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 41 / 64 Décembre 2014
Deuxième conclusion : Compréhension des enjeux et mesure de leurs impacts sur le porteur
d’un projet entrepreneurial
Notre perception de la réalité n’est pas objective. Notre esprit utilise des filtres pour traduire le monde en concepts, en
sensations, en analyses. Parfois, ces filtres nous font percevoir les choses négativement. Il peut s’agir de distorsions
négatives. De cette manière, ce que nous percevons nous fait souffrir sans qu’un lien avec la réalité soit avéré.
Pour se défaire de ses douleurs, il faut rechercher des causes dans notre passé. L’influence de l’éducation sur la construction
de la personnalité est telle, qu’il est possible qu’une cause ne soit pas en nous mais qu’elle soit liée à une douleur
appartenant à nos aïeux. Une fois le lien avec notre douleur trouvé, il doit être rompu. Cela peut nécessiter l’intervention
d’un spécialiste (pour accompagner le sujet). Le problème est bien d’essayer d’analyser une souffrance, causée par des filtres
négatifs, avec ces mêmes filtres. Prendre conscience de cela et demander de l’aide est un pas énorme pour le sujet.
En ce qui concerne l’entrepreneur, nous avons identifié 3 défis majeurs : il doit se libérer du regard des autres, lâcher prise et
accepter de ne pas pouvoir tout contrôler, et avoir confiance en lui et en ses capacités (mais sans se croire infaillible).
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 42 / 64 Décembre 2014
> Partie III : Le
développement personnel
comme réponse aux enjeux
de la réussite d’un projet
entrepreneurial
Le développement personnel adapté aux
besoins de l’entrepreneur
Un homme doit être assez grand
pour admettre ses erreurs, assez
intelligent pour apprendre de
celles-ci et assez fort pour les
corriger. (John C. Maxwell)
Les deux parties précédentes nous ont permis de
comprendre qu’au-delà des enjeux business,
l’entrepreneur est confronté à des enjeux humains. Nous
l’avons dit, il doit être en capacité de créer un climat de
confiance, de fédérer autour de son idée et de tenir
physiquement et moralement face à la pression qui pèse
sur lui. A la fin de la première partie, nous avions identifié
le côté obscur de l’entrepreneur. Cette idée a alimenté la
seconde partie dans laquelle nous avons cherché le sens
psychologique de ces comportements bloquants. Il
apparaît que le côté obscur de l’entrepreneur est lié à
l’être qu’il est à l’intérieur et aux douleurs qu’il traine
derrière lui. Lors de nos entretiens, nous avons remarqué
que les moins de 40 ans, sans enfants, bien que
confrontés à ces difficultés, ne savent pas comment
réagir sereinement à des situations de perte de contrôle,
voire de soumission à l’autre. A l’inverse, les
entrepreneurs pères de famille, plus âgés, ont un certain
recul sur ces choses. Ainsi, ils sont capables d’avoir des
réactions tournées vers la résolution du conflit. Dans leurs
entretiens, ils ont partagé des expériences dans lesquels
ils ont pu lâcher prise, ne pas prendre le problème
personnellement et surtout sans être dans un état
passionnel. Ces résultats nous permettent à présent de
nous orienter vers le développement personnel. Dès lors
que le blocage provient de l’individu, la solution doit être
tournée vers ce même individu.
Par rapport aux enjeux décrits précédemment et en lien
avec ce que nous avons compris des mécanismes
psychologiques du porteur, la solution qu’il s’agit de
proposer s’inscrit dans une démarche pouvant se
décomposée en 3 axes :
(Re)créer des fondations solides : avoir de
bonnes habitudes de vie.
Développer ses soft skills (leadership,
communication, management, …)
Libérer son esprit
Nous notons que cette démarche est recentrée sur la
réussite de l’individu. Pour aboutir, elle demande à
l’individu de changer, ce qui est un enjeu pour quiconque
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 43 / 64 Décembre 2014
entreprend ce voyage. La réussite de cette entreprise
nécessite une conduite particulière. En effet, la personne
qui s’inscrit dans une démarche de changement s’expose
à la perte de ses repères. Même s’il ne s’agit pas de
devenir quelqu’un d’autre, son quotidien peut être
bouleversé. C’est pourquoi le premier axe est composé
d’habitudes qui l’aideront à être tourné vers la réussite.
Ces préceptes devront servir de fondement au sujet
pendant son changement. Une fois le cycle abouti, ces
habitudes s’effaceront de l’esprit mais feront partie
intégrante des fondements de sa nouvelle vie.
L’étape suivante sera le développement de ses soft skills.
L’objectif est d’améliorer sa performance avec ses
partenaires. Avoir envie de changer, prendre de bonnes
habitudes de vie et se mettre en capacité de créer des
changements positifs (pour soi) ne garantit pas la
performance. C’est pourquoi la notion de soft skills, des
compétences humaines comme la communication et le
leadership, est intéressante dans cette démarche. Nous
avons vu que le premier axe est marqué par l’intention. La
capacité de changement interviendra en dernier. L’axe de
développement des compétences se situe en seconde
partie parce que le sujet y rencontrera ses propres freins.
Ainsi, il pourra comprendre par lui-même que les
compétences sont importantes mais qu’elles ne changent
pas totalement son comportement. En effet, en matière
de communication, le verbal ne représente que 8% de
l’information que reçoit notre interlocuteur. Nous ne
maîtrisons pas tout ce que nous émanons au quotidien.
Un individu en souffrance psychologique, expert en
communication ou en leadership ne sera que le pantin de
lui-même. Sachant se maîtriser, il jouera son propre rôle
mais ne sera jamais naturel, jamais au repos. Un débutant
dans ces domaines sera plus vite confronté à cette limite.
Il sentira alors le besoin d’aller voir à l’intérieur.
Le dernier axe est la libération de l’esprit du sujet. Dans
cette dernière partie, nous interviendrons sur la capacité
psychologique du sujet à accomplir son changement.
Pour résumer, l’idée de cet axe est de permettre à
l’individu d’utiliser tout ce qu’il a appris (soft skills) en
total alignement avec l’être qu’il est.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 44 / 64 Décembre 2014
Les habitudes à avoir pour être tourné vers
la réussite
Commencez maintenant, pas
demain. Demain est une excuse
de perdant. (Andrew Fashion)
Les entrepreneurs à succès ont des habitudes de vie, ce
qui pour Stephen R. Covey est un facteur pour réussir à
concrétiser ses projets. Il expose ses idées dans son
ouvrage « Les 7 habitudes de ceux qui réussissent tout ce
qu'ils entreprennent ». Dans son livre, il les classe en 3
catégories :
La victoire privée
La victoire publique
Le renouvellement
La victoire privée reprend des éléments vus
précédemment :
Habitude 1 - Etre proactif : C’est la capacité à
contrôler son environnement plutôt qu’à laisser
celui-ci nous contrôler.
Habitude 2 - Sachez dès le départ où vous voulez
aller : C’est avoir une vision de ce que l’on
souhaite atteindre et réaliser durant notre vie et
en déduire les directions à donner à celle-ci.
Habitude 3 - Donnez la priorité aux priorités : Il
s’agit de mettre en place et d’exécuter les
activités permettant d’atteindre les objectifs
définis dans l’habitude précédente. Il faut
consacrer du temps à ce qui est important et non
à ce qui semble urgent.
La victoire publique reprend l’enjeu de construire une
relation de confiance et de partage avec ses partenaires :
Habitude 4 - Pensez gagnant/gagnant : Il s’agit
de toujours chercher à trouver des solutions qui
satisfassent les deux parties engagées afin de
bâtir des relations solides sur le long terme.
