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Repères à l’attention des entreprises de l’Inter-secteurs Papiers Cartons:
Comment traiter de la pénibilité liée aux horaires atypiques ?
Restitution du cabinet Ergonova
Béatrice Barthe, Docteur en ergonomie, Maître de conférence en ergonomieOlivier Gonon, Docteur en ergonomie, Ergonome Européen ®Odile Lebon, ErgonomeGabin Gindro, Ergonome Européen ®
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Sommaire
Préambule : la question de la pénibilité
1. Un point sur les horaires atypiques 1.1. De quoi parle t-on ?1.2. Effets des horaires atypiques1.3. Éléments de caractérisation et avis expert1.4. Comparaison entre 2 systèmes d’horaires : 3x8 vs 2x12
2. Des connaissances pour l’action2.1. Quelques paradigmes2.2. Leviers d’action2.3. Recherche de compromis
3. La conception d’un système d’horaires atypiques3.1. Intégration de différents corpus de données 3.2. Mise en œuvre d’une démarche projet
En savoir plus : bibliographie
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Deux versants de la pénibilité dans le débat social : •La pénibilité qui joue sur l’espérance de vie, avec ou sans incapacité : risques connus et avérés sur la santé, liés aux expositions professionnelles. C’est le critère proposé et argumenté par le rapport Struillou (2003)
•La pénibilité « vécue » au travail : à l’origine de symptômes d’usure physique et psychique, dont les effets à long terme sur la santé des salariés ne sont pas nécessairement démontrés (Lasfargues, 2005)
Risque et Pénibilité sont deux versants de la pénibilité au travail, qui ne se recouvrent qu’en partie (cf. figure ci-dessous) :
Il peut y avoir risque identifié sur la santé sans que les conditions de réalisation du travail soient ressenties comme pénibles, par les personnes concernées : exemple des agents cancérogènes tel l’amiante
Inversement les opérateurs peuvent ressentir de la pénibilité dans leur travail, sans que soit identifié un risque d’atteinte avéré, en l’état des connaissances, sur la santé
Le travail de nuit et en horaires alternants est pénible dans ces 2 acceptions : risque avéré sur la santé et pénibilité ressentie
Préambule : la question de la pénibilité
Le travail de nuit ou en horaires alternants
P É NIBILIT É RISQUE
P é nibilit é ressentie sans Risque ( actuellement ) identifi é
P é nibilit é et
Risque
Risque sur la sant é sans P é nibilit é ressentie Struillou Y. [2003], Pénibilité et retraite,
Rapport pour le Conseil d’orientation des retraites. http://www.cor-retraites.fr/article281.htmlLasfargues, G. (2005) Départs en retraite et « travaux pénibles » : l’usage des connaissances scientifiques sur le travail et ses risques à long terme pour la santé. http://www.cee-recherche.fr/fr/rapports.htm
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1. Un point sur les horaires atypiques
1.1. De quoi parle t-on ?1.2. Effets des horaires atypiques1.3. Éléments de caractérisation et avis expert1.4. Comparaison entre 2 systèmes d’horaires
atypiques : 3x8 vs 2x12
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1. Un point sur les horaires atypiques1.1. De quoi parle t-on ?
1.1.1. Définitions
Horaires atypiques Terme qui englobe une grande diversité d’horaires de travail, différents de ceux de la journée et/ou de la semaine normale(s) :
Exemples : travail tôt le matin, tard le soir, travail de nuit, horaires coupés, postes longs (+ de 10h), travail du week-end (mais également travail à temps partiel, horaires imprévisibles, semaines irrégulières, etc.)
