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HERESIE PROTESTANTE ET SURVEILLANCE DES PORTS DANS L'ESPAGNE DES HABSBOURG
(1521-1700)
Michel Boeglin, Université Montpellier III. Actes du colloque Les ports dans l'Europe méditerranéenne. Trafics et circulations. Images et représentations (XVIe-XXIe siècles). Hommage à Louis Dermigny (1916-1974), Centre d'Histoire moderne et contemporaine, Montpellier, 19-21 mars 2004, Presses de l'Université, Montpellier, 2007, p. 78-107.
Résumé : À compter des dernières années du règne de Charles Quint, l'Inquisition poursuivit de façon croissante les protestants étrangers de passage ou installés dans la péninsule. Au lendemain de la répression lancée contre les milieux évangélistes espagnols de Séville et de Valladolid, accusés de "luthéranisme" dans les années 1557-1558, la traque des étrangers suspects s'organisa et se fit massive. Toutefois, plus qu'une tentative désespérée de prémunir l'Espagne de la "contagion" protestante, cette répression orchestrée par les diverses cours inquisitoriales périphériques visait à dessiner une frontière confessionnelle intérieure et à entretenir la crainte du protestantisme et de l'étranger chez les populations.
Dès la fin du règne de Philippe II, les États du Nord tentèrent de protéger les entreprises commerciales des actions de l'Inquisition, à travers la conclusion de traités avec l'Espagne. L'intransigeance du tribunal se trouvait ainsi en butte à la nécessité de subordonner son action aux impératifs politiques et commerciaux de l'Empire. Toutefois, même dans la seconde moitié du XVIe siècle, les retombées de l'activité antiprotestante sur les échanges avec les puissances du Nord eurent un impact relatif, bien en deçà de l'importance qu'on a longtemps pu leur accorder. L'analyse des mises sous séquestre dans le cadre des procédures inquisitoriales à Séville, principal port de la péninsule, tout comme des mesures généralement prises en temps de guerre contre les biens et navires des puissances ennemies dans l'Espagne des Habsbourg, invitent à reconsidérer l'incidence de l'action inquisitoriale sur les flux et les trafics.
Resumen : A partir de los últimos años del reinado de Carlos Quinto, la Inquisición persiguió de forma creciente a los protestantes extranjeros de paso o asentados en la Península. Tras la represión lanzada contra los círculos evangelistas de Sevilla y Valladolid, acusados de "luteranismo" en los años 1557-1558, el acoso a los extranjeros convictos de herejía fue organizándose y las persecuciones se hicieron masivas. Sin embargo, más que una tentativa desesperada por proteger España del "contagio" protestante, esta represión organizada por las diversas cortes de la periferia del reino pretendía dibujar una frontera confesional interna y mantener vivo el temor al protestantismo en la población.
Desde finales del reinado de Felipe II, los Estados del Norte intentaron proteger las empresas comerciales de las acciones inquisitoriales, a través de acuerdos concluidos con España. La corte debía en adelante supeditar su acción a los imperativos políticos y comerciales del Imperio. No obstante, incluso en la segunda mitad del siglo XVI, el impacto de la actividad antiprotestante sobre los intercambios con las potencias del Norte fue relativo, muy menor a la importancia que se le otorgó durante mucho tiempo. El análisis de los secuestros en el marco de los procedimientos inquisitoriales en Sevilla, principal puerto peninsular, así como de las medidas de guerra dictadas contra los bienes y navíos de los países enemigos en la España de los Austrias, invitan a reconsiderar la incidencia de la acción inquisitorial sobre los flujos y el tráfico marítimo.
À l'heure où l'Espagne se mobilisait contre la progression du protestantisme en
Europe, les autorités espagnoles, de concert avec l'Inquisition, édictèrent un imposant
dispositif destiné à protéger la péninsule des idées réformées. L'Espagne constituait un
marché florissant, depuis le début du XVIe siècle, grâce à une économie stimulée par le
commerce transatlantique et attirait de ce fait nombre de ressortissants des États voisins venus
commercer, trafiquer ou tenter leur chance dans ce pays réputé pour les possibilités
d'enrichissement qu'il offrait.
La priorité donnée à la lutte contre l'hérésie protestante à compter des premières
années du règne de Philippe II conduisit à la mise en place de nouvelles procédures afin de
surveiller les étrangers susceptibles de diffuser la religion réformée en Espagne ou
d'introduire des ouvrages de propagande religieuse. Si ces mesures ne manquèrent pas d'avoir
des retombées économiques dans les ports péninsulaires, leur application temporaire, variable,
soumise parfois au bon vouloir des juges ainsi que les compromis politiques et commerciaux
dictés par la couronne, supposèrent autant de limites au déploiement de l'action inquisitoriale.
L'analyse des règlements édictés et de plusieurs affaires ont pu laisser penser que
l'Inquisition, par son action contre les membres d'équipage et les commerçants étrangers, avait
contribué au déclin économique de l'Espagne1. Cependant, l'étude sur le long terme de la
répression menée dans les ports de la péninsule, et tout particulièrement à Séville, principale
zone d'échanges au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle, nuance fortement l'impact du rôle
du Saint-Office sur les flux commerciaux, voire même contredit nombre d'idées reçues.
De fait, dès le règne de Charles Quint, les puissances européennes avaient commencé
à conclure avec l'Espagne des accords pour protéger leurs ressortissants, marins et marchands
notamment, de passage en Espagne. Et si sous Philippe II la lutte contre le protestantisme
devint l'axe prioritaire de la politique inquisitoriale, à la fin de son règne, la rationalité
économique prit le dessus sur les impératifs idéologiques et religieux, contraignant le tribunal
à revoir ses stratégies de défense de la foi ainsi que les modalités de son action.
1. Surveillance des étrangers et interception des ouvrages de propagande
réformée (1521-1557)
Depuis la diète de Worms en 1521, les inquisiteurs percevaient la menace protestante
comme un danger extérieur dont les vecteurs étaient les ouvrages de Luther et des réformés
plus que les étrangers traversant l'Espagne, en cette première moitié du XVIe siècle.
L'essentiel des inquiétudes, pour près de deux décennies, avait trait à l'interception des
ouvrages interdits et divers réseaux de passeurs de livres furent démantelés, tels ceux
découverts à Saint-Sébastien en 1524, à Barcelone en 1535 ou dix ans plus tard à Saragosse,
où quatre libraires français furent condamnés2. Mais, à cette date, aucune procédure uniforme
1 Longtemps on a voulu voir derrière l'Inquisition la cause de tous les maux qui affectèrent l'Espagne, voir par exemple, Henry Charles LEA, Historia de la Inquisición española, Madrid : CSIC, 1983 [1906-1907 éd. américaine], vol. 3, p. 263-264. À l'opposé de cette conception, cf. Jean Pierre DEDIEU, "Étude du role de l'Inquisition dans le retard économique de l'Espagne", J-P. AMALRIC (dir.), Aux origines du retard économique de l'Espagne, XVIe-XIXe siecles, Paris : CNRS, 1983. 2 Iñaki REGUERA, La Inquisición española en el País Vasco. El tribunal de Calahorra (1513-1570), Saint-Sébastien : Txertoa, 1984, p. 135-136; Werner THOMAS, La represión del protestantismo en España, 1517-1648, Louvain : University Press, 2001, p. 189-193, William MONTER, "Protestantes franceses y tolerancia inquisitorial", Hispania Sacra, 39, 1987,
ne venait encore définir la marche à suivre à l'égard des réformés. Ce n'est que cinq ans après
la rupture provoquée par Henri VIII, en 1534, avec l'Église romaine que le conseil de la
Suprême Inquisition allait encadrer pour la première fois les poursuites contre des étrangers,
anglais en l'occurrence. La surveillance tatillonne de ces ressortissants de passage dans la
péninsule ainsi que des résidents avait dû s'accroître au point qu'un représentant du roi anglais
fut dépêché auprès de l’Empereur pour essayer de limiter le pouvoir des juges inquisitoriaux.