Habitude 5 – Cherchez tout d’abord à
comprendre, ensuite à être compris : Une écoute
empathique est indispensable pour comprendre
véritablement une personne, sa situation et
s’ouvrir à ses idées.
Habitude 6 – Profitez de la synergie : Cette
habitude consiste à collaborer de façon créative
et repose sur le principe que « le tout est plus
grand que la somme de ses parties » : la
collaboration pour atteindre un objectif va donc
permettre de réaliser plus que ne pourraient le
faire les personnes séparément
Enfin, le renouvellement est l’habitude qui englobe
toutes les autres car elle va permettre de les inscrire dans
un processus itératif et de les faire se manifester et
s’accroitre. On sera ainsi capable d’entretenir notre «
capacité de production ».
Les 7 habitudes en question forment un tout. Pour
déployer leur force et leurs effets sur votre vie, vous
devez les laisser vous envahir, leur permettre de vous
discipliner. C’est une manière positive de s’engager sur le
chemin du changement. En effet, le processus du
changement est itératif et est composé des phases
suivantes (dans cet ordre) :
Bien connu (pas de changement) ;
Mal connu (besoin de changement) ;
Mal inconnu (possible retour en arrière, vers le
mal connu qui est rassurant en comparaison) ;
Bien inconnu (le graal du processus, lorsqu’il
deviendra à son tour connu, il pourra précéder
un nouveau mal connu).
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 45 / 64 Décembre 2014
Dans ce processus, ces habitudes pourront servir de socle
pour affronter le mal inconnu et réussir à atteindre le bien
inconnu.
D’une autre manière, Miguel Ruiz, va expliquer que nous
vivons dans un brouillard créé par nos contextes de vie.
Son approche est plus philosophique mais l’idée est la
même que celle que nous avons développée
précédemment. Sa solution est de passer 4 accords (« Les
Quatre Accords Toltèques ») avec son esprit :
Que votre parole soit impeccable : M. Ruiz
prône ici la bienveillance à l’égard d’autrui, mais
aussi personnellement.
N’en faites jamais une affaire personnelle :
c’est son conseil pour briser le lien de douleur
qu’il peut exister avec notre perception.
Ne faites aucune supposition : cet accord nous
demande de rester factuel et de ne pas retenir
l’interprétation que nous faisons des faits. Cela
est un frein aux distorsions cognitives.
Faites toujours de votre mieux : l’idée est de se
fixer des objectifs réalisables pour être capable
de les atteindre. Le « mieux » signifie qu’en cas
d’échec, il n’est pas utile de s’en vouloir.
L’utilisation de ces accords est la même que les 7
habitudes de Covey. Rappelons que ces principes ont du
sens en tant que socle de notre existence.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 46 / 64 Décembre 2014
Le développement des soft skill
La chose la plus importante dans
la communication est d'entendre
ce qui n'a pas été dit. (Peter F.
Drucker)
Les soft skills sont définis en opposition avec les hard skills
(Jami Dixon; Cody Belnap; Chad Albrecht; Konrad Lee en
2010). Ces dernières sont des compétences techniques
comme la comptabilité, la physique ou la géographie. Les
compétences dites « douces » sont des savoirs et savoir-
faire au service du savoir-être. Dans notre environnement
professionnel, nous avons tous une fonction à honorer.
De par notre rôle (professionnelle), nous devons savoir
agir de telle ou telle manière. Les soft skills sont les
compétences (humaines et comportementales)
nécessaires à notre fonction. Comme nous l’avons vu
précédemment, il est attendu de l’entrepreneur d’être un
visionnaire, leader, motivé, capable de prendre des
risques. Nous avons étudié l’origine de l’entrepreneur
dans la première partie. Nous n’avons peut-être pas
suffisamment précisé que l’entrepreneur tel que décrit
est celui qui réussit. Pour devenir l’entrepreneur qui
réussit, l’individu doit savoir être un leader, un
communicant et un chef d’entreprise. Parmi les aptitudes
qui composent l’entrepreneur à succès, il en est une qui
peut être apprise : le leadership. Pour les autres,
notamment pour la vision, il s’agit plus d’une qualité
intellectuelle que d’une compétence. En la définissant
ainsi, nous la faisons sortir du champ des soft skills.
Les études sur les soft skills comme celle de Rowena
Crosbie (2005) apportent l’idée que les personnes en
position de leadership ont besoin des compétences
personnelles et interpersonnelles comme :
1. Le travail en équipe, collaboration
2. Les compétences de communication
3. La pro activité
4. La capacité de leadership
5. Le people development/coaching;
6. L’efficacité personnelle, maîtrise de soi
7. La planification, l’organisation
8. Les compétences de présentation.
L’entrepreneur a, entre autre, un rôle de leader dans son
organisation. Pour être capable de fédérer ses parties
prenantes et de faire converger leurs intérêts, il est
intéressant pour lui de développer les points vus ci-
dessus.
Les soft skills ne sont pas des connaissances qu’il suffit
d’apprendre. Il est nécessaire de les mettre en pratique.
Plus encore, selon Rowena Crosbie (2005), le seul
apprentissage de soft skills ne garantit pas le
changement de comportement. D’après elle, il est
nécessaire que l’environnement soit composé des
éléments suivants :
L’apport d’experts
Un environnement propice
Un support formel
Un support informel
L’opportunité d’utiliser ses nouvelles
compétences
Auto-apprentissage et auto-analyse
Des situations de stress
Des situations de célébration.
L’entrepreneur pourra trouver/créer l’environnement
décrit ci-dessus en faisant appel à un coach spécialisé ou
en intégrant un incubateur qui prône cette approche. Une
des composantes listée par Rowena Crosbie (2005) est
l’auto-analyse. Comme nous l’avons dit plus haut,
l’apprentissage de soft skills n’est pas une fin en soi. Il doit
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 47 / 64 Décembre 2014
conduire à un changement de comportement. Or, pour
cela, l’esprit du sujet doit être en capacité de répercuter
ces changements dans son comportement. L’auto-
analyse se rapproche de l’idée d’auto-introspection que
nous avons avancée dans la deuxième partie de l’étude.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 48 / 64 Décembre 2014
Libération de son esprit pour être en
capacité d’entreprendre
Le succès n'est pas ce que vous
avez, mais plutôt qui vous êtes. (Bo
Bennet)
D’un point de vue général, le développement personnel a
un objectif qui diffère en fonction des individus. Les gens
qui vont acheter des livres sur le sujet cherchent à
s’améliorer, à comprendre ce qu’ils ressentent, à vivre
autrement. Christophe André est un psychiatre qui a écrit
un grand nombre de livres célèbres sur le sujet. Il en est
un qui correspond à l’idée que nous voulons développer
ici : « Imparfait, libre et heureux ». C’est un livre qui nous
apprend à vivre sereinement avec nous-même et avec les
autres. Christophe André exprime ses idées en 4 grands
chantiers personnels :
1. Augmenter l’estime de soi
2. S’accepter tel que nous sommes
3. Vivre avec les autres
4. Agir pour valider les idées précédentes et les
inscrire dans des faits.
Ces quatre parties interviennent pour permettre à
l’individu de vivre sereinement. Précédemment, nous
avions vu que l’entrepreneur pouvait agir sur trois axes (le
manque de confiance en soi ; l’attachement au regard des
autres ; et l’incapacité à lâcher prise). Cela constitue des
pistes de réflexions plus précises, s’intégrant dans
l’estime et l’acceptation de soi. Le développement
personnel nous apporte des réponses que nous avons
reliées à chaque axe.