Travail posté Forme d'organisation temporelle du travail dans laquelle au moins 2 équipes se succèdent pour assurer la continuité d'un bien ou d'un service
Travail de nuit Tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit. La période légale du travail de nuit peut être remplacée par accord collectif de branche étendu ou par accord d'entreprise
Travail de nuit, extraits de textes réglementaires (Loi du 9 mai 2001)La période légale du travail de nuit peut être remplacée par accord collectif de branche étendu ou par accord d'entreprise, par une autre période de 9 heures consécutives comprises entre 21h et 7h, mais comportant l'intervalle entre 00h et 5h (exemple : de 20h à 5h)La loi définit par ailleurs le travailleur de nuit comme tout travailleur qui accomplit deux fois par semaine 3 heures de son temps de travail entre 21h et 6h (ou un nombre d’heure défini par convention ou accord étendu)Le recours au travail de nuit doit être exceptionnel et justifié par des impératifs économiques et sociaux figurant dans un accord (convention collective ou accord de branches professionnelles)L’accord collectif mettant en œuvre le travail de nuit « doit prévoir une contrepartie sous forme de repos compensateur et, le cas échéant sous forme de compensation salariale, ainsi que « l’organisation de temps de pause »
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1. Un point sur les horaires atypiques 1.1. De quoi parle t-on ?
Modèle du conflit supporté par les opérateurs en horaires atypiques (d’après Quéinnec, Teiger & De Terssac, 2008, p.96)
Organisation du travail8h
8h8h
12h 12h
« Fatigue »N M AM
CONFLIT
CONSÉQUENCES
Nuit Jour
Rythmicités biologiques
Organisation de la vie socialeRepos
Activité
• L’organisation du travail en horaires atypiques entrent en conflit avec :
Les rythmicités biologiques
L’organisation de la vie sociale
Et la « fatigue » liée à la durée de la veille
• Ce conflit a des répercussions sur :
La santé des salariés, et leur vie sociale et familiale
La qualité de leur travail
1.1.2. Le travail posté : conflit de temporalités
•L’organisation du travail sur les 24h (3x8, 4x6 ou 2x12) véhicule l’illusion d’un état constant des personnes au travail, quelle que soit l’heure du jour et de la nuit•Or, les personnes travaillant à des horaires postés se trouvent dans une situation de conflit déterminé par des temps en désaccords , comme expliqué ci-dessous :
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La majorité des fonctions biologiques, physiologiques, ainsi que de nombreux processus psychologiques sont soumis à une rythmicité circadienne, avec pour la plupart un « maximum » en journée et un « minimum » la nuit
• Définition d’un rythme circadien : il suit des variations régulières et prévisibles avec une période de 24h
Les horaires de travail de nuit imposent aux opérateurs de fonctionner à l'inverse de cette rythmicité : ils travaillent au moment où leur organisme est au plus bas de son activité et ils vont se coucher au moment où leur organisme est prêt à être actifCe déphasage engendre des effets avérés sur la santé
1. Un point sur les horaires atypiques1.2. Effets des horaires atypiques
Gadbois, C., 1998, Horaires postés et santé. In Encyclopédie Médico Chirurgicale (Elsevier, Paris), Toxicologie-Pathologie professionnelle, 16-785-A-10, 6p.Haus, E. & Smolensky, M. (2006). Biological clocks and shift work : circadian dysregulation and potential log-term effects. Cancer Causes Control, 17, 489-500.
1.2.1. Des effets sur la santé : le syndrome du travailleur posté
• Altération du sommeil En quantité : dette de sommeil En qualité : structure du sommeil modifiée
• Pathologies digestives Dyspepsie (brûlures d’estomac, ballonnements, nausées…), Gastrites, ulcères gastriques et duodénaux
• Troubles nerveux Irritabilité, dépression, anxiété
• Troubles cardio-vasculaires Hypertension, infarctus
• Risques de cancer Le Centre International de Recherche sur le Cancer de l’OMS
reconnaît en Novembre 2007, le « travail de nuit posté » comme agent probablement cancérogène
Durée d’exposition et variabilité interindividuelle
Ces différents troubles apparaissent au bout d’un certain temps (1 an, 5 ans, 10 ans, 15 ans…)et n’affectent pas tout le monde (entre 30% et 80% selon les symptômes et les situations de travail)
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1. Un point sur les horaires atypiques1.2. Effets des horaires atypiques
Certaines personnes supportent assez longtemps les horaires atypiques, d’autres nono Il existe une grande variabilité interindividuelle
o Dans tous les cas, il n’y a pas accoutumance au travail de nuit mais une intolérance progressive croissante
Il n’est pas possible de fixer avec précision un seuil limite d’exposition en deçà duquel les effets sur la santé n’apparaîtraient pas et au delà duquel les effets sur la santé apparaîtraient de manière systématiqueo Néanmoins, l’ensemble des études scientifiques suggère de limiter à 10 ans la durée d’exposition au
travail de nuit
D’autres facteurs viennent aggraver les effets nocifs du travail de nuit sur la santé : o Les conditions de travail, les exigences des tâches, l’âge, le mode de vie, …
Le retour à des horaires normaux ne va pas toujours de pair avec une disparition des troubles de santé
Remarque : l’effet « Homme sain »• Les incidences du travail posté sur la santé ne sont pas facilement identifiables du fait de l’effet «
Homme sain »
• Les opérateurs en horaires postés ou en horaires de nuit présentent parfois des profils de santé globalement satisfaisants :
o Le plus souvent, les atteintes à la santé se manifestent au bout de longues années de travail
o De plus, les opérateurs les plus fragilisés, ne supportant pas cette organisation du travail, la quittent pour des postes de jour donc ils n’appartiennent donc plus aux effectifs des postés
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1. Un point sur les horaires atypiques1.2. Effets des horaires atypiques
Barthe B., Quéinnec Y. & Verdier, F. (2004) L’analyse de l’activité de travail en postes de nuit : bilan de 25 ans de recherches et perspectives, Le Travail Humain, 67,1, 41-61.