Face aux pressions de cette ambassade, le conseil de l’Inquisition tenta de définir en 1539 la
juridiction du Saint-Office, en réponse à la nécessité de concilier les impératifs économiques
et commerciaux de la couronne avec le besoin de préserver la péninsule du luthéranisme. Une
première circulaire sur les étrangers fut édictée, prévoyant que les Anglais qui introduisaient
des ouvrages protestants dans la péninsule devaient être jugés à cause du danger que ces
publications faisaient courir aux fidèles, tout comme ceux qui étaient coupables de
comportements et de propos scandaleux à l'encontre de la religion nationale3.
Toutefois, cette première norme édictée à l'égard des protestants révèle, qu'à cette date
encore, le protestantisme n'était guère perçu comme une menace grave, le conseil réclamant
que les prévenus ne soient enfermés qu'en cas de risque de fuite. La circulaire, au demeurant,
ne signalait pas si les membres de l'Église d'Angleterre qui pratiquaient discrètement leurs
rites dans la péninsule devaient être arrêtés, dès lors qu'ils n’occasionnaient pas de scandale.
Le risque d'une propagation des attitudes réformées dans certains secteurs de la population
était jugé mineur, malgré l'existence de nombreuses communautés étrangères et d’échanges
commerciaux croissants avec le reste des pays européens. Pour l'ensemble de la péninsule,
Werner Thomas, dans sa monographie sur le protestantisme en Espagne, ne comptabilise
qu'une quinzaine d'étrangers jugés entre 1525 et 1535 dans les cours de Tolède et de Valence,
pour lesquelles on dispose de séries relativement complètes; à Séville on n'est informé que du
cas isolé d'un Anglais jugé en 15354. Aucun de ces procès ne déboucha sur une condamnation
à mort : le luthéranisme demeurait ainsi une préoccupation marginale pour les juges jusqu'à la
fin des années 1530.
À l'instar de l'évolution des positions de la curie romaine face aux doctrines
protestantes, notamment à partir de l'ouverture du concile de Trente, l'Inquisition espagnole
allait manifester une inquiétude croissante à l’égard des populations étrangères. À partir de
p. 95-116, p. 99. Voir aussi Augustin REDONDO,"Luther et l'Espagne de 1520 à 1536", Mélanges de la Casa de Velázquez, (1965), p. 109-165. 3 Werner THOMAS, La represión…, p. 194, l. du 19.6.1539. 4 Juan GIL, Los conversos y la Inquisición sevillana, Séville : Universidad, 2000-2003, 7 vol., vol. 1 p. 332-333.
1545, il était clair qu'on n’était plus face à un simple débat théologique mais devant une
révolution religieuse en pleine expansion qui menaçait la prééminence de l'Église catholique
dans l'Occident chrétien. Si les premières sessions du concile de Trente n'avaient pas
formellement condamné les doctrines de Luther, un raidissement à l'égard de la Réforme était
perceptible. Dans une lettre écrite de Rome au conseil de l'Inquisition et datée de mars 1547,
le docteur Morán invitait le tribunal de la foi espagnol à réprimer "avec toute la rigueur
requise ceux qui dévient de ce que notre Sainte mère l'Église tient pour vrai et croit",
conformément aux vœux de Paul III. L'Inquisition espagnole était invitée à agir à l'instar de la
nouvelle cour de Rome dont les autodafés tenus sur la place Minerve avaient vu comparaître
de nombreux hérétiques, condamnés pour certains au bûcher. À l'heure où le décès
d’Henri VIII d'Angleterre laissait entière la question de sa succession et alors que la trêve
entre la France et l'Espagne touchait à sa fin, deux cardinaux étaient dépêchés : l’un auprès de
François Ier et l’autre auprès de l’Empereur afin de lui enjoindre de refuser toute solution de
compromis avec les réformés5.
Néanmoins, avant même cet appel pressant de Rome à se mobiliser, les tribunaux
espagnols avaient commencé à s'intéresser à la sensibilité religieuse des étrangers présents
dans la péninsule. À Saragosse, entre 1545 et 1546, dix-sept luthériens étrangers avaient déjà
été condamnés ; à Séville, en 1545, lors de l’autodafé le plus solennel célébré au cours des
vingt-cinq années précédentes, quatre tonneliers flamands et un Anglais étaient admis à
réconciliation, vraisemblablement pour protestantisme, aux côtés de cinquante-huit autres
prévenus morisques et judéo-convers6. Les années suivantes voyaient la politique répressive
prendre forme : dans les quatre tribunaux pour lesquels les données sont disponibles entre
1548 et 1550, (Calahorra (Pays Basque), Grenade, Valladolid et Saragosse) plus de quarante-
deux personnes étaient arrêtées et jugées pour luteranismo7. La présence croissante des
Français commençait à être redoutée : l'essentiel des arrestations se produisait le long des
Pyrénées, notamment au Pays Basque d'où provenaient plus de trente de ces protestants, avec
une claire prédominance des sujets du roi de France8.
La condamnation de quinze Espagnols parmi la quarantaine de personnes arrêtées à la
5 A. H. N. Inq. leg. 3574 exp. 1, retranscrit dans l'appendice 1 de cet article. Charles Quint avait notamment encouragé les colloques religieux dans les années 1540-1541, en vue d'aboutir à un accord confessionnel. 6 Aucune source n’est disponible avant 1559 à Séville, en dehors de cette relation découverte par William MONTER dans les registres de correspondance de Navarre : cf. "Protestantes franceses…" p. 100 note 12 : A. H. N. Inq. Lib. 785, f° 225, 230 et 231. 7 Werner THOMAS, La represión…, p. 203-204 Les chiffres sont ceux des années 1548, 1549 et 1550. 8 Ibid.
fin des années 1540 révélait que les réponses de l'Inquisition étaient insuffisantes face à la
progression du protestantisme au sein de la population. Au même moment, les cercles
évangélistes à Séville faisaient l'objet d'une surveillance accrue, dix ans après que les
partisans d'Érasme les plus distingués de la péninsule avaient été l’objet de poursuites. Si on
ne peut pas encore parler de mobilisation générale contre le protestantisme, un durcissement
est très clairement perceptible et les causes de "luthéranisme9" occupent une proportion
croissante dans les causes de foi.
2. L'organisation de la répression et le tournant de 1558
Ce n'est qu'à l'automne 1558, à l'occasion d'un vaste coup de filet dans les milieux
évangélistes et crypto-protestants de Séville puis de Valladolid, que l'appareil inquisitorial
allait pleinement se mobiliser, chercher de nouveaux moyens pour pallier son manque de
ressources et contrer la propagation des doctrines réformées dans la péninsule ibérique.
