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Sciences et Actions Sociales N°1 | Année 2015
Empowerment, participation, activation... Des concepts aux pratiques d'intervention sociale
Varia
Penser l’empowerment, la participation ou l’activation : la lente et difficile émergence du concept d’acteur en sociologie Yves Gilbert
Résumé Français / English
L’objet de cet article est d’explorer le concept d’acteur à partir d’un ancrage dans le courant
de la sociologie d’intervention (et, plus généralement, des sciences sociales d’intervention).
La première partie rappelle comment des sociologues ont dû batailler pour faire accepter le
concept d’acteur (contre une doxa déterministe) et comment, au fil des cheminements, ils ont
réussi à le faire exister pour expliquer un certain nombre de situations sociales et sociétales et
de changements ou de mouvements.
La deuxième partie de ce texte, cherche à tirer les conséquences d’une approche actionnaliste
sur les questions de l’empowerment, de la participation et de l’activation.
The purpose of this article is to explore the concepts of actor and institution from an
anchorage in the course of the sociology of intervention (and, more generally, social science
of intervention).
The first part recalls how some sociologists had to fight hard to accept the concept of actor
(against a deterministic doxa) and how, over the paths, they managed to make it exist to
explain a number of societal and social situations and changes or movements.
The second part of this text, tries to present the consequences of an actionalist approach
upon empowerment, participation and activation.Keywords:
Entrées d'index Mots clés : Sociologie d’intervention, changement social, actionnalisme, empowerment
Key words: Sociology of intervention, Social change, Actionalism, Empowerment
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Texte intégral
Introduction : la sociologie et les sciences sociales d’intervention
Les questions de l’empowerment, de la participation, de l’activation ne sont pas nouvelles,
même si, parfois, leurs noms changent. Elles s’expriment aujourd’hui dans le champ de
l’action sociale et du travail social, soit au travers d’expérimentations spontanées ou de
revendications (des salariés, des « usagers » ou des familles), soit au travers des injonctions
légales1. Mais elles ont déjà fait l’objet de véritables doctrines pratiques dans les domaines de
l’Éducation populaire ou du développement local, après-guerre et jusque dans les années
1970.
La question de l’acteur réflexif (doté des outils et de la culture lui permettant de s’extraire de
sa propre situation et de la comprendre dans ses interactions avec son environnement et les
autres acteurs qui le peuplent) fut bien l’un des objectifs centraux des mouvements de
l’Éducation populaire plus ou moins irrigués par des instituions emblématiques comme le
Sillon, bien avant la Deuxième Guerre, l’École des cadres d’Uriage, sous l’Occupation, ou
Peuple et Culture, après-guerre. La question de la participation des intéressés aux processus
d’identification des déterminants et composantes d’une situation concrète (diagnostic), ainsi
qu’aux processus de construction de la décision d’agir sur ces éléments est au cœur des
doctrines pratiques du développement local dès les années 1960.
L’articulation top down/bottom up a été particulièrement bien illustrée, plus tard, dans la
formule « Penser global, agir local ». Il s’agissait bien d’articulation entre deux dynamiques et
non d’opposition, comme on a parfois l’impression qu’aujourd’hui cette tension est formulée
(concluant, par exemple, qu’il faudrait remplacer le top down par le bottom up, la démocratie
verticale par la démocratie horizontale). Il s’agissait plutôt d’une articulation complexe,
comme celles qu’Edgar Morin qualifie de dialogiques : tension des contraires, mais tension
génératrice du mouvement (comme le yin et le yang dans le Yi-king2).
Peut-être que ces questions ont alors été traitées exclusivement (ou pour le moins
prioritairement) d’un point de vue pratique et qu’elles n’ont pas donné lieu à de solides
étayages théoriques. Une grande partie de la littérature de ces époques est d’ailleurs tournée
1 Loi de 2002-2, par exemple. 2 « […] Le Yi-king ou Livre des transformations de l'archaïque magie chinoise apporte l'image la plus exemplaire de l'identité du Génésique et du Génétique. La boucle circulaire est un cercle cosmogonique symboliquement tourbillonnaire par le S intérieur qui à la fois sépare et unit le Yin et le Yang. La figure se forme non à partir du centre mais de la périphérie et naît de la rencontre de mouvements de directions opposés. Le yin et le yang sont intimement épousés l'un dans l'autre, mais distincts, ils sont à la fois complémentaires, concurrents, antagonistes. La figure primordiale du Yi-King est donc une figure d'ordre, d'harmonie, mais portant en elle l'idée tourbillonnaire et le principe d'antagonisme. C'est une figure de complexité », Morin, 1977, p. 228.
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vers les questions méthodologiques et pratiques, beaucoup plus que sur les questions
philosophiques et théoriques.
On ne peut que se féliciter de voir apparaître ces questions aujourd’hui dans le champ de
l’action sociale et du travail social (comme dans d’autres, d’ailleurs), mais on doit sans doute
redoubler de vigilance à l’égard des défauts d’approfondissement et des dérives ou
manipulations dont ces termes peuvent faire l’objet, faute d’ancrage dans une réflexion
éthique et théorique. Annoncer un lien entre les concepts et les pratiques d’intervention
sociale, c’est évidemment aller dans ce sens. C’est dans ce sens que se propose d’aller cet
article.
Afin d’éclairer les notions d’empowerment, de participation et d’activation, l’objet de cet
article est de présenter la pertinence du concept d’acteur dans la perspective de la sociologie
d’intervention et, plus avant, dans celle des sciences sociales d’intervention. Quel sens a-t-il, à
quels paradigmes renvoie-t-il, à quels débats son usage donne-t-il lieu, à quelles
controverses ? Comment fait-il sens au croisement d’épistémologies diverses ? Comment en
faire un concept opératoire dans le cadre d’une éthique de la transformation ?
La sociologie d’intervention, illustrée en France par des auteurs comme Rémi Hess (1981),
Gilles Herreros (2002, 2008), Dominique Felder (2007), Vincent de Gaulejac (Gaulejac et al.,
2007 ; Gaulejac, 2009), Yves Gilbert (2009), se distingue essentiellement des autres courants
de la sociologie, en ce qu’elle se considère, non seulement comme un outil de connaissance,
mais comme un outil d’action. Son principe essentiel réside dans l’objectif de concourir (par
ses concepts et ses méthodes) à la dynamisation du potentiel des acteurs à transformer, eux-
mêmes, les diverses situations sociales au sein desquelles ils se trouvent. En ce sens elle se
détache des sociologies classiques et positivistes (de Durkheim aux courants fonctionnalistes),
tout autant que des sociologies critiques (de Marx à Bourdieu) mais aussi hypercritiques
(Baudrillard). Pour autant, bien qu’elle se revendique, entre autres, de l’héritage de Max
Weber, on ne saurait l’assimiler au courant plus récent de l’individualisme méthodologique,
qui connaît aujourd’hui un certain succès en raison de son adéquation avec les théories néo-
libérales à la mode en économie ou en politique. Elle reconnaît les apports nécessaires de la
sociologie critique et s’en inspire, mais, toujours, pour travailler à la recherche de voies de
passage et de scénarios de transformation.