1.2.2. Des effets sur le risque d’accident• Des accidents du travail plus graves la nuit
• Des accidents du travail plus nombreux lors des postes de jour et de nuit longs (plus de 9h)
• Risques d’accidents de trajets après le poste de nuit
1.2.3. Des effets sur le travail, en termes de d’efficacitéLa rythmicité circadienne de la vigilance se répercute sur la performance :
• Réduction de performance à des tests sur le fonctionnement cognitif en fin de poste de nuit (mémorisation, raisonnement…)
• En situation de travail, augmentation des erreurs, des écarts à la norme, des assoupissements, du délai de réponse à des signaux, etc. au cours du poste de nuit
1.2.4. Des effets sur l’activité de travail, en termes de régulation• Les opérateurs ne sont pas passifs face aux effets du travail de nuit sur leur état de vigilance
• Ils mettent en place, au niveau de leur activité de travail, des régulations visant tout à la fois à gérer la fatigue et à répondre aux objectifs de travail.
• Ces régulations sont les manifestations du compromis accompli au niveau de l’activité de travail, en voici des exemples : transferts de certaines tâches en début ou en fin de poste utilisation de stratégies ou de modes opératoires différents, plus rapides à certains moments du poste de nuit mise en place d’une dynamique collective (coopérations spontanées, entraides, communications) repos officieux avec prise de relais au sein de l’équipe …
• Nécessité que ces régulations puisent se mettre en place, pour la santé des personnes et pour la performance et la fiabilité
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1. Un point sur les horaires atypiques1.2. Effets des horaires atypiques
1.2.5. Des effets sur la vie sociale et familiale : la marginalisation du travailleur posté
• Travailler la nuit et en horaires postés c'est vivre à contre sens de l'organisation familiale, amicale et sociale. L’opérateur (ou l’opératrice) travaillant en horaires atypiques est amené(e) à travailler à des moments où sont socialement datées et horodatées des activités :
Parentales : heure d’ouverture et de fermeture de la crèche, de l’école, heure des devoirs, du coucher… Familiales : heure des repas, fin de semaine,... Sportives : entraînements et match des sports collectifs,... Amicales : soirées de fin de semaine,...
• A l’inverse, il peut se retrouver libre, à d’autres moments, sans qu’il soit possible d’accomplir ces mêmes activités, car elles ne sont pas socialement programmées à ces moments-là
• Les caractéristiques de la vie sociale et familiale ne permettent pas toujours au travailleur posté de prendre un repos suffisamment long et de qualité : logement en ville, présence des enfants pendant la prise de repos, horaires de travail du conjoint...