L'arrestation de plus d'une centaine de suspects espagnols dans la capitale des Indes et d'une
cinquantaine à Valladolid peu de temps après, montrait les dangers d'un enracinement du
protestantisme dans la péninsule. Selon les informations qui remontaient à la Suprême,
plusieurs autre villes étaient affectées par la « mácula » protestante. Si, très vite, la perception
du danger revint à de plus justes proportions, l'Inquisiteur général avait réussi à rallier à sa
cause les plus hautes autorités du royaume et à les convaincre que l’Inquisition était le dernier
rempart contre la progression de l’hérésie réformée.
Il est peu probable que l'ensemble de ces condamnés espagnols ait ouvertement adhéré
à la Réforme, mais l'impact de cette opération fut déterminant dans le rôle qu’allait jouer le
Saint-Office pour contrer l'hérésie réformée. D'une part, parce que pour la première fois les
autorités prenaient conscience que le protestantisme était susceptible de prendre racine en
Espagne et qu'une partie de l'élite lettrée et religieuse des deux capitales de l'Empire avait
trahi la foi de la nation et du monarque. Ces événements émurent profondément les
populations et les autodafés solennels orchestrés à Valladolid et Séville eurent une portée qui
s'étendit bien au-delà des deux villes concernées. D’autre part, cette affaire démontrait que,
malgré sa vigilance, l'Inquisition n'avait pu s'opposer à l'entrée et à la circulation d'ouvrages
protestants : le démembrement du groupe de Séville montrait, ainsi, l'existence de cercles
exilés suffisamment organisés pour convoyer jusqu'au cœur de l'Empire des ouvrages 9 Le terme protestant ne fait son apparition qu'à compter de la Diète de Spire de 1529. En Espagne, toutefois, c'est le terme générique "luterano" qui prédominera pour qualifier les adeptes de la Réforme au XVIe et au XVIIe siècles. Les inquisiteurs espagnols ne distinguent généralement pas les diverses professions de foi protestantes et, dans la correspondance de la cour, les luthériens tout comme les calvinistes, les anabaptistes ou les anglicans sont généralement qualifiés de "luteranos"
interdits. Enfin, au lendemain de ces événements, il apparaissait urgent d'adapter les structures
du Saint-Office aux fonctions qui allaient être les siennes : s'ériger en rempart de la foi
véritable mais également être l'un des garants de la paix publique en préservant la péninsule
du schisme et du spectre des guerres de religion. Cette affaire vint à point nommé pour hâter
une réforme institutionnelle de la cour que l'inquisiteur général Fernando de Valdés appelait
de ses vœux et redéfinir les attributions qui lui étaient reconnues10.
La crise de 1558 avait provoqué un revirement brutal de l'attitude du tribunal qui
jusque-là s'était limité à bloquer l'entrée d'ouvrages interdits et à châtier les étrangers
manifestant une attitude désinvolte à l'égard de la foi nationale. Face à l'urgence de la
situation perçue comme périlleuse, Philippe II édicta, de Bruxelles, une série de mesures
destinées à mettre en place une étroite collaboration entre toutes les autorités de la monarchie
catholique, aussi bien séculières que religieuses. Celles-ci étaient appelées à appuyer
l'Inquisition et à la seconder pour identifier et intercepter les vecteurs d'hérésie, notamment
dans les zones frontalières. Évêques et supérieurs de couvents étaient invités à surveiller de
près leurs subordonnés et les ouailles afin de découvrir les crypto-protestants et prévenir
l'extension d'attitudes anti-ecclésiastiques alors que, de leur côté, corregidors et officiers de
justice devaient signaler à l'Inquisition tout comportement ou attitude suspects11.
La surveillance de l'écrit venait parachever cette mobilisation générale décrétée par le
roi contre l'hérésie qui, à ses yeux, menaçait l'unité politique et religieuse du royaume. Dès le
7 septembre 1558 un rigoureux décret sanctionnait, par la mort et la confiscation de tous les
biens, l'importation de livres publiés hors du royaume et la publication sans licence royale
d'ouvrages en Castille en même temps qu'étaient étendues les attributions du Saint-Office en
matière de censure. La crainte obsédante d’une diffusion des doctrines réformées conduisit
10 J. L. GONZALEZ NOVALIN, "Reorganización valdesiana de la Inquisición española", Joaquín PEREZ VILLANUEVA - Bartolomé ESCANDELL BONET (dir.) : Historia de la Inquisición en España y en América, 3 vol., Madrid : BAC, 1984, 1993, 2000, vol. 1, p. 613-645 ; Werner THOMAS, La represión…p. 253-271. 11 A.G.S. Estado 129 f° 112. Les autorités de justice devaient participer à la traque des "luthériens" et les corregidors ainsi que les officiers de justice étaient appelés à rendre compte à l'Inquisition des attitudes douteuses des sujets du roi ou des étrangers. On invitait, dans le même texte, les prélats à s'enquérir auprès de leurs subordonnés des cas de protestantisme et à nommer des confesseurs à la religiosité au-dessus de soupçon, disposés à avertir leurs supérieurs des cas d'hérésie luthérienne. Le roi appelait de ses vœux la convocation de synodes diocésains afin de diffuser l'esprit de la Reformatio dans les évêchés et de favoriser la réforme des clercs comme la discipline des laïcs et, dans la même finalité, demandait aux prélats de réaliser les visites pastorales. Les supérieurs d'ordres et de couvents étaient, pour leur part, sommés de renoncer à leurs privilèges de juridiction en matière d'hérésie et invités à dénoncer à l'Inquisition les frères ayant eu des propos ou des comportements fleurant l'hérésie. La portée de cette mesure ne s'inscrivit néanmoins pas dans la durée. Passée la période de crise à la fin des années 1550, les autorités conventuelles refusèrent les privilèges de juridiction de l'Inquisition sur leurs frères : jusqu'en 1606, date de la constitution de Paul V reconnaissant à l'Inquisition les pleins pouvoirs en matière de connaissance de cas d'hérésie chez les religieux, l'Inquisition dut batailler à plusieurs reprises avec les supérieurs d'ordres et de couvents pour juger leurs subordonnés. En 1660, encore, un bref papal d'Alexandre VII viendra rappeler qu'en matière d'hérésie, l'Inquisition était la seule instance susceptible d'instruire ces cas et non les supérieurs d'ordres et de couvents (A. H. N. Inq. leg. 4435 exp. 2).
également à interdire aux étudiants castillans, à partir de novembre 1558, de se rendre dans
des universités étrangères autres que celles de Naples, Bologne, Rome et Coimbra12.
Naturellement l'Inquisition était en première ligne dans ce projet confessionnel destiné
à barrer la route à l'hérésie. Un dispositif draconien devait venir assurer le verrouillage des
frontières avec la création projetée de nouvelles inquisitions dans le Nord, en Galice, aux
Asturies ou en Biscaye13. Des districts trop étendus comme celui de Valladolid devaient être
refondus en de plus petites unités afin de permettre une surveillance accrue des populations.
