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UNIVERSITE D’ANTANANARIVO
FACULTE DE DROIT, D’ECONOMIE, DE GESTION ET DE SOCIOLOGIE
Département : Economie
IIIe Cycle
DE L’HOMO ŒCONOMICUS VERS LE RENOUVEAU DU DISCOURS SUR L’ECONOMIQUE. Réflexions sur
l’ascendance de la représentation de l’homme par lui-même sur le concept « homo œconomicus » et
essai de précisions conséquentes des discours sur le fondement, la fonction et l’utilité de la science
économique
LIVRE PREMIER
Des réflexions empruntées et choisies sur l’homme vers la redécouverte du
thème l’« homo œconomicus »
Thèse de doctorat de IIIe cycle en Sciences économiques
Présenté par RAMAMBAVOLOLONA Robson Johanès
Sous la direction de Monsieur Jeannot RAMIARAMANANA
Professeur de science économique Monsieur RAJAOSON François, Président
Monsieur RAMIARAMANANA Jeannot, Directeur de thèse
Monsieur MANDRARA Eric Rapporteur interne
Madame RABEARIMANANA Lucile Rapporteur Extérieure
Directeur de thèse Monsieur RAMIARAMANANA Jeannot
Date de soutenance : 09 Mars 2015
REMERCIEMENTS
Le présent travail est le fruit d’une longue recherche et de nombreuses discussions
avec beaucoup de personnes dont les contributions de natures et de formes différentes
m’ont été toutes précieuses. Les unes m’ont apporté de nouvelles inspirations, par leurs
opinions sincères et profondes, alors que d’autres n’ont pas lésiné sur les moyens matériels
avec lesquels, j’ai pu faire et refaire cette thèse sans penser au coût. Il me serait impossible
de les mentionner toutes, et j’espère qu’elles trouvent sous ces lignes, l’expression de ma
profonde gratitude.
Je tiens d’abord à remercier Monsieur le Professeur RAMIARAMANANA Jeannot,
directeur de cette thèse, pour sa patience, ses encouragements et ses conseils, son profond
souci pour la protection des valeurs et acquis de la science économique et en même temps
son ouverture d’esprit pour d’autres domaines de l’économie, sa compréhension du sujet
qui sort du chemin battu de la science économique. Qu’il retrouve ici mes gratitudes et mes
admirations pour son savoir-faire.
Je remercie également le corps enseignant de l’Université d’Antananarivo, en
particulier Monsieur le Professeur RAMAHATRA Olivier, pour leur enseignement, leur
conseil technique et surtout leur orientation intellectuelle et morale bénéfique pour la
réalisation de cette thèse.
Je dois aussi beaucoup au Département philosophie de l’Université d’Antananarivo,
plus particulièrement Madame Irène RAJAONARIVELO, Monsieur Lala
RARIVOMANANTSOA qui m’ont montré l’importance de la philosophie dans la
compréhension de l’homme et m’ont donné le bénéfice d’assister aux cours dispensés par
leur établissement.
Je suis reconnaissant Monsieur ANDRIAMPARANY Rajesy, responsable du
centre de documentation du Musée d’Art et d’Anthropologie, qui m’a laissé exploiter la
bibliothèque de cet établissement, grâce à laquelle j’ai pu approfondir mes connaissances
en matière d’anthropologie.
Les discussions que j’avais eues avec le Révérend père RAHERIMANDIMBY
Pascal, ancien professeur de lettre malgache de l’Université d’Antananarivo, m’ont été
d’une grande aide pour voir claire dans la relation entre la migration et l’homme ainsi que
sur d’autres sujets d’ordre général.
La confrontation de mes idées avec celle des connaissances artistiques et littéraires
de Mademoiselle Mihoby RABEARISON m’a été d’une grande importance pratique. Elle
m’obligé de me relire, de me redire, de répéter mes propres idées et d’avoir une
représentation précise et concrète de la représentation de l’homme. C’est dommage qu’elle
soit venue tardivement dans cette thèse.
RAMAMBAVOLOLONA Robson Johanès
1
Préface DES CRITIQUES DE LA SCIENCE ECONOMIQUE
Auguste COMTE (1798 – 1857) , un sociologue français du XIXe siècle, dans son «
Cours de philosophie positive », en 1819, critiquant la science économique, décrivait cette
dernière dans les termes suivants : une pseudoscience ou, dans ses termes, « une tentative
prématurée d'élaborer la science sociale, c'est-à-dire le savoir adapté à la société
industrielle en train de naître et destiné à lui insuffler tout à la fois ordre et progrès»
(STEINER 2001). Il préconisait, en conséquence, d’abandonner cette démarche pour une
autre discipline qu’est la sociologie. Dans ses propos, il lançait trois thèmes de défis aux
économistes : la méthode, parce que celle de l’économie n’est pas scientifique, l’objet de la
science, parce que celle de l’économie se limite à la compréhension de la société
industrielle naissante, et son but, parce que celui de la science économique, l’établissement
de l’ordre et le progrès, relève plutôt de l’idéologie.
De tel affront, effectivement demande une réponse de la part des économistes. Ces
derniers, par les propos des œuvres de John Stuart MILL (1806 – 1873) qui, dans sa « La
logique », avançaient une requête fondée et démontrant le caractère inéluctable de la
nécessité, de l’objet et du but de la science économique : la construction de la science
sociale, réclamait John Stuart MILL, passe par la reconnaissance d’une vérité universelle,
évidente et partagée entre les individus s’intéressant à la société ou à l’homme. Pour ce
fait, il avança alors le constat selon lequel l’homme préfère plus de richesse que moins
(STEINER, 2001). Voici comment John Stuart MILL s’est exprimé à ce propos
« Il y a, par exemple, une vaste classe de phénomènes sociaux dans laquelle les
causes immédiatement déterminantes sont en première ligne celles qui agissent par le désir
de la richesse, et dont la principale loi psychologique, familière à tout le monde, est qu'on
préfère un gain plus grand à un moindre. » (MILL, 1866, page 61, Ed électronique)
Cette phrase contient l’énoncé du statut épistémologique de la science économique
en quelques mots : l’existence d’une part, de l’action animée par le désir de gagner plus
que de moins de richesse, qui est une force économique comparable à celle de la force
physique de la pesanteur, et d’autre part, de l’existence d’une base à la fois sociale et
individuelle (psychologique) de l’économique ouvrant la science économique à d’autres
disciplines de la science sociale.