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1. Un point sur les horaires atypiques1.3. Eléments de caractérisation et avis expert
1.3.1. Diversité des systèmes horaires Le travail posté recouvre des systèmes horaires extrêmement divers : 3x8, 4x6, 2x12, etc Pour une même appellation, 3x8h par exemple, on observe également une grande diversité des
systèmes d’horaires Pourquoi ?
o Parce qu’un système horaire se définit à partir de la combinaison entre plusieurs caractéristiques : mode de travail, postes, chevauchement, équipes, fixité ou alternance des postes, vitesse et sens de rotation des postes, pour les principales
Il est important de caractériser dans le détail le système horaire en place car les caractéristiques de ces systèmes n’ont pas les mêmes effets sur la santé, la vie familiale et sociale, ainsi que sur le travail
Ils n’ont donc pas les mêmes impacts sur la pénibilité
D. Equipes : nombre, taille 3, 4, 5 équipes… Effectifs par équipe et par poste
E. Fixité ou alternance des postes Alternance ou fixité de certains postes Si alternance : alternance régulière
(ex : 1 semaine M/ 1 semaine AM et 1 semaine N) ou alternance irrégulière (cycle de rotation de 6, 8, voire 12 semaines)
F. Vitesse et sens de rotation Rotations rapides (1-3 jours sur même
poste) et rotations lentes (5 jours ou + sur même poste).
Sens de rotation : Avant : M-AM N ou arrière : N-AM-M
A. Mode de travail Travail posté discontinu, semi-continu
ou continu (24h/24h, 365j/an)
B. Postes : nombre, durée, horaires prise et fin de poste
2 postes, 3 postes, 4 postes… Postes de 6h, 8h, 10h… 7h30, 9h… Horaires matinaux 4h, horaires tardifs
23h, plages variables ?
C. Temps de chevauchement entre poste (relève)
0mn, 10mn, 30mn, plages variables… Si ce temps existe, est-il outillé ? :
relève orale prescrite, cahier de transmission…
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CritèresRoulement
3x8 D’un point de vue
physiologiqueDu point de vue familial et social
Du point de vue du travail
Horaires prise de poste
3h30
+ ou – selon les charges familiales,
… les temps de transports, …
4h
Horaires fin de poste
11-30 / 19h30+ ou – selon les
conditions de prise de repos, … l’âge
et la santé, …
+ ou – selon le contenu du
travail et ses conditions
d’exécution,…
12h – 20h
Sens de rotation
Rotation avant (M/AM/N)
Rotation arrière (M/N/AM) + ou – selon les
charges familiales,… les temps de transports, …
Vitesse de rotation
Lente : 4 à 5 N (et M) consécutives
Rapide : 2 à 3 N (et M) consécutives
+ ou – selon les conditions de prise de repos, … l’âge
et la santé, …
1. Un point sur les horaires atypiques1.3. Eléments de caractérisation et avis expert
1.3.2. Exemple de caractérisation et d’expertise réalisé auprès d’entreprises de la branche professionnelle
Points positifs
•Les fins de poste à 11h30-12h et à 19h30-20h permettent de participer à la vie familiale (déjeuners et dîners en famille, gestion des enfants avant le coucher), personnelle et sociale (programmes TV en soirée, entrainements sportifs, repas entre amis)
•Le sens de rotation « avant » favorise l’ajustement aux rythmes biologiques
Points négatifs
• Le début de poste de matin à 3h30 et à 4h provoque une dette de sommeil : sommeil de fin de nuit amputé par un réveil à 2h, 2h30 ou 3h
• Le début de poste de matin à3h30 ou 4h implique une prise de poste au moment où la vigilance est au plus bas (la vigilance n’est pas stable, elle suit une courbe sinusoïdale avec un minimum à 4h du matin et un maximum en milieu d’après-midi)
• Le sens de rotation « arrière » est plus difficile pour l’ajustement des rythmes biologiques
• La vitesse de rotation est lente, c’est-à-dire que les personnes restent sur un même poste pendant 4 ou 5 jours consécutifs : cela pose des problèmes importants de fatigue pour les postes de Nuit et les postes de Matin
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CritèresRoulemen
t 3x8
D’un point de vue
physiologique
Du point de vue familial
et social
Du point de vue du travail
Chevauchement
Absence
+ ou – selon les conditions de
prise de repos, … l’âge et la
santé, …
+ ou – selon les charges
familiales,… les temps de transports, …
Agencement poste /repos
3 WE sur 10
+ ou – selon le contenu du travail et ses
conditions d’exécution,
…
2 WE de repos d’affilée
Tous les WE
2 semaines de congés l’été
Délai de prévisibilité
1 an
+ ou – selon les conditions de
prise de repos, … l’âge et la
santé, …
1. Un point sur les horaires atypiques1.3. Eléments de caractérisation et avis expert
