Post on 24-Jan-2021
Faculteit Letteren & Wijsbegeerte
Les propositions concessives
extensionnelles scalaires en français écrit
contemporain
Une étude de corpus
Ine Hanssens
Promotor : Prof. dr. Pascale Hadermann
Vakgroep Franse Taalkunde
Masterproef voorgelegd tot het behalen van de graad van
Master in Taal- en Letterkunde: Frans-Italiaans
Academiejaar 2015-2016
Table des matières
Introduction ........................................................................................................................... 3
1. Cadre et questions de recherche ..................................................................................... 6
1.1. Cadre général .......................................................................................................... 6
1.1.1. Définition sémantique de la concession .......................................................... 6
1.1.2. L’expression de la concession ....................................................................... 11
1.1.3. Les difficultés de la classification des concessives ....................................... 12
1.1.4. Les constructions concessives extensionnelles scalaires ............................... 15
1.2. Les caractéristiques spécifiques des variantes ...................................................... 18
1.2.1. Si .................................................................................................................... 18
1.2.2. Aussi .............................................................................................................. 19
1.2.3. Quelque .......................................................................................................... 19
1.2.4. Tout ................................................................................................................ 20
1.2.5. Pour ............................................................................................................... 21
1.2.6. Tant ................................................................................................................ 23
1.3. Bilan intermédiaire ............................................................................................... 24
1.4. Questions de recherche ......................................................................................... 25
2. Méthodologie: l’étude des corpus ................................................................................ 26
3. Analyse quantitative ..................................................................................................... 29
3.1. Les différents marqueurs ...................................................................................... 29
3.2. Concessives en que ou avec inversion .................................................................. 32
3.2.1. Les concessives en que .................................................................................. 35
3.2.2. Les concessives sans que ............................................................................... 40
3.3. La position de la proposition concessive dans la phrase....................................... 42
3.4. La coréférence entre la subordonnée et la principale............................................ 45
3.5. Les lexèmes les plus couramment utilisées .......................................................... 48
4. Analyse qualitative ....................................................................................................... 51
4.1. Les marqueurs doubles ......................................................................................... 51
4.2. Les configurations non attestées dans le corpus ................................................... 53
4.3. La place de la proposition : les concessives plus ou moins intégrées dans la phrase
principale .......................................................................................................................... 56
4.4. La coréférence ....................................................................................................... 58
4.4.1. Cas de coréférence non standard ................................................................... 58
4.4.2. Les concessives sans coréférence .................................................................. 60
4.4.3. La concessive comme complément de l’énoncé............................................ 61
4.5. Les verbes ............................................................................................................. 64
4.5.1. Les verbes atypiques dans la concessive ....................................................... 64
4.5.2. Le mode des verbes ....................................................................................... 66
4.6. Les adjectifs .......................................................................................................... 68
4.6.1. La nature des adjectifs ................................................................................... 68
4.6.2. Plusieurs adjectifs .......................................................................................... 70
4.7. Bilan ...................................................................................................................... 70
Conclusion ........................................................................................................................... 72
Bibliographie ....................................................................................................................... 76
Annexes ............................................................................................................................... 78
Exemples issus de PORC ................................................................................................. 78
Exemples issus de Frantext catégorisé ............................................................................. 85
(23750 mots)
3
Introduction
Ce mémoire vise à analyser la distribution des différentes réalisations que le Bon Usage
(2015) appelle « les concessives exprimant un fait variable » (2015 : §1149). Dans ce type
de structures, la concession porte sur le fait que « le procès qu’elle décrit n’a pas atteint un
niveau tel qu’il puisse empêcher la réalisation du procès de la principale » (TLFi, article si²
- II.B). Ainsi, la paraphrase de (1) sera « Quel que soit le degré de difficulté de l’entreprise,
je dois l’aimer et prendre son parti contre tous. » et celle de (2) « Quel que soit le degré
d’étrangeté de l’hypothèse, elle peut permettre de mieux saisir l’histoire. ».
(1) Il me fallait non seulement l’aimer [Silbermann], mais prendre son parti contre
tous, si difficile et si ingrate que fût l’entreprise. (Lacretelle, Silbermann,
1922, p. 69, in TLFi, article si² - II.B)
(2) J’ai le sentiment très net que cette hypothèse, si étrange soit-elle, peut permettre
de mieux saisir ce qu’est l’histoire. (G. Marcel, Journal, 1918, p. 136, in TLFi,
article si² - II.B)
Dans ces propositions concessives, qui réfèrent à un élément variable en degré, un terme est
toujours déplacé au début de la proposition : il peut être suivi de que ou déclencher
éventuellement l’inversion de l’ordre sujet-verbe.
L’objectif de notre étude est d’étudier plus particulièrement les cas dans lesquels l’élément
détaché est un adjectif1, introduit par un adverbe quantifieur si (3), aussi (4), quelque (5),
tout (6) ou tant (7) ou par la préposition pour (8), illustrés ci-dessous par des exemples tirés
du Bon Usage (2015 : § 1149 et § 1151 (exemple de tout)) :
(3) Si mince qu’il puisse être, un cheveu fait de l’ombre. ( Littré, article si2, 10°)
(4) Aussi pur, aussi grand que soit ce que l’on fit, / Il y aura des gens pour y
chercher profit ! (E. Rostand, Princesse lointaine, III, 4.)
(5) Quelque sombres que fussent les perspectives évoquées par mon fils, il était
impossible de nier l’existence des risques qu’il envisageait. (A. David-Néel,
Voyage d’une Parisienne à Lhassa, p. 254)
1 L’élément détaché peut également être un substantif ou un adverbe.
4
(6) Tout nouveau venu que je sois, je gagne probablement autant que vous (Butor,
Emploi du temps, p. 37).
(7) Tant respectables que soient les intérêts des auteurs, des libraires et des
éditeurs, il est un intérêt plus respectable encore, celui du lecteur. (L. Treich,
dans le Soir [Bruxelles], 15 oct. 1949)
(8) Ce texte, pour intéressant qu’il soit, n’est donc pas probant non plus. (Brunot,
Histoire de la langue française, cit. Sandfeld, t. II, p. 388)
Le fonctionnement et la formation des concessives exprimant un fait variable ont déjà été
largement traités dans un bon nombre de grammaires, comme le Bon Usage (2015), ainsi
que les grammaires d’entre autres Le Goffic (1993), Charaudeau (1992) ou Riegel et al.
(1994). Cependant, la langue étant soumise à des évolutions et des variations, ces
grammaires ne fournissent souvent pas d’image fidèle de l’utilisation réelle de ces
constructions. Il existe des articles spécialisés qui traitent les concessives de manière
descriptive au lieu de prescriptive, mais ceux-ci adoptent souvent un point de vue très
spécifique : Gachet (2014) a examiné toutes les formes des concessives que nous traiterons
ici dans une approche diachronique et Hadermann (2015) a étudié les concessives en si et
en aussi en s’interrogeant sur la nature de la liaison prédicationnelle entre la concessive et
le reste de la phrase. Par conséquent, il nous semble utile d’approfondir la description des
concessives exprimant un fait variable, en tenant compte de toutes les variations possibles
et en examinant l’influence du marqueur introducteur sur le reste de la proposition. Afin
d’effectuer une étude empirique et synchronique, nous nous sommes servie de deux corpus
écrits : PORC et Frantext catégorisé (cf. infra : § 2.), dont nous avons extraits 306
occurrences pertinentes pour notre étude.
Notre travail s’articule autour de quatre parties. Le premier chapitre, en faisant référence à
quelques ouvrages de référence et articles spécialisés, fournira d’abord un cadre descriptif
général (§ 1.1.). Nous définirons le concept de concession (§ 1.1.1.), en le confrontant avec
des notions proches, telles que la condition, l’opposition et la restriction, et nous regarderons
de quelle façon la concession peut être exprimée (§ 1.1.2.). Puis nous aborderons la question
de la classification des constructions concessives (§ 1.1.3.). Enfin nous identifierons les
caractéristiques sémantiques et syntaxiques des concessives exprimant un fait variable (§
1.1.4.). Dans la deuxième partie du premier chapitre (§ 1.2.), nous traiterons de la diachronie
et des propriétés particulières des concessives en question, en tenant compte des spécificités
5
des éléments introducteurs : les adverbes si, aussi, quelque, tout et tant ou la préposition
pour. Le deuxième chapitre décrira la méthodologie adoptée pour les recherches empiriques
effectuées. Ensuite le troisième chapitre présentera de façon quantitative les données
obtenues des corpus. Dans le quatrième chapitre, nous analyserons qualitativement les
mêmes données, en nous concentrant surtout sur les cas particuliers ou déviants. Nous
terminerons avec une brève conclusion sur les résultats obtenus, dans laquelle nous
fournirons un aperçu complet de toutes les variations possibles des concessives exprimant
un fait variable. En outre, nous résumerons dans la conclusion quels sont les traits distinctifs
pour chaque marqueur.
6
1. Cadre et questions de recherche
1.1. Cadre général
1.1.1. Définition sémantique de la concession
Afin de mieux cerner le fonctionnement des concessives exprimant un fait variable, nous
donnerons un bilan de la manière dont la concession est généralement appréhendée dans
quelques ouvrages des référence. Nous serons amenée à envisager des rapports logiques
proches de la concession.
Ainsi, Couper-Kuhlen & Kortmann (2000) suggèrent que les relations de cause, condition,
concession et contraste (ou opposition) sont fortement liées. En effet, certaines langues les
expriment de la même façon. Par exemple, le connecteur anglais for peut avoir une
interprétation causale (1), ce qui est plutôt rare, ou concessive (2)2.
(1) He was rewarded for his bravery.
(2) For all his personal responsability for the manipulation of power, he has not
done anything illegal.
Dans les paragraphes qui suivent, nous donnerons une définition de la concession en
confrontant cette notion à celles de cause, de condition et de contraste (opposition).
Le plus souvent la concession est décrite comme une cause qui ne réussit pas à susciter
l’effet attendu ou prévu. Une telle définition se trouve par exemple dans le Bon Usage
(2015), chez Soutet (2012) ou chez Morel (1996). Cette dernière, qui a dédié une œuvre
complète à l’expression de la concession en français, établit encore une sous-division en
trois types: la concession logique, la concession rectificative et la concession argumentative.
La concession logique, illustrée dans (3), exprime simplement une discordance entre une
cause et sa conséquence attendue, en mettant l’accent sur l’effet surprenant. La concessive
rectificative, présentée dans l’exemple (4), se trouve toujours après la phrase principale et
en affaiblit la portée. Il s’agit donc d’une correction par rapport à ce qui a été dit auparavant.
Enfin la concession argumentative, illustrée dans (5) combine les valeurs des deux autres
types.
2 Exemples tirés de König & Siemund, Causal and concessive clauses : Formal and semantic relations, dans
Couper-Kuhlen & Kortmann (2000), Cause, Condition, Concession, Contrast.
7
(3) Bien qu’il pleuve, il sort. (Morel, 1996 : 6)
(4) Vous pouvez tourner sur la petite place là, encore qu’il y a ait beaucoup de
voitures en stationnement aujourd’hui. (ibid. : 10)
(5) Certes je reconnais qu’elle a grand air, et elle a bien ces yeux extraordinaires
dont tu me parlais, mais enfin je ne la trouve pas tellement inouïe que tu disais.
(ibid. : 16)
Dans (3), nous trouvons en fait une dissociation d’une cause (la pluie) et son effet prévu (ne
pas sortir). La phrase principale dans l’exemple (4) affirme la possibilité de tourner sur la
petite place. La concessive rectificative qui suit rend cette possibilité moins évidente : les
voitures en stationnement compliqueront la situation. L’exemple (5) montre d’une part une
opposition comme dans (3) : normalement, si une personne a grand air et des yeux
extraordinaires, on la trouve inouïe. D’autre part, nous retrouvons également une
rectification telle qu’elle figure dans (4) : la première partie de la phrase décrit la personne
en question comme très admirable, tandis que la deuxième partie de la phrase affaiblit
légèrement cette image positive.
En outre, les trois concessives ci-dessus sont introduites par des marqueurs très différents.
Dans les exemples (3) et (4), les conjonctions de subordination bien que et encore que
marquent les propositions concessives. Selon Morel (1996), bien que évoque toujours une
concession logique et encore que est typique pour l’expression de la concession rectificative.
La concessive argumentative dans (5) comporte un marqueur double : la première
proposition est introduite par l’adverbe certes, qui relève de la modalité épistémique, et la
deuxième proposition est marquée par mais, qui exprime une opposition.
Selon Hadermann (2015), la concessive se caractérise par la combinaison d’une protase3 et
d’une apodose4, schéma que nous retrouvons aussi dans les conditionnelles, comme dans
(6). Elle distingue trois sous-groupes selon le caractère factuel ou non de la protase et de
l’apodose. Premièrement, dans le cas où ni la protase, ni l’apodose ne sont factuels, nous
avons affaire à une phrase conditionnelle, par exemple :
3 « Subordonnée conditionnelle placée en tête de phrase, qui prépare la conséquence ou la conclusion
exprimée dans la principale (dite apodose). » (Larousse en ligne) 4 « Proposition principale qui, placée après une subordonnée conditionnelle (dite protase), en indique la
conséquence. » (Larousse en ligne)
8
(6) Si tu manges moins, tu ne grossiras plus. (Hadermann, 2015 : 4)
Deuxièmement, certaines structures se réalisent par une protase et une apodose factuelles,
comme dans la concessive en (7) :
(7) Bien qu’elle mange peu, Jeanne grossit. (ibid.)
Troisièmement il arrive que les énoncés ne montrent que la factualité de l’apodose. Il s’agit
dans ce cas de « concessives conditionnelles » (Haspelmath & König, 1998), par exemple :
(8) Quoi qu’elle mange, elle grossit. (ibid. : 5)
Haspelmath & König (1998) donnent deux arguments pour rapprocher les concessives
conditionnelles des vraies conditionnelles. En premier lieu, elles sont facilement
paraphrasables par des conditionnelles ; la concessive (9) se paraphrase en effet par la
conditionnelle (10) sans difficultés :
(9) Whether we get any financial support or not, we will go ahead with our project.
(Haspelmath & König, 1998 : 563)
(10) If we get some financial support we will go ahead with our project and if we do
not get any financial support we will (still) go ahead with our project. (ibid. :
565)
En deuxième lieu, elles sont formées d’une protase et une apodose, mais elles en diffèrent
par leur protase : les conditionnelles ont une protase unique, tandis que les concessives
conditionnelles ont une série de protases liée à une apodose : « if {a or b or c or d …} then
q » (Haspelmath & König, 1998 : 565). Dans le cas de (9), Hadermann propose : « qu’elle
mange des biscuits, des fruits, des yaourts, …, elle grossit. » (Hadermann, 2015 : 5). Ensuite,
les analogies entre concessives conditionnelles et concessives sont aussi associées à la
protase : toutes les deux comportent une protase qui contient une « unfavourable
circumstance » (Haspelmath & König, 1998 : 567). Dans l’exemple (10), la condition
défavorable est le fait de ne recevoir aucun support financier. En outre, les concessives
conditionnelles ont tendance à évoluer vers des concessives pures ou au moins d’être
utilisées comme telles, si le contexte confirme la vérité de la protase, comme dans (11).
9
(11) Even if you dislike museums – which I know you do – the Museum of Modern
Art is worth a visit.5
Au sein de la troisième catégorie, dite « concessive conditionnelle » mentionnée par
Hadermann (2015), où nous trouvons une protase non factuelle et une apodose factuelle, il
est nécessaire de distinguer les phrases qui montrent des alternatives (12), un degré (13) ou
un choix libre (14) :
(12) Qu’elle mange peu ou non, elle grossit. (Hadermann, 2015 : 5)
(13) Même si elle mange peu, elle grossit. (ibid.)
(14) Quoi qu’elle mange, elle grossit. (ibid.)
Chaque structure porte un nom spécifique6 : les phrases contenant une protase de type que…
ou non s’appellent « concessives conditionnelles alternatives » (12), celles similaires à (13)
« concessives conditionnelles scalaires » et celles du type qu- que « concessives
conditionnelles universelles » ou « extensionnelles » (14). Cette dernière sous-catégorie
contient les structures de type si/aussi/quelque/tout/pour/tant ADJ que V qui constituent
l’objet principal de ce mémoire.
La concession est fréquemment associée à ou confondue avec l’opposition, comme l’a
démontré Siletti (2013). Il existe des grammairiens, par exemple Dubois & Lagane (1973)
qui considèrent « concession » et « opposition » comme des synonymes. D’autres font bel
et bien la distinction. A l’intérieur de ce groupe de grammairiens qui établissent la
différence, il y en a qui envisagent la concession comme un sous-type de l’opposition. Ainsi,
selon Charaudeau (1992), le terme opposition indique en fait une notion générale, qui peut
être spécifiée contextuellement : d’un côté en « opposition simple » et de l’autre côté en
« opposition concessive » (Charaudeau, 1992 : 522). Ces deux catégories ont en commun
qu’elles instaurent « un rapport sémantique de contraire » (ibid.) entre deux termes, mais ce
rapport n’est pas tout à fait identique. Charaudeau définit de façon détaillée les éléments
nécessaires à l’opposition : (a) deux assertions, (b) chaque assertion contient au minimum
deux constituants sémantiquement contraires, et (c) l’opposition est explicite. Pour clarifier
ces caractéristiques, il donne un exemple : « Quand le chat dort, les souris dansent. »
5 Exemple tiré de König & Siemund, Causal and concessive clauses : Formal and semantic relations, dans
Couper-Kuhlen & Kortmann (2000 : 343), Cause, Condition, Concession, Contrast. 6 La terminologie utilisée par Hadermann est issue de Haspelmath & König (1998).
10
(Charaudeau, 1992 : 523). Dans cette phrase figurent deux propositions, dont chacune
compte deux éléments qui s’opposent en paires (le chat et les souris ; dort et dansent) de
façon explicite. Malheureusement Charaudeau ne fournit pas de tels détails pour la
concession, rapport qui ne doit cependant pas être confondu avec l’opposition. D’après le
Bon Usage (2015), la caractéristique principale pour distinguer la concession est la présence
d’une « cause contrariée », critère que l’on retrouve également chez Charaudeau (1992 :
523).
La concession est aussi souvent mise en rapport avec la restriction, qu’on lie à son tour à
l’opposition. La définition que Charaudeau (1992) donne de la restriction se rapproche de
celle de la concession : un rapport de restriction s’établit entre deux assertions, dont « l’une
nie l’assertion […] qui pourrait être l’une des conséquences de l’autre assertion ». Dans
l’exemple (15) ci-dessous, la première assertion « il est fort » pourrait avoir comme
conséquence attendue « donc il n’est pas intelligent ». Or, la deuxième assertion « mais
intelligent » nie cette conséquence possible.
(15) Il est fort mais intelligent. (Charaudeau, 1992 : 514)
Ce rapprochement entre concession et restriction amène Morel (1996) à identifier une
catégorie de concessives dites rectificatives, souvent marquées par la conjonction encore
que.
(16) Vous pouvez tourner sur la petite place là, encore qu’il y ait beaucoup de
voitures en stationnement aujourd’hui. (Morel, 1996 : 10)
En outre, Soutet (2008) distingue, au sein des différents types de concession, les concessives
restrictives.
(17) Pierre travaille beaucoup (p), encore qu’il soit malade (q). (Soutet, 2008 : 118)
La concessive restrictive se diviserait en deux moments : t0 et t0+k. L’assertion p se réalise
en t0. Ensuite, dans t0+k, q se réalise et nous assistons à une remise en question de p (si Pierre
est malade, est-ce qu’il peut travailler beaucoup ?). Enfin il suggère que l’assertion de q peut
impliquer la négation de p. Bien que nous acceptons l’analyse sémantique de Soutet (la
remise en question de q), nous ne sommes pas sûre si l’analyse en deux moments s’applique
11
à l’exemple (15). Il nous semble que p et q se réalisent au même moment : Pierre travaille
en étant malade.
1.1.2. L’expression de la concession
Le français dispose de divers outils pour exprimer la valeur concessive (Morel, 1996).
Premièrement il y a les subordonnées introduites par des conjonctions de concession, dont
les plus fréquentes sont quoique, bien que, encore que et malgré que. Deuxièmement,
l’adverbe même et la conjonction même si sont aussi capables de manifester un effet de sens
concessif. En troisième lieu, la valeur concessive d’une phrase peut aussi dériver d’un des
adverbes suivants : pourtant, cependant, néanmoins, toutefois, tout de même ou quand
même. En outre, la préposition malgré et la locution prépositionnelle en dépit de sont suivies
d’une proposition concessive nominalisée (Morel, 1996 : 68). Finalement, Morel mentionne
encore les marqueurs lexicaux de la concession, tel que avoir beau.
Outre ces expressions concessives marquées par des conjonctions, des locutions
prépositionnelles ou des éléments lexicaux spécifiques, il existe en français des
constructions à valeur concessive plus ou moins fixes, constituées d’un élément indéfini et
d’un relatif qui a comme antécédent ce premier élément. Le Goffic (1993) qualifie ces
structures d’ « archaïsantes », et il donne comme exemple prototypique « Quoi que tu fasses,
… », avec un quoi indéfini et un que relatif 7 . Le relatif introduit le plus souvent une
proposition, dont le verbe se trouve au subjonctif. L’élément indéfini peut se présenter de
façons différentes: comme un pronom (18-19), un adjectif (20), un déterminant (21) ou un
adverbe (22-23). Le pronom indéfini a deux réalisations possibles, selon sa nature : qui pour
les référents animés et quoi pour les inanimés.
(18) Qui que tu sois, je te fais confiance.
(19) A quoi que vous puissiez penser, je veux que vous arrêtiez.
(20) Quelles que soient vos raisons, ce n’est pas fair.
(21) En quelque lieu que ce soit, je ne veux pas y aller.
(22) Où que vous alliez, je vous suivrai.
7 Selon Le Goffic (1993), que n’est plus un véritable relatif, mais « il tend à être considéré comme purement
invariable et hors fonction, voire à être assimilé au que introducteur formel du subjonctif » (Le Goffic, 1993 :
492). Le statut du que ne constituant pas l’objet principal de cette étude, cette question ne sera pas approfondie
ici.
12
(23) Quelque respectables que soient vos avis, je ne suis pas d’accord.
Pour le Bon Usage (2015 : § 1149) ces constructions sont des « concessives exprimant un
fait variable ». La grammaire fait aussi mention de quelques locutions concessives figées, à
savoir la forme archaïque tel qu’il soit/paraisse (24), le tour originaire du Sud-Ouest autant
que (25) et l’expression littéraire malgré que j’en aie/qu’on en ait (26).
(24) Mon fils, tel qu’il paraisse, tel que vous le jugiez dans la suite, n’en sera pas
moins un bon fils. (Bescherelle, art. quel)
(25) Autant qu’il se force à la cacher, sa jalousie transperce. (P.-H. Simon, Raisins
verts, p. 205)
(26) Malgré qu’on en ait, on n’échappera pas à la nécessité de définir
normativement un projet de société. (J.-M. Domenach, dans Esprit, nov. 1974,
p.624)
1.1.3. Les difficultés de la classification des concessives
Dans ce qui suit, nous proposerons un petit bilan concernant la classification des concessives
que nous venons de décrire, puisqu’elles sont souvent traitées de manière différente. Nous
présenterons plus spécifiquement la classification de Fradin (1977) qui concerne seulement
les concessives françaises, celle de Soutet (2000) qui s’y rapproche fortement, et celle de
Haspelmath & König (1998), qui détaillent le fonctionnement des « concessive
conditionals » (cf. supra §1.1.1.) dans les langues européennes.
Commençons par l’approche la plus ancienne. Fradin (1977) fait tout d’abord la distinction
entre les concessives propositionnelles et les concessives extensionnelles. Le premier type
consiste en deux propositions, dont une est introduite par un connecteur (27). L’élément
connecteur peut également précéder un syntagme nominal qui, selon Fradin, serait alors le
substitut d’une proposition introduite par le fait que (28). À l’intérieur de cette catégorie, il
reconnaît encore deux sous-types : les concessives propositionnelles normales (qui suivent
la formation que nous venons de décrire) et les concessives propositionnelles alternatives
(29). Cette dernière classe constitue en fait une classe intermédiaire entre les concessives
propositionnelles et les concessives extensionnelles. Les alternatives sont formées de deux
propositions, dont une se révèle double. Cette double proposition contient deux sous-phrases
13
coordonnées et séparées par la conjonction ou, qui entraînent des conclusions
contradictoires.
(27) Les feuilles bougent quoiqu’il n’y ait pas de vent.
(28) Le président se représente malgré l’opposition des actionnaires. < Le président
se représente malgré le fait que les actionnaires s’y opposent.
(29) Qu’il dorme ou qu’il travaille, Nestor est toujours fatigué.
Ensuite, le deuxième type comporte aussi deux grandes sous-classes : les concessives
extensionnelles à extension hypothétique et à extension définie. Celles à extension
hypothétique se composent de deux éléments indispensables, que Fradin définit de la façon
suivante : premièrement, « un reliquat de proposition qui ne constitue pas un énoncé complet
» et deuxièmement, « une suite d’éléments qui précède obligatoirement ce reliquat et que
nous appellerons élément-tête » (Fradin, 1977 : 6). Il caractérise cet « élément-tête » comme
« une variable qui parcourt toutes les valeurs possibles du domaine pour lequel elle est
définie » (Fradin, 1977 : 6). Il distingue deux sous-types au sein des concessives
extensionnelles à extension hypothétique : les scalaires (30) (qui comportent un degré) et les
non scalaires (31). Les concessives extensionnelles à extension définie (32) se rapprochent
des non scalaires, mais en diffèrent par l’absence d’un élément variable.
(30) Si intelligente qu’elle soit, le problème lui échappe.
(31) Où qu’il aille, il trouve des amis.
(32) Que le cuisinier prépare un ragoût, un coq au vin ou un bourguignon, le résultat
est excellent.
La classification de Soutet (2000) ressemble à celle de Fradin, mais elle est moins
exhaustive. Il considère la concessive exprimant un fait variable comme une sorte de relative
déterminative « automatiquement au subjonctif » (Soutet, 2000 : 104) et l’appelle une
construction concessive extensionnelle. Ces concessives sont caractérisées extensionnelles
ou à extension indéfinie, parce qu’elles sont introduites par un antécédent indéfini (voir
supra). Soutet distingue deux grands sous-types : les scalaires et les non scalaires. Ces
variantes ont en commun qu’elles impliquent le parcours d’une classe. D’une part, les
concessives extensionnelles scalaires parcourent la classe du prédicat considéré à des
intensités variables, représentables comme une échelle. Dans (33), par exemple, la
14
concessive implique plusieurs possibilités, allant de « Pierre n’est pas malade » à « Pierre
est très malade » :
(33) (Aus)si malade qu’il soit, Pierre travaille. (Soutet, 2008 : 106)
D’autre part, les concessives extensionnelles non scalaires parcourent un ensemble de
variables (personnes, objets, lieux, instants ou autres circonstances), sans concevoir l’idée
d’une échelle. Par exemple, dans (34), la concessive évoque l’ensemble des interlocuteurs
possibles de Pierre (que ce soit le roi, un enfant ou un criminel).
(34) Qui que soit son interlocuteur, Pierre reste courtois. (Soutet, 2008 : 105)
Ensuite, il se révèle encore intéressant d’analyser de plus près le fonctionnement des
« concessive conditionals ». Haspelmath & König (1998) en ont établi une classification8,
basée sur l’analyse de quarante langues européennes. Ils distinguent trois grands types :
« scalar concessive conditionals » (SCC) (35), « alternative concessive conditionals »
(ACC) (36) et « universal concessive conditionals » (UCC) (37).
(35) Even if we do not get any financial support, we will go ahead with our project.
(36) Whether we get any financial support or not, we will go ahead with our project.
(37) No matter how much financial support we get, we will go ahead with our project.
Les SCC contiennent une valeur extrême dans leur protase, dans (35) par exemple : le fait
de ne recevoir aucun support financier. Les ACC comportent deux (ou plusieurs) valeurs
contradictoires, dans (36) par exemple : d’une part recevoir du support financier et d’autre
part ne pas en recevoir. Les UCC utilisent un mot wh- pour exprimer une quantification
universelle, dans (37) par exemple, l’élément wh- how much indique la quantité de support
financier.
Pour terminer, nous proposerons dans le tableau (1) un petit bilan des terminologies utilisées
par Fradin, Soutet et Haspelmath & König et nous motiverons le choix pour la terminologie
que nous utiliserons dans la suite de cette étude.