Se libérer du regard de l’autre sur soi
Le regard que portent les autres sur nous a un impact sur
notre propre vision, comme un miroir. D’après M. Lacroix
(2009), « la vision positive que j’ai de moi n’est, en
définitive, que l’ombre portée de la vision que les autres
ont sur moi ». Mais alors, que faire lorsque la vision de
nous-même est négative ? Particulièrement lorsque les
autres nous renvoient une même image négative. Deux
réactions contraires sont possibles. L’une est le rejet pur
et simple de l’autre. Dans cette réaction, l’agression
permanente est de mise. Le sujet se sentant menacé par
l’autre, se montrera, naturellement, plus menaçant
encore. Ce n’est qu’en confiance qu’il pourra baisser sa
garde. Cette posture n’est pas seulement liée au regard
des autres, mais est associée à la peur de souffrir dans les
relations. Pour avancer, il est nécessaire de cumuler un
travail sur la confiance en soi avec celle du regard de
l’autre. La seconde réaction est de vouloir plaire à tout
prix. Aucune des deux réactions n’apporte un équilibre
satisfaisant.
La clé pour se libérer du regard des autres est d’être à
l’écoute de son désir. Au quotidien, nous sommes
influencés par le regard des autres. Parfois ce sont eux qui
manifestent une opinion, parfois nous spéculons sur leur
réaction. Vivant en société, nous avons besoin de ce
regard. Néanmoins, il peut être emprisonnant s’il prend
trop d’importance dans notre prise de décision.
En nous inculquant la notion de devoir dans notre
enfance, nos parents ont créé une culpabilité dans la prise
de plaisir. Devenu adulte, le plaisir peut être perçu
comme immoral. Ne s’autorisant pas à avoir du plaisir,
nous nous laissons envahir par le désir des autres. Cela a
pour résultat de ne plus protéger notre espace et notre
temps. Nous disons oui à toutes les demandes,
considérant qu’en cas de refus, notre interlocuteur
ressentira la même frustration que nous. Si l’image qui
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 49 / 64 Décembre 2014
nous est renvoyée n’est pas à la hauteur de nos attentes,
nous pouvons nous sentir frustrer ou en colère. En étant à
l’écoute de notre propre désir, nous avons la capacité de
le faire entendre aux autres. Qui peut deviner ce que j’ai
dans la tête si je ne le laisse pas s’exprimer ? Autorisons-
nous à dire « non » aux autres et « oui » à nous-même.
Des entrepreneurs que nous avons interviewé ont, de
plusieurs façons, fait preuve de courage et ont dit « non »
pour préserver leurs désirs au cours de leur expérience.
Leurs entretiens ont montré qu’ils n’étaient pas sensibles
au regard des autres.
En écoutant nos propres désirs, nous nous détachons des
attentes des autres. Ainsi, leur regard n’a plus d’influence
sur nous. Ce détachement doit aussi être physique. En
effet, il est important de délimiter un espace dans lequel
on vit une solitude. Savoir vivre sa solitude permet d’avoir
des relations saines avec son entourage. Nous attendons
moins des gens et nous pouvons choisir qui nous entoure.
Lâcher prise
Lâcher prise commence par accepter de vivre notre vie à
partir de maintenant : « Le danger est de passer […] toute
sa vie à croire que le mieux est à venir. L’écolier, déjà,
effectue consciencieusement ses devoirs en attendant
avec impatience l’accès aux études supérieures ou à une
préparation plus concrète de sa vie d’adulte. L’étudiant
attend la fin de ses études pour avoir enfin un métier qui
lui apporte davantage d’indépendance et de
considération. Et lorsqu’il travaille, il n’a d’autres buts que
d’améliorer son niveau de vie pour consommer toujours
plus, et posséder encore davantage ! Jusqu’au moment
où, épuisé, il aspire enfin à un temps de repos… qu’il
n’obtient qu’à la retraite. Et il pense alors avec nostalgie à
ce qu’il n’a pas pris le temps de vivre. » Ces réactions
témoignent d’une politique de l’autruche. Bien que cela
puisse être effrayant, nous devons être aux commandes
de notre existence.
Par ailleurs, la sensation d’exister est liée aux rôles que
nous tenons. Pour cela, ces rôles doivent être reconnus
par les autres. Chacun a son cercle de responsabilité,
d’influence. Cette zone peut nous être attribuée par
d’autres dans le cadre professionnel ou familial.
Lorsqu’une personne s’insinue dans notre zone de
contrôle, nous pouvons ressentir la sensation de ne plus
avoir d’importance, de ne pas exister. C’est ce qui arrive à
notre entrepreneur qui ressent une perte de contrôle ou
qui voit un partenaire prendre le crédit de son travail. Il lui
semble que si son talent n’est pas reconnu, il n’existe pas.
Ne pas prêter attention à ça et donner sa confiance en
son partenaire permettrait à cet individu de libérer sa
pensée et lui donnerait l’opportunité d’allouer son
énergie à faire ce qu’il aime.
De même, en essayant d’exercer un contrôle sur notre
corps et notre esprit, nous ne pouvons pas arriver à nos
fins. En effet, en agissant ainsi, nous n’utilisons pas nos
mécanismes naturels et il en résulte un fiasco. Alors qu’en
étant plus à l’écoute de nos sensations, nous ne nous
mettons pas en danger. Prendre conscience de ses
faiblesses et les accepter comme telles ne nous rend pas
plus vulnérable, au contraire. En libérant notre pensée,
nous nous mettons en capacité d’être créatif, nous
n’appliquons plus d’autocensure, nous ne réfrénons plus
nos désirs.
Augmenter son auto-confiance
Cette partie concerne essentiellement les entrepreneurs
qui sont à l’état de projet d’une création ou d’une reprise.
Le manque de confiance se manifeste par la recherche
d’une image positive dans le regard des autres, ou en de
l’autocensure. La confiance en soi est développée
pendant l’enfance. Elle est directement liée à l’éducation
que nous avons reçue. Par exemple, l’utilisation du
« trop » nous induisant que nous ne le méritons pas.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 50 / 64 Décembre 2014
Laissez tomber le « trop envie » pour le « très envie ».
Puis, faites éclater les enjeux que vous rattachez à la
chose. Pour celui qui a confiance en lui, tout ce qu’il
entreprend est vécu comme un jeu et non un enjeu. Il n’y
a pas gravité dans l’échec étant donné qu’il n’y a pas de
peur. Il n’est pas dans le trop et même son désir est
mesuré. La réalisation de l’objectif sera vécue au présent
et les moments passés seront vécus le plus agréablement
possible. De plus, la confiance en soi permet de libérer
tout son potentiel (M. Lacroix, 2009). Sans elle, nous
n’agissons pas, nous n’étonnons pas. Se réaliser en tant
qu’être humain passe par l’auto confiance, que nous
soyons entrepreneur ou non.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 51 / 64 Décembre 2014
Troisième conclusion : Le développement personnel du porteur en trois étapes
A la fin de la partie précédente, nous avions énoncé trois pistes devant permettre à l’entrepreneur de faire face à son côté
obscur. L’idée développée dans cette troisième partie est que le développement personnel de l’entrepreneur est une
réponse adaptée aux enjeux humains auxquels il fait face. La solution envisagée se divise en trois étapes :
Avoir de bonnes habitudes de vie pour entamer un changement positif ;
Développer ses soft skills de leader ;
Libérer son esprit pour ne pas basculer du côté obscur.
