Post on 13-Jul-2020
L’approche structurationniste comme cadre intégrateur de
compréhension de l’adoption des innovations : le cas de la
plateforme EgovBat1
Sébastien Tran*
Patrick Loux**
Mathilde Aubry***
Emmanuel Baudoin****
* ISC Paris, France & chercheur associé à Mlab, Université Paris Dauphine
** EM Normandie, France
*** EM Normandie, France
**** Telecom Ecole de Management, France
Résumé :
Malgré les nombreux avantages identifiés dans la littérature et les études de cabinets de
conseil concernant la dématérialisation, les chiffres montrent que cette innovation reste encore
très loin des projections au niveau de son adoption par les entreprises. Notre problématique de
recherche consiste à comprendre pourquoi la dématérialisation n’est elle pas plus utilisée en
B2B alors qu’elle présente de nombreux avantages ? Quels sont les facteurs d’adoption par les
acteurs ? Nous mobilisons l’approche structurationniste issue des travaux de Giddens (1984,
1987) qui est particulièrement approprié car elle permet une compréhension systémique des
relations entre les acteurs et des mécanismes d’adoption des innovations technologiques
(Orlikowski, 2000 ; Poole et De Sanctis, 2004). Notre recherche s’appuie sur un contrat de
recherche de deux ans, EgovBat, qui consiste à expérimenter une plateforme de
dématérialisation dans le secteur du BTP. Nos résultats montrent notamment le rôle clé de
deux acteurs dans la chaîne de dématérialisation qui n’est pas complètement aboutie de part et
d’autre du processus de construction et l’importance des normes juridiques qui ne sont pas
encore stabilisées pour permettre une mise en œuvre opérationnelle de la plateforme.
Mots clés :
Approche structurationniste, innovation, BTP, étude de cas.
1 Cette recherche a été réalisée de septembre 2013 à novembre 2015 dans le cadre d’un contrat de recherche
appelé EgovBat financé par le FEDER et la Région Basse Normandie que nous tenons à remercier pour leur
soutien et leur accompagnement, ainsi que le pôle TES situé en Basse Normandie en France.
2
Contribution of the structurationist approach to the adoption of
innovation: the case of the EgovBat platform2
Sébastien Tran*
Patrick Loux**
Mathilde Aubry***
Emmanuel Baudoin****
* ISC Paris, France & chercheur associé à Mlab, Université Paris Dauphine
** EM Normandie, France
*** EM Normandie, France
**** Telecom Ecole de Management, France
Abstract
Despite the many advantages mentioned in the literature and in studies by consulting
agencies, the figures show that adoption of dematerialisation by organisations remains far
short of expectations. We attempt to understand why, despite these advantages,
dematerialisation is not more widely used in B2B, and the factors that incite actors to adopt it.
Our study is based on the structurationist approach developed by Giddens (1984, 1987),
which is especially interesting as it helps to give us a systemic understanding of relations
between the different actors and the adoption mechanisms of technological innovation
(Orlikowski, 2000; Poole and De Sanctis, 2004). The study is based on a two-year research
contract with EgovBat which involved running a dematerialisation platform trial in the
construction industry. Our findings highlight the key role of two actors in the
dematerialisation chain which has not been fully adopted by all segments of the construction
industry, and the importance of legal norms that are not yet consistent enough for the
operational implementation of the platform.
Keywords
Structurationist approach, innovation, platform, construction industry, case study.
2 The present study was conducted between September 2013 and November 2015 in the framework of a research
contract called EgovBat, financed by the FEDER and the Basse Normandie region. We hereby wish to thank
them for their support and help, as well as the TES centre located in Basse Normandie in France.
3
Introduction
Internet est considéré comme une innovation radicale qui a contribué à modifier en
profondeur les relations économiques et les pratiques des entreprises (Choi, Whinston, 2000 ;
Dou, Chou, 2002). Parmi les nombreuses thématiques abordées en B2B, celle de la
dématérialisation n’a pas été beaucoup développée sauf sous l’angle du développement
durable ou de la réduction des coûts et a été souvent réduite à une partie du processus, à
savoir la facturation électronique (Caluwaerts, 2010 ; Hayward, 2013). Bien qu’il soit difficile
de classer les innovations (Le Loarne et Blanco, 2012), la dématérialisation s’apparente à une
innovation technologique et de procédés dans le sens où elle se substitue à des technologies
existantes pour des finalités similaires et elle engendre une modification des processus de
travail des acteurs. Selon le dernier rapport Billentis3, le nombre de factures électroniques
échangées entre les entreprises et les administrations atteindrait 4,6 milliards en Europe. Les
enjeux économiques sont considérables selon les études (Billentis, 2013 ; CXP, 20134) car la
facturation électronique constitue théoriquement une source importante d’économies de coûts
(Penttinen et Tuunainen, 2010). Nous reprenons la définition exhaustive de Caluwaerts (2010)
car elle reprend l’ensemble des phases du processus de la dématérialisation en incluant la
facturation électronique : « E-invoicing can be defined as the electronic transfer of invoicing
information, including billing and payment information between business partners. In a
broader sense’, e-invoicing can be considered as ‘the integration and dematerialisation of the
order-payment cycle, which covers ‘the entire commercial, logistics, administrative and
financial process from creation of the order up to the closure of the payment cycle and
associated settlements ». La dématérialisation touche l’ensemble des secteurs d’activité
(industries, BTP, services, administrations) et concerne aussi bien les PME que les grandes
entreprises. Néanmoins, les grandes entreprises et les administrations ont beaucoup plus
investi dans la facturation électronique que les PME souvent en retard dans ce processus
complexe (Al-Qirim, 2004).
La dématérialisation doit permettre aux entreprises d’être plus performante notamment au
niveau organisationnel et de nombreux avantages sont mis en avant dans les études
(Caluwaerts, 2010 ; Penttinen et Tuunainen, 2010). Des recherches et certaines études comme
celle de la School of Economics d’Helsinki montrent que les économies de coûts de la
dématérialisation des factures peuvent aller jusqu’à 25 euros par facture selon le degré
d’automatisation mise en oeuvre. Les études suggèrent également que dans la plupart des cas,
le retour sur investissement des projets d’e-facturation est de moins d’un an. Ainsi, les
bénéfices perçus sont un des facteurs majeurs d’adoption des dispositifs de dématérialisation
des factures (Penttinen et Tuunainen, 2010). Les travaux académiques suggèrent que ces
bénéfices concernent principalement les économies financières pour les entreprises, les gains
de temps et plus de confort pour les consommateurs (Caluwaerts, 2010). Ils expliquent que la
dématérialisation et la facturation électronique permettent de réduire le travail manuel,
3 Rapport Billentis, E-invoicing/E-billing : International market, Ovrview and Forecast, Bruno Koch, Février
2015.
4 Baromètre 2013, Optimisation des processus clients par la dématérialisation des flux, février 2013, le CSP.
4
d’améliorer les processus internes en éliminant les activités à faible valeur ajoutée (réduction
de la saisie des données manuellement, correction des erreurs, etc.).
Malgré les nombreux avantages cités dans la littérature concernant la dématérialisation, les
chiffres montrent que ce processus reste encore très loin des projections malgré un contexte
institutionnel favorable en matière de réglementation5. Notre problématique de recherche
consiste à comprendre pourquoi une innovation interorganisationnelle n’est pas adoptée par
les acteurs alors qu’elle présente des intérêts bien identifiés ? Parmi les différents cadres
théoriques mobilisables, celui de l’approche structurationniste issue des travaux de Giddens
(1979, 1984) nous semble particulièrement approprié (DeSanctis and Poole 1994). La
dématérialisation et la facturation électronique sont des processus reposant sur les Systèmes
d’Information (SI) qui s’apparentent souvent à un artéfact au cœur de l’approche
structurationniste. Cette dernière apparaît comme l’un des paradigmes dominants de la
recherche en SI (Leclerq-Vandelannoitte, 2010), notamment car elle offre les outils
nécessaires pour proposer un cadre théorique intégrateur (Orlikowski et Robey, 1991).