8 Rappelons que les « concessive conditionals » se distinguent des concessives par la non-factualité de la
protase ; cf. supra § 1.1.
15
Tableau 1 : Comparaison des terminologies de Fradin (1977), Soutet (2000) et Haspelmath &
König (1998).
Fradin (1977) Soutet (2000) Haspelmath & König
(1998)
Les concessives
Les constructions
concessives
extensionnelles (à
extension indéfinie)
Les « concessive
conditionals »
Propositionnelles
Normales
Alternatives ACC
Extensionnelles
Extension
hypothétique
Scalaires Scalaires SCC
Non scalaires Non scalaires UCC
Extension définie
Ces trois auteurs ont traité les mêmes structures en y appliquant parfois des termes
divergents. Les terminologies de Fradin et de Soutet se rapprochent fortement, mais la
classification de Fradin est plus élaborée. La terminologie utilisée par Haspelmath & König
s’écarte le plus, principalement parce qu’ils ne parlent pas de concessives, mais de
concessives conditionnelles. Dans les chapitres qui suivront, nous emploierons le terme dont
Fradin et Soutet se sont servis : les concessives extensionnelles scalaires.
1.1.4. Les constructions concessives extensionnelles scalaires
En § 1.1.2., la forme des constructions extensionnelles scalaires a été définie comme une
succession d’un adverbe spécifique (si, aussi, quelque, pour, tout ou tant) suivi d’un autre
élément (un adjectif, un nom ou un autre adverbe) et repris par que (relatif), qui généralement
introduit un syntagme verbal au subjonctif. Nous nous appuierons sur les propositions
concessives extensionnelles scalaires adjectivales, qui nécessitent un adjectif gradable. Ce
type d’adjectif est caractérisé par l’expression d’une propriété qui permet de se réaliser à
différents niveaux.
16
Le Goffic (1993) distingue deux variantes ce tour, comme le fait aussi le Bon Usage (§
1152). D’une part, il existe la construction en que décrite ci-dessus, laquelle Le Goffic
illustre avec les exemples suivants :
(38) si malin que soit Paul
(39) si malin qu’il soit
Le sujet peut donc être nominal, et selon Le Goffic, le plus souvent postposé, ou pronominal,
et toujours antéposé. Il ne donne pas d’exemple d’un sujet nominal antéposé (comme « si
malin que Paul soit »), mais il ne conteste pas cette possibilité. D’autre part, Le Goffic
discerne une autre structure similaire, sans que, qui comporte une inversion de l’ordre sujet-
verbe, par exemple :
(40) si malin soit-il
Cette variante a plus de restrictions : elle ne peut se présenter qu’avec un sujet clitique
postposé et avec le verbe être.
Ces tours possèdent une signification spécifique que Gachet (2014), s’inspirant de Béguelin
(2002), rapproche de celle des constructions en n’importe. Il soutient que les concessives
extensionnelles nominales scalaires se paraphrasent très facilement par n’importe quel :
(41) Tout mécompte, toute mauvaise fortune qui nous décourage, quelque malchance
dont nous fassions l’objet, nous ne doutons pas un instant qu’il sont nôtres, qu’il
sont les nôtres. (Pascal Quignard, Le salon du Wurtemberg, 1925, f)
(41’) N’importe quel mécompte qui […], n’importe quelle malchance dont […].
Gachet ajoute ensuite que cela vaut également pour les concessives extensionnelles
adjectivales scalaires. Par exemple, il propose comme paraphrase de quelque grand ou tout
grand : « grand de n’importe quelle manière, à n’importe quel degré » (Gachet, 2014 : 257).
En outre, la question se pose de savoir quelle relation ces propositions concessives ont avec
le reste de la phrase. Gachet (2014) définit la concessive de type si grand soit-il comme une
construction verbale attributive. En d’autres mots, il s’agit d’une proposition qui remplit la
fonction d’attribut par rapport à un autre élément dans la phrase. Selon Hadermann (2015),
la nature du rapport syntaxique entre la concessive en aus(si) et le reste de la phrase relève
17
de l’hypothaxe. La subordonnée concessive se combine donc toujours avec une phrase
principale, à laquelle elle est antéposée, postposée ou insérée. Dans la plupart des cas, il
s’établit également un lien coréférentiel entre la proposition concessive et la phrase
principale. Larousse définit la coréférence de la manière suivante : « relation entre deux
termes ayant le même référent »9. Par exemple, dans (42), le sujet de la concessive « elle »
et le constituant de la phrase principale « la vérité » référent à la même entité
extralinguistique.
(42) Non, elle resterait, et en dépit des exhortations de l'abbé, elle garderait les yeux
grands ouverts sur la vérité, aussi cruelle fût-elle. (M. Tournier, Le coq de
Bruyère, 1978)
Enfin, il existe trois niveaux10 discursifs sur lesquels on peut lier les deux propositions (la
protase et l’apodose) qui constituent la phrase concessive (cf. entre autre Haspelmath &
König (1998), Sweetser (1990)). Premièrement, nous pouvons mettre en rapport des
situations, tant réelles qu’hypothétiques (43). Deuxièmement, le lien peut s’établir entre des
éléments de connaissance (44). Troisièmement, la protase peut référer à un acte de parole
(45). En d’autres mots, pour utiliser la terminologie de Sweetser, les liens sont à situer sur
le « content level », sur le « epistemic level » ou sur le « illocutionary level »
respectivement.
(43) Even if we do not get any financial support, we will go ahead with our project.
(44) Even is this had not been his intention, he certainly managed to alienate most of
his colleagues.
(45) Even if you don’t want to hear this, your mother is waiting.
Après ce petit aperçu des caractéristiques des propositions concessives extensionnelles
scalaires, nous soulignons que nous utiliserons toutes les propriétés formelles comme des
paramètres pour l’analyse des corpus PORC et Frantext catégorisé. Nous examinerons donc
les exemples en prenant en considération les points suivants : l’introducteur de la
proposition, l’adjectif gradable, le verbe et son mode, la présence ou l’absence de que,
l’inversion ou non de l’ordre des mots au sein de la concessive, la nature du sujet de la
9 Larousse en ligne : http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/cor%C3%A9f%C3%A9rence/19291. 10 Ces types de liaison sont applicables aux conditionnelles, causales et concessives.
18
concessive, la position de la proposition concessive par rapport à la phrase principale et le
rapport coréférentiel.
1.2. Les caractéristiques spécifiques des variantes
Ci-dessous, nous énumérerons les spécificités de toutes les formes qui seront traitées dans
notre analyse. Nous prendrons en considération leur évolution diachronique, leur fréquence
de nos jours et d’autres particularités sémantico-syntaxiques. Notre étude s’appuie sur celle
de Gachet (2014) qui a effectué une première analyse des différents adverbes introducteurs
des concessives extensionnelles scalaires ainsi que des variantes en que ou avec inversion.
Il a obtenu les résultats suivants11 : le tour si ADJ que V comporte 50 % des attestations et
les constructions introduites par aussi, quelque, tout et pour fournissent les autres 50 %. Il
ne tient pas compte de tant, qu’il considère comme archaïque. En outre, il souligne que 75
% des attestations comportent que, et 25 % sont formées par inversion sujet-verbe. Dans ce
dernier groupe, la plus grande partie des constructions est introduite par si (90 %), suivi de
aussi (9 %) et des autres adverbes (1 %).
1.2.1. Si
Selon Gachet (2014), la structure si ADJ remonte au XIIIe siècle, et de ce fait, elle est la plus
ancienne. Or, les premières attestations avaient une forme légèrement différente : le verbe
se trouve à l’indicatif et non au subjonctif, et il est introduit par comme (avec variation
orthographique : com, conme ou come) au lieu de que :
(1) Et trop grant temps avoit que point il ne s’estoient veu en parti de bataille avoir,
si apparans conme ceste estoit, et cose si notable que la poissance d’Engleterre
et la poissance de France ensamble l’un contre l’autre (Jean Froissart,
Chroniques, c. 1400, DMF)
La structure exprimait soit une valeur concessive (1), soit une valeur causale (2), selon le
contexte dans lequel elle figurait.
11 Pour ses recherches, il a utilisé Frantext catégorisé, qui contient des textes de 1830 à 2009.
19
(2) Et errant envoya le Chevalier du Papegau ung message au chastel de Causuel au
Lion sans Mercy et qu’il luy die que le roy Artus luy mande que, si chier come
il a son corps et son honneur, qu’il etses chevaliers, ainsi come il ot en couvent,
soient au jour de penthecostes a Videsores, la tenra le roy court. (Le Chevalier
du papegau, c.1400-1500, DMF)
La construction concessive a déjà abouti à sa réalisation actuelle au XVIIe siècle : si ADJ
que Vsubj12. Aujourd’hui, cette variante est la plus courante, ainsi que sa contrepartie avec
inversion de l’ordre sujet-verbe, selon le Bon Usage (2015) et selon Riegel (1994). L’emploi
du subjonctif est toujours obligatoire.
1.2.2. Aussi
Le Bon Usage (2015) signale que la concessive extensionnelle scalaire en aussi était d’abord
seulement employé dans des contextes littéraires. Selon Gachet (2014), la variante aussi
ADJ que V suit probablement le modèle en si, les adverbes étant formellement et
sémantiquement très proches. L’usage s’est ensuite rapidement répandu pendant le XXe
siècle et maintenant il se révèle très courant. Il est plausible que la structure avec inversion
(aussi ADJ Vinv) ait été créée de la même façon, en analogie avec si ADJ Vinv. Tant le Bon
Usage (2015) que Riegel (1994) soulignent l’usage très fréquent de aussi ADJ Vinv.
Le Bon Usage (2015) mentionne encore l’expression plus ou moins figée aussi loin que, qui,
suivie du subjonctif, prend une valeur concessive, comme dans (3)13 :
(3) Aussi loin que l’homme puisse voir on ne découvre ni ville, ni champ, ni
hameau, ni maison. (Cl. Simon, Corps conducteurs, p.182)
1.2.3. Quelque
Le tour quelque ADJ que V appartient selon le Bon Usage (2015) à la langue écrite soutenue.
En moyen français, une forme quel(le) NOM que V (4) était également attestée, mais selon
Gachet (2014), elle n’existe plus de nos jours.
12 Gachet (2014 : 247) : « [L’] emploi du subjonctif au service de la valeur concessive dans les constructions
en quelque a pu avoir un effet de contagion sur les constructions en si, par ailleurs proches au plan formel. »
(voir supra § 2.1.). 13 Exemple tiré du Bon Usage (2015)
20
(4) Quant d’enfant m’avez delivré, / Quelle paine qu’il m’ait livré, / De cuer
humblement vous mercy (Miracle de Clovis, c.1381-1362, DMF)
Elle a été remplacée par une version périphrastique (dans le cas de (4) ce serait quelle que
soit la peine qu’il m’ait livrée) ou par une formulation plus courte en quelque, qui existait
aussi déjà en moyen français. En outre, il est également possible de combiner quelque avec
un adjectif au lieu d’un nom. Cette construction adjectivale, que nous connaissons encore
aujourd’hui, a probablement aidé à remplacer l’indicatif par le subjonctif dans les
concessives en si.
Riegel (1994) et Gachet (2014) mentionnent encore des concessives de type quelque ADJ
Vinv, qui seraient surtout attestées à partir des années 1850 :
(5) Pour contester la grandeur que nous voulons donner au nom de Bernon, on
pourra vous demander si l’architecte mérite des louanges lorsqu’il élève un
monument, quelque beau soit-il, qui, à peine construit, déjà tombe en ruine.
(Grillon des Chapelles, Esquisses biographiques du département de l’Indre,
1861 < google livres)14
1.2.4. Tout
La concessive extensionnelle en tout constitue un cas particulier et beaucoup de linguistes y
ont consacré un chapitre à part dans un ouvrage de référence (par exemple le Bon Usage
(2015), Le Goffic (1993) et Soutet (2000)) ou un article (Shyldkrot (1995)). Gachet (2014)
remarque que la structure en tout apparaît au XVIIe siècle et qu’elle peut se combiner tant
avec des adjectifs qu’avec des substantifs. Plus tard, au XIXe siècle, les attestations de tout
ADJ Vinv commencent à apparaître.
En outre, le tour tout ADJ que V ou tout ADJ Vinv montre encore de nos jours des
particularités par rapport à ses variantes avec d’autres adverbes. Contrairement à la
construction prototypique qui se combine avec un adjectif variable en degré, tout peut
introduire également des adjectifs non gradables ou des noms. Dans (6) par exemple,
l’adjectif mort n’admet pas de variation graduelle, et dans (7) nous trouvons un exemple de
la construction en tout suivi d’un nom.
14 Cité par Gachet (2014).
21
(6) Vous l’avez tué, mais tout mort qu’il est, il [= un arbre] vous domine encore
(Ikor, cit. Hasselrot).15
(7) Tout notre gendre que vous soyez, il y a grande différence de vous à moi.16
Enfin, la concessive en tout admet non seulement le subjonctif, mais aussi l’indicatif, ce qui
était selon Soutet (2000) son mode originel. Les grammairiens s’accordent sur les
conséquences sémantiques de cette double modalité possible. Le Bon Usage (2015) postule
que l’indicatif marque normalement un fait réel, tandis que le subjonctif indique plutôt un
fait irréel ou imaginaire. Or, de nos jours, le subjonctif est aussi utilisé dans le cas d’un fait
réel. Voici deux exemples17 qui montrent la différence : dans (8), la personne en question
est vraiment ivre, mais dans (9), la première partie de la phrase exprime plutôt quelque chose
de hypothétique (paraphrase : « tout intelligent que vous pourriez le faire »).
(8) Tout ivre qu’il était, il a paru très intéressé (Simenon, Maigret à New-York, ii).
(9) Tout intelligent que vous le fassiez, cet enfant prodige, fixé à trois lustres,
restera un imbécile ( Chat., Mém., III, I, i, 5).
Le Goffic (1993), par contre, adopte une position moins radicale, en expliquant qu’il existe
peu de différence entre l’emploi de l’indicatif ou du subjonctif, sauf que le subjonctif « peut
ajouter une valeur d’indétermination sur le degré de possession de la qualité prédiquée » (Le
Goffic 1993 : 371). Il paraphrase alors « tout affaibli qu’il soit » par « si (ou quelque) affaibli
qu’il puisse être ».
1.2.5. Pour
L’élément introducteur pour est un peu particulier par rapport aux autres, puisqu’il s’agit
d’une préposition. Néanmoins, le TLFi décrit pour comme ayant la possibilité d’exprimer
une relation de concession. Le dictionnaire mentionne trois façons d’employer la préposition
pour dans un contexte concessif: suivi d’un infinitif et d’un élément négatif (par exemple:
“sans”) (10), dans une concessive extensionnelle scalaire (11) ou dans la tournure pour peu
15 Exemple tiré du Bon Usage (2015). 16 Exemple tiré de Morel (1996). 17 Exemples tirés du Bon Usage (2015).
22
que, suivie d’un verbe au subjonctif (12). Le choix de pour comme élément introducteur de
certaines propositions extensionnelles scalaires n’est donc pas exceptionnel en français.
(10) Et ceux qui croient qu'un amour d'écolier, pour être sans espoir et sans but, n'est
pas vif et dévoué, ceux-là se trompent. (R. Töpffer, Nouvelles genevoises, 1839,
p. 105)
(11) Ce succès, pour modeste et incomplet qu'il fût, m'apparaissait comme une
première étape vers la victoire (J. Joffre, Mémoires, t. 2, 1931, p. 61)
(12) L'honnête homme, détrompé de toutes les illusions, est l'homme par excellence.
Pour peu qu'il ait d'esprit, sa société est très amiable. (Chamfort, Maximes et
pensées, caractères et anecdotes, 1794, p. 58)
Le Bon Usage (2015) considère pour … que comme un équivalent de si … que, avec une
différence de registre : si est neutre, tandis que pour ne s’utilise que dans la langue écrite.
D’après Gachet (2014), le tour en pour s’utilisait d’abord en combinaison avec un nom :
pour NOM que V, en analogie avec la concessive extensionnelle en quelque. En outre, la
construction peut exprimer deux valeurs différentes, selon le mode du verbe : l’indicatif
entraîne un effet de sens causal (13), tandis que le subjonctif manifeste un sens concessif
(14).
(13) Et aussi estoient les lions qui, pour plaie qu’ilz eüssent, ne laisserent point a
courre sur Aigre, ainz le penerent et travaillerent tant, que il estoit prez de
l’outrer, car quant il se deffendoit a l’un, l’autre le rassailloit (Bérinus, roman en
prose, c. 1350-1370, DMF)
(14) Mais, pour pitié que j’ay de mettre a mort un si vaillant chevalier que tu es, je
te donne congié, va t en. […] (Jean d’Arras, Mélusine, roman du XIVe siècle, c.
1392-1393, DMF)
Gachet donne ensuite une explication pour le rapprochement de la cause et de la concession
(cf. supra § 1.1.1.) : « avec l’indicatif, l’honnêteté est censée favoriser la réussite, tandis
qu’avec le subjonctif, au contraire, elle lui fait obstacle » (Gachet 2014 : 248). Il soutient
que la préposition pour évoque toujours une valeur causale, et que c’est le mode qui indique
si cette cause est effective ou contrariée. Dans cette optique, le subjonctif a donc la fonction
de nier le rapport causal. Ainsi dans (14), la cause (le fait d’avoir pitié) est effective et
23
entraîne l’effet attendu (donner congé au chevalier). Dans (10) par contre, la cause (les lions
ayant une blessure) devrait provoquer une conséquence logique (l’impossibilité des lions
d’attaquer), mais cette cause est ici contrariée. Elle crée donc l’effet opposé (les lions n’ont
perdu aucune force).
Néanmoins, la construction pour NOM que V n’a pas survécu en français moderne. Nous
connaissons par contre encore la version avec un adjectif. Aucune grammaire n’atteste
l’existence de la construction avec inversion.
1.2.6. Tant
Peu d’ouvrages citent la variante en tant, ce qui n’est pas surprenant, car pour le Bon Usage
(2015) il s’agirait d’un archaïsme ou d’un régionalisme (en certaines régions on utilise tant
au lieu de si). Pour ce qui est de son origine, Gachet (2014) remonte à l’ancien français, où
nous trouvons des attestations de propositions concessives introduites par tant :
(15) Ton cœur, tant soit il brave, ira sous son empire, et sera son esclave (Pierre de
Ronsard, Le Second Livre des amours, 1578, f).18
En (15), l’adjectif se trouve derrière le syntagme verbal, mais il peut se mettre entre tant et
le verbe (à condition que la construction soit attributive). D’après Gachet (2014), nous
obtenons alors une structure très similaire à si ADJ Vinv.
(16) Vous les verriez à la Court plus mornes, plus tristes, plus melancoliques, ilz ne
mengent que à leurs heures, ilz ne parlent sinon quand il leur plait, ilz ne riroient
pas pour le Pape, ilz ne veulent estre subjetz à Prince, ne Seigneur, tant grand
soit-il, ilz trouvent mauvais tout ce que les autres font. (Philibert de Vienne, Le
Philosophe de court, 1548, f)
(17) Ilz ne veulent estre subjetz à Prince, ne Seigneur, si grand soit-il (exemple
modifié)
En outre, il se manifeste parfois une alternance modale comme dans les concessives
introduites par pour : l’indicatif traduit un rapport causal et le subjonctif un rapport
concessif. Le pendant causal a subsisté, mais tant a été remplacé par tellement (18). La
18 Exemple cité par Gachet (2014).
24
contrepartie concessive, par contre, existe de nos jours seulement comme régionalisme. Le
Bon Usage ne spécifie pas dans quelle(s) région(s) tant est encore utilisé.
(18) Certains jours, tu as l’air très gai, très heureux, et d’autres on dirait que tu es
malade, tellement tu es sombre. (Martin Winckler, La maladie de Sachs, 1998)
Il faut remarquer enfin que Gachet ne fait pas mention d’une structure en que, du type tant
ADJ que V. Pourtant le Bon Usage (2015) en donne des exemples :
(19) Tant respectables que soient les intérêts des auteurs, des libraires et des
éditeurs, il est un intérêt plus respectable encore, celui du lecteur (L. Treich, dans
le Soir [Bruxelles], 15 oct. 1949).
1.3. Bilan intermédiaire
Dans les deux premières sections de ce chapitre (§ 1.1. et § 1.2.), nous avons fourni une
description des concessives extensionnelles scalaires, telles qu’elles figurent dans les
grammaires de référence et dans les ouvrages spécialisés. Tout d’abord, nous avons spécifié
le concept de la concession, qui est souvent défini à travers d’autres relations sémantiques,
telles que la cause, l’opposition, l’hypothèse ou la restriction. Puis nous avons donné un
aperçu de toutes les façons possibles d’exprimer la concession, dont les concessives
extensionnelles scalaires font naturellement partie. De plus, nous avons montré que la
classification des propositions concessives n’est pas évidente : différents auteurs instaurent
des catégorisations divergentes. Bien qu’il n’existe pas de consensus sur la dénomination
des concessive en si, aussi, quelque, pour, tout ou tant, nous adopterons dans ce mémoire le
terme introduit par Soutet (2008) concessive extensionnelle scalaire, puisque nous le
trouvons le plus logique et le plus transparent. Nous avons terminé le cadre général par une
description détaillée des caractéristiques formelles et sémantiques des propositions
concessives extensionnelles scalaires en général. Il est ressort d’une part qu’elles possèdent
une structure plus ou moins figée mais d’autre part les constituants sont quand même sujets
à beaucoup de variation. Et c’est cette variation qui se trouvera au cœur de notre étude.
Le premier élément variable important est l’introducteur de la subordonnée : si, aussi,
quelque, pour, tout et tant. Deuxièmement, il existe une grande variation au niveau de l’ordre
des propositions et des mots : la proposition concessive peut occuper différentes positions
par rapport à la principale et l’ordre sujet-verbe à l’intérieur de la concessive peut varier
25
également. En outre, les paramètres variables suivants seront aussi étudiés: la présence ou
l’absence de que, le type de coréférence entre la proposition concessive extensionnelle
scalaire et la principale, le verbe utilisé dans la concessive et l’adjectif.
1.4. Questions de recherche
Ce mémoire vise à étudier les concessives extensionnelles scalaires dans toutes leurs
variantes. Comme nous l’avons déjà signalé dans la section § 1.2., un bon nombre
d’ouvrages de référence (cf. Gachet (2014), Bon Usage (2015)) établit une différence entre
l’emploi des marqueurs introducteurs. À première vue, si, aussi, quelque, tout, pour et tant
semblent complètement interchangeables, mais il existe des particularités pour chaque
élément introducteur. Nous nous posons alors la question de savoir si ces particularités
mentionnées par les ouvrages de référence se reflètent aussi dans le français actuel écrit, tel
qu’il se présente dans les corpus PORC et Frantext catégorisé. Plus particulièrement, nous
examinerons dans quelle mesure les marqueurs introducteurs sont vraiment
interchangeables. En analysant plusieurs paramètres, nous essayerons de découvrir si
l’élément qui introduit la concessive extensionnelle scalaire influence la forme de la
proposition et quels sont alors les traits distinctifs pour chaque marqueur. Outre des
différences purement formelles, nous regarderons également si les adverbes si, aussi,
quelque, tout et tant et la préposition pour privilégient un certain registre de langue, puisque
les deux corpus (PORC et Frantext catégorisé) dont nous avons puisé nos exemples
contiennent des documents de nature diverse (voir infra : § 3.).
26
2. Méthodologie: l’étude des corpus
Étant donné que notre objectif est de faire une étude empirique concernant la variation au
niveau des marqueurs et des structures dans les concessives extensionnelles scalaires en
français actuel, nous avons constitué un corpus d’exemples écrits. Nous avons utilisé deux
bases de données existantes pour récolter des données. Tout d'abord nous avons employé le
corpus en ligne de PORC19, qui contient des textes français issus de sources littéraires et
journalistiques. Ce corpus a été développé par Justin Goney, qui travaille pour le
Département des Langues Modernes à l’université de Helsinki. Étant donné que les sources
littéraires présentes dans PORC (des textes de Balzac, Baudelaire, Flaubert et Dickens) ont
leur origine au dix-neuvième siècle, nous avons décidé de ne retenir que les sources
journalistiques, qui se révèlent les plus récentes, afin de trouver des attestations
contemporaines. Nous avons puisé nos exemples dans le journaux et magazines suivants :
Le Point, Nouvel Observateur, Paris Match et Femme Actuelle. Les exemples issus du
magazine Marianne n’ont pas pu être utilisés à cause de l’absence de lien opérationnel pour
trouver le contexte de la proposition concessive. Les textes des autres sources consultées
datent de 2008 à 2015. Nous avons cherché toutes les variantes possibles de la construction
concessive extensionnelle scalaire, mais malheureusement, nous n'y avons pas relevé de
structures introduites par quelque ou par tant. Le nombre des concessives en tout était
également assez réduit (seulement 10 attestations pertinentes).
Pour cette raison, nous avons décidé de recourir également à Frantext20. Ce corpus est une
base de données française, créée dans les années 1970 au sein de l’ATILF-CNRS (Analyse
et Traitement Informatique de la Langue Française - Centre national de la recherche
scientifique). Elle est constamment actualisée et enrichie. Pour faciliter la recherche des
constructions concessives, nous avons décidé de travailler avec Frantext catégorisé21, qui
contient 1940 textes grammaticalement étiquetés. Tandis que PORC contient des textes
journalistiques, Frantext catégorisé comporte une grande variété de genres littéraires22 .
D’abord, nous avons dépouillé les documents publiés à partir de 2000, mais le nombre
19 Le corpus de PORC est disponible sur: http://h158.it.helsinki.fi/. 20 Le corpus de Frantext est disponible sur : http://www.frantext.fr/. 21 Frantext catégorisé contient moins de textes en comparaison avec Frantext intégral (1940 par rapport à
4516). 22 Par ex. : la poésie, la correspondance, l’autobiographie, le roman, l’essai ou le théâtre.
27
d’attestations de concessives était insuffisant. Nous avons alors élargi l’intervalle de temps
à la période entre 1970 et 201223, ce qui a mené à un échantillon plus grand.
En total, les deux corpus nous ont fourni 306 phrases pertinentes pour notre étude : 115 dans
PORC et 191 dans Frantext catégorisé. Ce nombre nous a permis d’effectuer une analyse
exploratoire, mais nous voudrions bien remarquer qu’il serait opportun d’augmenter encore
cette quantité afin d’obtenir un aperçu plus complet des emplois des concessives
extensionnelles scalaires en français actuel.
Dans les deux corpus, PORC pour le langage journalistique et Frantext pour un langage plus
littéraire, nous avons repéré toutes les variantes possibles des constructions concessives
extensionnelles scalaires. Nous avons tenu compte des différents éléments introducteurs (si,
aussi, tout, pour, quelque et tant), des structures diverses (en que ou avec inversion) et de la
nature du sujet (un pronom ou un syntagme nominal). Les recherches ont été intensives,
parce que les constructions de type si/aussi/quelque/tout/pour/tant ADJ que V n’expriment
pas toutes une valeur concessive. Ces adverbes sont en fait aussi très courants dans d’autres
constructions. Par exemple, nous avons dû écarter beaucoup de comparatives introduites par
si ou par aussi, comme (1) et (2), ou des consécutives (3).
(1) Quelle joie pour nous d'apprendre qu'un jeune homme si méritant que vous avait
réussi... (H. Vincenot, Le pape des escargots, 1972)
(2) "Nous ne sommes pas aussi prêts que nous l'aurions voulu" a expliqué le
directeur de la compétition de l'écurie, Éric Boullier au journal L'Équipe dans
son édition de ce matin. (Le Point, 2015)
(3) Le sentiment nu de sa présence l'étourdit un moment si fort qu'il lui sembla que
malgré le ciel de nuages la voiture roulait dans le soleil ; […]. (J. Gracq, La
presqu’île, 1970)
Enfin, pour l’analyse des exemples, nous avons pris en compte les paramètres suivants : le
type de marqueur introducteur (si, aussi, quelque, tout, pour et tant), la position de la
concessive extensionnelle scalaire par rapport au reste de la phrase (antéposée, postposée ou
insérée), le type de construction (en que ou avec inversion), la coréférence avec un élément
de la principale, la place (antéposée ou postposée) et la nature (nom ou pronom) du sujet
dans la concessive, la nature (nom ou pronom) de l’élément source dans la principale auquel
23 Frantext ne contient des données que jusqu’à 2012.
28
réfère la concessive, le verbe régi et l’adjectif utilisé. Ces éléments ont été déterminés d’une
part par une lecture approfondie de quelques ouvrages de référence, qui signalent toujours
les caractéristiques principaux des propositions concessives (voir supra : § 1.), et d’autre
part par un examen minimal d’un nombre d’exemples. Ainsi, dans les trois exemples
suivants, nous pouvons dégager des différences concernant tous les paramètres que nous
analyserons (sauf les marqueurs, dont il y en a plus que trois).
