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Droit du travail 2012
Harcèlement moral et sexuel :
Quels outils juridiques pour la prévention ?
Le harcèlement sexuel
Savoir diagnostiquer une situation de harcèlement.
Harcèlement sexuel au sens de la Directive :
Situation dans laquelle un comportement non désiré à connotation sexuelle, s’exprimant physiquement
ou verbalement, survient, avec pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité d’une personne et
en particulier de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant.
→ Discrimination fondée sur le sexe.
En droit français :
► Article 222-33 du Code pénal :
« Le fait de harceler autrui dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni :
D’un an d’emprisonnement
De 15.000€ d’amende »
► Article L 1153-1 du Code du travail :
« Les agissements de harcèlement de toute personne dans le but d’obtenir des faveurs de nature
sexuelle à son profit ou au profit d’un tiers sont interdits »
► Article L 1153-2 du Code du travail :
« Aucun salarié, aucun candidat à un recrutement, à un stage ou à une période de formation en
entreprise ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou
indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de
qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de
contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements de harcèlement sexuel ».
Droit du travail 2012
1. Le harceleur et la notion d’autorité
o Avant la loi du 17 janvier 2002 :
Harceleur : l’employeur, son représentant ou toute personne qui abuserait de l’autorité que
lui conférait ses fonctions.
→ Rapport d’autorité indispensable
o Depuis la loi du 17 janvier 2002 :
Harceleur : toute personne dont le but est d’obtenir des faveurs de nature sexuelle à son
profit ou pour des tiers.
→ Disparition du rapport d’autorité
Le harceleur :
o L’employeur ou le supérieur qui abuserait de son autorité
o Le collègue de travail
o Le subordonné (plus rare)
o Les personnes extérieures à l’entreprise mais susceptibles d’influencer le salarié :
Ex : un client important, un responsable de recrutement, conjoint de l’employeur…
2. La victime : les catégories de salariés concernés
o Pour le code pénal : Toute personne
o Pour le code du travail : protection des salariés mais aussi des candidats à un
recrutement, à un stage ou à une période de formation.
3. Les actes interdits
o La répétition des actes constitutifs de harcèlement
o Les actes destinés à obtenir des faveurs sexuels
► Pas de définition précise des actes interdits
► Seul objectif : l’obtention de faveurs sexuelles
Droit du travail 2012
Exemples de harcèlement sexuel :
Harcèlement reconnu :
► Des avances de nature sexuelle
► Des gestes déplacés
► Des propos inconvenants
Pas de harcèlement
► Expression de sentiments amoureux
► Si le but poursuivi n’est pas d’obtenir des
faveurs de nature sexuelle
Droit du travail 2012
Le harcèlement moral
1. Fallait-il légiférer en matière de harcèlement moral ?
o Avant la loi du 17 janvier 2002 :
Aucune condamnation dans le code du travail, seul le code pénal punissait cette infraction.
o Le Gouvernement, le Parlement et le Conseil économique et social ont souhaité l’adoption d’un
texte spécifique au droit du travail
L’employeur a une obligation de sécurité sur ses employés, sinon il engage sa responsabilité civile ou
pénale (il doit payer).
2. Définition légale du harcèlement moral
Article L 1152-1 du Code du travail :
« Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour
effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa
dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ».
Article L 1152-2 du Code du travail :
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe
ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de
qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de
contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir
témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ».
Nouvel article 222-33-2 du Code pénal :
Le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation
des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé
physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel est puni d’un an d’emprisonnement
et de 15.000€ d’amende.
Le harcèlement moral ne requiert pas l’intention de nuire de la part de son auteur.
Droit du travail 2012
Le harcèlement moral suppose :
Des agissements répétés… Ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail… :
► Local de travail isolé, étroit, mal éclairé, mal chauffé
► Privation des instruments de travail performants ou nécessaires
► Attitudes méprisantes (haussement d’épaules, rires moqueurs, caricature ridiculisant le
salarié)
►Insultes, violences physiques
Susceptibles… :
►Soit de porter atteinte à ses droits et à sa dignité
►Soit d’altérer sa santé physique ou mentale
►Soit de compromettre son avenir professionnel
Les agissements répétés
o Brimades, insultes, vexations et autres humiliations
o Les insinuations, allusions, sous-entendu, rumeurs et autres faits dissimulés.
o Isolement, exclusion et mise au placard
o Abus de pouvoirs, décisions arbitraires, menaces ou chantage à l’emploi.