2
Par cette phrase, John Stuart MILL a indiqué la particularité de la science
économique par rapport aux autres disciplines se réclamant des sciences sociales et de
l’homme : les lois de l’économie relèvent à la fois des exigences impétueuses de la nature
et des limites imposées par la morale, l’éthique ou le social. Par les propos de John Stuart
MILL, la science économique trouve des arguments justifiant sa nécessité et sa distance ou
son indépendance par rapport aux autres disciplines se réclamant de la science sociale ou
de la science humaine.
Seulement la voie ouverte et la méthode proposée par John Stuart MILL, est
imprécise, car elle désigne en fait deux voies parallèles : celle, inquisiteur de soi-même,
basée sur l’observation de l’homme par l’homme lui-même en vue de confirmer l’existence
sur soit de la préférence pour plus de richesse et celle, praticienne, ancrée sur la recherche
de lois de la nature en rapport avec celle de l’homme. Dans ce dernier programme, le
constat unique sur lequel s’appuie la proposition est la quête humaine du plus que moins de
richesse, alors que dans le premier programme, l’hypothèse utilisée par l’économiste est
que l’homme a une sorte d’obligation de faire mieux pour la société ou vis-à-vis de ses
paires. L’homme de l’économie est ainsi un être à la fois éthique et économique. En tant
qu’éthique, son comportement est critiqué en fonction de « bien » et du « mal », alors que
dans sa quête de plus de richesse, il est jugé en fonction du rendement de son action et en
fonction de l’efficacité de ses moyens. Le conflit entre ces deux contraintes a été plus ou
moins levé par l’insertion de la Main invisible par Adam SMITH et par la théorie de
l’ordre socio-économique spontané de Friedrich August Von HAYEK (1899 – 1992). Le
premier soutient que ce qui est bien pour l’individu ne peut pas être mal pour la
collectivité, à cause d’une sorte de Main invisible qui harmonise les intérêts en jeu, alors
que le second, dans sa théorie de l’ordre spontané défend l’existence de l’ordre malgré
l’absence de la centralisation des activités individuelles fusionnant ainsi le bien et
l’efficace. Pour HAYEK, la coordination des activités individuelles est un mécanisme qui
se crée automatiquement à l’intérieur de chaque communauté humaine. Elle est une cause
de l’augmentation de la richesse dans la mesure où elle est faite par le marché. HAYEK ne
s’oppose donc pas, lui-aussi, à l’enrichissement de l’individu. Aussi, pour comprendre la
théorie de John Stuart MILL, il faut adopter la conciliation de la morale à l’économique,
ou plus précisément, la compréhension de l’économique reposant sur une disposition
d’âme reconnaissant les bienfaits sociaux de la richesse et des actions conséquentes. La
voie ouverte par John Stuart MILL repose en fin de compte sur l’harmonie de l’humanité
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avec ses membres et avec son environnement ; elle observe les effets de la projection de
l’homme dans la société et dans la nature pour mieux se connaître lui-même. John Stuart
MILL nous propose alors d’étudier en fin de compte les informations que l’homme obtient
de lui-même, alors que celui-ci se regarde lui-même comme s’il est devant un miroir, avec
des questionnements sur l’identité de soi (la découverte de soi), l’esthétique et la
représentation, et non la performance et l’enrichissement.
John Stuart MILL n’a pas précisé le statut des autres disciplines académiques dans
la formation de la pensée économique, bien qu’il reconnaisse l’importance des autres
disciplines académiques dans cette formation. Lorsqu’il admet qu’un bon nombre de
phénomènes sociaux s’expliquent par le désir (de plus) de richesse, il soutient l’existence
d’un préalable sociologique ou anthropologique et d’autres disciplines académiques dans
l’économie. Dans le fond, il n’a pas considéré la science économique comme une
discipline observant directement la nature, mais comme une synthèse des réflexions
profondes (empiriques ou non) de plusieurs penseurs ; c’est pourquoi, il affirmait que : «
serait piètre économiste, celui qui n'est qu'économiste »1. Cette esprit de synthèse de John
Stuart MILL trouve sa rédaction dans ses « Système de logique déductive et inductive.
Exposé des principes de la preuve et des méthodes de recherche scientifique » (1843).
Cette synthèse cependant n’a pas pu empêcher ni la spécialisation, ni l’institutionnalisation
de cette discipline, réduisant ainsi les visions de l’économiste : ce dernier est devenu borné
par les méthodes et par les objets de sa discipline. La conception de la science économique
de John Stuart MILL – et peut-être avec elle, toutes les autres conceptions scientifiques –
est fortement diminuée par ces lacunes : la science économique ainsi présentée s’avère être
une science non autonome, avec un objet particulier qu’on peut résumer par l’expression
de la vie sociale des objets. Il faut alors ouvrir de nouveau le thème de fondement de la
science économique pour voir dans quelle partie de la conception, la science économique
est-elle condamnée à être réducteur.