(4) "Et aussi incroyable que cela puisse paraître, la petite fille, (au moment de son
arrestation), a regardé le policier et lui a demandé "pourquoi m'arrêtez-vous? Je
conduis très bien". (Le Point, 2011)
(5) Il y a nécessairement du pion et de l'adjudant chez un entraîneur, si compréhensif
soit-il. (A. Blondin, Ma vie entre les lignes, 1982)
(6) Pour tous, d'une certaine façon, quelque anciennes que soient les racines qui
vous rattachent à San Martin, à Bolivar ou à la guerre du Chaco, la traversée de
l'Atlantique est un retour au pays. (J. D’Ormession, Le vent du soir, 1985)
La concessive dans l’exemple (4) est une structure antéposée en que, avec un pronom sujet
cela et un syntagme verbal en pouvoir paraître. L’exemple (5) montre une structure
postposée, sans que, avec inversion du sujet pronominal il et avec le verbe être. La
proposition concessive dans (6) est une structure insérée en que avec un sujet nominal
postposé et le verbe être.
Étant donné la taille relativement restreinte de notre corpus d’une part et le nombre de
paramètres d’autre part, l’analyse quantitative que nous effectuerons dans le chapitre suivant
(voir infra : § 3.) proposera pas de vérifications statistiques.. En d’autres mots, nous nous
limiterons à donner les nombres absolus et les nombres proportionnels en pourcentages.
29
3. Analyse quantitative
En total, après l’analyse des corpus PORC et Frantext catégorisé, nous avons rassemblé 306
phrases en français contemporain qui contiennent une proposition concessive extensionnelle
scalaire. Dans les sections suivantes, nous examinerons de façon quantitative les exemples
répertoriés, en faisant attention à plusieurs points d’intérêt.
Rappelons que les deux corpus utilisés contiennent des textes de registres
différents : PORC comporte des articles journalistiques et Frantext catégorisé des documents
littéraires. Nous comparerons donc également les deux corpus entre eux, afin de voir s’il y
a des différences de registre qui influencent les paramètres variables. Nous ne donnerons la
comparaison quantitative que dans le cas où nous voyons des résultats intéressants.
3.1. Les différents marqueurs
En nous appuyant sur les résultats obtenus par Gachet (2014), nous nous attendrions à une
répartition dans laquelle la moitié est occupée par les concessives en si, et l’autre moitié par
les autres éléments introducteurs (aussi, quelque, tout, pour et tant). La distribution auprès
de nos exemples récoltés est visualisée dans le tableau (1) ci-dessous :
Tableau 1 : Pourcentages (et nombres absolus) des attestations, selon l’élément introducteur, dans
PORC et Frantext
Marqueur Pourcentage Nombre absolu
Si 38,56 % (118)
Aussi 36,60 % (112)
Quelque 2,29 % (7)
Tout 11,11 % (34)
Pour 10,13 % (31)
Tant 0,33 % (1)
Autre Pour si : 0,65 %
Pour aussi : 0,33 %
(2)
(1)
Total 100,00 % (306)
Si et aussi introduisent clairement le plus souvent les concessives extensionnelles scalaires :
ces deux adverbes ont des fréquences très proches, respectivement 38,56 % et 36,60 %.
Ensuite, pour et tout constituent tous les deux environ un dixième des attestations. En dernier
30
lieu, il a encore quatre éléments introducteurs avec une fréquence assez basse : quelque (2,29
%), tant (0,33 %), pour si (0,65 %) et pour aussi (0,33 %). Nous illustrons ci-dessous
quelques phrases comportant des marqueurs normaux si (1), aussi (2), quelque (3), tout (4),
pour (5) et tant (6). Les cas particuliers de pour si et pour aussi seront discutés dans le
chapitre suivant (voir infra : § 4.1.).
(1) Premièrement, il faut accepter la réalité et l'état du marché, si durs soient-ils. (Le
Point, 2011)
(2) Mais ces événements, aussi importants soient-ils, restent au second
plan. (Nouvel Observateur, 2011)
(3) Mais quand la loi parle, a-t-on besoin d'autre autorité, quelque respectable
qu'elle puisse être? (C. Simon, Les Géorgiques, 1981)
(4) Je me la marierais bien, moi, et je prendrais le même avec, tout simplet qu'il est.
(Y. Queffelec, Les noces barbares, 1985)
(5) Ma découverte, pour déconcertante qu'elle fût, m'apporta une intuition
pénétrante du style. (A. Makine, Le testament français, 1995)
(6) Nil opina que si les femmes n'aiment pas le passé, leur passé, et, tant délabrées
qu'elles soient, prétendent "repartir à zéro" c'est parce qu'elles ne supportent pas
que quoi que ce soit ternisse la belle idée qu'elles se font d'elles-mêmes […]. (G.
Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
Nous observons donc que les ouvrages spécialisés ont raison en postulant que les
concessives en si et en aussi s’emploient le plus couramment. Néanmoins, dans notre corpus
les pourcentages ne sont pas distribués comme dans l’étude de Gachet : les concessives
introduites par les marqueurs autres que si constituent en total 61,56 % et se révèlent donc
plus fréquents dans nos données. Cette divergence peut être reliée à la composition des
corpus. D’un côté, Gachet a utilisé Frantext catégorisé, sans imposer de restrictions
temporelles, c’est-à-dire, il a inclus les textes à partir de 1830 jusqu’à 2009. De l’autre côté,
nous nous sommes servie également de Frantext catégorisé, mais nous nous sommes limitée
à une période de 40 ans, à savoir entre 1970 et 2012. En outre, nous avons ajouté les données
de PORC, qui datent toutes d’entre 2008 et 2015. Il est alors plausible de penser que, pendant
un siècle et demi, la fréquence de certains adverbes introducteurs a augmenté, tandis que
pour d’autres elle a diminué. Or, si nous prenons les données de Frantext catégorisé à part
(voir infra : tableau 2), Gachet semble avoir raison.
31
Des 306 exemples, nous en avons trouvé 115 dans PORC et 191 dans Frantext. Nous voyons
bien la différence entre PORC et Frantext dans le tableau (2) ci-dessous :
Tableau 2 : Pourcentages (et nombres absolus) des attestations dans PORC et Frantext
séparément, selon l’élément introducteur
PORC Frantext
Si 15,65 % (18) 52,36 % (100)
Aussi 57,39 % (66) 24,08 % (46)
Quelque 0,00 % (0) 3,66 % (7)
Tout 8,70 % (10) 12,57 % (24)
Pour 17,39 % (20) 5,76 % (11)
Tant 0,00 % (0) 0,52 % (1)
Autre Pour aussi : 0,87 % (1) Pour si : 1,05 % (2)
Total 100,00 % (115) 100,00 % (191)
Dans PORC, quelque et tant n’ont pas donné d’occurrences. Frantext, par contre, a fourni
des exemples de tous les marqueurs introducteurs possibles. Nous voyons également qu’il y
a une grande différence quant à la distribution des fréquences. Le corpus PORC atteste le
plus souvent la concessive en aussi (57,39 %), suivie par les concessives en pour et en si,
qui ont déjà une fréquence beaucoup plus basse : respectivement 17,39 % et 15,65 %. Il est
notable que l’adverbe si, considéré par Gachet comme le plus courant, est peu fréquent24. La
construction en tout n’est attestée que dans 8,70 % des phrases relevées dans ce corpus.
Enfin, PORC comporte une seule occurrence introduite par le marqueur particulier pour
aussi, présentée dans (7).
(7) Le Tagesspiegel, quotidien de Berlin (centre gauche), prenait un peu de distance
et estimait que l'expulsion, pour aussi exceptionnelle qu'elle soit, faisait partie
du théâtre diplomatique. (Le Point, 2014)
En revanche, dans Frantext catégorisé, la concessive en si s’est montré la plus fréquente,
avec 52,36 %. Les fréquences des autres éléments introducteurs restent assez dispersées.
24 Dans l’étude de Gachet (2008), les concessives extensionnelles scalaires en si occupent 61,56 % des
attestations, tandis que nous ne trouvons le marqueur si qu’en 15, 65 % des cas. Nous apercevons donc un
écart de plus ou moins 45 %.
32
Elles sont, en ordre décroissant : aussi (24,08 %), tout (12,57 %), pour (5,76 %), quelque
(3,66 %) et tant (0,52 %). En outre, nous avons trouvé deux cas particuliers dans Frantext,
à savoir deux exemples de propositions concessives extensionnelles scalaires avec des
éléments introducteurs combinés : deux attestations d’une subordonnée concessive
introduite par pour si (1,05 %), mentionnées dans (8) et (9) :
(8) Plaisirs inaccessibles pour nous galopins démunis de pécune, mais dont la
perspective, pour si lointaine qu'elle fût, nous était une stimulation puissante à
faire tomber un peu d'oseille dans nos morlingues. (A. Simonin, Confessions d’un
enfant de la Chapelle, 1975)
(9) […] pour si rigoureux que soit le froid, cela fait déjà des mois - on est en février
- qu'ils y sont accoutumés […]. (C. Simon, Les géorgiques, 1981)
Les écarts s’expliquent partiellement par la différence de registre entre les deux corpus. En
ce qui concerne les marqueurs, le corpus Frantext montre plus de variation que le corpus
journalistique PORC. Il se peut que le romancier ait plus tendance à chercher une variété de
langage que le journaliste. En outre, le langage journalistique attesté dans PORC s’écarte
plus de la norme : traditionnellement, l’introducteur si est le plus fréquent, mais PORC
privilégie aussi et il préfère même légèrement pour (17,39 %) à si (15,65 %).
3.2. Concessives en que ou avec inversion
Un autre élément pertinent à analyser est la distribution des réalisations différentes des
propositions concessives extensionnelles scalaires. Rappelons que Le Goffic (1993) a établi
une distinction double : d’une part les concessives en que, et d’autre part les concessives
avec inversion. Pour lui, l’inversion désigne des structures avec un sujet clitique précédé
d’un verbe auquel il se trouve lié par un trait d’union (de type « si belle soit-elle »). Or,
l’inversion est également attestée dans des structures en que : « si malin que soit Paul ».
Nous affinerons donc la classification. D’abord nous identifierons les variantes avec ou sans
que et ensuite nous isolerons les cas sans ou avec inversion (c’est-à-dire un sujet antéposé
ou postposé respectivement). En outre, nous tiendrons également compte de la nature du
sujet : nominale ou pronominale.
33
D’après l’étude de Gachet25 (2014), trois quarts des concessives extensionnelles scalaires
contiennent le marqueur que, et un quart se caractérise par l’absence de ce que, mais par la
présence de l’inversion de l’ordre des mots. Nous verrons si ces pourcentages valent encore
pour notre corpus. Dans le tableau 3, nous avons omis les trois exemples introduits par pour
si et pour aussi. Il nous reste alors 303 phrases.
Tableau 3 : Pourcentages (et nombres absolus) des attestations avec ou sans que, selon l’élément
introducteur, dans PORC et Frantext
Avec que Sans que
Si 58,47 % (69) 41,53 % (49)
Aussi 50,00 % (56) 50,00 % (56)
Quelque 100,00 % (7) 0,00 % (0)
Tout 100,00 % (34) 0,00 % (0)
Pour 100,00 % (31) 0,00 % (0)
Tant 100,00 % (1) 0,00 % (0)
Total 65,35 % (198) 33,66 % (105)
Dans les deux corpus pris ensemble, la construction en que est la plus courante : elle se
trouve dans environ deux tiers des phrases. La distribution des variantes avec et sans que se
révèle donc un peu moins radicale que dans les données de Gachet. Il est frappant que, pour
les adverbes si et aussi, les nombres des constructions avec que et sans que se rapprochent:
respectivement 69 et 49 attestations en si, et, plus clairement encore, pour les concessives
introduites par aussi les nombres sont identiques En revanche, en ce qui concerne les
marqueurs quelque, pour, tout et tant, nous n’avons trouvé aucune attestation pertinente qui
manifeste une absence de que. Cette manque explique déjà le pourcentage plus élevé des
concessives extensionnelles scalaires avec que. Pourtant Gachet (2014) signale l’existence
de concessives en quelque (10), pour (11) tout (12) et tant (13) qui ont été créées en analogie
avec le prototype si ADJ Vinv. Nous remarquons que les exemples cités par Gachet datent
tous d’une époque plus ancienne.
25 Voir supra (§ 1.2.)
34
(10) Pour les premiers, je ne discuterai pas; on ne discute pas un rêve, quelque beau
soit-il. (Bulletin de la participation aux bénéfices, 1909 <Gallica)26
(11) Ses convictions, pour sincères fussent-elles, restaient des théories. (Paul
Bourget, Nos Actes nous suivent, 1926)27
(12) La tentative de contrainte physique, toute bénigne fût-elle, exercée par
Faverolles d’abord, puis par Calvignac, avait suffi à déclencher un geste si
contraire à son éducation, alors que d’habitude elle affectait en public des
manières plutôt surveillées. (Paul Bourget, Lazarine, 1917)28
(13) Or je ne trouve misérable, tant puisse-t-il estre indigent, qui me vueille estre
secourable, ny pour meubles, ny pour argent. (Charles-Timoléon de Sigogne,
Satires, 1619)29
Maintenant nous vérifierons si le registre journalistique de PORC et registre plutôt littéraire
de Frantext catégorisé préfèrent les constructions avec que ou celles sans que. Les résultats
sont représentés dans le tableau (4) pour PORC et dans le tableau (5) pour Frantext.
Tableau 4 : Pourcentages (et nombres absolus) des attestations avec ou sans que, selon l’élément
introducteur, dans PORC.
Avec que Sans que
Si 44,44 % (8) 55,56 % (10)
Aussi 56,06 % (37) 43,94 % (29)
Tout 100,00 % (10) 0,00 % (0)
Pour 100,00 % (20) 0,00 % (0)
Total 65,79 % (75) 34,21 % (39)
Nous voyons que PORC, avec son langage journalistique, poursuit la tendance générale que
nous avons dégagé dans le tableau (3) : deux tiers des attestations se manifestent avec que
et un tiers se caractérise par l’absence de que. Quant aux préférences des marqueurs, nous
découvrons que les concessives introduites par l’adverbe si s’opposent à l’inclination
générale, en présentant plus de la moitié des occurrences sans que, mais cet écart est
26 Exemple cité par Gachet (2014 : 11). 27 Exemple cité par Gachet (2014 : 12). 28 Exemple cité par Gachet (2014 : 11). 29 Exemple cité par Gachet (2014 : 9).
35
compensé par les concessives introduites par aussi, qui montrent une présence de que dans
56,06 % des cas.
Tableau 5 : Pourcentages (et nombres absolus) des attestations avec ou sans que, selon l’élément
introducteur, dans Frantext catégorisé.
Avec que Sans que
Si 61,00 % (61) 39,00 % (39)
Aussi 41,30 % (19) 58,70 % (27)
Quelque 100,00 % (7) 0,00 % (0)
Tout 100,00 % (24) 0,00 % (0)
Pour 100,00 % (11) 0,00 % (0)
Tant 100,00 % (1) 0,00 % (0)
Total 65,08 % (123) 34,92 % (66)
Frantext montre la même distribution : deux tiers des exemples avec que et un tiers sans que.
Néanmoins, en ce qui concerne les marqueurs, nous observons exactement l’inverse de ce
que nous avons détecté dans PORC : 61,00 % des concessives en si se manifestent avec que,
tandis que seulement 41,30 % des concessives en aussi comportent que.
3.2.1. Les concessives en que
Pour ce qui est de la position du sujet par rapport au verbe au sein de la proposition
concessive, nous décrirons d’abord les constructions en que (tableau 6) et ensuite celles
sans que (tableau 12), en indiquant également la nature du sujet.
Tableau 6 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives en que
Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 82,83 % (164)
Postposition 17,17 % (34) 0,00 % (0)
Puisque les résultats dans PORC et dans Frantext sont plus ou moins uniformes, nous ne les
avons pas inclus séparément dans le tableau. Théoriquement, il existe quatre types de
configurations possibles, mais nous n’avons trouvé des occurrences que de deux : le sujet
36
pronominal antéposé (par exemple : « si belle qu’elle soit »), étant très fréquent (83,42 %)
et le sujet nominal postposé (par exemple : « si belle que soit Jeanne »), ayant une fréquence
relativement basse (16,58 %). D’une part, il est normal que notre corpus n’atteste pas de
concessives en que avec un sujet pronominal postposé (par exemple : *« si belle que soit-
elle »), parce que aucune grammaire ne mentionne l’existence d’une proposition de ce genre.
D’autre part, l’absence d’exemples avec un sujet nominal antéposé (par exemple : « si belle
que Jeanne soit ») dans notre corpus est plus étonnante. Cette forme est bel et bien acceptée,
comme démontré dans (10), où le sujet de la concessive ( « le mot » ) précède le verbe
(« puisse paraître »).
(14) Vous menez une "enquête", mot qui évoque évidemment la méthode policière,
aussi antipathique que le mot puisse paraître. (Morel, 1996 : 119)
Il est intéressant de voir maintenant si les différents marqueurs présentent une préférence
pour un certain type de sujet (antéposé/postposé et nominal/pronominal), ce qui pourrait
éventuellement influencer les pourcentages du tableau précédent. Nous détaillerons
maintenant tous les marqueurs : si (tableau 7), aussi (tableau 8), quelque (tableau 9), tout
(tableau 10), pour (tableau 11) et tant30.
Tableau 7 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives en que, introduites par si
Si Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 66,67 % (46)
Postposition 33,33 % (23) 0,00 % (0)
Pour les propositions concessives en que et introduites par si, les sujets sont répartis de la
façon suivante : un tiers des exemples comporte un sujet nominal postposé (15) et deux tiers
contient un sujet pronominal antéposé (16). Dans les exemples, le sujet est souligné. Les
concessives en si suivent donc la tendance générale que nous avons révélé dans le tableau
(4), mais de manière légèrement moins radicale.
30 Avec une seule occurrence de tant, il est inutile d’en faire un tableau.
37
(15) Si grand que fût notre dévouement à la cause, il me semble en effet qu'aucun
d'entre nous ne pouvait envisager de gaieté de cœur un réveillon dans de telles
conditions. (J. Rolin, L’organisation, 1996)
(16) Le nouveau président de la République ne pourra pas se laisser imposer, pour
son rôle en Europe et dans le monde, un infléchissement, si faible qu’il soit, des
positions qu’il a solennellement fixées. (Nouvel Observateur, 2011)
Tableau 8 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives en que, introduites par aussi
Aussi Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 96,43 % (54)
Postposition 3,57 % (2) 0,00 % (0)
Les concessives extensionnelles scalaires en que avec aussi comme introducteur montrent
une préférence pour les sujets pronominaux antéposés (17) : ils figurent dans 96,43 % des
cas, tandis que les sujets nominaux postposés (18) ne se manifestent que dans deux phrases,
issues de Frantext catégorisé (3,57 % des attestations).
(17) J’essaie de trouver de la musique qui me plaise pour cela. Madonna ? Non, pas
vraiment... Mais Outkast, oui. Et Tom Waits, aussi curieux que cela puisse
paraître. (Paris Match, 2011)
(18) Aussi grand que fût le besoin de protection ressenti, je ne voulais pas qu'un
quelconque attachement vînt entamer ma liberté [...]. (H. Bianciotti, Le pas si
lent de l’amour, 1995)
Tableau 9 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives en que, introduites par quelque
Quelque Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 57,14 % (4)
Postposition 42,86 % (3) 0,00 % (0)
Quant aux propositions concessives en que marquées par quelque, nous remarquons que les
pourcentages se rapprochent plus que ceux des autres marqueurs, comme si (cf. supra :
tableau 5) et aussi (cf. supra : tableau 6). Il existe encore une préférence pour les sujets
38
pronominaux antéposés (57,14 %) (19), mais celle-ci est moins marquée. Nous retrouvons
un sujet nominal postposé (20) dans 42,86 % des cas. Or, en contemplant les nombres
absolus, nous voyons que ceux-ci sont en fait insuffisants pour en tirer la conclusion que
quelque ne privilégie que légèrement le sujet pronominal antéposé.
(19) Ainsi, d'un côté, le passé du monde et le nôtre ne cesse jamais de s'accroître et,
de l'autre, la durée de l'avenir, quelque indéterminée qu'elle puisse être, ne cesse
jamais de se réduire. (J. D’Ormession, La douane de mer, 1993)
(20) Quelque énorme que soit un nombre, on peut toujours en forger un plus grand.
(ibid.)
Tableau 10 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives en que, introduites par tout
Tout Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 97,06 % (33)
Postposition 2,94 % (1) 0,00 % (0)
Les concessives en tout montrent de nouveau une grande inclination pour les sujets
pronominaux antéposés (21) : ce type de sujet se manifeste dans 97,06 % des propositions,
tandis nous ne trouvons un sujet nominal postposé (22) que dans 2,94 % des cas. Les
propositions concessives en tout suivent donc également la tendance générale.
(21) Après mille ans de monarchie, l'instauration d'un pouvoir autoritaire et
héréditaire n'a pas de quoi bouleverser le peuple français, tout régicide qu'il ait
été. (Le Point, 2014)
(22) Sans doute Hortense aurait-elle souhaité davantage, mais tout imparfaite
qu'était cette amitié amoureuse, ne valait-elle pas mieux que la disparition
haineuse de Véronique ou que l'affectation de froideur d'Angiolina? (G.
Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
39
Tableau 11 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives en que, introduites par pour
Pour Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 83,87 % (26)
Postposition 16,13 % (5) 0,00 % (0)
En ce qui concerne les propositions concessives extensionnelles scalaires contenant pour
comme marqueur introducteur, nous apercevons de nouveau une nette préférence pour les
sujets pronominaux antéposés (23) : ils sont présents dans 83,87 % des propositions. Nous
avons trouvé cinq attestations d’un sujet nominal postposé (24), qui constituent alors
ensemble 16,13 %. Cependant, la prédilection pour les sujets pronominaux antéposés se
présente ici de façon légèrement moins radicale en comparaison avec les concessives en si
(cf. tableau 5), aussi (cf. tableau 6) ou tout (cf. tableau 8).
(23) Pour minuscule qu'il apparaisse, ce léger décalage contrarie quelque peu
l'harmonieuse atmosphère dans laquelle ils baignent. (J. Lanzmann, La horde
d’or, 1994)
(24) Bien loin de l'image de la "reproduction" chère à Bourdieu : pour insuffisant
que soit le système, il est le seul qui marche. (Le Point, 2014)
Étant donné que notre corpus ne contient qu’une seule attestation d’une concessive
extensionnelle scalaire introduite par tant, il est inutile de créer un tableau pour représenter
les différents sujets. Par conséquent, il n’est pas possible de voir si tant privilégie un certain
type de sujet. La proposition concessive présentée dans (25) comporte un sujet pronominal
antéposé.
(25) Nil opina que si les femmes n'aiment pas le passé, leur passé, et, tant délabrées
qu'elles soient, prétendent "repartir à zéro" c'est parce qu'elles ne supportent pas
que quoi que ce soit ternisse la belle idée qu'elles se font d'elles-mêmes […]. (G.
Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
Tout compte fait, tous les marqueurs qui ont assez d’occurrences (si, aussi, tout et pour)
montrent clairement une préférence pour un sujet pronominal postposé. Néanmoins, ils
présentent également toujours un petit nombre de sujets nominaux antéposés. Tous les
40
éléments introducteurs ont donc la même tendance. Les nombres des attestations des
marqueurs quelque et tant sont malheureusement trop peu élevés pour en déduire une
conclusion.
3.2.2. Les concessives sans que
Nous ferons la même analyse pour les concessives qui ne comportent pas de que (cf. supra :
tableau 3). Nous regarderons d’abord la distribution des différents types de sujets (cf. infra :
tableau 12). Ensuite nous parcourrons tous les marqueurs qui se sont manifestés dans notre
corpus dans une proposition concessives extensionnelle scalaire sans que. Il s’agit donc des
adverbes si (cf. infra : tableau 13) et aussi (cf. infra : tableau 14).
Tableau 12 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives sans que
Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 0,00 % (0)
Postposition 0,95 % (1) 99,05 % (104)
Dans le tableau (12), les résultats sont univoques : quand la concessive extensionnelle
scalaire ne contient pas de que, l’inversion de l’ordre sujet-verbe est obligatoire. Les formes
comme *« si belle elle soit » ou *« si belle Jeanne soit » se révèlent donc inexistantes. Cette
observation est confirmée par les grammaires, dont aucune n’accepte une telle construction.
De plus, il est indiscutable que le sujet pronominal (par exemple : « si belle soit-elle ») est
dans ce cas le plus courant que le sujet nominal (par exemple : « si belle soit Jeanne »). En
fait, notre corpus ne nous fournit qu’une seule illustration, trouvée dans Frantext (28).
Tableau 13 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives sans que, introduites par si
Si Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 0,00 % (0)
Postposition 0,00 % (0) 100,00 % (49)
Les pourcentages sont très clairs : la totalité des concessives sans que et introduites par si
comporte un sujet pronominal postposé, comme dans (26).
41
(26) Bien évidemment, la qualité d'un système scolaire ne se juge pas qu'à l'aune de
statistiques, si remarquables soient-elles. (Le Point, 2011)
Tableau 14 : Pourcentages (et nombres absolus) des sujets antéposés et postposés, nominaux et
pronominaux, dans les concessives sans que, introduites par aussi
Aussi Nominal Pronominal
Antéposition 0,00 % (0) 0,00 % (0)
Postposition 1,79 % (1) 98,21 % (55)
Nous voyons plus ou moins des résultats identiques pour les concessives en aussi. Les 98,21
% des occurrences contient un sujet pronominal postposé (27). Le sujet nominal postposé
ne se trouve que dans l’exemple (28) et constitue ainsi 1,79 % des attestations.
(27) Foi d'Arbuthnot, nous éliminerons ces influences, aussi puissantes et aussi
secrètes soient-elles! (M. De Grèce, La nuit du sérail, 1982)
(28) Eux, ils tiraient avantage, pour l'essentiel, du piano à queue, et tous les trois nous
profitions du déjeuner que nous prenions seuls; aucun des exilés, aussi modeste
fût sa situation, ne s'y aventurait à l'heure du repas. (H. Bianciotti, Le pas si lent
de l’amour, 1995)
Remarquons quand même qu’il y a une phrase comportant un sujet que nous avons classé
comme un sujet pronominal postposé qui contient en fait un sujet double : un sujet
pronominal (le clitique « elle ») en combinaison avec un sujet nominal (« cette infusion de
chicorée ») (29).
(29) [...] deux par deux, elles traînent des seaux en laiton remplis d'un liquide noirâtre
qu'elles distribuent en même temps que du pain; aussi exécrable soit-elle cette
infusion de chicorée, elle est chaude [...]. (H. Bianciotti, Le pas si lent de
l’amour, 1995)
En résumé, le sujet pronominal postposé constitue la règle pour les propositions concessives
extensionnelles scalaires sans que, avec n’importe quel marqueur introducteur (si ou aussi).
Le sujet nominal postposé est très rare. Une étude ultérieure sera nécessaire pour clarifier
s’il y a d’autres marqueurs qui peuvent introduire une concessive sans que. Nous y
reviendrons dans le chapitre suivant (cf. infra : § 4.2.)
42
3.3. La position de la proposition concessive dans la phrase
Dans la section § 1.1.4., nous avons déjà discuté du statut syntaxique de la proposition
concessive extensionnelle scalaire. Nous y avons fait référence à Hadermann (2015), qui
estime que les concessives du type si ADJ que V ou si ADJ Vinv relèvent de l’hypotaxe.
Cependant le lien entre les deux propositions est relativement lâche, ce qui se traduit entre
autres dans un positionnement variable au sein de l’énoncé. Nous examinerons maintenant
si la concessive préfère occuper une position plutôt qu’une autre par rapport à la proposition
principale. Il y a trois possibilités : soit elle précède la principale (30), soit elle la suit (31),
soit elle s’insère (32) au sein de la phrase principale.
