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La thérapie génique: quel espoir pour les patientsatteints de drépanocytose ?
Flavien Bizot
To cite this version:Flavien Bizot. La thérapie génique: quel espoir pour les patients atteints de drépanocytose ?.Génomique, Transcriptomique et Protéomique [q-bio.GN]. université de lorraine, 2018. Français. �tel-02520613�
UNIVERSITÉ DE LORRAINE
2018
___________________________________________________________________________
FACULTÉ DE PHARMACIE
THESE
Présentée et soutenue publiquement le 28 septembre 2018, sur un sujet dédié à :
La thérapie génique:
quel espoir pour les patients atteints de drépanocytose ?
pour obtenir
le Diplôme d'État de Docteur en Pharmacie
par Flavien BIZOT
né le 09/05/1992
Membres du Jury
Président : Danièle BENSOUSSAN Professeur des Universités, Université de Lorraine
Directeur de thèse : Loïc REPPEL Maître de Conférences, Université de Lorraine
Juges : Julien PERRIN Maître de Conférences, Université de Lorraine
Dominique STESCHENKO Médecin au CHRU de Nancy
Fabrizia BIGNAMI Docteur en biologie
UNIVERSITÉ DE LORRAINE
FACULTÉ DE PHARMACIE
Année universitaire 2018-2019
DOYEN
Raphaël DUVAL
Vice-Doyen
Julien PERRIN
Directrice des études
Marie SOCHA
Conseil de la Pédagogie
Présidente, Brigitte LEININGER-MULLER
Vice-Présidente, Alexandrine LAMBERT
Collège d'Enseignement Pharmaceutique Hospitalier
Présidente, Béatrice DEMORE
Commission Prospective Facultaire
Président, Christophe GANTZER
Vice-Président, Jean-Louis MERLIN
Commission de la Recherche
Présidente, Caroline GAUCHER
Chargés de Mission
Communication Marie-Paule SAUDER
Innovation pédagogique Alexandrine LAMBERT
Référente ADE Virginie PICHON
Référent dotation sur projet (DSP) Dominique DECOLIN
Responsabilités
Filière Officine Caroline PERRIN-SARRADO
Julien GRAVOULET
Filière Industrie Isabelle LARTAUD,
Jean-Bernard REGNOUF de VAINS
Filière Hôpital Béatrice DEMORE
Marie SOCHA
Pharma Plus ENSIC Jean-Bernard REGNOUF de VAINS
Pharma Plus ENSAIA Xavier BELLANGER
Pharma Plus ENSGSI Igor CLAROT
Cellule de Formation Continue et Individuelle Béatrice FAIVRE
Commission d'agrément des maîtres de stage François DUPUIS
ERASMUS Mihayl VARBANOV
DOYENS HONORAIRES PROFESSEURS EMERITES
Chantal FINANCE Jeffrey ATKINSON
Francine PAULUS Jean-Claude BLOCK
Claude VIGNERON Max HENRY
Alain MARSURA
Claude VIGNERON
PROFESSEURS HONORAIRES MAITRES DE CONFERENCES HONORAIRES
Pierre DIXNEUF Monique ALBERT
Chantal FINANCE Mariette BEAUD
Marie-Madeleine GALTEAU François BONNEAUX
Thérèse GIRARD Gérald CATAU
Michel JACQUE Jean-Claude CHEVIN
Pierre LABRUDE Jocelyne COLLOMB
Vincent LOPPINET Bernard DANGIEN
Alain NICOLAS Marie-Claude FUZELLIER
Janine SCHWARTZBROD Françoise HINZELIN
Louis SCHWARTZBROD Marie-Hélène LIVERTOUX
Bernard MIGNOT
Blandine MOREAU
ASSISTANTS HONORAIRES Dominique NOTTER
Francine PAULUS
Christine PERDICAKIS
Marie-Catherine BERTHE Marie-France POCHON
Annie PAVIS Anne ROVEL
Gabriel TROCKLE
Maria WELLMAN-ROUSSEAU
Colette ZINUTTI
ENSEIGNANTS Section CNU* Discipline d'enseignement
PROFESSEURS DES UNIVERSITES - PRATICIENS HOSPITALIERS
Danièle BENSOUSSAN-LEJZEROWICZ 82 Thérapie cellulaire
Jean-Louis MERLIN 82 Biologie cellulaire
Jean-Michel SIMON 81 Economie de la santé, Législation pharmaceutique
Nathalie THILLY 81 Santé publique et Epidémiologie
PROFESSEURS DES UNIVERSITES
Christine CAPDEVILLE-ATKINSON 86 Pharmacologie
Igor CLAROT 85 Chimie analytique
Joël DUCOURNEAU 85 Biophysique, Acoustique, Audioprothèse
Raphaël DUVAL 87 Microbiologie clinique
Béatrice FAIVRE 87 Hématologie, Biologie cellulaire
Luc FERRARI 86 Toxicologie
Pascale FRIANT-MICHEL 85 Mathématiques, Physique
Christophe GANTZER 87 Microbiologie
Frédéric JORAND 87 Eau, Santé, Environnement
Isabelle LARTAUD 86 Pharmacologie
Dominique LAURAIN-MATTAR 86 Pharmacognosie
Brigitte LEININGER-MULLER 87 Biochimie
Pierre LEROY 85 Chimie physique
Philippe MAINCENT 85 Pharmacie galénique
Patrick MENU 86 Physiologie
Jean-Bernard REGNOUF de VAINS 86 Chimie thérapeutique
Bertrand RIHN 87 Biochimie, Biologie moléculaire
MAITRES DE CONFÉRENCES DES UNIVERSITÉS - PRATICIENS HOSPITALIERS
Béatrice DEMORE 81 Pharmacie clinique
Alexandre HARLE 82 Biologie cellulaire oncologique
Julien PERRIN 82 Hématologie biologique
Loïc REPPEL 82 Biothérapie
Marie SOCHA 81 Pharmacie clinique, thérapeutique et biotechnique
MAITRES DE CONFÉRENCES
Sandrine BANAS 87 Parasitologie
Xavier BELLANGER 87 Parasitologie, Mycologie médicale
Emmanuelle BENOIT 86 Communication et Santé
Isabelle BERTRAND 87 Microbiologie
Michel BOISBRUN 86 Chimie thérapeutique
Ariane BOUDIER 85 Chimie physique
Cédric BOURA 86 Physiologie
Joël COULON 87 Biochimie
Sébastien DADE 85 Bio-informatique
Dominique DECOLIN 85 Chimie analytique
Roudayna DIAB 85 Pharmacie galénique
Natacha DREUMONT 87 Biochimie générale, Biochimie clinique
Florence DUMARCAY 86 Chimie thérapeutique
François DUPUIS 86 Pharmacologie
Reine EL OMAR 86 Physiologie
Adil FAIZ 85 Biophysique, Acoustique
Anthony GANDIN 87 Mycologie, Botanique
Caroline GAUCHER 86 Chimie physique, Pharmacologie
Stéphane GIBAUD 86 Pharmacie clinique
Thierry HUMBERT 86 Chimie organique
Olivier JOUBERT 86 Toxicologie, Sécurité sanitaire
Alexandrine LAMBERT 85 Informatique, Biostatistiques
Julie LEONHARD 86/01 Droit en Santé
Christophe MERLIN 87 Microbiologie environnementale
Maxime MOURER 86 Chimie organique
Coumba NDIAYE 86 Epidémiologie et Santé publique
Marianne PARENT 85 Pharmacie galénique
Caroline PERRIN-SARRADO 86 Pharmacologie
Virginie PICHON 85 Biophysique
Sophie PINEL 85 Informatique en Santé (e-santé)
Anne SAPIN-MINET 85 Pharmacie galénique
Marie-Paule SAUDER 87 Mycologie, Botanique
Guillaume SAUTREY 85 Chimie analytique
Rosella SPINA 86 Pharmacognosie
Sabrina TOUCHET 86 Pharmacochimie
Mihayl VARBANOV 87 Immuno-Virologie
Marie-Noëlle VAULTIER 87 Mycologie, Botanique
Emilie VELOT 86 Physiologie-Physiopathologie humaines
Mohamed ZAIOU 87 Biochimie et Biologie moléculaire
PROFESSEUR ASSOCIE
Julien GRAVOULET 86 Pharmacie clinique
Anne MAHEUT-BOSSER 86 Sémiologie
PROFESSEUR AGREGE
Christophe COCHAUD 11 Anglais
*Disciplines du Conseil National des Universités : 80 : Personnels enseignants et hospitaliers de pharmacie en
sciences physico-chimiques et ingénierie appliquée à la santé
81 : Personnels enseignants et hospitaliers de pharmacie en sciences du médicament et des autres produits de santé
11 Anglais
82 : Personnels enseignants et hospitaliers de pharmacie en sciences biologiques, fondamentales et cliniques
85 ; Personnels enseignants-chercheurs de pharmacie en sciences physico-chimiques et ingénierie appliquée à la santé
86 : Personnels enseignants-chercheurs de pharmacie en sciences du médicament et des autres produits de santé
87 : Personnels enseignants-chercheurs de pharmacie en sciences biologiques, fondamentales et cliniques
11 : Professeur agrégé de lettres et sciences humaines en langues et littératures anglaises et anglo-saxonnes
SERMENT DES APOTHICAIRES
Je jure, en présence des maîtres de la Faculté, des conseillers de
l’ordre des pharmaciens et de mes condisciples :
D’honorer ceux qui m’ont instruit dans les préceptes de
mon art et de leur témoigner ma reconnaissance en restant
fidèle à leur enseignement.
D’exercer, dans l’intérêt de la santé publique, ma
profession avec conscience et de respecter non seulement
la législation en vigueur, mais aussi les règles de l’honneur,
de la probité et du désintéressement.
De ne jamais oublier ma responsabilité et mes devoirs
envers le malade et sa dignité humaine ; en aucun cas, je ne
consentirai à utiliser mes connaissances et mon état pour
corrompre les mœurs et favoriser des actes criminels.
Que les hommes m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes
promesses.
Que je sois couvert d’opprobre et méprisé de mes confrères si j’y
manque.
« LA FACULTÉ N’ENTEND DONNER AUCUNE APPROBATION NI
IMPROBATION AUX OPINIONS ÉMISES DANS LES THÈSES, CES
OPINIONS DOIVENT ÊTRE CONSIDÉRÉES COMME PROPRES À LEUR
AUTEUR ».
Remerciements
À mon père et ma mère :
Merci d’avoir toujours été là pour moi, d’avoir joué à la fois le rôle d’une fondation solide sur
laquelle je me suis construit et celui de paratonnerre en absorbant mes doutes, crainte et en
trouvant toujours les mots justes pour me rassurer et me faire aller de l’avant. Sans vous, je
ne serai jamais arrivé là où j’en suis aujourd’hui. Merci pour tout ce que vous avez fait et
continuez de faire pour moi.
À mon frère :
À ces bons moments passés en colocation, nos moments de rire et de partage. Malgré tes
efforts, tu n’as pas réussi à faire de moi un cordon bleu, préférant la facilité à la préparation
de bons petits plats. Tu as toujours été bon conseil, n’hésitant pas à me donner des astuces
et des coups de fouet pour me faire avancer. Merci pour ta bonne humeur.
À mes amis et collègues :
Merci pour tous ces bons moments passés dans la fac et en dehors.
Merci à Cédric, mon binôme et partenaire d’avoir supporté tous mes jeux de mots dont je
l’accorde tous n’étaient pas bons. Merci de m’avoir supporté tout ce temps. Nos
conversations et nos réunions révisions me manquent déjà.
Merci à Jennifer et Maud pour ces moments de joie passés à la fac et en dehors. J’espère
que nous pourrions tous nous revoir autour d’un verre pour continuer à rigoler ensemble.
Merci à Saïd, mon binôme de 2nde année qui était toujours prêt pour faire la fête et avec qui
j’ai bien rigolé.
Merci à Fayçal, Hervé, Renaud et tous les autres pour tous ces bons moments.
À mon directeur de thèse Loïc REPPEL :
Merci d’avoir accepté ce rôle et merci pour tout ce que tu as fait pour moi lors de ma
scolarité. Tu as été un très bon enseignant et un formidable maître de stage. J’espère avoir
été à la hauteur de tes espérances.
À mes professeurs et membres de mon jury :
Merci à tous pour votre investissement et votre disponibilité. Malgré vos emplois du temps
souvent surchargés, vous avez toujours trouvé du temps pour répondre aux questions des
étudiants.
Merci aux responsables de la faculté de pharmacie de Nancy qui m’ont permis de réaliser un
Master 2 à Amiens, renforçant ainsi mes connaissances.
Merci à Madame BENSOUSSAN qui m’a initié au domaine de la thérapie cellulaire et sans
qui je ne serai pas là où je suis aujourd’hui.
Merci à Madame DE ISLA et à sa doctorante Laurie TARGA qui m’initia à la culture cellulaire
et aux exigences de la recherche en biologie.
Merci à Madame GALY qui m’accueillit dans son laboratoire pour mon master 2 et qui
m’initia à la thérapie génique et à la transduction cellulaire.
1
Table des matières
LISTE DES ABREVIATIONS : ............................................................................................. 5
LISTE DES FIGURES ........................................................................................................... 6
LISTE DES TABLEAUX ....................................................................................................... 8
INTRODUCTION .................................................................................................................. 9
I. LA DREPANOCYTOSE ................................................................................................ 10
A. GENERALITE ......................................................................................................................................................... 11
1. Historique : les dates clefs de la recherche ............................................................................................... 11
2. Définition .................................................................................................................................................................. 13
3. Épidémiologie ........................................................................................................................................................ 14
a. Dans le monde........................................................................................................................................................................................ 14
b. En France ................................................................................................................................................................................................. 16
B. PHYSIOLOGIE DE L’HEMOGLOBINE ................................................................................................................... 19
1. Hémoglobine normale ........................................................................................................................................ 19
a. Structure ................................................................................................................................................................................................... 19
b. Composition de l’embryogénèse à la vie adulte .................................................................................................................... 20
2. Hémoglobine drépanocytaire ......................................................................................................................... 21
a. HbS/S ......................................................................................................................................................................................................... 21
b. HbS/C ......................................................................................................................................................................................................... 21
c. HbS/Thal ................................................................................................................................................................................................ 21
d. Les autres formes d’hémoglobines mutées ............................................................................................................................. 22
i. HbS/D-Punjab ................................................................................................................................................................................... 22
ii. HbS/E ................................................................................................................................................................................................... 22
C. DIAGNOSTIC .......................................................................................................................................................... 24
1. Diagnostic clinique .............................................................................................................................................. 24
a. Clinique du trait drépanocytaire................................................................................................................................................... 24
b. Principaux symptômes cliniques de la drépanocytose ...................................................................................................... 24
i. La crise vaso-occlusive ................................................................................................................................................................. 25
ii. L’anémie ............................................................................................................................................................................................. 26
iii. Le syndrome thoracique aiguë ............................................................................................................................................... 26
iv. La fièvre ............................................................................................................................................................................................. 27
v. Le priapisme ..................................................................................................................................................................................... 28
vi. Les Accidents Vasculaires Cérébraux.................................................................................................................................. 28
2. Diagnostic biologique ......................................................................................................................................... 29
3. Dépistage néonatal .............................................................................................................................................. 30
D. PRISE EN CHARGE ................................................................................................................................................ 31
2
1. Traitement symptomatique ............................................................................................................................. 31
a. Traitement des crises vaso-occlusives ....................................................................................................................................... 31
b. Traitement des anémies aiguës ..................................................................................................................................................... 31
c. Syndrome thoracique aiguë ............................................................................................................................................................. 31
d. Traitement des infections ................................................................................................................................................................ 31
e. Le priapisme ........................................................................................................................................................................................... 32
2. Traitement spécialisé ......................................................................................................................................... 32
a. Transfusion sanguine ......................................................................................................................................................................... 32
b. Hydroxyurée ........................................................................................................................................................................................... 33
c. Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques ................................................................................................................. 33
II. LA THERAPIE GENIQUE ............................................................................................ 35
A. GENERALITE ......................................................................................................................................................... 36
B. LES OBJECTIFS DE LA THERAPIE GENIQUE ....................................................................................................... 37
1. La modification d’un gène ................................................................................................................................ 37
a. La méthode ZFN .................................................................................................................................................................................... 37
b. La méthode TALEN.............................................................................................................................................................................. 38
c. La méthode CRISPR ............................................................................................................................................................................. 39
2. La modulation de l’expression d’un gène .................................................................................................. 40
a. ARN interférent ..................................................................................................................................................................................... 40
b. Ribozymes et déoxyribozymes ...................................................................................................................................................... 41
3. L’ajout d’un gène .................................................................................................................................................. 42
C. LES MODALITES D’ADMINISTRATION ............................................................................................................... 43
1. La thérapie génique ex vivo ............................................................................................................................. 43
2. La thérapie génique in vivo ............................................................................................................................. 44
D. LES PRINCIPAUX VECTEURS DE TRANSDUCTION CELLULAIRE ..................................................................... 46
1. Les vecteurs viraux .............................................................................................................................................. 46
a. Adénovirus .............................................................................................................................................................................................. 47
b. Les virus adéno-associés .................................................................................................................................................................. 49
c. Rétroviridae ............................................................................................................................................................................................ 49
d. Herpès simplex virus .......................................................................................................................................................................... 51
2. Les vecteurs synthétiques ................................................................................................................................. 53
a. Lipides cationiques .............................................................................................................................................................................. 54
b. Polymères cationiques ...................................................................................................................................................................... 56
3. Les méthodes physiques .................................................................................................................................... 57
a. ADN nu ....................................................................................................................................................................................................... 57
b. Le canon à ADN ..................................................................................................................................................................................... 58
c. L’électroporation .................................................................................................................................................................................. 58
d. La sonoporation .................................................................................................................................................................................... 59
e. La magnétofection................................................................................................................................................................................ 60
3
III. LES ESSAIS CLINIQUES DE THERAPIES GENIQUES POUR LE TRAITEMENT DE
LA DREPANOCYTOSE ...................................................................................................... 62
A. INTRODUCTION SUR LES ESSAIS CLINIQUES DE THERAPIE GENIQUE ........................................................... 63
B. LA REGLEMENTATION SPECIFIQUE AUX ESSAIS CLINIQUES .......................................................................... 65
1. Définition d’un essai clinique .......................................................................................................................... 65
a. Le promoteur.......................................................................................................................................................................................... 65
b. L’investigateur ....................................................................................................................................................................................... 65
2. Statut réglementaire des médicaments de thérapie génique .......................................................... 66
a. Définition des médicaments de thérapie innovante ........................................................................................................... 66
b. Les normes de fabrication ............................................................................................................................................................... 68
i. Des MTI ................................................................................................................................................................................................ 68
ii. Des MTI-PP ........................................................................................................................................................................................ 68
c. La réglementation pour les essais cliniques utilisant des MTI ....................................................................................... 69
d. Les acteurs des essais cliniques .................................................................................................................................................... 69
e. La traçabilité ........................................................................................................................................................................................... 70
C. LES ETAPES CLEFS POUR LA MISE EN PLACE D’ESSAIS CLINIQUES DE THERAPIE GENIQUE EX VIVO. ...... 71
1. Obtention des cellules ......................................................................................................................................... 71
a. Prélèvement de Moelle Osseuse .................................................................................................................................................... 71
b. Mobilisation cellulaire ....................................................................................................................................................................... 72
c. Cellules de sang de cordon ombilical .......................................................................................................................................... 73
2. Transduction cellulaire ..................................................................................................................................... 74
a. Nombre de copies de gène ............................................................................................................................................................... 74
b. Étude du ou des sites d’intégration ............................................................................................................................................. 75
3. Greffe cellulaire ..................................................................................................................................................... 75
D. LES ESSAIS CLINIQUES DE THERAPIE GENIQUE EN COURS POUR LE TRAITEMENT DE LA
DREPANOCYTOSE .......................................................................................................................................................... 77
1. Apporter un gène fonctionnel de la chaine bêta de l’hémoglobine ............................................... 80
a. Le vecteur HPV569 .............................................................................................................................................................................. 80
i. La construction du vecteur ......................................................................................................................................................... 80
ii. Protocole de greffe cellulaire ................................................................................................................................................... 81
iii. Résultats ........................................................................................................................................................................................... 81
b. Le vecteur BB305 ................................................................................................................................................................................. 83
i. Construction du vecteur .............................................................................................................................................................. 83
ii. Protocole de greffe cellulaire ................................................................................................................................................... 83
iii. Résultats ........................................................................................................................................................................................... 83
c. Le vecteur βAS3-FB ............................................................................................................................................................................. 86
i. Construction du vecteur .............................................................................................................................................................. 86
ii. Protocole de greffe cellulaire ................................................................................................................................................... 87
iii. Résultats ........................................................................................................................................................................................... 88
2. Augmenter la production d’HbF .................................................................................................................... 89
a. Ajout du gène gamma de l’hémoglobine ................................................................................................................................... 89
4
i. Construction du vecteur .............................................................................................................................................................. 89
ii. Protocole de greffe cellulaire ................................................................................................................................................... 90
iii. Résultats ........................................................................................................................................................................................... 90
b. Inhibition de BCL11A ......................................................................................................................................................................... 91
i. Construction du vecteur .............................................................................................................................................................. 92
ii. Protocole de greffe cellulaire ................................................................................................................................................... 94
iii. Résultats ........................................................................................................................................................................................... 94
E. AUTRES PISTES THERAPEUTIQUES ENVISAGEES ............................................................................................. 95
1. Inhibition de KLF1 ............................................................................................................................................... 95
2. Édition du génome ............................................................................................................................................... 96
IV. CONCLUSION ET PERSPECTIVES .......................................................................... 99
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................. 102
ANNEXE 1 : BROCHURE DE DEPISTAGE NEONATAL DE AFDPHE ........................... 114
ANNEXE 2 : PROCEDURE D’INSTRUCTION DES DOSSIERS DE THERAPIE GENIQUE.
......................................................................................................................................... 115
ANNEXE 3 : SEQUENCE NUCLEOTIDIQUE, AVEC LES ACIDES AMINES
CORRESPONDANTS, DE LA CHAINE BETA DE L'HEMOGLOBINE. ........................... 116
5
Liste des abréviations :
AAV : virus adéno-associés
ADN : acide désoxyribonucléique
AFDPHE : Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de
l’Enfant
ANSM : Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé
ARN : acide ribonucléique
AVC : Accidents Vasculaires Cérébraux
cm : centimètre
CRISPR : clustered short palindromic repeats
CVO : Crise Vaso Occlusive
GVHD : maladie du greffon versus l’hote
Hb : Hémoglobine
HCB : Haut Conseil en Biotechnologie
kb : kilobase
ms : milliseconde
MTI-PP : Médicament de Thérapie Innovante Préparé Ponctuellement
OMS : Organisation Mondiale de la Santé
siARN : petit ARN interférents
shARN : ARN en épingle à cheveux
TALEN : transcription activator-like effector nucleases
VCN : copie de gène intégré (vector copy number)
ZFN : zinc finger nuclease
6
Liste des figures
Figure 1: Arbre généalogique présentant le génotype d'une famille porteuse de la mutation responsable de la
drépanocytose (gène S). ___________________________________________________________________________________________ 14
Figure 2: Taux de Prévalence de l'hémoglobine S en Afrique . __________________________________________________ 16
Figure 3: Répartition des décès dus au paludisme dans le monde (en 2010). __________________________________ 16
Figure 4: Répartition géographique des enfants nés drépanocytaires (en rouge) ou hétérozygotes (en bleu)
en France métropolitaine en 2016. _______________________________________________________________________________ 18
Figure 5: Structure d'une molécule d'hémoglobine . ____________________________________________________________ 19
Figure 6: Site de l’hématopoïèse et expression des différentes chaines de l'hémoglobine au cours du
développement. ____________________________________________________________________________________________________ 20
Figure 7: Schéma bilan de la clinique drépanocytaire. __________________________________________________________ 25
Figure 8: Radiographie du thorax montrant des infiltrats alvéolaires prédominant aux bases, accompagnés
d'un possible épanchement pleural à la base pulmonaire droite. _______________________________________________ 27
Figure 9: Présentation du fonctionnement des ZFN. _____________________________________________________________ 38
Figure 10: Méthodes de réparation de l'ADN suite à une coupure double brin induite par la méthode CRISPR.