Nous présenterons dans une première partie le cadre théorique de l’approche
structurationniste qui nous permet de constituer une grille d’analyse de notre étude de cas
avec notamment l’identification de trois structures relationnelles entre les acteurs. La seconde
partie portera sur la présentation de notre étude de cas dans le secteur du BTP élaborée à partir
d’un contrat de recherche, EgovBat. Nous décrirons le secteur d’activité et le cas de la
plateforme EgovBat, notre méthodologie qualitative et les différents matériaux récoltés et
analysés. Nous présenterons nos résultats quant aux facteurs explicatifs de l’adoption de la
dématérialisation et de la facturation électronique dans le secteur du BTP avec notre grille
d’analyse théorique.
1. Présentation de l’approche structurationniste comme cadre d’analyse
théorique du projet Egovbat
L’approche structurationniste en SI est née au milieu des années 80 avec notamment les
travaux de Barley (1986). Elle représente un cadre de compréhension systémique des relations
entre les acteurs pour expliquer les mécanismes d’adoption des innovations et des
technologies (Orlikowski, 2000 ; Poole et De Sanctis, 2004 ; Rose, 1998). La théorie de la
structuration (Giddens, 1984) constitue la base de la dualité de la technologie qui consiste à
considérer que celle-ci est physiquement construite, développée et modifiée par l’action
humaine, mais qu’elle est également socialement construite par les acteurs dans la façon
qu’ils ont de l’utiliser. Selon Giddens (1987), la structure est ce qui donne forme et façonne la
vie sociale en même temps qu’elle est façonnée en retour. C’est seulement lorsque des
éléments technologiques sont mobilisés régulièrement que l’on peut dire qu’ils structurent
l’action. Les travaux de Giddens (1979, 1984) ont été repris pour montrer que les SI incarnent
des schèmes interprétatifs (structures de signification), fournissent des possibilités des
5 Le 26 juin 2013, la Commission européenne a présenté une proposition de directive relative à la facturation
électronique dans le cadre des marchés publics, accompagnée d’une communication exposant sa vision de la «
passation électronique de bout en bout des marchés publics », c’est-à-dire de la dématérialisation complète de la
procédure de passation des marchés publics.
5
contrôle et de coordination (structure de domination), et recouvrent des normes (structures de
légitimation).
1.1 La structure de signification
La théorie de la structuration de Giddens (1984) reconnaît l’interaction réciproque entre les
acteurs et les caractéristiques structurelles de l’organisation et elle conduit à considérer
simultanément les effets facilitateurs et contraignants de la technologie. Les systèmes
d’interprétation nécessitent l’usage de schèmes d’interprétation communs aux acteurs. Les
connaissances antérieures, les représentations, renvoient au registre de « signification » qui
sont les schèmes d’interprétation que possèdent les utilisateurs, ainsi qu’au sens donné par ces
derniers à l’outil pouvant faciliter ou bloquer leur adoption. Il est donc nécessaire d’entrer
dans des cadres de signification des acteurs et de les reconstituer dans des schémas
conceptuels de cadres de signification technique, que les acteurs vont aussi partiellement
s’approprier. Les outils et les usages sont indissociables et sont donc confondus dans des
schèmes socio-cognitifs qu’il convient de déterminer pour mieux comprendre pourquoi la
dématérialisation a des difficultés à se diffuser malgré ses nombreux avantages décrits en
introduction.
La facturation électronique et la dématérialisation reposent nécessairement sur des SI qui sont
définis comme « un ensemble d’acteurs sociaux qui mémorisent et transforment des
représentations via des technologies de l’information et des modes opératoires » (Reix et
Rowe, 2002). D’une part, les SI apparaissent comme des artefacts technologiques et
matériels ; d’autre part, ils sont définis comme des objets socialement construits (Orlikowski,
1992 ; Swanson et Ramiller, 1997). La technologie devient ainsi un « potentiel structurel »
(DeSanctis et Poole, 1994), une occasion de changement organisationnel, qui mêle des
contraintes et des facteurs habilitants. La perspective structurationniste en SI met au jour une
relation dialectique entre les propriétés structurantes de la technologie et les propriétés
structurelles de l’organisation (Orlikowski, 1992 ; DeSanctis et Poole, 1994). La technologie
apparaît donc comme un objet social défini par le contexte d’utilisation et son environnement
(Barley, 1986 ; Orlikowski, 1992).
Les conséquences de l’introduction d’une technologie dans une organisation dépendent avant
tout de l’adoption qui en est faite par les individus (DeSanctis et Poole, 1994), et du sens que
les acteurs donnent à la technologie (Weick, 1990). L’approche structurationniste, qui intègre
la vision matérielle et certaines dimensions de la vision étendue de la technologie, a engendré
de très nombreux travaux sur la contextualisation du sens liée à l’usage des SI. Weick (1990,
2000) souligne ainsi que « la technologie est équivoque », notamment pour les technologies
de l’information. Il est nécessaire de prendre en compte les actions et interactions des
individus et des groupes qui utilisent les technologies, et qui vont donc, par conséquent,
développer leur propre compréhension. Ce sont les acteurs de l’organisation qui donnent un
sens aux technologies et aux informations, dans une logique collective et interactionniste qui
se traduit chez Weick par la notion de sensemaking (1995). Les interactions entre individus
produisent en effet une construction de sens qui se matérialise par la mise en place plus ou
moins durable de contextes de communication. Ces derniers constituent des schèmes
interprétatifs, c'est-à-dire des cadres de connaissance et de compréhensions partagées, qui
jouent en outre le rôle de médiateurs de la communication.
6
Dans le cas de la plateforme Egovbat, qui représente une innovation technologique mais
également organisationnelle, la sémantique et les discours des concepteurs et des prescripteurs
vont jouer un rôle sur la perception de la plateforme par les utilisateurs. En effet, le
vocabulaire utilisé, les termes des documents techniques et des notes, les supports de
présentation… intègrent une dimension sémantique porteuse de sens pour les acteurs qui sont
confrontés à une innovation qui peut transformer leurs processus organisationnels et
représenter des freins et/ou des incitations. Cette dimension est renforcée par la mise en avant
des concepteurs des avantages liés en théorie à l’utilisation de la plateforme par les
utilisateurs et par le fait que le secteur du BTP comporte des schèmes très spécifiques (la
relation à la création et au design, les interactions humaines propres aux modalités de
coopération des acteurs et à leur taille, le partage d’un vocabulaire commun entre des acteurs
issus de différents corps de métiers, etc).
1.2 La structure de domination
Pour Giddens (1984), la structure sociale est constamment en évolution avec les pratiques
sociales quotidiennes des acteurs. Cette structure met en lumière les enjeux en matière de
domination et de contrôle. Messeghem et Pierson (2005) ont mobilisé la théorie de la
structuration et plus particulièrement les trois dimensions du structurel (Giddens, 1984) pour
déterminer dans quelle mesure un intranet RH peut être un outil de contrôle des pratiques de
gestion des ressources humaines de l’encadrement intermédiaire. Dans le projet Egovbat, cela
à toute son importance compte tenu de la variété des acteurs impliqués et de la forte
interdépendance des processus dans le secteur du BTP puisqu’un chantier implique la
coordination de plusieurs corps de métiers. Pour autant, et comme nous le verrons dans la
présentation de l’étude de cas, les acteurs disposent d’un pouvoir de marché et d’un
positionnement différents dans la chaîne de valeur. Dans le cas d’Egovbat, le secteur du BTP
apparaît comme un secteur éclaté par la multitude d’acteurs (architectes, entreprises du BTP,
artisans, collectivités, éditeurs de logiciels, etc.) et l’une des problématiques est de déterminer
quels sont les rôles de ces acteurs et leur degré d’influence réciproque dans l’adoption des
innovations.
L’environnement externe à l’innovation joue en effet un rôle dans l’adoption des innovations
technologies. Des auteurs comme Penttinen et Tuunainen en 2010 ont construit un modèle
théorique pour expliquer et mesurer l’importance de certains critères dans le contexte d’un
système d’information inter-organisationnel pour la facturation électronique. Les auteurs ont
identifié dans leur modèle 8 variables explicatives : les bénéfices perçus, la complexité, les
avantages perçus par les concurrents, la pression des fournisseurs, l’effet de suiveur, la
préparation organisationnelle et la pression externe des clients. Leur étude quantitative repose
sur une analyse de régression et montre que certaines variables sont plus importantes dans
l’intention d’utiliser régulièrement la facturation électronique : les bénéfices perçus, la
pression des fournisseurs, l’effet suiveur, la pression externe des clients et la préparation
organisationnelle. Le positionnement dans la chaîne de valeur et les pratiques des clients et
fournisseurs représentent des clés de compréhension de l’utilisation de la facturation
électronique. Par ailleurs, les SI portent en eux un système de contrôle plus ou moins explicite
(David, 2001) qui s’avère d’autant plus sensible dans le BTP que les constructions
s’étalement dans un temps relativement long et que les situations de travaux sont les seules
étapes intermédiaires déclenchant les paiements pour certains acteurs.