(30) Aussi brillants, aussi flamboyants soient-ils, ils ne peuvent cependant occulter
le fait que la chorégraphie ressemble plus à une prestation gymnique qu’à une
composition élaborée par un savant théoricien. (Nouvel Observateur, 2011)
(31) Et la révolte la ressuscite à l'aurore, si longue soit celle-ci à s'accuser. (R. Char,
Recherche base et sommet, 1981)
(32) J'apprends déjà, sans le savoir, que pour l'errant, quelques minutes de satiété, si
dérisoires soient-elles, soleil levant sur banlieue blême ou soupe chaude sur
cœur froid, dorent la pilule pour des saisons de galère. (J.-L. Degaudenzi, Zone,
1987)
Tableau 15 : Pourcentages (et nombres absolus) des attestations des propositions antéposées,
postposées, insérées et autres, selon corpus
Antéposition Postposition Insertion Autre
PORC 23,48 % (27) 16,52 % (19) 59,13 % (68) 0,87 % (1)
Frantext 41,88 % (80) 19,37 % (37) 35,08 % (67) 3,66 % (7)
Total 34,97 % (107) 18,30 % (56) 44,12 % (135) 2,61 % (8)
En contemplant les deux corpus ensemble, les données rassemblées montrent que la
concessive s’insère le plus souvent à l’intérieur de la principale (44,12 %). Ensuite environ
un tiers des phrases-exemples présentent une subordonnée concessive antéposée. La
postposition de la subordonnée se révèle le moins courant, mais nous avons quand-même
découvert que 18,24 % des phrases produisent cet ordre des propositions.
43
En ce qui concerne les données de PORC, l’insertion est la plus courante (environ trois
cinquièmes des occurrences), l’antéposition est plus rare (plus ou moins un quart des
attestations) et la postposition est la moins fréquente. Quant à Frantext, par contre, la
proposition est le plus couramment antéposée à la principale (41,88 %). Elle s’insère assez
souvent (dans un tiers des cas) et elle se postpose le moins fréquemment.
Enfin il faut remarquer ici que nous avons trouvé 8 phrases qui ne sont pas aptes à appartenir
à la classification proposée dans le tableau (15) ci-dessus : elles ne manifestent ni une
antéposition, ni une postposition, ni une insertion, mais montrent une intégration majeure
ou mineure dans la phrase, comme par exemple (33). Nous étudierons ces exemples plus en
détail dans le chapitre suivant (voir § 4.3.).
(33) Il n'y a pas de corporation si intéressante soit-elle qui ait le droit de se dresser
contre la nation. (L. Aragon, Œuvre poétique, Livre I (1917-1920), 1982)
Nous nous demandons maintenant pourquoi les deux corpus semblent avoir des préférences
diverses quant à la position de la proposition concessive par rapport à la principale. Pour
cette raison, nous regarderons dans les deux corpus séparément si peut-être la présence
majeure ou mineure des marqueurs si, aussi, quelque, tout, pour ou tant influence les
pourcentages obtenus ci-dessus (tableau (15)). Les résultats de PORC se trouvent dans le
tableau (16) et ceux de Frantext catégorisé dans le tableau (17).
44
Tableau 16 : Pourcentages et nombres absolus des attestations des propositions antéposées,
postposées, insérées ou autres, dans PORC, selon marqueur
Marqueur Antéposition Postposition Insertion Autre Total
Si 1,74 % (2) 3,48 % (4) 9,57 % (11) 0,87 % (1) 15,65 % (18)
Aussi 15,65 % (18) 10,43 % (12) 29,57 % (34) 1,74 % (2) 57,39 % (66)
Quelque 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,00 % (0)
Tout 1,74 % (2) 0,87 % (1) 6,09 % (7) 0,00 % (0) 8,70 % (10)
Pour 4,35 % (5) 0,00 % (0) 13,04 % (15) 0,00 % (0) 17,39 % (20)
Tant 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,00 % (0)
Pour aussi 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,87 % (1) 0,00 % (0) 0,87 % (1)
Total 23,48% (27) 14,78% (17) 58,26% (67) 2,61% (3) 100,00% (115)
Dans PORC, les trois marqueurs les plus fréquents aussi, pour et si préfèrent clairement
figurer dans une proposition concessive extensionnelle scalaire insérée dans la phrase
principale : les concessives occupent une position insérée dans respectivement 29,57 %,
13,04 % et 9,57 % des attestations. Cette observation pourrait en fait justifier le pourcentage
élevé de l’insertion au sein du corpus PORC complet. Les autres éléments introducteurs tout
et pour aussi introduisent également le plus souvent une proposition concessive insérée dans
la principale.
Tableau 17 : Pourcentages et nombres absolus des attestations des propositions antéposées,
postposées, insérées ou autres, dans Frantext catégorisé, selon marqueur
Marqueur Antéposition Postposition Insertion Autre Total
Si 22,51% (43) 9,95 % (19) 18,85% (36) 1,05% (2) 52,36 % (100)
Aussi 7,33 % (14) 6,28 % (12) 8,90 % (17) 1,57% (3) 24,08 % (46)
Quelque 1,05 % (2) 1,05 % (2) 1,57 % (3) 0,00% (0) 3,66 % (7)
Tout 7,33 % (14) 2,09 % (4) 2,09 % (4) 1,05% (2) 12,57 % (24)
Pour 3,14 % (6) 0,00 % (0) 2,62 % (5) 0,00% (0) 5,76 % (11)
Tant 0,00 % (0) 0,00 % (0) 0,52 % (1) 0,00% (0) 0,52 % (1)
Pour aussi 0,52 % (1) 0,00 % (0) 0,52 % (1) 0,00% (0) 1,05 % (2)
Total 41,88% (80) 19,37% (37) 35,07% (67) 3,66% (7) 100,00% (191)
Dans Frantext catégorisé, par contre, la moitié des marqueurs privilégie une position
antéposée : si (22,51 %), tout (7,33 %) et pour (3,14 %). Les autres éléments introducteurs
occupent le plus souvent une position insérée dans la principale : aussi (8,90 %), quelque
(1,57 %) et tant (0,52 %), mais étant donné que l’adverbe si s’utilise le plus souvent, les
45
exemples des propositions concessives du corpus Frantext catégorisé en total semblent avoir
une préférence pour l’antéposition.
3.4. La coréférence entre la subordonnée et la principale
Outre le rapport de subordination de la proposition concessive extensionnelle scalaire à la
phrase principale, il existe un autre élément de liaison entre la protase et l’apodose : la
coréférence. Il s’agit de deux termes, l’un dans la concessive, l’autre dans la principale, qui
réfèrent à la même entité. Dans (34), par exemple, le sujet de la concessive « ils » (par
extension aussi la concessive entière) et le sujet de la principale « ces résultats » réfèrent à
la même entité extralinguistique :
(34) Ces résultats, aussi intéressants soient-ils, ne devraient pas conduire à des
comportements irrationnels. (Le Point, 2011)
Le sujet de la concessive ils est dans un rapport anaphorique avec le sujet de la principale
ces résultats. D’abord, nous avons examiné si toutes les concessives reprennent,
anaphoriquement ou cataphoriquement, un élément de la principale ; autrement dit : est-ce
qu’il y a toujours coréférence dans les énoncés à concessive extensionnelle scalaire (tableau
(18)) ?
Tableau 18 : Pourcentages (et nombres absolus) de la présence ou absence de coréférence, selon
corpus
Avec coréférence Sans coréférence
PORC 99,13 % (114) 0,87 % (1)
Frantext 95,29 % (182) 4,71 % (9)
Total 96,73 % (296) 3,27 % (10)
Nous voyons que la grande majorité des concessives de notre corpus comportent un rapport
de coréférence avec la phrase principale. Néanmoins, nous avons trouvé 10 exemples sans
coréférence : 1 dans PORC et 9 dans Frantext, dont (35) est une illustration. Nous les
commenterons plus loin dans notre étude (voir infra § 5.4.1.).
(35) Pourtant, si apparents que fussent les signes de l'abandon, l'homme n'avait
pas complètement évacué ces solitudes. (J. Gracq, La presqu’ile, 1970)
46
Il faut remarquer que la coréférence peut s’établir de différentes manières. La première façon
est la plus courante : un constituant de la principale est repris par un nom ou un pronom dans
la concessive et, par conséquent, toute la concessive porte sur ce constituant (cf. ex. 34
supra). Dans ce cas, nous pouvons indiquer quelle est la fonction syntaxique de l’argument
repris, ou en d’autres mots, de la source (en (34), il s’agit de la fonction sujet). Nous nous
sommes posés la question de savoir si nos concessives privilégient des rapport coréférentiels
avec certaines fonctions syntaxiques plutôt qu’avec d’autres (cf. tableau (17)). Dans le cas
d’une double coréférence (avec deux éléments de la principale), nous avons intégré la phrase
deux fois. Par exemple, dans (36), la coréférence se réalise tant avec le COD (« le ») qu’avec
le COI (« lui ») de la phrase principale.
(36) Pour rien... à deux, tout costaud qu'il est, on pourrait le sécher sur place, lui
casser les temporaux contre le trottoir, sidi crevé. (Bayon, Le lycéen, 1987)
Tableau 19 : Nombres absolus des fonctions syntaxiques31 reprises par la concessive, selon corpus
Fonction PORC Frantext Total
Sujet 61 91 152
Attribut 2 0 2
COD 14 32 36
COI 6 20 26
C de N 4 10 14
CC 3 8 11
C d’Agent 3 0 3
Nous constatons que les concessives extensionnelles scalaires portent le plus souvent sur un
constituant obligatoire de la phrase, c’est-à-dire le sujet (37), le COD (38) ou le COI (39).
Dans notre corpus, nous comptons en total 190 fois une coréférence avec un argument de la
phrase qui remplit une fonction syntaxique appartenant à la valence du verbe. Dans les
exemples suivants, la concessive est marquée en gras et le constituant sur lequel elle porte
est souligné.
31 Nous utiliserons les abréviations suivantes: COD (complément d’objet direct), COI (complément d’objet
indirect), C de N (complément déterminatif de nom), CC (complément circonstanciel), C d’Agent
(complément d’agent),
47
(37) Mais de plus, les intérêts français dans la région, aussi importants soient-ils,
n'annulent en rien les termes de la souveraineté nationale prévalant dans chacun
des pays. (Nouvel Observateur, 2011)
(38) Si charmant qu'il soit, si brillant, je soupçonne cet intellectuel d'être un petit-
bourgeois. (J. D’Ormession, La bonheur à San Miniato, 1987)
(39) Tu ne recules devant aucune agression, aussi blessante soit-elle. (M. Tournier,
Le médianoche amoureux, 1989)
Il existe encore d’autres façons d’établir un lien coréférentiel entre la concessive
extensionnelle scalaire et la phrase principale, mais celles seront traitées dans le chapitre
suivant (§ 4.3.1.)
Il est ensuite intéressant de décrire sous quelle forme apparaissent le sujet de la concessive
et sa source dans la principale. Le cas le plus normal serait un constituant nominal dans la
principale, qui est repris par un sujet clitique dans la subordonnée concessive. Dans le
tableau (18) ci-dessous, nous avons énuméré les attestations des quatre combinaisons
possibles : un sujet pronominal avec une source pronominale, un sujet pronominal avec une
source nominale, un sujet nominal avec une source pronominale et un sujet nominal avec
une source nominale.
Tableau 20 : Pourcentages (et nombres absolus) des occurrences d’un sujet (pro)nominal en combinaison avec une source (pro)nominale, dans PORC et Frantext
Sujet PRO Sujet NOM
Source PRO 16,53 % (41) 6,05 % (15)
Source NOM 75,40 % (187) 2,02 % (5)
Nous voyons en effet que la combinaison d’un sujet pronominal dans la concessive et une
source nominale, illustrée dans (40) se produit dans trois quarts des occurrences. Ce que
nous trouvons également dans un bon nombre de cas, c’est un sujet pronominal dans la
concessive qui reprend sa source pronominale, par exemple dans (41).
(40) Je n’ai rien à me reprocher, mais j’ai considéré que l’image de la France à
l’étranger ne pouvait plus s’accommoder des soupçons qui étaient véhiculés,
aussi injustes soient-ils. (Paris Match, 2011)
48
(41) Le garçon chérissait de même les arbres; il les plaignait, si grands et si
majestueux qu'ils fussent, d'être incapables de fuir ou de se défendre, livrés à la
hache du plus chétif bûcheron. (M. Yourcenar, Un homme obscur, 1982)
3.5. Les lexèmes les plus couramment utilisées
Dans le cadre général (§ 1.1.4), nous avons déjà précisé que la proposition concessive
extensionnelle scalaire est construite avec un verbe copule au subjonctif et un adjectif qui
accepte l’expression d’un degré. Gachet (2014) définit d’ailleurs la concessive
extensionnelle scalaire comme une construction verbale attributive. La présence d’un
attribut dans la phrase requiert un verbe copule, qui sert à lier le sujet avec cet attribut. Le
tableau 18 illustre quels verbes sont les plus fréquents dans notre corpus.
Tableau 21 : Pourcentages (et nombres absolus) des verbes les plus utilisés dans les concessives
Verbe copule Pourcentage Nombre absolu
Être 85,29 % (261)
Paraître 12,75 % (39)
Apparaître 0,98 % (3)
Devenir 0,33 % (1)
Se proclamer 0,33 % (1)
Vouloir 0,33 % (1)
Les exemples de verbes attributifs ou copules le plus souvent cités par Gachet comme
figurant dans les concessives sont être (42) et paraître (43). En effet, nous avons trouvé ces
deux verbes dans la quasi-totalité des attestations, avec une grande majorité d’être (85,53
%). En outre, nous avons encore détecté six cas avec des verbes un peu moins prototypiques :
dans PORC, deux fois apparaître (44-45) et une fois vouloir (46), et dans Frantext, une fois
apparaître (47), devenir (48) et se proclamer (49).
(42) De quoi donner des ailes aux futurs modèles de la gamme, aussi lourds soient-
ils. (Le Point, 2014)
(43) Lady Gaga, pour futile qu’elle paraisse, est tout aussi profonde quand elle
observe qu’il y a forcément des ombres lorsqu’on est en pleine lumière.
49
L’emploi des modes constitue un autre paramètre intéressant à analyser. Le mode standard
de la proposition concessive extensionnelle scalaire est le subjonctif, mais comme nous
l’avons déjà mentionné dans le cadre général (§ 1.2.4), le marqueur tout peut également
introduire une concessive à l’indicatif. Nous regarderons maintenant si notre corpus contient
de tels exemples (tableau 22) et quel est alors l’élément introducteur.
Tableau 22 : Pourcentages (et nombres absolus) des verbes au subjonctif et à l’indicatif, selon
marqueur, dans PORC et Frantext catégorisé
Marqueur Subjonctif Indicatif
Si 100,00 % (118) 0,00 % (0)
Aussi 99,11 % (111) 0,89 % (1)
Quelque 100,00 % (7) 0,00 % (0)
Tout 50,00 % (17) 50,00 % (17)
Pour 90,32 % (28) 9,68 % (3)
Tant 100,00 % (1) 0 ,00 % (0)
Pour si 100,00 % (2) 0 ,00 % (0)
Pour aussi 100,00 % (1) 0,00 % (0)
Total 93,14 % (285) 6,86 % (21)
Nous détectons en total 21 concessives qui emploient un verbe à l’indicatif. Elles constituent
ensemble 6,86 % des exemples répertoriés. Nous trouvons une attestation marquée par aussi
(44), 17 attestations introduites par tout (45) et 3 par pour (46). Il est surtout remarquable
que la moitié des concessives en tout se trouve à l’indicatif. L’utilisation de l’indicatif en
combinaison avec un marqueur autre que tout est rare : nous reviendrons sur les cas de aussi
et pour dans le chapitre suivant (voir infra : § 4.5.2.).
(44) Car si le monde ressemble à « une branloire pérenne» (dixit Montaigne, son
auteur de chevet), « aussi haut qu'on voudra, aussi profond qu'on voudra, la
littérature est d'abord un plaisir ». (Nouvel Observateur, 2010)
(45) Pour rien... à deux, tout costaud qu'il est, on pourrait le sécher sur place, lui
casser les temporaux contre le trottoir, sidi crevé. (Bayon, Le lycéen, 1987)
(46) Aussi, pour importantes qu'ont été les manifestations et les grèves, elles ne
feront pas bouger l'exécutif, sinon à la marge. (Nouvel Observateur, 2010)
50
En ce qui concerne les adjectifs utilisés dans les concessives extensionnelles scalaires, la
seule condition mentionnée par toutes les grammaires, c’est qu’ils doivent accepter une
intensité variable. La quasi-totalité des adjectifs relevés se montrent capables d’être
exprimés avec un degré variable. Nous discuterons des adjectifs divergents dans le chapitre
suivant (§ 4.6.). En total, les 306 phrases exemplaires utilisent 219 adjectifs différents, mais
il faut remarquer que certaines concessives coordonnent plusieurs adjectifs. Dans le tableau
(23) ci-dessous, nous avons énuméré les dix adjectifs les plus courants.
Tableau 23 : Pourcentages et nombres absolus des adjectifs les plus couramment utilisés, dans
PORC et Frantext catégorisé
Adjectif Pourcentage Nombre absolu
Modeste 4,57 % (10)
Étrange 4,11 % (9)
Grand 3,65 % (8)
Incroyable 3,20 % (7)
Beau 2,74 % (6)
Différent 2,74 % (6)
Étonnant 2,74 % (6)
Important 2,28 % (5)
Petit 2,28 % (5)
Douloureux 1,83 % (4)
51
4. Analyse qualitative
Dans le chapitre précédent (voir supra : § 3.), nous avons analysé les données globalement,
en indiquant pour chaque paramètre le nombre de cas typiques et de cas plus particuliers.
Dans le présent chapitre, nous regarderons de plus près les phrases contenant une concessive
extensionnelle scalaire qui se différencie du prototype d’une certaine façon et nous
essaierons d’expliquer la raison pour laquelle certaines tendances se manifestent. Nous
traiterons des cas suivants : les propositions concessives introduites par des marqueurs
doubles (§ 4.1.), les formes particulières qui ne sont pas attestées dans notre corpus (§ 4.2.),
les concessives extensionnelles scalaires et leur degré d’intégration dans la phrase (§ 4.3.),
les cas particuliers de coréférence (§ 4.4.), les verbes dans la concessive (§ 4.5.) de même
que les adjectifs utilisés (§ 4.6.).
4.1. Les marqueurs doubles
Comme déjà mentionné supra (§ 3.1.), nous avons trouvé deux attestations d’une concessive
qui n’est pas introduite par un des marqueurs standards (si, aussi, quelque, tout, pour ou
tant), mais par une combinaison de deux de ces marqueurs : pour si (1-2) et pour aussi (3).
(1) […] pour si rigoureux que soit le froid, cela fait déjà des mois - on est en février
- qu'ils y sont accoutumés […]. (C. Simon, Les Géorgiques, 1981)
(2) Plaisirs inaccessibles pour nous galopins démunis de pécune, mais dont la
perspective, pour si lointaine qu'elle fût, nous était une stimulation puissante à
faire tomber un peu d'oseille dans nos morlingues. (A. Simonin, Confessions
d’un enfant de la Chapelle, 1977)
(3) Le Tagesspiegel, quotidien de Berlin (centre gauche), prenait un peu de distance
et estimait que l'expulsion, pour aussi exceptionnelle qu'elle soit, faisait partie
du théâtre diplomatique.(Le Point, 2014)
Ces marqueurs peuvent sembler à première vue un peu bizarres. Cependant, d’après le Bon
Usage (2015) pour si a été très fréquent au seizième et dix-septième siècle :
(4) Aussi ne pensai-je pas qu’aucune chose, pour si utile et si excellente qu’elle
fût, me pût jamais plaire. (Malherbe, Œuvres, t. II, p. 279)
Pour si s’utilise encore parfois de nos jours, mais la plupart des grammairiens jugent ce
double marqueur inutile. Or, le Bon Usage soutient que l’ajout de si au sein de pour… que
52
n’est pas aléatoire : « pour grand qu’il soit » se paraphraserait par « quoiqu’il soit grand »,
tandis que « pour si grand qu’il soit » signifierait « quoiqu’il soit si grand ». La présence de
si renforcerait donc le haut degré de l’adjectif qui suit, en maintenant sa valeur comparative
originelle. Nous pouvons appliquer cette analyse sémantique également aux exemples (1) et
(2) de notre corpus.
Le marqueur pour aussi, qui figure également dans le Bon Usage, se rencontre moins
couramment :
(5) Pour aussi fort qu’il fût devenu, quelque chose manquait à mon amour conjugal
(P.-H. Simon, Raisins verts, 1950, p. 53).
Le Bon Usage (2015) fait également mention de combinaisons possibles de la préposition
pour avec les adverbes quelque (6) et tout (7), mais celles-ci ne seraient utilisées que très
rarement en français actuel. En effet, les exemples cités par le Bon Usage datent au moins
d’il y a 50 ans :
(6) Les revers effroyables que les armées essuyaient sur le front amenaient une
désorganisation générale, dont le dépôt, pour quelque retiré qu’il fût, souffrait.
(P. Gascar, Bêtes, 1953, p. 25)
(7) Pour tout incommensurable qu’elle soit à l’esprit, l’âme n’en est pas moins […]
la troisième dimension de l’esprit. (Charles Du Bos, Grandeur et misère de
Benjamin Constant, 1946, p. 68)
En outre, il figure encore un autre exemple dans notre corpus qui combine deux marqueurs :
la conjonction quoique et le marquer aussi de la structure concessive aussi ADJ que V.
(8) Quoique aussi bizarre que cela puisse paraître, le seul dirigeant pour qui
j'avais une certaine sympathie était Maurice Thorez. (Nouvel Observateur,
2008)
Les deux marqueurs expriment une valeur concessive. Nous pourrions mettre en avant
l’hypothèse que ce quoique entre dans une relation de concession avec le contexte qui
précède alors que la structure aussi bizarre que cela puisse paraître établit un rapport
concessif avec la phrase qui suit.
53
(9) Il y avait également Aragon qui ne me faisait aucun cadeau. Quoique aussi
bizarre que cela puisse paraître, le seul dirigeant pour qui j’avais une certaine
sympathie était Maurice Thorez. Je trouvais qu’il avait une bonne tête et qu’il
était sensible à la culture. (ibid.)
L’auteur de cet article critique Aragon et nous nous attendrions à ce qu’il fasse de même
avec Maurice Thorez, puisque ces deux hommes appartiennent au Parti communiste
français. Or, ce n’est pas le cas. Nous observons donc un effet concessif avec le contexte
précédent.
4.2. Les configurations non attestées dans le corpus
Dans le chapitre précédent (voir supra : § 3.2.), nous avons examiné quelles configurations,
c’est-à-dire la présence ou absence de que et l’ordre des mots, sont possibles dans les
propositions concessives extensionnelles scalaires. Dans ce qui suit, nous nous demanderons
si les configurations non attestées dans notre corpus ont réellement disparu du français actuel
ou si leur absence est causé par les limites temporelles32 que nous avons imposées à notre
corpus. En d’autres mots, certaines configurations seraient-elles devenues archaïques ?
Pour répondre à cette question, nous avons à nouveau puisé dans Frantext catégorisé sans
imposer de contraintes temporelles33. Nous suivrons la même structure que dans la section
§ 3.2. (voir supra) : nous étudierons la distribution des subordonnées concessives avec et
sans que et nous nous appuierons sur la position (antéposée ou postposée) de même que sur
la nature (nominale ou pronominale) du sujet de ces concessives, en prenant en considération
également les éléments introducteurs.
Tout d’abord, rappelons que les propositions concessives de notre corpus comportent que
dans 65,35 % des cas (voir supra : § 3.2.). De plus, nous n’avons relevé aucune attestation
d’une concessive extensionnelle scalaire sans que et introduite par quelque, tout, pour et
tant. Un sondage dans Frantext catégorisé dans sa totalité nous apprend que ces types de
32 Nous avons employé des documents de 1970 à 2015. 33 Les exemples datent donc de 1830 à 2015.
54
concessives n’y figurent pas. Nous pouvons donc conclure que les éléments introducteurs
quelque, tout, pour et tant nécessitent (et ont toujours nécessité) une construction en que.
Ci-dessous, nous traiterons des configurations possibles des concessives avec que (§ 4.2.1.)
et sans que (§ 4.2.2.).
Dans la section § 3.2.1. (voir supra), nous avons montré que notre corpus ne contient pas
d’attestations de concessives extensionnelles scalaires en que avec un sujet nominal
antéposé ou avec un sujet pronominal postposé. Ce sont donc ces tournures que nous
essaierons de dégager dans Frantext catégorisé intégral.
En ce qui concerne l’adverbe introducteur si, nous ne trouvons aucune occurrence de type
si ADJ que NOM V ou si ADJ que V PRO. L’adverbe aussi, par contre, figure une fois dans
une construction concessive avec un sujet pronominal postposé (10). Un sujet nominal
antéposé n’est pas attesté.
(10) […] à défaut de cela, on peut prendre une planche en bois résistant, mais aussi
dur que soit celui-ci il peut être entamé par l'outil et il n'est rien de désagréable
comme de travailler sur une surface qui n'est pas absolument lisse [...]. (J.
Closset, Le travail artistique du cuir, 1930)
Il faut cependant noter que le sujet pronominal est celui-ci, pronom démonstratif non
clitique. Les pronoms clitiques semblent bel et bien impossibles.
Quant à l’élément introducteur quelque, nous avons trouvé plus de 100 attestations, ce qui
est un résultat assez surprenant, étant donné que notre corpus de 1970 à 2015 ne contient
que 7 propositions concessives de ce type. Quelque se révèle donc un marqueur dont
l’utilisation a diminué au cours du temps. Nous avons trouvé 12 exemples de concessives
comportant un sujet nominal antéposé (11-12), le sujet pronominal postposé n’est pas attesté.
Les exemples restants ont un sujet nominal postposé.
55
(11) Quelque intéressante que cette situation puisse paraître, elle le sera bien
davantage en expliquant la position de Dumay relativement à Modeste. (H. De
Balzac, Modeste mignon, 1845)
(12) […] quelque paradoxaux que ces termes puissent paraître à première vue ; c' est
ce que je voudrais essayer de faire dans cet article sans prétentions. (Anonyme,
Gds cour. Pensée mathématique, 1948)
Notons que la totalité des sujets nominaux antéposés des propositions concessives en
quelque comprend l’adjectif démonstratif ce ou une de ces formes déclinées cet, cette ou ces
(voir supra : exemples (11) et (12)). En outre, nous observons que 9 des 12 propositions ont
un syntagme verbal similaire : puisse(nt) paraître (voir supra : idem). Nous reviendrons sur
ce type de construction verbale plus loin. (voir infra : § 4.4.3.).
En ce qui concerne le marqueur tout, nous avons également examiné si la présence d’un
sujet nominal postposé est possible, puisque notre corpus n’en a fourni qu’une seule
occurrence (voir supra : § 3.2.1.). Dans Frantext catégorisé intégral, nous avons détecté 9
exemples, par exemple (cf. 13). Donc, cette configuration existe, mais très rarement.
(13) […] tout minuscule que fût l'endroit, il y avait quand même place pour deux
systèmes de civilisation […]. (L.-F. Celine, Voyage au bout de la nuit, 1932)
La recherche de la tournure tout ADJ que NOM V nous a fourni une seule attestation (14).
Le tour tout ADJ que V PRO, par contre, n’est pas présent dans Frantext catégorisé intégral.
(14) […] sans doute, elle avait été courtisée, mais elle n'avait pas eu d'amant, tout
extraordinaire que la chose puisse paraître […]. (T. Gautier, Mademoiselle de
Maupin, 1836)
L’adverbe pour ne se présente jamais dans une proposition concessive avec un sujet
pronominal postposé. En revanche, nous avons trouvé deux attestations de concessives
extensionnelles scalaires qui contiennent un sujet nominal antéposé (15-16).
56
(15) Mais, pour paradoxale que l'affirmation paraisse, cette végétation folle, et d'
une telle richesse qu' il faut évoquer la forêt tropicale pour en avoir quelque
image, est toujours […]. (E. Schneider, Le charbon, 1945)
(16) Pour coupable que mon amour paraisse aux yeux des hommes, oh ! Dites-moi
qu' aux vôtres il est saint. (A. Gide, La symphonie pastorale, 1919)
Pour la recherche des concessives extensionnelles scalaires introduites par tant dans
Frantext catégorisé complet, nous avons dégagé un seul exemple pertinent, qui contient
un sujet nominal postposé (17), configuration que nous n’avons pas relevée dans notre
corpus contemporain. Cependant, cell-ci se manifeste régulièrement dans des
concessives avec d’autres éléments introducteurs (voir supra : § 3.2.1.).