Points positifs
• Dans le mode de travail discontinu, tous les week-end de repos permettent aux personnes concernées de se « recaler » tous les 5 jours, d’un point de vue chronobiologique et d’un point de vue social et familial
• 4 jours de repos après les 6 jours travaillés peuvent contrebalancer le fait que les opérateurs n’aient qu’1 WE de repos sur 3
• La prévisibilité du planning permet une conciliation avec la vie personnelle et sociale
Points négatifs
• L’absence de chevauchement entre les postes peut poser des problèmes de transmission des consignes, de prise de poste pour l’opérateur montant (surtout à 4h du matin)
• 3 WE de repos sur 10 ou 2 WE d’affilée de repos sur les 5 WE du cycle, diminue la possibilité de participer à des activités de la vie familiale ou sociale
• Seuls 15 jours de congés l’été ne permettent pas une récupération physiologique suffisante et posent des difficultés d’organisation des vacances avec la famille et les amis
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1. Un point sur les horaires atypiques1.4. Comparaison entre 2 systèmes d’horaires : 2x12 vs 3/8
Au niveau des connaissances généralesdes avantages et des inconvénients du système 2x12 / 3x8
• Avantages• moins de postes sur l’année, moins de postes de nuit• période de non travail allongée• vie personnelle moins affectée• récupération « facilitée » de la dette de sommeil• réduction des coûts pour l’organisation•…
• Inconvénients• baisse de vigilance accrue au cours du poste long• risque d’accident de travail amplifié en fin de poste• élévation du niveau de charge de travail en fin de poste• risque d’accident de trajets lieu de travail - domicile• problème de « reprise en main » en début de poste• gestion de la familiale difficile pendant les postes•…
Au niveau localces avantages / inconvénients doivent être réévalués selon :
Les autres caractéristiques du système d’horaires (cycle de rotation, horaires de prise et de fin de poste, …)
Le contenu du travail (exigences physiques, mentales…) et l’aménagement des situations de travail (organisation des relèves de postes, souplesse des tâches, fréquence et durée des repos, …)
Les situations familiales, l’âge, l’état de santé des personnes concernées La durée d’exposition des personnes aux horaires atypiques
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2. Des connaissances pour l’action
2.1. Quelques paradigmes2.2. Leviers d’action2.3. Recherche de compromis
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2. Des connaissances pour l’action2.1. Quelques paradigmes
Ce qui est acceptable pour le travail de jour ne l’est pas forcément pour le travail de nuit La baisse de vigilance la nuit n’implique pas forcément en parallèle une baisse de la
performance→ D’où la nécessité de s’intéresser à l’activité réellement déployée dans le contexte
de travail local
Les opérateurs mettent en œuvre, dans leur activité de travail, tout un ensemble de stratégies, aussi bien individuellement que collectivement, pour faire face aux contraintes induites par les horaires décalés→ D’où l’importance de décrire ces régulations, de les comprendre, afin d’envisager
des possibilités d’aménagements
Contrairement à ce que l'on pourrait attendre, les connaissances établies en matière de travail de nuit ne consistent pas en une série de recettes à appliquer
En effet, il serait utopique, voire dangereux en matière d'horaires décalés, d'imaginer une organisation idéale, transposable dans toute entreprise
→ Un compromis est à concevoir sur chaque site en intégrant (au moins) 3 pistes de réflexions :
Aménager les horaires de travailAméliorer les conditions de travail
Réfléchir sur les parcours professionnels préservant la santé
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2. Des connaissances pour l’action2.2. Leviers d’action
2.2.1. Des repères de conception d’un système d’horaires atypiques Rotation avant : M/AM/N plutôt qu’arrière = Favorise l’ajustement aux rythmes biologiques Début de poste du matin en dehors du créneau 3h-6h = Diminue les dettes de sommeil et évite la prise
de poste au moment du « creux » de vigilance Vitesse de rotation rapide , pas plus 3 postes de N ou M consécutifs = Évite le cumul de fatigue et
favorise l’ajustement des rythmes biologiques Préserver les WE = Recale les agents d’un point vue chrono biologique et social Les horaires de fin de poste entre 11h et 12h / 19h et 20h = Permettent de participer à la vie familiale