Les inquisiteurs étaient appelés à redoubler de vigilance vis-à-vis des étrangers tout comme
des Espagnols dont les conceptions religieuses pouvaient sembler suspectes alors que dans le
même temps, le premier Index espagnol voyait le jour en 155914. Dans toute l'Espagne, ces
mesures furent la réponse institutionnelle à ce qui était perçu comme une tentative des
royaumes voisins et des Églises réformées naissantes d’affaiblir l'Espagne.
Alors que la situation militaire et diplomatique s'envenimait avec les États d'Europe du
Nord, l'Espagne était, en effet, habitée par le sentiment d'être l'objet d'une tentative de
déstabilisation orchestrée par les puissances européennes. En outre, l'Espagne savait qu'elle
était vue par certains réformés comme étant le dernier bastion du catholicisme à abattre en
Europe. Très rapidement après l'alerte de 1557, la crainte de voir des Espagnols embrasser en
masse la Réforme et le risque de voir l'Espagne sombrer dans la guerre civile avaient cédé le
pas à une perception moins dramatique de la situation15; toutefois, les autorités restèrent sur le
qui-vive face aux informations, souvent infondées, faisant état de tentatives de subversion au
moyen de la religion réformée. Des rumeurs d'envois d'ouvrages de propagande en espagnol
et de prédicateurs protestants qui passaient les Pyrénées pour convertir les populations tinrent
12 Henry KAMEN, La Inquisición española. Una revisión histórica, Barcelone : Crítica, 1999, p. 105-106. Toutefois, ces mesures ne s'appliquaient que pour la Castille; la généralisation de ces mesures à l'ensemble de l'Espagne supposait l'accord des Cortès et Philippe II ne désirait guère, à ce moment, les convoquer. Aussi, au sein même de la péninsule, une frontière intérieure séparait les couronnes de Castille et d'Aragon et les Castillans qui connaissaient quelques difficultés avec les autorités pour publier leurs ouvrages pouvaient aller trouver un éditeur en Aragon. Qui plus est, les libraires de Catalogne, d'Aragon, de Valence ou de Navarre étaient libres d'importer des ouvrages publiés dans d'autres royaumes en langue espagnole ou étrangère. 13 Un projet réalisé en partie uniquement : cf. Jaime CONTRERAS – J. Pierre DEDIEU, "Estructuras geográficas del Santo Oficio en España", J. PEREZ VILLANUEVA – LSCANDELL BONET (dir), Historia de la Inquisición…, vol. 2, p. 3-45. 14 Virgilio PINTO CRESPO, Inquisición y control ideológico en la España del siglo XVI, Madrid : Taurus, 1983, p. 38-41 et p. 173-177. 15 A.G.S. Estado-Castilla, leg. 129. Le 1er août 1558, dans une lettre du secrétaire Juan Vázquez à Philippe II, le constat du péril protestant revenait à de plus justes proportions : "lo de los lutheranos va por su vía ordinaria y no se ha hecho el castigo por sacallo bien de raíz y hazer sus processos. Danse mucha prissa en todo y a Dios gracias parece que no se halla tanto mal como al principio se pensó y desto puede V. M. estar descuidado que el emperador le tiene por todos [sic] y dessea ver quemados estos hereges y su magd imperial está en buena dispusición y sus altezas tienen salud". Cf. également Michel BOEGLIN, L'Inquisition au lendemain du concile de Trente. Le tribunal du Saint-Office de Séville (1560-1700), Montpellier : Presses de l'Université, 2003, p. 319-320.
en haleine les officiers de la cour pendant près de trente ans16.
Graphique 1: Répression anti-protestante dans l'ensemble de la péninsule (1560-1700)17
(en ordonnée, le nombre de condamnés, espagnols et étrangers confondus)
16 Sur ces diverses rumeurs et les mesures prises par le conseil Henry C. LEA, Historia de la Inquisición…, p. 251, Henry KAMEN, La Inquisición…, p. 100; A. Gordon KINDER, "The pursuit of Spanish heretics in the Low Countries: the activities of Alonso del Canto 1561-1564", Journal of Eclesiastical History 30 (1979), 65-93. Stephan HALICZER, Inquisition and society…, p. 287-288; Iñaki REGUERA, La Inquisición…, p.160-161 pour le tribunal basque et voir notre ouvrage déjà cité, p. 284-285 pour le Sud de l'Espagne. Voir aussi Werner THOMAS, La represión…, p. 247-249, qui semble considérer réelles et fondées ces alertes. 17 En ordonnée, le nombre de condamnés. Sources : François GOMEZ, Le tribunal du Saint-Office de Saragosse (1561-1700), essai d'étude quantitative, Thèse de doctorat, exemplaire dactylographié, Montpellier, 1998, 2 vol., vol. 2, p. 28. Pour Séville, estimations personnelles réalisées à partir de l'exploitation des relations de causes disponibles.
En réponse à ce climat d'extrême tension, le Saint-Office allait se mobiliser et il
organisa l'offensive contre ces vecteurs potentiels d'hérésie, à savoir les livres, mais surtout
les étrangers, de passage ou installés en Espagne, favorisant ainsi un climat de suspicion
généralisé. L'immigration, le commerce, la contrebande ou la piraterie étaient perçus comme
autant de facteurs susceptibles de véhiculer des idées hérétiques. Pour prémunir l'Espagne de
la "contagion" ou de l'"embrasement" selon les termes employés dans la correspondance de la
seconde moitié du XVIe siècle, les populations furent invitées à se défier des étrangers,
suspects par leur origine et leur religiosité et inquiétants par les intentions qui leur étaient
prêtées. Ainsi, en 1560, l'inquisiteur de Barcelone recommandait-il l’organisation d’un
autodafé afin de faire entendre aux fidèles le danger que les étrangers faisaient courir à la foi,
tout particulièrement les Français installés en Catalogne18. À Séville, c'est la perception
progressive du danger flamand qui se dessinait peu de temps après, du fait de l'importance des
échanges maritimes avec la Flandre19. Dans toute la péninsule, durant près de vingt ans, la
mobilisation est perceptible dans les zones traversées par les étrangers, qu'il s'agisse des
districts du littoral ou des cours intérieures, telle que celle de Tolède, et la répression se
prolonge dans certains tribunaux comme Séville et Saragosse jusqu'au début du XVIIe siècle
(voir le graphique 1).
Le quadrillage de l'espace et des populations s'organisa en réponse au péril luthérien
que l'Espagne crut découvrir en son sein. Les édits de foi, ces appels à la délation, lus aux
quatre coins des districts, tout comme les autodafés, vinrent dessiner cette frontière
confessionnelle et jeter la suspicion sur ces extranjeros en nombre croissant dans la péninsule,
fussent-ils résidents ou de passage. Le réseau de familiers et de commissaires de l'Inquisition
fut étendu, à partir des années 1560, à toutes les villes du littoral. Les tournées annuelles de
district, en ces années de mobilisation anti-protestante, s'orientèrent vers les ports des côtes
méditerranéenne et atlantique pendant près de quarante ans, afin de veiller au bon déroulement
des procédures encadrant l'arrivée des étrangers et de sensibiliser les populations aux risques
que ces derniers pouvaient faire courir au salut des âmes20.
En 1566, en outre, une circulaire de l'Inquisition venait généraliser à l'ensemble de la
péninsule les fouilles de navires. Jusqu'alors, l'Inquisition se limitait à recueillir des
informations à partir des témoignages des membres de l'équipage qui mettaient pied à terre.