(17) Tant petites que soient les huisseries d'une chambre, elles peuvent y passer si
elles veulent. (G. Sand, Jeanne, 1844)
En guise de conclusion, nous avons pu trouver quelques configurations comportant que qui
ne sont pas attestées dans notre corpus initial. Nous avons découvert qu’un sujet nominal
antéposé est bien possible en combinaison avec la moitié des marqueurs (quelque, tout et
pour). Un sujet pronominal postposé se rencontre plus rarement : Frantext catégorisé fournit
une seule attestation (introduite par aussi). Cependant, remarquons qu’il s’agit d’un pronom
démonstratif (« celui-ci ») et non pas d’un pronom clitique (comme dans les concessives
sans que : « aussi belle soit-elle »).
4.3. La place de la proposition : les concessives plus ou moins
intégrées dans la phrase principale
Dans la section § 3.3., nous avons détecté 8 propositions qui ne sont ni antéposées, ni
postposées, ni insérées, c’est-à-dire qui ne sont pas séparées du reste de la phrase par une
virgule. Nous pouvons les diviser en deux groupes, selon leur intégration majeure ou
mineure dans la principale. D’une part, nous distinguons les concessives extensionnelles
scalaires qui ont évolué vers un constituant plus intégré dans la phrase et qui semblent
presque remplir la fonction d’épithète.
(18) "Il ne me parait pas judicieux d'envisager la remise en cause des principes
fondateurs d'une politique pour faire face à des situations conjoncturelles si
57
graves soient elles", écrit Frédéric Lefebvre sur sa page Facebook. (Nouvel
Observateur, 2010)
(19) [...] le concert qui s'élève d'un ensemble aussi puissant et aussi nombreux étouffe
le duo gracieux, mais un peu grêle en comparaison, des bras aussi durs soient-
ils. (M. Tournier, Les météores, 1975)
(20) Le paternel tout raciste qu'il soit il [ne] crachait pas dans le tajine. (E. Hanska,
J’arrête pas de t’aimer, 1981)
(21) Il existe, je crois, une loi de physique selon laquelle une quantité de gaz aussi
faible soit-elle remplit toujours également le ballon dans lequel elle est
enfermée. (M. Tournier, Les météores, 1975)
(22) Pourtant çui-là tout Allemand qu'il est a passé son enfance à Casablanca. (E.
Hanska, J’arrête pas de t’aimer, 1981)
(23) Mon raisonnement si brillant soit-il ne me rassure pas longtemps. (J. Joffo, Un
sac de billes, 1973)
(24) Il n'y a pas de corporation si intéressante soit-elle qui ait le droit de se dresser
contre la nation. (L. Aragon, Œuvre poétique, Livre I (1917-1920), 1982)
Nous remarquons que le constituant concessif contient dans tous les cas un sujet clitique qui
reprend un syntagme nominal (souligné). La concessive fonctionne donc comme un
complément du SN sur lequel elle porte et elle ne peut plus contenir de sujet plein (nominal).
En outre, 5 des 7 concessives se présentent sans que, probablement parce que ce que relatif
évoque trop le statut propositionnel. Un que relatif introduit en fait normalement une
proposition relative. Il est aussi frappant que 4 des phrases proviennent de deux auteurs. Il
se peut alors que l’évolution des propositions concessives vers des épithètes ne se manifeste
que chez certains écrivains. Or, en effectuant une recherche provisoire sur Google, nous
avons relevé des exemples récents :
(25) « Le discours est un grand souverain », disait Gorgias : et nulle photo si belle
soit-elle, ou si excitante ou si mimétique soit-elle, n’a ce pouvoir du langage
d’attirer vers elle, ni même à vrai dire d’autre sens que celui qu’un orateur sait
lui donner. (A. Guyaux et S. Marchal, La vie romantique : Hommage à Loïc
Chotard, p.471, 2003)
(26) N’importe quelle action si belle soit elle n’a de valeur si on peut la partager.
(http://be-fresco.org/nos-valeurs/, 2016)
58
(27) L’annonce de l’Évangile, en effet, ne consiste pas à transmettre un message si
beau soit-il ou une philosophie de la vie, mais à faire revivre le Christ dans le
monde et signifier sa présence d’amour par notre comportement. (H. Caldélari,
Être sur terre le cœur de Dieu, p.245, 2010)
D’autre part, nous avons détecté un exemple d’une concessive qui s’est graphiquement
détachée du reste de la phrase. Dans l’exemple (28) ci-dessous, la concessive extensionnelle
scalaire montre une intégration réduite dans la phrase principale:
(28) Mais mon estomac réclamait son dû. Aussi médiocre soit-il. (R. Forlani,
Gouttière, 1989)
Comme nous n’avons qu’une seule attestation de ce type, il est difficile d’en tirer des
conclusions. Il peut s’agir d’un cas isolé où l’auteur a cherché à souligner la valeur
concessive en l’exprimant dans une phrase indépendante.
4.4. La coréférence
Rappelons que la coréférence implique qu’un élément de la subordonnée concessive et un
élément de la phrase principale réfèrent à la même entité linguistique. Dans cette section,
nous traiterons de trois cas particuliers : d’abord, quelques exemples de coréférence non
standard (§ 4.4.1.), ensuite, les concessives extensionnelles scalaires sans coréférence (§
4.4.2.) et enfin les concessives qui remplissent la fonction de complément de l’énoncé (§
4.4.3.).
4.4.1. Cas de coréférence non standard
Les exemples dans la section § 3.4. se caractérisent par une coréférence simple entre le sujet
clitique de la concessive et un constituant de la propositions principale, mais il existe
quelques variantes de ce schéma prototypique. Parfois la reprise s’effectue par une anaphore
conceptuelle (29). Il se peut aussi que la concessive porte sur un argument ellipsé (30). Enfin,
la coréférence peut également se manifester de façon indirecte (31).
(29) Abandonne ta mémoire, si beau que soit ce navire. Qu’est-elle, d’ailleurs, ton
infirme mémoire trouée comme un gruyère en comparaison de la mémoire du
saumon ? Il lui faut remonter de la mer jusqu’ […]. (J.-L. Bory, Un prix
d’excellence, 1979)
59
Le contexte de (29) nous montre que l’auteur considère la mémoire de la personne en
question comme un navire.
(30) Si tolérants que nous puissions être, ce que [nous] avons le plus de mal à
accepter, c'est la sensualité des autres. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
Dans (30), l’auteur a apparemment oublié de préciser le sujet de avons.
(31) Presque tous les rituels d'initiation, si modeste qu'en soit l'objet, comportent
le franchissement d'un couloir obscur et il y a dans la promenade de l'èvre un
moment ingrat où l'attention se détourne, et où le regard se fait plus distrait. (J.
Gracq, Les eaux étroites, 1976)
La concessive dans l’exemple (31) peut être paraphrasé par « si modeste que soit l’objet de
tous les rituels d’initiation ». Le pronom en pronominalise donc le sujet de la proposition
principale.
En outre, la coréférence peut également s’instaurer grâce aux déterminants possessifs. Dans
certains cas, la concessive fonctionne encore comme un complément déterminatif d’un
constituant dans la phrase principale. Dans (32), par exemple, le déterminant possessif
« mon » dans la concessive réfère au sujet de la principale « je ».
(32) On aura tout fait pour me le faire prendre en haine, et pourtant si grande qu'ait
pu être parfois - et surtout dans ma prime jeunesse - mon irritation, je n'ai
jamais eu de sentiment hostile à son égard. (M. Tournier, Les météores, 1975)
Dans d’autres cas, seul le déterminant possessif établit un rapport coréférentiel avec un autre
argument, qui n’a pas forcément une fonction syntaxique dans la phrase principale (33).
(33) Ma passion pour Suzanne continuait à s'exprimer à travers des lettres-fleuves,
mais elle était loin de répondre à toutes mes aspirations dans ce domaine, si vif
que fût mon goût pour les sentiments hypertrophiés. (J. Rolin, L’organisation,
1996)
Enfin, une phrase peut comporter un lien coréférentiel entre la concessive et la phrase
principale entière. Dans ce cas, nous soutenons que cette concessive remplit la fonction de
complément de l’énoncé : elle fournit donc un commentaire sur la principale dans sa totalité,
60
par exemple dans (34). Étant donné que nous avons trouvé 38 occurrences de ce type de
coréférence, nous en parlerons de façon plus détaillée dans le chapitre suivant (voir infra §
4.4.3.).
(34) Car aussi étonnant que cela puisse paraître, aucune séquence filmée par
l'actuel réseau des 400 caméras de surface de Paris ne peut pour l'instant être
enregistrée. (Paris Match, 2010)
4.4.2. Les concessives sans coréférence
En total, notre corpus contient 10 phrases sans aucun rapport coréférentiel entre la
subordonnée concessive et la phrase principale : un exemple provient du corpus PORC et
neuf de Frantext.
(35) Mais, et c'est là l'essentiel, pour importante que fût la loi sur le mariage
homosexuel, le bilan de la garde des Sceaux reste bien léger. (Le Point, 2014)
(36) Pour tous, d'une certaine façon, quelque anciennes que soient les racines qui
vous rattachent à San Martin, à Bolivar ou à la guerre du Chaco, la traversée
de l'Atlantique est un retour au pays. (J. d’Ormession, Le vent du soir, 1985)
(37) Si brève qu'ait été cette rencontre, et si étrangement divergente puisque, arrivé
parme ces jeunes gens que je considérais comme les porteurs d'une lumière dont
j'étais ébloui (et dont je me défendais encore), je devais à l'aube de 1927 entrer
dans leur parti, tandis qu'eux allaient diversement s'en éloigner. (L. Aragon,
Œuvre poétique, Livre III (1926), 1982)
(38) Pourtant, si apparents que fussent les signes de l'abandon, l'homme n'avait
pas complètement évacué ces solitudes. (J. Gracq, La presqu’ile, 1970)
(39) Si grand que fût notre dévouement à la cause, il me semble en effet qu'aucun
d'entre nous ne pouvait envisager de gaieté de cœur un réveillon dans de telles
conditions. (J. Rolin, L’organisation, 1996)
(40) Aussi grand que fût le besoin de protection ressenti, je ne voulais pas qu'un
quelconque attachement vînt entamer ma liberté [...]. (H. Bianciotti, Le pas si
lent de l’amour, 1995)
(41) Il faut intarissablement se passionner, en dépit d' équivoques découragements et
si minimes que soient les réparations. (R. Char, Recherche base et sommet,
1981)
61
(42) Si désert que parût Le Forge, et si détaché du monde actif, il avait toujours
l'impression qu'on l'espionnait, que les fenêtres n'étaient pas innocentes, et les
rares passants qu'il croisait en rasant les murs se retournaient toujours sur lui.
(Y. Queffelec, Les noces barbares, 1985)
(43) Si harassés, si las que nous soyons, maintenant que la barre qui séparait le ciel
de la mer s'est changée en une coulée rose, une autre lumière monte au visage
flétri d'Ana : l'excitation d'un éternel renouveau ; la vie, encore aujourd'hui, lui
ouvre toutes grandes ses portes. (H. Bianciotti, Le pas si lent de l’amour, 1995)
(44) Mais que faire de la rancune à l'égard d'un disparu, comment s'en décharger, si
enclin qu'on soit à favoriser les morts plutôt que les vivants. (idem)
La coréférence ne constitue donc pas toujours une caractéristique obligatoire pour les
propositions concessives extensionnelles scalaires. Or, il faut souligner que 7 des 10
concessives extensionnelles scalaires sans coréférence comportent l’élément introducteur si
(37-38-39-41-42-43-44). Les autres occurrences sont marquées par pour (35), quelque (36)
et aussi (40). Il se pourrait donc que le français tend à privilégier si dans ce genre d’emploi
mais pour le vérifier, il faudrait disposer d’un corpus plus étendu.
4.4.3. La concessive comme complément de l’énoncé
Quelquefois la coréférence ne s’établit pas entre la proposition concessive et un constituant
de la principale, mais la subordonnée concessive fournit dans ce cas un commentaire sur la
phrase principale entière. Dans notre corpus, nous avons trouvé en total 38 occurrences
d’une concessive qui remplit la fonction de complément de l’énoncé : 24 dans PORC et 14
dans Frantext catégorisé. Elles sont illustrées ci-dessous dans les exemples (45) - (49).
(45) Le ministre allemand de la Santé, Daniel Bahr, a souligné qu'"on ne peut exclure
de nouveaux décès, aussi douloureux que cela puisse être". (Nouvel
Observateur, 2011)
(46) En effet, aussi incroyable que cela puisse paraître, les producteurs de Kaoma
n'ont jamais demandé l'autorisation du groupe bolivien pour plagier littéralement
sa chanson ! (Le Point, 2014)
(47) Cela dit, et aussi étrange que cela puisse vous paraître, je ne condamne pas
totalement la société coloniale, qui avait, comment dire? le sens de la beauté et
de l'élégance. (Nouvel Observateur, 2008)
62
(48) On peut y cueillir au printemps, aussi incroyable que ça paraisse, de jeunes
pousses de pissenlits, de la doucette et de l'ail sauvage. (J.-L. Degaudenzi, Zone,
1987)
(49) Si singulier que cela me paraisse aujourd'hui, ce livre a compté dans ma vie.
(J. Gracq, En lisant en écrivant, 1980)
Nous remarquons dans les exemples récoltés quelques particularités formelles.
Premièrement, la proposition concessive est presque toujours introduite par le marqueur
aussi. C’est en effet le cas pour 31 des 38 phrases. L’adverbe si introduit les 7 attestations
restantes. Deuxièmement, toutes les concessives de ce type se présentent avec que et
contiennent un sujet pronominal antéposé au verbe. Ce sujet pronominal se révèle dans 34
des phrases cela, une fois ça, deux fois ce et une fois le pronom il (sujet d’un verbe
impersonnel). Étant donné que la concessive porte sur la principale entière, le sujet de la
subordonnée ne peut pas être un pronom personnel, puisque celui-ci ne peut référer qu’à des
noms, des syntagmes nominaux ou d’autres pronoms. Troisièmement, dans le tableau (1) ci-
dessous, nous avons analysé les différentes formes verbales.
Tableau 1 : Pourcentages (et nombres absolus) des différentes formes verbales dans les
concessives remplissant la fonction de complément de l’énoncé
Puisse + Vinf V conjugué Total
Être 2,62 % (1) 13,16 % (5) 15,79 % (6)
Paraître 71,05 % (27) 13,16 % (5) 84,21 % (32)
Normalement, la proposition concessive extensionnelle scalaire se manifeste avec un verbe
copule. C’est également le cas pour les concessives qui portent sur toute la principale. La
forme verbale est dans 32 des phrases paraître, et dans 6 cas être. Les exemples en être se
divisent en deux groupes : d’une part, nous avons trouvé une occurrence de l’infinitif être
en combinaison avec une forme de pouvoir conjuguée au subjonctif (50), et d’autre part,
notre corpus contient cinq concessives avec une forme conjuguée d’être au subjonctif (51).
Les concessives en paraître se montrent clairement les plus courantes : les cas en
combinaison avec puisse constituent presque trois quarts de toutes les données (52) et les
cas avec paraître conjugué sont attestés cinq fois (53).
63
(50) Le ministre allemand de la Santé, Daniel Bahr, a souligné qu'"on ne peut exclure
de nouveaux décès, aussi douloureux que cela puisse être". (Nouvel
Observateur, 2011)
(51) Et pourtant, aussi désagréable que cela fût de me l'avouer, la mort de l'homme à
qui je devais tant me libérait, en quelque sorte, vis-à-vis de l'homme que j'aimais.
(M. De Grèce, La nuit du sérail, 1982)
(52) Et pourtant, tout le monde a bien compris : aussi incroyable que cela puisse
paraître, l’acteur vedette des années cinquante et soixante, ce bel homme
ténébreux, viril, grand, athlétique, au visage poupin, épanoui, souriant, le don
Juan de ces dames, le justicier de ces messieurs, qui aurait presque fait de
l’ombre à James Dean dans Géant, leur ment depuis des décennies ! (Le Point,
2012)
(53) On peut y cueillir au printemps, aussi incroyable que ça paraisse, de jeunes
pousses de pissenlits, de la doucette et de l'ail sauvage. (J.-L. Degaudenzi, Zone,
1987)
L’emploi fréquent de puisse s’explique par les spécificités sémantiques des propositions
concessives extensionnelles scalaires. Celles-ci évoquent une série de possibilités
hypothétiques, qui peuvent se manifester à des degrés d’intensités différents (voir supra : §
1.1.3.). C’est ce parcours de degrés possibles que le verbe pouvoir renforce.
Quatrièmement, les adjectifs impliqués dans nos concessives montrent une caractéristique
particulière, c’est-à-dire ils ont presque toujours la connotation d’une surprise ou d’une
exception à la règle. Rappelons que nous avons déjà fourni une définition sémantique de la
concession (voir supra § 1.1.1.), qui exprime exactement cette même valeur : la concession
(ou bien la cause contrariée) est une cause qui ne réussit pas à provoquer la conséquence
attendue ou prévue. En d’autres mots, nous assistons à un effet inattendu et non régulier. Il
n’y a que quatre adjectifs qui n’expriment pas cette valeur : désagréable, douloureux,
pénible et surréaliste. Les autres sont les suivants : absurde, bizarre, curieux, étonnant,
étrange, incroyable, invraisemblable, paradoxal, ridicule, singulier et surprenant.
L’utilisation de ces adjectifs permet de rendre explicite l’effet de sens concessif.
64
En résumé, il existe une sorte d’expression quasi-fixe : aussi ADJ que cela puisse paraître.
Seul l’adjectif varie encore, mais cette variation est restreinte à un champ sémantique
spécifique. Voici un exemple prototypique :
(54) Sur place, aussi étonnant que cela puisse paraitre, tous les points cardinaux
convergent vers l'Est. (Paris Match, 2013)
Bref, dans les concessives qui fonctionnent comme complément de l’énoncé de la principale
qui précède ou qui suit, il ne figure qu’une seule assertion, accompagnée d’un commentaire.
Ce commentaire exprime toujours une sorte de surprise par rapport à la réalisation de
l’assertion qui précède ou qui suit.
4.5. Les verbes
Dans la section présente, nous étudierons de façon plus détaillée les particularités des verbes
impliqués dans les propositions concessives. D’abord, nous décrirons quelques emplois
exceptionnels et ensuite nous nous attellerons à l’analyse des modes dans la subordonnée
concessive.
4.5.1. Les verbes atypiques dans la concessive
Dans le chapitre précédent (voir supra § 3.5.), nous avons montré qu’être et paraître sont
les verbes les plus courants dans une proposition concessive extensionnelle scalaire. Nous
avons cependant identifié également quelques autres verbes : trois exemples d’apparaître,
un exemple de devenir, un exemple de se proclamer, un exemple de vouloir et un exemple
d’aller.
L’utilisation d’apparaître au lieu d’être ou de paraître n’a rien de surprenant : ces trois
verbes se rapprochent fortement au plan sémantique, c’est-à-dire, ils expriment tous les trois
un état d’une entité, en la qualifiant d’une certaine manière. Le Petit Robert (2010 : 115)
indique comme premier sens d’apparaître « devenir visible, distinct ; se montrer tout à coup
aux yeux » et mentionne ensuite paraître comme un synonyme dans ce sens-là. Les
attestations sont illustrées en (55), (56) et (57).
65
(55) Cela n’est utile que pour éclairer un choix qui, pour raisonnable qu’il a pu
apparaître par la suite, était sur l’instant totalement aventureux. (Paris Match,
2010)
(56) Et Ségolène Royal, pour parisienne qu’elle apparaisse, est une élue de l’Ouest.
(Paris Match, 2008)
(57) Pour minuscule qu'il apparaisse, ce léger décalage contrarie quelque peu
l'harmonieuse atmosphère dans laquelle ils baignent. (J. Lanzmann, La horde
d’or, 1994)
Il est toutefois moins évident de relier les significations de se proclamer ou de vouloir à
celles des verbes être et paraître. D’après le Petit Robert (2010 : 2030-2031), proclamer
comporte deux sens principaux : « publier ou reconnaître solennellement, par un acte
officiel » ou « annoncer ou déclarer hautement auprès d’un vaste public ». La seule
attestation d’une concessive extensionnelle scalaire, que nous avons trouvé dans Frantext
catégorisé, emploie le verbe (se) proclamer dans le deuxième sens mentionné par le Petit
Robert.
(58) Tout noceur qu'il se proclamât, il n'avait pas osé s'afficher au manoir, devant
son père. (B. Poirot-Delpech, L’été 36, 1984)
Bien que proclamer ici ne fonctionne pas comme un synonyme d’être ou de paraître, il s’en
rapproche dans son emploi pronominal : il se fait également suivre d’un attribut du sujet.
L’utilisation de (se) proclamer dans la concessive n’est donc pas si étrange que nous ne l’
avions pensé d’abord, mais l’exemple cité ci-dessus reste quand même un cas isolé au sein
de notre corpus.
En revanche, il n’existe aucune correspondance sémantique entre vouloir et les verbes
normalement utilisés dans la concessive extensionnelle scalaire. Pourtant nous en avons
trouvé un exemple dans le corpus de PORC.
(59) Car si le monde ressemble à « une branloire pérenne » (dixit Montaigne, son
auteur de chevet), « aussi haut qu'on voudra, aussi profond qu'on voudra, la
littérature est d'abord un plaisir ». (Nouvel Observateur, 2010)
66
Or, dans le cas spécifique de (59), nous sommes en présence d’une structure à ellipse :
« aussi haut qu’on voudra que ce soit, aussi profond qu’on voudra que ce soit, […] ».
Enfin nous avons encore relevé une occurrence d’une concessive extensionnelle scalaire
utilisant aller dans l’expression aussi loin que V.
(60) Mo ne connaissait que le présent, elle était à elle seule un être définitif alors que
lui, aussi loin qu'il aille, aussi seul qu'il soit, était impuissant à se dégager de
ces sédiments confus dont Mo était l'humus. (P. Moinot, Le guetteur d’ombre,
1979)
Ce type de construction a déjà été cité dans § 1.2.2. Le Bon Usage (2015) en fournit
également un bon nombre d’occurrences, comme par exemple (61) et (62). Nous pouvons
déduire des exemples énumérés que ce tour en aussi loin que peut se combiner avec
n’importe quel verbe.
(61) Aussi loin que nous remontions dans l’histoire de la Grèce, nous y trouvons
des fables. (Bédier, Fabliaux, p. 106)
(62) Aussi loin que portât sa vue, elle n’apercevait que la forêt. (Green, Minuit, p.
171)
4.5.2. Le mode des verbes
Généralement, le verbe de la concessive se manifeste au subjonctif. D’après Gachet (2014),
déjà mentionné dans § 1.2., le subjonctif n’a pas toujours été le mode de préférence des
concessives extensionnelles scalaires. Il ne s’est imposé qu’au XVIIe siècle et à partir de ce
moment-là, la forme de la concessive n’a plus changé. Gachet défend l’hypothèse que le
subjonctif a été adopté par analogie avec d’autres constructions formellement ou
sémantiquement proches. Soutet (2000), par contre, fournit une autre explication plausible.
Il argumente qu’il s’agit d’un « cas de commande automatique du subjonctif » (2000 : 89).
Il part de la définition traditionnelle de la concession comme « cause inopérante » :
(63) Bien qu’il soit malade, Pierre travaille beaucoup.
Selon Soutet, une phrase de ce type véhicule toujours une implication sous-entendue, comme
dans le cas de (63) : « si on est malade, on ne travaille pas beaucoup, voire pas du tout »
67
(2000 : 94). Il soutient que c’est exactement ce présupposé négatif qui explique l’utilisation
du subjonctif dans les propositions concessives, puisque la négation et le mode subjonctif
vont souvent de pair. Ce rapport est illustré dans (64), phrase dans laquelle la cause de
l’absence de Pierre et l’existence de sa maladie sont niées.
(64) Pierre est absent non qu’il soit malade, mais parce que les transports sont en
grève.
Pourtant nous avons trouvé 20 attestations de concessives extensionnelles scalaires
contenant un verbe à l’indicatif dans notre corpus: 2 dans PORC et 18 dans Frantext
catégorisé. Rappelons que le Bon Usage (2015) accepte bien l’emploi de l’indicatif dans une
concessive introduite par tout. À l’origine, l’indicatif marquait alors un fait réel, mais son
usage s’est étendu en français contemporain. L’adverbe tout introduit en fait 17 des 18
exemples trouvés dans Frantext catégorisé. Nous n’avons détecté aucune occurrence d’une
proposition concessive introduite par tout et à l’indicatif dans PORC.
(65) Certes, tout croyant qu'il est, Ben Avram porte en lui les germes de l'athéisme.
(J. Lanzmann, La horde d’or, 1994)
(66) Sans doute Hortense aurait-elle souhaité davantage, mais tout imparfaite qu'était
cette amitié amoureuse, ne valait-elle pas mieux que la disparition haineuse de
Véronique ou que l'affectation de froideur d'Angiolina? (G. Matzneff, Ivre du
vin perdu, 1981)
(67) Et moi, tout prisonnier que je suis, je ne l'envie pas d'être à la place que
j'occupais. (M. De Grèce, La nuit du sérail, 1982)
Outre de ces 17 occurrences, nous avons encore trouvé trois exemples de concessives à
l’indicatif : deux dans PORC et un dans Frantext catégorisé. Ils sont tous les trois introduits
par la préposition pour et illustrés ci-dessous en (68)-(70).
(68) Cela n’est utile que pour éclairer un choix qui, pour raisonnable qu’il a pu
apparaître par la suite, était sur l’instant totalement aventureux. (Paris Match,
2010)
(69) Aussi, pour importantes qu'ont été les manifestations et les grèves, elles ne
feront pas bouger l'exécutif, sinon à la marge. (Nouvel Observateur, 2010)
68
(70) Pour rares qu'ils étaient, et malgré les extraordinaires révélations qu'ils
accréditaient, les documents laissés à l'ambassade paraissaient bien légers en
regard de la pièce maîtresse que l'honorable vieillard se proposait de dévoiler
d'ici trois lunes. (J. Lanzmann, La horde d’or, 1994)
Peut-être nous avons ici affaire à de simples écarts par rapport à la norme prescriptive, mais
il se peut également que la structure en tout à l’indicatif influence parfois celle en pour. De
toute façon, les données peu nombreuses ne nous permettent pas d’en tirer des conclusions
. Il faudrait une enquête plus exhaustive pour rendre les constatations significatives.
4.6. Les adjectifs
Puisque nous avons opté d’étudier les concessives extensionnelles scalaires comportant un
adjectif variable en degré, il est utile d’examiner ces adjectifs de façon plus détaillée.
D’abord nous analyserons leur nature, en vérifiant s’ils sont tous vraiment gradables. Ensuite
nous discuterons brièvement les occurrences des concessives contenant plusieurs adjectifs.
4.6.1. La nature des adjectifs
Comme nous l’avons déjà mentionné dans § 1.1.4., les concessives extensionnelles scalaires
se caractérisent par la présence d’un adjectif variable en degré. Si un adjectif permet la
gradabilité, il peut se combiner avec un adverbe quantifieur comme très (« Jean est très
grand »), ou se mettre dans une phrase comparative (« Jean est plus grand que Pierre »).
Dans ce qui suit, nous décrirons les douze adjectifs employés dans nos données qui ne
correspondent pas à ce prototype de l’adjectif gradable.
Nous pouvons les regrouper dans deux catégories : les adjectifs qui normalement
n’expriment pas de degré et les adjectifs dérivés de noms.
La première catégorie contient les adjectifs suivants : allemand, comateux, galactique,
hétérosexuel, parisien, pythagoricien, sartrien, seul et virtuel. D’une part, nous distinguons
au sein de cette catégorie les adjectifs dits relationnels : ceux-ci expriment une relation plutôt
qu’une qualification. Ainsi, les adjectifs allemand, galactique, parisien, pythagoricien,
sartrien et virtuel dénotent respectivement une relation avec l’Allemagne, la galaxie, Paris,
le pythagorisme, la philosophie de Sartre et la virtualité. D’autre part, les adjectifs restants
ne réussissent pas à se réaliser à différents degrés. Ainsi, il est impossible de dire que
69
quelqu’un soit « très comateux », « très hétérosexuel » ou « très seul ». Or, ces adjectifs
permettent exceptionnellement la gradabilité :
(71) Pourtant çui-là tout Allemand qu'il est a passé son enfance à Casablanca. (E.