Ses principaux ancrages sont à rechercher dans les courants contemporains de la sociologie
des organisations de Michel Crozier et d’Erhard Friedberg, ainsi que de son dépassement avec
Philippe Bernoux, Gilles Herreros, ou Philippe d’Iribarne, de la sociologie de l’action d’Alain
Touraine, François Dubet et Michel Wieviorka, et de l’Analyse Institutionnelle de Cornelius
Castoriadis, René Lourau, Georges Lapassade ou Rémi Hess. Pour être tout à fait complet, il
faut rajouter à cette galerie de portraits, ceux de la sociologie de la régulation (Jean-Daniel
Reynaud), de l’agir communicationnel (Jürgen Habermas), de la sociologie de l’acteur réseau
(Michel Callon et Bruno Latour) et des conventions (Luc Boltanski et Laurent Thévenot).
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Le concept d’acteur en sociologie
Longtemps, la sociologie, soumise aux paradigmes déterministes ou au fonctionnalisme, a
récusé à l’individu toute possibilité d’action autonome ou réfléchie, surtout si cette action
avait pour ambition de modifier les cadres et contextes de son activité. C’est le cas du
déterminisme social de Durkheim selon qui le fait social s’impose avec coercition à l’individu,
sans même qu’il ne s’en aperçoive, en raison de son intériorisation des normes sociales et du
poids de ces dernières : « Voilà donc des manières d’agir, de penser et de sentir qui
présentent cette remarquable propriété qu’elles existent en dehors des consciences
individuelles. Non seulement ce type de conduites ou de pensée sont extérieures à l’individu,
mais ils sont doués d’une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s’imposent
à lui, qu’il le veuille ou non. » (Durkheim, 1987). C’est le cas du déterminisme économique de
Marx, où les rapports de production fixent, « en dernière instance » toutes les superstructures
sociales (tout ce qui peut nous faire croire que l’individu peut jouer un rôle dans le contrôle
de son environnement : idéologie, art, droit, etc.). C’est encore le cas du déterminisme
culturel de Bourdieu, où les individus ne sont que des agents (et non des acteurs) de la
reproduction de la domination de classe, là encore, en raison de leur intériorisation totale des
normes (façons de penser, de sentir, d’agir, de parler) au travers du processus d’acquisition de
l’habitus de classe. Certes, Bourdieu considère que le dévoilement des déterminismes pesant
sur les agents peut être une façon de leur permettre d’y résister. Mais ce n’est qu’une
hypothèse au sein d’une théorie qui insiste quand même très largement sur la quasi-
inéluctabilité de la reproduction sociale.
Il faut des courants comme certains de ceux qui vont se développer au sein de l’École de
Chicago, à partir des années 1930, inspirés, entre autres, par la sociologie de Max Weber ; il
faut, en France, l’insistance d’un Raymond Aron, puis d’un Alain Touraine, dans les années
d’après-guerre, pour que la sociologie commence à envisager une capacité d’action des
individus qui en feraient des acteurs plus que des agents. Si Raymond Aron va surtout
explorer les concepts weberiens des logiques d’action et de domination, à partir de la lecture
initiale, et presque initiatique, de L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme Weber (1999
[1964]), Alain Touraine va chercher dans l’analyse des mouvements sociaux, à partir des
années 1970, l’expression de cette capacité d’agir des acteurs. Mais, si l’interprétation d’Aron
s’inscrit dans une sensibilité libérale (reprise et accentuée par la suite par Raymond Boudon),
celle de Touraine s’inscrit dans une sensibilité sociale marquée par un passage par la
sociologie du travail.
La difficulté à penser l’acteur ne trouve pas seulement ses raisons dans la toute-puissance du
capitalisme, qui impose ses règles en soumettant les classes populaires et laborieuses, elle les
trouve aussi dans l’impérialisme intellectuel de la doxa du moment, rejetant dans l’ombre
toute pensée hétérodoxe ou n’hésitant pas à la disqualifier aux motifs de faiblesse
intellectuelle ou de compromission idéologique. Jamais auteur n’aura été plus pertinent sur
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ce sujet que Pierre Bourdieu, capable dans le même temps d’exprimer l’impérialisme
intellectuel par son statut et son aura et d’en décrire finement les logiques et les mécanismes.
Jamais École n’aura recruté autant de fidèles, autant de croisés. François de Singly, sociologue
de la famille, aujourd’hui réputé pour mettre en avant le rôle de l’individu dans les situations
de couples ou de parentalité, lui-même, avoue avoir été, à une certaine époque, « croyant »
dans le dogme bourdieusien, ce qui lui faisait parler d’agents et non d’acteurs (2002 [2002]).
L’interactionnisme symbolique
George Herbert Mead (1863-1931) va développer une approche qui met en avant les
relations et les interactions entre les acteurs dans la construction des rapports de sens. Elle se
caractérise par la pratique de micro-sociologies fondées, en grande partie, sur des méthodes
d’observation (participantes ou non). Le travail de William Foote White (2002 [1963]) est assez
emblématique de cette approche. Celui d’Howard Becker sur les musiciens de jazz et les
fumeurs de haschich (Becker, 1985 [1963]) en est une autre illustration. La posture de George
Herbert Mead consiste en une opposition au courant behavioriste développé par ceux des
psychologues qui considèrent que les conduites humaines sont issues de conditionnements
(psychologiques ou sociaux).
C’est Herbert Blumer (1900-1987) qui va formaliser cette approche en en identifiant trois
principes : celui selon lequel les êtes humains agissent sur la base des significations que les
« choses » (autres êtres humains, objets, institutions, etc.) ont pour eux. Ce principe s’inscrit
dans la ligne de la sociologie weberienne qui s’attache aux rapports de sens que les individus
construisent ou expriment au travers de leurs pratiques. Le deuxième principe postule que ces
significations données aux « choses » par les individus proviennent de leurs interactions. Le
dernier principe postule que les significations que les individus (ou êtres humains) donnent
aux choses varient au cours du temps, en fonction des choses rencontrées et des interactions
à l’œuvre, en constituant un processus interprétatif.
Howard Becker et Anselm Strauss (1992) vont s’inscrire assez fidèlement dans ce paradigme.
En y associant l’approche de Berger et Luckmann (2011 [1966]), on a ainsi un paradigme
permettant d’interroger de façon critique ceux de Durkheim ou de Bourdieu (dont il souligne,
en creux, le risque d’un trop systématique déterminisme).
L’acteur et le système
Michel Crozier et Ehrard Friedberg (1977) montrent que l’analyse des organisations ne peut
se limiter à celle de leurs dispositions fonctionnelles ou hiérarchiques, à l’analyse de leur
organigramme comme représentatif de leurs finalités (ce qui est déjà insuffisant), ou à celle
de leurs objectifs de production et aux méthodes qu’elles mettent en œuvre pour y parvenir,
ou encore à l’analyse des relations des organisations avec leur environnement (notion de
système ouvert). Cette analyse, pour être plus proche de la réalité, doit aussi prendre en
compte les logiques des acteurs sur l’activité desquels elles reposent. Une logique systémique
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les guide, certes, mais cette logique est infléchie par celle des acteurs. Il y a là une percée
importante en sociologie des organisations, permettant de dépasser le fonctionnalisme ou
même l’analyse marxiste. Mais, à bien y regarder, ces acteurs dont parlent Crozier et
Friedberg ne jouent qu’un rôle relatif dans l’infléchissement des logiques systémiques, même
si cela peut avoir des conséquences sur la conduite globale des organisations, dans la mesure
où le fondement principal de ces logiques repose sur la recherche de l’intérêt personnel des
acteurs (conquête d’une marge de manœuvre, maintien d’une zone d’incertitude, obtention
d’un gain en matière de pouvoir, etc.). Les choses se passent beaucoup comme si les logiques
d’acteurs n’occasionnaient, finalement, que des perturbations (des bruits, comme on dit en
analyse systémique ou en cybernétique) dans la conduite des organisations. Ces logiques sont
peu pensées comme susceptibles de contribuer à la transformation, voire à l’amélioration, de
l’activité organisationnelle. Finalement, leur livre aurait presque pu s’appeler « l’acteur contre
le système ». Mais, reconnaissons-leur le mérite d’avoir fait exister ces acteurs, même si leur
rôle est assez réducteur.
