Post on 31-Jan-2021
Roch-Olivier Maistre,Président du Conseil d’administrationLaurent Bayle,Directeur général
Jeudi 15 mai 2014accentus | Pieter-Jelle de Boer | Julien Crépieux
Dans le cadre du cycle Déserts du 5 au 15 mai
Vous avez la possibilité de consulter les notes de programme en ligne, 2 jours avant chaque concert, à l’adresse
suivante : www.citedelamusique.fr
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Stravinski ironisait sur Stockhausen et Wagner en disant qu’ils rendaient nécessaire l’instauration d’un équivalent musical du parcmètre. C’est qu’il faut du temps pour que se déploient naturellement ces univers sonores volontiers conçus sous la forme de vastes cycles.
Wagner n’a que très peu écrit pour le piano (quelques sonates, une fantaisie…), alors que ses opéras, en particulier ceux qui forment la tétralogie du Ring, n’ont cessé d’être transcrits pour le clavier, par lui-même ou par des pianistes virtuoses comme Liszt autrefois et Kocsis aujourd’hui.
Les leitmotive de Wagner sont comme une matière mélodique infiniment plastique qui se cristallise en formes définies pour caractériser un personnage, un affect, un objet… On reconnaîtra nombre d’entre eux dans le programme proposé par Emmanuel Krivine à la tête de l’Orchestre du Conservatoire de Paris, depuis le thème solennel du Chœur des pèlerins sur lequel s’ouvrait Tannhäuser en 1845 jusqu’aux éclats du motif des Walkyries qui accompagnaient en 1876 la bouleversante scène finale du Crépuscule des dieux, au cours de laquelle Brünnhilde s’immole en se jetant dans un brasier ardent.
Bien plus qu’un simple instant, un « moment », c’était pour Stockhausen une partie d’une œuvre dotée de caractéristiques constantes et remarquables : un peu comme le prélude de L’Or du Rhin de Wagner, dans lequel un accord immuable porte tout le développement orchestral. Momente, dont la première version fut créée en 1962 à Cologne, invente ainsi, entre la soprano solo, les quatre groupes choraux et les treize instrumentistes, des plages musicales où prédomine tantôt la mélodie, tantôt le timbre, tantôt la durée des sons. Entre ces moments, il y a des interludes qui, sans caractéristique particulière, utilisent aussi comme matériau les réactions habituelles du public (cris, applaudissements, murmures, toux…) comme pour effacer symboliquement la frontière entre interprètes et auditeurs.
Un mantra est une formule sacrée à laquelle, dans l’hindouisme, on prête un pouvoir. Avec Mantra – une pièce de 1970 pour deux pianos, percussions et modulateur en anneau –, Stockhausen emploie une nouvelle manière de composer, appelée à se généraliser dans ses œuvres plus tardives et notamment dans son opéra Licht. Tous les aspects de la partition (non seulement les notes, mais aussi les nuances, les articulations et les timbres issus des transformations électroniques du son) sont dérivés d’une unique formule mélodique, contractée ou dilatée de toutes les manières possibles. Et, pour l’auditeur, c’est une expérience sonore d’une rare beauté.
Dans ses Entretiens avec Jonathan Cott, Stockhausen a pu déclarer que « Wagner aurait été le meilleur compositeur de gagaku ou le meilleur auditeur du théâtre nô ». Car, ajoutait-il, Wagner « a allongé de façon incroyable la respiration, la durée, désormais indépendantes de ce que le corps humain peut produire ». Il y a peut-être quelque chose de semblable dans la temporalité de Carré, une œuvre créée en 1960 et faisant appel à quatre orchestres ainsi qu’à quatre chœurs. Comme l’expliquait le compositeur : « Il faut s’abstraire du temps si l’on veut se pénétrer de cette musique. La plupart des changements se produisent très lentement, à l’intérieur des sons. » Stockhausen précisait toutefois que, contrairement à ce qui se passe chez Wagner, « cette pièce ne raconte aucune histoire » : les voix des chœurs n’énoncent qu’un pur matériau phonétique dans lequel surnagent quelques noms ici ou là.
Cycle Wagner /Stockhausen Cycle Déserts
Déserts de l’Exode, de Judée, des expérimentations atomiques, exotiques ou mystiques. Il ne manque pas d’étendues de sable pour enfl ammer l’imagination sonore.