La fausse alerte d'un envoi depuis la Flandre de trente mille ouvrages vers Cadix avait
provoqué la mise en place de visitas de navíos : à compter de ce moment, tout navire étranger
accostant en Espagne allait être soumis à la fouille par des commissaires de l'Inquisition21.
18 On demande l'autorisation de célébrer un autodafé "para que teman los extranjeros que aquí entran" : Henry KAMEN, La Inquisición…, p. 101. 19 En 1563, un des inquisiteurs de Séville avertissait ses supérieurs du nombre croissant de protestants arrêtés à Séville en provenance d'Anvers et s'interrogeait sur l'opportunité d'en avertir le conseil royal. A. H. N. Inq. leg. 2942 exp. 97 lettre au conseil de l'Inquisition reçue le 30.1.1563 : "por ver las muchas testificaciones que de cada día sobrevienen en este Santo Oficio y por los flamentos que se han relajado en los autos pasados y otros flamencos que están ahora presos en este Santo Oficio, se tiene entendido que hay mucho daño en los Estados de Flandes de esta madlita secta luterana y de cada día hay más. Damos aviso de ello para si convieniere dar noticia a Su Majestad o hacer sobre ello otras más diligencias" 20 Jaime CONTRERAS, El Santo Oficio…, p. 479-482. Voir aussi Ma Isabel PEREZ DE COLOSIA - Joaquín GIL SANJUAN, "Inspección inquisitorial a los navios y control de los libros", Jábega, 1979 (25), p. 25-36 ; bien que les sources soient incomplètes pour le district de Séville, on relève que les tournées ont essentiellement lieu sur le littoral lorsqu'elles sont effectuées, notamment en 1565, 1581, 1583-1584 : cf. Michel BŒGLIN, L'Inquisition…, p. 60-62. 21 B. N. E., mss 718, f° 48, document intitulé Sobre las visitas de navíos pareze por los registros del consejo lo siguiente…,
Les visites d'inspection des navires s'intensifièrent alors que les normes d'encadrement de
celles-ci s'homogénéisaient22. En 1571, enfin, dans le but de mieux coordonner l'activité des
tribunaux du littoral était créée l'Inquisition de la mer, tribunal dont la juridiction devait
s'étendre à l'armée et à la flotte23. Aussi, à compter des premières années du règne de
Philippe II, les communautés étrangères installées en Espagne se retrouvaient-elles à la merci
de l'Inquisition.
3. La flambée de violence anti-protestante (1560-1590)
L'Espagne, en cette seconde moitié du XVIe siècle, était un pays riche et prospère grâce
notamment au monopole du commerce des Indes qui laissait miroiter de lucratives possibilités
de réussite. Les rêves les plus insensés d'enrichissement, les exemples aussi fulgurants
qu'éphémères d'ascension sociale avaient attiré nombre d'artisans, de vendeurs ambulants, de
manœuvriers et d'aventuriers étrangers venus tenter leur chance dans la péninsule ibérique. La
paix régnant à l'intérieur de ses frontières avait également fait de l'Espagne le lieu de refuge
pour certaines populations chassées par les désastres des guerres, notamment pour les voisins
français. Le long de la frontière des Pyrénées ce sont essentiellement des Français qui
s'installent en terre espagnole depuis le début du XVIe siècle où ils exercent des petits métiers
ou travaillent comme saisonniers. Ils étaient perçus de façon d'autant plus dangereuse qu'à la
xénophobie latente s'ajoutait la méfiance à l'égard de leur religiosité, du fait notamment de
leurs contacts redoutés avec des protestants en France24.
circulaire du 9.10.1566 complétée par celle du 19.5.1581 demandant de ne pas limiter la fouille aux coffres et lits des marins mais de pénétrer dans les cales des navires. 22 Lorsque l'inquisiteur Pazos découvrit au cours de sa tournée d'inspection dans le district de Séville que les personnes à bord des navires descendaient à terre avant que le contrôle inquisitorial n'eût lieu, une cédule spéciale fut édictée afin que dans tous les ports du district les marchandises, l'équipage, les voyageurs et leurs effets personnels soient fouillés avant que quiconque ne descende à terre A. H. N. Inq. leg. 2943 exp. 141-1 et 2944 exp 29-1 : lettre au conseil du 19/10/1566 23 J. PEREZ VILLANUEVA – LSCANDELL BONET, Historia de la Inquisición…, vol. 1, p. 742-743. 24 Sur la vision distillée sur les étrangers dans l'Espagne moderne par les arbitristes, voir Manuel BUSTOS RODRIGUEZ: "Los extranjeros y los males de España y América en los tratadistas hispanos (s. XVI-XIX)", Trocadero, Revista de historia moderna y contemporánea, 8-9 (1996-1997), p. 47-70. Sur les étrangers dans la péninsule, voir Antonio DOMINGUEZ ORTIZ, Los extranjeros en la vida española durante el siglo XVII, Madrid, 1960 et Jordi NADAL et E. GIRALT, La population catalane de 1553 à 1717. L'immigration française, Paris, 1960 et les contributions parues dans Les Français en Espagne à l'époque moderne (XVIe-XVIIIe s.), Paris : CNRS, 1990. Pour la Catalogne, voir également E. MOREU REY, Els inmigrants francesos a Barcelona (s. XVI-XVIII), Barcelona, 1950. Pour l'Aragon, J. A. SALAS AUSENS, "La inmigración francesa a Barbastro en los siglos XVI y XVII", Estudio de Historia moderna, 1977, p. 41-84 et concernant l'immigration française à Valence, cf. A. POITRINEAU, "La inmigración francesa en el reino de Valencia", Monéda y crédito, 137 (1976). Pour l'Andalousie avant le XVIIIe siècle, voir H. SANCHO DE OPRENIS, "los genoveses en la región gaditano-xericience de 1460 a 1800"Hispania, VIII (1948), p. 255-402 et du même auteur "Extranjeros en Cádiz en los siglos XVI y XVII", Estudios de Historia Social de España, IV (1960); P. COLLADO, "En torno a los orígenes del monoplio comercial gaditano : mercaderes extranjeros y cambio éconómico del área sevillana a la bahía de Cádiz en la segunda mitad del siglo XVII", Actas del II coloquio de Historia de Andalucía. Andalucía moderna, Córdoba, I, 1983, p. 603-616 et J. EVERAERT, "Le commerce colonial de la nation flamande à Cadix sous Charles II (1670-1700)", Anuario de estudios Americanos, XXVIII (1971) ; sur les communautés étrangères et leur rôle dans le commerce des Indes voir Eufemio LORENZO SANZ, Comercio de España con América en al época de Felipe II, Valladolid : Diputación, 1980, 2 vol., vol. 1, p. 43-102.