et sociale (repas, sorties, TV..) La prévisibilité du planning à 1 an = Permet une conciliation avec la vie personnelle et sociale
2.2.2. La définition de la relève de poste Elle constitue une période critique en ce qui concerne la charge de travail et la sécurité. Il convient
d’assurer un chevauchement suffisant des postes pour faciliter : les échanges d’informations et la reprise en main progressive du processus par les opérateurs montants
2.2.3. L’évaluation des effectifs par équipe Il s’agit de favoriser la dynamique collective = renforcer et/ou réorganiser les équipes de nuit peut être
une solution pour compenser les effets du travail de nuit sur la fiabilité et sur la santé des opérateurs
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2. Des connaissances pour l’action2.2. Leviers d’action
2.2.4. La mise en place de possibilités de repos lors des postes de nuitDans certaines situations de travail des pauses nocturnes sont organisées officiellement avec des horaires bien définis et des lieux isolés à disposition (dans les entreprises japonaises, par exemple)La littérature scientifique montre un effet bénéfique d’une période de sommeil lors des postes de nuit au niveau de la vigilance, de la fatigue, de l’humeur et du fonctionnement cognitifLe moment de cette période de repos : importance d'un sommeil d'ancrage c'est-à-dire pris régulièrement à la même heure pour favoriser une périodicité normale des rythmes biologiques Inconvénient principal de cette période de repos : conséquences sur les performances immédiatement consécutives au réveil, dues au phénomène d'inertie hypnique
2.2.5. Une réflexion sur les parcours professionnelsLa durée d’exposition joue un rôle important dans l’apparition de ces troubles (syndrome du travailleur posté) et lorsque ces troubles sont avérés ils ne disparaissent pas avec un retour à des horaires stables, de jour. Selon S. Volkoff, différentes données convergent pour indiquer des difficultés à maintenir un travail de nuit plus de 10 ansUne action sur les parcours pour sortir les agents des horaires atypiques doit permettre d’éviter la proposition de postes présentant de fortes contraintes physiques aux anciens travailleurs postésIl s’agit donc de proposer des parcours professionnels en lien avec une démarche de prévention des agents et de gain de compétences
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2. Des connaissances pour l’action2.2. Leviers d’action
2.2.6. L’amélioration des conditions de travailD’autres facteurs de la situation de travail aggravent les effets du travail de nuit sur la santéBien souvent le travail posté se cumule avec d’autres facteurs de pénibilité : ambiance physiques (thermique, sonore, vibrations, expositions à des toxiques, …), exigences physiques (postures pathogènes, ports de charges…), travail isolé, …Agir sur ces éléments de la situation permet de diminuer aussi la pénibilité liée aux horaires de travail atypiques
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2. Des connaissances pour l’action2.3. Recherche de compromis
Quéinnec, Y., Teiger, C.C & Terssac de G. (2008) Repèrespour négocier le travail posté. Toulouse, Editions Octarès
2.3.1. Il n'existe pas de solution unique concevable partout et acceptable par tous La ou les solutions retenues devront être recherchées par atelier, par service...
2.3.2. La recherche de compromis Il n’y a pas de déterminisme absolu ni de la technologie, ni des contraintes économiques et sociales. Le
fonctionnement en continu ne préjuge en rien du nombre des équipes postés, des heures de prise de poste, de la durée des postes, des effectifs par équipes…..
L’organisation du travail fait donc l’objet de choix. Ces choix opèrent dans des domaines différents :• Les caractéristiques du travail : nature des exigences du travail, conditions de travail, contexte de travail
(notamment la nuit)
• Le salaire : majoration de salaire, primes de nuit
• Les conditions de vie hors travail : vie familiale et sociale (enfants à charge, participation ou non du conjoint), le sommeil (possibilités de récupérer, …), loisirs, aspirations personnelles, …
• La santé
Il existe une forte interaction entre ces domaines : la fin du poste de nuit (et donc le début du poste de matin) peut dépendre des moyens de transports (individuels ou collectifs) utilisés par le personnel. Le choix d’un système de rotation dépend aussi de l’avis des conjoints. La durée des postes dépend de la nature du travail et de la fatigue qui en résulte …..