Lorsqu’il écrit The Desert Music (1983, pour orchestre et chœur), Steve Reich songe à trois déserts : celui du Sinaï, scène de l’Exode des Israélites ; celui de Judée, cadre des tentations du Christ ; et celui de White Sands au Nouveau-Mexique, lieu des tests atomiques évoqués par William Carlos Williams qui donne son titre à l’œuvre de Reich. À l’instar de The Desert Music, The Four Sections (1987) est destiné à l’orchestre symphonique, dont le compositeur se détournera par la suite pour lui préférer des eff ectifs plus limités, comme dans Duet (1993, pour deux violons solistes et octuor à cordes). Quant à Clapping Music (1972), l’instrumentarium y est réduit aux quatre paumes de deux « claqueurs ».
Félicien David composa Le Désert en 1844. Le 15 décembre, dans le Journal des débats, Berlioz donnait un compte-rendu enthousiaste de la première : « un grand compositeur venait d’apparaître », écrivait-il, « un chef-d’œuvre venait d’être dévoilé ». La partition est le fruit d’un voyage que David fi t en Égypte en 1833. C’est également d’un séjour à Louqsor que, un demi-siècle plus tard, Saint-Saëns rapportera son Cinquième Concerto pour piano, baptisé « Égyptien ».
« Espace d’un cri entouré d’espace entouré de rien ». Ces mots issus d’un poème de Loránd Gáspár, dans le recueil Sol absolu (Gallimard, 1972), chantent le désert. De la rencontre du poète avec le compositeur Jonathan Bell est née en 2007 une pièce, Déserts, pour cinq voix qui évoluent chacune dans un espace sonore (une échelle et un mètre) qui lui est propre. L’Ensemble De Caelis prolonge cette évocation des mondes désertiques par des pièces anonymes choisies dans le répertoire paraliturgique français des XIIIe et XIVe siècles.
Après avoir été exécutée pour la première fois en 1769 pour l’inauguration de l’église de l’hospice municipal de Hambourg, la cantate sacrée Les Israélites dans le désert (plus tard rebaptisée « oratorio » au vu de ses vastes dimensions) a d’emblée connu un grand rayonnement. Elle fut rééditée du vivant de son auteur qui la destinait non seulement aux « occasions solennelles », mais aussi à être jouée « n’importe quand, à l’intérieur et à l’extérieur de l’église, simplement à la gloire de Dieu et sans porter ombrage aux diff érentes confessions ». La souff rance, le désespoir des Israélites traversant le désert (« notre gorge est sèche, nous respirons à peine ») se veut donc ici une expérience universellement partageable.
C’est une vidéo de l’artiste Julien Crépieux qui accompagne le concert donné par accentus le 15 mai. Spaceship Earth (2011) a été tourné en temps réel dans le désert de l’Arizona. On y voit l’ombre au sol d’un poteau électrique, qui prend la forme d’une croix. Le mouvement infi nitésimal de la caméra suit celui du soleil de façon à garder cette croix au centre de l’image. Trois œuvres s’inscrivent dans ce déploiement de l’image : la méditation sur la mort du Christ que propose le Répons des Ténèbres de Gesualdo en 1611, avec ses dissonances expressives ; The Dark Day de la compositrice italienne Francesca Verunelli ; et Granum sinapis, une pièce de Pascal Dusapin sur un texte mystique de maître Eckhart évoquant le cheminement dans un « merveilleux désert » spirituel.
DU LUNDI 5 AU JEUDI 15 MAI
LUNDI 5 MAI, 20HSALLE PLEYEL
Steve Reich DuetClapping MusicFour SectionsThe Desert Music
MDR Sinfonieorchester LeipzigMDR Rundfunkchor Leipzig Kristjan Järvi, direction, clapping Steve Reich, clapping
MARDI 6 MAI, 20H
Camille Saint-Saëns Concerto pour piano n° 5 « Égyptien »Félicien David Le Désert
Orchestre de Chambre de Parisaccentus Laurence Equilbey, direction Bertrand Chamayou, piano Cyrille Dubois, ténor Jean-Marie Winling, récitant
MERCREDI 7 MAI 2014, 20H
AnonymeMonodies, conduits et motets du XIVe siècleJonathan BellDéserts
Ensemble De CaelisLaurence Brisset, direction, chantAlia Sellami, chantEstelle Nadau, chantFlorence Limon, chantCaroline Tarrit, chantMarie-George Monet, chant
MERCREDI 14 MAI 2014, 20H
Carl Philipp Emanuel BachLes Israélites dans le désert
Jordi Savall, directionMaría Cristina Kiehr, sopranoHanna Bayodi-Hirt, sopranoNicholas Mulroy, ténorStephan MacLeod, barytonLa Capella Reial de CatalunyaLe Concert des NationsManfredo Kraemer, concertino
JEUDI 15 MAI 2014, 20H
Carlo GesualdoRépons du Vendredi saintRépons du Samedi saintFrancesca VerunelliThe Dark Day (création mondiale)Pascal DusapinGranum Sinapis
accentusPieter-Jelle de Boer, directionJulien Crépieux, vidéo
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JEUDI 15 MAI 2014 – 20HAmphithéâtre
Spaceship Earth, œuvre vidéo de l’artiste Julien Crépieux, sera projetée durant le concert.