7
La pression externe est identifiée comme l’un des facteurs les plus influents pour l’adoption
de la facturation électronique (Penttinen et Tuunainen, 2010). Les résultats de certaines
recherches montrent notamment que les PME sont particulièrement sensibles à cette pression
externe pour la facturation électronique, notamment lorsqu’elle vient des clients dont cela
peut être une exigence pour finaliser la transaction (Sandberg et al., 2009 ; Schwieger et al.,
2004) mais aussi des fournisseurs (Penttinen et Tuunainen, 2010). L’influence des
réglementations et des états, ainsi que la pression concurrentielle sont également des facteurs
incitatifs à adopter les dispositifs de facturation électronique (Schwieger et al., 2004). Pour
autant, les mécanismes d’influence et de pouvoir n’ont pas été beaucoup analysés en détails
dans ces études.
1.3 La structure de légitimation
L’approche structurationniste peut également faire sens dans l’analyse en ne se limitant pas à
une vision interne à l’organisation mais en prenant en compte une analyse institutionnelle
avec la vision organisante de Swanson et Ramiller (1997) que l’on peut définir comme étant «
le produit résultant des efforts combinés des membres d’une communauté inter-
organisationnelle hétérogène dans la construction de sens autour d’une innovation
technologique considérée comme une opportunité organisationnelle. Les différents membres
de cette communauté participent de ce fait à la création de cette innovation et à la définition
de ses caractéristiques […] la vision organisante est l’idée focale de la communauté à propos
de l’application des SI dans l’organisation » (p. 459). D’après les auteurs, le choix et les
modalités d’implantation d’une nouvelle technologie de l’information dans une organisation
ne sont pas des phénomènes isolés, locaux, mais fortement influencés par les discours, forums
ou magazines spécialisés créés par des acteurs externes (consultants, constructeurs
informatiques, concurrents, fournisseurs, etc.). Les comportements de mimétisme et les
pressions normatives apparaissent souvent comme des facteurs explicatifs d’adoption des
technologies (Gengatharen et Standing, 2005).
Par ailleurs, Crozier et Friedberg (1977) introduisent le construit de l’action collective pour
définir des champs d’interactions aménagés ou « organisés » où les acteurs se sentiraient en
sécurité par des règles du jeu explicites et implicites ou structures de jeu. Le postulat repose
sur le fait de considérer l’organisation comme une forme repérable où ont lieu des actions
collectives. L’approche structurationniste permet donc de passer d’une vision d’un système «
imposé » dans l’approche technico-productive à un système « construit » dans lequel se met
en place une régulation conjointe entre les acteurs pour définir les règles de fonctionnement
interne (explicites et implicites) et les usages. Les SI intègrent les enjeux en matière de
normes et de standards dans les dispositifs de coordination interentreprises. Les changements
sont fortement orientés par la forme du SI, qui, comme tout outil de gestion, structure les
comportements. Ils peuvent toucher différents aspects de l’organisation comme la
normalisation du langage et l’homogénéisation des règles (David, 2001). D’autres recherches
ont également montré que les standards interorganisationnels constituent toujours des «
procédures d’évaluations » (Benezech, 1996). La notion de dualité structurelle exprime l’idée
selon laquelle « les propriétés structurelles des systèmes sociaux sont à la fois des conditions
et des résultats des activités accomplies par les agents qui font partie de ces systèmes »
(Giddens, 1987, p. 15). Mais le structurel est toujours à la fois contraignant et habilitant. Le
8
structurel est fait de règles et de ressources que l’acteur utilise dans la production de la vie
sociale.
On constate également sur le plan technique des initiatives pour promouvoir l’interopérabilité
des systèmes de factures électroniques qui sont en cours de déploiement afin de s’assurer que
toutes les parties prenantes peuvent échanger les données (Caluwaerts, 2010). Les formats Pdf
et EDI sont les plus utilisés pour la facturation électronique mais des questions en matière de
sécurité des données sont encore en suspens bien que cela soit plus sur une question de
« perception » des acteurs. Les collaborations entre les différents acteurs restent souvent
limitées notamment car les solutions technologiques sont souvent “en silos”. Les experts
soulignent régulièrement l’absence de standards communs rendant le processus d’e-
facturation complexe. Le consortium PEPPOL6 regroupe des administrations publiques
supportées par la commission européenne dans l’objectif d’électroniser l’ensemble des
processus. Le consortium recommande la création d’un écosystème d’e-facturation qui
promeut une interopérabilité plus partagée entre les différents acteurs. Les associations
professionnelles sont par exemple un moyen important pour définir et promouvoir les règles
normatives concernant les comportements organisationnels (Dimagio et Powell, 1986).
2. Présentation du cas EgovBat et de la méthodologie
Notre recherche repose sur un contrat de recherche financé par le FEDER7
et la Région Basse
Normandie visant à expérimenter la création d’une plateforme de dématériaisation et de
facturation électronique dans le secteur du BTP. Le contrat a démarré en Mars 2013 et s’est
terminé en Août 2015. L’étude de cas est une stratégie de recherche qui, dans la lignée des
travaux de Glaser et Strauss (1967), permet d’explorer des phénomènes complexes et peu
connus afin d’en capturer la richesse et dʼy identifier des patterns, dans une optique de
génération de théorie (Eisenhardt, 1989 ; Yin, 2003).
2.1 Présentation de la méthodologie
Nous avons, conformément à nos cadres théoriques, mobilisé le plus souvent des
méthodologies de nature qualitative en raison des problématiques exploratoires et des
difficultés d’accès à un matériau conséquent pour un traitement quantitatif. La recherche
qualitative s’efforce d’analyser les acteurs et leur comportement. Elle s’appuie sur le discours
de ces acteurs, leurs intentions (le « pourquoi » de l’action), les modalités de leurs actions et
de leurs interactions (le « comment » de l’action) (Dumez, 2013). Les données qualitatives
permettent en effet des descriptions et des explications riches et solidement ancrées dans un
contexte local (Miles et Huberman, 2003)8. Nous sommes dans un secteur peu étudié dans les
recherches en sciences de gestion (le BTP), avec un accès difficile au terrain et une
expérimentation d’une innovation auprès d’acteurs multiples (entreprises, collectivités).
6 Pan-European Public Procurement Online : http://www.peppol.eu
7 Fonds Européen de Développement Régional
8 « Une autre caractéristique des données qualitatives est leur richesse et leur caractère englobant, avec un
potentiel fort de décryptage de la complexité » (Miles et Huberman, 2003, p. 27)
9
L’analyse des données qualitatives s’est réalisée avec une approche interprétativiste9 et de
recherche action10
qui sont des méthodologies de plus en plus utilisées et reconnues dans le
domaine des SI (Baskerville et Myers, 2004).
Données analysées Types de sources Commentaires
Comptes rendus des comités de
pilotages, des comités techniques et
des supports de diffusion
Données secondaires Participation à 9 comités de pilotage avec
analyse des échanges et des documents
(powerpoints)
Entretiens semi-directifs auprès de 25
organisations (avec parfois plusieurs
répondants lors de l’entretien)
Données primaires Questionnaire semi-directif, enregistrement
et retranscription des entretiens, codage des
données
Comptes rendus des comités
techniques
Données secondaires Analyse du contenu des supports diffusés
pendant les comités techniques par SRCI
Conférence Dematch le 21/11/2013 à
Alençon
Données secondaires Prise de notes pendant la conférence sur la
dématérialisation dans le BTP
Participation à une session de
formation des utilisateurs le
19/09/2014 dans les locaux du pôle
TES
Données primaires Enregistrement et prises de notes d’une
session de formation des utilisateurs à la
plateforme par SRCI
Tableau 1 : présentation des sources de données
Nous avons pu suivre le projet pendant près de 2 ans et demi et collecter différentes sources
de données qui nous ont également servi à faire de la triangulation afin de vérifier les propos
tenus par nos interlocuteurs. Nous avons réalisé 25 entretiens semi-directifs qui ont duré entre
45 minutes et 2h30 (deux ont été réalisés par téléphone, les autres en face à face avec parfois
deux chercheurs pour la prise de note). Tous les entretiens sauf 3 ont été enregistrés et
retranscrits. Nous avons cherché une exhaustivité dans les répondants afin de varier les points
de vue (membres de la FFB, un opérateur de téléphonie, une banque, un cabinet de conseil,
des entreprises du BTP, des collectivités, un consultant en solution de paiement, un
architecte).