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2. Des connaissances pour l’action2.3. Recherche de compromis
Quéinnec, Y., Teiger, C.C & Terssac de G. (2008) Repèrespour négocier le travail posté. Toulouse, Editions Octarès
2.3.3. Les choix sont nécessairement porteurs de contradictions Les rotations rapides peuvent être préconisées du seul point de vue chrono biologique mais rejetées
en raison de leurs perturbations au plan familial L’allongement du poste de nuit permet de retarder l’embauche du matin mais accroît la fatigue lors
du poste de nuit Les nuits fixes peuvent permettre la garde des enfants en journée (et donc plébiscitées pour des
raisons familiales et financières), au détriment de la récupération de la dette de sommeil Les postes de 12h peuvent être souhaités au regard des avantages au niveau de la vie personnelle
mais poser des problèmes de qualité du travail et de fiabilité Le maintien d’opérateurs souffrant de problèmes de santé en 3x8 peut être nécessaire d’un point de
vue financier (financement de leurs crédits en cours par exemple), mais au détriment de leur santé Il y a bien d’autres choix et d’autres contradictions possibles….
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2. Des connaissances pour l’action2.3. Recherche de compromis
Quéinnec, Y., Teiger, C.C & Terssac de G. (2008) Repèrespour négocier le travail posté. Toulouse, Editions Octarès
2.3.4. Il s’agit donc de rechercher un compromis (global et temporaire) Toute mesure présentera des aspects positifs et négatifs Il convient donc d’évaluer conjointement les avantages et les inconvénients de chaque option Les attitudes collectives et l’évolution des connaissances peuvent conduire à accepter une solution
rejetée antérieurement et inversement
2.3.5. Un compromis acceptable (par tous) ne peut être que négocié Seules les personnes qui auront à fonctionner dans le contexte peuvent l’élaborer, l’évaluer et le
mettre en œuvre, cela implique la nécessaire participation de tous les intéressés Expérimenter des choix pour les évaluer : cela signifie qu’il faut pouvoir faire évoluer les choix
puisque au cours des années les évaluations peuvent changer Dans un choix d’horaires, toutes les dimensions sont concernées. Les aménagements choisis ne
peuvent donc être que des compromis contextualisés et « temporaires »
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2. Des connaissances pour l’action2.4. Actions médicales
Préconisations complémentaires issus de : http://www.travailler-mieux.gouv.fr/
« Actions médicales
Organiser des campagnes collectives de sensibilisation à une bonne hygiène de vie : alimentation et gestion du sommeil en relation avec le travail de nuit et le travail posté
Personnaliser si nécessaire l’information sur des règles de bonne hygiène de vie Assurer le suivi de l’exposition aux risques pour les travailleurs de nuit / postés grâce à la tenue du
dossier médical en santé au travail (DMST) et permettre de détecter des « signes cliniques d’alerte »
Assurer le suivi du reclassement des salariés mis inaptes au travail de nuit / posté Participer à la mise en place des dispositifs de suivi post expositions ou post professionnels »
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3. La conception d’un système d’horaires atypiques
3.1. Intégration de différents corpus de données 3.2. Mise en œuvre d’une démarche projet
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3. L’action de conception d’un système horaire3.1. Intégration de différents corpus de données
Avis expert sur :•Les systèmes horaires prescrits (horaires début / fin, cycles..), sur différents critères (santé, social, familial…)•Le contexte juridique
Avis, objectifs et attentes de la direction : gestion, projets, évolutions technologiques...