VERS UNE NOUVELLE CONCEPTION DU DISCOURS SUR LA SCIENCE ECONOMIQUE
Devant ces faits, nous proposons, l’élargissement de la base conceptuelle de la
force régissant les activités économiques (la préférence pour plus de richesse de John
1Gérard LELARGE, dans son Dictionnaire thématique des citations économiques et sociales, page 117 cité dans GUILLOT P. et al. « La pensée économique et sociologique par le texte », document pédagogique réalisé par l’Institut Universitaire de Formation des Maîtres de La Réunion, 1995 et adapté à Internet en 1999 par Philippe GUILLOT, page 61
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STUART MILL, ou tout simplement la rationalité) en détachant celle-ci des thèmes de la
raison et de rapport ainsi que de leurs connotations (le marché) pour introduire un nouveau
champ de raisonnement et d’argumentation par le concept de l’interdiction. Au lieu de
soutenir la proposition selon laquelle les agents sont mus par la recherche de plus de gain,
nous défendrons l’hypothèse selon laquelle les agents sont dotés de connaissance préalable
de ce qu’il ne faut pas faire et évitent à chaque instant cet obstacle d’interdiction. Cette
connaissance est une évidence anthropologique connue sous le terme de l’interdiction. Ce
n’est donc pas seulement la psychologie ou la sociologie qui défendent l’économique, mais
l’anthropologie.
En outre, nous avons substitué la « préférence » à plus que moins de richesse au
« sens » de la richesse, pour mettre l’accent sur le caractère actif du choix. En effet, ce
n’est pas la définition de la richesse qui est importante dans la science économique – celle-
ci fait d’ailleurs défaut dans la science économique ou encore la définition existante de la
richesse se prête encore à de discussion ; en plus, elle est le résultat d’un choix
dogmatique, celui de l’abandon de la conception respective des physiocrates et des
mercantilistes – mais l’attitude devant elle. A notre avis, devant la richesse, l’homme ne
s’arrête pas à la contemplation, mais se dirige vers elle par l’action. Telle est d’ailleurs
notre deuxième hypothèse de travail. La richesse n’est donc pas un objet, mais un lieu ou
un point dans un espace mental vers lequel se dirigent toutes les actions et les mouvements
de l’être humain. Conséquence, nous concevrons la science économique à partir d’une base
différente de celle prônée par les économistes classiques. Pour nous, l’économie est une
science mettant l’homme en action et en mouvement vers le lieu de la richesse. L’objet de
la science économique est la recherche des mots et des concepts précis pour concrétiser et
pour objectiver la sensation humaine de la richesse et de la démarche intellectuelle menant
vers elle.
Dans cette nouvelle conception de la science économique, nous adhérons en même
temps aux programmes afférents de recherches de l’approche subjectiviste de l’économie,
en accusant le courant dominant actuel (marqué par l’économie comme science de richesse
matérielle) d’excès de rationalisme. Qu’ils soient des rationalistes « pragmatiques » (à
l’instar des techniciens de développement économique) ou des rationalistes « bornés » par
leurs prétendus acquis (comme la plupart des théoriciens de l’économie), les différentes
variantes du courant dominant de l’économie actuelle partagent les mêmes fautes : elles
n’ont pas tenu en considération la réalité de l’inconscience, de l’indicible et de
5
l’impossible, réduisant ainsi leur vision au seul monde réel, intelligible, conscient, où tout
peut être modifié par la volonté consciente pour mettre comme certitude la répétition et le
retour du passé. Elles se sont inspirées de la philosophie des KANT Emmanuel (1724 –
1804) pour qui l’expérience ou la vérification par la répétition est la seule preuve de la
véracité des idées, et de celle d’ARISTOTE (384 – 322 av. J.C.) et consorts, pour qui,
l’intelligibilité logique de la construction théorique est un fondement de la connaissance. A
notre avis, la science s’est développée par la violation progressive des interdictions que
l’homme a plus ou moins instituées d’avance. Cette conception n’est pas neuve ; ses bases
ont été jetées par le philosophe autrichien Paul Karl FEYERABEND (1924 – 1994) qui
soutenait que la science s’est développée par l’abandon des idées reçues et par le rejet des
théories dominantes.
Nous récusons aussi le relativisme à cause de son absence d’ambition scientifique,
comprenant la prévision et l’explication, pour se cantonner à une approche descriptive –
voire contemplative – et monographique de l’homme dans l’économie régionale, bien que
nous partagions leur programme de recherche anthropologique. A notre avis, la science
économique n’est pas une science pratique ou technique, mais une discipline pragmatique,
car elle ne cherche pas à résoudre un problème pratique concret, mais à bien vivre, grâce à
une bonne règle de conduite sans sentiment ni raison, dans une situation pratique et
problématique, c’est-à-dire à refuser l’aléa de l’inconnaissable. La science économique est
une information des êtres ayant une conscience et qui est soumis à des influences
indomptées. De ce fait, en faveur de l’approche subjectiviste, notamment l’école
autrichienne de l’économie, nous avancerons d’autres arguments allant dans le sens de
précision des existants portant sur le rôle des institutions dans la pensée économique : les
institutions qui gouvernent le monde économique ne proviennent pas certainement – et
Karl MENGER (1840 – 1921) l’a bien dit dans sa théorie sur la monnaie – de la volonté ni
du souhait des agents économiques. La création de la monnaie, par exemple, n’a pas été
demandée par les agents économiques. Nous généralisons alors cet argument en affirmant
et en l’insérant dans les éléments fondamentaux de l’économie que les faits dits non
intentionnels étaient déjà dans la pensée de l’homme, mais pas dans les thèmes actuels de
la science économique. Ils sont des évidences qui ne se démontrent pas, au même titre que
la préférence pour plus que moins de richesse.