Carlo Gesualdo da VenosaRépons du Vendredi Saint : V. Tenebrae factae suntRépons du Samedi Saint : II. Jerusalem Surge V. O vos omnes VIII. Aestimatus sum
Francesca VerunelliThe Dark Day (création mondiale), commande d’erda | accentus
Pascal DusapinGranum Sinapis
accentusPieter-Jelle de Boer, directionJulien Crépieux, vidéo
Ce concert est surtitré.
Coproduction Cité de la musique, Opéra de Rouen Haute-Normandie, accentus.
Fin du concert (sans entracte) vers 21h15.
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Julien CrépieuxSpaceship Earth
La vidéo Spaceship Earth a été tournée en 2010 en Californie. L’expression « Spaceship Earth », est empruntée à Buckminster Fuller qui considérait la Terre comme un grand vaisseau spatial. Selon lui, le problème pour les hommes était qu’il leur en manquait un mode d’emploi. En 1969, l’architecte en proposa donc une version dans un livre, Operating Manual for Spaceship Earth. Cet essai dresse un état des lieux de la situation de l’humanité et analyse les grands défis auxquels elle est confrontée. Dans un autre livre, l’auteur propose une expérience au lecteur : se tenir bras écartés, face au nord, avec le soleil couchant à l’Ouest qu’on garde au coin de l’œil, par-dessus son épaule gauche, pour pouvoir sentir physiquement la rotation de la terre. « Sa vitesse est incroyable. Et son mouvement d’une impressionnante tranquillité. »
J’ai eu envie de filmer un paysage qui restituerait dans le même mouvement la sensation du mouvement de la Terre. C’est ainsi que j’ai décidé de filmer l’ombre portée d’un poteau électrique pendant une heure (le temps maximum de mon support, la cassette vidéo). Le plan commencerait serré et s’ouvrirait lentement jusqu’au plan d’ensemble du paysage. Le mouvement de cette ombre, extrêmement lent, imperceptible pour un œil distrait, serait enregistré en un lent panoramique ininterrompu donnant l’impression de la fixité. Pourtant, à aucun moment le plan ne serait fixe. J’aimais l’idée que le déplacement d’une ombre au sol, résultat de la rotation de la terre, donne aussi la mesure du plus lent mouvement perceptible par l’œil humain.
Spaceship Earth est un film sur le cadre, une expérience limite du champ et du hors-champ. Le mouvement de caméra, extrêmement ténu, n’est perceptible que sur les bords de l’image. En poussant un peu cette idée, nous pourrions dire que le sujet du film concerne tout ce qui n’est pas contenu dans l’image, son hors-champ illimité, suivant une échelle cosmique, en lien avec les astres environnants.
Julien Crépieux
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Carlo Gesualdo (1566-1613)Quatre Répons de l’Office des Ténèbres du Vendredi Saint et du Samedi Saint
En 1611, Don Carlo Gesualdo fait publier ses ultimes compositions par l’imprimeur napolitain Carlino, dont il installe les presses dans son castello : les Cinquième et Sixième Livre de Madrigaux et les Répons de Ténèbres. Ce dernier recueil comprend vingt-sept répons et un Miserere, à six voix, destinés aux matines des Mercredi, Jeudi et Vendredi Saints. Ces offices pénitentiels particulièrement longs revêtaient un cérémonial spectaculaire qui avait été redéfini par la contre-réforme. La liturgie de chaque veillée s’organise en trois nocturnes, chacun d’entre eux proposant trois lectures, ou leçons, extraites des Lamentations de Jérémie. Chacune des lectures, généralement psalmodiée, est précédée par un répons : une sorte d’enluminure musicale qui revêt, dès la Renaissance, une forme généralement polyphonique. Durant les leçons, les cierges étaient éteints les uns après les autres, plongeant l’assemblée dans les ténèbres, d’où le nom impressionnant et évocateur de cet office particulièrement spectaculaire.