Il faudra attendre les années 1990, et une véritable scission dans ces courants, pour qu’une
nouvelle approche des organisations pose de façon très claire la question de la place des
acteurs dans les organisations et de leur implication beaucoup plus importante à la fois dans
leurs logiques et parfois leurs travers, tout autant que dans la perspective de leur changement
(Bernoux (1985, 2005 [2004]) ; Amblard et al. (2005 [1996]) ; Herreros (2012)).
Touraine et la sociologie de l’action
Alain Touraine (1974) s’intéresse aux vecteurs des transformations sociales, aux acteurs
porteurs d’historicité, c’est-à-dire d’une vision d’un autre monde, et aux conflits qui les
opposent aux tenants légitimes d’une historicité dominante. Jusque dans les années 1970, ces
acteurs sont ceux qui apparaissent à l’occasion des grands conflits sociaux et notamment des
conflits liés au travail et à son environnement (droits sociaux, protection, retraites, etc.). Pour
Touraine, à ce moment, les intérêts des classes en présence sont représentés par les acteurs
sociaux puissants que sont les syndicats de salariés ou le mouvement ouvrier d’une part et les
organisations patronales, d’autre part, l’État jouant plus ou moins un rôle d’arbitre (penchant
quand même parfois d’un côté plus que de l’autre). Le conflit social est alors frontal et
globalisé, les perspectives du monde à venir se discutent autour de la table des négociations.
Mais la transformation de la société industrielle, la crise de la représentation syndicale
(comme celle de la représentation politique) au lendemain de Mai 68, provoquent un
éclatement et une dispersion de ce front, et posent de façon nouvelle la question de l’acteur
social. Les grandes mobilisations syndicales laissent la place à des revendications ciblées,
portées par la base et non par des permanents professionnels, prenant des formes très variées
et souvent imprévisibles d’expérimentations et de coordinations, toutes très vigilantes sur la
conduite du conflit et sa spécificité. Comme le dit Michel Wieviorka (2000), « L'idée générale
d'Alain Touraine et de ceux qui, comme moi, ont travaillé avec lui dans les années soixante-
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dix, était que nous quittions alors un type de société, industrielle, avec son mouvement social,
le mouvement ouvrier, pour entrer dans un autre type de société, post-industrielle, avec ses
nouveaux mouvements sociaux, incarnés alors par les luttes étudiantes, les mouvements de
femmes ou bien encore l'action antinucléaire ou certaines mobilisations régionalistes. »
Face à l’émergence de ces nouvelles formes de revendications et de nouveaux objets de
conflit, Touraine examine un ensemble de conflits pour essayer de distinguer ceux qui, parmi
eux, portent sur des revendications à caractère corporatiste ou catégoriel de ceux qui
proposent de nouvelles historicités. Pour Touraine, seuls trois objets de conflits et méthodes
de revendication méritent alors que l’on parle à leur propos de mouvement social : le
féminisme, l’écologie et l’altermondialisme. Certains se souviennent de la tension très sévère
qui à opposé Pierre Bourdieu et Alain Touraine (les bourdieusiens et les tourainiens) à propos
de l’interprétation du conflit de 1995 conduit par les cheminots luttant pour la préservation
des régimes spéciaux de retraite (3 semaines de grève quasi-générale en France). D’un côté,
Bourdieu descend de son piédestal du Collège de France pour aller saluer la « juste lutte »
des cheminots, le 12 décembre à la Gare de Lyon. Ses termes ne laissent pas de doutes sur
l’importance sociétale, selon lui, de ce conflit : « Je suis ici pour dire notre soutien à tous ceux
qui luttent, depuis trois semaines, contre la destruction d'une civilisation, associée à
l'existence du service public, celle de l’égalité républicaine des droits, droits à l'éducation, à la
santé, à la culture, à la recherche, à l'art, et, par-dessus tout, au travail... » (Bourdieu, 1995).
Pendant ce temps, Touraine ne décolère pas contre Bourdieu et insiste sur le fait que ce
conflit est d’abord corporatiste, manipulatoire, dans la mesure où les cheminots arrivent à
entraîner un ensemble de professions avec eux, qui craignent une extension des mesures
touchant les cheminots à l’ensemble de la société française, mais qui roulent pour ces
derniers avant tout, et, surtout, que ce conflit n’est porteur d’aucune historicité, d’aucune
proposition d’une vision nouvelle, notamment de la protection sociale, dans un pays où,
pense-t-il, le système social est l’un des plus archaïques et injustes d’Europe. Touraine refuse
que l’on qualifie ce conflit de mouvement social, terme auquel il réserve une toute autre
signification. Il est, de ce point de vue, complètement ignoré par la presse qui, au contraire,
qualifie de mouvement social toute forme d’agitation, sans aucune analyse en profondeur de
ses finalités.
Car l’acteur social, aux yeux de Touraine, est collectif et porteur d’historicité. Il travaille des
régions différentes du monde social et appelle à de profondes transformations globales et
durables des rapports sociaux, économiques ou politiques. Le mouvement social se
caractérise par son opposition à un ordre établi, son identité (les acteurs s’y reconnaissent
pleinement) et sa totalité (son impact porte sur la société en général, tout le monde est
finalement concerné).
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Ce qui rapproche ces deux conceptions de l’acteur et de ce qu’il génère, c’est l’importance
des interactions, pour l’École de Chicago, et des relations sociales, pour Touraine (1974).
De l’acteur au sujet
À la charnière du XXIème siècle, la sociologie intensifie son approche de l’acteur en
s’interrogeant sur le sujet. C’est une première pour cette discipline s’étant constituée contre la
psychologie, pour analyser le social en tant que tel, en ravalant l’individu au statut marginal
de variable d’ajustement.