La prise en compte des activités économiques inconscientes a été faite
respectivement par Adam SMITH, avec l’affirmation selon laquelle un agent économique
6
qui parvient à s’enrichir apporte aussi de façon non intentionnel du profit à la société, par
Karl MENGER, avec sa théorie selon laquelle les institutions qui gouvernent le monde
économique n’a jamais été l’objet d’une demande de la société, et enfin par Von HAYEK
avec sa théorie de l’ordre spontané. Au niveau individuel, les activités inconscientes ont
été analysées et théorisée par le psychanalyste Sigmund FREUD.
Etant donné que l’homme – réel ou imaginaire – qui sera au premier plan de la
présente étude, nous allons être obligé de faire en quelque sorte une psychanalyse de
l’homme de l’économie car l’économie relève de l’inconscience ou de la subconscience
collective. A notre avis, la science économique est en train de libérer la conscience de
l’humanité de l’homme que chaque être humain renferme dans leur pensée, et qui fait le
choix pour « plus de richesse ». Les différentes représentations littéraires et artistiques de
l’homme ne sont pas multiples car elles ne sont tous que la dérivée d’une représentation
unique ou d’une représentation-source. Il existe une ou quelques images uniques et
présentes dans toutes les différentes représentations littéraires et artistiques de l’homme, « l
»’image de l’homme. Ces images sont des thèmes – sources de la représentation de
l’homme. Ces images ou ces thèmes sont pénétrées ou infiltrées par le concept « homo
œconomicus ». Il faut donc préparer le terrain pratique ou épistémologique pour accueillir
« cet » homme venu de tous les êtres humains, ce concept opérationnel, par lequel un René
DESCARTES (1595 – 1650) et ses cartésiens puissent s’écrier sans fausse note, « j’existe !
», d’où le thème de notre recherche : de l’homo œconomicus vers la rénovation de
l’économique.
Le nœud de ce thème est la libération de la description de « l’homme qui préfère
plus de richesse sur le moins » de cette emprise de la situation (dans la société ou dans
l’espace géophysique, ou encore dans les vanités2 du corps physique), ou encore de la
construction de la description de ce que la philosophie et la psychologie appellent la
« conscience » et que la théologie chrétienne appelle « âme » et encore que la science
économique appelle la « raison » – pour désigner la substance qui fait l’homme –, des
idées fausses issues de l’imprécision de la théorie économique, et ce, en apportant plus
d’explication et des arguments supplémentaires sur ce qu’on est en train de faire. Cet
homme qui préfère plus de richesse, en effet, se trouve et s’impose, à notre avis, dans
2 « Vanités » car les corps sont fonctionnellement et biologiquement semblables, pourtant ils demandent des traitements physiques ou sociaux différents. La vanité est actuellement institutionnalisée sous forme de « droit », de titre de position sociale hiérarchisée, alors que avec ou sans droit, adulé et affabulé par des titres, l’homme reste humain.
7
l’inconscience ou dans l’inspiration de chaque être humain et le guide dans
l’accomplissement des activités pratiques et artistiques humaines ; il est, comme le
phénomène de la divinité dans la pensée religieuse, une sensation perçue collectivement et
qui, par la répétition de discours et par le regroupement des individus pratiquant le même
discours avec des mots qui leur sont choisis, arrive à s’imposer, voire à s’immiscer dans la
vie quotidienne de l’homme, pour s’ériger en doctrine. Cet homme ou cette conscience a
été plus ou moins contrôlée par les cadres de la discussion et par le choix des participants à
ces discussions (les étudiants ou ceux qui ont acquis une certaine connaissance ou éthique).
Notre propos part de la réflexion sur l’homo œconomicus et se prolonge dans un discours
sur ce qu’est l’environnement perçu ou susceptible d’être perçu par cet homme. Le thème
traité est donc l’homme et la nature avec les limitations respectives que nous apportons à
ces deux composantes.
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Introduction générale
LES QUESTIONS : QUI EST « L »’HOMME ET QUEL (ET OU) EST SON DOMAINE ?
La décentralisation des lieux de discussion sur le thème de la vie terrestre humaine,
l’utilisation des concepts et de l’analyse économique dans les débats portant sur l’avenir de
la vie terrestre et le changement de la composition des individus qui prennent part aux
discussions sur ces thèmes sont des phénomènes nouveaux et intrigants marquant notre
époque et ouvrent le débat sur l’utilité et la fonction de l’économie sur l’homme. L’époque
où la démarcation entre les personnes qui ont fait des études et celles qui ne les ont pas
faits est révolue : les intellectuels imposent leur science sur les gens non éduqués, et ces
dernières trouvent des réponses plus ou moins satisfaisants aux curiosités et intrigues
rencontrés par les conseils et discussions qu’ils entretiennent avec les intellectuels.
Mais la démocratisation de l’enseignement, la spécialisation entre les savoirs
académiques et la facilité des accès aux informations n’ont pas tenu la promesse
d’apaisement et de bonheur apportée par l’acquisition de ce que la littérature romantique
appelle le « sentiment de la nature » c’est-à-dire la sensation de bien-être ou l’extase
fondée sur la ressemblance entre la vie intérieure et la vie extérieur de l’homme. Elles
n’ont pas également apporté les raisons suffisantes pour maîtriser l’élan de la force
impulsive de l’homme. Les hommes d’aujourd’hui sont plus éduqués, plus matériellement
aisés, pourtant ils sont moins heureux que ceux d’il y a dix ou vingt ans. La consommation
croissante des produits aphrodisiaques, le stress et le mal-être accompagnent l’opulence
matérielle.