Une semblable liturgie, emplie de textes de contrition imagés et dramatiques, ne pouvait qu’inspirer un musicien rongé par les remords et hanté par sa propre fin, tel que l’était Gesualdo : le compositeur était devenu célèbre pour avoir fait assassiner sa première femme et son amant, puis avoir martyrisé sa seconde épouse. Il fut surtout tourmenté jusqu’à sa mort par des démons intérieurs et dévoré de pulsions masochistes, comme l’évoquent divers récits, souvent posthumes. Ainsi, Don Ferrante della Marra, en 1632, relate qu’il était « assailli et affligé par une vaste horde de démons qui ne lui laissèrent point de paix pendant des jours, à moins que dix ou vingt jeunes hommes, qu’il gardait auprès de lui à cette seule fin, ne le battent violemment trois fois par jour… ».
Les versets des Répons paraphrasent la passion et l’agonie du Christ pour inviter à une véritable méditation sur la mort, la culpabilité, le repentir et la rédemption. Sur ces paroles lourdes de sens, qui ne pouvaient que trouver une résonance singulière au plus profond de son âme, le Prince de Venosa a élaboré de savantes polyphonies, emblématiques du style paradoxal qu’il a cultivé tout au long de son existence tourmentée : des compositions à la fois visionnaires et conservatrices, excentriques par leur langage et conventionnelles par leur forme. Dans ces rigoureuses architectures contrapuntiques, les chromatismes sont fréquents, mais non omniprésents ; les dissonances sont soigneusement préparées, mais toujours frappantes. Les mots et les idées sont soulignés par des figures évocatrices : ces effets rhétoriques sont dénués d’emphase, et s’imposent avec une véritable évidence intérieure. Les entrelacs des voix engendrent un discours musical aussi savant qu’erratique, au mysticisme enténébré de mystères douloureux et de doutes inavoués. Une lumière crépusculaire, douce et méditative, traversée de fulgurances inquiètes et douloureuses, illumine ces chefs-d’œuvre, tout en clair-obscur, à l’intériorité aussi poignante qu’insondable.
Denis Morrier
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Francesca Verunelli (1979)The Dark Day
Quand le chœur accentus m’a proposé d’écrire une pièce pour chœur a cappella programmée avec les responsoria de Carlo Gesualdo, deux éléments m’ont particulièrement intéressée : l’écriture pour un nombre de voix considérable et la recherche d’une écoute dépouillée, très sobre et très chorale, sans pour autant la calquer sur celle du madrigal, qui met en valeurun groupe de solistes.
La thématique du désert (cycle de programmation au sein duquel s’inscrit ce concert) m’a fait repenser à ce poème de William Carlos Williams, The Dark Day. J’envisage le désert comme ce qui est étranger, qui vient de loin. L’œuvre que j’ai composée se base donc sur ce texte, mais aussi sur un texte de la liturgie chrétienne en latin mis en musique par beaucoup de compositeurs dans l’histoire (dont Gesualdo) : celui de la liturgie du samedi (Responsorium VIII in Sabbato sancto). L’un et l’autre pourraient parler de la même chose – une pluie interminable de trois jours, un jour noir (le samedi dans les textes des ténèbres justement), un temps duquel on ne peut pas s’échapper car il est arrivé ; un temps qui continue à arriver dans l’instant, à rebours. Et pourtant, même s’ils se répondent, l’un des textes est sacré et l’autre profane. Il n’y a donc pas d’exégèse donnée, ou de contenu poétique univoque. Ces deux textes sont étrangers l’un à l’autre et l’auditeur est invité à habiter cette distance : il se situe au centre de cette hétérophonie de musiques et de textes.
Dans son poème, William Carlos Williams insiste sur l’idée que tout est déjà arrivé, sur ce qui pourrait s’apparenter à un court-circuit entre l’instant et un temps autre qui se répète à l’infini. Il écrit : « Ça s’est passé avant. À rebours, à rebours, à rebours ». Pour moi, il s’agit d’une réflexion sur le temps, et la musique, c’est avant tout l’écriture du temps. Et c’est là où l’écoute prend place. C’est dans l’écoute que certaines résonances se lient, ou pas. La forme correspond à cela : derrière les ellipses du temps qui s’ouvre et se ferme (car il s’agit de dix très courts « moments »), se situe la continuité. Mais c’est dans la perception que se comblent les espaces noirs, non entendus.