9 « Elle désigne, en sciences de gestion, une recherche au cours de laquelle le chercheur occupe sur le terrain
(entreprise, administration, etc.) une position particulière à la fois d’observateur et d’intervenant, l’intervention
étant conçue comme une interaction avec les acteurs de l’organisation à partir d’un cadre formalisé. Plus
précisément, il s’agit, sans toujours aller jusqu’à l’élaboration d’un outil, de proposer une représentation
instrumentée de leur activité » (Cauvet et Rosenthal-Sabroux, 2001, p. 23).
10 David (2004) suggère ainsi que « la recherche-action consiste à aider, sur le terrain, à concevoir et à mettre en
place des modèles, outils et procédures de gestion adéquats, à partir d’un projet de transformation plus ou moins
complètement défini, avec comme objectif de produire à la fois des connaissances utiles pour l’action et des
théories de différents niveaux de généralité en sciences de gestion » (p. 210).
10
Questionnaire
1 Pouvez-vous décrire en synthèse l’activité de votre organisation et votre métier ?
2 Quels sont selon vous les avantages de la facturation/dématérialisation électroniques pour les
utilisateurs ? Avez-vous des exemples ?
3 Quels sont selon vous les inconvénients/freins de la facturation/dématérialisation électroniques
pour les utilisateurs ? Avez-vous des exemples ?
4 A votre connaissance, est-ce qu’il existe des avantages ou inconvénients spécifiques de la
facturation électronique dans la filière du BTP ?
5 Quels sont les principaux déterminants de l’adoption des processus de
facturation/dématérialisation électronique au niveau des utilisateurs ?
6 Quels sont les principaux acteurs susceptibles de favoriser ou freiner l’adoption des processus de
facturation/dématérialisation électronique par les utilisateurs ?
7 Connaissez-vous d’autres personnes susceptibles d’être contactées pour cette étude ? Ou avez-
vous des sources d’information à nous recommander ?
8 Commentaires divers
Tableau 2 : questionnaire des entretiens semi-directifs
L’ensemble des entretiens présenté en annexe a été retranscrit formant ainsi un corpus de plus
de 500 pages de données. Les explications n’apparaissent pas d’elles-mêmes de ce corpus. Il
est dès lors nécessaire de mettre en place un processus d’analyse. Miles et Huberman (2003)
rappellent en effet que les méthodes qualitatives, particulièrement l’entretien, reposent sur la
manipulation de mots, ou ensemble de mots, inscrits dans des textes narratifs. L’objectif et le
rôle de l’enquêteur est alors de parcourir l’ensemble de ces données pour « en extraire des
segments codés et en tirer des conclusions » (Miles, Huberman, 2003, p. 174). Dans cette
perspective, Wacheux (1996, p. 227) parle d’apporter « une explication du phénomène »,
« une description » ou « une configuration » par le codage, la réduction des données, la
construction d’outils et la démonstration critique.
Le projet a été porté par une PME spécialiste de la dématérialisation, SRCI et a été labellisé
par le pôle Transactions Electroniques Sécurisées (TES). Il intègre d’autres partenaires
académiques, le laboratoire de recherche juridique PRINT de l’université de Caen et 4
chercheurs de différentes écoles de management. L’objectif était de travailler sur deux
problématiques liées à l’expérimentation de la plateforme : le retour sur investissement que
l’on peut attendre de cette électronisation des processus et les logiques d’adoption de cette
plateforme pour les différents acteurs. Le choix du secteur du BTP n’est pas anodin pour
l’expérimentation de la plateforme de dématérialisation car le secteur de la construction se
caractérise par un grand nombre d’unités de petite taille et la filière bâtiment représente 50 %
des marchés publics en volume. Comme le montre l’encadré ci-dessous, l’objectif de la
plateforme est de parvenir à une dématérialisation complète de la facturation et des paiements
dans la filière du BTP ce qui suppose une plateforme partagée entre les différents acteurs
11
sachant qu’il existe déjà quelques plateformes autonomes comme achat-public.fr pour diffuser
les appels d’offres et permettre une réponse directement en ligne des entreprises.
Figure 1 : modélisation simplifiée des relations entre les acteurs du BTP
Source : document interne SRCI (AOP : Appel d’Offre Public, MOE : Maîtrise d’Oeuvre)
L’objectif du projet EgovBat est donc de permettre l’expérimentation d’une plateforme de
dématérialisation en mode « full web » avec un prestataire technique coordinateur du projet
(SRCI), 8 collectivités de la Basse Normandie (mairies et conseils généraux), 6 entreprises du
BTP et la FFB au niveau départemental et national. Le projet est structuré par des réunions
régulières avec un comité de pilotage auquel nous sommes associés et un comité technique
qui a vocation à déterminer les spécifications techniques (documents concernés, modélisation
des champs, parapheur électronique, modèles UML11
, coffre fort numérique, etc). L’objectif
de cette plateforme affiché dans plusieurs documents est « la création et la mise en œuvre
d’une plateforme sécurisée permettant de dématérialiser les échanges entre les acteurs du
public et du privé ».
2.2 Résultats de la recherche
L’analyse des données primaires et secondaires a été réalisée dans le cadre proposé par
Giddens (1984) que nous avons présenté dans la première partie. Nous avons donc analysé les
entretiens à partir des 3 structures identifiées (signification, domination et légitimation) afin
de comprendre les enjeux des acteurs et les problématiques d’adoption de la plateforme
EgovBat. En effet, malgré les avantages bien identifiés dans les différents rapports, les études
de consultants et nos entretiens semi-directifs, la dématérialisation reste encore peu utilisée.
11
Unified Modeling Language.
12
Au niveau institutionnel nous avons regroupé les différents acteurs en plusieurs groupes : les
entreprises du BTP (grandes entreprises et PME), les collectivités, le propriétaire de la
plateforme (SRCI) et les prestataires techniques (éditeurs de SI). Nous avons élaboré un
tableau de synthèse des résultats de notre analyse à partir de la grille établie par Giddens.
Chacune des structures été déclinée en items correspondant à ceux de la filière BTP et nous
avons identifié si cela concernait bien chaque groupe d’acteurs. Une synthèse des résultats des
entretiens pour chacune des organisations est présentée en annexe de cet article.
L’ensemble des entretiens menés confirment bien les nombreux avantages de la
dématérialisation, quel que soit le type d’organisation. On retrouve ainsi systématique dans
nos entretiens les avantages relatifs au coût économique (économies de papiers, gain de
stockage, gain de productivité), à la gestion des données simplifiées (facilité de recherche,
traçabilité et archivage, sécurisation des données, fiabilité de l’information avec moins de
risque d’erreurs) et des échanges facilités entre les acteurs y compris au sein même de leur
organisation parfois (meilleure transparence, clarification des responsabilités, réduction des
délais de règlement, collaboration interne). Ces avantages sont souvent bien identifiés chez les
groupes d’acteurs concernés et viennent très spontanément dans les discussions lors des
entretiens réalisés. Ils rejoignent les résultats des études réalisées par les cabinets de conseil
sur la dématérialisation même si aucun des interviewés n’a pu nous donner une mesure
réellement quantifiable des avantages. Les acteurs interrogés ont également indiqué à
l’unanimité que les avantages ne se traduisent pas par une réduction des effectifs mais par un
recentrage sur des tâches à plus forte valeur ajoutée lorsque cela est possible.