Les incubateurs et le coaching sont des solutions tout à fait adaptées du moment qu’elles intègrent l’aspect débriefing
(comprendre par l’auto-analyse ce qui a réussi/échoué et pourquoi il en a été ainsi) autant que les techniques
comportementales.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 52 / 64 Décembre 2014
> Partie IV :
Enseignements et
préconisations
Vous devez soit modifier vos rêves
ou améliorer vos compétences.
(Jim Rohn)
Enseignements
Dans cette étude nous avons énoncé beaucoup de choses
sur l’entrepreneur. Il s’agit d’un individu complexe et
intéressant qui est pourvu d’énormes capacités ce qui lui
confère un rôle important dans notre société. Ses
compétences lui offre la place d’acteur central de notre
économie. Il est une ressource nécessaire à la croissance
économique, fondement de nos sociétés. Nous avons
donc besoin d’entrepreneurs performants pour créer de
l’innovation, des emplois et de la richesse.
Dans cette étude, nous avons cherché à comprendre de
quoi était fait un entrepreneur. Nous avons passé en
revue sa personnalité Depuis son origine jusqu’à son
accomplissement professionnel, l’entrepreneur est un
individu qui a baigné dans un jus spécial :
Il est capable de faire preuve de confiance en lui.
C’est l’enfant qui courrait vers ses parents en
criant « regardez ce que je sais faire », puis il
s’éloignait un peu pour que tout le monde puisse
le voir et faisait la démonstration de sa dernière
trouvaille. Alors son public l’encourageait à aller
plus loin encore. Adulte, il a gardé ce besoin de
montrer aux autres qu’il sait faire de
merveilleuses choses. Il est attaché au regard
des autres comme une drogue.
Il a son idée des choses et aura du mal à se laisser
aller différemment. C’est l’enfant qui n’aura
aucun mal à prêter ses jeux à condition que
l’utilisation soit comme il l’a pensée. Malheur à
celui ou à celle qui en décidera autrement. Il lui
arrachera l’objet en lui disant, « c’est pas comme
ça qu’on doit faire ».
Il aime participer, être actif. C’est l’enfant qui
sera capable de rester longtemps assis avec les
adultes à essayer de converser comme eux, avec
eux. Il voudra comprendre les exemples qu’il
entend et les projeter dans sa propre réalité. Il
sera entouré de personnes touchées par ce petit
homme (ou par cette petite femme) de caractère
qui le (la) feront participer.
C’est ce jus qui au fil du temps a conditionné l’enfant
devenu grand à devenir un homme (une femme)
d’actions. Mais à ce moment, il ne sera pas encore un
entrepreneur. Il en aura les capacités, néanmoins, il ne se
sera pas encore projeté dans ce projet professionnel.
Pour cela, il aura besoin de modèles de rôle qui lui
adresseront un message positif. Au contact de ces
personnes d’influence, l’individu commencera à se
projeter dans une existence en tant qu’entrepreneur.
Pour le moment, il n’en est toujours pas un. Le passage à
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 53 / 64 Décembre 2014
l’acte peut arriver plusieurs années après que l’idée
d’entreprendre lui ait traversé l’esprit.
Entre temps, il fera ou finira ses études supérieures.
Pendant ces années, il s’expérimentera dans des projets
associatifs ou dans des stages dans lesquels il pourra agir.
Si ce n’est pas le cas, il ressentira une frustration sur
laquelle il ne saura mettre de nom. Une fois ses études
terminées, il connaîtra la recherche d’un emploi. Cette
phase peut être mal vécu par certain. Même s’il n’est pas
un entrepreneur réalisé, l’individu aura des difficultés à se
motiver. Il ne saura pas quoi choisir et trouveras un travail
en fonction des opportunités qui se présenteront à lui.
L’entrepreneur ne passera pas par les campagnes
(globales) de recrutement organisées par les grandes
entreprises.
Pendant cette première expérience, il fera tout à fond.
Cette dynamique qu’il mettra au service de son entreprise
ne pourra pas lui être rendue comme il le voudrait. Le
manque de reconnaissance, un salaire trop faible en
comparaison à ses aspirations, le cadre étouffant (pour
lui) d’une société déjà créée, sont quelques exemples des
raisons pour lesquelles il quittera l’entreprise pour devenir
entrepreneur.
Peu importe ce qui se passera par la suite. L’individu
connaitra les avantages de l’entrepreneuriat et ne pourra
plus lui faire d’infidélité. Cette petite histoire est une
bonne illustration de l’entrepreneur tel que nous l’avons
découvert au travers de cette étude. Depuis son plus
jeune âge jusqu’à sa première création, l’entrepreneur
aura suivi un chemin ponctué par l’action. Petit, son
éducation l’aura conduite à faire et à être récompensé
pour avoir fait. Plus grand, il fera des rencontres qui
seront un déclic. Il sera motivé à mener des projets, à bien
gagner sa vie et à recréer le regard bienveillant de ses
parents dans les yeux des personnes qui l’entourent.
Comme l’enfant décrit, l’entrepreneur est doté d’un côté
obscur qui peut l’amener à tout perdre. Cet aspect de lui
est l’extrême de son génie : le besoin qu’il a de tout
contrôler pour que la réalisation soit en totale conformité
avec sa vision, la méfiance qu’il aura envers les acteurs
indépendants de son contrôle et qui pourraient agir
contre lui et ce besoin de reconnaissance qui ira jusqu’à la
perversion. Ce sont ses mauvais côtés que nous avons
souhaité approfondir dans cette étude.
La raison principale de cette volonté d’aider
l’entrepreneur à se séparer de ses douleurs est liée à sa
responsabilité. En tant qu’acteur majeur et central de
notre société, l’entrepreneur a une responsabilité
économique et sociale importante. Il lui est impossible de
se laisser contrôler par ses douleurs. Par cette étude,
nous lui proposons de reprendre le contrôle et de devenir
un génie positif, nous lui proposons de sortir du blizzard
qui l’entoure. Son état mental doit lui permettre de :
s’entourer de compétences ;
créer un climat de confiance dans son
environnement ;
représenter les intérêts de sa société et de ses
parties prenantes ;
mener son entreprise comme le véritable leader
qu’il est.
La réponse que nous préconisons pour faire face à ces
enjeux passe par le développement personnel de
l’entrepreneur à travers 3 axes :
1. Les habitudes de vie ;
2. Le développement de ses soft skills de leader ;
3. L’utilisation des résultats des deux premiers axes
pour apprendre sur soi et libérer son esprit de ses
blocages.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 54 / 64 Décembre 2014
Préconisations
Pour commencer, nous recommandons de suivre de
bonnes habitudes de vie comme celles énoncées par
Covey (Les 7 habitudes de ceux qui réussissent tout ce
qu’ils entreprennent) ou par Ruiz (Les Quatre Accords
Toltèques). Ces deux exemples sont reconnus par leurs
lecteurs, ils présentent une vision du quotidien saine et
positive. A chacun de trouver l’auteur qui saura lui
transmettre ces valeurs, qu’il soit l’ancien coach de Bill
Gates ou un Chaman Mexicain.
Ensuite, nous préconisons à l’entrepreneur de développer
ses soft skills de leader. Nous avons vu que cela intègre la
capacité à travailler en équipe, à communiquer de
manière performante, à fédérer, à manager, à
accompagner et à se maîtriser. Le développement de ces
compétences doit mener à un changement
comportemental positif. Cela n’est possible que dans un
environnement propice à l’apprentissage dans lequel
l’entrepreneur va côtoyer des experts, sera mis en
situation de stress, aura l’opportunité de mettre en
pratique ce qu’il aura appris dans des supports formels et
informels et dans lequel ses succès seront célébrés.