_____________________________________________________________________________________________________________________ 40
Figure 11: Structure d'une molécule de ribozyme. ______________________________________________________________ 41
Figure 12: Comparaison des stratégies de thérapie génique : in vivo, où les cellules sont directement
modifiées dans l’organisme et ex vivo avec des cellules modifiées avant injection au patient. ________________ 43
Figure 13: Structure d'un adénovirus . ___________________________________________________________________________ 47
Figure 14: Schéma de transduction cellulaire des adénovirus __________________________________________________ 48
Figure 15: Structure d'un rétrovirus, exemple du lentivirus VIH-1. _____________________________________________ 50
Figure 16: Schéma de transduction cellulaire des rétrovirus. ___________________________________________________ 50
Figure 17: Représentation de la structure génomique provirale du VIH-1. ____________________________________ 51
Figure 18: Schéma de transduction cellulaire des vecteurs dérivés d'HSV _____________________________________ 52
Figure 19: Structure générale d'un lipide cationique ___________________________________________________________ 54
Figure 20: Exemple de particules lipidiques formées dans un solvant aqueux. ________________________________ 55
Figure 21: Structure des principaux polymères cationiques. ____________________________________________________ 56
Figure 22: Effets de la cavitation stable (A à C) et inertielle (D et E) sur la membrane cellulaire lors de
l'internalisation de la microbulle. ________________________________________________________________________________ 60
Figure 23: Répartition des essais cliniques de thérapie géniques dans le monde (n) en fonction de la nature
de la pathologie. ___________________________________________________________________________________________________ 63
Figure 24: différence entre préparation cellulaire, et médicament de thérapie innovante. ___________________ 67
Figure 25: Induction de la polymérisation de l'hémoglobine S. _________________________________________________ 78
Figure 26: Partie intégrée dans le génome cellulaire du vecteur lentiviral utilisé pour le traitement de la
drépanocytose par thérapie génique. ____________________________________________________________________________ 78
Figure 27: Vecteur lentiviral HPV569. ___________________________________________________________________________ 81
Figure 28: Vecteur lentiviral BB305. _____________________________________________________________________________ 83
7
Figure 29: Vecteur βAS3-FB. ______________________________________________________________________________________ 87
Figure 30: Vecteur lentiviral contenant le gène de la chaine gamma de l’Hb. _________________________________ 89
Figure 31: Complexe BCL11 avec ses cofacteurs principaux. ____________________________________________________ 92
Figure 32: Représentation du shARNmir . _________________________________________________________________________ 93
Figure 33: Vecteur LCR-shARNmir. ________________________________________________________________________________ 93
Figure 34: Principe de la recombinaison homologue. ___________________________________________________________ 97
8
Liste des tableaux
Tableau I: présentation du taux de drépanocytose à la naissance et du nombre d’habitants pour chaque
région du monde. __________________________________________________________________________________________________ 15
Tableau II: proportion en % de chaque type d'hémoglobine pour les génotypes drépanocytaires les plus
fréquents ainsi que pour le trait drépanocytaire et le génotype sain. __________________________________________ 23
Tableau III: Résumé des avantages et des limites des méthodes de thérapie génique _________________________ 45
Tableau IV : Résumé des avantages et inconvénients des vecteurs et méthodes de thérapie génique ________ 61
Tableau V: Nombre d'essais clinique dans le champs des produits biologiques de 2011 à 2016. _____________ 64
Tableau VI: Nombre d'unité de thérapie génique/cellulaire, banque de tissus et établissement MTI-PP
(Médicament de Thérapie Innovante Préparé Ponctuellement) en France de 2012 à 2016. __________________ 64
Tableau VII: Présentation des résultats obtenus chez 4 patients atteints de drépanocytoses ayant subi une
greffe de CSH allogéniques ________________________________________________________________________________________ 76
Tableau VIII: Présentation des essais cliniques de thérapie génique dans le traitement de la drépanocytose en
cours de réalisation. _______________________________________________________________________________________________ 79
Tableau IX: Présentation des résultats obtenus en cliniques avec le vecteur HPV569 _________________________ 82
Tableau X: Présentation des résultats obtenus chez 7 patients traités à l'aide du vecteur BB305. ___________ 84
Tableau XI: Présentation des résultats obtenus chez un patient français traité à l'aide du vecteur BB305. _ 85
Tableau XII: Bilan des résultats obtenus avec les différentes thérapies actuellement testées en clinique ____ 98
9
Introduction
La thérapie génique représente, à l’heure actuelle, un enjeu majeur dans la prise en charge
des patients. Apparu dans la seconde moitié du XXème siècle, suite à la découverte de la
structure de l’ADN en 1953 par J.D. Watson et F.H. Crick, cette nouvelle thérapie a déjà
permis la mise sur le marché de nouveaux traitements (immunothérapies, vaccins
recombinants, hormones de croissance…). Ce développement très rapide a redonné espoir
aux patients pour lesquels aucun traitement n’était disponible. La thérapie génique s’est
donc intéressée à ces patients qui souffraient pour la plupart de maladies orphelines telles
que les maladies génétiques (comme la drépanocytose que nous développerons), les
déficits immunitaires (comme le syndrome de Wiskott Aldrich) ou les cancers.
Pour pouvoir traiter efficacement ces patients, la thérapie génique s’attaque à l’essence
même de la maladie. Ici, la cause principale des pathologies est une modification génétique
par ajout, retrait ou changement de séquence d’un ou plusieurs gènes. Si la thérapie
génique arrive à identifier le gène en cause et à le corriger, on peut alors espérer guérir de
cette maladie voir l’éradiquer.
Pour atteindre ces objectifs, un large panel d’outils et de méthodes a été développé. Il est
aujourd’hui possible d’isoler des cellules multipotentes, de les modifier et de les réimplanter
afin de traiter durablement un tissu (exemple des cellules souches hématopoïétiques pour
traiter le sang). Il est également possible de modifier le génome des cellules directement in
vivo à l’aide de vecteurs spécifiques (exemple vecteurs anticancéreux).
L’objectif de cette thèse est donc de faire un point sur les avancées en thérapie génique et
plus précisément celles qui visent à traiter une maladie particulière : la drépanocytose. Pour
ce faire, nous définirons la drépanocytose puis nous étudierons les outils de thérapie
génique à notre disposition et nous finirons par donner les premiers résultats cliniques
obtenus par la thérapie génique pour le traitement de cette maladie.
10
I. La drépanocytose
11
A. Généralité
La drépanocytose ou anémie falciforme fut à son origine considérée comme la maladie des
personnes noires. Cette croyance est due aux origines de la pathologie et à son histoire.
Afin de mieux comprendre pourquoi l’Homme africain noir est plus sujet à cette maladie que
le reste du monde, nous reviendrons sur l’histoire de la maladie et sa répartition dans le
monde.
1. Historique : les dates clefs de la recherche
La drépanocytose, dont l’apparition remonte à plusieurs siècles, n’a été décrite pour la
première fois qu’en 1904 par le professeur James HERRICK après consultation d’un
étudiant antillais de 20 ans hospitalisé pour un rhume (1). Le professeur donne pour la
première fois un tableau clinique de la maladie comprenant tous les symptômes de l’anémie
hémolytique chronique ainsi que les cellules responsables : les hématies falciformes.
En 1917, le Dr EMMEL découvre que les hématies des patients atteints de drépanocytose
ont une forme normale en présence d’oxygène. Il montre que la forme des érythrocytes est
dépendante du taux d’oxygène et il introduit les notions de falciformation et défalciformation
ainsi que la notion de test diagnostic (test d’Emmel) (2).
En 1940, Irving SHERMAN alors étudiant à l’université Johns HOPKINS constate que les
hématies des patients atteints de drépanocytose ne possèdent pas les mêmes propriétés
physico-chimique que celles des patients sains (3). En se basant sur ce constat, le
professeur Linus PAULING découvre en 1949 deux types d’hémoglobine : l’hémoglobine A
présente chez les patients sains et l’hémoglobine S chez les patients drépanocytaires. Le
professeur PAULING montre que l’hémoglobine S possède plus de cations que
l’hémoglobine A (4). Il émet également les hypothèses que ce sont ces cations qui, en se
couplant avec l’atome de fer présent dans les hématies, donnent la forme de faucille à la
cellule et qui sont des inhibiteurs compétitifs aux molécules d’oxygènes ; expliquant ainsi les
difficultés d’oxygénation des patients lors d’efforts physiques.
En 1949, James NEEL découvre que la drépanocytose est une maladie génétique à
transmission autosomique récessive (5). Il décrit des patients sains n’ayant que de
l’hémoglobine A, des porteurs sains ayant autant d’hémoglobine A que S et des patients
drépanocytaires ayant uniquement de l’hémoglobine S. Cette découverte fut le premier pas
vers la thérapie génique.
12
En 1956, Vernon INGRAM complète la découverte du professeur PAULING et découvre que
les deux types d’hémoglobines n’ont qu’un acide aminé de différent (6). Dans les années
1960, le projet mondial de séquençage du génome humain a permis aux scientifiques de
mettre en évidence le gène de la chaine bêta de l’hémoglobine sur le chromosome 11. En
1978, Tom Maniatis isole et séquence les gènes des chaines bêta et delta de l’hémoglobine
(7). La même année, Richard Rifkind découvre le fonctionnement de l’érythropoïèse et
différencie des cellules en érythrocyte in vitro (8).
En 1981, un premier programme de dépistage fut mis en place aux Antilles. Une goutte de
sang des enfants présentant un risque de développer la drépanocytose en raison de leurs
origines a été prélevée dès les premiers jours de vie afin de séquencer le gène de la chaine
bêta de l’hémoglobine. La France métropolitaine fit ces premiers dépistages en 1985 à
Marseille puis à Paris et Lille à partir de 1987 avant de l’étendre à tout le territoire en 2000.
Ces premiers tests furent très importants, car ils permirent à la fois de réaliser des
statistiques sur le nombre d’enfants porteurs d’une ou de deux mutations, mais aussi
d’améliorer la prise en charge des enfants (développé dans le point I.D de ce manuscrit).
En 1995, la prise en charge des patients prend un tournant avec la mise sur le marché du
premier médicament pour le traitement de la drépanocytose : l’hydroxycarbamide (ou
hydroxyurée). Cette molécule engendre la production d’hémoglobine fœtale, plus affine que
l’hémoglobine S pour l’oxygène. Ce changement de composition en hémoglobine des
hématies permet de réduire le nombre de crises vaso-occlusives, les recours à la
transfusion et les complications menaçant le pronostic vital des patients, mais sans guérir
les patients de la maladie.
À partir du milieu des années 1980, les médecins ont traité les patients à l’aide d’allogreffes
de cellules souches hématopoïétiques (CSH) de moelle osseuse. Les cellules sont
prélevées chez des donneurs apparentés sains dont le groupe HLA (human leucocyte
antigen) est le plus proche possible de celui du patient. Seuls les patients présentant les
symptômes les plus graves, nécessitant plusieurs transfusions sanguines par semaine
étaient éligibles à ce traitement à cause des effets secondaires graves associés. Les risques
les plus importants étant : la non prise de greffe, la leucémie, la maladie du greffon versus
l’hôte (GVHD : graft versus host disease) et des infections secondaires à l’aplasie médullaire
initiale (9). En 1998, alors que les protocoles de greffes de CSH de moelle osseuse
commencent à être maitrisés, un patient reçoit une greffe de CSH issues d’un sang de
cordon ombilical. Cette greffe fut réalisée en raison de la sévérité de la maladie et du
manque de donneur HLA compatible. Le patient fut déclaré guéri un an après la greffe et
13
des études ont démontré que les CSH issues de sang de cordons ombilicaux provoquaient
moins de GVHD, mais qu’elles ne pouvaient être utilisées que chez les enfants ou jeunes
adolescents en raison du nombre limité de cellules souches par prélèvement (10).
En conclusion, les avancés réalisées depuis 1904 ont permis de mieux connaître la
pathologie, de mettre au point une méthode efficace de dépistage et d’améliorer
considérablement la prise en charge des patients. Grâce à ces découvertes, une définition
précise de la maladie a pu être obtenue.
2. Définition
La drépanocytose est une hémoglobinopathie, autosomique récessive touchant la
production de l’hémoglobine impliquée dans le fonctionnement des hématies. Les
hémoglobinopathies sont classées en deux grandes familles :
Les quantitatives qui ont une production réduite en hémoglobine. La maladie majeure
de ce groupe est la thalassémie.
Les structurales qui sont définies par une production d’hémoglobine anormale
présentant une ou plusieurs mutations. La maladie majeure de ce groupe est la
drépanocytose.
Le mot drépanocytose est composé de deux mots grecs : « drepanon » qui signifie faucille
et « kutos » pour cellule. Cette maladie est donc caractérisée par la présence d’hématies
falciformes possédant une faible affinité pour l’oxygène. Cette modification des hématies va
entre autres impacter l’oxygénation des organes et provoquer des crises vaso-occlusives
sévères en cas d’activité physique intense et prolongée.
La drépanocytose est causée par une mutation du gène de la chaine bêta de l’hémoglobine
présent sur le chromosome 11. Cette mutation conduit à la production en quantité normale
d’hémoglobine mutée. La transmission de l’allèle S muté est mendélienne récessive, c’est-à-
dire qu’il faut que les deux allèles (celui venant du père et celui de la mère) soient mutés
pour déclarer la maladie. Ainsi, une personne, dont les deux parents sont porteurs sains
(AS), a 25% de risque d’être drépanocytaire (SS) et 25% de n’avoir aucun allèle muté (AA)
(Figure 1). Par contre si un des parents est drépanocytaire et l’autre porteur sain, alors la
probabilité que l’enfant soit malade est de 50%. De même si un des deux parents ne
possède pas d’allèle S, aucun enfant ne sera drépanocytaire.
14
Figure 1: Arbre généalogique présentant le génotype d'une famille porteuse de la mutation
responsable de la drépanocytose (gène S).
En vert : personne saine (AA), en orange : porteur sain (AS), en rouge : personne atteinte de
drépanocytose (SS).
Maintenant que nous avons une définition précise de la maladie, étudions sa répartition
géographique dans le Monde et en France métropolitaine.
3. Épidémiologie
a. Dans le monde
La drépanocytose fait partie des maladies acquises dès la naissance les plus répandues
dans le monde (11). Elle touche 276 000 naissances par an et concerne principalement
l’Afrique avec 233 000 nouveaux cas par an soit 10,68/1 000 nouveau-nés et à un plus faible
niveau le Proche et Moyen-Orient (0,84/1 000) et l’Asie équatoriale (0,68/1 000) (Tableau I).
15
Tableau I: présentation du taux de drépanocytose à la naissance et du nombre d’habitants
pour chaque région du monde (12).
Région du monde Population
(millions)
Naissance annuelle
(milliers)
Naissance drépanocytaire
(pour 1000 naissances)
Afrique 586 22 895 10,68
Amérique 853 16 609 0,49
Proche et Moyen
Orient 573 16 798 0,84
Europe 879 10 459 0,07
Asie 1 564 38 139 0,68
Asie pacifique et
Océanie 1 761 23 914 0,00
Monde 6 217 128 814 2,28
Cette répartition des patients (Figure 2) fait penser à l’incidence d’une autre maladie : le
paludisme (Figure 3). Le paludisme, avec un taux de mortalité entre 1 mois et 4 ans de
8,3/1000, est la 2ème cause de mortalité infantile en Afrique après les pneumonies
(13,2/1000) et avant les diarrhées (7,9/1000) (chiffres OMS année 2015 (13)). Le fort taux
de mortalité infantile du paludisme a, avec le temps, fait augmenter la proportion des
personnes possédant un allèle S muté et donc le nombre de patient drépanocytaire dans
ces territoires. En effet, les patients atteints de trait drépanocytaire ont moins de risque
d’être infectés par le Plasmodium responsable du paludisme et font moins d’infections
sévères que les patients possédant les deux allèles sauvages A (14,15). Cette protection
relative vis-à-vis de cette pathologie s’explique par deux processus (16) :
1. La déformation en forme de faucille des hématies infectées par le parasite.
2. La phagocytose des hématies falciformes par les leucocytes avant que le parasite
n’ait pu proliférer.
Ainsi, à l’échelle mondiale, la drépanocytose est très majoritairement localisée en Afrique
équatoriale en raison de sa protection relative vis-à-vis d’un parasite : le Plasmodium. Quelle
est l’incidence de la drépanocytose dans les Pays comme la France où le paludisme n’est
pas présent ?
16
Figure 2: Taux de Prévalence de l'hémoglobine S en Afrique (17).
Figure 3: Répartition des décès dus au paludisme dans le monde (en 2010).
b. En France
La drépanocytose est la maladie héréditaire la plus fréquente en France en concernant une
naissance sur 1836 en 2016 (outre-mer inclus) (Source : Bilan d’activité 2016 de
l’Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l’Enfant
(AFDPHE)). Son incidence dans la population générale n’est pas connue avec précision.
Seuls les chiffres liés aux hospitalisations et aux dépistages néonataux sont connus avec
17
précision. En 2009, 9.000 personnes ont été hospitalisées pour traiter une crise
drépanocytaire (rapport 2011 du ministère de la Santé). Le nombre de patients
drépanocytaires en France peut donc être estimé à plus de 10.000. Le nombre de patients
porteurs du trait drépanocytaire ne peut pas être estimé, car, étant asymptomatiques, ces
personnes ne font pas de crise drépanocytaire nécessitant une hospitalisation.
Les programmes de dépistage des enfants à risques, menés par l’AFDPHE, se sont
généralisés de 2006 à 2016 passant de 27% à 39,39% de nouveau-nés testés. Cette
augmentation a permis le diagnostic de 100 enfants supplémentaires. L’incidence globale de
la maladie en France métropolitaine est ainsi passée de 1/2789 en 2006 à 1/2088 en 2016
avec 356 naissances annuelles porteuses de la double mutation. De même, en 2016, 8172
enfants sont nés hétérozygotes avec un seul allèle muté.
La répartition de la maladie est inégale sur le territoire avec une forte incidence en Guyane
(1 naissance sur 206) où le paludisme est présent et une absence de nouveau cas à Saint
Pierre et Miquelon où le paludisme est absent. En métropole, la région la plus concernée,
représentant plus de 60% des cas, est l’Ile de France avec une incidence de 1/824 et la
moins concernée est la Corse avec aucun cas (Figure 4). Cette différence entre l’Ile de
France et le reste de la métropole s’explique par une proportion plus importante de
personnes originaires d’Afrique noire dans cette région.
Maintenant que nous connaissons la définition et l’histoire de la drépanocytose, nous allons
étudier ses conséquences sur la molécule au centre de la pathologie : l’hémoglobine.
18
Figure 4: Répartition géographique des enfants nés drépanocytaires (en rouge) ou
hétérozygotes (en bleu) en France métropolitaine en 2016.
En noir : l’incidence de la maladie par région (porteur homozygote). (Données issus du bilan
d’activité 2016 de AFDPHE paru le 16/10/2017)
19
B. Physiologie de l’hémoglobine
La drépanocytose étant une hémoglobinopathie, il est nécessaire de connaitre le rôle et la
structure de l’hémoglobine pour comprendre les conséquences des modifications apportées
par la pathologie. Dans un premier temps, nous étudierons l’hémoglobine du développement
normal de l’embryon à l’âge adulte, puis nous introduirons les différentes mutations portées
sur le gène codant sa chaine bêta.
1. Hémoglobine normale
a. Structure
L’hémoglobine est la protéine des hématies. Elle est formée de deux parties : une protéique
la globine et une non protéique : l’hème (Figure 5). Les quatre chaines de globines
présentes dans l’hémoglobine sont réparties en deux types différents : 2 font partie de la
famille alpha, codées par un cluster de gène présent sur le chromosome 16 et deux de la
famille bêta, codées par un cluster de gène présent sur le chromosome 11. Les chaines
d’hémoglobines sont retenues dans les hématies par les protéines de la membrane et du
cytosquelette. Ces protéines leurs donnent les propriétés physiques de déformabilité
nécessaires pour traverser les capillaires dont le diamètre est inférieur à la taille des
hématies. L’hémoglobine permet également par les atomes de fer présents sur les
molécules d’hèmes de fixer et de transporter l’oxygène.
Figure 5: Structure d'une molécule d'hémoglobine (18).
20
b. Composition de l’embryogénèse à la vie adulte
La composition et l’origine des hématies évoluent avec le développement de l’embryon en
Homme adulte afin de pouvoir assurer l’oxygénation de toutes les cellules de l’organisme
(Figure 6). Les premiers hémoglobines, présentes chez l’embryon, sont composées de 2
chaines epsilon et 2 chaines zêta. Cette hémoglobine est plus affine pour l’oxygène que la
forme adulte ce qui permet le transfert de ce dernier du sang de la mère à l’embryon.
À partir de 6 semaines après la conception, le foie et la rate fœtaux vont produire un
nouveau type d’hémoglobine : l’hémoglobine fœtale (HbF) alpha2gamma2. Cette
hémoglobine est plus affine pour l’oxygène que la forme adulte ce qui permet également le
transfert, au niveau du placenta, de l’oxygène du sang de la mère à celui du fœtus.
À la naissance, la moelle osseuse de l’enfant va produire les érythrocytes adultes qui sont
composés de deux types d’hémoglobines différentes que sont :
HbA composée de 2 chaines alpha et deux chaines bêta. Cette hémoglobine est
présente dans plus de 95% des hématies adultes.
HbA2, dont la composition est alpha2delta2, est présente dans 2 à 3% des hématies
adultes.
Figure 6: Site de l’hématopoïèse et expression des différentes chaines de l'hémoglobine au
cours du développement (19).
21
2. Hémoglobine drépanocytaire
a. HbS/S
C’est la mutation la plus fréquemment retrouvée chez les patients drépanocytaires. Elle est
caractérisée par la présence sur les deux chromosomes 11 du gène HbS. Ce gène est un
mutant de celui codant pour la chaine bêta de l’hémoglobine (HbA). Il existe un seul
nucléotide de différent entre les deux gènes : l’Adénine en position 17 qui devient une
Thymine. Cette mutation entraîne le remplacement, dans la protéine, de l'acide glutamique
en position 6 par de la valine.
Bien que l’HbS soit la mutation responsable de la drépanocytose, d’autres mutations
peuvent, quand elles y sont associées provoquer un syndrome drépanocytaire.
b. HbS/C
Les patients souffrant de la forme SC de la drépanocytose les SC sont double-
hétérozygotes pour une mutation de la beta globine, une responsable de production d'Hb S,
une responsable de la production d'Hb C. Cette dernière est caractérisée, comme pour HbS,
par une mutation ponctuelle du gène HbA au niveau du 6ème acide aminé. L’acide
glutamique devient ici une lysine.