Extraits de verbatims sur les avantages de la dématérialisation
« ça fera gagner du temps, oui. Economiquement il y a un intérêt. Du point de vue macroéconomique pour moi il
y a un réel intérêt parce que le temps c’est de l’argent. Sur le volet administratif il y a un réel gain de temps et un
réel gain économique et puis je pense un réel gain de sécurisation. » (FFB)
« Ah bah plus de papier déjà, donc en termes de manipulation, c’est un gain de temps, gain de papier, gain de
temps, gain de stockage, d’archivage. » (Mairie de Caen)
« En résumé, c'est-à-dire les gains liés directement à l’économie d’impression et d’affranchissement, et d’autre
part, la fiabilisation des données et le gain de temps dans le paiement. » (Orange)
« Tu as un point aussi simple qui est le délai. Le délai lié à l'envoi ou au dépôt d'un document. On ne se déplace
pas pour déposer un document. » (Bureau d’études)
« Il y a aucun problème sur les avantages ! Vous avez le gain de temps, la fiabilité, l’économie de papier...
l’économie de l’ennui des tâches répétitives. Voilà ! Ça, c’est très bien ! » (CAPS)
« C'est mieux de conserver des documents dématérialisés, ça, c'est sûr. Quand on cherche au quotidien des
documents, on les retrouve plus facilement s'ils sont archivés sur un serveur que dans un, que dans un classeur
papier, que dans un dossier papier. » (Mairie de Flers)
Par ailleurs, le cadre réglementaire est perçu comme très incitatif à l’adoption de la
dématérialisation (promotion par l’Etat du Building Information Modeling (BIM), ordonnance
liée à la logique « dites le nous une fois », etc.), avec de nombreuses initiatives autours du
projet EgovBat. A ce stade, il est apparaît donc étonnant que la dématérialisation ne soit pas
vraiment plus développée dans la filière du BTP alors que chaque groupe d’acteurs concernés
partagent la même perception des avantages et des incitations. Nous avons retrouvé les
mêmes avantages chez chacun des acteurs (cf. tableau en annexe). Dans ce contexte, et hormis
les problématiques classiques d’adoption d’un nouveau SI par les utilisateurs, il nous est
13
apparu nécessaire d’approfondir l’analyse aux modalités relationnelles entre les acteurs pour
comprendre les problématiques de la dématérialisation dans la filière du BTP. Nous avons
synthétisé dans le tableau ci-dessous les principaux résultats de nos entretiens en reprenant la
grille d’analyse de Giddens (1984) présentée dans la première partie.
Principaux codes/nœuds explicités
SRCI
Prestataire
s
techniques
Entreprise
s du BTP
Collectivi
tés et
l’Etat
Synthèse de l’analyse de chaque
structure
Structure de signification
Réticence des utilisateurs à comprendre l’intérêt de la plateforme (redondance
des tâches) / homogénéisation des procédures / changements des habitudes de
travail des utilisateurs
X X Importance de l’accompagnement
des entreprises et collectivités avec
un rôle clé des associations
professionnelles (FFB) et de l’Etat
pour les collectivité Complexité du processus et des changements juridiques nécessitant une
concertation entre les acteurs et de la communication
X
Clarification des responsabilités de chacun des acteurs dans le processus X X
Structure de domination
Dématérialisation favorise plutôt les grandes entreprises que les PME X X X La dématérialisation accentue le
pouvoir des grandes entreprises au
détriment des PME et fait apparaître
le Maître d’ouvre comme un acteur
central du succès du dispositif
Le maître d’ouvrage a un rôle clé dans le processus/modification du pouvoir
entre les acteurs
X
Plateforme centrale avec un modèle économique non déterminé encore X X X
Fiabilité de l’équipement en SI et des infrastructures techniques/coût
d’investissement
X X
15
Structure de légitimation
Importance de la formation et de la gestion des changements pour les
utilisateurs
X X X X Rôle déterminant de la
réglementation sur la
dématérialisation avec de nombreux
et fréquents changements rendant
difficile la stabilisation des
processus organisationnels et
techniques (d’où le retard important
pris dans le projet)
Rôle des standards et des normes technologiques pour interconnecter les SI
(incluant la signature électronique qui n’est pas obligatoire à toutes les
étapes)
X X
Nécessité de prendre en compte la législation et la réglementation (cadre légal
non stabilisé et différent selon les pays avec le problème de l’harmonisation)
X X X
Tableau 3 : synthèse d’analyse des données primaires à partir de la grille de Giddens (1984)
16
Concernant la structure de signification, l’analyse montre une première difficulté liée aux
modifications des habitudes de travail des utilisateurs, que cela soit au niveau des processus
que de l’interface à laquelle ils sont habitués. L’accompagnement du changement et la
formation sont des thèmes qui reviennent fréquemment dans les entretiens, avec le rôle clé
des associations professionnelles comme la FFB. Ce rôle n’est pas uniquement dans la
formation mais également dans le fait de créer du sens pour l’ensemble des acteurs concernant
la dématérialisation, notamment au niveau local puisque cette fédération bénéficie d’une
antenne dans chaque département. Cette problématique de sensemaking est liée à la spécificité
d’une relation souvent contextualisée autour de l’informel et par la dimension « créatrice » du
travail sur plan et papier pour certains corps de métiers comme les architectes. Le passage au
travail sur écran génère également un sentiment de perte de liberté pour certains acteurs et une
certaine rigidité liée à l’utilisation de l’outil informatique (avec la difficulté de lecture à
l’écran de certaines informations pour de nombreux acteurs avec souvent une référence à la
génération des individus). On a également noté dans certains entretiens le manque de
perspective et de vision globale des acteurs, notamment les opérationnels, qui ne comprennent
pas vraiment pourquoi ils doivent passer par la plateforme EgovBat. Nous avons enfin
constaté un décalage entre le discours des décideurs qui sont membres du comité de pilotage
et leurs équipes en charge d’utiliser la plateforme.
Verbatims sur la structure de signification
« En revanche, on fait beaucoup de formations sur comment répondre à un marché public… maintenant on fera
des formations « comment répondre de manière dématérialisée à un marché public ou à un marché privé donc ça
notre mission… on reprend notre rôle de formateur, d’accompagnateur mais on n’ira pas tenir la plume de
l’entreprise au moment où elle répondra à un marché. » (FFB)
« Mais chez le client, c’est beaucoup aussi le changement de traitement de gestion en, enfin dans son travail.
C’est… Le client, voilà il a l’habitude d’avoir du papier à côté de lui et il a beaucoup de mal à se dire que le
fichier qu’il a, qu’on lui présente, et qui donne bien la totalité des informations etc, » (Orange)
« Disons que nos membres, on est là au siège de l’une des fédérations majeures en France du BTP, évidemment
que les fédérations professionnelles jouent leur rôle, et qu’elles ont un rôle très important dans la formation. On a
fait par exemple, pour la phase appel d’offre, on ne l’a pas encore fait pour la phase facturation, mais depuis
2005, cela fait 7 ans, on fait des tours de France, on en a fait à Caen, en particulier, de formations dans les
maisons du BTP sur la soumission électronique. » (CLEEP)
« Le frein, en fait le problème c'est qu'on a parfois encore l'impression que certaines entreprises travaillent
beaucoup au papier parce que des petites entreprises du bâtiment par exemple peuvent encore fonctionner de
manière assez familiale. Et que je ne suis pas persuadé que le système de plate-forme d'échanges soit pour eux
quelque chose qu'ils perçoivent comme une nécessité. On travaille encore beaucoup avec des choses papier et
encore beaucoup de choses qui se font entre guillemets de la main à la main et à la voix, plus que par l'écrit
informatique. » (Bureau d’études)
La structure de domination permet de comprendre les enjeux de pouvoir souvent implicite du
fait de l’éclatement des acteurs. D’abord, il apparaît clairement que, dans un secteur très
hétérogène en termes de tailles d’entreprise, les PME risquent d’être clairement défavorisées
au regard des grandes entreprises qui disposent de moyens matériels, humains et financiers
beaucoup plus important. La dématérialisation apparaîtrait alors comme une condition de
sélection dans le cadre de certains appels d’offres favorisant les entreprises équipées et qui se
sont équipées en outils, bien que la plateforme EgovBat soit accessible en mode full web
justement pour éviter ce biais de sélection. Ensuite, la dématérialisation induit une
modification des rapports de force en positionnant de manière plus centrale le donneur
d’ordres (maitre d’œuvre). Sa position centrale dans la coordination des différents corps est
17
renforcée par la dématérialisation, notamment par la validation des situations de travaux qui
déclenchent une partie des règlements entre les différents acteurs (notamment les collectivités
et les entreprises du BTP). L’accélération des flux d’information entre les acteurs les amène à
une prise de conscience du rôle de chacun. Enfin, la question de « seuil critique » et de
« continuité de la chaîne de transmission » est revenue à plusieurs reprises dans les entretiens.