Pour la partition, j’ai exploité l’idée de plans sonores, à l’image de ces deux textes qui se commentent. Il ne s’agit pas de superposition mais de musiques qui coexistent. L’auditeur fait lui-même la synthèse, le lien. Malgré les ellipses, cela forme un tout, une matière unique. En musique contemporaine, il existe la forme par processus, très orientée et la forme épiphanique, au contraire, où les sons se forment dans l’instant. J’ai recherché dans cette partition un équilibre entre ces deux formes. Le compositeur Brian Ferneyhough parle de « successful time » et de « failed time ». Le temps est « successful » quand il fait surgir les choses qui ne sont pas là où on les attend. Par moments, j’ai écrit des accords qui, dans leur structure interne, auraient pu être composés par Gesualdo. Dans le contexte de cette pièce, ils sont plus étrangers et lointains qu’un accord dissonant ou qu’une matière de musique contemporaine.
Francesca Verunelli
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La pluie d’est tombe depuis trois jours –bavardage incessant, incessantet futile – comme un crépitement.
On me voit déjà descendre à la fosse ;je suis comme un homme fini,ma place parmi les morts.
De maigres vents soufflent à la suiteleurs petites rafales obliques.
comme un homme fini,ma place parmi les morts.
Et tièdes. Distance incertaine. Isolement.
Ils m’ont mis dans une fosse profondeDans les ténèbres et l’ombre de la mort
Quelques passants, ramassés sur eux-mêmes, se hâtent d’un lieu à l’autre.
On me voit déjà descendre à la fosse ;
Un peu de tranquillité ! si seulement !Bavardage incessant, bavardage,bavardage... rien de nouveau. Avant, déjà, avant.
Francesca VerunelliThe Dark Day
A three-day-long rain from the east - an interminable talking, talking of no consequence - patter, patter, patter.
Aestimatus sum cum descendentibus in lacum.Factus sum sicut homo sine adjutorio.Inter mortuos liber
Hand in hand little winds blow the thin streams aslant
sicut homo sine adjutorio. Inter mortuos liber
Warm. Distance cut off. Seclusion.
Posuerunt me in lacu inferiori, in tenebrosiset umbra mortis
A few passers-by, drawn in upon themselves, hurry from one place to another.
Aestimatus sum cum descendentibus in lacum
Winds of the white poppy! there is no escape! -- An interminable talking, talking, Talking… it has happened before. Backward, backward, backward.
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Pascal Dusapin (1955)Granum Sinapis
Composition : 1992–1997.
Création : 19 septembre 1998 par le Chœur de chambre accentus, direction Laurence Equilbey ; l’œuvre est dédiée
à « la mémoire de Marthe Kurtz-Dusapin » ; commande du festival Musica 98 et de l’Œuvre Notre-Dame de Strasbourg.
« Pour justifier l’usage incessant de la litanie, [les ascètes du désert] disaient : “au-delà du sens est le corps du verbe”. Au-delà de ce qui est sémantique séjourne le corps du langage : c’est la définition de la musique »1. Cette question de la corporéité de la langue dans son rapport au sens fluent de la musique, traverse toute l’œuvre de Pascal Dusapin, des premières pièces de musique de chambre à ses œuvres dramatiques plus récentes. Le choix du texte de ce chœur a capella place cette thématique au centre de l’œuvre.
Le Granum sinapis – le grain de sénevé – est un des sommets de la poésie spirituelle médiévale. Attribué à Maître Eckhart (1260-1328), le philosophe et théologien thuringien, le poème se compose de huit strophes. Il lie, dans une langue pleine de sonorités rugueuses et allitératives, la doctrine théologique reprise de Denys le Pseudo-Aréopagite et sa traduction, en une mystique de l’abandon, fondée sur l’expérience du détachement, où l’homme dépouillé de son être se fait le lieu de Dieu, « abîme invoquant l’abîme »2. Alain de Libera situe ainsi le lieu du poème : « Celui qui chante ici est seul et il chante au désert, mais on ne peut décider si son chant s’inscrit dans l’espace tendu qui précède un retour et une prise de parole ou dans celui, apaisé, d’une retraite où le silence vous prend. (…) Le Granum est au mitan de la théologie qu’on enseigne et du Dieu que l’on vit » 3.