La présence de l’HbC dans l’hématie stimule les transports ioniques membranaires et est à
l’origine d’une microcytose. Sa combinaison avec l’hémoglobine S est responsable d’une
forme modérée de la maladie drépanocytaire.
c. HbS/Thal
Les patients atteints de ce type de drépanocytose présentent sur un chromosome 11 la
mutation HbS et sur l’autre chromosome une bêta thalassémie (Thal). La thalassémie est
une maladie où l’hémoglobine n’est pas produite (Thal 0) ou produite sous une forme
normale mais en quantité faible (Thal +).
La sévérité de ce type de drépanocytose est fonction de la gravité de la thalassémie
associée. Si la thalassémie est faible, le patient souffrira d’une forme modérée de
drépanocytose avec jusqu’à 30% d’hémoglobine normale. Au contraire, en cas de
22
thalassémie 0, le patient ne produira pas d’HbA et aura le même phénotype que ceux
souffrant de la forme S/S.
d. Les autres formes d’hémoglobines mutées
i. HbS/D-Punjab
Les patients souffrant de la forme S/D Punjab de la drépanocytose possèdent deux
mutations différentes du gène HbA. Le gène HbS est présent sur le premier chromosome et
le gène HbD Punjab sur le second. Ce dernier est caractérisé par une mutation ponctuelle
du gène HbA au niveau du 121ème acide aminé : la glutamine devient de l’acide glutamique.
Ce type de drépanocytose est principalement présent en Inde. Les symptômes sont
similaires à ceux de la forme S/S avec un plus fort risque d’hémolyse. Ce phénomène
s’explique par la capacité de l’HbD à augmenter la polymérisation de HbS et donc la
falciformation des érythrocytes (20).
D’autres variants de l’hémoglobine D, moins rependus, existent : Hb D-Agri, Hb D-Bushman,
Hb D-Ouled Rabah, Hb D-Iran, Hb D-Granada, Hb D-Ibadan et Hb D-Neath. Ils ont un
phénotype similaire à celui de Punjab mais comportent des mutations différentes.
ii. HbS/E
L’hémoglobine E est principalement présente en Asie du Sud-est et se caractérise par une
mutation au niveau de 26ème triplet du gène de l’HbA. Cette mutation engendre le
remplacement de la glutamine par une lysine et provoque l’apparition, sur l’ARN (acide
ribonucléique) messager, d’un site alternatif d’épissage. Ce dernier est à l’origine d’une β-
thalassémie modérée. La clinique des patients souffrant de la double mutation HbS/HbE est
similaire à ceux souffrant de la forme HbS/βThal+.
Comme nous venons de le voir, il existe différents génotypes pour la drépanocytose et ils ne
sont pas tous associés au même phénotype. Les formes les moins graves produisent
encore un peu d’hémoglobine A alors que les plus sévères produisent quasi exclusivement
de l’hémoglobine mutée (Tableau II). Intéressons-nous désormais aux méthodes
diagnostiques et à la clinique de la maladie.
23
Tableau II: proportion en % de chaque type d'hémoglobine pour les génotypes
drépanocytaires les plus fréquents ainsi que pour le trait drépanocytaire et le génotype sain.
(21).
condition génotype HbA HbS HbC HbF HbA2
normale A/A 95-98 0 0 <1 <3,5
Trait
drépanocytaire A/S 50-60 35-45 0 1-3 <3,5
drépanocytose
S/S 0 85-90 0 2-15 <3,5
S/C 0 45-50 45-80 1-8 <3,5
S/Thal + 5-30 65-90 0 2-10 >3,5
S/Thal 0 0 80-92 0 2-15 >3,5
24
C. Diagnostic
Comme nous venons de le voir, il existe différents types de drépanocytose. Pour pouvoir
prendre en charge efficacement les patients, il est nécessaire d’adapter les protocoles de
prise en charge aux risques associés à chaque type. Pour ce faire, le personnel soignant a à
sa disposition différentes méthodes de diagnostic : allant du diagnostic
clinique/symptomatique au diagnostic néonatal (22).
1. Diagnostic clinique
a. Clinique du trait drépanocytaire
Les patients atteints de trait drépanocytaire sont des porteurs hétérozygotes aux gènes de
l’HbS. Ils sont également appelés porteurs sains, car ils ne présentent pas les symptômes
cliniques de la maladie. Des études ont été réalisées sur cette population afin de connaitre
les risques cardiaques encourus en cas d’exercices physiques. Les résultats ont conclu à
l’absence de différence significative avec les patients porteurs d’aucune mutation de
l’hémoglobine (23,24).
Les patients porteurs sains, étant asymptomatiques, n’ont besoin d’aucune prise en charge
médicale particulière proprement dite. Les seules consultations médicales qu’ils devront
réaliser seront pour du conseil génétique afin de minimiser le risque d’engendrer des enfants
drépanocytaires.
b. Principaux symptômes cliniques de la drépanocytose
Les symptômes cliniques de la drépanocytose sont secondaires à l’hémolyse chronique et
aux crises vaso-occlusives intermittentes qui provoquent des ischémies transitoires. Ces
deux causes sont responsables de dysfonctions multi-organes dont la sévérité est patient-
dépendante (Figure 7).
25
Figure 7: Schéma bilan de la clinique drépanocytaire.
Figure traduite en français (25).
i. La crise vaso-occlusive
La crise vaso-occlusive (CVO) est la complication aiguë la plus fréquente chez les patients
drépanocytaires. Elle est causée par l’agglutination des hématies falciformes dans les
vaisseaux sanguins et est secondaire à différents facteurs de risque comme :
L’hypoxémie et l’acidose qui favorisent la forme falciforme des hématies.
La déshydratation qui diminue la fluidité du sang.
La CVO s’accompagne de douleurs extrêmement fortes, d’apparitions plus ou moins
brutales et prolongées dans le temps. Les douleurs sont provoquées par des lésions
secondaires à un phénomène d’occlusion microvasculaire touchant préférentiellement la
moelle osseuse, la rate, le foie, le cerveau, les poumons et les reins (22).
Le syndrome pieds-mains de l’enfant de moins de 2 ans (ou dactylite) est également une
conséquence de la CVO. Il se caractérise par un œdème inflammatoire des extrémités
26
accompagné de douleurs, d’atteintes osseuses et de lésions musculaires ou tendineuses. Il
est à l’origine d’une tuméfaction du dos, des pieds et/ou des mains et d’une impotence
fonctionnelle en raison de la douleur associée.
ii. L’anémie
L’anémie est définie comme étant une diminution de la quantité d’hémoglobine dans le sang.
Elle se traduit par une fatigue excessive et une sensation de faiblesse générale quand elle
est modérée et par un essoufflement associé à une tachycardie (accélération du rythme
cardiaque) quand elle est plus sévère. L’anémie chronique est généralement bien tolérée et
est symptomatique qu’à l’effort (plus ou moins intense selon le taux d’Hb circulant). Un ictère
(coloration jaune de la peau et des muqueuses) peut également apparaître en cas
d’hémolyse importante.
L’anémie drépanocytaire peut être de deux types différents :
Une anémie hémolytique régénérative secondaire à la CVO et à une séquestration
splénique des hématies falciformes.
Une anémie arégénérative suite à une infection par le parvovirus B19 qui inhibe la
production d’hématie par la moelle osseuse.
L’anémie la plus courante est l’hémolytique. Elle se caractérise par un taux d’hémoglobine
circulante de 2g/dL inférieur à la normale (13 à 17g/dL pour un homme) (26). Elle est
aggravée par le froid, qui provoque une vasoconstriction périphérique source de CVO, et par
l’activité physique, qui fait augmenter la consommation d’oxygène par l’organisme et donc la
falciformation des hématies.
iii. Le syndrome thoracique aiguë
Le syndrome thoracique aiguë est la première cause de mortalité chez les patients
drépanocytaires ayant accès à un traitement (27). Il est défini par la présence d’un infiltrat
radiologique pulmonaire (Figure 8). Il est généralement associé à des symptômes des voies
respiratoires comme la dyspnée et la toux, mais aussi de douleur à la poitrine et de fièvre.
Le syndrome thoracique aiguë peut être secondaire à la CVO, à une pneumonie ou à une
embolie pulmonaire (22).
27
Figure 8: Radiographie du thorax montrant des infiltrats alvéolaires prédominant aux bases,
accompagnés d'un possible épanchement pleural à la base pulmonaire droite (28).
iv. La fièvre
La fièvre est un signe d’infections. Les infections sont la première cause de mortalité en
absence de traitements préventifs et sont principalement bactériennes. Chez l’enfant de
moins de 5 ans les bactéries majoritaires sont encapsulées comme Streptococcus
pneumoniae et Haemophilus influenzae. Après l’âge de 5 ans, les bactéries les plus
retrouvées sont les bacilles gram négatifs comme Klebsiella spp. et Escherichia coli.
L’hospitalisation et l’utilisation de cathéter, dans le traitement du syndrome thoracique aiguë,
est également une source de contamination bactérienne par des coccis gram positif,
principalement Staphylococcus aureus (29).
Afin de limiter les infections, les patients drépanocytaires doivent être à jour dans leurs
vaccinations et prendre de la pénicilline comme traitement préventif.
28
v. Le priapisme
Le priapisme est une érection violente, prolongée, souvent douloureuse, née sans
stimulation sexuelle et n’aboutissant à aucune éjaculation. Il touche près de la moitié des
hommes drépanocytaires et peut être à l’origine d’impuissance définitive (30).
C’est essentiellement le corps caverneux qui est touché par le priapisme, le corps spongieux
plus rarement. Ce symptôme est dû à une crise vaso-occlusive dans le corps caverneux, ce
qui provoque un défaut de drainage veineux et donc une stase sanguine. En l’absence de
traitement, le priapisme peut provoquer une nécrose du muscle érectile du pénis.
vi. Les Accidents Vasculaires Cérébraux
La survenue d’Accidents Vasculaires Cérébraux (AVC) concerne plus de 20% des enfants
drépanocytaires et est la principale cause d’atteinte neurologique de la maladie. Les AVC
sont responsables d’une morbi-mortalité très importante et provoquent des séquelles
neurologiques et psychomotrices (31).
Différents facteurs de risques sont associés aux AVC (32) :
Une oxygénation faible de l’encéphale suite à une anémie ou à une désaturation de
l’hémoglobine.
La présence d’une vasculopathie, ralentissant le flux sanguin cérébral.
La fièvre, qui augmente le métabolisme cérébral.
Les facteurs de risque cardio-vasculaire usuels (hypertension, diabète, dyslipidémie
par exemple).
Un antécédent d’infarctus cérébral augmente le risque d’être sujet à un nouvel AVC
Une augmentation rapide de l’Hb circulante (>12g/dL) suite à une transfusion
sanguine.
Comme nous venons de le voir, le diagnostic clinique n’est pas toujours évident et se
caractérise principalement par des symptômes non spécifiques (douleurs, anémie,
infection). Pour établir un diagnostique définitif, le personnel soignant sera amené à
effectuer d’autres tests : les tests biologiques.
29
2. Diagnostic biologique
La méthode de référence pour le diagnostic de la drépanocytose est actuellement
l’isoélectrofocalisation (33). Afin de quantifier de manière précise tous les types
d’hémoglobine, la société française de biologie clinique recommande d’effectuer 3 tests
phénotypiques distincts, dont au moins une technique électrophorétique.
Deux tests phénotypiques seront choisis parmi les suivants pour mettre en évidence l’HbS :
Le test d’Itano : l’hémoglobine est placée dans un milieu réducteur à forte
concentration saline. Dans ces conditions, seul l’HbS précipite et la turbidité de la
solution est proportionnelle à la quantité d’HbS (test quantitatif).
La focalisation isoélectrique : technique de séparation basée sur la migration des
protéines sur un gel comportant un gradient de pH. Après migration, la position des
protéines sur le gel est fonction de leur point isoélectrique.
L’électrophorèse de l’Hb à pH alcalin ou acide.
La chromatographie liquide hautes performances en phase inverse des chaînes de
globine.
Afin de quantifier de manière précise l’HbA2, on utilisera un troisième test qui peut être :
La chromatographie liquide hautes performances par échange de cations.
L’électrophorèse capillaire.
D’autres tests biologiques peuvent également être réalisés :
Le test d’Emmel pour orienter le diagnostic. Sur une lame, du sang est mélangé à
une solution composée de métabisulfite de sodium à 2% qui consomme l’oxygène du
milieu. Après 10 minutes, les hématies drépanocytaires deviennent falciformes. Ce
test est qualitatif et non quantitatif.
L’étude génotypique de l’hémoglobine pour connaître avec précision le type de
drépanocytose.
L’hémogramme complet avec la numération des réticulocytes pour suivre l’évolution
de l’anémie.
Le groupage sanguin complet nécessaire à la mise en place des protocoles de
transfusion sanguine.
30
3. Dépistage néonatal
Le dépistage néonatal est réalisé, dès 3 jours de vie, sur les enfants à risques de
développer la drépanocytose. Une goutte de sang est prélevée sur le talon de l’enfant, est
séchée sur la feuille de prélèvement et est envoyée au centre de dépistage le plus proche
(annexe 1). Une fois arrivé dans le laboratoire, le sang sera remis en suspension et une
focalisation isoélectrique sera réalisée afin de séparer et de caractériser les différents types
d’hémoglobine.
Les enfants à risque, comme défini par l’Association Française pour le Dépistage et la
Prévention des Handicaps de l’Enfant (AFDPHE) sont ceux :
Ayant 2 parents originaires d’une région à risque
Ayant 1 parent originaire d’une région à risque et le second non connu
Ayant des antécédents familiaux de syndrome drépanocytaire majeur
Pour lesquels il existe un doute pour un des trois points précédents.
Les régions à risques sont quant à elles définies comme étant :
Les départements français d’outre-mer
L’Afrique subsaharienne et le Cap-Vert
Amérique du Sud (Brésil) et noirs d’Amérique du Nord
Inde, océan indien, Madagascar, Ile Maurice, Comores
Afrique du Nord : Algérie, Tunisie, Maroc
Italie du Sud, Sicile, Grèce, Turquie
Moyen-Orient : Liban, Syrie, Arabie Saoudite, Yémen, Oman.
Après avoir vu les symptômes et méthodes diagnostiques de la drépanocytose, intéressons-
nous à son traitement.
31
D. Prise en charge
1. Traitement symptomatique
L’ensemble des données proviennent des recommandations 2005 de la HAS (34).
a. Traitement des crises vaso-occlusives
Le traitement recommandé pour les CVO est à base d’antalgiques et de réhydratation. Les
antalgiques de palier 1, (paracétamol, anti-inflammatoires non stéroïdien) seront les
premiers utilisés par le patient, puis en cas d’échec, il passera au palier 2 (paracétamol +
codéine). Si la douleur persiste, le patient sera hospitalisé et un antalgique de palier 3
(morphine) pourra être prescrit. Une oxygénothérapie peut être proposée en cas de
désaturation mais n’est pas systématique.
b. Traitement des anémies aiguës
La transfusion sanguine est le seul traitement de l’anémie. Si l’anémie est due à une
séquestration splénique aiguë, une splénectomie peut être réalisée en cas de récidive.
c. Syndrome thoracique aiguë
Le traitement comprend :
Une transfusion sanguine ou un échange transfusionnel.
La prise d’antalgique.
Une hydratation.
Une antibiothérapie large spectre active sur les bactéries intracellulaires et sur le
pneumocoque (macrolides et céfotaxime ou ceftriaxone).
Une oxygénothérapie.
Une spirométrie incitative.
Le traitement par bêta mimétique n’est pas systématique.
d. Traitement des infections
En cas de suspicion d’infection, un traitement probabiliste doit être mis en place avant les
résultats des cultures bactériologiques. Les antibiotiques doivent être bactéricides, de large
spectre, adaptés aux sites infectieux et actifs sur les pneumocoques à sensibilité diminuée à
32
la pénicilline. Si le patient à moins de 3 ans ou une fièvre de plus de 39,5°C ou un
antécédent de septicémie, il sera immédiatement hospitalisé et sera traité en urgence par
céfotaxime ou ceftriaxone en parentéral.
e. Le priapisme
Il n’existe à ce jour aucun traitement qui puisse diminuer la fréquence de ce symptôme (30).
Le patient doit s’hydrater et tenter d’uriner pour faire passer le priapisme. En cas d’échec,
les alpha-stimulants seront utilisés. Si le patient ne répond toujours pas au traitement, la
ponction intra-caverneuse puis plus exceptionnellement la chirurgie avec la pose d’un shunt
caverno-spongieux seront réalisées.
2. Traitement spécialisé
a. Transfusion sanguine
Il existe deux méthodes de transfusion sanguine : la transfusion simple et l’échange
transfusionnel. Dans cette dernière, le sang du patient est prélevé et remplacé par du sang
provenant d’un donneur sain afin de maintenir la volémie constante tout en faisant diminuer
le taux d’HbS.
Les indications de la transfusion simple sont :
L’anémie aiguë.
Le syndrome thoracique aigu sans défaillance viscérale associée et avec un taux
plasmatique en hémoglobine <9g/dl.
Les indications de l’échange transfusionnel sont :
Les autres syndromes thoraciques aigus.
Les AVC.
Les crises douloureuses hyperalgiques résistantes à la morphine.
La préparation à une chirurgie nécessitant une anesthésie générale.
Le priapisme résistant au drainage et à l’injection d’étiléfrine .
Les indications des programmes chroniques d’échange transfusionnel sont :
La prévention primaire ou secondaire de l’accident vasculaire cérébral.
La prévention secondaire de l’hémorragie intracérébrale.
L’échec de l’hydroxyurée.
33
b. Hydroxyurée
L’hydroxyurée (également appelé hydroxycarbamide) est utilisée chez les patients atteints
de drépanocytose afin d’augmenter les concentrations en hémoglobine fœtale. Le
mécanisme d’action de la molécule n’est pas connu avec précision. Il a récemment été
démontré que l'hydroxyurée conduisait à la formation d'oxyde nitrique qui semble stimuler la
production de guanosine monophosphatase cyclique (GMPc), responsable de l’activation
d’une protéine kinase et de l’augmentation de la production d'HbF. Cette production d’HbF
permet de faire baisser les concentrations en HbS et d’augmenter la déformabilité des
hématies. L’hydroxyurée possède également un effet myéloablatif. Cette propriété lui permet
de faire diminuer les concentrations sanguines en polynucléaires neutrophiles ; diminution
conduisant à la réduction de la fréquence des crises drépanocytaires (35).
L’hydroxyurée est indiquée pour les patients ayant eu :
Plus de 3 crises vaso-occlusives ayant nécessité une hospitalisation par an.
Plus de 2 syndromes thoraciques aigus.
Les risques de ce traitement sont principalement :
Nausée et vomissement responsables de déshydratation.
Aplasie médullaire plus ou moins prononcée.
Azoospermie et infertilité chez la femme.
Tératogénicité donc nécessité d’une contraception efficace.
c. Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques
Les cellules souches hématopoïétiques sont des cellules non adhérentes, reparties dans
des niches (Moelle Osseuse, sang de cordon ombilical). En fonction des stimuli qu’elles
reçoivent, elles ont la capacité de s’auto-renouveler et de se différencier vers toutes les
lignées de l’hématopoïèse (lymphoïdes ou myéloïdes). Elles sont une cible de choix pour la
thérapie génique, car elles assurent l’hématopoïèse en produisant tous les éléments figurés
du sang.
L’allogreffe de CSH (issues de moelle osseuse ou de sang placentaire intra-familial) est le
seul traitement vraiment curatif de la drépanocytose à ce jour. Actuellement, elle offre 95 %
de chance de « guérison » lorsqu’elle est réalisée durant l’enfance à partir d’un donneur HLA
identique de la fratrie (33). Elle est réservée aux patients souffrant d’une forme grave de la
34
maladie et pour lesquels il existe un donneur HLA compatible (généralement familial). Les
indications à cette greffe sont :
L’existence d’une vasculopathie cérébrale.
La récidive d’un syndrome thoracique aigu ou d’une crise vaso-occlusive malgré le
traitement par l’hydroxyurée.
Les risques liés à ce traitement ne sont pas négligeables. Les patients ayant déjà une santé
fragile en raison de leur maladie doivent subir une myéloablation. Ce conditionnement d’en
moyenne 10 jours est réalisé grâce à une chimiothérapie associée ou non à une
radiothérapie. Les patients ayant supporté le conditionnement et les effets secondaires de la
chimiothérapie peuvent alors être greffés. La greffe a lieu en chambre stérile afin d’éviter
tout risque d’infection. À ce moment-là, deux risques sont encore possibles : le rejet de la
greffe (devenu très rare grâce au conditionnement) et la maladie du greffon contre l’hôte
(GVHD) où les cellules immunitaires présentes dans le greffon vont s’attaquer aux cellules
saines du patient (prévenu par l’utilisation d’immunosuppresseurs post greffe) (36).
Comme nous venons de le voir, la drépanocytose est une maladie génétique possédant une
forte morbi-mortalité. Le seul traitement à ce jour est l’allogreffe de cellules souches
hématopoïétiques provenant de la moelle osseuse. Malheureusement, ce traitement ne peut
être administré à tous les patients, en raison d’effets secondaires très importants et du
manque de donneurs compatibles. Afin d’améliorer la prise en charge des patients, un
nouveau traitement est à l’étude : la greffe de cellules souches hématopoïétiques
autologues (provenant du patient lui-même). Cette méthode nécessite la correction des
cellules ex vivo avant de les réinjecter au patient ; correction rendue possible grâce à un
nouvel outil thérapeutique : la thérapie génique.
35
II. La thérapie génique
36
A. Généralité
Pour pouvoir fabriquer les protéines nécessaires à son fonctionnement, la cellule met en
place un processus faisant intervenir différents constituants. Le premier impliqué est contenu
dans le noyau cellulaire: l’ADN. Les gènes sont des fragments d’ADN comportant toutes les
informations utiles pour la production des protéines. Une modification des gènes, appelée
mutation, peut conduire à l’apparition de protéines anomales (en structure et/ou en quantité)
à l’origine de maladie génétique.
La thérapie génique, contrairement à l’injection de protéines recombinantes, est un
traitement curatif des maladies génétiques. Cette méthode vise à corriger les mutations de
l’ADN ou à modifier l’expression du gène impliqué. Pour ce faire, des acides nucléiques
(ADN ou ARN) sont délivrés dans les cellules porteuses de l’anomalie.
La thérapie génique, modifiant le génome cellulaire, ne peut être pratiquée sur toutes les
cellules de l’organisme. En effet, son utilisation sur les cellules germinales (nécessaire à la
reproduction) humaines est interdite en raison du risque de transmission de la modification
aux générations futures (Partie IV de l’Annexe I de la Directive 2003/63/EC relative aux
médicaments à usage humain). Seules les cellules somatiques peuvent être traitées. Il
existe différents types de cellules somatiques allant des cellules matures aux cellules
multipotentes capables de régénérer un tissu entier (exemple des cellules souches
hématopoïétiques). Les cellules capables de se multiplier (auto-renouvellement) et de se
différencier en au moins un type cellulaire mature sont appelées cellules souches. Pour
optimiser les effets de la thérapie génique, ce sont elles qui seront traitées.
37
B. Les objectifs de la thérapie génique
La thérapie génique a pour objectif de produire les protéines fonctionnelles en modifiant le
génome. Pour ce faire, différentes méthodes peuvent être employées comme la
modification, l’inhibition ou l’ajout d’un nouveau gène.