En outre, depuis la fin du Moyen-Âge, l'intense activité des foires de Castille, celles de
Medina de Ríoseco, de Villalón et de Medina del Campo en particulier, stimulait les échanges
et attirait chaque année marchands et négociants, dont certains firent les frais de la procédure
inquisitoriale25. L'essor commercial sur les façades atlantique et méditerranéenne avait fait des
principales villes du littoral la terre d'élection de marchands, cambistes, facteurs de
marchandises et de financiers génois ou flamands. Depuis le début du XVIe siècle, se
trouvaient également des représentants commerciaux anglais et français qui animaient les
échanges entre l'Espagne et leurs pays respectifs26. Si on manque de données démographiques
pour le XVIe siècle, la nomination de consuls de France à Cadix en 1575 ou 1581, à Séville et
à Barcelone en 1578 et à Valence en 1593 atteste du nombre croissant de marchands et autres
ressortissants français installés sur les terres des Rois catholiques27 tout comme, d'autre part,
la création de la Spanish Company, en 1577, qui regroupait les marchands anglais qui
trafiquaient en Espagne28.
On ne dispose de chiffres plus ou moins précis qu'à compter du XVIIe siècle. Les
Français constituaient alors de loin la communauté la plus importante en Espagne. En 1655,
Martínez de la Mata évaluait le nombre d'étrangers établis dans la péninsule à cent vingt mille
et, parmi ceux-ci, les Français constituaient de loin le groupe le plus important29. Selon le
recensement estimatif par province de ces derniers, élaboré en 1680 par le marquis de Villars,
16 000 d'entre eux se trouvaient en Andalousie dont 500 marchands (commerçants en gros ou
marchands au détail), soit le quart de la colonie française d'Espagne, alors que l'Aragon
demeurait de loin la terre de prédilection des ressortissant du royaume voisin, avec 20 000
personnes dont 2 000 marchands, avant Valence et Murcie qui comptaient 12 000 Français
(dont 600 marchands) et les deux Castilles avec 16 000 ressortissants venus de France dont
3 500 commerçants de toute espèce. L'Andalousie constituait ainsi avec Valence, les deux
25 Voir Bartolomé BENNASSAR, "Marchands flamands et italiens à Valladolid au XVIe siècle", Fremde Kaufleute auf der Iberischen Halbinsel, 1970, p. 48-55, Álvaro CASTILLO PINTADO, "Population et 'richesse' en Castille durant la seconde moitié du XVIe siècle", Annales ESC, 4 (1965), p. 719-733. 26 Albert GIRARD, Le commerce français à Séville et à Cadix au temps des Habsbourg, Paris : De Boccard, 1932, rééd. New York : Burt Franklin, 1967, p. 38. La présence des Allemands dans la première moitié du XVIe siècle est surtout attestée à Lisbonne, le commerce avec l'Espagne se faisant généralement par l'intermédiaire des Hollandais. L'installation des Hanséates en Espagne est perceptible notamment à partir de l'insurrection des Pays-Bas et des embargos qui modifieront la nature et le volume des échanges commerciaux avec la Baltique. Cf. Jonathan ISRAEL, "España, los embargos españoles y la lucha por el dominio del comercio mundial (1585-1648), Revista de historia naval 23 (1988), p. 89-105, qui analyse l'incidence des embargos décrétés contre les rebelles et montre leurs effets sur le trafic et les routes commerciales. 27 Albert GIRARD, Le commerce français à Séville…, p. 50-51. 28 Pauline CROFT, The Spanish Company, Londres, 1973. 29 Albert GIRARD, Le commerce français à Séville…, p. 566.
Castilles et l'Aragon un des centres les plus importants d'attraction pour les Français30. En
outre, faut-il ajouter à ces recensements une importante population flottante, non prise en
compte dans ces chiffres, faite de marins de passage, de soldats ou de mercenaires,
d'aventuriers de tout acabit, de déserteurs de la Marine ou de l'armée parfois, qui s'installaient
notamment dans les centres portuaires où l'activité commerciale leur offrait des perspectives
de travail.
Le territoire qui s'étendait de la Navarre à Valence était le lieu de prédilection d'une
immigration d'origine française tandis que la façade atlantique attirait un éventail plus varié
d'étrangers. À Séville, on recense huit cent trente-cinq feux français en 1642, contre dix-huit
feux anglais uniquement et cent vingt et cent quatre respectivement pour les Flamands et les
Génois31. À cette date, toutefois, Cadix avait détrôné l'ancienne capitale des Indes comme
pôle commercial et commençait à accueillir une grande partie des communautés étrangères.
La plupart de ces négociants et de ces petits artisans installés en Andalousie étaient des
catholiques sincères et pratiquants, pour la plupart, qui ne furent qu'épisodiquement dérangés
pour leur religiosité : ils furent ainsi parfois accusés de "luthéranisme" pour certains propos
ou critiques des aspects les plus originaux du catholicisme espagnol, affirmations qui ne
relevaient pas nécessairement du protestantisme, mais d'attitudes anti-ecclésiastiques
courantes et d'une sensibilité religieuse distincte32. En revanche, pour l'Inquisition, les
nombreux étrangers de passage, peu au fait des particularités du catholicisme péninsulaire,
étaient les victimes désignées.
Ce fut, pour l'essentiel, lors du lancement, dans les années 1560, de l'offensive contre
la diffusion du protestantisme en Espagne que ces communautés et surtout les étrangers qui
traversaient le pays se trouvèrent sous la coupe du tribunal. En 1560, le conseil de la Suprême
Inquisition demandait de poursuivre les étrangers apportant des livres interdits et invitait les
juges à ne pas faire bénéficier de la protection de traités internationaux les marins, tout
comme les marchands venus commercer sur les terres du roi d'Espagne, si ceux-ci n'en
faisaient pas la requête33. En matière de foi, plus aucune exception n'était tolérée dès lors que
30 Ibid., p. 567. 31 Santiago de LUXAN MELENDEZ - Manuela RONQUILLO RUBIO: "Aportación al estudio de la población extranjera en Sevilla", Historia moderna, Actas del II congreso de Historia de Andalucía, Cordoue : Junta de Andalucía, 1995, vol. I, p. 463-471, p. 466. 32 Cf. C. LARQUIE, "Le protestantisme en Espagne", Bulletin de la Société d'Histoire du Protestantisme Français, n° 129 (1983), p. 155-182. 33 A. H. N. Inq. Lib. 575, f° 92 r, non daté, 1560 : lettre du conseil de l'Inquisition au tribunal de Séville à propos de certains Anglais emprisonnés : les officiers sévillans hésitèrent à leur faire bénéficier des clauses de l'accord hispano-anglais de 1539, ce que refusa à compter d'alors la Suprema : "quanto a los ingleses que decís tener presos porque han traído libros heréticos
des ouvrages passés à l'Index avaient été introduits ou que des cultes réformés avaient été
célébrés en Espagne.
Les chiffres de la réaction inquisitoriale rendent compte de la volonté de verrouiller les
frontières : pour les provinces de Navarre et d'Aragon, la répression fut d'une extrême
violence : entre 1560 et 1600, 79 protestants – essentiellement étrangers - furent brûlés, 94
brûlés en effigie alors que 378 personnes étaient envoyées aux galères34. Dans ces cours de
Navarre, Saragosse, Barcelone et Valence, zones de prédilection de l'immigration française,
les sujets du roi de France ne représentaient pas moins de 89% de ces "luteranos"35. À Séville,
entre 1560 et 1565, la répression du "luthéranisme" occupa l'essentiel de l'activité de la
cour36 : 75 protestants étrangers étaient jugés aux côtés de 106 Espagnols et, à compter de
1565, ce ne sont quasiment que des ressortissants d'autres États qui comparurent devant les
juges : de 1560 à 1599, les causes de protestantisme furent intentées à deux cent vingt-quatre
étrangers, soit 38,3% des procès d'hérésie formelle (délits mineurs exclus) et plus de trente-
cinq de ces hérétiques furent exécutés par le feu37, à une époque où ce genre de châtiment
était devenu relativement exceptionnel. À Séville, ces condamnés provenaient des principales
nations trafiquants avec l'Espagne: 33,7 % d'Anglais, 22 % de Français et une proportion
similaire de Flamands et de Hollandais aux côtés de 3 % d'Italiens entre 1560 et 159938.