Les nouveautés dans les discussions actuelles sur la vie terrestre sont les
dimensions de la question : il ne s’agit plus de la vie d’un individu ou d’un groupe
d’individu, mais de la vie de l’homme en général. De même il ne s’agit plus de gagner des
biens matériels de survie, mais de la richesse en général (y compris le bien-être). D’où les
questions de fond qui se posent sont : Le « zoos » ou le bios (la vie) est-il donc finalement
une question de « oika » (domaine) ? L’homme n’est-il donc plus animé par la vie mais par
son domaine ?
Derrière ces questions, on constate que les discussions sur la vie se font alors que
l’homme lui-même est aussi méconnu. Conséquence, les discussions sur le sens de la vie
terrestre et la richesse matérielle sont à la fois une demande de solution sur les problèmes
de la méconnaissance de l’homme et un soulagement, car plus on en discute, plus un espoir
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de promesse semble apparaître. Si l’homme avait pu avoir une plus grande connaissance de
lui-même, il saurait se positionner dans le domaine de la vie et de la richesse. Qui est
« l »’homme et quel (et où) est son domaine ? Telles sont les questions inséparables que
nous répondrons dans cette thèse.
On remarque qu’il s’agit de « l »’homme et non pas « des » hommes ou encore de
l’usuelle homme avec un grand « h ». Cela s’explique par le fait que nous parlons de « la »
vie et non « des » vies des hommes, ni de vie avec un grand « v » de l’homme ou des
hommes. En outre, le terme « domaine » est utilisé à la place de l’ « oika » économique
pour pouvoir étendre notre propos hors du domaine dans lequel l’expression « homo
œconomicus » a enfermé le thème de l’homme.
POSITIONS THEORIQUES DE LA QUESTION
Les discussions sur l’homme et sur la vie tombent dans les rues, sous forme de
littératures de tous genres et expressions (orale ou scripturale, voire musicale, artistique ou
industriel, incantation ou contestation, etc., bref, des activités intellectuelles et mentales qui
s’accomplissent malgré nous, avec les différents fonctions vitales de notre corps), et est fait
par des individus de toutes les classifications sociales et de tous les niveaux intellectuels
imaginables. L’homme est devenu un sujet courant de discussions, comme s’il est un
thème accessible à tous, et les lieux fréquentés par plus de deux individus peuvent
accueillir de telles discussions, comme si chaque lieu est une tribune pour juger, critiquer
ou commenter l’homme, sa vie ou son comportement.
Cet intérêt populaire croissant pour les questions de l’homme et de la signification
de la vie matérielle est préoccupant, car il annonce l’existence d’un sentiment de malaise
non guérissable. Des questions se posent sur le sens de la vie et sur la richesse ; et le peu de
réponse offert par les économistes ne sont que des révélations de phénomènes lugubres :
inflation, besoin, mortalité, etc. Ces questions sont le nœud de plusieurs conflits actuels :
les conflits de génération, la dissension entre les époux ou entre les voisins, et même entre
des parents proches. Mais personne ne peut s’engager à donner la réponse aux questions de
l’existence et de la vie, ni prétendre à une connaissance parfaite de l’homme et indiquer les
règles de sagesse, ou de vérité, ou avoir suffisamment de connaissances nécessaires pour
remettre un homme vers le chemin de « l »’Homme, et d’indiquer dans quel lieu et dans
quel référentiel l’homme peut-il trouver une esquisse de réponse aux questions de sens de
la vie et des activités humaines.
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La recherche de sens de la vie matérielle est un problème ouvert à toutes les
civilisations. Elle reste l’apanage des religions, car sans elle, peut-être, ces religions n’ont
pas de raison d’être. Voici comment le judaïsme, le christianisme et l’Hindouisme retrace
cette problématique de la recherche du sens de la vie :
La culture chrétienne met en relief la précarité et le malheur dans la vie terrestre
présentée distribuée entre des individus humains sous forme de corps charnel et matériel, et
proclame l’existence d’une vie éternelle réservée aux élus reconnus par leur « victoire » sur
la vie terrestre, ou sur la chaire. L’idée de « vie éternelle » leur est d’ailleurs une thèse
récente (le premier usage de ce concept se trouve à l’époque de Daniel, un prophète de
l’exil juif vers le VIIe siècle avant notre ère) et dans un contexte de résurrection des morts
(Daniel 12 : 2-). Ce n’est que dans le Nouveau Testament que cette conception est devenue
courante : Jésus et les évangélistes l’avaient évoquée comme une récompense (Voir La
Bible, Evangile selon Mathieu, chapitre 19, versets 16 et 29, chapitre 25, verset 45). Les
cultures mésopotamiennes et égyptiennes chez qui les Hébreux ont été exilés ont ajouté un
nouvel élément dans le thème. Les Juifs apprirent en Babylone, la mesure du temps, et
l’introduire dans leur problème. Ils y apprirent une autre mesure du temps (celle basée sur
la position des planètes) et se conçoit comme une limite, deux conséquences théoriques
importantes en découlent : premièrement l’existence d’une durée où le temps n’existe pas,
ou encore l’adhésion à une conception selon laquelle un temps initial existe ;
deuxièmement, le temps, puisqu’il a un commencement, possède lui-aussi son achèvement.
Pratiquement, la vie matérielle se situe dans le temps et place son existence et ses actions
sur cet axe. A partir d’une telle notion de temps, des conséquences sociales et d’ordre
éthique en découlent, notamment la notion de bien et de mal. Généralement, le bien est
associé à une longue durée, alors que le mal est de courte durée. Une représentation de ce
qui n’est pas visible apparaît et se déduit dans la pensée humaine.