L’environnement d’un incubateur avec la présence de
coach est un endroit propice pour un jeune entrepreneur.
En sa qualité d’humain, l’entrepreneur est soumis à des
douleurs mentales qui vont affecter sa perception de la
réalité et donc son quotidien. Pour s’en défaire, il est
nécessaire de faire un voyage à la fois intellectuel et
sentimental. Le premier pas est la prise en compte de ses
désirs. Nos désirs sont le reflet de ce que nous sommes à
l’intérieur. Comprendre qui nous sommes, commence par
ce que nous désirons. L’intérêt est de se défaire des désirs
imposés par la société et par notre environnement. En
faisant ce travail, nous devenons capables de différencier
ce que nous avons été conditionnés à aimer de ce que
nous voulons réellement.
Le deuxième pas est l’exploration de nos origines. Il est
vrai que personne ne choisit où il nait. Comprendre ses
origines et ne plus les rejeter permet de s’accepter en
tant qu’individu. Nous avons le choix de suivre un chemin
différent de celui de nos parents, de nos aïeux. Pour y
arriver en paix, il est important d’accepter ce que sont nos
parents et les valeurs qu’ils nous ont transmises.
Le troisième pas passe par la compréhension de nos
filtres. C’est une étape difficile et importante. Difficile
parce qu’elle remet en question la réalité que nous
percevons, comme si nous étions le personnage de Néo
qui un jour comprend qu’il a toujours vécu dans une
réalité virtuelle. Le film des frères Wachowski, Matrix,
représente bien l’idée de filtres, bien que le sujet principal
soit assez loin du notre. Importante parce que c’est à
cette instant que nous pouvons consciemment refuser de
souffrir. Non pas en refusant de ressentir la douleur, ce
qui est un mauvais réflexe, il vaut mieux accepter la
douleur pour être capable de s’en défaire un jour. Refuser
de souffrir veut dire refuser de percevoir la réalité de
manière douloureuse. Pour y parvenir, il est conseillé de
détourner notre propre attention de l’origine perçue de la
douleur (origine extérieure). Par exemple en écrivant ce
que nous ressentons. Puis, il est recommandé d’analyser
cette douleur en restant factuel. L’objectif est de séparer
la douleur de l’origine extérieure perçue pour mettre le
doigt sur une zone sensible à l’intérieure. Plus la zone est
enfouie, plus il faudra du temps pour réellement
comprendre ce qui la caractérise. En restant attaché aux
faits et non à leur interprétation, nous nous offrons une
vision différente de celle de nos filtres négatifs. Une fois
encore, pour ce type de démarche, si la tâche est trop
ardue, nous recommandons le recours à un spécialiste. Il
est important de mesurer nos limites. Certaines douleurs
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 55 / 64 Décembre 2014
sont si profondément enfouies en nous, que nous
sommes incapables de les accepter seul.
Comme nous l’avons vu précédemment, l’entrepreneur,
pour se défaire de ses mauvais côtés, pourra agir sur 3
axes :
Se détacher du regard des autres ;
Lâcher prise sur ce qui n’est pas vital ;
Augmenter la confiance qu’il a en lui en toute
sérénité.
A travers cette étude, nous avons isolé des tendances
communes à un grand nombre d’entrepreneurs. Les axes
énoncés ci-dessus sont des pistes que chacun peut
explorer. Au cours de notre vie, nous nous blessons.
Notre esprit plus que notre corps enregistre chaque
souffrance. Apprendre à vivre sereinement n’est pas inné.
Cela demande une certaine sagesse, un certain recul. En
ce sens, nous avons tous à apprendre de nous. Sortir du
blizzard comme le dit Fauve « est une quête et la
narration de cette quête ». Cette thèse professionnelle
est à la fois une fin et un moyen pour moi d’atteindre un
but. Tandis que j’arrive à la fin de cette étude, je ressens
la satisfaction de la tâche accomplie. Je suis sorti du
blizzard et j’aperçois un nouveau monde qui jusqu’à
présent m’était inconnu. C’est là toute la beauté de ce
voyage intellectuel et psychologique. Pourtant, je
n’estime pas être arrivé. Au-delà du blizzard, notre esprit
s’est élevé, il s’est inscrit dans un processus nommé « up »
en anglais. En ce sens, il n’y a pas de point d’arrivée. Le
seul niveau d’élévation de l’esprit qui puisse être
considéré comme « le plus haut » est l’ascension
métaphysique de la pensée. Cet état représente, à mes
yeux, l’infini. Il s’agit là d’un tout autre sujet, bien plus
philosophique. Le message que je vous adresse est celui-
ci : soyez bienveillant, vivez à l’écoute de vos désirs
présents et réalisez vos rêves.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 56 / 64 Décembre 2014
> Ouverture
La logique vous mènera de A à B.
L'imagination vous mènera
partout. (Albert Einstein)
Le parcours de l’entrepreneur étant ponctué d’échecs, je
vous propose une méthode d’introspection inscrite dans
la démarche entrepreneuriale d’un projet. J’ai eu l’idée de
cette méthode alors que j’explorais le champ des
possibles de cette étude. La question « et après ? »
tournait dans ma tête. Que faire de cette étude après ? La
réponse est simple : aider l’entrepreneur. Je suis
conscient de la limite d’une thèse professionnelle pour
changer le monde. Bien que depuis le début de cette
lecture, je vous invite à perfectionner votre esprit autant
que votre technique, je suis conscient des limites de
l’exercice. C’est pourquoi en ouverture je vous expose le
balbutiement de ce que j’ai humblement appelé : Lean
Yourself ! C’est mon « just do it ! ». Vas-y, fais-le, rends-
toi performant !
La singularité de l’entrepreneur, ce qu’il vit au quotidien,
nécessite une méthode spécialement créée pour lui.
L’entrepreneur n’ira pas consulter un spécialiste à moins
qu’il ne puisse plus faire autrement. Il attendra d’être
dans un état extrême pour enfin décider de regarder à
l’intérieur de lui. Il se persuadera qu’il n’a pas le temps,
qu’il a mieux à faire ou pire qu’il va très bien. Ce que je
m’apprête à présenter doit servir à l’entrepreneur pour se
détacher de ses petites douleurs. L’idée est de mieux
vivre son quotidien, de sortir du blizzard. Gardez à l’esprit
l’aspect expérimental de cette méthode. Son efficacité
n’est pas encore prouvée. Il s’agit d’une piste que
j’étudierai plus en profondeur dans une prochaine étude.
La douleur que ressent un individu est personnelle. Le
déclencheur est souvent extérieur : « il m’a blessé
moralement ». Pourtant, l’origine de cette blessure est
intérieure. La douleur est ressentie si et seulement si elle
est permise par celui/celle qui l’a ressent. Une agression
(mentale) extérieure, quelle qu’elle soit, ne fait pas mal si
elle ne trouve pas de résonnance à l’intérieur. Dans la
plupart des cas, elle n’est même pas perçue comme une
agression. L’individu bienveillant y verra seulement une
détresse de son interlocuteur. Sa perception sera
totalement différente. L’objectif de cette méthode est de
comprendre ses faiblesses pour donner de moins en
moins de place à la douleur. Et ce, jusqu’à être capable
d’être en position de bienveillance en toute circonstance.