Un colloque, organisé en 1993 à Cerisy, a rassemblé une centaine d’intellectuels, de politiques
et de chercheurs autour d’Alain Touraine pour réfléchir à la notion de sujet en sociologie. La
rédaction des actes a été dirigée par François Dubet et Michel Wieviorka (1995). On y voit des
sociologues investir cette notion, renvoyant aux capacités personnelles des individus à se
constituer en sujets autonomes (et non assujettis, comme les sujets des monarques), en
établissant une passerelle entre construction psychologique et être au monde social. Pour
autant, leur démarche ne s’apparente en rien à la montée des théories de la régression sociale
et de la montée du tribalisme (Maffesoli) ou du triomphe de l’individu-roi (individualisme
méthodologique). Témoin, le chapitre plus que roboratif sur l’individualisme méthodologique
comme conception hypo-socialisée de l’action écrit par Paolo Ceri (1995). Michel Wieviorka
présente, en quatrième de couverture, les enjeux d’un déplacement nécessaire de la
réflexion : « À l'évidence, les sociétés n'apparaissent plus comme des ensembles fonctionnels,
des systèmes dans lesquels l'économie, la culture, les institutions et les rapports sociaux
forment un tout dont les classes dirigeantes et les mouvements sociaux se disputent et se
partagent la direction. L'analyse sociale paraît elle-même dissociée : l'acteur et le système se
séparent, comme l'identité et la raison instrumentale, comme les nations et le marché.
L'opposition du "holisme" et de l'"individualisme" n'exprime rien d'autre que cette rupture. Ce
livre vise à la fois à rendre compte de cet éclatement et à le surmonter en plaçant au centre
de l'analyse l'activité autonome des individus et des groupes. » (Dubet et Wieviorka, 1995).
Dans son livre d’entretiens avec Farhad Khosrokhavar, Touraine (2005 [2000]) expose la
signification et l’objectif d’une nouvelle sociologie du sujet : « Parce que le monde est ouvert
et dangereux, divers et fracturé, la construction du Je deviens le seul principe d’évaluation des
situations et des conduites. Mais ce Je, je ne le répéterai jamais assez, n’est pas l’individu
concret, paquet de goûts, de normes, de connaissances, de souvenirs, mais la volonté
d’individuation de chaque individu qui se trouve ainsi distancé de son moi psychologique et
social et qui devient, en revanche, capable de reconnaître les autres comme des sujets, dans
la mesure où ils sont engagés dans un effort analogue d’individuation. »
Du sujet à l’acteur
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Vincent de Gaulejac, dans l’un de ses livres (2009), expose ce que sont, selon lui, les quatre
figures possibles (et superposables) du sujet : le sujet social, le sujet existentiel, le sujet réflexif,
le sujet acteur. Le premier état exprime la façon dont le sujet se construit initialement au
travers des processus de socialisation. Habitus, dirait Bourdieu, ou socialisation plus fluide et
pour partie volontaire comme en parlent, par exemple Peter Berger et Thomas Luckmann
(2011 [1966]), entre socialisation primaire et socialisation secondaire. Le deuxième état
exprime en partie ce que dit Touraine de l’individuation du sujet. La réalisation de soi, au
travers de la valorisation de ses différences et de l’acceptation des différences de l’autre, la
valorisation d’une culture propre du migrant (ou de l’enfant de migrant), par exemple, de ses
liens familiaux et sociaux, d’une langue maternelle ou familiale, d’une religion, à partir
desquels construire son rapport à l’autre, aux autres, à une société de gens égaux mais
différents. Le sujet réflexif serait ensuite celui qui serait à même de prendre de la distance par
rapport à lui-même et à son environnement immédiat, pour observer le champ de tensions,
d’enjeux et de voies de passage dont il est le support. Enfin, le sujet social serait celui qui
passe à l’acte, non plus seul, mais en réseau, en groupe, en mouvement, dans le but de
transformer son environnement.
Sujet de conventions, sujet de culture, sujet de connaissance, sujet de désir collectif, voilà un
enchaînement dont on trouvait déjà les prémices chez Paul-Henry Chombart de Lauwe
lorsqu’il proposait une articulation entre aspirations individuelles, dynamiques culturelles et
transformations sociales.
De l’advènement du sujet à la surrection de l’acteur
Vincent de Gaulejac, puis Gilles Herreros (2007) proposent le concept d’ « advènement du
sujet » pour indiquer l’horizon de la sociologie d’intervention. Permettre au sujet d’être
pleinement un sujet libre et autonome, un sujet capable de sa propre réalisation, de la propre
définition du sens de son existence. Je pense que c’est probablement un préalable à ce que je
fixe, pour ma part, comme horizon de la sociologie d’intervention : la surrection de l’acteur.
Car, contrairement à l’acteur collectif porté par de grandes logiques partagées et identifiées,
comme la condition ouvrière, la condition d’immigré, la condition féminine, etc., je pense,
comme ces auteurs, que l’acteur contemporain est d’abord construit à partir de la
reconnaissance de soi-même, dans sa complexité, la diversité des influences qui l’ont façonné,
la diversité de ses désirs. Je pense que des quêtes comme celle, très contemporaine, de
l’empowerment expriment cette aspiration et ces potentiels. Mais je pense aussi qu’il ne peut
y avoir de transformations sociales profondes (au sens des mouvements sociaux de Touraine)
que si ces sujets trouvent alors des alliances pour construire d’autres mondes
(altermondialisme). La pratique des réseaux (qu’ils soient sociaux ou dans le travail en réseau),
la revendication à la participation, au débat public, vont, à mon avis dans ce sens. J’ai pu, par
exemple, observer le soin très particulier que portaient les indignés de Catalogne, lors de leur
marche vers Paris, à construire scrupuleusement des espaces de discussion mettant en avant
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la compétence et la singularité de chacun et la recherche de consensus (et non de votes
majoritaires) pour prendre des décisions (communication non violente). C’est pour moi, une
expression de ce que j’appelle la surrection de l’acteur. C’est ce vers quoi peuvent tendre la
sociologie et les sciences sociales d’intervention.
Bien sûr, pas plus que pour Alain Touraine, cette émergence du sujet réflexif ou du sujet
acteur ne se produit, pour les tenants de la sociologie d’intervention, à l’écart des logiques
supra-individuelles et supra-locales qui affectent le monde (sans peut-être le déterminer avec
une totale rigidité, mais en influant sur lui). On a pu leur reprocher un optimisme délibéré,
voire un certain idéalisme qui ne sont pas de mise dans une analyse lucide des rapports
sociaux et de leurs transformations. Peut-être faut-il simplement comprendre que les rapports
sociaux et leurs transformations se situent à la croisée de plusieurs mouvements de forces
antagoniques : celui des logiques de la domination, de la spoliation, de l’autoritarisme et celui
des logiques de la coopération, du partage et de la démocratie ; celui des déterminismes de
tous ordres et celui de l’actionnalisme.
Deux théorisations plus récentes agencent, approfondissent et formalisent ce qui a été
apporté jusque-là par ces différents courants théoriques, sans que l’on puisse leur faire le
reproche d’une simplification sémantique et conceptuelle abusive. Ce sont les théories de
l’acteur-réseau et des conventions.
La sociologie de l’acteur-réseau : des acteurs aux actants
Sociologues des sciences, Michel Callon et Bruno Latour s’intéressent en tout premier lieu à
l’élaboration et à la circulation des théories scientifiques pour construire une sociologie de
l’acteur réseau, dite, dans leurs écrits, SAR : « L’une des hypothèses au cœur de la SAR –
hypothèse qu’elle partage d’ailleurs avec d’autres démarches – est de considérer que la
société ne constitue pas un cadre à l’intérieur duquel évoluent les acteurs. La société est le
résultat toujours provisoire des actions en cours. La SAR se distingue des autres approches
constructivistes par le rôle actif qu’elle fait jouer aux entités produites par les sciences et les
techniques dans l’explication de la société en train de se faire. » (Callon, 2006). Autrement, dit,
par le rôle actif qu’elle fait jouer à des acteurs non humains (les objets techniques,
l’environnement, des produits de l’activité humaine…). Dans cette perspective, la SAR préfère
appeler ces acteurs humains et non humains, des actants.