L’œuvre de Pascal Dusapin, empreinte de ce ton sombre et serein, laisse advenir la présence pleine du Verbe, s’incarnant « au-delà du sens » dans le déploiement ramifié de la parole du poème. L’écriture, posée et fluide, procède essentiellement par mouvements mélodiques serrés qui oscillent lentement, circulent entre les voix, et se cristallisent en champs harmoniques extrêmement prégnants. Une couleur modale générale, échafaudée sur des échelles et ancrages persistants, sert de centre autour duquel s’opèrent l’errance ou les décrochages successifs. La musique reste proche de la versification du texte et de son sens exégétique : tendue entre, d’un côté, le dépouillement, sur le chemin de l’absentement (« si tu vas par aucune voie/sur le sentier étroit,/tu parviendras jusqu’à l’empreinte du désert. »), et de l’autre une sonorité convocative et insistante traduisant la percée où « Sombre tout mon être/en Dieu qui est non-être,/ sombre en ce fleuve sans fond ! ».
Cyril Béros
1- Pascal Quignard, La Haine de la musique, Calman Levy, 1996.
2- Voir l’introduction d’Alain de Libera aux Traités et sermons, Flammarion, 1995 (3e édition).
3- Préface à l’édition de Maître Eckhart, Le Grain de sénevé, Arfuyen, 1996.
10
Julien Crépieux
Julien Crépieux est né en 1979 à Saint-
Lô, dans la Manche. Il vit et travaille à
Paris. Il est diplômé des Beaux-Arts de
Montpellier. Son travail suscite depuis
quelques années un intérêt croissant
de la part de plusieurs critiques et
commissaires d’exposition qui l’ont
invité dans le cadre de nombreuses
expositions en France (Palais de
Tokyo, CAPC de Bordeaux, FRAC
Ile-de-France, Ecole des Beaux-Arts de
Toulouse, Centre d’art contemporain
de Quimper, MAMAC de Nice, CRAC
de Sète) et à l’étranger (Hermes Und
Der Pfau à Stuttgart, French Institute,
South London Gallery, GAMEC, Musée
d’art moderne et contemporain de
Bergame en Italie, Centre d’Art de
Nijny en Russie, Mercer Union-Centre
for Contemporary Art à Toronto et
la fondation GODIA à Barcelone.).
Que ce soit en réalisant des films,
des installations, ou des collages,
le travail de Julien Crépieux propose
des dispositifs originaux, par
l’appropriation d’images, de films,
de textes, de musiques dont il
détourne le mode d’apparition,
donnant lieu à des œuvres
empreintes d’une dimension
aussi bien formelle que poétique.
Pieter-Jelle de Boer
Pieter-Jelle de Boer obtient ses
diplômes de piano et d’orgue au
Conservatoire d’Amsterdam où il
travaille avec Marcel Baudet et Pieter
van Dijk. Il intègre ensuite la classe de
direction d’orchestre de Zsolt Nagy
au Conservatoire de Paris (CNSMDP),
dont il sort avec un Premier Prix
en 2007. Distingué au Concours
International de Direction d’Orchestre
Antonio Pedrotti de Trente en 2010,
il entame une carrière de chef invité
qui l’amène à diriger, entre autres,
l’Orchestre Philharmonique Royal
de Liège, le SWR Sinfonieorchester
Baden-Baden und Freiburg ou encore
l’Orchestre National Bordeaux-
Aquitaine dont il est chef assistant
de 2009 à 2012. Pieter-Jelle de
Boer a accompagné des solistes
tels que la mezzo-soprano Béatrice
Uria-Monzón, le ténor Michael
Fabiano, l’organiste Thierry Escaich,
le pianiste François Chaplin ou la
violoniste Alena Baeva. Au début de
l’année 2014, il a dirigé l’Orchestre
Symphonique de Mulhouse,
l’Orchestre Philharmonique Janáček
d’Ostrava, l’Orchestre National
Bordeaux-Aquitaine... À la fin de la
saison, il participera au projet des cinq
concertos pour piano de Beethoven,
dans une transcription pour piano et
orgue, donnés par un collectif de cinq
musiciens. Particulièrement sensible
au répertoire vocal, il développe une
relation privilégiée avec le chœur
accentus et devient son chef associé
principal en 2011. Avec accentus,
il enregistre en 2013 Janáček. Brumes
d’enfance pour le label Naïve en
compagnie du pianiste Alain Planès.