Pour expliquer cette méthode, j’ai choisi de l’illustrer par
un exemple. Il s’agit d’un mélange de plusieurs faits que
j’utilise dans une démarche de présentation.
Les inputs personnels :
Nous avons tous un passé, un certain degré de
connaissance de soi. Nous devons donc démarrer avec les
outils dont nous disposons, ce que nous appellerons les
inputs personnels. Ils seront une base de compréhension
de nos mécanismes de pensée. En effet, la réflexion
empirique est accessible à tous. En matière de
connaissance de soi, nous aurons besoin de nos
souvenirs, des plaisirs et des douleurs passées pour
comprendre le présent.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 57 / 64 Décembre 2014
[Début de l’exemple]
La douleur :
L’utilisation de la méthode débute avec une douleur. Un
jour, je discute avec un ami de mon projet de création
d’entreprise et il me dit « bah, t’es certain que ça n’existe
pas déjà ». Je ressens une piqure à l’intérieur. J’ai envie
d’entendre « ah ouais, c’est génial ! » et pas « bah c’est
nul ton truc ». Parce que c’est exactement ça que
j’entends à ce moment-là. Pourtant, ce n’est pas ce que
mon ami m’a dit. Malgré tout, cette pensée ne sort pas de
ma tête : « ce n’est peut-être pas l’ami que je croyais » ou
« et mince ! Mon projet est nul » plus encore « s’il n’aime
pas mon projet, c’est qu’il n’est pas digne de moi ». Ces
pensées me rongent, et pourtant, je ne sais pas comment
les combattre.
L’introspection :
Ainsi, nous avons pu identifier la douleur. Avant
l’introspection, prenons le problème par le bon bout.
Nous n’allons pas combattre la douleur. Nous allons la
comprendre puis accepter la fragilité qui lui laisse de la
place dans notre vie. Dans l’exemple que nous avons pris,
mon ami m’a blessé. Pourtant, je ne vais pas le
considérer comme coupable.
Les phases suivantes sont des réflexes à avoir dans ce
type de situation.
Phase 1 : mettre des mots sur ma douleur
Cette première phase est simple mais très importante. Il
s’agit d’écrire dans un carnet, sur son téléphone (peu
importe le support), mon ressenti brut. Je ne mets pas les
formes, je ne cherche pas le sens. J’inscris ma peine telle
que je la ressens. Cet exercice permet de mettre des mots
sur sa douleur. En faisant cela, j’arrive à me détendre, je
reprends le dessus. De plus, cela me permet de capitaliser
sur cette expérience en créant un nouvel input personnel,
avec un avantage non négligeable, il est écrit. Il me sera
donc facile de revenir dessus.
Phase 2 : atténuer ma douleur
Pour atténuer la douleur, il est important de couper le lien
émotionnel qu’elle entretien. Dans un premier temps, je
vous propose de vous poser la question suivante : « quels
sont les faits ? ». Mon ami a écouté ce que je lui ai
présenté puis m’a posé une question. Il m’a demandé si ce
que je voulais faire n’existait pas déjà. En bref, il a
challengé mon projet pour savoir si j’étais innovant, si il y
avait déjà une offre sur le marché ou si j’apportais une
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 58 / 64 Décembre 2014
valeur ajoutée à l’existant. Pourtant, il l’a dit d’une
manière qui ne m’a pas plu. Plus encore, cela m’a donné
l’impression de ne plus être aimé. Je détecte ici un fort
lien émotionnel avec mon projet. Il est donc naturel que
je prenne contre moi ce qui est dit sur mon projet.
Dans un second temps, je vous propose d’accepter qu’il
puisse y avoir d’autres possibilités de perception. En
effet, mon ami n’a peut-être pas bien compris ce que je
lui ai présenté. Il sera intéressant de travailler sur cette
présentation pour couvrir la question de la valeur ajoutée
apportée par rapport à l’offre existante. Ceci est une
autre perception possible de cette situation. Ainsi, en
restant factuel, je ne souffre pas et plus encore, je
perfectionne une technique. Après cet exercice, si
l’émotion est toujours présente, revenir à la phase 1 et
inscrire les nouvelles sensations qui sont en nous.
A noter que dans l’accomplissement de ces deux
premières phases, il est important d’être très bienveillant
avec soi-même. Nous sommes dans l’émotion, nous
avons mal. Il ne sera pas constructif d’essayer de se
stimuler en s’insultant par exemple. Personnellement,
dans cette situation, je me visualise l’enfant qui pleure en
moi et je le prends dans mes bras en le rassurant. Je lui dis
que je l’aime et qu’il est en sécurité. C’est ma façon de
parler à ma douleur. A vous de trouver la vôtre. Mais
rappelez-vous d’être doux.
Phase 3 : compréhension de ma douleur
A ce moment-là, je peux relire ce que j’ai écrit, si et
seulement si j’en ai envie. Cette relecture ne doit pas
nous conduire à nous refaire du mal. Une fois encore, elle
doit être faite en toute bienveillance. En se relisant, il sera
facile de se dire « qu’est-ce que je suis idiot d’en faire tout
un truc ». Parfois, une fois sorti de l’émotion, nous
occultons à quel point nous avons souffert. La relecture
de ces mots doit vous permettre de vous souvenir qu’il y a
un point important pour vous à traiter.
Ainsi, une fois sorti de l’émotion, je vais être capable de
comprendre ce qui m’est arrivé. Je vais choisir une
explication simple, comme par exemple : j’aime mon ami
et j’ai envie qu’il m’aime. Je peux donc arriver à
comprendre que mon ami n’a pas remis en question ses
sentiments envers moi. Mais qu’en remettant en question
un aspect de mon projet il m’a donné le sentiment
d’abandon. J’ai fait l’amalgame entre mes actes et mon
être. Pourtant, bien que je mette beaucoup d’énergie
dans mon projet, ce n’est qu’un projet, ce n’est pas ce que
je suis. Et même si les personnes qui m’entourent ne
voient pas l’intérêt de ce projet, il n’y a aucun rapport
avec ma personne.
Avec cette simple analyse, nous arrivons à quelque chose
d’intéressant. Comme la pensée latérale (Edward de
Bono, 1967) est très puissante en matière d’innovation,
elle va nous être utile. J’ai souffert parce que je veux être
aimé à travers mon projet. A présent je dois tenter
d’expliquer la cause intérieure et passée. Je me souviens
que mon analyse peut être biaisée par un filtre négatif. Je
ne vais donc pas considérer mon analyse comme la vérité
mais comme une hypothèse qu’il faudra vérifier. Pour
éviter de s’engouffrer dans une analyse trop évidente,
nous allons tenter de changer de position mentale
(pensée latérale). L’utilisation de cette technique permet
de stimuler la créativité. Par exemple, je peux inverser
l’objet du problème. Je vais expliquer pourquoi je souffre
lorsque mes proches aiment mon projet. Ainsi, je me
projette à travers une douleur qui m’est inconnue et avec
laquelle je n’ai aucun lien émotionnel.
Ce qui pourrait expliquer que je n’aime pas quand mes
proches trouvent mon projet génial est qu’en faisant cela,
ils ne m’aident pas. Je veux être stimulé par leurs
questions. A ce moment-là, leur amour ne m’intéresse
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 59 / 64 Décembre 2014
pas, je veux être le meilleur aux yeux de tous et pas pour
eux seuls.