Les chrétiens ont d’ailleurs développé cette conception de la personnification de
temps par la vie éternelle en la personne de JESUS. Ce dernier a certes affirmé qu’il est la
vie (Jean 14 : 6 -) et qu’il donne la vie pour l’univers (Jean 6 : 33-). Sans vouloir traîner sur
le domaine de la religion qui dépasse le sujet, nous pouvons remarquer que seul
l’évangéliste JEAN parle de JESUS comme étant celui qui donne la vie et que la vie éclaire
le monde, et surtout, en ce qui concerne notre thème, que le temps donne un sens spirituel
aux objets nécessaires à la survie de l’homme, car il révèle que les objets terrestres sont
inférieures aux nourritures spirituelles dont JESUS dispose aux êtres humains. S’agit-il
11
alors d’une interprétation personnelle de la notion de vie matérielle (la « théologie
johannique » comme l’affirment certains théologiens) ? Ou est-ce une réalité concernant la
nature de la vie humaine ? Il semble en tout cas, que ce caractère vital et « lumineux » de
JESUS réclame et justifie la pratique de l’évangélisation. Avec cette conception,
désormais, la raison de l’évangélisation est donnée : diffuser le modèle de comportement
véhiculé par JESUS.
De même l’idée de récompense (un objet limité au récompensé) pour le
comportement vertueux est aussi une nouveauté de la culture chrétienne. La récompense
chrétienne est la vie éternelle qui, évidemment, se conçoit dans le cadre de communion
avec le dieu qui est à la fois une nourriture et un objet de vénération. Quand, avec les
anges, les ressuscités louent le dieu, non seulement ils accomplissent une cérémonie
religieuse, mais aussi ils « consomment » leur dieu sous forme de repas vitalisant. Mais
pour pouvoir se faire inviter à ce banquet, il faut en être digne d’y assister. La métaphore
évangélique présente alors cette action purificatoire par la croyance et la foi, par la
conversion. Cette préparation spirituelle se réalise dans le cadre de monde terrestre. Mais il
faut aussi se demander de quel enseignement les chrétiennes tiennent-ils cette
connaissance ?
Déjà dans la conception religieuse égyptienne, chez qui également les Hébreux ont
séjourné, on reconnaît l’existence d’un lieu de séjour des morts dont OSIRIS, un dieu en
est le maître de lieu. Pour les Egyptiens de l’Antiquité, le lieu de séjour des morts est une
récompense, et ne pas être admis dans ce lieu le jour de la mort conduit à une
condamnation à l’errance. Il n’y a cependant point d’aversion pour l’errance dans leur
conception, car bien que les Egyptiens soient établis dans une société sédentaire organisée
sous la tutelle et sous la surveillance du roi représentant de dieu, la mort n’est point un
repos ; au contraire, elle est le lieu de voyage interstellaire avec les dieux.
Ainsi, le christianisme diffuse non seulement le message du salut et de la
rédemption, mais aussi d’éthique qui a influencé les premiers économistes. Leur
enseignement est fort de la représentation matérielle de temps et de substance vitale par la
personne de JESUS ainsi que de comportement approprié pour mériter cette substance
vitale. La question de l’existence et de sens de l’action trouvent ainsi un sens, pour les
chrétiens : se diriger vers l’éternité parce que cette dernière n’est pas seulement une durée,
mais aussi une substance vitale ; elle est une richesse. La question de l’existence – et donc
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de la vie matérielle – trouve aussi et plus particulièrement le modèle ou l’idéal de l’être en
la personne de JESUS, le dieu vivant temporellement sur terre, le CYRUS de certains
philosophes.
Le ou les rédacteurs du Bhagavad-Gîtâ, un livre daté du IIe siècle avant notre ère,
sinon selon d’autres indianistes au IVe siècle avant notre ère et classé par les littéraires
dans le genre de poème philosophique et épique, posaient eux aussi la question de la vie
matérielle à travers le thème de la connaissance de l’homme et de l’orientation de ses
actions dans un contexte où deux armées composées chacune d’hommes notables et
valeureux et qui sont aussi parents, sont sur le point de s’affronter. Le penseur, en la
personne d’un protagoniste appelé ARJUN, se pose alors la question du sens de la guerre,
lorsque, face à face, des hommes admirables pour leur conduite sont sur le point de
s’entretuer. Les questions que ARJUN se posent sont : qu’est-ce que ces soldats ont-ils fait
pour arriver à ce stade de combat ? Pourquoi sont-ils prêts à livrer leur vie ? Les réponses
de celui qui, en la personne de KRISHNA, prétend connaître les choses sont alors
surprenantes : en termes non littéraire, sa réponse est que le devoir fait changer le sens de
la vie ; la mort n’est pas une atrocité. Pour l’homme animé par l’éthique et le sens du
devoir, la vie n’est pas aussi précieuse que cela en vaut une lamentation. Autrement dit et
dans l’occurrence de notre sujet, le devoir impose sa forme de conduite et éventuellement
son modèle de comportement ; le sens de l’action et de la vie est donné par les
circonstances. Nous trouvons dans ce modèle de réflexion alors le concept d’idéal-type de
la sociologie. Si la vie est faite de guerre et de conflit, l’idéal type est de héro des guerres
ou l’entrepreneur conquérant. Tel est d’ailleurs l’image véhiculée par la culture du
capitalisme.