Hanska, J’arrête pas de t’aimer, 1981)
(72) Je sais bien que tu t'en fous, et que celui-là, tu n'as pas pris la peine de le lire,
mais n'oublie pas que tu continues à palper un pour cent là-dessus (1%), tout
comateux que tu es. (D. Pennac, La petite marchande de prose, 1989)
(73) Au-delà de leur victoire 3 buts à 2 [après le nul 2 à 2 à l'aller à Madrid, NDLR],
les Barcelonais ont montré qu'un collectif bien huilé est toujours plus efficace
qu'un empilement de stars, aussi galactiques soient-elles. (Nouvel Observateur,
2011)
(74) Ses parents hurlent lorsqu'il s'offre, tout hétérosexuel qu'il soit, sa première jupe
de chez Comme des garçons. (Le Point, 2015)
(75) Et Ségolène Royal, pour parisienne qu’elle apparaisse, est une élue de l’Ouest.
(Paris Match, 2008)
(76) Il n'aimait point l'abbé Testa, tout pythagoricien qu'il fût, et bien que le Doge
lui épluchât ses radis. (C. M. Cluny, Un jeune homme de Venise, 1983)
(77) L'éditeur Roberto Ochoa estime dans « La Republica » que « tout sartrien qu'il
fut, il est l'un des seuls écrivains à avoir eu le courage de dénoncer certaines
dérives de la révolution cubaine.» (Nouvel Observateur, 2010)
(78) Mo ne connaissait que le présent, elle était à elle seule un être définitif alors que
lui, aussi loin qu'il aille, aussi seul qu'il soit, était impuissant à se dégager de ces
sédiments confus dont Mo était l'humus. (P. Moinot, Le guetteur d’ombre, 1979)
(79) Car aussi virtuelle qu’elle soit, la communauté a une bonne mémoire et de la
rancœur contre le porte-parole. (Paris Match, 2009)
Les adjectifs ennemi, philosophe et prisonnier forment la deuxième catégorie : ces lexèmes
dérivent tous de noms, mais sont dans ce contexte utilisés comme des adjectifs.
(80) J'avais observé depuis longtemps que Staline et mon grand-père, si éloignés
qu'ils pussent être, si opposés, si farouchement ennemis 34 , appartenaient
34 Cet adjectif n’est pas suivi d’une proposition, mais il y a possibilité de récupérer celle-ci à partir du contexte
antérieur.
70
pourtant au même monde des archétypes et des idées éternelles : celui du père
et du modèle. (J. D’Ormession, Au plaisir de Dieu, 1974)
(81) Toutes les nuances existent dans ce très vieux débat, mais je doute qu'Emmanuel
Macron, tout philosophe qu'il soit, puisse le clore par la magie du verbe. (Le
Point, 2014)
(82) Et moi, tout prisonnier que je suis, je ne l'envie pas d'être à la place que
j'occupais. (M. De Grèce, La nuit du sérail, 1982)
4.6.2. Plusieurs adjectifs
Dans notre corpus, nous avons observé que certaines propositions concessives
extensionnelles scalaires manifestent une combinaison de plusieurs adjectifs, avec ou sans
la répétition du marqueur introducteur. L’exemple (80) ci-dessus illustre une combinaison
de trois adjectifs qui sont tous introduits par l’élément introducteur si. Dans ce cas, les
adjectifs supplémentaires suivent la concessive complète. L’inverse existe également : une
concessive précédée par un marqueur et un adjectif, comme dans (81) et (82).
(81) Et chacun sait que l'écrin, aussi beau, aussi pur soit-il, peut renfermer un leurre.
(J. Lanzmann, La horde d’or, 1994)
(82) Foi d'Arbuthnot, nous éliminerons ces influences, aussi puissantes et aussi
secrètes soient-elles! (M. De Grèce, La nuit du sérail, 1981)
4.7. Bilan
Dans le présent chapitre, nous nous sommes appuyée sur les traits morphosyntaxiques des
propositions concessives extensionnelles scalaires, en faisant attention surtout aux cas
divergents. Tout d’abord, nous avons démontré l’usage des marqueurs doubles pour si et
pour aussi. En outre, en utilisant des exemples supplémentaires de Frantext, nous avons
découvert que les concessives en que peuvent comporter un sujet nominal antéposé, et qu’un
sujet pronominal postposé n’est pas productif. Il ressort également de notre analyse que les
propositions concessives sans que ne peuvent être introduites que par si ou aussi. Ensuite
nous avons traité des concessives qui montrent une intégration plus ou moins grande dans
la phrase. Puis nous avons analysé les cas particuliers de coréférence, comme par exemple
coréférence par anaphore conceptuelle, et les exemples qui ne manifestent pas de rapport
coréférentiel. En outre, nous avons découvert l’existence de la construction semi-fixe aussi
71
ADJ que cela puisse paraître, qui fournit un commentaire sur le reste de la phrase qui suit.
Quant aux verbes, nous avons relevé quelques attestions moins prototypiques, comme par
exemple apparaître, devenir ou se proclamer. L’analyse des modes des verbes a également
été intéressant : outre la moitié des exemples en tout qui comporte l’indicatif, nous avons
relevé 3 occurrences à l’indicatif introduites par pour. Enfin nous avons détecté quelques
adjectifs moins réguliers, puisqu’ils n’expriment normalement pas de degré. Ceux-ci
reçoivent quand même une connotation gradable grâce au contexte. La combinaison de
plusieurs adjectifs dans une même construction concessive est bien possible, même avec une
ellipse du syntagme verbal.
72
Conclusion
Le but de ce mémoire était d’étudier les propositions concessives extensionnelles scalaires
en français contemporain, en prenant en considération toutes les variations possibles. Nous
avons fait particulièrement attention au rôle des élément introducteurs si, aussi, quelque,
tout, pour et tant par rapport à une série d’autres paramètres variables. Nous avons analysé
les configurations formelles des propositions, c’est-à-dire la présence ou non de que, la
position et la nature du sujet de la concessive. En outre, nous avons examiné le rapport entre
la subordonnée concessive et la phrase principale : quelle position la concessive occupe-t-
elle par rapport à la principale et de quelle nature est le lien coréférentiel entre les deux
propositions ? Nous avons également envisagé les caractéristiques des lexèmes utilisés dans
les propositions extensionnelles scalaires répertoriées, à savoir les verbes et leur mode de
même que les adjectifs et leur nature. Étant donné que notre corpus est constitué d’exemples
de deux bases de données de registres différents (PORC comporte des articles journalistiques
et Frantext catégorisé contient une variété de genres littéraires), nous avons pu relever
quelques différences concernant le registre de langue. Dans cette conclusion, nous
résumerons les résultats obtenus par l'analyse des facteurs décrits ci-dessus.
Commençons par l’élément central de notre étude: les marqueurs introducteurs. Les
ouvrages de référence citent si, aussi, quelque, tout, pour et tant comme les marqueurs
normaux. Or, notre corpus a attesté également des propositions concessives introduites par
les marqueurs combinés pour si et pour aussi, bien que celles-ci sont peu nombreuses. A
partir de l’étude de Gachet (2014), nous nous étions attendue à une majorité éclatante de
concessives en si, mais il ressort de notre corpus que les adverbes si et aussi sont tous les
deux presque aussi fréquents : respectivement 38,56 % et 36,60 %. Les autres marqueurs
sont moins courants : surtout quelque et tant ne se présentent que très rarement - sept et une
occurrence(s) respectivement. L'importance de ces deux marqueurs est donc négligeable.
Les pourcentages des marqueurs montrent une première différence de registre : tandis que
le corpus littéraire Frantext catégorisé manifeste une préférence pour l'élément
introducteur si (52,36 %), PORC, avec son langage journalistique et plus récent, privilégie
l'utilisation de aussi (57,39 %) et de tout (17,39 %) à l'emploi de si (15,65 %). Il nous
semble donc que l'adverbe aussi est en train de remplacer si comme marqueur introducteur
par excellence.
73
Quant aux configurations formelles des concessives extensionnelles scalaires, nous avons
observé que la distribution des constructions avec et sans que se révèle plus ou moins
similaire à celle de l'étude de Gachet (2014), mais un peu moins radicalement :
respectivement 65,35 % et 33,66 %. Les pourcentages des bases de
données Frantext catégorisé et PORC se rapprochent et ne montrent pas de différences
notables. Notre corpus comporte des exemples de concessives en que avec tous les éléments
introducteurs, mais il n’atteste pas de propositions concessives sans que introduites par
quelque, pour, tout ou tant. La recherche supplémentaire dans Frantext catégorisé intégral
ne réussit pas non plus à en fournir une occurrence. Il est donc logique de conclure que les
éléments introducteurs quelque, tout, pour et tant ne sont pas capables de figurer dans une
construction concessive sans la présence de que.
En outre, l'analyse des différents types de sujets a également abouti à des
résultats intéressants. Premièrement, les concessives comportant que ont un sujet nominal
postposé dans 82,83 % des exemples et un sujet pronominal antéposé dans 17,17 % des
exemples. Ces pourcentages restent analogues pour chaque marqueur introducteur, sauf tant.
Notre corpus ne contient pas de propositions en que avec un sujet nominal antéposé ou un
sujet pronominal postposé. Or, en analysant Frantext catégorisé complet, nous avons quand-
même relevé quelques attestations, mais les résultats diffèrent marqueur par marqueur.
L'élément introducteur si n'a donné aucune occurrence d'un sujet nominal antéposé ou
pronominal postposé. La présence d’un sujet pronominal postposé dans une concessive en
que a été attestée une seule fois, dans une propositions introduite par aussi. Les sujets
nominaux antéposés se sont révélés productifs dans Frantext catégorisé intégral : ils se
rencontrent dans des propositions concessives marquées par quelque, tout et pour, mais non
par tant. Nous pouvons donc conclure que les sujets nominaux antéposés ont existé, mais
dans le français contemporain ils ont perdu leur importance. Deuxièmement, les concessives
sans que comportent presque toujours un sujet clitique postposé au verbe, quel que soit le
marqueur, et dans un cas isolé un sujet nominal postposé. La postposition du sujet d’une
concessive extensionnelle scalaire sans que se révèle donc obligatoire. Même les recherches
supplémentaires dans Frantext catégorisé n’ont pas procuré d’occurrences de sujets
antéposés, tant nominaux que pronominaux.
Nous avons également analysé les diverses positions que la proposition concessive peut
occuper par rapport à la phrase principale. Ainsi, nous avons noté la subordonnée s’insère
74
le plus souvent dans la phrase principale (44,12 %). Elle la précède dans 34,97 % des cas et
la suit dans 18,30 % des cas. À ce propos, nous avons remarqué une légère différence de
registre. Les données du corpus journalistique PORC suivent la tendance générale décrite
ci-dessus, mais les données du corpus Frantext catégorisé en diffèrent : celles-ci préfèrent
l’antéposition à l’insertion, mais la postposition reste la position la moins fréquente. Les
marqueurs introducteurs n’ont pas de préférence nette pour l’une ou l’autre position.
De plus, en analysant les rapports de coréférence entre la concessive extensionnelle scalaire
et la phrase principale, nous avons découvert que ceux-ci établissent le plus souvent un lien
coréférentiel entre la concessive et un constituant obligatoire de la phrase principale, comme
le sujet, le complément d’objet direct ou le complément d’objet indirect. À part cette
observation, nous avons fait particulièrement attention aux concessives qui remplissent la
fonction de complément de l’énoncé. Ainsi, nous avons découvert l’existence d’une
construction concessive semi-fixe aussi ADJ que cela puisse paraître, dont l’adjectif
exprime toujours un effet de surprise ou quelque chose d’inattendu. L’adverbe aussi est
préféré comme marqueur introducteur. Cette proposition concessive fournit un commentaire
sur la situation décrite dans la phrase principale.
Comme les ouvrages de référence l’avaient proposé, les verbes être et paraître s’utilisent
dans la grande majorité des propositions concessives extensionnelles scalaires répertoriées
dans notre corpus. Les trois attestations de apparaître s’y apparentent. De plus, il est
possible de trouver d’autres verbes tels que devenir, se proclamer, vouloir et aller que nous
considérons comme des cas isolés et qui n’appartiennent pas à l’emploi régulier. L’analyse
des modes utilisés a confirmé que la proposition concessive en tout se trouve parfois à
l’indicatif. En fait, nous avons noté que la moitié des exemples en tout utilisent l’indicatif.
En outre, nous avons dégagé 3 concessives à l’indicatif en pour, ce que aucun ouvrage de
référence et aucun article spécialisé ne considèrent comme possible. Il nous frappe enfin
particulièrement que PORC ne contient que des concessives à l’indicatif introduites par
pour, tandis que Frantext catégorisé en comporte seulement une (et 17 en tout). En
d’autres mots, PORC comporte seulement des cas non réguliers à l’indicatif (introduits par
pour), tandis que les exemples réguliers se trouvent tous dans Frantext catégorisé.
Pour ce qui est des adjectifs dans le concessives extensionnelles scalaires, ils sont d’une
grande variation, mais ils ont en commun qu’ils expriment tous une caractéristique gradable,
75
que ce soit le sémantisme inhérent de l’adjectif ou par une connotation créée par le contexte.
Nous avons détecté quelques adjectifs moins typiques, qui normalement ne dénotent pas de
propriété gradable, par exemple des adjectifs relationnels ou des adjectifs dérivés de noms :
dans ce cas, le contexte contribue à l’expression de la gradabilité.
Enfin, nous voudrions souligner que, malgré nos multiples interrogations dans PORC et
Frantext notre corpus contient un nombre relativement restreint d’exemples. Il faudra une
étude plus exhaustive pour vérifier si nos résultats sont vraiment représentatifs pour les
constructions concessives extensionnelles scalaires en général. De plus, même si nous avons
déjà pris en compte un grand nombre de traits morphosyntaxiques et sémantiques, notre
analyse pourrait sans doute encore être étendue, en prenant en compte d’autres paramètres
variables ou des comparaisons avec structures proches.
76
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78
Annexes
Exemples issus de PORC
1. Mais, si nombreuses qu’elles aient été, ces mesures n’auront pas entaché la solennité
du voyage pontifical, qu’aucun incident majeur n’a marqué. (Paris Match, 2009)
2. Mais si tragiques que soient ces épreuves, elles font partie du prix qu'exige la victoire.
(Nouvel Observateur, 2009)
3. Cela seul, cette histoire, si terrible qu'elle fût, suffirait-elle à rendre le texte si fort ? (Le
Point, 2014)
4. Et finit par se rapprocher d’elle dont les blessures, si profondes qu’elles aient été,
paraissent sinon cicatrisées, du moins apaisées. (Paris Match, 2010)
5. Le nouveau président de la République ne pourra pas se laisser imposer, pour son rôle
en Europe et dans le monde, un infléchissement, si faible qu’il soit, des positions qu’il
a solennellement fixées. (Nouvel Observateur, 2011)
6. N'importe quel étudiant de deuxième année à Sciences Po savait que ces deux chefs
d'État, si critiquables qu'ils fussent, étaient les couvercles qui empêchaient deux
marmites bouillantes d'exploser ; que les guerres contre l'Irak et la Libye feraient voler
en éclats l'unité nationale grâce à laquelle cohabitaient des communautés fort diverses ;
que leur départ ne marquerait pas le triomphe de la démocratie à l'occidentale, mais le
réveil des tribus, la multiplication de guerres tribales, ethniques, religieuses aux
épouvantables conséquences. (Le Point, 2015)
7. Son collègue indépendant Joe Lieberman, qui préside la commission de la Sécurité
intérieure, a ajouté que cela "pourrait être nécessaire de publier les photos -- si
épouvantables qu'elles soient, puisqu'il a été atteint à la tête (par balles) -- pour écarter
tout idée selon laquelle il s'agirait d'une ruse de l'administration américaine". (Nouvel
Observateur, 2011)
8. Dans la guerre clochemerlesque qui aura opposé durant huit décennies les propriétaires
des cellules 2 et 4, mais surtout le faux et le vrai, la supercherie et la vérité historique,
si modeste qu'en soit le sujet (un simple piano droit, mais lourd d'une charge émotive
intense et sur lequel furent composées des pages célèbres), dans cette guerre qui vient
enfin d'être stoppée net par le jugement d'une magistrate de Palma, solide, documenté,
circonstancié et sans appel, à la façon d'un travail universitaire, les hostilités débutèrent
dès 1932. (Nouvel Observateur, 2011)
9. "Il ne me parait pas judicieux d'envisager la remise en cause des principes fondateurs
d'une politique pour faire face à des situations conjoncturelles si graves soient elles",
écrit Frédéric Lefebvre sur sa page Facebook. (Nouvel Observateur, 2010)
10. Alors que les tensions se sont aiguisées avec la publication de caricatures
de Mahomet par Charlie Hebdo, la conservatrice prévient toutefois que les objets
présentés, si merveilleux soient-ils, "ne peuvent être les avocats des horreurs
contemporaines". (Le Point, 2012)
11. Ces trois hommes, si différents soient-ils, sont d'accord sur un point : un régime qui
tire sur son propre peuple, qui le considère comme viande de boucherie, un régime qui
ne connaît plus d'autre langue, pour parler à ses sujets, que celle des avions de chasse
et des canons, a perdu toute espèce de droit, de légitimité, à gouverner. (Le Point,
2011)
12. C'est que la senora Capllonch-Ferra, forte de sa situation de directrice et de fille de
directrice de festival, si modeste soit-il, mais sujet de fierté locale financé
officiellement par la Communauté des Baléares ; forte de ses relations anciennes avec
79
les sociétés Chopin du monde entier, de celles entretenues avec la myriade de
pianistes invités dont on prit bien évidemment soin, dans cette lutte picrocholine, de se
faire des alliés ; forte encore de l'appui de son frère, ex-président des fans du Real
Futbol Mallorca, avait tout, sauf la rigueur et l'authenticité, pour faire pencher la
balance de son côté. (Nouvel Observateur, 2011)
13. Il suffit de penser aux dissertations de quatre-vingt-dix pages que Nietzsche écrivait à
ses condisciples du lycée dès l'âge de 15 ans, en grec, s'il vous plaît, sur les mérites
comparés de Sophocle et d'Euripide, pour mesurer à quel point nos enfants, si
intelligents soient-ils, ont perdu en capacité de travail par rapport aux bons élèves des
siècles passés. (Le Point, 2012)
14. Mais c'est le genre de fonction qui ne souffre aucun soupçon de conflits d'intérêt ou
tout simplement de proximité avec des intérêts privés, que ce soit par les fonctions de
gestionnaire de fortune de son épouse, si légales soient-elle, ou par les Légions
d'honneur décernées à des relations aujourd'hui très encombrantes. (Nouvel
Observateur, 2010)
15. Bien évidemment, la qualité d'un système scolaire ne se juge pas qu'à l'aune de
statistiques, si remarquables soient-elles. (Le Point, 2011)
16. Je m'intéresse aux histoires individuelles: comment des individus font face à
l'oppression, ou sont contraints à l'exil pour ne plus avoir à la subir, ou parviennent
d'une certaine manière à la surmonter par des actes de bonté, si modestes soient-ils.
(Nouvel Observateur, 2009)
17. Je vous assure que cela fait chaud au cœur de voir que l'on inspire des gens autour de
soi par nos actions, si petites soient-elles. (Paris Match, 2009)
18. Premièrement, il faut accepter la réalité et l'état du marché, si durs soient-ils. (Le Point,
2011)
19. "Et aussi incroyable que cela puisse paraître, la petite fille, (au moment de son
arrestation), a regardé le policier et lui a demandé "pourquoi m'arrêtez-vous? Je
conduis très bien". (Le Point, 2011)
20. Car aussi étonnant que cela puisse paraître, aucune séquence filmée par l'actuel réseau
des 400 caméras de surface de Paris ne peut pour l'instant être enregistrée. (Paris
Match, 2010)
21. Car aussi virtuelle qu’elle soit, la communauté a une bonne mémoire et de la rancœur
contre le porte-parole. (Paris Match, 2009)
22. Car si le monde ressemble à « une branloire pérenne» (dixit Montaigne, son auteur de
chevet), «aussi haut qu'on voudra, aussi profond qu'on voudra, la littérature est d'abord
un plaisir». (Nouvel Observateur, 2010)
23. Cela dit, et aussi étrange que cela puisse vous paraître, je ne condamne pas totalement
la société coloniale, qui avait, comment dire? le sens de la beauté et de l'élégance.
(Nouvel Observateur, 2008)
24. C'était chez elle une tension, une inquiétude, et j'ai fini par m'en rendre compte : aussi
incroyable que cela puisse paraître, c'était elle qui était intimidée. (Paris Match, 2008)
25. Chez mes parents, aussi étrange que cela puisse paraître, on n’écoutait jamais de
musique, à l’exception de la variété française qu’aimait beaucoup ma mère. (Paris
Match, 2009)
26. En effet, aussi incroyable que cela puisse paraître, les producteurs de Kaoma n'ont
jamais demandé l'autorisation du groupe bolivien pour plagier littéralement sa chanson
! (Le Point, 2014)
80
27. Et aussi étonnant que cela puisse paraître pour un groupe si révolutionnaire, les autres
membres du quatuor s’étaient à l’époque opposés à la diffusion de ce titre, justement
parce qu’ils le jugeaient trop avant-gardiste, a raconté McCartney. (Paris Match, 2008)
28. Et pourtant, tout le monde a bien compris : aussi incroyable que cela puisse paraître,
l’acteur vedette des années cinquante et soixante, ce bel homme ténébreux, viril, grand,
athlétique, au visage poupin, épanoui, souriant, le don Juan de ces dames, le justicier
de ces messieurs, qui aurait presque fait de l’ombre à James Dean dans Géant, leur
ment depuis des décennies ! (Le Point, 2012)
29. Et, aussi étonnant que cela puisse vous sembler, ils sont d’une vraie humilité, comme
tous les grands. (Paris Match, 2011)
30. Et, aussi surréaliste que cela puisse paraître, c'est le Jedi qui a eu gain de cause dans
cette histoire, tout à fait véridique. (Paris Match, 2010)
31. Là encore, aussi exubérant qu'il soit, son érotisme n'a rien de transgressif, venu en un
temps d'après la so called« libération sexuelle » et totalement adapté aux exigences
d'une société assez matriarcale où les hommes consentent avec contentement à leur
servir d'objets provisoires et interchangeables. (Nouvel Observateur, 2010)
32. Oui, vous pouvez être encerclé, car l'univers est plat dans Starships : aussi absurde que
cela puisse paraître, toutes les planètes sont placées sur une "carte" en deux
dimensions... (Le Point, 2015)
33. Quoique aussi bizarre que cela puisse paraître, le seul dirigeant pour qui j'avais une
certaine sympathie était Maurice Thorez. (Nouvel Observateur, 2008)
34. Sur place, aussi étonnant que cela puisse paraitre, tous les points cardinaux convergent
vers l'Est. (Paris Match, 2013)
35. "La mission conjointe n'estime pas que ces irrégularités, aussi graves que soient
certaines, invalide nécessairement le processus", a déclaré l'ambassadeur Colin
Granderson, chef de l'équipe des observateurs. (Nouvel Observateur, 2010)
36. Aucun peuple, aussi grand et aussi riche qu'il soit - à plus forte raison un pays petit ou
moyen - ne peut à lui seul et par lui-même résoudre ses problèmes. (Nouvel
Observateur, 2009)
37. Deux suralimentées par turbocompresseur de 100 et 125 ch et une atmosphérique de 80
ch, toutes trois équipées de fonctions Stop&Start et, aussi étonnant que cela puisse
paraître, créditées d'émissions de CO2 de 99 g/km pour des consommations de 4,3
l/100 km. (Le Point, 2012)
38. Ecoute qui s'articule sur une quantité de petites anecdotes, certaines déjà connues,
d'autres inédites -comme des appeaux pour le lecteur - que Pascal Quignard nous livre,
tout en précisant, aussi paradoxal que cela puisse paraître, que l'œuvre, même quand
l'auteur parle de sa vie, est pour lui la possibilité de se soustraire au regard du lecteur
car elle est « encapuchonnante [...] possibilité d'invisibilité » comme le fut le loup de
Persée. (Nouvel Observateur, 2010)
39. Elle est non seulement injuste et inopérante (les mesures proposées, aussi
spectaculaires qu'elles soient, sont trop étroites pour rendre la France plus sûre), mais
aussi dangereuse. (Nouvel Observateur, 2010)
40. Et ce sentiment d’immunité était , aussi ridicule que cela puisse paraître, douloureux.
(Paris Match, 2011)
41. Et parmi ceux d’aujourd’hui , aussi curieux que cela puisse paraître , Bono. (Paris
Match, 2010)
42. Et pourtant, même Kaczynski, aussi ferme qu’il puisse être envers les Russes, était
capable d’imaginer des jours meilleurs — à condition, comme il le disait, que le monde
81
puisse "convaincre la Russie que l’ère impériale est terminée". (Nouvel Observateur,
2010)
43. Je suis moi-même, aussi étrange que je puisse être, chaque jour. (Le Point, 2015)
44. La clarification aura toutefois un triple mérite: remettre l'Eglise de Rome en conformité
avec ses principes, réconcilier avec l'institution les catholiques meurtris par ces
errements et apurer - enfin - un passé qui, aussi glauque qu'il soit, ne doit pas prendre
le pas sur la sincérité et le dévouement des prêtres honnêtes. (Nouvel Observateur,
2010)
45. Mais un joueur fragile physiquement comme Aliadière, tout aussi talentueux qu'il soit,
reste sensible, même avec toute la bonne volonté du monde. (Nouvel Observateur,
2012)
46. Pour un président écrivain, le temps vient toujours où, aussi beaux qu'ils soient, le
peuple ne se paie plus de mots. (Nouvel Observateur, 2009)
47. Quant aux autres interprètes, aussi huppés qu'ils soient, ils restent au second plan. (Le
Point, 2012)
48. Sur le plan strictement empirique, aussi surprenant qu’il puisse paraître, la réponse est
positive. (Nouvel Observateur, 2008)
49. Très sérieusement, et aussi étrange que cela puisse paraître, des concombres venus
d'Espagne auraient déjà fait une quinzaine de morts en Allemagne. (Femme Actuelle,
2011)
50. "Ils se sont battus pour des serviettes de bain en vente à 1,88 dollar, aussi ridicule que
cela puisse paraître", a commenté, un brin désabusé, le sergent de police Jason
Druckenmiller. (Nouvel Observateur, 2011)
51. "Je me suis rarement senti aussi confiant et déterminé que depuis ce match contre
l'Australie, aussi paradoxal que cela puisse paraître", a-t-il néanmoins affirmé.
(Nouvel Observateur, 2010)
52. J’essaie de trouver de la musique qui me plaise pour cela. Madonna ? Non, pas
vraiment... Mais Outkast, oui. Et Tom Waits, aussi curieux que cela puisse paraître.