Cette analyse est personnelle. Bien que l’origine de cette
analyse soit extérieure, l’explication que j’en fais vient de
l’intérieur. Le fait que je considère que la douleur inverse
puisse être due à un besoin d’amour du plus grand
nombre, peut m’aider à comprendre le lien tant
recherché. Et le regard des autres était tellement cher à
mes yeux que le fait que mon ami ne me renvoie pas cet
amour m’est insupportable. En agissant ainsi, je manque
de confiance en moi. Je recherche cette confiance chez
les autres, particulièrement ceux que j’aime et qui ont pu,
dans le passé, me renvoyer une image agréable de moi-
même. Une image que je suis incapable de projeter dans
mon esprit sans l’aide des autres. Je vais pouvoir creuser
sur le manque de confiance en moi et sur l’importance du
regard des autres sur ma capacité à m’aimer. C’est à ce
moment-là, que les inputs personnels me sont utiles. Je
vais essayer de chercher au fond de moi des souvenirs de
cette même douleur. Petit à petit, j’en comprendrai la
source. Par ailleurs, je me souviens que l’éducation est
intimement liée à l’idée que je me fais de moi. J’irai
chercher dans ce sens.
L’analyse n’est pas terminée. Pourtant, je ne peux pas
m’attarder sur l’exercice plus longtemps. D’une part, ce
n’est pas ce que je recherche dans cette méthode.
D’autre part, je prends le risque de manquer d’inputs
personnels pertinents pour être dans le factuel et non
dans l’idée, dans l’interprétation de souvenir.
L’action :
Je tiens quelque chose d’intéressant. Je manque de
confiance en moi et je recherche cette confiance dans le
regard des autres. Le manque de confiance est un point
complexe à faire évoluer. Il se caractérise le plus souvent
par : « je ne suis pas capable de le faire » ou « je n’y
arriverai pas seul ». Etant donné que dans mon exemple,
il y a un lien avec l’autre, je vais considérer que je pense
ne pas être capable d’accomplir un projet sans l’aide de
personnes extérieures. C’est là que je vais agir. Je vais me
donner un projet simple à accomplir, mais quelque chose
qui n’est pas dans mes habitudes. Je peux prendre
quelque chose que je n’ai pas envie de faire et que je peux
normalement faire seul. Je ne dirai rien à mes proches et
je vais le faire. Par exemple, je n’aime pas faire du sport
seul. Il m’est impossible (ou pas évident) de me motiver,
de me lancer. Pourtant, je sais que j’aime énormément
donner de l’effort physique. A chaque fois, je vais
attendre qu’un proche vienne me proposer quelque
chose. Ce sera mon action. N’aimant pas partir courir et
considérant que je n’ai pas assez de souffle pour le faire
longtemps, je vais me mettre à la course à pied. Pour y
parvenir, je vais formuler un objectif simple, précis,
quantifiable et temporel. De plus, l’objectif sera écrit au
présent. Un point très important à retenir est qu’il est
permis d’échouer. Cet objectif est une manière de se
mettre en danger sans prendre un risque trop important.
L’essentiel est le vécu, pas le résultat. Autorisez-vous à
échouer.
Mon objectif : Je cours seul une fois par semaine 30
minutes pendant deux mois.
Moyens alloués à la réalisation : une tenue de sport,
mon smartphone pour mesurer le temps et la distance
parcourue et des écouteurs pour écouter de la musique.
Ceci est un exemple que j’ai fait il y a quelque trois ans.
N’aimant pas courir, une fois l’objectif atteint, j’ai vite
stoppé cette activité. Néanmoins, j’avais atteint mon
objectif. J’ai réussi à faire quelque chose seul que je
n’aurais pas pensé possible sans l’aide d’un ami. J’exagère
un peu pour accentuer la compréhension, mais ne
considérez pas les choses simples comme futiles. Une
personne peut voir une montagne à gravir en face d’elle
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 60 / 64 Décembre 2014
alors qu’il s’agit seulement d’une route sur laquelle courir.
Cette action est simple à accomplir parce qu’elle est
détachée des enjeux auxquels j’ai rattaché mon projet.
Maintenant, je dois garder en tête que je suis capable de
me lancer dans un projet sans l’approbation des autres.
Ainsi, je comprends que ma motivation à parler de projet
était de me rassurer sur le chemin qu’il va me faire
emprunter. Etant capable de me lancer dans
l’entrepreneuriat sans soutien particulier, mon objectif de
présentation change. Je ne cherche plus à convaincre que
mon projet est le meilleur et que donc je suis le meilleur.
Une nouvelle motivation de présentation de mon projet
peut être de le faire avancer, d’être questionné pour
m’aider à savoir si je peux répondre à toutes les
questions, vérifier qu’il n’existe pas de zone d’ombre.
J’ai un autre exemple à vous soumettre. Un exemple où
les choses se sont compliquées. Pour me prouver que je
suis quelqu’un de créatif, je suis devenu graphiste
indépendant. J’ai réussi à vendre mes services à un jeune
entrepreneur. Tous deux manquons d’expériences dans
nos rôles respectifs et notre collaboration a été un échec.
J’ai mal vécu cette expérience. Dans le processus que j’ai
représenté graphiquement ci-dessus, au moment de faire
le bilan de l’action (débriefing) j’ai conclu par un échec.
Par l’échec de ma créativité. J’ai aimé travailler sur ce
point. Mais une douleur sous une nouvelle forme s’est
présentée à moi. Le processus qui se veut itératif, s’est
réenclenché et je suis revenu à la première étape
d’identification de la douleur.
Le débriefing :
Cette étape est très importante. Elle ne doit pas servir à
juger le résultat de l’action, mais plutôt à faire un point
sur le vécu de l’action accompli, le vécu de la réussite ou
de l’échec. Je me rappelle que je me suis autorisé à
échouer, ce qui m’a permis de détacher l’enjeu entre
l’action et la réussite de l’action. Comprenez qu’un enjeu
de réussite peut bloquer le passage à l’action ou biaiser
l’expérience par une pression inutile orientée résultat.
Le débriefing doit être écrit. Comme précédemment, je
vais expliquer ce que j’ai ressenti de positif et de négatif à
travers les quatre questions suivantes :
Qu’est-ce qui s’est bien passé ?
Qu’est-ce qui s’est passé d’autre ?
Qu’est-ce que je capitalise pour la suite ?
Et après ? Ai-je quelque chose de nouveau à
creuser ?
Pour le débriefing, je reste bienveillant et factuel.
Si je ressens le besoin d’analyser quelque chose que j’ai
vécu difficilement, je repars sur un nouveau processus de
lean myself. Si j’ai tout très bien vécu, je fais en sorte de
conserver ces sentiments positifs en moi, pour le jour où
je manquerai de confiance.
[Fin de l’exemple]
L’entrepreneur est au centre de mon attention. Comme
je l’ai expliqué tout au long de cette étude, il a une
responsabilité économique et sociale à laquelle il ne peut
déroger. C’est pourquoi je me suis concentré sur lui et sur
ses maux. L’entrepreneur étant humain, cette étude ne
concerne pas seulement les créateurs d’entreprise. Elle
met en évidence certain aspect de l’esprit humain qui
concerne bien plus que l’entrepreneur. Le message que je
souhaite vous adresser est le suivant : qui que vous soyez,
prenez soin de vous. Que vous soyez un cadre dans une
grande entreprise ou encore ouvrier dans une usine,
artisan ou écrivain vous travaillez et vivez dans une
société. Ne plus subir le contact des autres, apprendre de
soi et se donner les moyens de se dépasser sans se
blesser est un besoin universel.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 61 / 64 Décembre 2014
> Conclusion
Cette étude nous a permis de comprendre la composition de l’entrepreneur. C’est un humain qui a baigné dans
un jus spécial. Il a grandi dans une famille qui l’a poussé à faire, à essayer et à apprendre de ses erreurs. Ses
études ont, elles aussi, été ponctuées d’actions (vie associative, organisation d’évènements, …). Son esprit est
ouvert et il lui offre une multitude de possibilités. Ce champ des possibles lui donne à la fois la capacité et à la
fois l’envie de percevoir les problèmes en opportunités. Sa vision lui offre un chemin à suivre pour apporter
cette solution au monde. A la fois un génie et un ennemi, ce pouvoir lui apportera un sentiment de puissance.