1. La modification d’un gène
La modification des gènes consiste à utiliser une séquence d’ADN ou d’ARN afin de corriger
une anomalie génétique. Plusieurs techniques peuvent être utilisées : CRISPR (clustered
short palindromic repeats), TALEN (transcription activator-like effector nucleases) et ZFN
(zinc finger nuclease) sont les plus courantes. Toutes fonctionnent sur le même principe :
l’ADN double brin est coupé au niveau du gène muté, puis le gène est corrigé ou remplacé
par recombinaison homologue à l’aide d’une séquence témoin.
a. La méthode ZFN
Les enzymes en doigt de zinc (ZFN) sont des enzymes de restriction qui coupent l’ADN
dans un locus spécifique. La ZFN est formée de deux molécules : une se fixant dans le sens
5’ 3’ et l’autre dans le sens 3’ 5’. Chacune possède deux parties : un domaine de
liaison à l’ADN et un domaine de clivage de l’ADN (une nucléase). Grâce à leurs actions
synergiques, l’enzyme est capable de couper la double chaine d’ADN à un endroit précis et
peut activer les mécanismes cellulaires de réparation homologue de l’ADN (Figure 9).
Malheureusement, en l’absence de séquence d’ADN témoin, seul la recombinaison non
homologue peut avoir lieu, ce qui conduit généralement à la suppression de nucléotides. Il
existe également, avec cette méthode, une forte cytotoxicité en raison de la présence de
séquence similaire à la séquence cible dans le génome (37).
38
Figure 9: Présentation du fonctionnement des ZFN.
Les molécules pénètrent dans le noyau (nucleus) de la cellule, puis se fixent sur le gène de
part et d’autre du point de coupure. La double hélice d’ADN est ensuite coupée (cleavage)
(DSB : coupure double brin) par les nucléase (N). Le plasmide comprenant le gène témoin non
muté est reconnu grâce aux séquences homologues (HA). La cassure est ensuite réparée par
homologie (HDR) (38).
b. La méthode TALEN
La méthode TALEN fonctionne comme la méthode ZNF, seule la molécule de liaison à
l’ADN diffère. Ici, le domaine se liant à l’ADN est composé de minimum 11 unités de
répétition (39) composées de 24 acides aminés chacune. Toutes les unités ne diffèrent entre
elles que par deux résidus : ceux en positon 12 et 13. C’est cette différence qui détermine le
nucléotide qui peut être reconnu par chaque unité. De plus, pour que le TALEN soit efficace,
le premier nucléotide reconnu doit obligatoirement être une thymine.
39
c. La méthode CRISPR
Cette méthode fonctionne comme les précédentes. Deux molécules sont nécessaires à son
utilisation :
CRISPR qui comporte la séquence d’ARN utilisée pour la liaison avec l’ADN
et Cas 9 qui est l’endonucléase permettant la coupure double brin de l’ADN.
Le domaine de liaison à l’ADN appelé « target » est généralement composé d’une vingtaine
de nucléotides et doit obligatoirement se trouver à côté d’une région spécifique appelée
PAM pour Protospacer Adjacent Motif. La région PAM est nécessaire pour la réalisation de
la coupure double brin et sa séquence est dépendante du variant cas 9 choisi (40).
Après s’être fixé à la séquence cible du génome, le complexe CRISPR-CAS va couper la
double chaine d’ADN. Cette coupure va être détectée par la cellule qui va tenter de la
réparer. Pour ce faire, la cellule à deux possibilités (Figure 10) :
Faire une réparation par homologie de séquence. Pour ce faire, la cellule utilise une
séquence d’ADN témoin homologue à la séquence coupée pour réparer la cassure.
Avec cette méthode, il est possible de corriger une mutation en administrant à la
cellule une version corrigée du gène. Ainsi, en réparant la cassure, la cellule copiera
la séquence témoin et corrigera la mutation ponctuelle présente sur le gène.
Faire une réparation non homologue. Dans cette situation, la cellule va se contenter
de refusionner les deux séquences d’ADN. Cette fusion n’étant pas parfaite, va
entrainer l’apparition d’insertions ou de délétions de nucléotides. Ces modifications
seront à l’origine de la production d’une protéine inactive. De plus, en ajoutant ou
retirant des nucléotides, la réparation provoque un décalage dans la lecture de la
séquence ce qui peut provoquer l’apparition d’un codon STOP prématurément et
donc inactiver le gène.
40
Figure 10: Méthodes de réparation de l'ADN suite à une coupure double brin induite par la
méthode CRISPR.
2. La modulation de l’expression d’un gène
Il est possible de modifier l’expression d’un gène sans modifier sa séquence. Un gène est
considéré comme inhibé quand la cellule n’est plus capable de synthétiser la protéine qu’il
code. Pour ce faire, différentes méthodes peuvent être utilisées comme l’inhibition de l’ARN
messager ou de sa traduction en protéine.
a. ARN interférent
Micro-ARN :
Ce sont des ARN endogènes, non codants, de 20 à 25 nucléotides capables de se lier à
l’ARN messager afin de le détruire par clivage. Si la complémentarité entre les séquences
du micro-ARN et de l’ARN messager n’est pas totale, le micro ARN ne pourra pas dégrader
l’ARN messager, mais restera fixé dessus et inhibera sa traduction en protéine (41).
Les petits ARN interférents (siARN) :
Les siARN sont de petits fragments d’ARN synthétiques doubles brins de 20 à 23
nucléotides. Ils sont capables d’induire le clivage de l’ARN messager en s’y liant par
41
homologie de séquence. Les siARN ne peuvent directement être synthétisés par la cellule
(42). À la différence des micro-ARN, les siARN dégradent toujours les ARN messager sur
lesquels ils se fixent.
Les ARN en épingle à cheveux (shARN) :
Les shARN sont de petits fragments d’ARN synthétiques en forme d’épingle à cheveux.
Cette molécule est formée de deux séquences d'ARN de 19 à 22 paires de bases reliées
par une boucle de 4 à 11 nucléotides. Tous comme les précédents, les shARN sont
capables d’induire le clivage de l’ARN messager en s’y liant par homologie de séquence.
Elles peuvent également intégrer le génome cellulaire pour être transcrites en siARN et
dégrader l’ARN messager (43).
b. Ribozymes et déoxyribozymes
Les ribozymes et les déoxiribozymes sont des acides nucléiques (respectivement ARN et
ADN) capables de couper spécifiquement certains ARN messager. À la différence des ARN
interférents, ces molécules n’ont pas besoin des enzymes de la cellule pour fonctionner.
Elles sont composées de deux parties (Figure 11) : une séquence de liaison à l’ARN et une
boucle catalytique nécessaire pour couper l’ARN messager. Deux nucléotides doivent
obligatoirement être présents dans la boucle catalytique pour qu’elle soit active : la guanine
en position 5 et adénine en position 14 (44).
Figure 11: Structure d'une molécule de ribozyme (45).
En vert : la séquence complémentaire à l’ARN messager à couper, en rouge les nucléotides
nécessaires à l’activité de la molécule et en noir la boucle catalytique. Légende : X :
nucléotide, A : Adénine, G : guanine, U : uracile, C : Cytosine.
42
3. L’ajout d’un gène
L’ajout de gêne consiste à insérer un nouveau gène (appelé transgène) dans le génome ou
dans le noyau de la cellule cible. L’expression du transgène par la cellule, va lui permettre
de produire une protéine « médicament ». Cette dernière devra posséder les mêmes
propriétés que la protéine qui faisait défaut à la cellule. Cette méthode est donc celle
privilégiée pour le traitement des maladies causées par l’absence ou la très faible
expression d’une protéine.
Quand le transgène ne s’insère pas dans le génome, il se comporte comme un épisome. Sa
réplication est alors indépendante du cycle cellulaire et il peut être perdu lors des divisions
cellulaires.
L’intégration du transgène dans le génome cellulaire peut avoir différents effets selon sa
localisation :
1. Dans l’hétérochromatine, le transgène ne sera pas exprimé.
2. Dans l’euchromatine, entre les gènes, le transgène sera exprimé normalement sans
impacter les autres gènes.
3. Dans une région régulatrice, l’expression du transgène et celle des gènes
environnants peuvent être dérégulées.
4. Dans la région transcrite d’un gène peut conduire à la synthèse d’une protéine mutée
non fonctionnelle.
Il est crucial de pouvoir contrôler les sites d’insertion du transgène avant de l’utiliser en
clinique, car les situations 3 et 4 peuvent conduire à l’apparition de tumeur. Pour ce faire,
différentes méthodes de transduction cellulaire ont été mises en place.
43
C. Les modalités d’administration
Il existe deux méthodes pour transduire les cellules cibles : la méthode in vivo et ex vivo
(Figure 12). Ces méthodes diffèrent principalement par le lieu où se déroule la transduction
cellulaire.
Figure 12: Comparaison des stratégies de thérapie génique : in vivo, où les cellules sont
directement modifiées dans l’organisme et ex vivo avec des cellules modifiées avant injection
au patient.
1. La thérapie génique ex vivo
Cette méthode est très répandue dans les protocoles de thérapie génique, car elle peut être
suivie et contrôlée durant tout le procédé de production. Elle consiste à mobiliser les cellules
d’intérêts, à les prélever, à les mettre en contact avec le transgène puis à les réinjecter au
patient. Cette méthode permet de s’assurer que seules les cellules cibles (que l’on a isolé au
préalable) sont transduites, qu’elles ont bien intégré le transgène dans leur génome et
qu’elles l’expriment. Pour ce faire, la méthode est généralement couplée à une
immunosélection des cellules afin d’obtenir une population cellulaire homogène, à une
quantification du nombre de copies de gène intégrées et à un dosage de la protéine
thérapeutique.
IN VIVO
Injection par voie systémique ou
locale
Prélèvement des cellules souches du
patients
Vecteur thérapeutique
EX VIVO
Correction des cellules in vitro
Réinjection des cellules corrigées
ADN liposomal
ADN nu
Vecteur viral
44
Il existe trois contraintes principales à cette technique :
La difficulté à extraire les cellules cibles.
La différenciation des cellules cibles lors du procédé de fabrication.
Le nombre limité de cellules réimplantables après la correction.
Les cellules utilisées devront donc être choisies en prenant en compte ces contraintes et
devront être manipulées en un minimum de temps afin de conserver leurs propriétés. Cette
technique pourra être mise en place que si les cellules peuvent être manipulées ex-vivo.
2. La thérapie génique in vivo
Quand les cellules cibles ne peuvent être prélevées, cultivées, réimplantées ou si elles sont
disséminées dans tout l’organisme, la thérapie génique ex vivo ne peut être pratiquée. Dans
ces conditions, les thérapies géniques in vivo ou in situ seront mises en œuvre. Ces
techniques de transduction consistent à injecter le vecteur contenant le transgène
directement dans le corps de l’individu. Il peut être injecté dans la circulation sanguine (in
vivo) ou directement dans le tissu à traiter (in situ).
Les vecteurs utilisés in vivo doivent cibler spécifiquement les cellules que l’on souhaite
corriger et les infecter sans qu’il y ait eu de pré activation de celles-ci au préalable. Cette
méthode possède 2 limites principales: l’accès du vecteur aux cellules cibles (pas toujours
accessible dans les organes) et la spécificité du vecteur pour un type cellulaire précis. En
effet, un même transgène peut avoir des effets opposés en fonction de sa cible. Prenons le
cas d’un gène d’apoptose, il sera bénéfique pour le patient s’il touche les cellules
cancéreuses, mais délétère s’il est administré aux cellules saines.
La thérapie génique in situ est soumise au même problème de spécificité que la thérapie
génique in vivo à la différence que le vecteur est directement injecté dans les tissus, à
proximité des cellules cibles. Le fait que le vecteur ne soit pas injecté dans la circulation
générale protège les organes à distance de la zone d’injection, mais rend sa diffusion plus
difficile ; limitant son action à une petite zone très localisée. Cette méthode nécessite donc
plusieurs injections espacées dans l’espace afin de toucher un maximum de cellules et dans
le temps en raison du faible taux d’intégration du transgène.
Cette technique semble être un compromis entre les deux précédentes en se rapprochant
de la spécificité de la méthode ex vivo tout en se passant de prélèvement cellulaire. Cette
technique présente néanmoins des limites. Elle est moins stable dans le temps et ne peut
45
être employée que dans le cas de pathologies très localisées (exemples : tumeur solide non
métastatique, maladies oculaires, mucoviscidose).
Tableau III: Résumé des avantages et des limites des méthodes de thérapie génique
Avantages Limites
Thérapie ex vivo
Les cellules traitées sont isolées et caractérisées.
Contrôles qualité possibles avant réinjection.
Prélèvement des cellules souches.
Différenciation des cellules lors du processus.
Une faible proportion des cellules souches réinjectées réussissent à s’implanter en conservant leurs propriétés (ex : les CSH qui doivent réintégrer la moelle osseuse)
Thérapie in vivo
Pas de mobilisation cellulaire.
Conservation de la structure de l’organe cible (exemple : neurone).
Peut traiter des cellules disséminées dans tout l’organisme.
Vecteur non spécifique à 100%.
Accès difficile aux cellules par le vecteur.
Pas de contrôle du site d’insertion.
Thérapie in situ
Pas de mobilisation cellulaire.
Conservation de la structure de l’organe cible.
Action restreinte à une zone précise.
Vecteur non spécifique à 100%.
Pas de contrôle du site d’insertion.
Action restreinte à une zone précise.
Comme nous venons de le voir, il existe différentes méthodes pour transduire les cellules
(Tableau III), mais la technique de transduction ne se limite pas au choix de la méthode. Le
choix du vecteur transportant le gène médicament dans la cellule cible est également
primordial pour la sécurité du patient.
46
D. Les principaux vecteurs de transduction cellulaire
Un vecteur est une structure capable de transporter le transgène dans les cellules cibles,
pour y être exprimé.
Le vecteur de transduction cellulaire idéal doit pouvoir répondre à différents critères (46,47) :
Il doit pouvoir contenir une séquence relativement longue d’ADN ou d’ARN.
Il doit être spécifique aux cellules cibles.
Il doit protéger le transgène des nucléases.
Le transgène doit être intégré dans le génome hôte de toutes les cellules, même
quiescentes.
Il ne doit pas être oncogène, immunogène ou cytotoxique.
Il doit pouvoir exprimer ses effets thérapeutiques dès la première administration.
À ce jour, différentes méthodes de transfert des gènes ont été développées, mais aucune ne
répond à 100% à tous les critères. Il est donc important de connaître les différents vecteurs
à notre disposition afin de choisir celui qui correspond le mieux à nos attentes.
Cette partie va présenter les principales méthodes de transduction cellulaire qui pourraient
être retrouvées lors des essais cliniques (partie III). Elle ne se veut pas exhaustive.
1. Les vecteurs viraux
Les vecteurs viraux sont historiquement les plus utilisés dans les protocoles de transduction
cellulaire, car ils ont naturellement les capacités de transport d’ADN et d’internalisation
cellulaire. Il existe différents types de vecteurs viraux : les intégratifs et les non intégratifs.
Les vecteurs intégratifs sont les seuls à permettre une expression du transgène toute la vie
de la cellule, indépendamment du nombre de divisions cellulaires.
Les vecteurs viraux de thérapie génique sont des structures issues de virus inactivés. Afin
de rendre leur utilisation sûr pour le patient, tous les gènes nécessaires à la prolifération du
virus ont été délétés. Les gènes codant pour les protéines de surface ont également été
modifiés afin de les rendre non immunogènes et spécifiques à un type cellulaire donné. Ces
modifications importantes du génome viral permettent de conserver uniquement la structure
virale nécessaire à l’internalisation cellulaire tout en évitant leur dégradation par le système
immunitaire (48).
47
Pour fabriquer un vecteur viral idéal, trois étapes doivent être maitrisées :
La production, qui doit fournir un produit le plus pur et concentré possible.
La voie d’internalisation, en adaptant les molécules à la surface du vecteur avec les
récepteurs à la surface des cellules cibles.
Le(s) site(s) d’insertion du transgène dans le génome cible.
En pratique, les sites d’insertion du transgène sont rarement connus avec certitudes, car ils
dépendent du transgène, des séquences spécifiques de nucléotides entourant les sites
d'insertion, de l’étape du cycle cellulaire dans laquelle se trouve la cellule et de la structure
physique de l'ADN (49).
Intéressons-nous aux principaux vecteurs viraux et étudions leurs avantages et limites
respectifs.
a. Adénovirus
Les adénovirus sont des virus nus de la famille des adenoviridae. Leur génome est constitué
d’une molécule d’ADN double brin linéaire de 36 kilobases (kb) délimitées par des
séquences répétées inversées (inverted terminal repeats, ITR) (50). Ils présentent une
capside virale icosaédrique formée de bases du penton (aux sommets) et d’hexon (Figure
13).
Figure 13: Structure d'un adénovirus (50).
Des vecteurs issus de ces virus sont utilisés dans les protocoles de thérapie génique, car ils
sont faciles à produire et ont la capacité d’infecter un grand nombre de type cellulaire. Ces
48
vecteurs peuvent contenir un transgène de maximum 8 kb dans des cellules quiescentes
comme celles en division cellulaire.
Pour infecter les cellules, le vecteur se fixe par son domaine Knob au récepteur CAR
(coxsackievirus and adenovirus receptors) présent à la surface cellulaire (Figure 14). Une
fois la première liaison vecteur/cellule réalisée, des intégrines viennent se fixer sur les
groupements arginine–glycine–aspartate (RDG) présents sur les bases pentoniques de la
capside virale afin d’endocyter le vecteur (51). La membrane des endosomes est stabilisée
grâce à un manteau de clathrines présent sur la face cytoplasmique (52). La capside virale
est libérée dans le cytosol cellulaire après rupture de l’endosome par acidification de son
contenu. Le vecteur va migrer le long des microtubules jusqu’au noyau cellulaire où il
libérera son contenu génétique. Bien que le transgène soit importé dans le noyau cellulaire,
il ne sera pas intégré dans le génome et donc sera perdu lors des divisions cellulaires.
En plus d’être non intégratif, ce type de vecteur présente un autre inconvénient majeur qui
est sa grande immunogénicité cellulaire.
Figure 14: Schéma de transduction cellulaire des adénovirus
49
b. Les virus adéno-associés
Les virus adéno-associés (AAV) sont des virus nus, capsulés, de la famille des parvovirus
humains. Pour pouvoir se répliquer, les AAV nécessitent un virus « helper » (adénovirus ou
herpès simplex virus). Leur génome est constitué d’une molécule d’ADN simple brin support
de deux gènes obligatoirement présents : « rep » nécessaire à la réplication virale et à
l’intégration cellulaire et « cap » pour l’encapsidation. Ce type de vecteur peut transporter un
transgène de maximum 4,7kb.
Les vecteurs de cette famille ont la capacité d’infecter de nombreux types cellulaires en
étant peu immunogènes (53). Le schéma de transduction cellulaire des AAV est similaire à
celui des adénovirus. Le vecteur pénètre dans le cytosol cellulaire sous forme d’endosome.
Puis, après rupture, il est transporté jusqu’au noyau cellulaire où son ADN sera introduit.
L’ADN simple brin sera ensuite transformé en ADN double brin par la machinerie cellulaire
avant d’être intégré au génome cellulaire.
Les vecteurs AAV peuvent transduire à la fois les cellules quiescentes et en division, mais ils
doivent être utilisés à forte dose pour exprimer un effet thérapeutique car ils possèdent un
faible taux d’inclusion cellulaire (54). Ils sont intégratifs avec un site préférentiel d’intégration
appelé AAVS1 sur le chromosome 19 (55). L’existence d’un tel site permet de limiter
l’apparition de mutations insertionnelles dans le génome cible.
c. Rétroviridae
Cette famille de vecteur viral comprend 7 groupes : les alpha-rétrovirus, les bêta-rétrovirus,
les delta-rétrovirus, les gamma-rétrovirus, les epsilon-rétrovirus, les lenti-rétrovirus et les
spuma virus. Tous sont porteurs de 2 molécules d’ARN simple brin linéaire comprenant 3
gènes indispensables à leurs fonctions : « gag » qui code pour les protéines de structure,
« env » pour les glycoprotéines d’enveloppe et « pol » pour une reverse transcriptase et une
intégrase (Figure 15).
50
Figure 15: Structure d'un rétrovirus, exemple du lentivirus VIH-1 (56).
gp120 et gp41 sont les protéines d'enveloppe de ce sous-type cellulaire.
Pour infecter les cellules, les vecteurs rétroviraux se fixent à leurs récepteurs présents à la
surface cellulaire (Figure 16). Une fois la liaison vecteur/cellule réalisée, la membrane
cellulaire va fusionner avec l’enveloppe du vecteur et la nucléocapside va être libérée dans
le cytosol. La nucléocapside va disparaître en même temps que la reverse transcriptase va
convertir l’ARN en ADN double brin. Le transgène, une fois transformé en ADN va pénétrer
dans le noyau cellulaire par les pores (uniquement pour les lentivirus, les autres rétrovirus
doivent attendre une mitose pour être intégrés). Dans le noyau, l’intégrase va intégrer le
transgène au génome cellulaire.
Figure 16: Schéma de transduction cellulaire des rétrovirus.
51
Historiquement, les premiers rétrovirus utilisés en thérapie génique appartiennent au groupe
des gamma-rétrovirus. Ce sont des vecteurs intégratifs, capables de transduire uniquement
les cellules en division et pouvant transporter un transgène de maximum 8 kb. Ces vecteurs
sont très immunogènes et mutagènes (57). L’apparition de leucémies, chez des patients
ayant reçu des cellules souches traitées par ce type de vecteur, a mis un frein à leur
développement et a conduit les scientifiques à favoriser un autre groupe de rétrovirus : les
lentivirus.
Les vecteurs lentiviraux utilisés en thérapie génique sont dérivés du VIH-1 (Virus de
l’Immunodéficience Humaine de type 1) dont le génome sauvage comprend différents gènes
(Figure 17). Afin de sécuriser l’utilisation des vecteurs lentiviraux et de bloquer la réplication
virale, les deux gènes de régulation (Tat et Rev) essentiels à la réplication virale et les
quatre gènes codants pour les protéines accessoires (Nef, Vif, Vpu et Vpr) sont éliminés
(58). De plus, les vecteurs lentiviraux actuels (de 3ème génération) possèdent une délétion de
400 nucléotides dans la région U3 du promoteur viral LTR en 3’. Cette mutation auto-
inactivante (SIN) permet de produire des vecteurs en grande quantité sans modifier le taux
d’expression du transgène, mais en inhibant la réplication virale (59).
Figure 17: Représentation de la structure génomique provirale du VIH-1.
En bleu: l’amorce sens, en rouge et en vert: des amorces anti-sens, les encadrés représentent
la localisation des exons pour chaque gène (60).
Les vecteurs lentiviraux ainsi produits permettent de transduire à la fois les cellules
quiescentes et celles en division avec un risque moins important qu’avec les gamma-
rétrovirus de mutagenèse. Le transgène intégré a une taille maximale plus importante allant
jusqu’à 10 kb.
d. Herpès simplex virus
L’herpès simplex virus (HSV) est un virus enveloppé, capsulé dont le patrimoine génétique
est contenu dans une molécule d’ADN double brin de 150 kb. Il a la capacité d’infecter les
cellules quiescentes et en division cellulaire, avec une affinité pour les cellules du système
nerveux central et périphérique (55).
52
Son génome viral est composé de deux parties délimitées par des séquences terminales
répétées : une dite « long » (L) et une « short » (S). La partie L code les protéines de
structure et de réplication virale. La partie S code des protéines impliquées dans l’interaction
vecteur/cellule. Afin de sécuriser l’utilisation de ce vecteur, il est possible de remplacer
l’intégralité du génome viral par un plasmide (ADN circulaire) de 150 kb contenant une
origine de réplication virale et un signal de clivage et d’encapsidation d’HSV en plus du
transgène (61). La taille importante du transgène permet également de transduire plusieurs
gènes ou copies de gène avec le même vecteur.