Le but du harcèlement
o Détruire l’autre : cas du pervers
o Méthode de management pour contraindre à :
La démission
La faute justifiant de licenciement
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La prévention du harcèlement
Les obligations du chef d’entreprise
o Obligation générale de prévention du harcèlement
o Mise à jour du Règlement Intérieur
o Mesures de protection de la santé et de la sécurité des salariés
o Engagement de poursuites disciplinaires contre le harceleur
Article L 4121-1 du Code du travail :
« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et
mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1. Des actions de prévention des risques professionnels ;
2. Des actions d’information et de formation
3. La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et
tendre à l’amélioration des situations existantes ».
Les attributions du C.H.S.C.T. (Comité d’hygiène de Sécurité et de
Conditions de Travail)
Article L 4612-1 du Code du travail
o Protection de la santé physique et mentale et de la sécurité des salariés, y compris ceux mis à
disposition par une entreprise extérieure
o Amélioration des conditions de travail
o Propositions d’actions de prévention en matière de harcèlement sexuel et moral
La mission des délégués du personnel
Article L 2313-1 du Code du travail
Les délégués du personnel ont pour mission :
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o De présenter aux employeurs toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives aux
salaires, à l’application du code du travail et des autres dispositions légales concernant la
protection sociale, la santé et la sécurité, ainsi que des conventions et accords applicables dans
l’entreprise ;
o De saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application
des dispositions légales dont elle est chargée d’assurer le contrôle.
Article L2313-2 du Code du travail
Si un délégué du personnel constate, notamment par l’intermédiaire d’un salarié, qu’il existe une
atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans
l’entreprise qui ne serait pas justifié par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but
recherché, il en saisit immédiatement l’employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de toute
mesure discriminatoire en matière d’embauche, de rémunération, de formation, de reclassement,
d’affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de
renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L’employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires
pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de
solution trouvée avec l’employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s’y
oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des
référés.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une
astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.
Article L 2313-11 du Code du travail
Lors de ses visites, l’inspecteur du travail se fait accompagner par le délégué du personnel compétent,
si ce dernier le souhaite.
Les attributions du médecin du travail
Article L 4624-1 du Code du travail
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o Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou
transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l’âge, à la
résistance physique ou à l’état de santé physique et mentale des travailleurs.
o L’employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire
connaître les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite.
o En cas de difficulté ou de désaccord, l’employeur ou le salarié peut exercer un recours devant
l’inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail.
La procédure d’alerte
Article L 4131-2 du Code du travail
o Si CHSCT constate l’existence d’un danger grave ou imminent, information de l’employeur.
o Enquête et prise des dispositions nécessaires.
o Si divergence des parties sur la réalité du danger ou la façon pour la stopper : réunion du
CHSCT dans les 24h.
o Information immédiate par l’employeur de l’Inspecteur du Travail, de la CRAM qui peuvent
assister à la réunion.
o Vote du CHSCT.
Le droit de retrait
Article L 4131-1 et suivants du Code du travail
Le salarié signale immédiatement à son employeur toute situation de travail dont il a un motif
raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que
toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection.
La procédure de médiation
Article L 1152-6 du Code du travail
o Saisine du médiateur par toute personne victime de harcèlement
o Convocation des parties par le médiateur
o Tentative de conciliation + propositions écrites pour stopper le harcèlement
Droit du travail 2012
o Si échec, information des parties sur les sanctions encourues et sur les garanties procédurales
prévues pour les victimes.
L’intervention de l’Administration
Article L 4721-1 et suivants du Code du travail
o Constat d’une situation dangereuse résultant de manquements à la sécurité et à la protection de
la santé des salariés
o Mise en demeure écrite de remédier à cette situation suivant un délai d’exécution
o Si la situation perdure au-delà du délai, un procès verbal est dressé par l’inspecteur du travail.
La DIRECCTE (ex : DDTE) peut, après rapport de l’inspecteur du travail, mettre en demeure
l’employeur de faire cesser une situation dangereuse si le risque professionnel trouve son origine dans
les conditions d’organisation du travail ou d’aménagement du poste du travail.
Toute réclamation individuelle ou collective, de saisir l’inspection du travail de toute plainte, et de
déclencher un droit d’alerte. On peut saisir le médecin du travail, le CHSCT (a le droit d’alerte), les
délégués du personnel (a le droit d’alerte), un médiateur (l’inspecteur du travail peut être médiateur).
En substance, le salarié dispose d’un droit de retrait. Les syndicats peuvent agir au nom de la victime
mais avec son accord.
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Gérer une situation de harcèlement
Savoir réagir face à une situation de harcèlement
1. L’administration de la preuve
Article L 1154-1 du Code du travail
o Le salarié établit des faits faisant présumer l’existence de harcèlement
o Le défendeur devra prouver que ses agissement ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa
décision est justifiée par des éléments objectifs.