Concept de réseau socio-echnique
« Lorsque le conducteur tourne la clé de contact d’une Nissan pour aller voir un ami en
vacances au lac de Genève, il ne fait pas seulement démarrer un engin : il déclenche
également une action collective parfaitement coordonnée. Cette action implique : les
compagnies de pétrole qui ont raffiné et distribué le pétrole et installé les stations d’essence ;
les ingénieurs qui ont conçu les cylindres et les valves ; les machines et les opérateurs qui ont
assemblé le véhicule ; les ouvriers qui ont déposé le bitume constituant les routes ; le bitume
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lui-même ; l’acier qui résiste à la chaleur ; le caoutchouc des pneus qui accroche la route
humide ; les feux rouges qui régulent le flux de la circulation, etc. Nous pourrions considérer
chacun des éléments du réseau sociotechnique pour montrer que, humain ou non humain, il
contribue à sa manière à faire circuler le véhicule. Cette contribution, qui a été
progressivement définie et cadrée durant l’établissement du réseau sociotechnique, n’est pas
réductible à une dimension purement instrumentale. Dans ses études de l’innovation
technologique, la SAR met l’accent sur la capacité de chaque entité, spécialement les entités
non humaines, à agir ou interagir d’une manière spécifique avec les autres humains ou non
humains. L’automobile – et c’est ce qui la définit comme artéfact technique – permet à tout
moment de mobiliser un grand nombre d’éléments hétérogènes qui participent de manière
active, silencieuse et invisible au transport du conducteur. Nous pouvons appeler ces
éléments « actants », un terme emprunté à la sémiotique pour mettre précisément en lumière
la nature active des entités qui composent le réseau. Nous pourrions également dire que
cette activité collective a été mise en boîte noire sous la forme d’un artéfact – ici, une
automobile. Lorsque l’automobile se met en mouvement, c’est tout le réseau qui se met en
mouvement. » (Ibid.)
« Mais c’est durant la constitution de ces réseaux sociotechniques, c’est-à-dire durant la
conception, le développement et la diffusion de nouveaux artéfacts techniques,
qu’apparaissent le plus clairement, avant la mise en boîte noire, les inévitables négociations et
ajustements entre actants humains et non humains. Et c’est vers ces processus de constitution
que la SAR tourne son attention. » (Ibid.)
Pour reprendre la litanie des actants (humains et non humains) impliqués dans le trajet en
voiture entre un point et un autre, on doit, évidemment, considérer le pétrole, les pays
producteurs, le marché international du brut et l’action des différents pays sur ce marché
international. C’est là, tout particulièrement, mais non exclusivement, que vont se jouer de
sérieuses « négociations et ajustements entre actants humains et non humains ». Car, hors de
ces négociations, pas de carburant à la pompe, pas d’énergie pour faire tourner le moteur,
pas de déplacement (en tout cas en voiture). Donc le déplacement en question dépend aussi
du rapport de force international sur le marché du pétrole et de l’engagement, parfois
guerrier, des pays, pour peser sur les prix. Mais les acteurs de la transition énergétique font
aussi partie des actants de ce réseau sociotechnique. Leurs actions, à la fois, dépendent de
l’ensemble des informations circulant dans ce réseau complexe et influent sur l’ensemble des
actants de ce réseau.
On retrouve dans cette prise en compte des réseaux sociotechniques, ce que l’École de
Chicago, particulièrement Howard Becker, met en lumière dans la nécessité de la prise en
considération, au début de toute investigation sociologique, de ce qu’on appellerait
aujourd’hui un système-acteurs (Becker, 2002 [1998]. La nouveauté, cependant, réside dans la
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prise en considération des acteurs non humains : la ressource naturelle, les techniques, la
connaissance scientifique, l’environnement, la pollution, etc.
La traduction
Le concept de traduction permet de montrer comment s’articulent réseaux et acteurs : en
certains points des réseaux, se situent des centres de traduction qui mobilisent tout ou partie
des inscriptions et des informations circulant dans le réseau pour construire des logiques
d’action. Par exemple, dans le réseau constitué autour de la proposition selon laquelle le trou
dans la couche d’ozone s’agrandit (laboratoires, militants écologistes, politiques, pétrole,
producteurs de pétrole, économie verte, industriels, air, atmosphère, climat, aérosols, etc.),
des centres de traduction vont permettre la promulgation de lois de nature à réduite la
dégradation de la couche d’ozone. D’autres, vont générer de la recherche sur la « voiture
propre ». D’autres, encore, sur les énergies renouvelables sans impact sur l’effet de serre.
D’autres vont générer des changements de comportements dans la vie quotidienne, etc. « De
telles actions stratégiques ne sont possibles que parce que le réseau sociotechnique existe
fournissant les lignes d’action possibles et autorisant leur accomplissement. L’action et le
réseau sont ainsi les deux faces d’une même réalité : d’où la notion d’acteur-réseau. » (Callon,
2006).
Les acteurs dans la théorie des conventions
Dans leur sociologie des conventions, Laurent Thévenot et Luc Boltanski (2000 [1991], lui-
même ancien disciple de Pierre Bourdieu, partent du constat que la sociologie critique de
Pierre Bourdieu a appréhendé, dans les phénomènes de reproduction sociale, selon des
hypothèses restrictives, la capacité de l’acteur à agir sur son environnement. Ils se distinguent
de la sociologie critique de Bourdieu, en se revendiquant du courant pragmatiste, et pensent
que les individus, considérés comme des acteurs, ne sont pas déterminés par leur trajectoire
ou leur habitus, mais disposent d’un certain libre arbitre, d’une capacité de jugement, leur
permettant de faire valoir leurs arguments, justifications, face à une épreuve. Ces arguments
appartiennent à une certaine grammaire, celle du cadre interprétatif des acteurs. Les
conventions résultent du partage de cadres interprétatifs par des acteurs, leur permettant
d’évaluer des situations et d’agir en conséquence. En ce sens, ils proposent aussi de dépasser
l’approche communicationnelle de Jürgen Habermas (Habermas, 2005 (1981], 1999 [1991].