(Paris Match, 2011)
53. Je ne regrette aucun des choix que nous avons faits depuis quatre années, aussi
difficiles qu'ils aient pu être. (Le Point, 2011)
54. Le ministre allemand de la Santé, Daniel Bahr, a souligné qu'"on ne peut exclure de
nouveaux décès, aussi douloureux que cela puisse être". (Nouvel Observateur, 2011)
55. Le problème , c’est la démocratie , aussi étonnant que cela puisse paraître . (Paris
Match, 2009)
56. Aussi brillants, aussi flamboyants soient-ils, ils ne peuvent cependant occulter le fait
que la chorégraphie ressemble plus à une prestation gymnique qu’à une composition
élaborée par un savant théoricien. (Nouvel Observateur, 2011)
57. En revanche, aussi récents soient-ils, les modèles diesel émettent toujours beaucoup
plus d'oxydes d'azote que leurs équivalents essence. (Le Point, 2012)
58. "Comme Saddam en Irak, le régime des Assad a exploité les rancoeurs
confessionnelles aussi artificielles soient elles et cela a laissé des traces", a répliqué
Sara Daniel à Antonin. (Nouvel Observateur, 2011)
59. Par conséquent, plutôt que de chercher à personnaliser le débat, utilisons notre énergie
à confronter nos idées aussi différentes soient-elles. (Nouvel Observateur, 2011)
60. "Ces résultats, aussi appréciables soient-ils, sont en-dessous de nos responsabilités et
de nos attentes", a-t-il souligné. (Le Point, 2012)
61. Attac France a pour sa part qualifié, dans un communiqué, de "scandale énorme" la
condamnation de l'ancien trader Jérôme Kerviel, en affirmant que "jamais aucune
82
multinationale, aucun PDG, aussi criminels soient-ils, n'ont été condamnés aussi
lourdement". (Nouvel Observateur, 2010)
62. Avant de signer votre chèque, il est toutefois bon de rappeler que ces voitures
électriques, aussi sportives soient-elles, restent nettement moins rapides sur un tour que
leurs versions thermiques (7 min 40 pour une SLS AMG V8, 7 min 44 pour une R8
V10), coûtant pourtant moitié moins cher dans le cas de la Mercedes. (Le Point, 2013)
63. Ce drame rappelle en tout cas que les jeux de plages, aussi innocents soient-ils, ne sont
pas sans danger. (Paris Match, 2011)
64. Ces résultats, aussi intéressants soient-ils, ne devraient pas conduire à des
comportements irrationnels. (Le Point, 2011)
65. Dans un pays où environ 77% de la population est bouddhiste, ce genre d'images, aussi
fugaces soient-elles, représente un véritable affront. (Paris Match, 2010)
66. D'autant que derrière eux, Sebastian Vettel (Red Bull) et Jenson Button (BrawnGP),
aussi rapides soient-ils, n'ont pas le système Kers sur leur monoplace ce qui revêt une
importance toute particulière au départ. (Nouvel Observateur, 2009)
67. Des conquêtes, aussi maladroites soient-elles, qui sont tout de même intéressantes sur
le plan des lentes transformations de la société. (Nouvel Observateur, 2011)
68. Et les déclarations d'après match, aussi solennelles fussent-elles, ne suffiront pas à
stopper les rumeurs. (Nouvel Observateur, 2011)
69. Là où le bât blesse, là où l’attention du spectateur faiblit, c’est quand cette succession
systématique et linéaire d’images, aussi belles soient-elles, finit par lasser. (Nouvel
Observateur, 2011)
70. Le Platon qui resurgit aujourd'hui est notamment celui qui met en scène
un Socrate dont les prescriptions éthiques, aussi inflexibles soient-elles, ne sont pas
fondées sur une foi religieuse - souci actuel s'il en est. (Nouvel Observateur, 2008)
71. Le savoir dans les bras aussi beaux soient-ils de Lindsay Lohan quelques jours avant sa
mort ternirait son image d’ange blond mélancolique. (Paris Match, 2009)
72. Les deux derniers kilomètres vers Super-Besse, aussi durs soient-ils sous la pluie et un
fort vent de face, n'étaient pas suffisant. (Nouvel Observateur, 2011)
73. Mais ces événements, aussi importants soient-ils, restent au second plan. (Nouvel
Observateur, 2011)
74. Mais de plus, les intérêts français dans la région, aussi importants soient-ils, n'annulent
en rien les termes de la souveraineté nationale prévalant dans chacun des pays
concernés. (Nouvel Observateur, 2011)
75. On comprend mieux que les critiques d'Elon Musk, aussi fondées soient elles, soient
difficiles à entendre de la part de son principal concurrent. (Le Point, 2013)
76. Quand on ne se raccroche plus qu’aux symboles, aussi importants soient-ils, pour
vanter la République, c’est que l’idéal républicain est décidément bien mal en point.
(Nouvel Observateur, 2011)
77. Salariés ou anciens salariés de la Société générale attestent que les positions prises par
Jérôme Kerviel, aussi colossales soient-elles, étaient connues de sa hiérarchie. (Le
Point, 2015)
78. Selon la présidente d’ «Amnesty International France», ces accusations - aussi
douteuses soient-elles - ne légitimaient ni les actes de tortures ni les examens. (Paris
Match, 2011)
79. Au-delà de leur victoire 3 buts à 2 [après le nul 2 à 2 à l'aller à Madrid, NDLR], les
Barcelonais ont montré qu'un collectif bien huilé est toujours plus efficace qu'un
empilement de stars, aussi galactiques soient-elles. (Nouvel Observateur, 2011)
83
80. De quoi donner des ailes aux futurs modèles de la gamme, aussi lourds soient-ils. (Le
Point, 2014)
81. Il faudrait déguster à l'aveugle ces vins tellement adulés jeunes, constater dix ans plus
tard leur état, et surtout ne pas omettre de publier les résultats, aussi dérangeants
soient-ils. (Le Point, 2013)
82. Je n’ai rien à me reprocher, mais j’ai considéré que l’image de la France à l’étranger ne
pouvait plus s’accommoder des soupçons qui étaient véhiculés, aussi injustes soient-
ils. (Paris Match, 2011)
83. Mais nous attendons du président de la République qu'il dise la vérité et tire toutes les
conséquences, aussi difficiles soient-elles. (Le Point, 2011)
84. Si le PS est éliminé du second tour de la présidentielle de 2012, ce sera sa faute, et pas
celle de Sarkozy, pour n'avoir pas su répondre à des tactiques, aussi ignominieuses
soient-elles. (Nouvel Observateur, 2011)
85. L'éditeur Roberto Ochoa estime dans « La Republica » que « tout sartrien qu'il fut, il
est l'un des seuls écrivains à avoir eu le courage de dénoncer certaines dérives de la
révolution cubaine.» (Nouvel Observateur, 2010)
86. Mais au moins, tout américanophile qu'il fût, il ne préconisait pas de traduire en
globish - le nom nouveau du babélien que dénonçait jadis Etiemble - le roman de
Madame de Lafayette. (Le Point, 2013)
87. Anders Behring Breivik, tout solitaire qu’il soit, tout déséquilibré qu’il pourrait
paraître, est aussi l’homme d’une époque, le symptôme d’une pathologie ; en un mot,
la première incarnation d’un spectre qui commence à hanter l’Europe. (Nouvel
Observateur, 2011)
88. Anders Behring Breivik, tout solitaire qu’il soit, tout déséquilibré qu’il pourrait
paraître, est aussi l’homme d’une époque, le symptôme d’une pathologie ; en un mot,
la première incarnation d’un spectre qui commence à hanter l’Europe. (Nouvel
Observateur, 2011)
89. C'est que tout grand qu'il soit, on puisse le juger. (Nouvel Observateur, 2011)
90. Mais, à chaque fois, tout terrien qu’il fût, mon père tranchait : « Mais non, ce n’est pas
croix qui rime avec Groix, c’est joie ! » (Paris Match, 2009)
91. Pendant ce temps Céline, tout salaud qu’il fut, est lu, relu, à commencer par ses
premiers mots pour nous dire: "Et puis d’abord tout le monde peut en faire autant."
(Nouvel Observateur, 2011)
92. Ses parents hurlent lorsqu'il s'offre, tout hétérosexuel qu'il soit, sa première jupe de
chez Comme des garçons. (Le Point, 2015)
93. Toutes les nuances existent dans ce très vieux débat, mais je doute qu'Emmanuel
Macron, tout philosophe qu'il soit, puisse le clore par la magie du verbe. (Le Point,
2014)
94. Après mille ans de monarchie, l'instauration d'un pouvoir autoritaire et héréditaire n'a
pas de quoi bouleverser le peuple français, tout régicide qu'il ait été. (Le Point, 2014)
95. De fait, pour décisif qu'il soit, le jugement n'est qu'une étape dans cette affaire au long
cours, qui devrait faire l'objet de nombreux appels, avant de finir sur le bureau de la
Cour suprême des Etats-Unis. (Nouvel Observateur, 2010)
84
96. Mais pour nécessaire qu'elle fût, la réforme était complexe, susceptible de déranger à la
fois les enseignants et les parents d'élèves, et surtout les élus, un an avant les
municipales. (Le Point, 2014)
97. Aussi, pour importantes qu'ont été les manifestations et les grèves, elles ne feront pas
bouger l'exécutif, sinon à la marge. (Nouvel Observateur, 2010)
98. Bien loin de l'image de la "reproduction" chère à Bourdieu : pour insuffisant que soit le
système, il est le seul qui marche. (Le Point, 2013)
99. Mais, et c'est là l'essentiel, pour importante que fût la loi sur le mariage homosexuel, le
bilan de la garde des Sceaux reste bien léger. (Le Point, 2014)
100. Le sien, il est vrai, pour récent qu’il soit, est à la peine. (Paris Match, 2009)
101. "Contribueront", car Mario Draghi le sait, ces deux mesures, pour spectaculaires
qu'elles soient ne suffiront pas. (Le Point, 2014)
102. Cela n’est utile que pour éclairer un choix qui, pour raisonnable qu’il a pu
apparaître par la suite, était sur l’instant totalement aventureux. (Paris Match, 2010)
103. Cette situation, pour exceptionnelle qu’elle soit, est significative d’un cap essentiel
dans la séduction et la conquête au masculin. (Femme Actuelle, 2009)
104. Depuis l'excellent Là-haut, en 2009, nous n'avions eu droit qu'à des suites (Toy
Story 3, Cars 2, Monstres Academy) et à une histoire de princesse (Rebelle) qui, pour
sympathique qu'elle soit, n'avait rien de révolutionnaire. (Le Point, 2014)
105. Disposant d'une trappe sous le plancher, celui du B-Max, pour convenable qu'il
soit, apparaît comme le plus petit de la catégorie. (Le Point, 2012)
106. Elles sont de nature idéologique, alors que celles qui affectent la droite, pour
néfastes qu'elles soient, ne sont que formelles. (Le Point, 2015)
107. Et pour cause : ces révolutions, pour nécessaires qu'elles fussent au vu de la
tyrannie exercée par les despotes (Ben Ali, Moubarak, Kadhafi) de l'ancien régime,
n'étaient pas achevées, [...]. (Le Point, 2013)
108. Et Ségolène Royal, pour parisienne qu’elle apparaisse, est une élue de l’Ouest.
(Paris Match, 2008)
109. Lady Gaga, pour futile qu’elle paraisse, est tout aussi profonde quand elle observe
qu’il y a forcément des ombres lorsqu’on est en pleine lumière. (Paris Match, 2011)
110. Le régime de Ben Ali, pour dictatorial qu'il soit, est longtemps apparu comme un
rempart efficace. (Nouvel Observateur, 2011)
111. Mais la déesse Strena, pour mystérieuse qu'elle soit, était trop antique pour être
ainsi abandonnée... (Le Point, 2012)
112. Nicolas Bonnal en a tenu compte dans sa décision reconnaissant que «la
publication litigieuse, pour excessive qu'elle soit, a relevé ce qui apparaît être un
comportement incohérent de la demanderesse». (Paris Match, 2010)
113. Si on laissait un peu de côté les questions de sécurité, qui, pour sérieuses qu'elles
soient, ne sont pas d'une acuité telle qu'elles doivent mobiliser toutes les énergies (...).
(Nouvel Observateur, 2010)
114. Tout le livre de Dominique Bona illustre le fait que les planètes, pour puissantes
qu’elles soient, n’apparaissent jamais en présence du Soleil. (Paris Match, 2010)
115. Le Tagesspiegel, quotidien de Berlin (centre gauche), prenait un peu de distance et
estimait que l'expulsion, pour aussi exceptionnelle qu'elle soit, faisait partie du théâtre
diplomatique. (Le Point, 2014)
85
Exemples issus de Frantext catégorisé
1. Si harassés, si las que nous soyons, maintenant que la barre qui séparait le ciel de la
mer s'est changée en une coulée rose, une autre lumière monte au visage flétri d'Ana :
l'excitation d'un éternel renouveau ; la vie, encore aujourd'hui, lui ouvre toutes grandes
ses portes. (H. Bianciotti, Le pas si lent de l’amour, 1995)
2. Sans doute, je demeure curieux de ce qu'il me reste à vivre sur cette terre: si étrange
que cela soit, j'aime la vie. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
3. […] elle avait prié Nil de l'emmener rue Daru, et si pénible que cela fût pour lui -
c'était l'époque de son total rejet de l'église -, il avait satisfait à ce désir. (G. Matzneff,
Ivre du vin perdu, 1981)
4. […] elle avait prié Nil de l'emmener rue Daru, et si pénible que cela fût pour lui -
c'était l'époque de son total rejet de l'église -, il avait satisfait à ce désir. (J.
D’Ormession, La douane de mer, 1993)
5. Si singulier que cela me paraisse aujourd'hui, ce livre a compté dans ma vie. (J. Gracq,
En lisant en écrivant, 1980)
6. Si étrange que cela puisse paraître à voir ce chemin que j'ai pris vers la fin du conflit et
à son lendemain, j'étais habité d'une volonté, dont je crois bien ne m'être jamais ouvert
qu'à André Breton, et ceci dès le jour de notre première rencontre […]. (L. Aragon,
Œuvre poétique, Livre I (1917-1920), 1982)
7. Si charmant qu'il soit, si brillant, je soupçonne cet intellectuel d'être un petit-bourgeois.
(J. D’Ormession, Le bonheur à San Miniato, 1987)
8. Certes, si dogmatique, si exigeante qu'elle fût sur la droiture de ses intimes, on sentait
Domenica plus à l'aise, plus amène dans l'aveu de ses incartades aux règles de la
bienséance que dans le souci de leur respect [...]. (H. Bianciotti, Le pas si lent de
l’amour, 1995)
9. Moi-même, si désabusé que je sois, cela me fiche un coup. (G. Matzneff, Ivre du vin
perdu, 1981)
10. Si douloureuse qu'elle fût, si mystérieuse, si obsédante, la décision de Véronique de
disparaître totalement avait une autre allure. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
11. Si mince qu'il fût, le sac de plastique l'avait parfaitement protégé. (D. Pennac, La petite
marchande de prose, 1989)
12. Mais si soucieux qu'il fût de l'homme intemporel, il n'eut pas moins souci de l'homme
dans l'histoire de son temps. (Perse Saint-John, Hommages, 1971)
13. Et il n'était sûrement pas assez intelligent - car, si différent qu'il fût de son père, il le
rappelait pourtant, sur certains points, par le physique et le moral - pour parvenir à les
résoudre. (J. D’Ormession, Au plaisir de Dieu, 1974)
14. Si heureux qu'on puisse être, on ne peut pas ne pas désirer quelque chose de plus, ce ne
serait… pas humain! (J.-P. Chabrol, La folie des miens, 1977)
15. Si heureux qu'il fût, il en voulait à la lycéenne d'avoir ainsi retardé leur bonheur. (G.
Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
16. Si proches qu'ils fussent l'un de l'autre, ils s'agaçaient. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu,
1981)
17. Le contraste entre sa jeunesse dorée et sa vie actuelle était extrême, mais si bohème
qu'il fût à présent, il demeurait fidèle à l'esprit cavalier dans lequel il avait grandi; il
restait mousquetaire. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
18. Nil était dévoré par ces excès, mais il les justifiait dans la mesure où ils étaient les
chevaliers-gardes de la passion absolue d'Angiolina pour lui: si épuisants qu'ils fussent,
ils avaient leur signification, et leur beauté. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
86
19. Si réservée qu'elle ait été lors de leur dernière entrevue, au Rostand, elle doit juger
qu'elle s'est montrée encore trop affectueuse et aujourd'hui elle porte un air de
mauvaise humeur. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
20. Si vulnérable qu'il soit - et Nil ne cultive pas cette vulnérabilité, il se gourmande d'être
si faible, si sentimental, tel un escargot sans coquille, et il ne cesse d'envier à à
Véronique et à Angiolina leur carapace d'indifférence, la tranquille dureté avec quoi
elles effacent ce qui est révolu -, il sait que les baisers de sa jeune amante sont, contre
les blessures du souvenir, le meilleur des baumes, et qu'après cette inutile descente aux
enfers, ce sera l'eau du Léthé qu'il boira sur la bouche de la tendre Laure. (G. Matzneff,
Ivre du vin perdu, 1981)
21. Si maniaque que l'on soit, on supporte toujours mal la maniaquerie des autres, même
celle de ses plus proches amis. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
22. Si tolérants que nous puissions être, ce que [nous] avons le plus de mal à accepter, c'est
la sensualité des autres. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
23. Si léger qu'il soit, et si mince son écart avec l'état qui l'a précédé, le besoin inavoué de
desserrer un peu l'étreinte, de prendre un peu de champ, l'envie de respirer, juste un
moment, avec ses poumons à soi, et sans régler son souffle sur l'autre, fut perçu par
eux comme une faute et l'amorce d'une faille. (C. Roy, La traversée du pont des arts,
1979)
24. Si intimes qu'ils fussent, Nil ne pouvait pas dire à Rodin qu'il se fichait de vivre ou de
mourir, qu'il ne tenait pas à la vie et que même si la sibylle de
Cumes lui annonçait qu'en sortant de l'hôtel Amigo, après y avoir vécu les bonheurs
espérés dans les bras de son amante de seize ans, il allait être fauché par la mort, il
serait monté dans le train. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
25. Si brève qu'ait été cette rencontre, et si étrangement divergente puisque, arrivé parme
ces jeunes gens que je considérait comme les porteurs d'une lumière dont j'étais ébloui
(et dont je me défendais encore), je devais à l'aube de 1927 entrer dans leur parti,
tandis qu'eux allaient diversement s'en éloigner. (L. Aragon, Œuvre poétique, livre III
(1926), 1982)
26. Pourtant, si apparents que fussent les signes de l'abandon, l'homme n'avait pas
complètement évacué ces solitudes. (J. Gracq, La presqu’île, 1970)
27. Si grand que fût notre dévouement à la cause, il me semble en effet qu'aucun d'entre
nous ne pouvait envisager de gaieté de coeur un réveillon dans de telles conditions. (J.
Rolin, L’organisation, 1996)
28. Si désert que parût Le Forge, et si détaché du monde actif, il avait toujours l'impression
qu'on l'espionnait, que les fenêtres n'étaient pas innocentes, et les rares passants qu'il
croisait en rasant les murs se retournaient toujours sur lui. (Y. Queffelec, Les noces
barbares, 1985)
29. Si manifeste que fût la passion de Nil, la lycéenne éprouvait toujours le besoin de la
vérifier. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
30. Si étranges que fussent les couples qu'ils formaient avec les gamins, et malgré les
réflexions hostiles ou ironiques qu'ils suscitaient, il les préférait à ces mornes couples
hétéros, ces dondons aux grosses fesses, ces cadres dynamiques complètement éteints.
(G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
31. Mais Nil savait que, si dévoués que puissent nous être nos amis, il y a toujours dans
nos bonnes fortunes un je-ne-sais-quoi qui les irrite , et qu'ils préfèrent nous consoler
de nos échecs à nous féliciter de nos succès. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
32. Si fragile que fût l'hypothèse, il la confia quand même à Hodkann , et pour la
consolider inventa de nouveau : cela non plus, il ne fallait surtout pas en parler, mais
87
son père enquêtait sur cette affaire, tout seul, ignoré de la police. (E. Carrere, La classe
de neige, 1995)
33. Si brefs que fussent ses passages dans les établissements qui le renvoyaient, il y
décrochait les meilleurs résultats toujours , et quittait la place en laissant les
professeurs ébahis. (D. Pennac, La petite marchande de prose, 1989)
34. Si faible qu'ait été ma récente contribution au budget familial, son tarissement
survenait on ne peut plus fâcheusement. (A. Simonin, Confessions d’un enfant de la
Chapelle, 1977)
35. Certes, et si grande que soit en art votre maîtrise, ce mot d' "art" est bien le moindre
qu'on veuille se permettre à votre endroit , tant le poète en vous toujours se tient aux
sources de son être. (Perse Saint-John, Hommages, 1971)
36. Si douloureux que lui soit cet entretien, Nil obéit, car aujourd'hui comme hier, il est
incapable de résister à un désir de Diabolina. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
37. Si noiraude que fût la mémé, elle l'était davantage. (R. Sabatier, Les noisettes
sauvages, 1974)
38. Si charmant que fût ce havre de paix, il ne délivrait cependant pas Nil de la nostalgie,
et lorsque, ouvrant un livre, celui-ci y voyait, griffonnées dans les marges, de son
enfantine écriture ronde, des annotations d'Angiolina, le délétère parfum du bonheur
évanoui le faisait presque défaillir de chagrin [...]. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu,
1981)
39. Hélas ! Si sévère que soit mon opinion de la cage familiale, elle ne l'est pas assez: dans
ce domaine, la réalité est toujours pire. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
40. On aura tout fait pour me le faire prendre en haine, et pourtant si grande qu'ait pu être
parfois - et surtout dans ma prime jeunesse - mon irritation, je n'ai jamais eu de
sentiment hostile à son égard. (M. Tournier, Les météores, 1975)
41. Il y avait là Jean Cocteau, Georges Auric, Gaston Gallimard, plusieurs autres encore,
et, si bizarre que ce fût, le maréchal Lyautey. (J. D’Ormession, Tous les hommes sont
fous, 1986)
42. En quittant mon pays, je n'avais pas omis de glisser dans mon portefeuille, si dégarni
qu'il fût, la carte de visite d'un acteur alors célèbre du cinéma espagnol, le Portugais
Antonio Vilar , lequel, pendant le tournage d'un film à Buenos Aires, et par l'un de ces
caprices qui, de loin, paraissent calculés par la Providence, avait assisté à une
représentation de Lotta fino all'alba. (H. Bianciotti, Le pas si lent de l’amour, 1995)
43. […] elle déferle sur moi avec une telle puissance, elle me roule, elle me rejette là-bas,
vers ce qui, si mauvais que ce soit, est tout de même un peu à moi, m'est tout de même
plus proche… elle me pousse vers celle qui la remplace, auprès de qui je vais revenir,
avec qui je vais vivre, celle avec qui je vis... (N. Sarraute, Enfance, 1983)
44. Le garçon chérissait de même les arbres; il les plaignait, si grands et si majestueux
qu'ils fussent, d'être incapables de fuir ou de se défendre, livrés à la hache du plus
chétif bûcheron. (M. Yourcenar, Un homme obscur, 1982)
45. Pour ces femmes, si attachées qu'elles fussent à leur vieille ferme qui croulait sur elles,
l'asile signifierait un manger à heures fixes un poêle qui tirerait bien l'hiver, des
bavardages de commères, parfois l'église le dimanche et le samedi un bain à l'étuve.
(M. Yourcenar, Un homme obscur, 1982)
46. Reine Mary, velours élastique, il m'en coûtait, si fasciné que je fusse d'habitude par ses
anecdotes, de paraître l'écouter bouche bée et les yeux ronds, de crainte qu'elle ne
devinât mon scepticisme. (H. Bianciotti, Le pas si lent de l’amour, 1995)
47. J'avais observé depuis longtemps que Staline et mon grand-père, si éloignés qu'ils
pussent être, si opposés, si farouchement ennemis, appartenaient pourtant au même
88
monde des archétypes et des idées éternelles : celui du père et du modèle. (J.
D’Ormession, Au plaisir de Dieu, 1974)
48. Chez Balzac, le bric-à-brac des intérieurs, si excessif, si envahissant qu'il soit par
endroits, semble toujours avoir été soumis à une longue et tiède cohabitation casanière
qui l'organise et nous le rend plausible […]. (J. Gracq, En lisant en écrivant, 1970)
49. Certes, parmi ce petit monde dont Cahuzac, cuirassé de patience, recueillait les
confessions, il y avait des déchets, des hommes et des femmes qui venaient une fois à
Saint-Graal et qu'on n'y revoyait plus ; mais les curistes qui se mettaient avec sérieux et
opiniâtreté à son école, si différents qu'ils fussent les uns des autres, se retrouvent dans
une quête unique , qui était la quête de la maîtrise et de la connaissance de soi, la quête
de ce que l'oncle Frédéric appelle la grande santé. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu,
1981)
50. La généralisation d'une découverte, sa valeur comme on dit, si inespérée qu'elle soit,
reste toujours un peu au-dessous de ce moment de la pensée et sans doute qu'elle en
diminue plutôt l'effet pour un juge qui s'arrête aux conséquences [...]. (L. Aragagon
Œuvre poétique, Livre II (1921-1926), 1982)
51. Même ça, même "un raté" , si efficace que ça puisse être, ne me fera pas quitter mon
trou, j'y suis trop bien. (N. Sarraute, Pour un oui ou pour un non, 1982)
52. De telles constellations fixes, (les liens emblématiques qui se nouèrent dès les
commencements des anciennes familles entre le nom, les armes, les couleurs et la
devise ne seraient pas sans jeter un jour sur leur origine) si arbitraires qu'elles
paraissent d'abord, jouent pour l'imagination le rôle de transformations d'énergie
poétique singuliers […]. (J. Gracq, Les eaux étroites, 1976)
53. Dire que nous autres, les éditeurs, si futés que nous soyons, nous nous laissons encore
prendre à ça! (D. Pennac, La petite marchande de prose, 1989)
54. Presque tous les rituels d'initiation, si modeste qu'en soit l'objet, comportent le
franchissement d'un couloir obscur et il y a dans la promenade de l'èvre un moment
ingrat où l'attention se détourne, et où le regard se fait plus distrait. (J. Gracq, Les eaux
étroites, 1976)
55. Mais que faire de la rancune à l'égard d'un disparu, comment s'en décharger, si enclin
qu'on soit à favoriser les morts plutôt que les vivants. (H. Bianciotti, Le pas si lent de
l’amour, 1995)
56. Oui, il devait y avoir quelque chose comme ça, si incroyable que cela paraisse… (N.
Sarraute, Enfance, 1983)
57. Un instant aveuglés par la pénombre, ayant trébuché tous deux en même temps, nos
mains mutuellement se cherchèrent et il y eut, dans cet appel qui avait précédé toute
intention, un signe d'amitié, si discret qu'il fût. (H. Bianciotti, Sans la miséricorde du
Christ, 1985)
58. Il faut intarissablement se passionner, en dépit d' équivoques découragements et si
minimes que soient les réparations. (R. Char, Recherche base et sommet, 1981)
59. Abandonne ta mémoire, si beau que soit ce navire. (J.-L. Bory, Un prix d’excellence,
1979)
60. De même qu'une fois l'habitude prise, il est difficile de se passer sinon d'une
organisation, du moins d'un groupe, si flous que soient ses contours, et si ambigus ses
desseins. (J. Rolin, L’organisation, 1996)
61. Ma passion pour Suzanne continuait à s'exprimer à travers des lettres-fleuves, mais elle
était loin de répondre à toutes mes aspirations dans ce domaine, si vif que fût mon goût
pour les sentiments hypertrophiés. (J. Rolin, L’organisation, 1996)
89
62. Elle hésitait à ranger le poignard mais visiblement, si jeunot fût-il, ce client semblait
décidé. (Y. Queffelec, Les noces barbares, 1985)
63. La société l'hameçonne et, si misanthrope soit-il devenu, il désire éperdument un coin
du cocon rassurant de l'ordre établi. (J.-L. Degaudenzi, Zone, 1987)
64. Mais, sans transition, on eût dit qu'il parlait à sa soeur, ou plutôt, qu'ils s'entretenaient
sans échanger des mots ;on devinait entre eux des connivences furtives et, en même
temps, un désaccord fondamental qu'ils se transmettaient par la pointe du regard; et si
différents fussent leurs caractères, il émanait de tous les deux une aura triste qui les
isolait ensemble. (H. Bianciotti, Le pas si lent de l’amour, 1985)
65. Mon raisonnement si brillant soit-il ne me rassure pas longtemps. (J. Joffo, Un sac de
billes, 1973)
66. Il n'y a pas de corporation si intéressante soit-elle qui ait le droit de se dresser contre la
nation. (L. Aragon, Œuvre poétique, Livre I (1917-1920), 1987)
67. Sortir de ses gonds quand la situation l'impose: éloge de la République, aveu de son
vrai nom sur la plage… à Paris, ne pas ridiculiser Boulet-Montreuil, victime, si lucide
soit-il, de son milieu. (B. Poirot-Delpech, L’été 36, 1984)
68. Si Rosette avait fait l'expérience de l'arrestation, elle saurait qu'en présence d'un
danger, si minime soit-il, il faut fuir, ne pas perdre la moindre seconde, un dixième, un
centième suffit qui sépare la vie de la mort, la prison de la liberté. (J. Joffo, Un sac de
billes, 1973)
69. Ce que j'envie aux peintres et aux sculpteurs, ce qui rend (du moins je l'imagine tel)
leur travail si sensuellement jubilant et régulier,c'est l'absence complète de ces temps
morts - si minimes soient-ils - c'est le miracle d'économie, le feed back de la touche ou
du coup de ciseau qui dans un seul mouvement à la fois crée, fixe et corrige […]. (J.