Avis, perception et attentes des personnels
Connaissance du contenu du travail : contraintes du travail, modalités d’exécution,
exigences physiques et/ou attentionnelles, ambiances…
Conception d’un
systèmed’horaires atypiques
La conception / transformation d’un système d’horaires atypiques nécessite : Le recueil d’un ensemble de données La mise en œuvre d’une démarche projet favorisant l’intégration des données recueillies
Le recueil de données concerne à minima 4 corpus nommés dans le schéma ci-dessous :
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Avis experts
Quels sont les différents systèmes horaires : période de travail ? Durée des postes ? Structures ? Horaire de prise et de fin de poste ? Temps de chevauchement ? Nombre d’équipes ? Roulement des équipes ? Vitesse de rotation ? Cycle de rotation ? Procédure et pratique de changement d’horaire ? …Connaissances élaborées sur le sujet des horaires de travail : ergonomie, droit, gestion
Avis, objectifs et attentes Direction
Attentes face au changement de législation ? Éléments de réflexion en cours ? Budget ? Projet ? Remontées en termes d’absentéisme ? De congés ? D’accident (gravité, durée, fréquence, postes… ) ? De demande TH ? De restrictions ? Compensation financière ? Justification du système horaire ? Point de vue sur les horaires en place ? Évolutions technologiques ? Projets ? …
Avis, perceptions et
attentes Personnels
Caractéristiques de la population : Age ? Ancienneté au poste ? Au type d’horaire ? Dans l’entreprise ? Genre ? Situation familiale ? Métier et poste occupé ? Durée d’exposition aux horaires atypiques ? Distance domicile-travail ? Problèmes de santé ? Point de vue sur les horaires en place ? Attentes vis-à-vis des parcours professionnels ? …
Connaissance du contenu du
travail
Observation des situations de travail : ambiances physiques, exigences physiques, exigences attentionnelles, exigences organisationnelles…Identifier les régulations individuelles ou collectives en lien avec les horaires atypiques.
3. L’action de conception d’un système horaire3.1. Intégration de différents corpus de données
Pour les différents corpus de données, à quelles questions doit-on répondre ?
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La démarche projet doit intégrer à minima :
L’identification d’un responsable de projet, et l’affectation de moyens humains et matériels associés
La mise en place d’un groupe de travail (responsable projet, direction, agents, DP, CHSCT…), avec si besoin une assistance extérieure (ergonome, juriste, RH...)
Un partage par les différents acteurs de l’état des lieux et des objectifs futurs à atteindre La mise en œuvre d’une méthodologie de travail « participative » intégrant l’ensemble des acteurs
concernés, et également la réalité du travail Le choix et la validation de « solutions » par l’ensemble des acteurs projet La possibilité de réaliser des expérimentations avec « retour en arrière » possible
→ Il s’agit donc de mettre en œuvre une démarche globale et analytique mais également un processus négocié et itératif
→ La finalité est la construction de solutions (= compromis) comprises et validées par le plus grand nombre répondant à des objectifs d’efficacité, qualité et de santé des salariés
3. L’action de conception d’un système horaire3.2. Mise en œuvre d’une démarche projet
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En savoir plus : bibliographie
• Barthe B., Quéinnec Y. & Verdier, F. (2004) L’analyse de l’activité de travail en postes de nuit : bilan de 25 ans de recherches et perspectives, Le Travail Humain, 67,1, 41-61.
• Barthe, B., Gadbois, C., Prunier-Poulmaire, S. & Quéinnec, Y. (2004). Travailler en horaires atypiques. In P. Falzon (Ed.) Ergonomie (pp. 129-144). Paris : Presses Universitaires de France.
• Barthe, B. (2009) Les 2x12h : une solution au conflit de temporalités du travail posté ?, Temporalités [En ligne], 10 | 2009, mis en ligne le 30 novembre 2009. URL : http:// temporalites.revues.org/index1137.html
• Edouard, F. (2010) Le travail de nuit : impacts sur les conditions de travail et de vie des salariés. Avis et Rapport du Conseil économique, social et environnemental, République Française, 91p.
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• Quéinnec, Y., Teiger, C.C & Terssac de G. (2008) Repères pour négocier le travail post, Toulouse : Editions Octarès.
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• Volkoff Serge, (2005) « L’ergonomie et les chiffres de la santé au travail : ressources, tensions et pièges », Toulouse, Octarès, 244p.
• Volkoff Serge, Marquié Jean-Claude, Paumès Dominique, (1995) « Le travail au fil de l'âge », Toulouse, Octarès, 512 p., (édition anglaise, "Working with age", éd.Taylor & Francis, 1998, 395 p.)
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