La dématérialisation est un processus qui ne fait sens que si elle est complète de bout en bout
de la chaîne, ce qui suppose d’avoir l’ensemble des acteurs interconnectés sur la plateforme
afin de pouvoir échanger les données à partir d’une modélisation commune des champs et des
étapes de transaction. Cela suppose une incitation forte de certains acteurs selon les personnes
interrogées (le maître d’œuvre pour les entreprises, et l’Etat et les grandes collectivités pour
les acteurs publics). Sur ce point, le fait qu’un acteur ne soit pas réellement en situation de
pouvoir de marché apparaît comme un frein car aucun n’acteur ne peut inciter l’ensemble des
acteurs de la chaîne à passer à la dématérialisation.
Verbatims sur la structure de domination
« Le maitre d’ouvrage c’est le client, c’est celui qui construit, qui paie, c’est le donneur d’ordre. » (FFB)
« Alors, pour moi, le seul qui puisse être le réel moteur, c’est le maître d’ouvrage, puisque c’est lui qui décide et
qui paie tout le monde. » (Architecte)
« enfin on passera sûrement par une démarche un petit peu plus autoritaire sur la partie dématérialisation. Je
pense très clairement qu'à un moment, les maîtres d'ouvrage devront imposer certaines choses au risque de faire
prendre trop de retard à certains délais. » (Bureau d’études)
« Il faut qu’il y ait un acteur public qui décide d’être chef de file et d’organiser quelque chose. Ca ne peut pas
être les entreprises puisqu’ils sont clients de la collectivité. Donc, c’est forcément celui qui est à l’origine des
relations contractuelles avec tous les partenaires. Donc, c’est le maître d’ouvrage, » (Mairie de Caen)
« Les signatures électroniques, on les utilisent parce que dans certains échanges dématérialisés, elles sont
indispensables, celles qui nous manque aujourd'hui, ce sont celles des élus qui sont habilités à signer, on ne va
pas jusqu'au bout, c'est le maillon qui nous manque » (Mairie de Lisieux)
La structure de légitimation est la plus importante dans la compréhension des facteurs
d’adoption de la plateforme par les acteurs. Plusieurs niveaux de traduction sont identifiés
notamment par les normes. Le premier concerne l’importance du rôle de la FFB comme
acteur institutionnel réalisant la promotion des intérêts de la dématérialisation, de ses
avantages, mais également en termes de diffusion des bonnes pratiques du secteur et de la
formation pour les individus. La FFB, de part son organisation en fédérations locales qui sont
de véritables relais auprès de l’ensemble des entreprises et sa crédibilité en tant qu’organe de
progrès, sont souvent revenus dans le discours des différents acteurs. Son rôle
d’uniformisation des pratiques des acteurs s’avère très important pour la plateforme EgovBat.
Le second niveau concerne l’interopérabilité des normes techniques entre les différents SI
(ceux des entreprises et des collectivités) et la plateforme, mais également avec d’autres
plateformes existantes, notamment celles des appels d’offres publiques (notamment achat-
public.fr mais pas seulement). L’une des conditions pour que la dématérialisation soit adoptée
par les acteurs est que le processus soit dématérialisé tout au long de la chaîne de valeur qui
comporte de nombreuses étapes comme le montre le tableau 3. Cela suppose également une
diffusion intégrale des signatures électroniques pour ne pas rompre la chaîne de
dématérialisation. Enfin, le dernier niveau d’analyse est celui de l’homogénéisation et de la
stabilisation des normes juridiques en matière de dématérialisation. C’est un point très
important qui est revenu dans la plupart des entretiens notamment car il conditionne les
périmètres de responsabilité de chacun des acteurs, ce qui peut avoir des conséquences
18
financières significatives dans le BTP en cas de problème. Par exemple, le circuit de
validation des situations de travaux et l’authentification des signataires sont des points
cruciaux qui doivent être opérationnalisables sur la plateforme EgovBat. La réglementation
juridique conditionne fortement le développement de la plateforme au point que fin 2014 une
nouvelle directive ministérielle a contraint à stopper le développement pour avoir une vision
plus précise des informations nécessaires à partager entre les acteurs et des champs à
compléter dans les formulaires en ligne.
Verbatims sur la structure de légitimation
« on aurait pu boucler le projet fin janvier et on ne l'a pas fait parce qu'il va falloir tenir compte des nouvelles
dispositions juridiques qui sur le plan technique ont des impacts qui sont énormes. » (SRCI)
« je crois que quelque part c’est peut-être plus impactant encore chez les clients, c’est le fait que la
réglementation change relativement fréquemment. Alors, c’est un petit peu aberrent de dire ça mais… Parce
que… Enfin, oui, si, quand même il y a eu deux directives européennes qui ont modifié les règles fiscales et
légales en France. Et donc, enfin voilà, les clients là par contre ils ne savent pas tout le temps obligatoirement sur
quel pied danser ». (Orange)
« donc à un moment donné donc tous ces documents il y a effectivement une chaine assez longue, assez
compliquée et avec beaucoup de vérifications à faire avec des personnes qui ne prennent pas forcément leurs
responsabilités et avec de nombreuses erreurs sur certains documents. » (Agglomération de Caen)
« Ce qui va poser problème c'est l’évolution sécuritaire des aspects juridiques mais sécuritaires de la plateforme,
c'est-à-dire qu'on a eu une des générations de sécurité qui ont évoluées jusqu'à mi-2012, on avait des certificats
d'un certain type, mi-2012, mi-2013, année de transition depuis 2013, un nouveau référentiel de sécurité qui
vient poser des certificats avec différents types de niveaux de sécurité. » (PRINT)
Conclusion
La théorie de la structuration (Giddens, 1984, 1987 ; Orlikowski, 2000 ; Poole et De Sanctis,
2004) propose un modèle pour comprendre les usages d’une technologie dans un groupe
d’acteurs, montre l’importance des processus d’interaction et aide à expliquer pourquoi les
comportements observables diffèrent souvent de ceux attendus des concepteurs. Elle apparait
comme complémentaire aux recherches en SI sur les facteurs liés à leur adoption par les
utilisateurs qui sont déterminants de leur utilisation effective au sein des organisations
(Delone et McLean, 1992 ; 2003). Notre recherche montre la pertinence des travaux de
Giddens (1984, 1987) dans la compréhension de l’adoption d’une innovation dans un secteur
par de multiples acteurs interdépendants avec une chaîne de valeur complexe. Toutefois, il
nous a fallu travailler sur l’opérationnalisation de la grille de Giddens (1984) afin de traduire
les différentes structures de la grille d’analyse théorique par rapport à notre codage
thématique des verbatims.
Sur le plan managérial, notre recherche souligne plusieurs points explicatifs du succès de
l’adoption de la plateforme. D’une part, les maitres d’œuvres sont l’acteur central du
dispositif par les incitations qu’ils peuvent générer à utiliser la plateforme. Parmi les
différents acteurs, ce sont ceux qui en position d’intermédiaire entre les différents corps de
métiers. Il apparaît comme nécessaire d’avoir un ou plusieurs acteurs (le maître d’œuvre et
l’Etat) pour mettre en œuvre une chaîne de dématérialisation complète et sans rupture, la
19
difficulté étant qu’ils ne possèdent pas de pouvoir hiérarchique direct. D’autre part, la
stabilisation à minima des normes juridiques est une condition fondamentale car elle
détermine le cahier des charges techniques et la perception en termes de durée
d’investissement nécessaire à faire pour les acteurs (coûts financiers, humains,
organisationnels, etc). L’innovation est souvent source de désordre et ne peut avoir donc
tendance qu’à remettre en cause les structures organisationnelles pré-existantes (Alter, 1995)
ce qui est le cas dans le secteur du BTP et qui peut expliquer en partie les difficultés du projet.