Graphique 2 : Poids de l'activité anti-protestante à Séville (1560-1700)39
y se han hallado en su poder y se hallan culpados, debéis Señores hacer justicia en sus causas y en las demás que adelante se ofrecieren sin tener respeto a lo que toca a la contratación que los de acá tienen en aquel reyno [de Inglaterra] que en cosa que toca a la fe no conviene que haya ninguna consideración, antes quando alg[un]o dello se moviese a tratar se haría la diligencia que conviene ser cerca dello con su Majestad". 34 Sur l'allure générale des courbes de répression dans les principaux tribunaux castillans, voir le graphique 1. 35 Chiffres et pourcentages tirés des données fournies par William MONTER, Frontiers of heresy. The Spanish Inquisition from the Basque Lands to Sicily, Cambridge : University press, 1990, p. 236. Voir également sur la flambée de violence ces années-là, Gustav HENNINGSEN, "Los daneses y la Inquisición", Annuario dell'Istituto Storico Italiano per l'Età moderna e contemporanea, 37-38 (1985-1986), p. 203-216. 36 Voir le graphique 2 ci-dessous. 37 Une partie des sources pour la seconde moitié du XVIe siècle est manquante : on ne dispose que de la moitié des relations de causes à Séville entre 1560 et 1599 : Michel BOEGLIN, L'Inquisition espagnole au lendemain…, p. 91 et p. 324. 38 Ibid., p. 290, tableau 28. 39 Pour l'ensemble de la période, les relations annuelles sont parfois manquantes. Sur l'axe des abscisses, les tirets signalent les séries pluri-annuelles complètes; le signe '+' indique les seules années pour lesquelles les données sont disponibles pour le tribunal sévillan. En ordonnée figure le nombre de condamnés.
Pour la plupart, ces étrangers étaient des hommes de passage dans les villes du district
Séville comme l'indique la profession de ces lutheranos. Pour les années 1583 et 1586 qui
marquèrent le pic de la répression anti-protestante, à l'heure où l'Espagne se mobilisait contre
l'Angleterre et les Pays-Bas et soutenait, dans le même temps, les prétentions du duc de Guise
au trône français, sur cinquante-cinq condamnés pour protestantisme, cinquante-deux, soit
94 % d'entre eux étaient des membres d'équipage et seuls deux appartenaient au monde du
commerce ou de l'artisanat40. Dans ces conditions, les femmes furent rarement présentes
parmi les accusés au cours de la seconde moitié du XVIe siècle.
Ces caractéristiques sont également valables pour l'ensemble de la façade atlantique
dans la seconde moitié du XVIe siècle : en Galice, c'est également une majorité de marins qui
sont jugés et, comme à Séville, les résidents semblent avoir respecté les lois religieuses
nationales. En revanche, sur l'autre façade maritime, l'origine sociologique des accusés est
foncièrement différente : à Valence, et de façon plus large sur le versant méditerranéen, une
nette majorité d'étrangers installés en Espagne était condamnée, une main-d'œuvre ayant élu
domicile sur les terres d'Espagne, composée essentiellement d'artisans, de manœuvriers et de
domestiques, souvent français et objets d'une xénophobie latente41. De même, en Catalogne et
en Aragon, ce sont essentiellement des trabajadores urbains ou ruraux qui défilèrent dans les 40 Michel BOEGLIN, L'Inquisition espagnole au lendemain…, tableau 13, p. 165. 41 Stephan HALICZER, Inquistion and society…, p. 285 : à Valence, hormis une forte proportion de soldats de passage notamment au début du XVIIIesiècle, on relève pour la seconde moitié du XVIe siècle et pour le XVIIe siècle une majorité d'artisans, pour l'essentiel installés en Espagne et peu de cas de marchands et de marins ; en Galice, 56,2% des accusés de luthéranisme sont liés aux professions maritimes entre 1560 et 1700 ; les professions commerciales ne représentent que 5,7 % des luteranos, les artisans, 14,4% : pourcentages tirés de Jaime CONTRERAS, El Santo Oficio…, p. 588. De même, au Pays Basque ce sont une majorité de marins et de commerçants de passage qui feront les frais de la procédure : Iñaki REGUERA, La Inquisición…, p. 143.
salles d'audience. Dans les deux cas, qu'il s'agisse des marins ou de la main-d'oeuvre ayant élu
domicile en Espagne, il s'agissait pour l'essentiel de populations issues des basses couches de
la société, à la culture religieuse souvent superficielle42.
4. La surveillance des ports
Le contrôle tatillon des frontières ne manqua pas d'avoir des répercussions fâcheuses
sur les échanges avec les pays du Nord. L'inspection des navires et l'ouverture de procès au
moindre soupçon d'hérésie avaient pour conséquence de laisser à quai nombre de navires
durant les mois ou les années que pouvait durer la procédure inquisitoriale. Ainsi, en 1560,
l'Ange, hourque flamande partie de Flandre pour se rendre à Cadix, fut-elle mise à quai durant
plusieurs mois. Suite à la dénonciation de certains catholiques qui se trouvaient à bord, la
moitié de l'équipage fut arrêtée ainsi que le maître du navire qui avait, au cours des quatre
semaines de traversée, converti au protestantisme le pilote du navire, Guillermo de Prat, mais
aussi célébré l'office et lu des psaumes en langue vulgaire avec plusieurs marins qui furent
tous "réconciliés" au cours d'autodafés43.
La procédure était bien rodée : à la moindre dénonciation ou suspicion, l'ensemble des
marins et des voyageurs était transféré vers les geôles inquisitoriales. Ainsi en fut-il, lorsqu'en
1587 l'écossais Gilbert Lanz, pourtant lui-même protestant, dénonça l'ensemble de ses
compagnons de traversée et fit part de son désir de devenir catholique44. Dans chaque cas, on
commençait par rechercher si un des membres de l'équipage était associé à l'expédition
commerciale et à défaut, on exigeait du propriétaire du navire ou de son représentant une
caution, comme dans le cas du vaisseau Isabelle pour lequel quatre mille cinquante-six réaux
durent être payés par les mandataires pour lever le séquestre45. La somme correspondait aux
salaires que les inquisiteurs estimaient être dus au capitaine et aux matelots et elle fut
immédiatement prélevée par le tribunal pour couvrir leurs frais d'entretien durant leur
incarcération. Or, il est clair que l'arrestation des suspects à la moindre délation ou découverte
d'ouvrages interdits et la saisie des biens et des bâtiments supposaient un manque à gagner
susceptible, parfois, de mettre en péril l'entreprise commerciale.