Faut-il aussi ajouter la pensée bouddhiste ? Le bouddhisme a aussi cette
problématique de la vie matérielle. Son point de départ est la souffrance, la vieillesse, la
mort et la dépendance à la nature. Le héro, un prince d’une région rurale tibétain, a
découvert lui tout seul l’origine et la cause de la souffrance, et il propose alors
l’indépendance de l’homme vis-à-vis de la nature et de la matière. Certains fondateurs de
religion, notamment celui du Taoïsme, prétendent apporter la réponse à la question en
enseignant, non pas le sens de la vie, mais de la voie qui mène à l’état de détachement total
de la vie éphémère : la pratique du yoga, le respect de soi et le retrait de la vie publique,
etc. Ils œuvrent pour conseiller les autorités de l’Administration publique (comme le font
les entourages notables des princes dans les sociétés méditerranéennes à l’époque de la
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monarchie) sur la façon de vivre et de mener les affaires dans un monde secoué par des
changements politiques et sociaux (le Taoïsme méconnaît la crise économique). Au peuple,
ils recommandent l’ignorance de la société pour se conformer à ce qu’il appelle de
« principe fondateur de l’univers » qu’il faut comparer avec ce que le discours moderne
appelle de « loi de la nature »). Leurs enseignements suscitent les remarques suivantes :
En termes économiques, le fait d’ignorer la société relève d’une approche
microéconomique de la question, car l’homme ainsi étudié n’est plus celui qui est influencé
par la culture mais par le marché. En outre, la recherche de conformité de comportement
au « principe fondateur de l’univers » est à comparer à l’anticipation du marché. A cet
effet, pour le Taoïste, le mieux serait de « non agir » pour dire l’opposé de l’action. En
termes de l’économie politique, cette recommandation évoque le libéralisme, mais il s’agit
de libéralisme spontané, avec les impulsions naturelles et sans artifice humaine. Pour que
ce libéralisme fonctionne, le prince taöiste se doit lors de cacher au peuple le luxe afin de
mieux satisfaire le besoin restant. De ce fait, l’Etat idéal serait celui dirigé par un prince
philosophe sur un peuple soumis et passif. Le Bouddhisme tibétain, pour sa part, constatant
que le malaise (ou la souffrance selon les termes de la problématique bouddhiste) peut être
dissipé par le détachement et par l’absence de désir ; autrement dit, en termes économique,
la souffrance ou la malaise humaine est causée par le besoin et par l’appropriation
(l’attachement). Dans ce sens alors, le système économique qui, comme le capitalisme, a
institutionnalisé la propriété privée, le malaise est très fort et le sens adopté de la vie est
erroné.
L’homme bouddhiste ne se pose-t-il donc pas des questions sur la vie et le sens des
activités humaines ? Leurs apologètes répandent certes l’idée que les bouddhistes sont
tolérants, et même dans leur approfondissement, les bouddhistes ont posé le principe de
l’égalité de la vie, indépendamment de la nature l’être qui l’incarne, faisant en sorte que
tous les êtres vivants sont animés par les mêmes principes vitaux. En outre les
préoccupations initiales (la maladie, la vieillesse, la mort et la misère) de son doctrinaire,
BOUDDHA, dénotent déjà et aussi les problématiques du sens de l’action humaine. La
question de la vie est ainsi résolue par la vision qualifiée d’ « illuminé » de leur maître :
chaque être vivant n’est que le détenteur d’une vie. Cette dernière est alors un bloc
transcendant de données sans lesquels les êtres humains n’arrivent pas à survivre. La
question du sens de l’action ne se pose pas de façon critique, mais par l’enseignement du
BOUDDHA, ses adeptes ont trouvé la raison de vivre et d’agir.
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Ainsi, dans les religions révélées, ou dans la pensée populaire, l’objet de culte et
son système de valeur qui se décrivent ou se révèlent lui-même, par la voix et par la plume
d’un narrateur, indiquent le sens de la vie, ou plus précisément, ce qui se passe après la
mort. Ces religions révélées ainsi que beaucoup de religions anciennes ont exposé des
idées sur la vie et sur ce qu’elles prétendent être la véritable vie. Elles ont offert à leurs
auditeurs des réponses pesantes sur l’esprit humain, obligeant ce dernier à penser ce qui
n’est pas visible et immédiat. Les penseurs ou les pensées qui ont construit ces idées ont
servi d’intermédiaires entre les hommes qui sont victimes du poids de la vie et de celui du
salut ; ces pensées ont permis à l’humanité d’avoir une vision plus claire, plus élargie, ou
plus pratique de l’inconnu ; sans ces penseurs et leur discours, l’homme n’aurait pas de
croyance et peut-être pas de notion d’avenir, mais surtout, l’homme n’aurait pas pu différer
dans le temps ses besoins de solution sur le sens de la vie.
Dans le même sens, les philosophes ont aussi apporté leurs arguments au débat en
proposant à l’homme, en quête du sens de la vie à se contempler lui-même et à admirer
superficiellement ou profondément la nature. Pour eux, la question est abordée à partir de
démarches différentes. Certains philosophes - PLINE l’Ancien (v. 23 – 79 apr. J.C),
BOECE (v. 480 – v. 524), notamment3 – ont posé la question de l’homme à partir de la
compréhension du lien de l’homme avec la nature, alors que d’autres la posent à partir du
lien avec la divinité. Pour BOECE, plus particulièrement, sentant une injustice pesée sur
lui, il se pose en quelque sorte la question suivante dans sa «Consolation philosophique » :
pourquoi la nature fonctionne-t-elle encore alors qu’une injustice est faite sur terre ? Cette
question est aussi posée et répondue par PLATON dans ses « Lois », mais sous une autre
forme : la distribution de la richesse ou de la fortune. Pour PLATON, la fortune se
distribue de façon aléatoire, alors que la nature est régie par la mécanique.
Rares sont les écrivains qui, polygraphes comme XENOPHON, se permettent de
poser la question de l’homme à partir d’un récit historique et analytique de l’homme
conquérant capable de prédire ce qu’il sera plus tard. Cet homme idéal est, d’après
XENOPHON, CYRUS. Dans son sens, CYRUS est l’homme idéal dont la naissance et la
vie mérite d’être récité, car tout ce qu’il a entrepris a inspiré l’homme, tout ce qu’il est,
3 BOECE (Anicius Manlius Severinus Boetius) était un consul romain né en 480 et mort (exécuté) en 525 sur une accusation de magie, se demandait dans sa « Consolation philosophique » pourquoi il est victime d’une injustice et que le cours des choses humaines soit désordonné, alors que la nature reste ordonnée (BREHIER 1932, T1 Page 361). PLINE, pour sa part, a redigé une ouvrage sur la science de la nature. PLINE a écrit l’ « Histoire naturelle »
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beau de corps, doté de plusieurs qualités, et muni de bonté d’âme4. Les Grecs ont raison de
poser la question de l’homme ainsi présenté et qui mérite la particule de « l »’homme, sous
forme d’énigme selon lequel « si cet homme n’est pas un homme » (AZOULAY 2000).