Notre recherche mérite un enrichissement avec des analyses intercas approfondies à partir de
notre grille d’analyse théorique. En effet, le secteur du BTP comporte de fortes singularités et
il conviendrait de tester la pertinence de cette grille d’analyse dans d’autres secteurs
d’activité. Nous avons collecté un grand nombre de matériaux mais peu concernent au final
les utilisateurs individuels. Un rapprochement avec des cadres théoriques explicatifs
d’adoption d’innovation technologique ou de SI centrés sur les utilisateurs (Davis, 1986,
1989 ; Delone et Mclean, 1992 ; 2003) pourrait s’avérer pertinent pour mieux saisir les
mécanismes à l’œuvre. Enfin, certains verbatims notamment dans la structure de signification
ont fait apparaître des problématiques de management de projet dans le cadre du projet de
recherche (représentativité des acteurs lors des comités de pilotage, niveau de compréhension
des enjeux, incitations de la hiérarchie, symbolique de la participation, etc.) qu’il conviendrait
d’approfondir compte tenu du cadre singulier de la conception de la plateforme.
20
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23
Annexes
Tableau 4 : Description des entretiens semi-directifs
Date Activité réalisée Lieu Durée Type
d’acteurs
Nb chercheurs
présents
26/08/2013 Entretien sur site - Ingénieur et chef de projet sur la dématérialisation - Orange R&D (prestataire)
Caen 2h Prestataire technique
2
04/09/2013 Entretien exploratoire - Directeur - CLEEP Paris 2h Organismes
de normalisation
1
06/09/2013 Entretien téléphonique avec la directrice de la promotion et du suivi de la facturation électronique B2B de chez Orange
Caen 1h Prestataire technique
1
06/09/2013 Entretien sur site avec le directeur d'affaires EDI et dématérialisation d'Orange
Paris 2h Prestataire technique
1
24/09/2013 Entretien téléphonique avec un consultant spécialisé de Cap Gémini sur la facturation électronique
Caen 1h30 Cabinet de
conseil 1
25/09/2013 Entretien sur site avec le responsable de l'innovation du Crédit Agricole Basse Normandie
Caen 1h Banque 1
25/10/2013 Entretien sur site du DSI de la FFB Paris 1h30 Fédération 2
30/10/2013 Entretien sur site avec le Président de la FFB (Fédération Française du Bâtiment) de Caen
Caen 2h30 Fédération 2
29/11/2013 Entretien sur site avec le responsable de la commande publique et des affaires juridiques de la mairie de Caen
Caen 2h Collectivité 1
30/01/2014 Entretien avec deux juristes du laboratoire PRINT (laboratoire de recherche en droit)
Caen 2h Juriste 3
03/02/2014 Entretien sur site avec l'un des fondateurs de Yousign (Start-up spécialisée dans l'archivage électronique)
Caen 1h30 Prestataire technique
2
11/03/2014 Entretien architecte Caen 2h Entreprise 2
07/04/2014 Entretien réticent (Directeur) Caen 1h Entreprise 2
07/04/2014 Entretien réticent (Directeur de Courtin) Caen 1h Entreprise 2
02/02/2014
Entretien sur site d'un dirigeant d'une SCOP ayant participé à un projet de construction avec de la dématérialisation partielle (les Rives de l'Orne)
Bretteville-l'Orgueilleuse
1h Entreprise 1
24
27/02/2015 Entretien semi-directif avec le pilote du projet et responsable de la plateforme (SRCI)
Colombelles 1h Porteur du
projet 2
07/04/15 Entretien exploratoire – Responsable du service de la commande publique- Conseil général de la Manche (CG50)
St Lo 1h Collectivité 1
14/04/15 Entretien exploratoire - Gérante - Entreprise CAPS
Bretteville sur odon
1h Entreprise 1
16/04/15 Entretien exploratoire – Responsable du marché public et responsable du service informatique - Hôtel de Ville de lisieux
Lisieux 1h Collectivité 1
21/04/15 Entretien exploratoire – Direction de l’administration des marchés - ville de Cherbourg
Cherbourg 1h Collectivité 1
30/04/15 Entretien exploratoire – Responsable de l’administration générale et directeur des services financiers- Mairie de Flers
Flers 1h30 Collectivité 1
04/05/15 Entretien exploratoire - Responsable de développement et directeur - SRCI
Colombelles 1h30 Porteur du
projet 2
04/05/15 Entretien exploratoire - PRINT - analyse des problématiques juridiques
Caen 2h Juristes 2
08/06/15
Entretien exploratoire – Chef de bureau de la gestion administrative et comptable et chef du bureau de la logistique- Conseil départemental de l'Orne
Alençon 1h30 Collectivité 1
06/07/15
Entretien exploratoire – Adjointe à la directrice des affaires financières et juridiques et adjointe au directeur financier- Mairie d'Argentan
Argentan 1h Collectivité 1
25
Tableau 5 : synthèse du contenu des entretiens semi-directifs
Avantages Inconvénients Facteurs d’adoption
Orange
(Direction des
grands clients
chez OBS)
Economies de papiers
Fiabilité des données
Gains de temps
Facilité de recherche
Efforts d’adaptation
technique
Interopérabilité des SI à
mettre en place
Changements fréquents
dans la réglementation
Investissement financier et
humain
Standards et normes
Réglementation
Gestion du changement
Marie de Caen
(directeur
commandes
publiques et
directrice
adjointe SI)
Economies de papiers
Gain de stockage
Gain de temps
Réduction des risques
d’erreurs
Fiabilité des données
Sécurisation des données
Authentification des
données
Changements techniques à
prévoir sur les documents
(éditer la situation)
Complexité du processus et
des changements juridiques
dans la commande publique
Mise en place d’une
signature électronique
Standards techniques
Homogénéisation des
technologies et des
standards
Gestion du changement et
nouveaux modes opératoires
à mettre en place au niveau
des acteurs
Rôle clé du maitre
d’ouvrage
Concertation entre les
acteurs
Yousign
(fondateur)
Gain de temps
Gain d’argent (temps
homme et déplacement)
Gain de productivité
Taux de transformation
supérieur pour le commerce
Recherche automatisée
Sécurité des données
Complexité technique et
d’usage pour les utilisateurs
Lecture des documents dans
le temps (format pdf)
Cadre légal pas encore
stabilisé
La culture du papier reste
forte dans les entreprises
Résistance au changement
Certification pour travailler
avec les collectivités (NSI
avec 3 étoiles parfois)
Formation des utilisateurs
Les donneurs d’ordre
doivent être moteur
CMEG (PDG) Réactivité des échanges
entre les acteurs
Recherche de documents
(archivage)
Economies sur les moyens
humains
Dématérialisation souvent
partielle (processus
incomplet)
Changement de langage et
perte de pouvoir de
quelques acteurs
Complexité du circuit de
Plateforme adaptée aux
caractéristiques du BTP et à
la complexité du processus
La dématérialisation
favorise plutôt les grandes
entreprises que les PME
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Actualisation et mise à jour
des documents
Economies de papiers
Transparence des échanges
Confiance accrue entre les
acteurs
contrôle
Investissement informatique
Multiplicité des plateformes
Surcharges d’information
Formation des acteurs
Ergonomie des documents
(forme et contenu)
Homogénéisation des
procédures
Architecte Recherche plus facile des
documents
Clarification des
responsabilités en cas de
litiges
Gains de papiers
Favorise les grandes
entreprises (coûts
d’impression)
Impossibilité de travailler
sur les documents en pdf
Craintes sur la sécurité des
données
Habitudes de travailler sur
du papier
Assurer la fiabilité du
matériel et la sécurité des
données
Adaptation de la
technologie
Identifier les coûts et quels
acteurs les supportent
Rôle de la législation (BIM
2015)
Rôle moteur du maître
d’ouvrage
Construction
(PDG)
Dématérialisation partielle
avec l’utilisation du papier
Lecture moins aisée sur les
écrans
Risques d’erreurs et moins
d’attention
Manque de recul et de
compréhension
Trop d’informations à
traiter
Difficulté de travailler sur
un plan et en 3D
Simplifier les procédures
car pour l’instant c’est une
mode
Formation du personnel
Gestion du changement et
des habitudes
Orange
(ingénieur/chef
de projet)
Recherche et impression
rapide des documents pour
les obligations légales et les
contrôles
Automatisation de la
facturation et de la
commande