Sa discographie comprend également
un enregistrement de pièces de
Rachmaninov (pour Etcetera, 2012)
et un autre d’œuvres pour piano de
Mendelssohn (pour Brilliant Classics,
2009). Compositeur, Pieter-Jelle de
Boer est l’auteur de Ciacona pour
piano seul, et de Danses concertantes
pour orgue, cuivres et percussions.
accentus
accentus est un chœur de chambre
professionnel très investi dans le
répertoire a cappella, la création
contemporaine, l’oratorio et l’opéra.
Fondé par Laurence Equilbey il y a
20 ans, il se produit aujourd’hui dans
les plus grandes salles de concerts et
festivals français et internationaux.
L’ensemble collabore régulièrement
avec chefs et orchestres prestigieux
(Pierre Boulez, Andris Nelsons, Eric
Ericson, Christoph Eschenbach,
Orchestre de Paris, Ensemble
intercontemporain, Les Siècles,
Orchestre des Champs-Élysées,
Concerto Köln, Akademie für Alte
Musik Berlin, Insula orchestra, etc.).
Il participe également à de
nombreuses productions lyriques :
Perela l’Homme de Fumée de Pascal
Dusapin et L’Espace Dernier de
Matthias Pintscher à l’Opéra de Paris,
Le Barbier de Séville de Gioachino
Rossini au Festival d’Aix-en-Provence,
Lakmé de Léo Delibes, Ciboulette de
Reynaldo Hahn à l’Opéra-Comique…
accentus poursuit une résidence
importante à l’Opéra de Rouen
Haute-Normandie, articulée autour de
concerts et d’opéras. Il est également
un partenaire privilégié de la Cité de
la musique / Salle Pleyel et ensemble
associé à l’Orchestre de chambre de
Paris depuis 2009. Le chœur a par
ailleurs établi une relation privilégiée
avec deux chefs talentueux, Christophe
Grapperon et Pieter-Jelle de Boer. En
2014-2015, accentus entamera une
relation étroite avec la Philharmonie de
Paris avec deux concerts, Le Création
de Haydn et le Stabat Mater de Dvořák.
accentus enregistre en exclusivité
11
pour Naïve. Tous ses disques ont été
largement récompensés par la presse
musicale. Transcriptions, vendu à
plus de 130 000 exemplaires, a été
nominé aux Grammy Awards 2004
et a obtenu un Disque d’Or en 2008.
Manoury Inharmonies (2011) a été
récompensé par 5 Diapasons. En
novembre 2011 est paru Mendelssohn,
Christus et Cantates chorales réalisé
avec l’Orchestre de chambre de
Paris. Le dernier disque d’accentus
Janáček, Brumes d’enfance dirigé par
Pieter-Jelle de Boer est sorti en août
2013. Le prochain disque d’accentus
– le Requiem de Mozart – paraîtra en
septembre 2014, avec notamment
Sandrine Piau et Insula orchestra sous
la direction de Laurence Equilbey.
Le chœur prépare pour 2015 un
enregistrement des œuvres vocales
de Mantovani et un enregistrement
d’Orphée et Eurydice de Gluck avec
Franco Fagioli. accentus a été consacré
« Ensemble de l’année » par les
Victoires de la musique classique en
2002, en 2005 et en 2008.
erda | accentus bénéficie du soutien
de la Direction régionale des affaires
culturelles d’Ile-de-France, Ministère
de la culture et de la communication ;
est subventionné par la Ville de Paris,
la Région Ile-de-France ; et reçoit
également le soutien de la SACEM.
Accentus est en résidence à l’Opéra de
Rouen Haute-Normandie. Les activités
de diffusion et d’actions culturelles
d’accentus dans le département
bénéficient du soutien du Conseil
général des Hauts-de-Seine. Le
cercle des mécènes d’erda | accentus
accompagne son développement.