Pour infecter les cellules, les vecteurs issus de HSV se fixent à un récepteur présent à la
surface cellulaire : l’héparane sulfate (Figure 18). Une fois la liaison vecteur/cellule réalisée,
la membrane cellulaire fusionne avec l’enveloppe du vecteur et la capside est libérée dans
le cytosol. La capside virale migre ensuite jusque dans le noyau cellulaire. Une fois dans le
noyau, elle libère le transgène. Ce dernier est de forme circulaire et peut immédiatement
être exprimé par la cellule sans être intégré dans génome cellulaire.
Figure 18: Schéma de transduction cellulaire des vecteurs dérivés d'HSV
53
Comme nous venons de le voir, les vecteurs viraux possèdent de nombreux avantages pour
le transfert de gène par thérapie génique. Ils peuvent être utilisés dans les protocoles de
transfection in vivo comme ex vivo. Cependant, leur utilisation est sujette à certaines limites :
La taille limitée des transgènes.
Les réactions immunitaires secondaires à leurs utilisations.
Les risques mutagènes secondaires à leurs intégrations génomiques.
Les difficultés de production.
Ces problèmes ont conduit les chercheurs à développer d’autres types de vecteurs afin de
sécuriser les protocoles de transfert de gène : les vecteurs synthétiques.
2. Les vecteurs synthétiques
Les vecteurs synthétiques sont des vecteurs non viraux issus de procédés chimiques et
utilisables pour le transfert de gène in vivo et ex vivo. Ils sont généralement composés de
molécules cationiques qui forment des complexes et des interactions électrostatiques avec
les molécules d’ADN chargées négativement.
Pour protéger l’ADN et éviter qu’il se dégrade une fois injecté dans la circulation générale,
les vecteurs synthétiques doivent être chimiquement et thermodynamiquement stables. Leur
production doit également permettre d’obtenir une taille de particule et un potentiel
électrostatique homogènes afin d’optimiser la diffusion des particules dans les tissus et les
taux de transduction cellulaire (62).
À la différence des vecteurs viraux, les synthétiques sont très peu immunogènes, mais ont
également un faible taux de transfection cellulaire. Cette faible transduction cellulaire
s’explique par leur voie d’internalisation cellulaire.
Les vecteurs se lient principalement aux cellules grâce à leur potentiel électrostatique. Le
potentiel né de la différence de charge entre le vecteur (chargé positivement) et les
glycosaminoglycanes (chargés négativement) présents à la surface de la membrane
cellulaire (63). Ce procédé conduit à différents mécanismes d’internalisation des vecteurs
dont les principaux sont l’endocytose (64). La cellule peut, grâce à son contenu
enzymatique, transformer l’endosome en lysosome et dégrader le vecteur avant que ce
dernier n’ait pu s’exprimer.
54
Afin de mieux connaître cette famille de vecteur, seuls les deux représentants principaux
que sont les lipides et les polymères cationiques seront détaillés.
a. Lipides cationiques
Les lipides cationiques sont des molécules amphiphiles constituées de 3 domaines (Figure
19) :
Une tête hydrophile, cationique qui fait des liaisons électrostatiques avec les
groupements phosphates de l’ADN.
Un espaceur au centre qui stabilise les molécules lipidiques, protège les vecteurs de
la biodégradation et contrôle la libération de l’ADN dans les cellules.
Une ou plusieurs chaines hydrophobes qui donnent la forme du complexe et
interagissent avec les membranes cellulaires
Figure 19: Structure générale d'un lipide cationique
En milieu aqueux, les chaines hydrophobes s’associent entre elles et forment des particules
capables de transporter différents types de protéines ou d’acides nucléiques. La structure de
ces particules peut varier en fonction de la température, de la concentration et du type de
lipides utilisés lors du procédé de production (Figure 20).
55
Figure 20: Exemple de particules lipidiques formées dans un solvant aqueux (65).
a :micelle, b : bicouche lipidique, c : liposome, d : phase lamellaire, e : phase hexagonale,
f :phase éponge, g : cubosome.
Les liposomes et les micelles sont les structures les plus couramment utilisées pour
transporter l’ADN, car ils peuvent en contenir une grande quantité et ils sont très faciles à
produire. En effet, la méthode la plus simple de préparation des lipoplexes (structure
lipidique contenant de l’ADN) ne nécessite que deux étapes (66) :
1. évaporer le solvant organique contenant les lipides pour les extraire
2. dissoudre les lipides dans un solvant aqueux pour former les complexes.
Les liposomes (comme les autres lipoplexes) sont peu toxiques et ne présentent aucun effet
hématologique (67). À forte dose, une génotoxicité secondaire à leur séquestration peut
apparaître dans les poumons, le foie et la rate sans forcément qu’il y ait une cytotoxicité
associée. Les cytotoxicités qui peuvent être retrouvées avec ces vecteurs sont secondaires
à la production de cytokines inflammatoire et d’espèce réactive de l’oxygène par les cellules
lors de l’internalisation du vecteur. Parmi les deux structures principalement utilisées, les
liposomes semblent être plus toxiques, car à la différence des micelles, une génotoxicité
pulmonaire et splénique apparaît même avec de faibles doses. L’ajout de certains composés
56
chimiques (comme le polyéthylène glycol) lors de la fabrication des lipoplexes permet de
réduire ces toxicités et de stabiliser les complexes (68).
La seconde limite pour l’utilisation clinique des lipoplexe (en plus de la toxicité) est son faible
taux de transduction cellulaire. Ce résultat est dû à la dégradation de l’ADN par les enzymes
cellulaire et à une forte clairance hépatique (69). Afin de mieux protéger l’ADN et d’en
faciliter l’externalisation dans le cytosol, des lipides neutres tels que le Dioléyl-Phosphatidyl-
Ethanolamine (DOPE) ou le cholestérol peuvent être ajoutés lors de la production du
lipoplexe (70). Les cubosomes peuvent également être une solution, car ils sont plus stables
et ils protègent plus des dégradations enzymatiques que les liposomes (71), mais leur
toxicité cellulaire est actuellement peu documentée.
b. Polymères cationiques
Polymère cationique sont principalement composés de macromolécules riches en amines et
imines (exemple : Polyéthylèneimines : PEI), en lysine (poly-L-Lysine : PLL) ou en arginines
(Figure 21). Ils sont capables de fixer et de compacter de grandes molécules d’ADN grâce à
des liaisons électrostatiques pour former les polyplexes. Contrairement aux lipides
cationiques vus précédemment, les polyplexes sont solubles dans l’eau. Cette propriété,
ainsi que leur charge globale positive, leur permet de pénétrer dans les cellules.
Figure 21: Structure des principaux polymères cationiques.
A : une molécule de PLL, B : des molécules de PEI sous forme branchée, C : une molécules
de PEI sous forme linéaire
57
Les PLL sont les premiers polyplexes à avoir été développés. Ils sont aujourd’hui peu
utilisés en cliniques, car ils ont beaucoup de difficulté à libérer l’ADN dans les cellules. Pour
remédier à ce problème, les PEI ont été développés. Leur structure entraine grâce à leur
groupement amine une augmentation de la pression osmotique à l’intérieur des endosomes
puis leur rupture et enfin la libération de l'ADN dans le cytosol (72).
La toxicité des polyplexes est faible et est fonction de leur structure et des doses utilisées.
Les polyplexes à base de PEI linéaire ayant une masse moléculaire de 22kDa sont moins
toxiques que ceux ayant une taille élevée et une structure branchée (73). La limite pour
l’utilisation clinique de ces molécules résulte dans leurs faibles capacités à libérer l’ADN
dans le cytosol.
Comme nous venons de le voir, les méthodes chimiques de transduction cellulaire sont
généralement peu efficaces et ne sont pas sans risque pour le patient. Une troisième
stratégie existe pour transduire les cellules : les méthodes physiques.
3. Les méthodes physiques
a. ADN nu
La méthode physique la plus simple pour faire internaliser un transgène dans des cellules in
vivo et ex vivo est l’utilisation de molécule d’ADN nu. Ces molécules sont généralement des
plasmides, car ils sont plus stables que les molécules d’ADN linéaires. Ils sont injectés
directement au contact des cellules cibles. Leur charge nette permet aux plasmides de
pénétrer dans les cellules par endocytose.
Bien que cette méthode ne soit pas immunogène, elle est peu utilisée en raison de son
faible taux de transduction. Ceci peut s’expliquer par plusieurs causes :
la dégradation de l’ADN par les désoxyribonucléases circulantes
la faible diffusion des molécules au niveau du site d’injection
une faible pénétration et expression du transgène
la non-intégration du transgène dans le génome de l’hôte.
Afin de pallier ces problèmes, la micro-injection fut mise au point. Cette méthode consiste à
injecter de l’ADN par pression hydrostatique dans les cellules. L’injection se fait cellule par
cellule à l’aide d’un micromanipulateur (microscope optique), d’un micro-injecteur et d’une
58
aiguille de 0,7 à 1 micromètre de diamètre. Le coût de cette technique et le temps
nécessaire à sa réalisation font que la micro-injection n’est pas utilisée en clinique humaine,
mais pour la création de nouveaux organismes génétiquement modifiés.
b. Le canon à ADN
Cette technique de biotechnologie utilise des particules de 1 à 5 micromètres de diamètre,
composées d’or ou de tungstène, recouverts d’ADN plasmidique. Les billes sont envoyées à
haute vitesse directement dans les cellules à l’aide d’un gaz propulseur inerte comme
l’hélium.
Cette méthode, comme la micro-injection, à l’avantage de faire pénétrer le plasmide
directement dans les cellules, évitant ainsi la dégradation de l’ADN par les
désoxyribonucléases sanguines et les enzymes de dégradation des endosomes. Malgré des
réactions immunes secondaires, le canon à ADN est principalement utilisé (in vivo et ex
vivo) pour la vaccination (46).
c. L’électroporation
L’électroporation permet de rendre la membrane cytoplasmique transitoirement poreuse à
l’aide d’impulsions électriques de courtes périodes. Pour que l’ADN puisse pénétrer les
cellules, il doit être à leur contact lors du choc électrique et l’intensité de ce dernier doit être
de minimum 1 Volt (74).
Les résultats de l’électroporation varient en fonction de différents paramètres tels que la
nature de la molécule médicament, du générateur, de l’électrode, et du champ électrique.
Ainsi, pour un petit plasmide contenant le gène de la Green Fluorescence Protein, 6 chocs
de 50 ms à 91 Volts/cm sont nécessaires ex vivo alors que pour la bléomycine, il faut 8
chocs de 0.099 ms à 1,300 Volts/cm (75).
Pour pouvoir être utilisées in vivo, les cellules cibles doivent être situées à proximité de
l’électrode de stimulation. Si les cellules sont trop diffuses, les chocs électriques devront être
plus importants pour pouvoir toutes les perméabiliser et des lésions tissulaires apparaîtront.
Pour éviter les brulures, les cellules des organes non accessibles sont prélevées et
manipulées ex vivo. Cette incorporation ex vivo de l’ADN dans le noyau cellulaire à l’aide de
choc électrique s’appelle la nucléofection (76).
59
d. La sonoporation
Tout comme l’électroporation, la sonoporation permet de faire pénétrer le transgène dans
les cellules en perméabilisant les membranes cellulaires. Pour ce faire, de l’ADN
plasmidique est co-injecté dans une microbulle de 1 à 3 micromètres remplie de gaz inerte
ou d’air et délimitée par une couche composée de protéines, lipides ou polymères. Si des
anticorps spécifiques à une sous-population cellulaire sont ajoutés à la surface des
microbulles, il devient alors possible de la cibler précisément.
La réaction des microbulles aux ultrasons est différente en fonction de la fréquence utilisée.
À basse fréquence, les microbulles entrent en résonance et oscillent
(expansion/rétrécissement) de façon stable. Ce phénomène s’appelle la cavitation stable. À
haute fréquence, les microbulles oscillent de plus en plus vite jusqu’à leur implosion. C’est la
cavitation inertielle. (77)
Lors de la cavitation stable, la microbulle peut entrer de différentes façons dans la cellule :
La microbulle présente à la surface de la cellule, déstabilise et rompt la membrane
cellulaire en faisant varier sa taille. (Figure 22 A).
La microbulle est attirée par les ultrasons et perfore la membrane cellulaire présente
sur son chemin (Figure 22 B).
La microbulle, en oscillant, crée un courant dans le milieu extracellulaire. Ce courant
produit un stress mécanique à la surface cellulaire et conduit à la formation de pores
membranaires (Figure 22 C).
Lors de la cavitation inertielle, la microbulle peut entrer de deux façons dans la cellule :
L’onde de choc créée par l’implosion de la microbulle génère un stress mécanique
important et une rupture de la membrane cellulaire (Figure 22 D).
Si elle est asymétrique, l’implosion de la microbulle à la surface de la cellule crée un
courant liquide en direction de la membrane cellulaire. Ce courant permet la
formation d’un pore dans la membrane cellulaire et la pénétration de la microbulle
dans le compartiment intracellulaire (Figure 22 E).
60
Figure 22: Effets de la cavitation stable (A à C) et inertielle (D et E) sur la membrane cellulaire
lors de l'internalisation de la microbulle (77).
e. La magnétofection
Des nanoparticules magnétiques formées de cristaux de magnétite (Fe3O4) ou de
maghémite (Fe2O3) sont reliées à des molécules d’ADN ou à un vecteur (viral ou non). Le
complexe ainsi formé est injecté par voie intra veineuse puis guidé jusqu’au site d’intérêt par
un aimant. Une fois le complexe au contact des cellules, il est internalisé par endocytose. Le
transgène une fois libéré dans le cytosol migre jusqu’au noyau cellulaire pour être exprimé
(78).
L’utilisation des particules magnétiques in vivo est possible, car les métaux utilisés ne
présentent pas de toxicité humaine spécifique et le champ magnétique n’impacte pas le
cycle cellulaire (79).
En conclusion, différents outils sont disponibles pour traiter les patients par thérapie
génique. Le choix de la méthode utilisée pour faire parvenir le transgène dans les cellules
est primordial pour obtenir une réponse optimale. Ce choix doit se faire en tenant compte
des propriétés des vecteurs (Tableau IV) et des besoins du patient.
Maintenant que nous connaissons les différentes techniques de thérapie génique,
intéressons-nous à leurs applications cliniques dans le traitement de la drépanocytose.
61
Tableau IV : Résumé des avantages et inconvénients des vecteurs et méthodes de thérapie
génique
Vecteurs Avantages Inconvénients
adénovirus
facile à produire non intégratif
transduit les cellules quiescentes très immunogène
capacité de transport de 36kb
AAV
intégratif capacité de transport de 4,7kb
transduit les cellules quiescentes faible taux de transduction
immunogène (faible)
rétrovirus
intégratif mutagène
capacité de transport de 8kb
très immunogène
lentivirus
transduit les cellules quiescentes capacité de transport de 10kb
intégratif peu mutagène
immunogène
HSV capacité de transport de 150kb non intégratif
transduit les cellules quiescentes immunogène
lipide cationique
facile à produire toxicité
capacité de transport élevé faible taux de transduction
non immunogène non intégratif
polymère cationique
facile à produire faible taux de transduction
capacité de transport élevé non intégratif
toxicité (faible)
ADN nu
non toxique faible taux de transduction
facile à produire dégradé par les désoxyribonucléases
capacité de transport élevé faible diffusion tissulaire
non intégratif
canon à ADN
peut pénétrer les cellules quiescentes immunogène
capacité de transport élevé non intégratif
que pour les organes superfitiels
électroporation
action localisée cytotoxicité
capacité de transport élevé non intégratif
immunogène
sonoporation peut cibler une population cellulaire non intégratif
capacité de transport élevée immunogène
magnétofection
action localisée immunogène (faible)
peut-être couplée aux méthodes chimique et virales
non intégratif (sauf si couplée avec un vecteur viral intégratif)
62
III. Les essais cliniques de
thérapies géniques pour le
traitement de la drépanocytose
63
A. Introduction sur les essais cliniques de thérapie génique
Comme nous l’avons vu précédemment, la thérapie génique est une approche
thérapeutique dont le but est de prévenir ou traiter une pathologie en modifiant
génétiquement les cellules d’un patient. Cette technique se base sur le transfert d’acides
nucléiques qui apporte, corrige ou inactive le gène cible. Le premier essai clinique de
thérapie génique a été réalisé en 1990 aux États-Unis chez des patients atteints de cancer.
Depuis, 2463 autorisations d’essais cliniques de thérapie génique ont été délivrées (chiffre
d’avril 2017) (80).
Ces essais cliniques sont historiquement réalisés pour traiter les patients atteints de cancers
(64,6%), de maladies monogéniques (10,5%), infectieuses (7,4%) et cardiovasculaires
(7,4%) (Figure 23). Ils se déroulent majoritairement en Amérique du Nord et en Europe. La
France est la 5ème nation mondiale et la 3ème nation européenne la plus innovante en
thérapie génique avec 57 essais cliniques approuvés en avril 2017, bien loin derrière les
États-Unis d’Amérique qui représentent à eux seuls 63% des essais cliniques mondiaux
avec 1550 autorisations (80).
Figure 23: Répartition des essais cliniques de thérapie géniques dans le monde (n) en fonction
de la nature de la pathologie.
De 1990 à avril 2017 d’après John Willey and Sons Ltd, The Journal of Gene Medicine (2017).
64
En analysant les 57 essais cliniques de thérapie génique réalisés en France dans le champ
des produits biologiques, nous pouvons remarquer que 50 ont eu lieu de 2011 à 2016
(Tableau V). Ces données montrent un intérêt nouveau des chercheurs et des autorités
françaises pour ce domaine. L’analyse du nombre d’établissements français de thérapie
génique, tissulaire et banque de tissus ayant une autorisation d’exploitation de l’ANSM
montre également que ce secteur est en plein développement ; les effectifs sont passés de
29 en 2012 à 53 en 2016 (Tableau VI).
Tableau V: Nombre d'essais clinique dans le champs des produits biologiques de 2011 à 2016.
(Source : ANSM, Rapport d’activité 2016)
Essais cliniques dans le champ des produits biologiques
2011 2012 2013 2014 2015 2016
Thérapie cellulaire 17 29 18 8 15 15
Thérapie génique 6 11 8 5 9 11
Tissus 1 2 2 1 3 3
Produits sanguins labiles 2 1 1
Tableau VI: Nombre d'unité de thérapie génique/cellulaire, banque de tissus et établissement
MTI-PP (Médicament de Thérapie Innovante Préparé Ponctuellement) en France de 2012 à
2016.
(Source : ANSM, Rapport d’activité 2016)
Toutes ces données montrent que la thérapie génique représente un réel espoir pour le
traitement des maladies rares ; que ce soit en France et dans le monde. Afin de répondre à
cette attente des patients, nous allons nous intéresser la réglementation nécessaire à la
mise en place de ces essais clinique en France puis nous étudieront les étapes clefs à
maitriser pour que le produit soit le plus sûr et efficace possible et enfin, nous finiront par
présenter les résultats obtenus lors des essais visant à traiter la drépanocytose.
65
B. La réglementation spécifique aux essais cliniques
1. Définition d’un essai clinique
Les essais cliniques sont (Article R1121-1 du code de la santé publique) des recherches
organisées et pratiquées sur des personnes volontaires saines ou malades, en vue du
développement des connaissances biologiques ou médicales qui visent à évaluer :
Les mécanismes de fonctionnement de l'organisme humain, normal ou pathologique.
L'efficacité et la sécurité de la réalisation d'actes ou de l'utilisation ou de
l'administration de produits dans un but de diagnostic, de traitement ou de prévention
d'états pathologiques.
Pour pouvoir être initié, un essai clinique doit réunir au moins deux acteurs : un promoteur et
un investigateur.
a. Le promoteur
Le promoteur est une personne physique ou morale qui prend l'initiative d'une recherche
biomédicale sur l'être humain, qui en assure la gestion et qui vérifie que son financement est
prévu (Décision du 24 novembre 2006 fixant les règles de bonnes pratiques cliniques pour
les recherches biomédicales portant sur des médicaments à usage humain, paru au journal
officiel le 30 novembre 2006).
Il a la responsabilité de veiller au respect des protocoles de l’essai clinique et de garantir le
financement et la qualité de la recherche. Pour cela, le promoteur est en lien avec le Comité
de Protection des Personnes (CPP) et l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament
(ANSM), qui doivent donner leur accord pour pouvoir débuter l’essai et à qui le promoteur
doit rendre des comptes en déclarant tous les effets indésirables graves qui sont survenus
et en fournissant un rapport final (81).
b. L’investigateur
Après avoir obtenu l’avis du CPP et l’autorisation de l’ANSM, l’essai clinique est dirigé et
surveillé par un investigateur. Pour les essais cliniques de médicaments, l’investigateur doit
être un médecin justifiant d'une expérience appropriée (81).
L’investigateur doit être présent sur le site de l’étude et est responsable d’inclure les patients
en respectant « les dispositions législatives en vigueur, notamment les articles L. 1122-1 à
L. 1122-2 du code de la santé publique, concernant l'information de la personne qui se prête
66
à une recherche biomédicale et le recueil de son consentement, ou le consentement ou
l'autorisation de toute autre personne dans les cas prévus aux articles L. 1122-1-1 à L.
1122-2 du code de la santé publique. »(82).
L’investigateur à également le devoir de faire remonter au promoteur « tout fait nouveau
intéressant la recherche ou le médicament expérimental susceptible de porter atteinte à la
sécurité des personnes qui s'y prêtent ainsi que toute modification prise dans ce cadre,
permettant ainsi au promoteur de respecter les dispositions législatives et réglementaires en
vigueur » (82).
2. Statut réglementaire des médicaments de thérapie génique
a. Définition des médicaments de thérapie innovante
La fabrication de produit cellulaire ou tissulaire est soumise à des normes et règlements
différents s’il s’agit d’une préparation cellulaire et tissulaire, un médicament de thérapie
innovante préparé ponctuellement (MTI-PP) ou non (MTI).
Un MTI-PP est définit par l’AMSM comme étant « un MTI qui, de par ses caractéristiques et
sa destination, est préparé de façon ponctuelle à l’attention d’un malade déterminé. ». De
plus, le règlement européen 1394/2007 modifiant la directive 2001/83/CE précise que le
MTI-PP doit être « préparé de façon ponctuelle, selon des normes de qualité spécifiques, et
utilisé au sein du même État membre, dans un hôpital, sous la responsabilité professionnelle
exclusive d’un médecin, pour exécuter une prescription médicale déterminée pour un produit
spécialement conçu à l’intention d’un malade déterminé. »
Les médicaments de thérapie innovante sont définis comme étant des produits cellulaires
qui répondent à au moins un de ces deux critères :
Des modifications « substantielles » sont réalisées au cours de la production des
cellules.
Les cellules ou les tissus ne sont pas destinés à être utilisés pour la (les) même(s)
fonction(s) essentielle(s) chez le receveur et chez le donneur.
Si le produit ne répond à aucun de ces critères, alors il sera défini comme une préparation
cellulaire et tissulaire (Figure 24).
67
Seules des modifications non substantielles sont décrites dans les textes réglementaires tels
que la centrifugation, la filtration, la séparation, la cryoconservation, le découpage, etc. Une
succession de modifications, chacune non substantielle peut conduire à un procédé qui
modifie les propriétés des cellules ou tissus et constitue au final une modification
substantielle.
La transduction cellulaire étant considérée comme une modification substantielle, le
médicament de thérapie génique répond à la définition du MTI.
Figure 24: différence entre préparation cellulaire, et médicament de thérapie innovante (83).