« Mais le recours à la convention et son intégration dans l’interaction en situation
n’impliquent pas que la coordination réussisse. Les conventions deviennent des ordres de
justification ou « grandeurs » lorsque les acteurs sont critiqués ou critiquent eux-mêmes. Ils
s’engagent alors dans une dispute où ils peuvent mobiliser une pluralité de conventions
(ordres de justification) discordantes. Le concept de convention n’est donc pas lié à la théorie
de l’agir communicationnel de Jürgen Habermas qui développe l’argument selon lequel le
« telos de l’accord » réside dans l’utilisation de la langue. Dans la théorie habermassienne, il
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n’y a finalement qu’une seule convention légitime (celle de la compréhension libérée de toute
domination (…). Mais le concept de convention ne correspond pas non plus à celui d’habitus
dans la théorie de Pierre Bourdieu. Les conventions ne sont pas des structures incorporées qui
se mettent en œuvre automatiquement. Les acteurs peuvent réfléchir sur l’utilisation des
conventions et les conventions sont, d’un point de vue pragmatique, le résultat d’expériences
collectives sur les possibilités de coordination face à des problèmes collectifs. Les acteurs
créent des conventions dans des situations, et ces conventions peuvent ensuite être
stabilisées et consolidées dans des réseaux acteur-objet-concept. À l’inverse, ces conventions
peuvent stabiliser ces réseaux. De plus les acteurs sont en mesure d’établir de nouveaux
compromis entre les différentes conventions ou de contribuer au changement des
conventions. Ainsi, une dynamique des conventions est introduite à partir d’une perspective
pragmatique. » (Diaz-Bone et Thévenot, 2010)
Les conséquences de l’actionnalisme sur l’empowerment, la participation et
l’activation
L’analyse de l’émergence de l’acteur en sociologie et dans les sciences sociales d’intervention
permet d’en comprendre les implications sur les questions de l’empowerment, de la
participation ou de l’activation, sur divers plans complémentaires.
En ce qui concerne le sujet
L’individuation
C’est Carl Gustav Jung qui utilise le terme d’individuation pour exprimer ce qui, dans sa
propre conception de la psychanalyse, concerne ce que d’autres vont appeler par la suite, la
recherche de soi : « J’emploie l’expression d’individuation pour désigner le processus par
lequel un être devient un individu psychologique, c’est-à-dire une unité autonome et
indivisible, une totalité. » (Jung, 1961, p. 457).
Danilo Martuccelli (2005) rappelle dans son texte célèbre comment la sociologie aborde les
questions de l’individuation. Il distingue trois grands axes de la réflexion. Celui qui porte sur la
socialisation, celui qui porte sur la subjectivation et celui qui porte sur l’individuation. La
socialisation est probablement l’axe sur lequel les sociologues se sont le plus penchés. Il
concerne la façon, ou les façons, dont l’individu s’intègre à la société au travers de
l’apprentissage et de l’assimilation des règles et normes de comportement social. Selon les
points de vue, ce processus est malléable et évolutif ou, au contraire, rigide et définitif. La
subjectivation renvoie à la notion de conscience de soi. La prise de conscience de sa condition
par la classe ouvrière en serait un exemple. Selon les approches, cette conscience de soi peut
enfermer l’individu dans une assignation et une dépendance à la domination (par d’autres ou
par des déterminismes) ou, au contraire, peut devenir un levier de changement : « Le projet
de subjectivation fut (donc) dans un premier moment adossé à un sujet collectif et
essentiellement compris en termes émancipateurs. (…) Cette perspective connaîtra entre les
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années 60 et 70 une véritable rupture. Ce que d’une manière polysémique (et pas toujours
avec la clarté nécessaire) on a appelé la “mort du sujet”, a entraîné l’épuisement, plus ou
moins définitif, de la formulation enchantée de la subjectivation. (…) La domination y prend
même parfois une forme tentaculaire qui empêche toute forme de subjectivation
émancipatrice. » (Ibid., p. 6) Pour présenter l’individuation, Danilo Martuccelli cite Wright
Mills : il s’agit de « comprendre le théâtre élargi de l’histoire en fonction des significations
qu’elle revêt pour la vie intérieure et la carrière des individus. » (Mills, 1997 [1959], p. 7) « Le
raisonnement est depuis devenu canonique dans la sociologie : à une société homogène, peu
différenciée, avec peu de cercles sociaux, correspond un individu faiblement singularisé (et
soumis à la “tradition”) tandis qu’une société complexe, hautement différenciée, produit un
individu fortement singularisé (l’acteur de la “modernité”). » (Martuccelli, 2005, p. 8-9)
Si Martuccelli insiste sur l’importance du contexte social et historique pour expliquer le
processus d’individuation, des lectures plus empreintes de psychologie ou de psychanalyse
vont venir lui donner une autre dimension. Lorsque Vincent de Gaulejac décrit ce qu’il appelle
les différentes figures du sujet, il définit l’une de ces figures comme celle du sujet existentiel.
La manifestation de cette figure du sujet n’est pas sans rappeler ce que Jung dit du processus
d’individuation : « le sujet existentiel affirme son désir d’exister pour lui-même, en apprenant
à reconnaître son propre désir face au désir de l’autre et en se dégageant des projections
imaginaires dont il a pu être l’objet de la part de ses parents, son entourage, ses conjoints, ses
enfants. » (Gaulejac, 2009, p. 25) Pour Vincent de Gaulejac, ce processus concerne une
dimension du sujet qui appartient à « l’univers de l’inconscient, des pulsions, des fantasmes et
de l’imaginaire, là où l’individu est sujet désirant et confronté au désir de l’autre qui contribue
à le produire et/ou à l’assujettir. » (Ibid., p. 26)
Ce que les sciences d’intervention mettent en avant, c’est que le processus d’individuation n’a
rien à voir avec ce que l’on appelle communément celui de l’individualisation. Si le second
concerne l’enfermement des individus dans un narcissisme et une autosuffisance affichés et
un mépris conséquent pour tout souci de l’autre, en particulier, et du collectif (ou du social,
en général, le premier traduit la recherche, par l’individu, de ses ressources et compétences
propres et singulières (provenant d’expériences et de confrontations diverses), qu’il va
pouvoir mobiliser dans toute ouverture à l’autre et au collectif. Pour Joëlle Zask, par exemple,
individuation et socialisation font parfaitement bon ménage : « S’associer ne signifie donc pas
partager un bien commun, mais produire en commun quelque chose qui, ultérieurement et
de diverses façons, est apprécié par chacun des participants et s’offre à lui (prendre une part)
comme une ressource supplémentaire d’individuation. » (Zask, 2011, p. 89), ou, plus loin : « La
liberté associative ne peut se comprendre ni de manière “individualiste”, ni de manière
“holistique”. Elle n’est pas la propriété d’un sujet constitué par avance mais la qualité de ce
type d’interaction qui assure un éclaircissement mutuel entre l’individu et le social. » (Ibid.,
p. 105)
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La réflexivité
C’est Anthony Giddens (1994) qui développe le concept de réflexivité pour exprimer le
mécanisme au travers duquel un sujet se prend, lui-même, pour objet d’analyse. Ce concept
est lié à celui d’individuation dans la mesure où plus l’univers des individus est complexe, plus
la réflexivité leur permet de comprendre comment ils indexent la construction et la cohérence
de leur identité personnelle sur une multiplicité de registres, de « mondes », qui en font les
individus singuliers qu’ils sont et qui leur permettent d’analyser et de gérer cette singularité.
Giddens, en fait, distingue et associe deux compétences antagoniques des individus : la
conscience pratique, correspondant à la routinisation des actions (on pourrait dire, dans le
vocabulaire de Bourdieu, la force de l’habitus) et la conscience discursive, celle au travers de
laquelle ils peuvent adopter un recul critique par rapport à leurs actions. Leur réflexivité, c’est
leur capacité à s’analyser en train d’agir.
Ce concept est, évidemment, important dans la compréhension de ce qui s’engage dans les
interactions entre individus.