Sopranos
Sophie Boyer
Marie-Pierre Wattiez *
Kristina Vahrenkamp *
Pascale Costes *
Edwige Parat *
Kaoli Isshiki-Didier ***
Anne-Marie Jacquin *
Altos
Violaine Lucas *
Valerie Rio
Anne Gotkovsky
Helene Moulin *
Damien Brun *
Daniel Blanchard *
Ténors
Bruno Renhold *
Laurent David
Éric Raffard *
Nicolas Kern *
Romain Champion *
Maciej Kotlarski
Jean-François Chiama *
Basses
Laurent Slaars *
Thomas Roullon *
Guillaume Perault
Jean Christophe Jacques *
Rigoberto Marin-Polop
Bertrand Bontoux
Chef de chant
Nicolaï Maslenko
* chanteurs œuvres de Carlo Gesualdo
** solo Granum Sinapis
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Éditeur : Hugues de Saint Simon | Rédacteur en chef : Pascal Huynh | Rédactrice en chef adjointe : Gaëlle Plasseraud | Graphiste : Elza Gibus | Stagiaire : Isabelle Couillens
Et aussi…
> CONCERTS
VENDREDI 16 MAI 2014, 20H
Wenchen QinThe Sun Shadow VIII (création française)Shuya XuSanJukka TiensuuŒuvre nouvelle pour sheng et ensemble (création mondiale)Peter EötvösChinese Opera
Ensemble intercontemporainMatthias Pintscher, directionWu Wei, shengSophie Cherrier, flûteVictor Hanna, percussionsPhilippe Grauvogel, hautboisJérôme Comte, clarinette
DIMANCHE 25 MAI 2014, 16H30
Henri DutilleuxAinsi la nuitMystère de l’instantJohannes BrahmsSymphonie n° 1
Les DissonancesQuatuor Les DissonancesDavid Grimal, direction, violonHans Peter Hofmann , violonDavid Gaillard, altoXavier Phillips, violoncelle
LUNDI 26 MAI 2014, 20H
Henri DutilleuxMuss es sein ? (création française)Ludwig van BeethovenSymphonie n° 5Henri DutilleuxMétabolesTout un monde lointainPaul DukasL’Apprenti sorcier
Les SièclesFrançois-Xavier Roth, directionGautier Capuçon, violoncelle
MARDI 27 MAI 2014, 20H
Henri DutilleuxSlava’s Fanfare *Hector BerliozBéatrice et Bénédict (ouverture)Les Nuits d’étéSymphonie fantastique, op. 14
La Chambre PhilharmoniqueElèves du Conservatoire de Paris *Emmanuel Krivine, directionMichèle Losier, mezzo-soprano
SAMEDI 14 JUIN 2014, 20H
György LigetiLux AeternaHans ZenderWarum (création française)Raphaël CendoRegistre des lumières pour chœur, ensemble et électronique (création française)
SWR Vokalensemble StuttgartEnsemble musikFabrikMarcus Creed, directionGrégory Beller, réalisation informatique musicale Ircam
> MÉDIATHÈQUE
En écho à ce concert, nous vous proposons…
> Sur le site Internet http://mediatheque.cite-musique.fr
… d’écouter un extrait audio dans les « Concerts » :She cholat ahavah ani de Matthias Pintscher par Accentus et Pieter-Jelle de Boer (direction) enregistré à la Cité de la musique en 2011 . Unfolding de Francesca Verunelli par le quatuor Arditti et Olivier Pasquet (réalisation informatique musicale) enregistré à la Cité de la musique en 2012
(Les concerts sont accessibles dans leur intégralité à la Médiathèque de la Cité de la musique)
> À la médiathèque … d’écouter : Sabbato sancto : répons de l’Office des Ténèbres du Samedi Saint de Carlo Gesualdo par l’Ensemble vocal européen et Philippe Herreweghe (direction)
… d’écouter avec la partition : Granum Sinapis de Pascal Dusapin par l’Europa Chor Akademie et Sylvain Cambreling (direction)
… de lire :Carlo Gesualdo de Denis Morrier
> SALLE PLEYEL
VENDREDI 16 MAI 2014, 20H
Arnold SchönbergMusique d’accompagnement pour une scène cinématographiqueWolfgang Amadeus Mozart« Ah, lo previdi »« Misera, dove son ! »« Un moto di gioia mi sento nel petto »Anton BrucknerSymphonie n° 3 « Wagner »
Orchestre Philharmonique de Radio FranceKent Nagano, directionChristine Schäfer, soprano
MERCREDI 21 MAI 2014, 20HJEUDI 22 MAI 2014, 20H
Olivier MessiaenLe Tombeau resplendissantJohannes BrahmsUn Requiem allemand
Orchestre de ParisChœur de l’Orchestre de ParisPaavo Järvi, directionMarita Sølberg, sopranoMatthias Goerne, barytonLionel Sow, chef de chœur