Gracq, En lisant en écrivant, 1980)
70. Ils deviennent alors des adolescents conscients des risques de la vie et capables de les
assumer, surtout si leurs parents leur font confiance, sachant qu’ils les ont, à temps,
armés pour les épreuves des rencontres, des influences, de 'l’amitié trahie, de l’amour
impossible ou éphémère, du désir maîtrisé, si violent soit-il, quand le partenaire rêvé se
refuse dans la réalité et que du désir humain, qui n’est pas un rut, des jeunes gens et
jeunes adultes des deux sexes doivent, au nom du respect de l’autre, accepter qu’on se
refuse à son désir, à son amitié, à son amour. (F. Dolto, La cause des enfants, 1985)
71. Dans tout jardin, si petit soit-il, il y a en général un banc de pierre. (J. De Romilly, Les
œufs de Pâques, 1993)
72. Renouveler une garde-robe, si élémentaire fût-elle, posait un rude problème de
financement. (A. Simonin, Confessions d’un enfant de la Chapelle, 1977)
73. Je savais que les choses n'étaient jamais aussi simples qu'on voulait nous le faire croire,
et que seule une recherche approfondie et n'omettant aucun détail, aucun fait, si petit
soit-il, m'autoriserait, enfin, à me former une opinion. (J.-L. Benoziglio, Cabinet
portrait, 1980)
74. On peut sommer Alexandre, si grand soit-il, de ne pas faire écran au soleil, mais les
nuages? (J. Rouaud, Les champs d’honneur, 1990)
75. PTT s'est évanoui après le certif, il s'est même carrément évaporé et puis, par la suite,
mon passé judiciaire m'a interdit de toute façon de briguer une place, si modeste soit-
elle, dans la fonction publique. (A. Boudard, Mourir d’enfance, 1995)
76. Aussi préférera-t-on aux gadgets d'une mode passe-partout, qui risque de vous faire
imiter ce qui ne vous convient pas, l' "hétéroclisme" qui fait du décor, si modeste soit-
il, un mode d'expression singulier. (A. Blondin, Ma vie entre les lignes, 1982)
90
77. On sait bien qu'on est le fruit d'une histoire, mais si douloureuse soit-elle, on ne souffre
plus comme les gens qui n'ont pas fait d'analyse et qui, adultes, en veulent à leurs
parents et qui sont encore passionnés entre frères et soeurs. (F. Dolto, La cause des
enfants, 1985)
78. Au lieu de toujours dire oui et laisser décider autrui, elles sont soudain promues au
rang d'adultes et libérées d'une tutelle qui, si douce soit-elle, les paralysait. (J. De
Romilly, Les œufs de Pâques, 1993)
79. Enfin le juge préférait de beaucoup ma syntaxe à celle des deux policiers, au point
même qu'il était incapable de dissimuler cette préférence, et je tirai parti de cette
complicité de classe, si scandaleuse fût-elle au regard de nos principes, sans le moindre
scrupule. (J. Rolin, L’organisation, 1996)
80. Tout film, si magnifique soit-il, garde ainsi, à la sortie de sa chaîne de production, le
caractère d'un objet manufacturé, à prendre ou à laisser tout entier […]. (J. Gracq, En
lisant en écrivant, 1980)
81. Mon premier recueil de "vers" n'a paru qu'en 1920 et, si bref soit-il, parcourt ainsi trois
années, négligeant plusieurs pages qu'on trouvera pourtant ici […]. (L. Aragon, Œuvre
poétique, Livre I (1917-1920), 1982)
82. Cela, aucun prestidigitateur, si habile fût-il, ne pourrait l'escamoter. (A. Blondin, Ma
vie entre les lignes, 1982)
83. J'ai eu cette chance d'avoir une mère désespérée d'un désespoir si pur que même le
bonheur de la vie, si vif soit-il, quelquefois, n'arrivait pas à l'en distraire tout à fait. (M.
Duras, L’amant, 1984)
84. Il me semblait, à vrai dire, que n'importe quel point de départ, si obscur fût-il, si
modeste, si dérisoire, m'aurait mené, chemin faisant, aux mêmes immenses
perspectives. (J. D’Ormession, Le vent du soir, 1985)
85. Mais aucune théorie, si séduisante soit-elle, n'est capable, une fois pour toutes, de
cerner le monde et les êtres. (J. D’Ormession, Le vent du soir, 1985)
86. J'apprends déjà, sans le savoir, que pour l'errant, quelques minutes de satiété, si
dérisoires soient-elles, soleil levant sur banlieue blême ou soupe chaude sur coeur
froid, dorent la pilule pour des saisons de galère. (J.-L. Gaudenzi, Zone, 1987)
87. Il n'y a pas d'amour indépendant de la politique ou de l'art, pas de relations humaines
ou sociales, si insignifiantes soient-elles, qui ne reflètent l'état des moeurs, l'évolution
des religions, tout ce qui fait l'air du temps et le climat d'une époque. (J. D’Ormesson,
Au plaisir de Dieu, 1974)
88. Mais il n'y a point en art de règles de qualification violées, si nombreuses soient-elles,
qu'une percée isolée dans l'excellence, fût-ce dans une direction non encore répertoriée,
ne rachète toutes. (J. Gracq, En lisant en écrivant, 1980)
89. C'était le plus perspicace des amis, le plus attentionné aussi, et je jette, en passant, qu'il
était incomparable dans l'art du cadeau, si minime fût-il. (A. Blondin, Ma vie entre les
lignes, 1982)
90. Elle passe toujours la rue par-dessus l'Histoire de ces choses-là, si terribles soient-elles.
(M. Duras, L’amant, 1984)
91. […] c'était une branche nouvelle de philosophie et moi je voulais m'occuper du
développement des humains, pas seulement de spéculation d'idées, si intéressantes
fussent-elles. (F. Dolto, La cause des enfants, 1985)
92. Il est même impossible de rendre compte, jusqu'à épuisement du réel, de la situation
d'un quartier, d'une maison, d'une chambre, si petite soit-elle - ou même vide. (J.
D’Ormession, La douane de mer, 1993)
91
93. Il y a nécessairement du pion et de l'adjudant chez un entraîneur, si compréhensif soit-
il. (A. Blondin, Ma vie entre les lignes, 1982)
94. Revanche posthume de la singularité charnelle, irréductible, de la petite patrie en face
d'une simple idée abstraite, si noble fût-elle? (J. Gracq, Carnets du grand chemin,
1992)
95. Et la révolte la ressuscite à l'aurore, si longue soit celle-ci à s'accuser. (R. Char,
Recherche base et sommet, 1981)
96. Je fis convoquer et j'écoutai des heures durant tous les témoins susceptibles de
m'apporter des informations, si menues fussent-elles. (M. De Grèce, La nuit du sérail,
1982)
97. Alors je tiendrais ma vengeance, si mesquine fût-elle; car enfin, elle m'avait bien fait
elle-même patienter plus d'une dizaine de jours sans me donner de nouvelles. (A.
Jardin, Bille en tête, 1986)
98. […] autant je saisis parfaitement le discours de Bill, si complexe soit-il, tant qu'il reste
dans la généralité scientifique, autant je m'opacifie dès qu'il en va de mon propre cas.
(H. Guibert, A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, 1990)
99. Bref, des labeurs si pénibles et si mal rémunérés que ça valait plus du tout la peine de
se déhotter le matin de son gourbi, si minable soit-il. (A. Boudard, Les enfants de
chœur, 1982)
100. Il lui semblait impossible qu'un volatile ayant la chair si fine et si délicate au goût
ne fût pas doté d'une âme, si chétive fût-elle. (A. Jardin, Bille en tête, 1986)
101. Et pourtant, aussi désagréable que cela fût de me l'avouer, la mort de l'homme à qui
je devais tant me libérait, en quelque sorte, vis-à-vis de l'homme que j'aimais. (M. De
Grèce, La nuit du sérail, 1982)
102. Aussi incroyable que cela puisse paraître, les Vénitiens n'ont pas accueilli la
nouvelle du désastre de 1453 avec une consternation bien convaincante. (M. Tournier,
Les météores, 1975)
103. Aussi bizarre que cela puisse paraître, c'est grâce à l'ivrogne local Gavrilytch que
nous pûmes percer le sens de cet ailleurs insolite que portait en elle notre grand-mère.
(A. Makine, Le testament français, 1995)
104. Aussi invraisemblable que ce soit, il est malheureusement certain que ça s'est passé.
(N. Sarraute, Enfance, 1983)
105. Aussi invraisemblable que cela paraisse, tout cela je le sentais... (N. Sarraute,
Enfance, 1983)
106. Aussi sauvage qu'il fût, Crochemaure aimait ses bêtes. (M. Tournier, Les météores,
1975)
107. Aussi délaissé qu'il fût, le square n'en demeurait pas moins le seul endroit du
quartier où il fût bon désespérer. (H. Bianciotti, Sans la miséricorde du Christ, 1985)
108. Aussi grand que fût le besoin de protection ressenti, je ne voulais pas qu'un
quelconque attachement vînt entamer ma liberté [...]. (H. Bianciotti, Le pas si lent de
l’amour, 1995)
109. Aussi restrictive que fût cette formule en fait d'avantages matériels ou publicitaires,
Tagore n'en voulut point d'autre. (Perse Saint-John, Hommages, 1971)
110. On peut y cueillir au printemps, aussi incroyable que ça paraisse, de jeunes pousses
de pissenlits, de la doucette et de l'ail sauvage. (J.-L. Degaudenzi, Zone, 1987)
92
111. Révolutionnaire, oui, aussi étrange que cela puisse paraître de la part d'un président
de la République, et de surcroît à la veille de Noël. (M. Tournier, La médianoche
amoureux, 1989)
112. Un personnage de roman, aussi vivant qu'il soit, si on le confronte dans une scène à
une figure historique véritable, y perd instantanément souplesse et liberté, parce qu'il
vient s'articuler brusquement à un point fixe isolé : pour un moment, ce n'est plus qu'un
manteau pendu à une patère. (J. Gracq, En lisant en écrivant, 1980)
113. [...] dont Novalis, sur le plan poétique, Saint-Just, sur le plan politique, figurent
pour moi à peu près le solstice, et à laquelle l'oeuvre de Goethe tout entière, aussi
complexe qu'elle soit, doit la succulence ensoleillée de sa maturation. (J. Gracq, En
lisant en écrivant, 1980)
114. Parce qu'elles étaient en première ligne, alors que lui et ses copains américains ou
australiens, aussi proches qu'ils fussent de la ligne rouge, ne la dépassaient jamais et
demeuraient des spectateurs. (P. Labro, Les bateaux dans la nuit, 1982)
115. Il avait prononcé ces mots à l'instant même où Adélaïde, aussi émerveillée qu'elle
fût par cette nef de branches et de feuillages, avait été transpercée par la pensée qu'ils
pénétraient dans une crypte, se confondant déjà avec les morts. (H. Bianciotti, Sans la
miséricorde du Christ, 1985)
116. Mo ne connaissait que le présent, elle était à elle seule un être définitif alors que
lui, aussi loin qu'il aille, aussi seul qu'il soit, était impuissant à se dégager de ces
sédiments confus dont Mo était l'humus. (P. Moinot, Le guetteur d’ombre, 1979)
117. Et pourtant rien n'y fait, aussi petit qu'on soit, une mouche, on doit être en lutte
avec l'univers. (H. Bianciotti, Sans la miséricorde du Christ, 1985)
118. C'est bien, mon petit, lui dit-il, dans les circonstances les plus dramatiques, tu n'as
pas jeté ton arme, aussi modeste qu'elle soit. (M. Tournier, Le roi des Aulnes, 1970)
119. [...] c'est autrement grisant que de jouer au foot avec un "papa" comme un Chichi
ou de courses et occire un rongeur, aussi roublard qu'il soit. (R. Forlani, Gouttière,
1989)
120. Mais mon estomac réclamait son dû. Aussi médiocre soit-il. (R. Forlani, Gouttière,
1989)
121. Aussi irrécupérable soit-elle, je ne pourrai me faire à l'idée qu'on ne puisse la
réparer. (G. Bienne, Le silence de la ferme, 1986)
122. Je sais aujourd'hui qu'un visage humain, aussi vil soit-il, souffleté, devient aussitôt
la face de Jésus. (M. Tournier, Le roi des Aulnes, 1970)
123. Corrélativement, aussi connus soient-ils, ils sont moins célèbres que leurs auteurs
respectifs, Stendhal ou Balzac. (M. Tournier, Le vent paraclet, 1978)
124. Aussi différents fussent-ils de nature, ils se ressemblaient tous, surtout par l'accueil
qu'il me réservaient, où la méfiance cédait à la résignation , comme si une instance
supérieure leur eût intimé l'ordre de m'admettre chez eux. (H. Bianciotti, Le pas si lent
de l’amour, 1995)
125. [...] deux par deux, elles traînent des seaux en laiton remplis d'un liquide noirâtre
qu'elles distribuent en même temps que du pain; aussi exécrable soit-elle cette infusion
de chicorée, elle est chaude [...]. (H. Bianciotti, Le pas si lent de l’amour, 1995)
126. [...] le concert qui s'élève d'un ensemble aussi puissant et aussi nombreux étouffe le
duo gracieux, mais un peu grêle en comparaison, des bras aussi durs soient-ils. (M.
Tournier, Les météores, 1975)
127. Il existe, je crois, une loi de physique selon laquelle une quantité de gaz aussi faible
soit-elle remplit toujours également le ballon dans lequel elle est enfermée. (M.
Tournier, Les météores, 1975)
93
128. Et dans l'homme vivant, aussi variable fût-il, il a recherché l'individuel plus que
l'universel, le singulier plus que l'abstrait. (Perse Saint-John, Hommages, 1971)
129. Soeur Béatrice n'avait eu de cesse qu'elle n'eût tiré de la secrète Gotama quelque
lumière - aussi timide soit-elle - touchant la vocation qui la retenait au chevet de ses
monstres , et aussi l'enseignement qu'elle avait pu tirer d'une si longue et étrange
fréquentation. (M. Tournier, Les météores, 1975)
130. De là son besoin de s'endimancher, d'avoir un chapeau, de tenir sa place - aussi
modeste soit-elle - dans le corps social. (M. Tournier, Les météores, 1975)
131. « Je m'émeus aux symboles, dit-il, comme si j'avais besoin plus que naguère de
percevoir un reflet, aussi ténu soit-il, de la face cachée des choses. » (A. Blondin, Ma
vie entre les lignes, 1982)
132. L'autre remarque : comme tout cet écrit s'est, malgré cet écart réel, décidé très
rapidement, sans presque aucune rature, il faut bien que j'en tienne les quelques pages,
aussi relatives soient-elles, pour un fait accompli, où se prend à jamais la rêverie que
j'avais en tête. (Y. Bonnefoy, Rue traversière et autres récits en rêve, 1987)
133. Mais leur poitrine, aussi riquiqui soit-elle, y enfouir son nez, s'y blottir, c'est du
bonheur. (R. Forlani, Gouttière, 1989)
134. Car il y a des larmes qui, aussi anciennes soient-elles, n'en finissent jamais de
diffuser une sensation de brûlure, de reperler à fleur de peau. (S. Germain, La
pleurante des rues de Prague, 1992)
135. Et chacun sait que l'écrin, aussi beau, aussi pur soit-il, peut renfermer un leurre. (J.
Hanzmann, La horde d’or, 1994)
136. Eux, ils tiraient avantage, pour l'essentiel, du piano à queue, et tous les trois nous
profitions du déjeuner que nous prenions seuls; aucun des exilés, aussi modeste fût sa
situation, ne s'y aventurait à l'heure du repas. (H. Bianciotti, Le pas si lent de l’amour,
1995)
137. Quant à la plaie elle- même, son dessin, sa profondeur, et même les étapes de sa
cicatrisation fournissaient à mon désir un aliment combien plus riche et plus inattendu
que la simple nudité d'un corps, aussi appétissant fût-il! (M. Tournier, Le roi des
Aulnes, 1970)
138. Non, elle resterait, et en dépit des exhortations de l'abbé, elle garderait les yeux
grands ouverts sur la vérité, aussi cruelle fût-elle. (M. Tournier, Le coq de Bruyère,
1978)
139. Elle récitait avec un regard d'une inquiétante vivacité tous les détails des dernières
minutes de Jeanne d'Arc, Gilles de Rais, Marie Stuart, Ravaillac, Charles Ier, Damiens,
n'omettant aucune précision de leurs tourments, aussi atroce fût-elle. (M. Tournier, Le
coq de Bruyère, 1978)
140. Foi d'Arbuthnot, nous éliminerons ces influences, aussi puissantes et aussi secrètes
soient-elles! (M. De Grèce, La nuit du sérail, 1982)
141. Dans le canton de Pédrac, il n'était plus question pour elle de trouver un amant,
aussi minable fût-il. (A. Vergne, L’innocence du boucher, 1984)
142. Et voici l'aide d'une autre pensée: la curiosité de l'être humain était devenue telle,
chez Rivière, qu'il n'eût rien récusé d'une expérience humaine, aussi pénible fût-elle.
(Perse Saint-John, Hommages, 1971)
143. Et qui jamais, l'ayant connu, eût pu l'imaginer un instant se dérobant à quelque
charge, aussi écrasante fût-elle pour ses épaules? (Perse Saint-John, Hommages, 1971)
144. Tu ne recules devant aucune agression, aussi blessante soit-elle. (M. Tournier, Le
médianoche amoureux, 1989)
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145. Cela, en revanche, l'amusa : les « leçons d'anatomie », les planches d'écorchés de
Valverde ou de Gauthier d'Agoty, elle s'en était servie pour ses plus beaux
tableaux, ainsi que d'anciens ouvrages, jadis scientifiques, à l'usage des étudiants en
médecine, où l'on trouvait d'admirables gravures du squelette, qu'elle appelait "la
beauté secrète des êtres", aussi enrobés fussent-ils. (M. Tournier, Le pas si lent de
l’amour, 1995)
146. Ni elles, ni Supplizia, ni Adélaïde qui ramenait des champs pelés le bétail,
n'espéraient plus rien, ne regardaient plus le ciel : aucune d'entre elles ne s'aperçut
qu'un changement se préparait, aussi alertes fussent-elles aux moindres oscillations de
l'air [...]. (H. Bianciotti, Sans la miséricorde du Christ, 1985)
147. Quelque énorme que soit un nombre, on peut toujours en forger un plus grand. (J.
D’Ormession, La douane de mer, 1993)
148. Quelque irritants que soient les déboires auxquels s’expose celui qui se voue corps
et âme à la profession d’ethnographe afin de prendre par ce moyen une vue concrète de
la nature profonde de l’Homme – soit, en d’autres termes, une vue du minimum social
qui définit la condition humaine à travers ce que les cultures diverses peuvent présenter
d’hétéroclite – et bien qu’il ne puisse aspirer à rien de plus que mettre au jour des
vérités relatives (l’atteinte d’une vérité dernière étant un espoir illusoire), la pire des
difficultés que j’ai dû affronter n’était pas du tout de cet ordre […]. (G. Perec, La vie
mode d’emploi : romans, 1978)
149. Les familiers de plus ou moins fraîche date qui les entouraient et qui faisaient
parfois la cour à ces femmes seules et jolies - car tous les récits qu'on en propose
donnent une fausse idée de la vie en isolant des personnages qui entretiennent des
liens, quelque ténus qu'ils soient, avec une foule de figurants - mettaient sur le compte
du sang russe, dont Marie au moins n'avait pas une seule goutte […]. (J. D’Ormession,
Le vent du soir, 1985)
150. Ainsi, d'un côté, le passé du monde et le nôtre ne cesse jamais de s'accroître et, de
l'autre, la durée de l'avenir, quelque indéterminée qu'elle puisse être, ne cesse jamais de
se réduire. (J. D’Ormession, La douane de mer, 1993)
151. Pour tous, d'une certaine façon, quelque anciennes que soient les racines qui vous
rattachent à San Martin, à Bolivar ou à la guerre du Chaco, la traversée de l'Atlantique
est un retour au pays. (J. D’Ormession, Le vent du soir, 1985)
152. Mais quand la loi parle, a-t-on besoin d'autre autorité, quelque respectable qu'elle
puisse être? (C. Simon, Les géorgiques, 1981)
153. […] les jets du baume de vie dans son cou, dans son cul, dans sa bouche, dans la
vallée de ses seins, partout, partout, ne demeurait pas longtemps sa maîtresse, quelque
belle qu'elle pût être. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
154. Nil opina que si les femmes n'aiment pas le passé, leur passé, et, tant délabrées
qu'elles soient, prétendent "repartir à zéro" c'est parce qu'elles ne supportent pas que
quoi que ce soit ternisse la belle idée qu'elles se font d'elles-mêmes […]. (G. Matzneff,
Ivre du vin perdu, 1981)
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155. Pour rien... à deux, tout costaud qu'il est, on pourrait le sécher sur place, lui casser
les temporaux contre le trottoir, sidi crevé. (Bayon, Le lycéen, 1987)
156. Il y avait une première période d'accoutumance pendant laquelle la nouvelle devait
faire effort pour surmonter la répugnance que lui inspiraient malgré elle la laideur, la
gaucherie, parfois la saleté de ces enfants, d'autant plus décourageants que, tout
anormaux qu'ils étaient, il n'étaient pas malades, la plupart se portaient même mieux
que la moyenne des enfants normaux, comme si la natura, les ayant suffisamment
éprouvés, les tenait quittes des maladies ordinaires. (M. Tournier, Les météores, 1975)
157. Tout novice qu'il était, le plus jeune des deux flics avait presque tout vu en matière
de meurtre. (D. Pennac, La petite marchande de prose, 1989)
158. Du coup, tout aviateur qu'il est, le Terrien y se sent rien con, c'est moi qui vous le
dis, et il cherche à consoler le gamin. (F. Seguin, L’arme à gauche, 1990)
159. Tout rationaliste qu'il était, Charles se montrait reconnaissant envers le hasard qui
leur avait permis d'ouvrir les mêmes livres et d'y faire les mêmes explorations. (J.
Lanzmann, La horde d’or, 1994)
160. Tout savant qu'il était, Nathan avait choisi le parti de l'aventure contre celui de
l'étude. (J. Lanzmann, La horde d’or, 1994)
161. Certes, tout croyant qu'il est, Ben Avram porte en lui les germes de l'athéisme. (J.
Lanzmann, La horde d’or, 1994)
162. Et moi, tout prisonnier que je suis, je ne l'envie pas d'être à la place que j'occupais.
(M. De Grèce, La nuit du sérail, 1982)
163. Tout soucieux qu'il était de se cuirasser contre l'attendrissement, il ne pouvait
s'empêcher d'être ému par de telles paroles. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
164. C'est biiien... ça... voilà un bon petit qui sent le prix de ces choses-là... on ne le
croirait pas, mais vous savez, tout béotien qu'il est, il en est tout à fait capable... (N.
Sarraute, Pour un oui ou pour un non, 1982)
165. Maintenant qu'il savait que, tout con qu'il était, lui, Robert Merlet,
un ithécanthrope surdoué lui arrivait pas à la cheville, il se sentait déculpabilisé
pour de bon, autorisé une fois pour toutes à coincer sa bulle tranquillos le restant de
l'année. (F. Seguin, L’arme, à gauche, 1990)
166. Tout insignifiant qu'il parût, il dominait la séance à force de rigueur et de fermeté.
(M. De Grèce, La nuit du sérail, 1982)
167. Tout noceur qu'il se proclamât, il n'avait pas osé s'afficher au manoir, devant son
père. (B. Poirot-Delpech, L’été 36, 1984)
168. Sans doute Hortense aurait-elle souhaité davantage, mais tout imparfaite qu'était
cette amitié amoureuse, ne valait-elle pas mieux que la disparition haineuse de
Véronique ou que l'affectation de froideur d'Angiolina? (G. Matzneff, Ivre du vin
perdu, 1981)
169. Le paternel tout raciste qu'il soit il [ne] crachait pas dans le tajine. (E. Hanska,
J’arrête pas de t’aimer, 1981)
170. Pourtant çui-là tout Allemand qu'il est a passé son enfance à Casablanca. (E.
Hanska, J’arrête pas de t’aimer, 1981)
171. Et la clarté de l'expression, tout allusive qu'elle soit, triomphe sans effort du
mystère qu'elle confesse. (Perse Saint-John, Hommages, 1971)
172. J'étais sûre que mon petit Julien, tout menteur qu'il fût, m'aimerait longtemps et
que, jamais, je ne serais amenée à faire ce métier. (C. Aventin, Le cœur en poche,
1988)
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173. Il convient en effet de préciser que Phileas Fogg, cet obsédé d'exactitude, tout
sédentaire qu'il est, connaît par coeur les almanachs et horaires du monde entier. (M.
Tournier, Le vent paraclet, 1977)
174. Trop jaloux de son destin et de sa liberté pour les sacrifier à une femme, Nil, tout
amoureux qu'il était, résistait [...]. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
175. Il n'aimait point l'abbé Testa, tout pythagoricien qu'il fût, et bien que le Doge lui
épluchât ses radis. (C. M. Cluny, Un jeune homme de Venise, 1983)
176. Je me la marierais bien, moi, et je prendrais le même avec, tout simplet qu'il est.
(Y. Queffelec, Les noces barbares, 1975)
177. Et lorsqu'il s'agira vraiment de la réaliser, il n'en reste pas moins que nous
trouverons dans notre jeunesse,dans notre complicité amicale, dans notre classicisme et
jusque dans notre polissonnerie des ressources d'enthousiasme que je souhaite à M.
Combelle, tout vertébré qu'il soit et malgré ses excellents réflexes révolutionnaires. (A.
Blondin, Ma vie entre les lignes, 1982)
178. Je sais bien que tu t'en fous, et que celui-là, tu n'as pas pris la peine de le lire, mais
n'oublie pas que tu continues à palper un pour cent là-dessus (1%), tout comateux que
tu es. (D. Pennac, La petite marchande de prose, 1989)
179. Après cette date, ils s'étaient revus, et avaient refait l'amour plusieurs fois,
passionnément, mais pour déchirate qu'elle fût, Nil renonça pas à sa décision de
rompre [avec elle]. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
180. Pour minuscule qu'il apparaisse, ce léger décalage contrarie quelque peu
l'harmonieuse atmosphère dans laquelle ils baignent. (J. Lanzmann, La horde d’or,
1994)
181. Pour mutilante qu'elle fût, la rupture était une mise à mort qui valait l'autre et était
moins cher payée. (G. Matzneff, Ivre du vin perdu, 1981)
182. Pour rares qu'ils étaient, et malgré les extraordinaires révélations qu'ils
accréditaient, les documents laissés à l'ambassade paraissaient bien légers en regard de
la pièce maîtresse que l'honorable vieillard se proposait de dévoiler d'ici trois lunes. (J.
Lanzmann, La horde d’or, 1994)
183. Pour scandaleuse qu'elle puisse paraître au premier abord, l'affinité profonde qui
unit la guerre et l'enfant ne peut être niée. (M. Tournier, Le roi des Aulnes, 1970)
184. Ces bennes sont des étouffeuses, des éteigneuses, et les matières qu'elles déversent
dans les dépôts - pour admirables qu'elles soient encore - sont assommées, humiliées,
ravalées au-dessous d'elles-mêmes par ce traitement barbare. (M. Tournier, Les
météores, 1975)
185. Quand je repense à cette époque, où, à la façon de l'orage trop longtemps attendu et
qui éclate enfin, le dénouement de la crise, pour désastreux qu'il fût, finissait par
apporter une espece de soulagement , je l'imagine aussitôt, parce que je connais la
suite, comme le début de cette drôle de guerre qui allait durer plus de huit mois. (J.
D’Ormession, Le bonheur à San Miniato, 1987)
186. Ma découverte, pour déconcertante qu'elle fût, m'apporta une intuition pénétrante
du style. (A. Makine, Le testament français, 1995)
187. Cette fois encore, l'explication, pour invraisemblable qu'elle pût paraître, fut
acceptée par tous, y compris par la police. (G. Perec, La vie mode d’emploi : romans,
1978)
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188. Faire gambiller ma frangine, je n'en voyais quant à moi aucun intérêt, et pour
subalterne qu'ait été ma participation à la fiesta, je m'en accommodais. (A. Simonin,
Confessions d’un enfant de la Chapelle, 1977)
189. Pour déplorable que fût le goût qui poussait Jean chez les cardeuses, ce n'était rien
encore auprès du penchant qui l'attirait dans l'ancienne remise à voitures où l'on
entreposait les matelas en attente. (M. Tournier, Les météores, 1975)
190. […] pour si rigoureux que soit le froid, cela fait déjà des mois - on est en février -
qu'ils y sont accoutumés […]. (C. Simon, Les géorgiques, 1981)
191. Plaisirs inaccessibles pour nous galopins démunis de pécune, mais dont la
perspective, pour si lointaine qu'elle fût, nous était une stimulation puissante à faire
tomber un peu d'oseille dans nos morlingues. (A. Simonin, Confessions d’un enfant de
la Chapelle, 1977)