En ce qui concerne le collectif
Individuation et socialisation
Comme le montre Joëlle Zask, les processus d’individuation et de socialisation peuvent se
nourrir et s’enrichir mutuellement. C’est ce que nous verrons un peu plus loin dans l’analyse
qu’elle fait de la participation. Ce sur quoi les tenants des sciences d’intervention mettent
l’accent, c’est sur le potentiel que représentent les individus singuliers dans les processus de
diagnostic ou d’élaboration de décision collective. L’individuation et la réflexivité font, des
individus, des experts porteurs d’expériences et d’usages qu’ils sont les seuls à porter dans
l’agencement spécifique de leur singularité. Ils sont, de ce fait, porteurs de sens dont ils ont,
seuls, la clef de la cohérence. Cohérence qui s’enracine dans leur histoire, leur biographie,
leurs aventures, leurs échecs et leurs succès, leurs heurs et malheurs.
À ce titre, ils sont porteurs de ce que l’on peut appeler une « expertise d’usage », dont
personne d’autre ne peut se revendiquer à leur place. Tant dans l’opération de diagnostic
concernant diverses situations concrètes (caractérisation de son quartier, appréciation des
qualités d’un projet ou d’un dispositif, identification des dysfonctionnements d’une institution
ou d’un service, etc.), que dans l’opération de construction d’une décision collective, les
individus peuvent convoquer cette expertise d’usage et en faire profiter le collectif. C’est ce
que montre, plus loin, Joëlle Zask, et qui démontre que l’intérêt pour la participation des
personnes concernées à un diagnostic ou à l’élaboration d’une décision loin de n’être dictée
que par le souci de s’en accorder les bonnes grâces, est une façon évidente d’en améliorer la
pertinence et l’efficacité.
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Dans sa version collective, l’expertise est alors partagée ou distribuée (Trepos, 1996). Elle se
distingue radicalement de l’expertise de l’expert, qui prétend porter seul l’expertise
pertinente. Portée collectivement et en interaction, elle permet à chacun d’enrichir sa
compétence réflexive et son individuation.
Diagnostic
La question du diagnostic est au centre des processus d’empowerment, de participation et
d’activation. Elle exprime « la construction sociale de la réalité » telle qu’en parlent Berger et
Luckmann (2011 [1966]. Pourtant, elle est souvent escamotée dans la mise en œuvre de
dispositifs participatifs. Souvent, en effet, on considère que l’essentiel de la participation
consiste à élaborer conjointement un projet, voire à donner un avis sur un projet, élaboré
préalablement par d’autres. Dans la perspective des sciences d’intervention, le diagnostic est
un élément fondateur de la participation et de l’activation. Il va permettre à des individus
réunis en collectif, non pas de découvrir une réalité objective, en partageant des informations
provenant d’indicateurs reconnus comme fiables, mais de partager leurs points de vue à
propos d’un sujet ou d’une situation qui les concerne et qui concerne leur éventuel projet
d’action. Partager leurs points de vue, cela veut dire créer un espace des intersubjectivités.
Chacun voit, en effet, les choses à partir d’un ensemble de niveaux de perception qui lui sont
propres : « Le sujet qui a de l’initiative ne se réduit pas à un « homo sociologicus », simple
expression de rôles interiorisés par des socialisations. Il garde une possibilité d’arbitrage. Il ne
se ramène pas non plus à un « homo rationalis » livré aux calculs et aux comparaisons. Car,
au-delà du calcul de l’intérêt, le sujet s’engage au niveau du sens. (…) Rendre l’action
intelligible suppose la prise en compte de ces différentes dimensions et la formalisation en
quelques critères estimés pertinents : manière dont le sujet se définit la situation, objectifs
poursuivis, matrice de comportement. » (Rémy, 1989, p. 126)
Rhizome
L’individu individué et réflexif voit sa socialisation se reconstruire d’une façon nouvelle. En
général, les processus primaires de socialisation renvoient assez directement à
l’environnement immédiat des individus et s’appliquent selon des mécanismes de
reproduction plus ou moins routiniers ou traditionnels ou, parfois, plus conscients. La façon
dont Michel Pinson et Monique Pinçon-Charlot (1989) analysent le fonctionnement et le rôle
des rallyes dans les beaux quartiers, montre bien ce que peut être un processus conscient et
intentionnel de socialisation des enfants par leurs parents. Dans ces cas, l’individu est socialisé
à partir d’une logique de reproduction intergénérationnelle d’un habitus de classe. La figure
de l’arbre et de l’arborescence, qu’évoquent Gilles Deleuze et Félix Guattari (1976) est ici
particulièrement appropriée. Surtout si l’on pense à l’arbre généalogique… Les fondements de
la socialisation prennent racine dans une verticalité qui représente l’autorité et la
reproduction de l’institution et détermine le mode privilégié de diffusion : contrôlé, maîtrisé,
vertical.
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Dans le cas de la socialisation d’individus réflexifs et individués, si les formes primaires
peuvent s’assimiler aux précédentes, les secondes se construisent probablement beaucoup
plus sur le modèle du rhizome. La verticalité fait place à l’horizontalité ou à la transversalité.
La construction de liens se fait sans direction définie, mais au gré des expériences. Les liens ne
sont pas exclusivement réciproques, mais s’ouvrent sur de nouveaux liens correspondant aux
différents plans ou mondes dans lesquels les individus naviguent. Il en résulte une complexité
des réseaux de socialisation, mais aussi une très grande solidité (une connexion coupée est
remplacée par d’autres connexions, le système est maillé, c’est-à-dire qu’il y a plusieurs façons
de cheminer d’un point à un autre). C’est le principe des réseaux techniques d’acheminement
d’eau ou d’électricité. Autrement dit, la socialisation des individus réflexifs et individués est
une socialisation en réseau qui déplace les objectifs et modes de socialisation. L’appartenance
à un groupe spécifique, une entreprise, une collectivité, devient secondaire dans l’émergence
d’un système de connexion libre et réticulaire.
En ce qui concerne l’action collective
Participer
Joëlle Zask décrit la participation comme la combinaison de trois moments concernant le
rapport de l’individu au groupe : celui où il « prend part » à la vie du groupe, celui où il
contribue à son développement et son enrichissement et celui où il bénéficie, en retour, de sa
participation au groupe (Zask, 2011). Dans le moment où l’individu « prend part », Joëlle Zask
explique qu’il s’agit de tout autre chose que de « faire partie ». On fait partie d’une
communauté sans en constituer un membre à part entière. Une communauté peut n’être
qu’une simple collection d’individus semblables et interchangeables, comme une armée, par
exemple. Alors qu’un groupe dynamique suppose que ses membres soient individués et
réflexifs. Dans le moment où l’individu contribue, il apporte sa part au groupe au travers de
son expertise propre, de sa singularité, de ses compétences et de son investissement. Enfin,
dans le moment du bénéfice, l’individu retire de sa participation au groupe un
enrichissement, d’abord de ses propres projets rendus possibles par l’intermédiaire et le
soutien du groupe, mais aussi de sa propre personnalité. Il y a une sorte de boucle récursive
dans la participation qui enrichit successivement et réciproquement l’individu et le groupe.
Comme pourrait le dire Edgar Morin dans ses formulations bien connues, l’individu enrichit le
groupe qui l’enrichit en retour.