L'intervention des tribunaux ne se limitait pas à la simple mise sous séquestre du
42 Cf. C. LARQUIE, "Le protestantisme…", p. 180-182. 43 A. H. N. Inq. leg. 2075 exp. 2 et leg. 4519 exp. 10 G, Relación de méritos de Guillermo de Prat. 44 A.H.N. Inq. leg. 3574 exp. 1, fonds Inquisición-Varios. 45 A. H. N. Inq. leg. 2943 exp. 73, lettre du tribunal de Séville au Conseil de l'Inquisition (l. T/C) reçue à Madrid le 8 mars 1577, f° 3r-v.
navire mais pouvait se solder par la vente de celui-ci et de sa cargaison, si son capitaine ou
son propriétaire étaient condamnés. Lorsqu'il fut avéré que le maestro du navire le Lion
Rouge avait attenté à la foi catholique en suivant le rite réformé, son navire fut mis en vente :
personne ne s'étant porté garant, le bateau et sa cargaison furent liquidés pour six cent
cinquante ducats à Séville en 1577, car il s'agissait d'un vieux navire46. La même année, dans
la capitale des Indes, toujours, le vaisseau anglais La Manuela était vendu aux enchères et
rapporta quatre mille cinq cents ducats alors que le navire écossais María de Gracia était
liquidé pour mille ducats47.
Les retombées commerciales de ces ventes et la question du sort réservé aux
ressortissants arrêtés soulevèrent à plusieurs reprises les protestations diplomatiques des pays
commerçant avec l'Espagne. Ainsi, à l'occasion des ventes de ces navires, l'Espagne avait frisé
la crise diplomatique avec l'Angleterre à cause des initiatives du tribunal de la foi andalou.
Alors que les accords conclus par sir Henry Cobham et le duc d'Albe venaient d'être signés en
décembre 1575 et accordaient des immunités aux Anglais qui commerçaient avec l'Espagne,
cinq capitaines anglais étaient arrêtés par le Saint-Office à Séville et un autre à Cadix. Leur
condamnation vidait ainsi de sa substance le traité fraîchement conclu, qui prévoyait
notamment que les Anglais qui avaient suivi des rites non catholiques hors des eaux
territoriales espagnoles ne seraient pas molestés48. Sept ans plus tard, c'est l'ambassadeur de
France qui intervenait pour tenter de sauver deux de ses ressortissants condamnés au bûcher à
Séville49.
Ces interventions diplomatiques avaient cependant peu de chances d'aboutir à un
moment où la politique belliqueuse de Philippe II s'ouvrait sur le front atlantique. Les
autorités espagnoles opposèrent à ces requêtes l'autonomie de juridiction du Saint-Office,
rappelant qu'il s'agissait d'un tribunal ecclésiastique placé sous l'autorité du pape et non du roi.
Avec la dégradation de la situation aux Pays-Bas, soutenus dans leur fronde par l'Angleterre,
la normalisation des relations fut tardive et il fallut attendre le traité de paix de 1604 pour que
les Anglais bénéficient véritablement de l'application des clauses de protection contre les 46 Ibid. 47 A. H. N. Inq. leg. 2949 exp. s/n, l. T/C reçue à Madrid le 4.3.1588. 48 Un accord avait été signé en décembre 1575 entre le duc d'Albe et le représentant anglais, sir Henry Cobham, près de trente-cinq ans après celui de 1539 afin de protéger les ressortissants anglais des excès des activités de l'Inquisition. La juridiction du tribunal sur ce type d'hérétiques fut définie dans les circulaires de 1575. Selon celles-ci, ne tombaient sous la coupe du tribunal que les ressortissants anglais qui avaient célébré le culte réformé en Espagne ou sur ses eaux territoriales. Ceux qui avaient suivi des rites en Angleterre ou hors des possessions du roi d'Espagne, en revanche, ne devaient guère être inquiétés par les juges. Les temps ne se prêtaient plus à l'application bienveillante de ces exceptions et la déclaration de guerre de l'Espagne à l'Angleterre en 1585 réduisit à néant ces efforts pour encadrer les procédures du tribunal de la foi. 49 Werner THOMAS, La represión…, p. 275-276 et p. 282
procédures de l'Inquisition.
Face aux arrestations jugées arbitraires, des représailles furent parfois envisagées,
comme en 1562 lorsque le gouverneur de Bayonne menaça les autorités du pays voisin de
jeter dans les fers les ressortissants espagnols qui se trouvaient dans le port si les marins et les
commerçants français, prisonniers de l'Inquisition de Calahorra, n'étaient pas relâchés50. En
1575, suite à la détention d'Anglais aux Canaries, des Espagnols furent arrêtés par les
autorités anglaises afin d'obtenir la libération des sujets de la reine d'Angleterre51. Ces
mesures de rétorsion contre l'action d'un tribunal qui se soustrayait aux obligations
internationales de la couronne furent toutefois d'une faible efficacité.
5. Portée de l'action inquisitoriale sur les flux commerciaux
Toutefois, si les contrôles constants furent tracassiers, ils ne semblent pas avoir
infléchi de façon sensible les échanges entre l'Espagne et les autres nations. Malgré le drame
humain de ces marins jugés en grand nombre, parfois soutenus par les interventions des
ambassadeurs de leur pays, le commerce reprenait ses droits, d'autant plus qu'en dépit des
efforts déployés par l'Inquisition, le contrôle était somme toute peu efficace et que les
marchands prenaient leurs précautions afin d'échapper à l'emprise de la cour.
D'une part, l'inspection des navires était nécessairement sommaire, la fouille des cales
étant souvent rendue impossible par les marchandises qui y étaient entreposées. En 1581, soit
près de quinze ans après la première circulaire encadrant la procédure en matière de visitas de
navíos, le conseil rappelait que les fouilles ne devaient pas se réduire aux effets personnels et
aux couchettes des membres d'équipage52. Au XVIIe siècle, les inspections pouvaient se faire
à bord mais il arrivait fréquemment que l'enquête se déroule dans la demeure du commissaire
du Saint-Office et se limitant alors à une simple déclaration du responsable de l'expédition
maritime53. Si on y ajoute les cas courants et avérés de corruption54, on saisira l'efficacité
toute relative de ces contrôles. De fait, peu d'informations filtrent dans la correspondance à
propos d'arrestations résultant des visites de navires et les inquisiteurs comptaient
probablement davantage sur la délation des participants de la traversée pour réunir des 50 Iñaki REGUERA, La Inquisición…, p. 156. 51 Werner THOMAS, La represión…, p. 274. 52 B.N.E. ms 718, f° 48r, circulaire du 19.5.1581. 53 Ma Isabel PEREZ DE COLOSIA - Joaquín GIL SAN JUAN, "Inspección inquisitorial…", p. 25-36. 54 A. H. N. Inq. leg. 2967 exp. s/n, f° 1r : l. du 29.3.1631 de D. Isidoro de San Vicente : "en la Inquisición de Sevilla se desmandan todos los oficiales della a recibir continuamente de todos los negociantes tantos donativos y regalos"; 2985 exp. 21, l. r à Madrid le 29.1.1653 sur la corruption des commissaires dans les ports du district de Séville. Voir aussi, B.N.E. ms 718, f° 50-51, sans date, sur les cas de corruption à Cadix au XVIIe siècle.