Traçabilité pour les audits et
les organismes de contrôle
Gain de papiers
Réduction du nombre
d’erreurs
Image écologique
Les protocoles et les
standards différents entre
les payes européens
Problème de la signature
électronique avec des
certificats différents selon
les pays
L’évolution des directives
européennes et
l’environnement juridique
mouvant
Coût de la mise en œuvre
surtout pour les petites
entreprises
Normalisation au niveau
technique et juridique à
l’échelle européenne
Développement du Web
EDI pour les petites
entreprises
Effet de seuil au niveau des
flux de données (avec le
nombre de transactions)
Rôle majeur des grands
opérateurs, de
l’administration et des
associations
professionnelles
27
CLEEP/FNTP
(Directeur)
Traçabilité des données
Transparence du circuit de
la facture
Réduction des délais de
paiement
Trop d’acteurs concurrents
au niveau des plateformes
Difficulté à faire payer
l’usage de la plateforme
pour les utilisateurs et à
changer les habitudes
Hétérogénéité d’équipement
des acteurs
Réglementation plus ou
moins contraignante
Sécurisation juridique
Formation et
accompagnement des
utilisateurs
Rôle des fédérations
professionnelles
FFB Caen
(Directeur
informatique et
statistique et
représentant
régional
Normandie)
Simplification et
suppression des
redondances
Gain de temps dans les
procédures et pour remplir
les documents administratifs
Sécurisation des données
Surcharge d’information
Transfert des risques et
responsabilités vers l’aval
de la chaîne de valeur
Habitudes de travailler sur
du papier
Informations stratégiques et
risque de perte de
l’avantage concurrentiel
(uniformisation des offres)
Dimension humaine très
forte dans le secteur
Risque d’avantager les
grandes entreprises
Forte résistance aux
changements notamment
pour les TPE
Rôle majeur du maître
d’ouvrage
Equipements informatiques
des acteurs (hardware et
software)
Rôle d’accompagnement de
la FFB
Communauté
d’agglomération
de Caen la Mer
(responsable de
la commande
publique,
responsable du
service financier,
responsable du
service
informatique et
responsable de
l’administration
générale
Visibilité des collectivités
sur Internet
Economies de papiers
Gestion et archivage
électronique
Rapidité dans les échanges
d’informations
Vérification automatisée des
données
Processus complexe avec de
nombreux points de
validation par la signature
de plusieurs acteurs
Stress accrue avec
l’accélération des échanges
de données
Peur d’une perte d’efficacité
au niveau des utilisateurs
La dématérialisation doit
être complète (toutes les
données doivent être
intégrées)
Fiabilité informatique
Besoin de formation et de
conduite du changement
Contrôle de la légalité des
documents
Intuitivité de la plateforme
Cohésion entre les services
Service gratuit pour les
entreprises
Orange
(Consultant EDI)
Unicité d’information dans
les processus
Difficulté de faire changer
les habitudes de travail
Interopérabilité des
standards et protocoles
28
Meilleure circulation des
documents (automatisation
des échanges et couplage
des SI)
Amélioration des processus
Réduction du nombre
d’erreurs
Amélioration de la
réactivité et de la
productivité
Favorise la collaboration en
interne
Coûts cachés à identifier
Divergence d’intérêt selon
les acteurs (frein politique)
Concurrence du PDF qui est
un document non structuré
La dimension juridique
hétérogène selon les pays
Concurrence des
plateformes des grandes
entreprises
(XML)
Rigueur dans les processus
La dématérialisation doit
être complète tout au long
des processus (et coupler la
dématérialisation avec les
processus existants)
La dématérialisation doit
être indépendante du
système d’exploitation
Accompagnement des
entreprises par les éditeurs
de logiciels (manque de
compétences surtout au
niveau des PME)
Homogénéiser les
réglementations entre les
pays
Alimentation des
plateformes par les
collectivités
Cap Gémini
(consultant)
L’automatisation des
transactions
Moyen de réduire les coûts
de transaction (financier,
temps, infrastructures)
Favoriser les échanges dans
une zone économique
Investissement dans les
équipements et les
infrastructures
Coûts de changement et
risque de perte de clientèle
Mise en place de normes et
de standards
Déterminer la responsabilité
des acteurs
Interopérabilité des SI
Homogénéiser la dimension
juridique
CG 50
(Responsable du
service de la
commande
publique)
Suppression des tâches à
faible valeur ajoutée
Réduction du nombre
d’erreurs
Traçabilité des documents
Réduction des délais de
traitement
Rupture de la chaîne de
dématérialisation entre les
acteurs
(entreprises/collectivités)
Changement des habitudes
de travail des acteurs
Réorganisation des
processus et travail
d’homogénéisation (groupes
de travail et de pilotages)
Formation des acteurs
Equipement bureautique
adapté (certificats sécurité,
etc)
Soutien de la hiérarchie
Interopérabilité entre les
plateformes et les logiciels
métiers
Direction de
l’administration
des marchés de
la ville de
Cherbourg
Réduction des coûts
Partage de l’information
avec les entreprises
Sécurité des données
Rupture de la chaîne de
dématérialisation entre les
acteurs
(collectivité/trésorerie)
Changement des habitudes
Multiplicité des plateformes
Rôle des trésoreries, des
grandes collectivités et de
l’Etat
29
Traçabilité des données
Transmission accélérée des
données
de travail des acteurs Coût de la plateforme
Mairie de
Lisieux
(responsable du
marché public et
le responsable du
service
informatique)
Gain de temps
Simplicité
Partage de l’information
entre les acteurs
Recentrage sur des tâches à
plus forte valeur ajoutée
Rupture de la chaîne de
dématérialisation entre les
acteurs
(collectivités/préfectures)
Changement des habitudes
de travail/acquisition de
nouvelles compétences
Coût de la signature
électronique
Equipement informatique
Interopérabilité entre les
plateformes et les outils
métiers
Formation et
accompagnement des
utilisateurs
CAPS (Gérante)
Gain de temps
Fiabilité des données
Economies de papiers
Changement des habitudes
de travail/lecture à l’écran
Modes de sécurisation très
lourds
Sentiment d’uniformisation
des méthodes de travail
Souplesse des paramétrages
de la plateforme
Conseil
départemental de
l’Orne (chef du
bureau de la
gestion
administrative et
comptable et
chef du bureau
de la logistique)
Réduction des coûts
Réduction des erreurs
Gain de temps
Economies de papiers
La plateforme n’accepte pas
les groupements
d’entreprises
Rupture de la chaîne de
dématérialisation entre les
acteurs
Manque de traçabilité
Déception sur la réduction
des délais de paiement
Temps passé à scanner les
documents
Changement des habitudes
de travail (lecture à l’écran)
Créer un groupe de travail
en amont et faire des tests
en amont
Mairie de Flers
(responsable de
l’administration
générale et
directeur des
services
financiers)
Traçabilité des données et
archivage
Economies papiers
Gain de temps
Rupture de la chaîne de
dématérialisation entre les
acteurs
(collectivités/entreprises/pré
fecture/trésorerie)
Temps hommes/ressources
Changement des habitudes
de travail (lecture à l’écran)
Sentiment de
« déshumaniser » le travail
Complexité de l’archivage
avec le volume de données
Equipement informatique
Changement des processus
de travail
Impulsion par la
réglementation/démarché
politique
Formation des utilisateurs et
communication
Les petites entreprises sont
désavantagées
Rôle des services de l’Etat
dans l’accompagnement
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Multiplicité des plateformes
Mairie
d’Argentan
(Adjointe à la
directrice des
affaires
financières et
juridiques et
adjointe au
directeur
financier)
Gain de temps
Traçabilité des données et
archivage
Economies de papiers
Rupture de la chaîne de
dématérialisation entre les
acteurs
(collectivités/entreprises)
Changement des habitudes
de travail (lecture à l’écran)
Changement des processus
de travail
Equipement informatique
Les grandes entreprises sont
avantagées
Accompagnement des
entreprises par les CCI
Multiplicité des plateformes