La participation est donc analysée, dans cette perspective, comme un va et vient entre le
groupe et l’individu.
Espace public et éthique de la discussion
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La mise en discussion des objets de la participation : la réalisation d’un diagnostic collectif, la
construction de la décision, etc., suppose que soient identifiés et « sanctuarisés » les espaces
(physiques ou virtuels) du débat. Appelons-les des espaces publics. Sans eux, il ne peut y avoir
de délibération, de discussion, de construction de compromis. Ils supposent l’existence de
règles, pas nécessairement définitives et figées mais évolutives, comprises et discutées par les
membres du groupe. C’est ce processus que Jean-Daniel Reynaud appelle la « régulation
conjointe » (Reynaud, 2007 (1995]), façon des membres d’un groupe de s’autoréguler
collectivement. Sans ces règles, les jeux pourraient être largement faussés (effets de
domination, de leadership, d’imposition, d’ « expertise imposée », etc.).
Conclusion
Si l’on se place dans la perspective de la sociologie et des sciences sociales de l’intervention
(comme l’est déjà la psychothérapie institutionnelle et le sont déjà ou peuvent l’être certains
courants de la psychologie, de l’économie (en particulier sociale et solidaire), des sciences de
gestion, des sciences de l’information et de la communication, des sciences de l’éducation, de
l’urbanisme et de l’aménagement, etc., on voit bien l’importance du concept d’acteur et des
paradigmes dans lesquels il s’insère.
Il importe de bien comprendre sa ou ses signification(s) et, pour cela, de bien comprendre les
filiations et héritages épistémologiques dont il est issu. Le fait, pour les sciences d’intervention
de revendiquer des méthodologies souples, métissées, innovantes et imaginatives, le fait pour
ces sciences de revendiquer des filiations de disciplines et de courants différents (parfois
antagoniques pourraient penser certains), n’épargne aucun effort de précision conceptuelle.
Le fait, pour ces sciences, de privilégier la recherche-action comme méthode heuristique, et
de la pratiquer en compagnie des acteurs de terrain engagés dans des pratiques concrètes et
n’appartenant pas au cénacle des chercheurs reconnus institutionnellement, n’autorise pas
pour autant le fourre-tout sémantique. Au contraire, plus les disciplines se rencontrent et
s’épaulent, plus elles doivent s’interpeller sur leurs façons respectives d’appréhender les
choses et désigner les mots pour les dire.
La question de l’activation de ces concepts est celle de la sociologie et des sciences sociales
d’intervention, tout comme celle de l’intervention sociale. Quels sont les moyens et méthodes
permettant la construction, parfois la reconstruction de sujets-acteurs ? Quelles sont les
étapes de ces constructions ou reconstructions, des différentes formes de socialisation à
l’action collective, en passant par l’affirmation de la singularité de chacun (et de la nécessité
de comprendre celle de l’autre) et par la construction d’une réflexivité permettant de prendre
de la distance par rapport aux situations immédiatement vécues et d’en comprendre les
enjeux et les cadres ? Quels sont aussi les protocoles permettant que se constituent les
espaces publics de la rencontre et du débat, leurs règles du jeu, leurs régulations ? Sinon, à
quoi sert d’affirmer le principe de la capacité d’agir des acteurs s’il n’est pas inscrit
concrètement dans tous les actes de la vie quotidienne ? S’il ne permet pas de résister aux
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déterminismes et de produire le changement social, capacité permanente à réinterroger les
contextes et les finalités de l’action collective ?
Penser local, agir global, sortir du débat holisme ou individualisme méthodologique
Lorsque s’inventait la formule « Penser global, agir local », il était implicitement admis qu’il y
avait une partition entre l’endroit où l’on pense (qui est la sphère du global, mais aussi celle
du lointain et du haut) et celui où l’on agit (qui est la sphère du local, du proche et du bas).
S’il y a une aspiration forte qui s’exprime dans la formule, c’est celle de pouvoir agir en
connaissance de cause. Quand on parle de top down et de bottom up, on reproduit cette
partition. Certes on peut faire des choses en bas, mais c’est en bas et il se passe probablement
des choses plus nobles en haut. Aborder ainsi la question de la participation, de
l’empowerment, c’est, d’une certaine manière, donner du grain à moudre à ceux d’en bas
pendant que ceux d’en haut continuent à décider de la marche des choses.
Il me semble que l’advènement du sujet ou, plus encore, la surrection de l’acteur, tels
qu’analysés par les tenants de la sociologie et des sciences sociales d’intervention, permettent
de penser autrement cette articulation entre, individus et sociétés, micro et macro, local et
global. Par provocation, dans un premier temps, je suggère de renverser la formule et de
supposer que l’empowerment et la participation doivent permettre de penser aussi le monde
comme procédant des actions et interactions quotidiennes de l’ensemble des « personnes
concernées » par des situations concrètes. J’emploie à dessein le terme de « personnes
concernées » puisqu’il fait aujourd’hui son apparition dans les textes de lois pour remplacer
celui d’ « usagers », ou, en économie, pour remplacer celui « d’actionnaires »3. Ainsi,
pourrions-nous dire que la dynamisation des logiques d’acteurs et de leurs interactions peut
aussi permettre de « penser local pour agir global ». Non pas pour supposer, comme le fait le
courant de l’individualisme méthodologique, que le réel est la résultante de l’action et des
interactions des individus, et n’est que cela, mais, au contraire, pour dire, en écho à ce que dit
Edgar Morin de la dialogie, que peuvent s’articuler les deux formules, expressions de forces
antagoniques mais complémentaires, à la fois de mouvement et d’unité. C’est dans ce sens,
qu’empowerment (que d’autres appellent advènement du sujet) et qu’activation (que
j’appelle surrection de l’acteur), peuvent exprimer la mise en dynamique des acteurs et des
situations, l’aptitude au changement et aux transformations sociales, dans une
compréhension des rapports dialogiques entre individus et sociétés, micro et macro, local et
global, déterminisme et actionnalisme.
On voit bien, semble-t-il, combien les perspectives actionnaliste et interactionniste ouvrent
des pistes en matière de connaissance et de compréhension de dynamiques de construction
du sens et de constitution du collectif, mais on voit aussi comment elles permettent de
3 Cf. L’apparition, en sciences de gestion et en management, du terme de « stakeholders », pour signifier, dans l’entreprise, cet ensemble de « personnes concernées » ou « prenant part », dans les problématiques de responsabilité sociale ou de démocratie participative au-delà des simples actionnaires (stockholders).
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reconsidérer ou d’affiner les logiques de l’action concrète, particulièrement dans le champ de
l’intervention sociale.
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Pour citer cet article Référence électronique Yves Gilbert,"Penser l'empowerment, la participation ou l'activation : la lente et difficile émergence du concept d'acteur en sociologie", Sciences et actions sociales [en ligne], N°1 | 2015, mis en ligne le 16 avril 2015, URL : http://www.sas-revue.org/index.php/17-varia/16-penser-l-empowerment-la-participation-ou-l-activation-la-lente-et-difficile-emergence-du-concept-d-acteur-en-sociologie
Auteur Yves Gilbert
Professeur de sociologie
Université de Perpignan via Domitia
Laboratoire CORHIS, EA 008 UPVD-Montpellier 3
gilbert@univ-perp.fr
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