Le Règlement (CE) n°1394/2007 et l’annexe I, partie IV, de la directive 2001/83/CE, traduit
en code français n°2011-302 du 22/03/2011, décret n° 2012-1236 du 6/11/2012 définissent
4 catégories de MTI :
Le médicament de thérapie génique : dont l’effet thérapeutique, prophylactique ou
diagnostique dépend directement de la séquence d’ADN qu’il contient ou au produit
de l’expression génique de cette séquence. Seule cette catégorie de MTI sera
développée dans ce manuscrit.
Le médicament de thérapie cellulaire somatique qui est un produit composé de
cellules ou de tissus qui ont été manipulés de façon à modifier leurs caractéristiques
biologiques, leurs fonctions physiologiques ou leurs propriétés structurelles. Ce
68
médicament permet de traiter, de prévenir ou de diagnostiquer une maladie à travers
l’action métabolique, immunologique ou pharmacologique de ces cellules ou tissus.
Le médicament issu de l’ingénierie cellulaire ou tissulaire qui est composé de cellules
ou de tissus qui ont été modifiés afin de régénérer, réparer ou remplacer un tissu.
Le médicament combiné de thérapie innovante qui est composé d’un ou plusieurs
dispositifs médicaux contenant des cellules ou des tissus susceptibles d’avoir sur le
corps humain une action qui peut être considérée comme essentielle.
La fabrication et l’utilisation des MTI lors des essais cliniques sont soumises à des normes
particulières que nous allons désormais aborder.
b. Les normes de fabrication
i. Des MTI
Les médicaments de thérapie innovante doivent être fabriqués dans des établissements
pharmaceutiques après accord de l’Agence Européenne des Médicaments. La fabrication
devra se faire conformément « aux Bonnes Pratiques de Fabrication, à la directive
2003/94/EC sur les bonnes pratiques de fabrication applicables aux médicaments à usage
humain et aux guidelines applicables décrites dans EudraLex volume 4 » (site de l’ANSM
(83)).
ii. Des MTI-PP
Les MTI-PP peuvent être fabriqués, après accord de l’ANSM, dans deux types
d’établissements :
Par un établissement pharmaceutique autorisé par l’ANSM. Ils sont autorisés à
fabriquer et libérer des MTI et pourront donc être autorisés aussi à fabriquer et libérer
des MTI-PP. Ils devront cependant travailler même pour les MTI-PP selon le
référentiel des bonnes pratiques de fabrication des médicaments.
Par un établissement non pharmaceutique, autorisé par l’ANSM. Cette nouvelle
réglementation, introduite par l’arrêté du 4 février 2013 permet ainsi aux hôpitaux de
produire et de délivrer des MTI à leurs patients pour lesquels, il n’existe pas d’autre
traitement disponible : c’est l’exemption hospitalière. Ces établissements devront
fabriquer et libérer ces produits conformément aux bonnes pratiques de fabrication
des MTI-PP prévues à l’article L. 5121-5 du code de la santé publique (83).
69
Une autre catégorie de MTI a été défini dans la Loi Touraine et permet aux CHU de produire
des MTI dans le cadre d'essais cliniques : les MTI expérimentaux. Cette nouvelle
réglementation, permet aux hôpitaux de produire et tester des candidats médicaments sur
les patients inclus dans des essais cliniques.
c. La réglementation pour les essais cliniques utilisant des MTI
Les essais cliniques utilisant des MTI de thérapie génique doivent répondre aux exigences
de la directive 2001/20/CE et doivent respecter les Bonnes Pratiques Cliniques définies
dans la directive 2005/28/CE.
De plus, pour pouvoir être utilisés, en France, dans des essais cliniques, les MTI de thérapie
génique doivent faire l’objet d’une déclaration auprès du Haut Conseil des Biotechnologies
(HCB) (loi du 25 Juin 2008, décret 2007/358 du 19 mars 2007). Le HCB définit le degré de
confinement nécessaire lors de la fabrication, de la manipulation, de l’utilisation du produit et
de son élimination. Le HCB donne également les agréments nécessaires pour l’ouverture
des différents sites de production et d’utilisation du médicament (règle de confinement lors
de l’injection et du suivi des patients). Le classement des Organismes Génétiquement
Modifiés par le HCB est valable 5 ans et doit faire l’objet de renouvellements.
Après avoir obtenu la demande d’agrément d’utilisation confinée du MTI par le HCB, le
développement du MTI en essai clinique devra également être accepté par l’ANSM et par le
Comité de Protection des Personne pour être utilisé en France (Annexe 2). Pour pouvoir
prendre sa décision, l’ANSM interagit avec différents acteurs comme le HCB, l’agence de la
biomédecine et divers experts. Une réponse négative ou une non réponse de l’instance rend
impossible la mise en place de l’essai clinique.
d. Les acteurs des essais cliniques
Pour pouvoir utiliser les MTI en toute sécurité lors des essais cliniques, il est nécessaire de
mettre en contact un grand nombre d’intervenant parmi lesquels (84) :
Le médecin référent qui inclut les patients dans l’essai.
Une unité de prélèvement cellulaire (en cas de greffe autologue) autorisée par
l’Agence Régionale de Santé.
Un laboratoire de biologie médical ou un laboratoire de qualification biologique des
dons pour dépister les éventuelles affections transmissibles du donneur.
70
Le centre de production du médicament.
Le répartiteur qui transporte le médicament jusqu’aux établissements de santé.
La Pharmacie à Usage Intérieur qui est responsable de la réception, du stockage
(éventuellement en association avec l’Unité de Thérapie Cellulaire ou Tissulaire) et
de la dispensation du médicament aux patients.
Une équipe médicale formée pour l’administration du produit et la prise en charge
des effets secondaires potentiels.
Un laboratoire de biomonitoring qui suit l’évolution de la maladie et l’état de santé du
patient lors de l’essai clinique.
e. La traçabilité
L’article 9 de la directive 2006/86/CE réglemente la traçabilité des médicaments de thérapie
innovante. Elle prévoit que les établissements doivent disposer de systèmes précis et
efficaces pour identifier et étiqueter de manière unique les cellules/tissus reçus et distribués.
Ils doivent également être capables de conserver les données (mentionnées dans l’annexes
VI de la directive) sur un support approprié et lisible pendant au moins trente ans. Ces
données doivent permettre d’identifier le donneur, le don, le produit et son application
humaine (82).
Apres avoir étudié la réglementation afférente à la mise en place des essais cliniques de
thérapie génique, nous allons nous intéresser aux étapes clés à maitriser pour leur mise en
place.
71
C. Les étapes clefs pour la mise en place d’essais cliniques de thérapie
génique ex vivo.
À ce jour, tous les protocoles cliniques de thérapie génique, dans le traitement de la
drépanocytose, utilisent des cellules souches hématopoïétiques autologues modifiées ex
vivo à l’aide d’un vecteur lentiviral (partie III.C). Pour obtenir les autorisations nécessaires à
au déroulement de l’essai clinique et pour pouvoir le conduire dans différents centres, les
promoteurs doivent maitriser 3 étapes clefs (85) :
L’obtention des cellules
La transduction cellulaire
La réimplantation des cellules
Ces trois étapes ainsi que les différents protocoles disponibles pour les optimiser seront
développés dans cette partie.
1. Obtention des cellules
L’obtention des cellules souches hématopoïétiques est la première étape pour pouvoir traiter
un patient drépanocytaire par thérapie génique ex vivo. Pour ce faire, il existe 3 techniques
de prélèvement : le prélèvement de moelle osseuse, la mobilisation cellulaire et le
prélèvement de sang de cordon ombilical.
a. Prélèvement de Moelle Osseuse
Le prélèvement de moelle osseuse est la méthode historique pour le prélèvement de
cellules souches hématopoïétiques. Elle fut mise en place dès le milieu des années 1980
pour prélever les cellules des donneurs lors des greffes de cellules allogéniques et reste à
ce jour la technique la plus utilisée chez les patients drépanocytaires lors des essais
cliniques. Cette préférence s’explique par une moins bonne tolérance des patients
drépanocytaires au G-CSF (médicament utilisé lors de la mobilisation cellulaire) associée à
un nombre important de cellules prélevées (à la différence des prélèvements de sang
ombilical) (86).
Pour pouvoir être réalisé, le prélèvement de moelle osseuse nécessite une anesthésie
générale des patients. Les effets secondaires propres à ce mode de prélèvement sont donc
ceux induits par l’anesthésie. De plus, les patients drépanocytaires sont plus à risque de
développer des effets indésirables graves lors de l’anesthésie (33). Les risques majeurs des
72
patients drépanocytaires anesthésiés sont la survenue d’un syndrome thoracique aigu ou
d’une crise vaso-occlusive. Ces effets indésirables sont secondaires à la désoxygénation du
sang lors de l’anesthésie (généralement à base de protoxyde d’azote) et peuvent, s’ils ne
sont pas bien pris en charge, mettre le pronostic vital du patient en jeu.
La prise en charge des effets secondaires consiste en des mesures préventives avec de la
kinésie respiratoire, des transfusions sanguines pour faire diminuer le plus possible le taux
d’HbS et une prévention de l’hypothermie (responsable de vasoconstriction) (87).
b. Mobilisation cellulaire
La mobilisation cellulaire consiste à stimuler la prolifération des cellules souches
hématopoïétiques présentes dans la moelle osseuse afin de les faire sortir dans le sang
périphérique et de les récupérer par aphérèse.
L’aphérèse est une technique de prélèvement de sous-populations cellulaires à partir de
sang. Le sang du patient est prélevé en continu, centrifugé dans l’appareil de cytaphérèse
puis réinjecté au patient. Les cellules possédant une densité entre 1,050 et 1,070 sont
isolées par l’appareil et placées dans une poche ; les autres cellules (plasma, plaquettes,
globules rouges, réticulocytes…) sont réinjectées au patient tout au long du prélèvement.
Pour pouvoir isoler un grand nombre de cellules souches du sang, différents facteurs de
croissance peuvent être utilisés.
Le Granulocyte Colony Stimulating Factor (G-CSF) est le facteur de croissance de la
lignée granulocytaire le plus utilisé pour mobiliser les cellules souches hématopoïétiques
(85). Il est bien toléré chez les patients non porteurs du gène de la drépanocytose et
provoque peu d’effet secondaire. Cette bonne tolérance au traitement a permis d’étendre
son utilisation aux patients drépanocytaires. Malheureusement, en 2001, une patiente de 47
ans souffrant de drépanocytose type SC, sans antécédent de crise vaso-occlusive ou de
syndrome thoracique aigu, est morte suite à l’administration de G-CSF (88).
Chez cette patiente, le traitement par G-CSF a provoqué une hyperleucocytose et une
augmentation de l’adhérence granulocytaire aux vaisseaux sanguins. Ces effets
secondaires ont engendré un phénomène inflammatoire généralisé suivi de crises vaso-
occlusives et de dysfonctionnement d’organes (splénomégalie, une insuffisance respiratoire
et des lésions hépatiques) conduisant à la mort de la patiente. En 2009, un bilan a été
réalisé sur l’utilisation du G-CSF chez les patients drépanocytaires homozygotes (ayant reçu
73
le facteur de croissance entre 1998 et 2008). En raison des risques précédemment décrits, il
fut recommandé d’éviter la mobilisation cellulaire par G-CSF, même chez les patients sans
antécédent de crise drépanocytaire, et de pratiquer le prélèvement de moelle osseuse (89).
Le plérixafor est un antagoniste réversible et sélectif du récepteur de chimiokine CXCR4. Il
est commercialisé depuis 2009 et est utilisé en seconde intention, en association avec le G-
CSF, pour la mobilisation des cellules souches hématopoïétiques chez les patients atteints
de lymphome ou de myélome multiple. En 2014, la haute autorité de santé a évalué son
service médical rendu comme étant important.
Un essai clinique a été réalisé de 2007 à 2010 chez des patients atteints de thalassémie
bêta afin de tester l’utilisation du plérixafor seul (sans G-CSF) (90). Il est ressorti de cette
étude que le plérixafor était aussi efficace et moins toxique que le G-SCF. Les seuls effets
secondaires rapportés étant des nausées, des diarrhées, et des érythèmes au site
d’injection. Un autre essai clinique est actuellement en cours chez des patients
drépanocytaires (clinical trial NCT02193191). Aucun résultat n’est publié à ce jour, mais
l’étude préclinique chez la souris tant à confirmer ceux obtenus chez les patients
thalassémiques (91).
c. Cellules de sang de cordon ombilical
Le recueil des Cellules Souches Hématopoïétiques présentent dans le sang de cordon
ombilical est la seule méthode non invasive pour l’obtention des cellules souches, mais cette
source cellulaire possède des limites. La première limite est la quantité de cellules obtenues.
Seuls les prélèvements de plus de 1,8.106 cellules CD34+ sont utilisables en clinique ; dose
minimale nécessaire au traitement d’un enfant de 10kg (92). Les quantités prélevées sont
donc, à la différence des autres sources cellulaires, non compatibles avec la prise en charge
d’un adolescent ou d’un adulte par thérapie génique autologue.
La seconde limite à cette méthode réside dans la conservation des cellules souches dans
des banques de cellules. Les cellules, collectées à la naissance du patient devront être
conservées plusieurs années avant d’être utilisées. En effet, des interrogations éthiques font
que les cellules ne pourront pas être réinjectées aux enfants ayant leurs deux gènes mutés
dès la naissance. Le choix de retarder le traitement des nouveau-nés a deux origines
médicales :
74
Le cycle de production de l’hémoglobine est tel qu’à la naissance, les bébés
possèdent de l’hémoglobine fœtale qui les protège de la drépanocytose lors de leurs
premières années de vie
La greffe de cellules souches hématopoïétiques nécessite une myéloablation des
patients, conditionnement possédant de nombreux effets secondaires (voir point 3).
Les critères moraux refusant de traiter un enfant avant qu’il déclare la maladie et le nombre
limité de cellules récoltées excluent actuellement les CSH de sang de cordon des protocoles
cliniques, préférant ainsi les cellules médullaires.
Une fois l’étape du prélèvement cellulaire réalisée chez le patient (par prélèvement de
moelle osseuse, aphérèse ou prélèvement de sang de cordon), la seconde étape clef pour
la réalisation d’un essai clinique de thérapie génique est la transduction cellulaire.
2. Transduction cellulaire
Indépendamment du procédé de thérapie génique choisi, la sureté du produit fini est un
paramètre primordial à prendre en compte. L’étape de transduction cellulaire est celle qui
influence le plus ce paramètre. Pour pouvoir assurer la non-dangerosité de cette étape clef,
deux facteurs doivent être contrôlés: le nombre de copies de gène intégré et la répartition
des sites d’intégration dans le génome cellulaire.
a. Nombre de copies de gène
Le nombre de copies de gène intégré (VCN) est le contrôle de sécurité le plus rapide à
réaliser. Il est effectué par PCR quantitative à l’aide d’un gène de référence (gène connu
pour être présent en quantité stable dans toutes les cellules). Généralement, pour les
cellules humaines, ce gène est celui de l’albumine. Ainsi, le calcul des VCN consiste à faire :
. . La multiplication par 2 est due à la diploïdie du
génome humain et donc à la présence de 2 gènes codants pour l’albumine par cellule (1
copie par chromosome).
Ce test donne le nombre de transgènes intégrés dans le génome cellulaire indépendamment
de leurs sites d’intégration (qui resteront inconnus). Il permet d’évaluer le risque de non-
expression du gène (gene silencing), quand ce dernier est présent en très faible quantité, et
de cancérogénicité, quand il est présent en trop grand nombre (93).
75
Le calcul de la VCN est un contrôle qualité de base qui peut être réalisé sur tous les lots
cellulaires produits, mais reste un indicateur partiel quant au risque oncogénique. La
recherche des sites d’intégration est un test complémentaire à ce dernier et permet une
meilleure sécurisation des lots.
b. Étude du ou des sites d’intégration
L’étude des sites d’intégration propre aux vecteurs intégratifs utilisés est primordiale pour
pouvoir anticiper le comportement des cellules une fois réimplantées. En effet, si le
transgène s’intègre dans l’hétérochromatine présente à l’extrémité des chromosomes et au
niveau des centromères, il ne sera pas exprimé par la cellule (94). Si au contraire, il est
intégré dans l’euchromatine, mais à proximité d’un promoteur cellulaire, il sera surexprimé.
De plus, si son intégration se fait à proximité ou dans une région codante, le gène associé à
cette région pourra être dérégulé (sur ou sous-exprimé). Cette dérégulation, quand elle
touche un oncogène ou un gène suppresseur de tumeur, est à l’origine de cancer (95). C’est
pour toutes ces raisons, qu’un séquençage, et généralement réalisé.
Afin de détecter tous les sites d’intégration à risque, le séquençage cellulaire peut être
réalisé après une étape de culture cellulaire (ex vivo ou chez l’animal). Lors de cette étape,
les cellules, possédant une mutation oncogène, proliféreront plus que celles ne l’ayant pas.
Cette sélection positive permet de détecter une sous-population minoritaire à fort risque
oncogénique et sécurise d’autant plus le procédé (85).
3. Greffe cellulaire
La dernière étape clef pour le traitement des patients par thérapie génique ex vivo est le
taux de cellules génétiquement modifiées greffées au patient. Pour obtenir des résultats, 10
à 30% des cellules souches hématopoïétiques doivent porter le transgène (85). Cette
proportion relativement faible de cellules nécessaires au traitement des patients peut être
expliquée par plusieurs raisons comme l’avantage sélectif des cellules traitées par rapport
aux cellules porteuses de la maladie lors de l’hématopoïèse ou la durée de vie plus
importante des hématies non falciformes (96). En effet, l’étude parue dans le journal Blood
(96) a montré qu’en remplaçant seulement 25% des CSH présentes dans la Moelle Osseuse
du patient par des cellules possédant des gènes fonctionnels de l’Hb, on pouvait corriger
75% de l’ARN produit. Cette production importante en ARN et en protéine permet au patient
de voir sa production Hb S chuter de 78% à 30% de l’hémoglobine totale (Tableau VII). De
même, les patients dont 50% des gènes de l’hémoglobine sont fonctionnels ont >90%
76
d’ARN corrigé et conserve 100 jours après la greffe une concentration basale en Hb S à
30%.
Tableau VII: Présentation des résultats obtenus chez 4 patients atteints de drépanocytoses
ayant subi une greffe de CSH allogéniques (96)
Patients Taux d’HbS
avant greffe
% ADN corrigé à
30 j post greffe
% ARN corrigé à
30 j post greffe
Taux d’HbS post
greffe (à 100 jours)
Patient 1 78% 25% 75% 29.8%
Patient 2 96.6% 50% >90% 33.4%
Patient 3 40.1% 50% >90% 32.4%
Patient 4 76.4% 85% >90% 3.8%
Il a été montré que le niveau de myéloablation présent chez les patients lors de la greffe
cellulaire était proportionnellement corrélé au taux de cellules souches implantées et à
l’efficacité de la greffe (97). Cette étape est donc nécessaire pour le traitement du patient,
même si l’utilisation des cellules du patient ne présente pas de risque de rejet de greffe ou
de GVHD (98).
Le choix des molécules de chimiothérapie et les doses utilisées doivent être déterminés en
fonction de la clinique du patient et de sa capacité à supporter le traitement. Dans le cas de
greffe autologue, les protocoles utilisant des doses réduites de chimiothérapie associées ou
non à de la radiothérapie devront être privilégiés (99). Ce conditionnement, plus faible,
permet d’inclure des patients qui étaient jusque-là exclus des protocoles de greffe cellulaire
en raison des risques liés à l’utilisation de ces molécules (100).
Après avoir vu les étapes clefs à maitriser avant de débuter un essai clinique de thérapie
génique, nous allons désormais nous focaliser sur les essais cliniques de thérapie génique
qui visent à traiter une maladie monogénique particulière : la drépanocytose.
77
D. Les essais cliniques de thérapie génique en cours pour le traitement de
la drépanocytose
Pour rappel, la drépanocytose est une maladie génétique secondaire à la substitution sur le
gène de la chaine bêta de l’Hb d’un acide nucléique en position 17 (annexe 3). Cette
substitution conduit à la fabrication d’une protéine mutée possédant en position 6, de l'acide
glutamique (hydrophile) à la place de la valine (hydrophobe). Cette protéine, quand elle est
intégrée dans les érythrocytes, modifie leurs propriétés physiques et biochimiques.
Quand la pression partielle en oxygène diminue dans les capillaires sanguins, les hématies
libèrent l’oxygène qu’elles contiennent. Cette libération conduit à un rapprochement entre les
groupements hydrophobes présents sur la chaine bêta de l’hémoglobine (la phénylalanine
en position 85 et la leucine en 88) et la valine présente en position 6 sur la chaine bêta S de
l’hémoglobine voisine (Figure 25). Ce rapprochement des tétramères d’hémoglobine
engendre la formation de polymère d’hémoglobine dans les hématies. Les polymères
augmentent la rigidité des érythrocytes, leur donnent une forme caractéristique de faucilles
et diminuent leur affinité pour l’oxygène.
L’objectif de la thérapie génique dans le traitement de la drépanocytose est donc de
diminuer la formation des polymères d’hémoglobine dans les hématies. Pour y parvenir,
différentes méthodes sont actuellement à l’étude sur l’Homme (Tableau VIII). Ces 5 essais
cliniques utilisent la même stratégie : inhiber la polymérisation de l’HbS. Pour réaliser cet
objectif, ils utilisent tous un vecteur lentiviral.
Les vecteurs lentiviraux ont été privilégiés aux autres méthodes de transduction cellulaire,
car ils conjuguent deux avantages majeurs : ils sont stablement exprimés dans les cellules
cibles (même après différenciation en progéniteurs cellulaires ou en cellules matures) et
sont très peu oncogènes (98). Ceux utilisés lors des essais cliniques sont tous construits sur
le même modèle (Figure 26). La partie du vecteur qui sera intégrée au génome cellulaire est
délimitée par les régions hautement répétées (LTR) possédant une délétion auto-
inactivante. Cette délétion permet de sécuriser la transduction cellulaire et d’éviter les
interactions entre le transgène et les gènes voisins. La région qui régule l’expression du
transgène est quant à elle constituée des sites hypersensibles (HS) et du promoteur
proximal du gène de l’hémoglobine bêta. Enfin, une queue polyA vient se placer juste après
le transgène afin de stabiliser l’ARN messager produit lors de la transcription..
78
Figure 25: Induction de la polymérisation de l'hémoglobine S.
Les groupements hydrophobes présents sur les molécules de désoxy-hémoglobine
interagissent entre eux et conduisent à la formation de polymère d’hémoglobine dans les
hématies. A gauche de la figure : structure des molécules d’hémoglobine, au centre : structure
macromoléculaire, à droite structure cellulaire de l’hématie. (101)
Figure 26: Partie intégrée dans le génome cellulaire du vecteur lentiviral utilisé pour le
traitement de la drépanocytose par thérapie génique (98).
La cassette intégré est délimitée par les régions hautement répétées (LTR : long terminal
repeats) possédant une délétion auto-inactivante (Δ). La région régulatrice de l’expression du
transgène est constituée de sites hypersensible (HS) et du promoteur proximal du gène de
l’hémoglobine beta (β-p). La queue polyA (pA) a pour rôle de stabiliser l’ARN messager
produit.
79
Tableau VIII: Présentation des essais cliniques de thérapie génique dans le traitement de la drépanocytose en cours de réalisation.
(Source : ClinicalTrials.gov, mots clefs : Sickle Cell Disease et gene therapy). CSH : cellules souches hématopoïétiques, shARN : ARN en épingle
à cheveux.