La preuve peut être constituée :
o De faits décrits de façon précise et circonstanciée par le salarié
o Des témoignages concordants de collègues, d’amis, de parents et de confidents de différents
âges et conditions sociales
Protection des témoins
Article L 1153-3 du Code du travail
o Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire
pour avoir témoigné des agissements de harcèlement ou pour les avoir relatés.
o Toute disposition ou tout acte contraire est nul
2. Nullités des actes constitutifs de harcèlement
o Pour le harcèlement sexuel : Article L 1153-4 du Code du travail
o Pour le harcèlement moral : Article L 1152-3 du Code du travail
→ Nullité des actes constitutifs de harcèlement
→ Tout licenciement sera nul de plein droit
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3. Action en justice des syndicats
Article L 1154-2 du Code du travail
o Possibilité pour les syndicats d’agir en justice en faveur d’un salarié pour toutes les actions
relatives à des situations de harcèlement
o Nécessité d’un accord écrit du salarié
La sanction disciplinaire prononcée contre le harceleur
o Est passible d’une sanction disciplinaire tout salarié ayant procédé à des actes de harcèlement
sexuel ou moral
o Obligation de l’employeur de sanctionner
o Un licenciement nécessairement motivée par une faute grave
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La responsabilité de l’employeur et du harceleur
1. La responsabilité contractuelle ou délictuelle de l’employeur
o Responsabilité contractuelle : le contrat de travail est exécuté de bonne foi
o Responsabilité délictuelle : l’employeur est responsable des faits commis par ses salariés
pendant ses heures de travail et sur le lieu de travail
2. La responsabilité délictuelle du harceleur
Le fait de harceler autrui dans l but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni :
o D’un an d’emprisonnement
o De 15 000€ d’amende
3. Sanctions pénales
Infractions→
Sanctions↓
Harcèlement sexuel Harcèlement moral
Amende 15 000€ 15 000€
Prison 1 an 1 an
o Faits commis avant la loi du 17 janvier 2002 :
Application de l’ancien article 222-33 CP avec référence à l’abus d’autorité
o Faits commis postérieurement au 17 janvier 2002 :
Application du nouvel article 222-33 CP
Sanctions pénales prévues par le code du travail
Article L 1155-1 et suivant du Code du travail
o Toute infraction constitutive de harcèlement sexuel ou moral sera punie : d’un an
d’emprisonnement et / ou de 3 750€ d’amende
o Affichage du jugement
o Insertion du jugement dans la presse
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4. Le suicide ou la maladie
o Suicide après des remontrances de l’employeur
o Suicide par pendaison sur le lieu de travail après avertissement et convocation à un entretien
préalable
o Tentative de suicide : faute inexcusable
La notion de suicide ou maladie peut découler d’harcèlement et peut être considéré comme un accident du
travail.
Harcèlement moral et intention de nuire
La Cour de cassation reconnaît désormais que le harcèlement moral peut être constitué
indépendamment de l’intention de nuire de son auteur.
Il suffit que les agissements soient répétés et qu’ils aient pour effet une dégradation des conditions de
travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la dignité du salarié, d’altérer sa santé ou de
compromettre son avenir professionnel.
Cass, soc, 10 nov.2009, n°08-41497
Harcèlement moral et durée
Les faits constitutifs de harcèlement moral doivent être répétés mais ils peuvent se dérouler sur une
brève période.
Cass, soc, 26 mai 2010, n°08-43152
Harcèlement moral et méthodes de gestion
Certaines méthodes managériales mises en œuvre par un supérieur hiérarchique, peuvent être
condamnées au titre du harcèlement moral. (Exemple : pression continuelle)
Cass, soc, 10 nov. 2009, n°07-45321
N’est pas justifié le licenciement pour faute grave d’une directrice de maison de retraite dès lors que les
manquements qui lui étaient reprochés s’inscrivaient dans un contexte de grande tension entre les
parties depuis la mise en place de nouvelles mesures de gestion.
Droit du travail 2012
Cass, soc, 12 janvier 2010, n°08-40635
Obligation de sécurité de résultat
En vertu du contrat de travail l’employeur est tenu envers le salarié d’une obligation de sécurité de
résultat en matière de protection de sa santé et de sa sécurité.
L’employeur est responsable dès lors que le salarié est victime sur son lieu de travail de violences
physiques ou morales ou de harcèlement.
Sa responsabilité est retenue quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces
agissements.
Cass, soc, 3 févr. 2010, n°08-40019 ; n°08-40
Cette décision impose pour l’employeur d’éviter le harcèlement moral dans son entreprise « à tout prix ».