L’entrepreneur qui n’est pas suffisamment équilibré peut basculer dans de sombres comportements. Il est un
humain à qui on a confié un pouvoir infini. Dans la pop culture, les super héros doivent se montrer dignes de
leurs pouvoirs ou le mal s’éprend d’eux. Il en est de même pour l’entrepreneur. Il ne peut pas voler et n’a pas
une force surhumaine. Par contre, il crée des emplois, de la richesse. Il apporte des solutions aux maux de la
société. Il veut changer ce monde, être reconnu comme tel et devenir riche. Ce n’est pas une vie stable qui
l’attend. Plus que n’importe qui, il doit donc être en mesure de supporter énormément de pression, de subir
des attaques et d’essuyer des échecs. Il est un dicton qui dit « reste proche de tes amis et plus proche encore
de tes ennemis ». L’entrepreneur est son pire ennemi. Suivant ce dicton, il doit rester très proche de lui-même.
Cela passe par une connaissance de lui, de ses désirs et de ses faiblesses. L’entrepreneur doit apprendre à se
libérer du regard des autres, à lâcher prise et accepter de ne pas pouvoir tout contrôler. Enfin, il doit avoir
confiance en lui et en ses capacités, mais sans se croire infaillible. Le développement personnel est un
domaine qui peut apporter des solutions à l’entrepreneur. Tous les axes cités ci-dessus sont abordés par le
développement personnel. Cependant, à un être singulier, une solution adaptée. C’est pourquoi, je vous ai
proposé une piste de méthode de développement personnel tournée vers ce qu’est l’entrepreneur, un
homme/une femme d’action.
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 62 / 64 Décembre 2014
> Bibliographie
Ouvrages
André, Christophe (2009) Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi. Paris : Odile Jacob.
470 pages. (Poche)
Ben Saïd, Catherine (1992) Aime toi, la vie t’aimera. Comprendre sa douleur pour entendre son désir.
Paris : Editions Robert Laffont. 215 pages. (Réponses)
Covey, Stephen R. (2005) Les 7 habitudes de ceux qui réalisent tout ce qu’ils entreprennent. Paris :
First. 342 pages.
Delay, Jean. Pichot, Pierre (1967) Psychologie. 3ème édition. Paris : Masson. 478 pages (Abrégés)
Graner, Maridjo (2011) Mieux comprendre nos comportements. Regards sur nos raisons et déraisons
d’agir. Lyon : Chronique sociale. 238 pages.
Hamel, Gary (2012) Ce qui compte vraiment. Les 5 défis pour l’entreprise : Valeurs – Innovation –
Adaptabilité – Passion – Idéologie. Paris : Eyrolles. 311 pages.
Lacroix, Michel (2009) Se réaliser. Petites philosophie de l’épanouissement personnel. Paris : Robert
Laffont. 186 pages. (Marabout psy)
Millêtre, Béatrice (2010) Le livre des bonnes questions à se poser pour avancer dans la vie. Paris : Payot
et Rivages. 191 pages.
Ruiz, Don Miguel (2005) Les quatres accords Toltèques. La voie de la liberté personnelle. Saint Julien
en Genevois : Jouvence. 128 pages. (Poches jouvence)
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 63 / 64 Décembre 2014
Site web
L’équipe Dynamique entrepreneuriale. Les traits de caractère de l’entrepreneur à succès. Dynamique
– Mag.com, [En ligne]. http://www.dynamique-mag.com/article/traits-caractere-entrepreneur-
succes.4233
Sereno, Alex. Top 10: Les traits de personnalité de l’entrepreneur. Alexsereno.com, [En ligne].
http://alexsereno.com/blogue-cafe-affaires/top-10-les-traits-de-personnalite-de-entrepreneur-
conference-entrepreneuriat-drummondville/
Zwilling, Martin. Les traits de personnalité d’un entrepreneur gagnant. Idgotomarket.com, [En ligne].
http://www.idgotomarket.com/2010/04/les-traits-de-personnalite-dun-entrepreneur-gagnant/
Vidéo
Fauve. (28 avril 2013). Blizzard (version longue) [Vidéo en ligne].
https://www.youtube.com/watch?v=HMpmedi_pH4
Etude
Fourquet, Philippe. (2011) Inné ou acquis ? L’ADN de l’entrepreneur décodé. Paris : Studio Ernst and
Young France. 28 pages.
Lhermitte, Marc. Sebag, Franck et Sentilhes, Grégoire. (2013) La règle de trois. Baromètre EY de l’entrepreunariat dans les pays du G20. Paris : Studio EY France. 12 pages. Article de recherche
Crosbie, R. (2005). Learning the soft skills of leadership. Industrial and Commercial Training, 37(1), 45-
51. Retrieved from http://search.proquest.com/docview/214106018?accountid=42864 (accessed
September 14 2014).
Dixon, J., Belnap, C., Albrecht, C., & Lee, K. (2010). The importance of soft skills. Corporate Finance
Review, 14(6), 35-38. Retrieved from
http://search.proquest.com/docview/751644804?accountid=42864 (accessed September 14 2014).
Clément Mercé Grenoble Ecole de Management Mastère Spécialisé Entrepreneur 64 / 64 Décembre 2014
Chen, Xiao-Ping, Xin Yao, and Suresh Kotha. 2009. Entrepreneur passion and preparedness in
business plan presentations: a persuasion analysis of venture capitalists' funding decisions. Academy
Of Management Journal 52, no. 1: 199-214. Business Source Complete, EBSCOhost (accessed
September 6, 2014).
Delgado-García, Juan Bautista, Ana Isabel Rodríguez-Escudero, and Natalia Martín-Cruz. 2012.
Influence of Affective Traits on Entrepreneur's Goals and Satisfaction. Journal Of Small Business
Management 50, no. 3: 408-428. Business Source Complete, EBSCOhost (accessed September 6,
2014).
Gelly, Violaine et Lemoine, Laurence. (2013) Se libérez des émotions négatives. Pages 74-90.
Psychologies Magazine. N°333. Octobre 2013.
Grigore, Ana-Maria. 2012. The Psychology of Entrepreneurship. Romanian Journal Of Marketing no.
2: 25-30. Business Source Complete, EBSCOhost (accessed September 14, 2014).
Kets de Vries, Manfred F. R. (1985). The dark side of entrepreneurship. Harvard Business Review.
Nov/Dec85, Vol. 63 Issue 6, p160-167. 8p. 1 Black and White Photograph. (accessed September 14
2014).
Nyock, Aude Carine, Samuel Nyock Ilouga, and Lubica Hikkerova. 2013. Intention entrepreneuriale et
projet professionnel. (French). Gestion 2000 30, no. 4: 47-65. Business Source Complete, EBSCOhost
(accessed September 14 2014).
Macko, A. and Tyszka, T. (2009), Entrepreneurship and Risk Taking. Applied Psychology:An
International Review, 58: 469–487. doi: 10.1111/j.1464-0597.2009.00402.x (accessed September 14
2014).