Numéro de l’essais clinique
Type de thérapie génique
Cellules transduites
gène vecteur pays stade début
inclusion fin
prévisionelle
NCT02151526 Ex vivo CSH BB305 lentivirus France I/II juil-13 févr-19
NCT02140554 Ex vivo CSH BB305 lentivirus USA I août-14 août-20
NCT02247843 Ex vivo CSH beta AS3-FB lentivirus USA I juil-14 juin-19
NCT02186418 Ex vivo CSH gamma globuline lentivirus USA I/II juil-14 août-32
NCT03282656 Ex vivo CSH shARN spécifique à BCL11A lentivirus USA I nov-17 déc-19
80
Bien que le vecteur lentiviral soit toujours construit sur le même modèle, les scientifiques ont
développé différents transgènes pour lutter contre la drépanocytose. Il y en a actuellement 4
qui sont utilisés en clinique. Ils peuvent être classés en deux groupes : ceux qui produisent
de l’hémoglobine bêta fonctionnelle et ceux qui font augmenter les taux d’hémoglobine
fœtale.
Nous allons désormais étudier les spécificités propres à chaque transgène et discuter des
résultats obtenus ou attendus.
1. Apporter un gène fonctionnel de la chaine bêta de l’hémoglobine
Comme nous venons de le voir, le but de cette méthode est d’éviter la polymérisation de
l’HbS en restaurant partiellement la production d’HbA lors de l’érythropoïèse. Pour ce faire,
le premier vecteur utilisé en clinique portait le transgène HPV569.
a. Le vecteur HPV569
i. La construction du vecteur
Le premier essai clinique réalisé dans le monde et ayant permis de traiter un patient atteint
d’hémoglobinopathie eut lieu en France de 2006 à 2011 (102,103). Trois patients ont reçu le
traitement : Un souffrait de thalassémie majeure isolée (n°1002) et Deux de thalassémie
majeure associée à une production d’Hb mutée (HbE) (n°1003 et 1004). Lors de cet essai
clinique, les CSH des patients ont été prélevées par mobilisation cellulaire (par G-CSF +
plérixafor) puis transduites à l’aide d’un vecteur lentiviral contenant la construction HPV569
(Figure 27). Cette construction est semblable à celle précédemment décrite (Figure 26) à
une différence prête : les régions hautement répétées ne possèdent pas de délétions auto-
inactivantes mais un isolateur cHS4. L’isolateur cHS4, tout comme la délétion auto-
inactivante précédemment citée, est une séquence d’ADN placée de part et d’autre du gène.
Cette séquence permet d’isoler le gène et d’empêcher le promoteur greffé d’amplifier un
gène à proximité, autre que celui d’intérêt. Cette séquence protège donc le patient d’une
suractivation de ses autres gènes.
Le gène de l’hémoglobine bêta sauvage n’a pas été utilisé dans le vecteur HPV569. Il fut
montré lors des essais précliniques réalisés sur la souris que ce gène ne permettait pas
l’inhibition de la polymérisation de l’HbS, contrairement à celui de la chaine gamma de l’Hb.
Parmi les 10 acides aminés qui diffèrent entre ces deux chaines, celui en position 87 semble
jouer un rôle crucial dans l’interaction avec l’HbS (104). La substitution de la thréonine
81
présente sur le gène bêta en position 87 par une glutamine permet de conférer à l’HbA les
mêmes propriétés protectrices que l’HbF. Le transgène contenu dans le vecteur HPV569 est
donc le gène de l’hémoglobine bêta muté en position 87 (HbA T87Q).
Figure 27: Vecteur lentiviral HPV569 (103).
La cassette intégrée est délimitée par les régions cHS4 qui sont des isolateurs. La région
régulatrice de l’expression du transgène est constituée de sites hypersensibles (HS) et du
promoteur proximal du gène de l’hémoglobine beta (β-p). Le transgène est constitué du gène
de l’hémoglobine béta muté en position 87. Le vecteur contient également un élément de
reverse transcription (RRE), un site de début (SD) et de fin (SA) épissage et un site
d’amplification (E).
ii. Protocole de greffe cellulaire
En fin de transduction cellulaire, les cellules contiennent en moyenne 0,3 à 1,6 transgènes
par cellule. Avant de les injecter par voie intraveineuse aux patients, ceux-ci devront subir un
conditionnement. Le busulfan est utilisé à la dose de 3,2 mg/kg/jour pendant 4 jours pour
éliminer toutes les cellules souches présentes dans la moelle osseuse et faciliter la prise de
la greffe. 0,93.106 à 4,3.106 cellules/kg sont injectées aux patients une fois ces derniers
prêts à être traités (Tableau IX).
iii. Résultats
Les résultats obtenus chez les 3 patients traités lors de cet essai clinique sont très différents
d’un patient à l’autre (102). Ces différences peuvent avoir plusieurs origines telles que la
dose cellulaire utilisée (suite à une difficulté à mobiliser les cellules des patients
drépanocytaires), le nombre de copies de gène intégré (VCN), ou la mutation à l’origine de
la maladie (Tableau IX).
82
Tableau IX: Présentation des résultats obtenus en cliniques avec le vecteur HPV569
Patient Age Génotype Dose en cellules reçues
VCN Résultats
1002 29 β+/ β0 0,93.106/kg 1,3 Rejet de greffe
1003 18 βE/ β0 3,9.106/kg 0,6 Anémies après 7 ans sans traitement. Aucun traitement chronique à ce jour
1004 22 βE/ β0 4,3.106/kg 0,3 Le patient est toujours traité par transfusions sanguines. Taux d’HbA = 5% de Hb totale.
Le premier patient traité (1002) souffrait de thalassémie bêta génotype β+/β0. Il a reçu une
faible dose de CSH (0,93.106 cellules/kg) alors qu’il est généralement recommandé
d’injecter 2 à 2.5.106 cellules/kg (105). Les raisons de ce choix n’ont pas été expliquées. Le
patient a rejeté le greffon probablement pour cette raison.
Le patient 1004 souffrait de thalassémie bêta génotype βE/β0. Il a reçu une dose de CSH de
4,3.106 cellules/kg. La greffe a bien pris et le patient est sorti d’aplasie médullaire au bout de
22 jours. Malheureusement, avec une quantité produite d’HbA T87Q égale à 5% de Hb
totale, le patient n’est pas guéri et continu à recevoir des transfusions sanguines
régulièrement. Ce faible taux d’Hb produite est peut-être dû au faible taux de transduction
cellulaire obtenu, avec seulement 30% des cellules transduites (VCN=0,3).
Le patient 1003 souffrait de thalassémie bêta génotype βE/β0. Il a reçu une dose de CSH
égale à 3,9.106 cellules/kg avec une VCN à 0,6. La transduction cellulaire semble donc avoir
produit une grande quantité de cellules portant le gène HbA T87Q. La greffe cellulaire s’est
bien passée et le patient est sorti d’aplasie médullaire en 27 jours. Pendant 7 ans, le patient
n’a reçu aucun traitement et produit 30% d’HbA T87Q. Il déclara ensuite une anémie
nécessitant une transfusion sanguine, mais ne bénéficie toujours pas à ce jour de
programme régulier de transfusion sanguine.
En conclusion, cet essai clinique a permis de prouver que les CSH autologues pouvaient
être utilisées pour traiter les patients atteints d’hémoglobinopathie. Aucun effet secondaire
grave, leucémie, ni lymphome n’ont été mis en évidence (102). Le vecteur HPV569 semble
avoir un effet secondaire sur le génome. La partie terminale cHS4 du vecteur interagit avec
le gène HMGA2 (98). Cette interaction conduit à une surexpression du gène, qui chez la
souris conduit à une augmentation de la production de tous les éléments figurés du sang et
à une splénomégalie (106). Cette interaction a obligé les cliniciens et chercheurs à mettre au
point un nouveau vecteur, en remplaçant la partie cHS4 : le BB305.
83
b. Le vecteur BB305
Le vecteur BB305 est actuellement utilisé dans deux essais cliniques différents. Le premier
essai a débuté en France en juillet 2013 et le second a commencé aux États unis en août
2014. Il vise à traiter à la fois les patients atteints de thalassémie et de drépanocytose. Pour
les patients drépanocytaires, les critères d’inclusion sont : un historique médical incluant de
nombreuses crises drépanocytaires, l’absence de donneur HLA compatible pour une greffe
de CSH allogéniques et l’échec au traitement par hydroxyurée (102). Les CSH des patients
sont prélevées au niveau de la moelle osseuse avant d’être transduites ex vivo et
réinjectées aux patients.
i. Construction du vecteur
Le vecteur lentiviral BB305 possède exactement la même construction que le vecteur
HPV569. Seuls les domaines terminaux sont différents avec le remplacement de la région
cHS4 par une région auto-inactivante (Figure 28).
Figure 28: Vecteur lentiviral BB305 (103).
ii. Protocole de greffe cellulaire
Le protocole de greffe cellulaire est le même que pour le vecteur HPV569. Les patients sont
donc conditionnés avec du busulfan avant d’être greffés.
iii. Résultats
Les bilans complets des études ne sont pas encore publiés ; seuls des résultats partiels sont
disponibles. Les résultats obtenus chez 7 patients drépanocytaires traités aux États-Unis et
un patient drépanocytaire traité en France pourront être présentés.
84
L’essai clinique américain
Sept patients âgés de 18 à 42 ans et souffrant d’une forme sévère de drépanocytose ont été
traités aux États unis par le vecteur lentiviral BB305 (107). Les patients ont reçu des doses
de cellules souches allant de 1,6 à 5,1.106 cellules/kg et possédant un nombre de
transgènes de 0,3 à 1,3 copies de gène par cellule (Tableau X). Les patients n’ont souffert
d’aucun effet secondaire propre aux cellules souches. Les effets secondaires les plus
graves étaient des douleurs, une anémie et une CVO lors du prélèvement des cellules
souches dans la moelle osseuse.
L’article de Kanter et al. (107) présente peu de résultats à moyen terme, car parmi les 7
patients traités, seuls 4 ont été suivis plus de 3 mois. Chez ces 4 patients, 3 ont refait une
CVO après la greffe cellulaire. De plus, l’analyse des taux d’Hb circulante montre que seuls
2 patients ont un taux HbA T87Q supérieur à 1g/dL. Les auteurs expliquent cet échec relatif
par plusieurs hypothèses : les faibles VCN, une myéloablation inadéquate et la quantité trop
faible de cellules greffées.
Tableau X: Présentation des résultats obtenus chez 7 patients traités à l'aide du vecteur BB305
(107).
VCN : copie de gène par cellule, * : 2 prélèvements $ : 3 prélèvements de CSH de moelle
osseuse.
Patients Cellules
greffées (106/kg) VCN
Taux HbA T87Q à la
dernière visite (g/dL)
Date de la dernière
visite (mois)
1301 2,6 0,5 – 0,6* 0,3 9
1303 2,8 1,3 1,2 12
1304 1,6 0,3-0,5-0,5$ 0,4 6
1306 2,1 0,6 0,5 6
1308 1,9 0,5-0,8* 0,2 3
1309 1,8 0,9 1,0 3
1310 5,1 0,9-0,4* 0,1 3
85
L’essai clinique français.
En France, seuls les résultats relatifs à un patient atteint de drépanocytose et traité en
octobre 2014 ont été publiés à ce jour (108).
Le patient était un enfant de 13 ans souffrant d’une drépanocytose grave pseudotypée βS/βS
associée à une délétion de 3,7 kilo-base dans un des gènes de la chaine alpha de
l’hémoglobine. Le patient souffrait de CVO récurrente, d’ostéonécrose bilatérale de la
hanche et avait déjà fait 2 épisodes de syndrome respiratoire aigu. Le patient avait subi une
cholécystectomie et une splénectomie pendant l’enfance et avait été traité par hydroxyurée
de l’âge de 2 à 9 ans sans succès.
Lors du traitement par thérapie génique, le patient n’a souffert d’aucun effet indésirable
imputable aux CSH. Les effets secondaires sont apparus lors de la myéloablation et sont :
une pancytopénie associée à une infection par Staphylococcus epidermidis (bactérie
commensale de la flore cutanéo-muqueuse).
Le patient reçu une grande quantité de cellules (5,6.106/kg) possédant en moyenne une
copie de gène par cellule (Tableau XI). Après traitement, le patient est progressivement sorti
d’aplasie médullaire. Il fut capable de produire ses propres défenses immunitaires dès le
38ème jour. Au 88ème jour, la production d’hématies était suffisante et les transfusions
sanguines se sont arrêtées. Il fallut attendre le 91ème jour pour que la numération
plaquettaire soit redevenue normale. L’état clinique du patient lui a permis de sortir de
l’hôpital dès le 50ème jour post greffe sans aucun traitement (ni antidouleur).
Tableau XI: Présentation des résultats obtenus chez un patient français traité à l'aide du
vecteur BB305 (108).
VCN : copie de gène par cellule, * : 2 prélèvements de CSH de moelle osseuse.
Age Génome Cellules greffées
(106/kg) VCN
Date de sortie
d’aplasie médullaire
Taux HbA T87Q
à 15 mois
13 ans βS/ βS 5,6 1–1,2* 38 jours
5,7 g/dL
48% de Hb
totale
86
À 12 mois post-greffe, des tests ont été réalisés sur les hématies afin de contrôler leurs
propriétés :
Leur affinité pour l’oxygène fut quantifiée par l’analyseur Hemox qui mesure à l’aide
d’une électrode Clark le taux d’oxygène présent dans le milieu. Lors du dosage, une
réaction de catalyse de l’eau se produit au niveau de la sonde : O2 + 4 e− + 4 H+ → 2
H2O. Les électrons ainsi mobilisés sont quantifiés et la quantité d’oxygène calculée.
Le taux d’hématie falciforme en milieu hypoxie et normoxie. Pour ce faire, les cellules
sont mises en culture dans un milieu contenant différentes concentrations en
oxygène (20, 15, 10, 7, 5, 3 et 0%). Après 20 minutes, les cellules sont comptées à
l’aide d’un microscope et le ratio hématie falscifome / hématie normale est calculé.
Leurs propriétés de déformabilité sont mesurées par ektacytomètrie. Les cellules en
suspension sont placées dans une sorte de rotor qui crée des forces de cisaillement ;
forces qui incitent les cellules à se déformer. L’analyse en continu de l’indice de
diffraction d’un laser permet de connaître la forme des cellules et de quantifier leur
déformabilité en fonction de la vitesse du rotor.
Le bilan de ces tests a révélé que les hématies produites avaient les mêmes propriétés que
celles d’un patient porteur du trait drépanocytaire asymptomatique.
À 15 mois post-greffe, le taux d’Hb était stable autour de 12g/dL (normale : 13 à 18 g/dL)
avec 48% d’HbA T87Q. Les fonctions hépatiques et rénales étaient devenues normales. Le
patient ne souffrait plus d’hémolyse (bilirubine normale) ni de dommage tissulaire (lactate
déshydrogénase et imagerie par résonance magnétique normale).
À ce jour, le patient est considéré comme guéri de la drépanocytose
c. Le vecteur βAS3-FB
i. Construction du vecteur
Parallèlement aux vecteurs BB305, un second vecteur de thérapie cellulaire fut mis au
point : le βAS3-FB. Ce vecteur a une construction similaire à ceux déjà décrits. Seuls deux
éléments diffèrent : les domaines terminaux et le transgène (Figure 29).
Afin d’éviter les mutations insertionnelles comme retrouvées avec le vecteur HPV569, le
vecteur βAS3-FB possède un petit isolateur FB de 77 paires de bases dans la partie auto-
inactivante terminale. L’efficacité de ce groupement a été vérifiée chez la souris. Le groupe
87
d’animaux traité n’a pas déclaré plus de cancer ou de lymphome que le groupe contrôle.
L’isolateur FB est donc efficace (86).
Figure 29: Vecteur βAS3-FB.
La cassette intégrée est délimitée par les régions FB qui sont des isolateurs. La région
régulatrice de l’expression du transgène est constituée de sites hypersensible (HS) et du
promoteur proximal du gène de l’hémoglobine beta (β-p). Le transgène est constitué du gène
de l’hémoglobine béta muté en position 16, 22 et 87. Le vecteur contient également un élément
de reverse transcription (RRE), un site de début (SD) et de fin (SA) épissage et un site
d’amplification (E).
Le transgène présent dans le vecteur βAS3-FB est comme pour les précédents un gène de
l’HbA muté, mais avec 3 mutations (109). Les 3 mutations font toutes partie des 10 acides
aminés qui diffèrent entre la chaine bêta et gamma de l’Hb. Les mutations sont :
Comme pour les vecteurs précédents : le remplacement de la thréonine par une
glutamine en position 87 (T87Q).
Le remplacement en position 22 de l’acide glutamique par une alanine (E22A). Cette
substitution permet comme pour la T87Q d’inhiber la polymérisation de l’HbS.
Le remplacement en position 16 de la glycine par un acide aspartique (G16D). Cette
mutation permet d’augmenter les liaisons entre les chaines alpha et bêta de
l’hémoglobine et de diminuer par compétition la formation d’HbS (toutes les chaines
alpha sont utilisées pour faire de l’HbA.
ii. Protocole de greffe cellulaire
L’essai clinique NCT02247843 (110) concerne les patients de plus de 18 ans, atteints de
drépanocytose génotypée βS/βS ou βS/β0, ayant eu plusieurs syndromes drépanocytaires
majeurs, étant en échec thérapeutique. Pour pouvoir inclure les patients, aucun donneur de
moelle osseuse ne doit être compatible.
Le protocole de greffe cellulaire est le même que pour les vecteurs précédents. Les cellules
sont prélevées dans la moelle osseuse puis les patients sont conditionnés avec du busulfan
avant d’être greffés.
88
iii. Résultats
Les résultats de l’essai clinique de phase I ne sont pas encore disponibles. Seules les
données obtenues pendant l’étude préclinique réalisée sur des souris NSG sont disponibles
(109). La souris NSG est l’espèce murine la plus utilisée en thérapie génique, car elle
immunodéficiente (elle ne possède pas de lymphocyte B, T ni de cellules natural killer). Ce
modèle murin permet la réalisation de xénogreffes (greffes réalisées avec des cellules
provenant d’une espèce différente : ici l’Homme) orthotopique (les cellules sont
transplantées au même endroit que pour l’Homme : ici dans le sang) sans risque de rejet de
greffe par le système immun de la souris.
Les données de transduction cellulaire réalisées avec le vecteur βAS3-FB montrent que les
cellules transduites ont intégré en moyenne 0,92 copie de gène. La proportion en nombre de
gènes intégré suit une loi de Poisson avec : 70% des cellules n’ayant pas intégré de gène,
26% en ayant intégré 1 ou 2, 3% entre 3 et 6 et 1% entre 7 et 9. Ces proportions montrent
peu de cellules avec 3 gènes intégrés ou plus, ce qui est compatible avec une utilisation
clinique chez l’Homme. De plus, les tests de clonogénicité et de différenciation cellulaire
effectués in vitro ont été réalisés. Dans ce test, les CSH sont ensemencées dans un milieu
de methylcellulose (Stem Cell Technologies, Vancouver, BC, Canada) comportant les
facteurs de croissance cellulaire nécessaires à la prolifération et à la différenciation des
cellules souches hématopoïétiques. Après 14 jours de culture, les différents progéniteurs
hématopoïétiques ont proliféré et ont formé différents types de colonies selon leur stade de
maturation :
Les CFU-GEMM (Colony Forming Unit – Granulocyte Erythroid Megakaryocyte
Macrophage) pour les cellules les moins différenciées.
CFU-GM (Colony Forming Units Ggranulocyte Macrophage) pour les progéniteurs
impliqués dans les voies granulocytaires et monocytaires.
BFU-E (Burst Forming Units Erythroid) pour les progéniteurs érythrocytaires.
Ce test n’a mis en évidence aucune différence entre les cellules transduites ou non
transduites. Enfin, le taux d’HbA fut dosé dans les hématies différenciées in vitro. Les
cellules contiennent en moyenne 18% d’HbA.
Chez la souris, deux tests ont été réalisés afin de connaître les risques associés aux
vecteurs : un test de génotoxicité et une numération des différents progéniteurs présents
dans la moelle osseuse des souris. Le test de génotoxicité, réalisé par rapport à un contrôle
89
positif a conclu à l’absence de risque du vecteur. La numération des progéniteurs cellulaires
présents dans la moelle osseuse des souris greffées et non greffées montre que le vecteur
est peu susceptible d’induire des lymphomes en favorisant une lignée cellulaire par rapport
aux autres.
En conclusion, le vecteur βAS3-FB semble prometteur, mais les résultats de génotoxicité et
d’efficacité restent à être confirmés chez l’Homme (but de l’essai clinique en cours)
2. Augmenter la production d’HbF
Comme évoqué précédemment, le maintien de la production d’HbF chez l’adulte
drépanocytaire est plus efficace pour le traitement des patients que la correction du gène
bêta de l’HbA (111). Les chaines gamma de l’HbF diminuent efficacement la polymérisation
des chaines bêta S de l’Hb et donc le taux d’hématie falciforme.
Au cours du développement normal d’un individu, les gènes codants pour l’HbF sont inhibés
au profil de ceux codant HbA. Pour restaurer la production d’HbF, deux méthodes sont
actuellement testées en clinique : l’ajout du gène gamma de l’Hb et l’inhibition du gène
BCL11A.
a. Ajout du gène gamma de l’hémoglobine
Le but de cette thérapie est de diluer l’HbS par de l’HbF. Pour être efficace, l’Hb totale
produite par les cellules transduites doit contenir au minimum 30% HbF (85).
i. Construction du vecteur
Le vecteur letiviral utilisé pour apporter le gène de la chaine gamma de l’hémoglobine
possède exactement la même construction que le vecteur BB305 précédemment décrit. La
seule différence entre les deux vecteurs est la composition du transgène avec le gène bêta
A T87Q pour le BB305 et gamma pour celui-ci (Figure 30).
Figure 30: Vecteur lentiviral contenant le gène de la chaine gamma de l’Hb (103).
90
Afin de permettre une bonne expression du transgène chez les patients adultes, le
promoteur présent dans le vecteur est celui du gène de la chaine bêta de l’Hb et non de la
chaine gamma de l’Hb. Ce choix permet d’assurer une production continue de l’HbF et
minimise les risques d’inactivation du transgène.
Lors des essais chez la souris, il fut rapporté que les cellules contenant une grande quantité
d’ARN messager codant pour la chaine bêta de l’Hb exprimaient très peu le transgène.
Cette différence n’est pas due à l’expression des gènes, mais à la stabilité de leurs ARN
messager. En effet, le gène de la chaine bêta de l’Hb contient dans la partie terminale un
motif plus riche en pyrimidine que celui de la chaine gamma. Ces motifs permettent une
meilleure stabilité de l’ARN messager produit. Afin de produire de l’HbF en grande quantité,
le vecteur lentiviral V5m3 a été mis au point (112). Il contient à la fois le promoteur et la
partie terminale du gène de la chaine bêta de l’Hb.
ii. Protocole de greffe cellulaire
L’essai clinique NCT02186418 (113) concerne les patients de 18 à 35 ans, atteints de
drépanocytose de stade sévère et étant en échec thérapeutique. Les patients doivent avoir
une fonction rénale, hépatique et cardiaque normale et aucun donneur de moelle osseuse
ne doit être compatible avec eux.
Le protocole de greffe cellulaire est le même que pour les vecteurs précédents. Les cellules
sont prélevées dans la moelle osseuse puis les patients sont conditionnés avant d’être
greffés.
iii. Résultats
Les résultats de l’étude clinique de phase I/II ne sont pas encore disponibles, seules les
données obtenues chez la souris le sont. Deux vecteurs différents ont été testés chez la
souris : le vecteur V5m3 (112,114) décrit précédemment et le vecteur I8Hβ/γW (115). Ce
dernier possède une construction similaire aux V5m3 avec le promoteur et la partie
terminale du gène de la chaine bêta de l’Hb. La différence entre les deux vecteurs se fait au
niveau des parties non codantes du gène (intron) (116).
Les données de transduction cellulaire réalisées avec les deux vecteurs sont similaires. Les
cellules transduites ont intégré en moyenne 1,7 copies de gène pour le vecteur V5m3 et 2
pour le vecteur I8Hβ/γW. Ce taux de transduction cellulaire conduit à la formation d’HbF en
91
grande quantité (48% de l’Hb totale pour le vecteur V5m3 et 40% pour I8Hβ/γW) sur une
longue période (plus de 6 mois) (112,115).
Chez les souris traitées par le vecteur I8Hβ/γW, différents tests ont été réalisés afin de
connaître les effets in vivo de la thérapie génique (115). Les propriétés des hématies ont été
analysées. Le nombre de cellules falciformes en condition normoxique est ainsi passé de
12% à 2,3% et la demi-vie des hématies de 2 à 8 jours. Le traitement a donc permis de
traiter l’anémie hémolytique chronique des souris et a réduit les risques de CVO. La fonction
rénale est restée bonne et la splénomégalie a disparu lors du traitement.
Aucun test de génotoxicité n’a été rapporté pour les deux vecteurs.
En conclusion, les vecteurs contenant le gène de la chaine gamma de l’Hb semblent
prometteurs, mais les tests de génotoxicité doivent être réalisés et leur d’efficacité reste à
être confirmés chez l’Homme. Ces questions font actuellement l’objet d’un essai clinique
(NCT02186318).
b. Inhibition de BCL11A
BCL11A (pour B cell lymphoma-leukemia 11A) est un facteur de transcription en doigt de
zinc nécessaire à la production des lymphocytes T et B. Plus récemment, des études ont
démontré que cette molécule joue également un rôle dans l’érythropoïèse et plus
particulièrement dans l’inhibition de la synthèse de l’HbF.
BCL11A inhibe la formation des chaines gamma de l’Hb en interagissant avec les NuRD
(Nucleosome Remodelling Deacetylation) : des complexes de remodelage associés à deux
histones désacétylases, la protéine de matrice nucléaire Matrin 3, les facteurs de
transcription erythroïdes GATA1 et FOG1 et le facteur de transcription : SOX6 (Figure 31).
Quand le complexe se fixe à proximité du gène de la chaine gamma de l’Hb, elle empêche
les régions contrôle (LCR) d’interagir avec le gène. Ne pouvant se fixer, les LCR se
déplacent sur le gène de la chaine bêta de l’Hb à proximité et l’activent (117).
92
Figure 31: Complexe BCL11 avec ses cofacteurs principaux (117).
Le but l’essai clinique NCT03282656 est donc d’inhiber la production de BCL11A afin
d’empêcher la transition HbF HbA et de conserver un taux élevé d’HbF chez l’adulte.
i. Construction du vecteur
Différents vecteurs ont été construits pour inhiber la production de BCL11A. Le premier mis
au point fut un vecteur lentiviral codant pour un shARN avec un promoteur spécifique à
l’ARN polymérase III (pol III). L’utilisation de cette construction chez la souris a démontré
que l’inhibition des ARN messager de BCL11A par des shARN permet bien de restaurer la
production d’HbF. Malheureusement, une forte cytotoxicité est apparue, rendant son
utilisation impossible chez l’Homme (118).
Le second vecteur mis au point est un vecteur lentiviral codant pour un shARNmir avec un
promoteur ubiquitaire SFFV. Le promoteur SFFV transcrit l’ADN en ARN messager avec
l’ARN polymérase II (pol II) (118). Le shARNmir présent dans ce vecteur est le shARN du
premier vecteur avec un micro ARN dans sa partie terminale (Figure 32). Le remplacement
du shARN par un shARNmir a deux avantages : le transgène est compatible avec l’utilisation
d’un promoteur pol II et la molécule finale est plus stable.
La grande différence entre les deux premiers vecteurs résulte dans le passage d’un
promoteur spécifique à pol III, qui produit directement un shARN mature à partir de l’ADN, à
un promoteur spécifique à pol II qui produit un shARNmir immature, nécessitant l’intervention
de Drocha et Dicer pour être actif. Ainsi, dans le noyau cellulaire, le Pri-miRNA (ARN
synthétisé à partir de l’ADN) est clivé par Drocha (une ribonucléase de type III) en une
93
molécule plus petite le Pre-miRNA. La nouvelle molécule d’ARN va ensuite être prise en
charge par l’exportine 5 pour quitter le noyau cellulaire. Dans le cytoplasme, Dicer (une
ribonucléase de type III) va cliver le Pre-miRNA pour former le shARN mature.
Cette modification a permis de diviser par 3 le nombre de cellules en apoptose (mort
cellulaire) tout en conservant une forte production d’HbF dans les cellules transduites (40 à
50% de Hb totale) (118). Néanmoins, il fut rapporté avec ce vecteur une diminution de
production des lymphocytes B matures et un blocage du cycle cellulaire lors de la transition
G1/S (119).
Figure 32: Représentation du shARNmir
(118).
En rouge, le shARN et en bleu la partie mir terminale.
Les résultats très prometteurs obtenus avec le second vecteur ont permis de développer un
nouveau vecteur lentiviral de grade clinique. Ce troisième vecteur est composé du même
shARNmir que le second, mais possède une construction identique aux vecteurs lentiviraux
présentés dans les points précédents (Figure 26). Le vecteur comprend donc le promoteur
proximal du gène de l’hémoglobine bêta ainsi que les sites hypersensibles contrôlant son
expression (Figure 33). Cette construction permet d’obtenir une expression du shARNmir
uniquement dans les cellules impliquées dans l’érythropoïèse, permettant ainsi la production
de lymphocyte B mature. C’est ce vecteur qui est actuellement utilisé en clinique.
Figure 33: Vecteur LCR-shARNmir
(119).
La cassette intégrée est délimitée par les régions sinLTR qui sont des régions hautement
répétées contenant une délétion auto-inactivante. La région régulatrice de l’expression du
transgène est constituée de sites hypersensibles (HS) et du promoteur proximal du gène de
l’hémoglobine bêta (β-globin pr). Le transgène est constitué du shARNmir
. Le vecteur contient
également un élément de reverse transcription (RRE), un site de début (SD) et de fin (SA)
épissage, une séquence d’encapsidation (φ) et un site d’intégration (pA).
94
ii. Protocole de greffe cellulaire
L’essai clinique NCT03282656 concerne les patients de 3 à 35 ans, atteints de
drépanocytose associée à une production d’HbF inférieur à 10% de l’Hb totale. Les patients
doivent avoir des antécédents de syndrome thoracique aigu et d’alloimmunisation suite aux
traitements chroniques par transfusion sanguine. Ils sont également en échec thérapeutique
et il n’existe aucun donneur de moelle osseuse compatible.
Le protocole de greffe cellulaire est le même que pour les vecteurs précédents. Les cellules
sont prélevées dans la moelle osseuse puis les patients sont conditionnés avec du busulfan
avant d’être greffés.
iii. Résultats
L’essai clinique de phase I ayant débuté en novembre 2017, aucun résultat n’est
actuellement disponible. Seules les données obtenues lors de l’étude préclinique réalisée
sur des souris NSG le sont (119).
Les données de transduction cellulaire réalisées avec le vecteur shARNmir montrent que les
cellules transduites ont intégré en moyenne 1,3 copies de gène. Ce taux de transduction
cellulaire conduit à la formation d’HbF en grande quantité (60% de l’Hb totale).
Chez les souris traitées, différents tests ont été réalisés afin de démontrer l’absence de
génotoxicité du traitement. La proportion en cellules matures de types érythrocytaires et
lymphocytaires a été dosée et il fut montré que l’inhibition de BCL11A ne modifie pas la
numération formule sanguine. De plus, les analyses de la quantité en hémoglobine
circulante et de la taille de la rate ont montré que le vecteur shARNmir inhibait l’hémolyse et
augmentait la demi-vie des hématies.
95
E. Autres pistes thérapeutiques envisagées
En plus des essais cliniques actuellement en cours, d’autres pistes thérapeutiques sont à
l’étude. Les plus prometteuses sont : l’induction de l’HbF en inhibant le facteur de
transcription KLF1 et l’édition du génome afin d’induire ou réparer des mutations génétiques.
Le principe général de ces stratégies thérapeutiques sera présenté dans cette partie.
1. Inhibition de KLF1
KLF1 est un facteur de transcription impliqué dans la maturation des érythrocytes et plus
particulièrement dans la transition HbF HbA. KLF1 joue un double rôle lors de la transition
HbF HbA : il active le gène de la chaine bêta de l’hémoglobine en interagissant
directement avec le promoteur du gène et il inhibe l’expression de la chaine gamma de
l’hémoglobine en stimulant la production de BCL11A (120). Ainsi, l’inhibition de KLF1 permet
de restaurer la production de l’HbF dans les cellules (121).
L’inhibition de KLF1 a été réalisée sur des CSH de sang de cordon ombilical à l’aide d’un
vecteur lentiviral contenant un shARN spécifique à l’ARN messager de ce gène (122).
Différentes doses de vecteur ont été utilisées afin de déterminer un seuil minimal d’inhibition.
Il fut montré qu’une inhibition de 40 à 80% de KLF1 permet une augmentation de la
production de la chaine gamma de l’Hb d’un facteur 1,5 à 2, mais qu’une inhibition de KLF1
supérieur à 80% ne provoque plus cette augmentation et induit une anémie (diminution de la
production totale en Hb).
Les causes de ce seuil d’inhibition maximal ne sont pas connues, mais deux hypothèses
sont avancées. La première est que KLF1 est nécessaire à l’expression du promoteur des
gènes de l’Hb. La seconde hypothèse est que seule une diminution modérée de KLF1 peut
être compensée par l’augmentation de KLF2 dans les cellules. KLF2 est un gène présentant
une forte homologie avec KLF1, il régule la production de l’Hb.
À ce jour, KLF1 reste une piste thérapeutique, car c’est un gène spécifique à la lignée
érythrocytaire dont l’hétérozygotie (présence d’un des deux gènes mutés) ne provoque
aucune maladie. De plus, une inhibition partielle de ce gène permet de réguler la production
d’HbF.
Le maintien de l’HbF en inhibant la transition naturelle HbF HbA semble donc être une
piste thérapeutique très prometteuse. Deux gènes ont déjà été décrits (BCL11A et KLF1) et
96
d’autres sont à l’étude afin de connaître leurs potentiels thérapeutiques et les risques
associés à leur dérégulation (comme MYB et HBS1L) (123).
2. Édition du génome
L’édition du génome a pour objectif de réparer la mutation responsable de la synthèse de
l’HbS en utilisant les outils de réparation cellulaire naturellement présents dans la cellule.
Pour ce faire, deux molécules doivent être apportées à la cellule :
Une nucléase capable de couper la double chaine d’ADN au niveau de la mutation.
Les technologies CRISPR, TALEN et ZFN en sont les principaux types.
Une séquence témoin comportant le gène de l’hémoglobine bêta non muté.
Quelle que soit la technologie utilisée, le principe reste le même (Figure 34). La nucléase
effectue une coupure double brin de l’ADN puis la cellule détectant l’anomalie tente de
reconstruire la molécule d’ADN. Pour effectuer cette réparation, la cellule cherche une
séquence homologue dans son génome qu’elle pourra utiliser pour remplacer les
nucléotides perdus lors de la coupure. Une fois la séquence trouvée, la cellule coupe la
partie qui l’intéresse et l’insère à son génome au niveau de la coupure pour reconstituer le
chromosome. Ce mécanisme cellulaire s’appelle la recombinaison homologue.
Lors de la mise au point de la méthode, un gène de sélection fut ajouté à la séquence
témoin (le gène de résistance à la puromycine par exemple). Ce gène permet d’isoler les
cellules ayant intégré la séquence témoin qui contrairement aux autres résistent à la
présence d’une molécule toxique dans le milieu (la puromycine par exemple). Une fois les
cellules extraites, le gène utilisé pour la sélection est éliminé du génome grâce à une
transposase (exemple « piggyBac excision ») pour ne conserver que celui d’intérêt..
97
Figure 34: Principe de la recombinaison homologue (124).
Le chromosome est coupé par la technologie TALEN au niveau du chromosome codant l’HbS
puis la cellule reconnaît la séquence témoin introduite lors de la coupure (doneur plasmid) et
l’utilise pour réparer la coupure. Après réparation, le gène HbS est remplacé par le gène HbA.
Le gène puroΔtk est un gène de résistance à la puromycine, P PGK est le promoteur associé
et les séquences PB sont des sites de coupure de l’ADN.
Différents tests ont été réalisés pour vérifier la faisabilité de cette méthode. Pour ce faire les
nucléases ont été introduites dans les cellules par nucléofection et la séquence témoin par
nucléofection (124,125) ou par transduction cellulaire à l’aide d’un vecteur lentiviral (126). Le
taux de correction est le même pour toutes les méthodes (ZFN et TALEN) et voies
d’administration. Il est seulement de 20 à 40% et les cellules possèdent 1 seul allèle modifié.
De plus, il ne semble pas y avoir de coupure de l’ADN à un autre endroit que celui souhaité
et la recombinaison homologue n’altère pas les propriétés des cellules (clonogéniques et de
différenciacion). Les tests réalisés chez la souris ont montré que la correction du génome
permettait l’augmentation de la production d’HbA mais dans de faibles proportions (5% de
l’Hb totale). Ce résultat s’explique par le faible nombre de cellules greffées (126).
Pour conclure, l’édition du génome est une stratégie prometteuse, qui permet de corriger le
gène responsable de la drépanocytose, mais dont les protocoles ne sont pas encore
suffisamment standardisés pour pouvoir être transposés en clinique.
98
Comme vous venez de le voir, la thérapie génique peut être source d’espoir pour les patients atteints de drépanocytose. Certaines méthodes
ont partiellement fait leurs preuves en clinique alors que d’autres, plus récentes, doivent encore démontrer leurs potentiels chez l’Homme
(Tableau XII).
Tableau XII: Bilan des résultats obtenus avec les différentes thérapies actuellement testées en clinique
Numéro de l’essais clinique
Stade Gène Objectifs Résultats (clinique et pré-clinique)
NCT02151526 I/II
BB305 Restaurer la production HbA Peu d’effet secondaire du traitement chez l’Homme
Résultats cliniques patient dépendant avec la guérison d’un seul patient NCT02140554 I
NCT02247843 I beta AS3-FB Restaurer la production HbA
Uniquement chez l’animal Absence de risque de génotoxicité du vecteur
Transduction efficace des cellules sans altérer leurs propriétés Production par la souris de 18% d’HbA
NCT02186418 I/II gamma globuline Restaurer la production HbF
Uniquement chez l’animal Aucun résultat de génotoxicité
Diminution du taux hémoglobine falsciforme Disparition de la splénomégalie chez les animaux traités
NCT03282656 I shARN spécifique à BCL11A Inhibition de BCL11A et
restauration de la production en HbF
Uniquement chez l’animal Absence de risque de génotoxicité du vecteur
Production par les souris de 60% d’HbF Inhibition de l’hémolyse
99
IV. Conclusion et Perspectives
100
La découverte de la structure de l’ADN et la compréhension de son rôle sur les cellules
datent du milieu du XXème siècle. Cette avancée majeure a permis de révéler les causes de
certaines maladies génétiques jusque-là incomprises comme la drépanocytose. Cette
meilleure compréhension de la maladie et du cycle de l’hématopoïèse a conduit à la création
de nouveaux traitements aux patients avec la greffe de cellules souches hématopoïétiques
dans les années 1980 et l’hydroxyurée en 1995.
Ces traitements ont permis d’améliorer grandement la prise en charge des patients
drépanocytaires qui ont vu leur espérance de vie passer de 23 ans dans le début des
années 1980 à 37,5 dans les années 2000 (127). L’hydroxyurée a joué un rôle majeur dans
l’augmentation de cette espérance de vie. En restaurant partiellement la production d’HbF,
le médicament a permis la réduction des CVO, une meilleure oxygénation des tissus et une
restauration partielle des propriétés physiques des hématies. Malheureusement, ce
traitement s’accompagne d’effets indésirables graves semblables aux chimiothérapies
(modification de la formule sanguine, perte de cheveux, azoospermie) et ses effets à long
terme ne sont pas connus. L’apparition d’une leucémie est possible (128). Les allogreffes de
cellules souches nécessitent, quant à elles, la présence d’un donneur compatible.
Actuellement, on estime que seuls 14% des patients ont cette chance et peuvent bénéficier
d’un don de moelle osseuse allogénique (106) ; seul traitement curatif disponible à ce jour.
En absence d’autre traitement, les patients se tournent vers une discipline nouvelle : la
thérapie génique.
La thérapie génique est une science contemporaine qui vu le jour dans les années 1960-
1970, mais qui fut réellement mise en place qu’à la fin des années 1990 quand le génome
humain fut connu (le projet de séquençage du génome humain eu lieu de 1990 à 2003).
Cette nouvelle approche fut très vite utilisée chez l’Homme. Le premier essai clinique eut
lieu dès 1999 chez des enfants atteints de déficit immunitaire sévère lié au chromosome X.
Dans un premier temps, la guérison des enfants traités et leur sortie de l’hôpital furent
considérées comme une réussite et suscitèrent un réel espoir de guérison chez les patients
souffrant de maladies génétiques. Malheureusement, quelques années plus tard, certains
enfants déclarèrent une leucémie, ce qui mit en évidence les risques associés à ce
traitement. Cet évènement fut à l’origine du renforcement des contrôles précliniques de
sécurités obligatoires avant toute administration de produit de thérapie génique à l’Homme.
Les patients souffrant de drépanocytose ont dû attendre le début des années 2000 pour
pouvoir bénéficier du premier traitement de thérapie génique spécifique à leur maladie. Tout
comme pour le déficit immunitaire sévère lié au chromosome X, ce premier essai fut un
101
succès avec la guérison d’un patient et l’utilisation d’un vecteur présentant peu de risque
d’induire une leucémie. Ce premier résultat raviva l’espoir des patients drépanocytaires de
guérir de leur maladie. Malheureusement, le vecteur utilisé n’était pas suffisamment exprimé
par les cellules et ne put guérir qu’un seul patient.
Actuellement, il existe 5 essais cliniques de thérapie génique dans le monde pour le
traitement de la drépanocytose à l’aide de cellules autologues. Trois d’entre eux (dont le
seul français) ont pour objectifs d’ajouter ex vivo un gène codant pour la chaine bêta de
l’hémoglobine, un autre cherche à ajouter ex vivo un gène codant pour la chaine gamma de
l’hémoglobine et le dernier cherche à restaurer la production d’hémoglobine fœtale en
inhibant BCL11A. Ces essais cliniques tendent à développer un vecteur qui permette à la
cellule de synthétiser de l’Hb fonctionnelle en grande quantité sans pour autant induire de
nouvelles maladies (comme des leucémies). Pour ce faire, ils utilisent tous des vecteurs
lentiviraux de 3ème génération.
Les premiers résultats issus de ces essais chez l’animal semblent très prometteurs. Ils
permettent tous de faire diminuer le taux d’hématie falciformes (1ère cause de mortalité chez
ces patients), d’améliorer l’oxygénation des organes, sans provoquer d’effet secondaire
grave (pas de risque de génotoxicité ni de reprotoxicité). Ces données devront encore être
confirmées chez l’Homme avant de commercialiser un nouveau médicament.
Pour conclure, la prise en charge des patients drépanocytaires s’est significativement
améliorée en un demi-siècle permettant de faire baisser la morbi-mortalité liée à cette
maladie. Néanmoins, un traitement curatif universel (n’ayant pas recours aux cellules d’un
donneur) doit encore être trouvé pour prendre en charge durablement tous les patients. Pour
atteindre cet objectif, différentes techniques sont actuellement à l’étude. Celles issues de la
thérapie génique n’en sont qu’à leur mise en place même si elles ont déjà montré leur
potentiel thérapeutique sur quelques patients. Le défi est maintenant de standardiser les
protocoles afin d’inclure plus de patients et de confirmer les résultats obtenus.
102
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Annexe 1 : brochure de dépistage néonatal de AFDPHE (Association Française pour le Dépistage et la Prévention des Handicaps de l'Enfant)
115
Annexe 2 : Procédure d’instruction des dossiers de thérapie génique.
Schéma issu du Guide « Gestion d’une étude clinique de thérapie génique de la promotion à l’investigation » du Groupement Interrégional de Recherche Clinique et d’Innovation Sud-Ouest Outre-Mer
116
Annexe 3 : Séquence nucléotidique, avec les acides aminés correspondants, de la chaine bêta de l'hémoglobine. En noir sont représentés les nucléotides, en bleu les acides aminés, en vert les codons START (ATG) et STOP (TAA) et en rouge l’acide aminé dont la mutation est responsable de la drépanocytose (source : Université de Lille)
N° d’identification :
TITRE
La thérapie génique: quel espoir pour les patients atteints de
drépanocytose ?
Thèse soutenue le 28/09/2018
Par Flavien BIZOT
RESUME :
La drépanocytose est une hémoglobinopathie, autosomique récessive touchant la production de l’hémoglobine
impliquée dans le fonctionnement des hématies. Cette maladie est caractérisée par la présence d’hématies
falciformes possédant une faible affinité pour l’oxygène. Cette altération des hématies va entre autres impacter
l’oxygénation des organes et provoquer des crises vaso-occlusives sévères en cas d’activité physique intense et
prolongée et va conduire à une mort prématurée des patients. À ce jour, aucun traitement universel n’est
proposé à ces patients.
La thérapie génique représente, à l’heure actuelle, un enjeu majeur dans la prise en charge des patients. Apparu
dans la seconde moitié du XXème siècle, suite à la découverte de la structure de l’ADN, cette nouvelle thérapie
a déjà permis la mise sur le marché de nouveaux traitements (immunothérapies, vaccins recombinants,
hormones de croissance…). Pour pouvoir traiter efficacement les patients atteints de drépanocytose, la thérapie
génique doit s’attaquer à l’essence même de la maladie en modifiant le génome cellulaire.
Afin de prendre en charge le plus efficacement possible les patients atteints de drépanocytose, le personnel
soignant teste actuellement différents protocoles cliniques de thérapie génique. Ces protocoles visent à extraire
les cellules souches du patient porteur de la maladie, de les corriger (par ajout de gène) et de les réimplanter aux
patients. Ce gène peut être celui de la chaine bêta de l’hémoglobine A (qui est muté chez ces patients), celui
d’une autre chaine de l’hémoglobine (chaine gamma) ou un gène codant pour une molécule qui in fine
permettra de réguler la production d’hémoglobine (inhibition de BCL11A). Les premiers résultats obtenus lors
de ces essais ont permis la guérison d’un patient, ce qui a redonné espoir aux malades. Néanmoins, la thérapie
génique doit encore faire ses preuves à grande échelle et sur le long terme avant d’être réellement considérée
comme une thérapie efficace.
MOTS CLES : Thérapie génique, drépanocytose, cellules souches hématopoïétiques, greffe cellulaire, gène.
Directeur de thèse Intitulé du laboratoire Nature
Loïc REPPEL
Unité de Thérapie Cellulaire et
Banque de Tissus CHRU Nancy
UMR 7365 CNRS-Université de
Lorraine « Ingénierie Moléculaire et
Physiopathologie Articulaire »
Expérimentale □
Bibliographique X
Thème □
Thèmes 1 – Sciences fondamentales
3 – Médicament
(5) - Biologie
2 – Hygiène/Environnement
4 – Alimentation – Nutrition
(6) – Pratique professionnelle