Depuis la séparation de la science de la nature avec la philosophie au IVe siècle, les
philosophes restant se sont tournés vers une meilleure compréhension de soi, tout en
considérant les travaux de leurs prédécesseurs comme des acquis exploitables pour leur
raison et leur raisonnement. Il suffit alors à l’humain de suivre leur méthode et de
poursuivre la voie que les philosophes ont ouverte pour eux pour atteindre le bonheur.
(BREHIER, Histoire de la philosophie, Tome I, 1928). En termes économiques, les
philosophes ont indiqué la valeur et le mécanisme d’enrichissement, avec un fond de
problème de la quête de l’identité – et non de la quantité – de la richesse. Pour eux, la
richesse a un sens immatériel et ne se porte pas encore sur la satisfaction de besoins. Pour
justifier cette position, Emile BREHIER remarque que la séparation de la science avec la
philosophie a entraîné une sorte de transfert de la sagesse : un homme sensible à la nature
est aussi doté de capacité de rationalité en philosophie, et inversement, et de la même
rationalité.
La religion, les discours et discussions de l’homme de la rue ont proposé leurs
propres solutions en avançant comme axiome5 de réflexion l’imperfection de la nature
humaine contrastant au comportement d’un homme idéal par rapport à leur modèle
respectif et qui, théoriquement, peut et doit être acquis par un homme ordinaire par la
raison (selon le confucianisme et la tendance intellectuelle de certains économistes utilisant
le concept d’homo œconomicus comme une réalité et non comme un instrument
d’explication théorique) ou en suivant les lois naturels ou les lois divines. En d’autres
termes, l’homme de la rue, la religion et la philosophie ont idéalisé la raison à tel point que
l’axiome implicite de comportement pour la position du problème est que l’homme n’est
pas naturellement rationnel, mais qu’il est en mesure d’acquérir celle-ci par ses propres
moyens. Cette conception se rencontre déjà durant le IVe siècle dans la communauté
grecque ancienne : après la séparation de la science de la philosophie, cette dernière a pu
affiner son orientation, il apparaît aux yeux des philosophes grecs de l’époque que la
4 Voire XENOPHON, « Cyropédie » Notice par CHAMBRY Pierre (XENOPHON s.d.) 5 Il s’agit d’un axiome et non pas d’une hypothèse. La différence est que un axiome (du grec « άξίωμα» « axioma » désigne une proposition évidente qui ne demande donc plus de démonstration, alors que l’hypothèse (du grec « ΰπόθεσισ », « upothesis ») indique une supposition du rhéteur
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conception de l’univers déterminée avec la raison permet d’atteindre le bonheur (la science
de la nature permet d’atteindre les objectifs philosophico-économiques). Le problème est
donc, selon la philosophie, la description de la construction de la rationalité par l’homme
non rationnel ou encore l’énonciation du cheminement intellectuel menant vers la raison.
Elle a été développée par la philosophie analytique. Mais les philosophes qui se sont
intéressés sur la richesse matérielle – du moins ceux de la période préindustrielle – et les
philosophes de la religion ont apporté une autre dimension au débat : le problème, pour
eux, était de savoir pourquoi le monde tourne encore alors que l’injustice existe plus
particulièrement par la condamnation des justes ? Pourquoi la nature produit-elle encore
des biens pour l’homme, alors que les hommes sont injustes entre eux ?
Les discussions sur le thème de l’homme et de la vie ne cessent pas d’être
fréquentes, et malgré l’éminence des participants, il semble qu’on est encore loin de
trouver une piste susceptible de mener vers une clôture assurée de la discussion. Que peut-
on faire ? Pourquoi n’a-t-on pas abandonné ce sujet ? C’est que les discussions sur
l’homme et la vie de l’homme ont renforcé une conviction forte de la possibilité d’une
réponse « magique » susceptible d’apporter une explication définitive et satisfaisante de
ces thèmes, sinon les discussions sur l’homme elles-mêmes s’inscrivent dans un thème de
l’en-soi (ou de l’ontologie) de l’homme.
LES REPONSES
De prime abord, il semble que les questions de la connaissance de l’homme et de
l’établissement du lieu de la discussion de l’homme sont résolues, une fois que quelqu’un,
comme le BOUDDHA, JESUS, MOHAMMET et les autres, prétend de connaître la vérité
et de l’enseigner par la suite. Dans cette situation, en effet, les disciples n’ont plus besoin
d’évidence ou de voir la vérité ou la réalité – à ce lieu dans lequel le discours est porté,
plus n’est besoin de vérifier la chose ; alors ce n’est plus sa dénomination, vérité ou
évidence, qui importe, mais le fait qu’il est cru, sans être vu –, ils n’ont plus besoin ni des
yeux ni de main pour s’en convaincre, mais seulement des oreilles et de l’esprit critique
pour admettre la prétendue … vérité. Dans la question de ce qui se dit sur l’homme, ce ne
sont pas le regard et le toucher qui appréhendent initialement le discours, mais l’ouïe et la
réflexion, ou tout simplement, l’idée. Dans cette suite d’idées, le thème de l’homme
appartient au monde de la narration et de la croyance. L’homme qui en est issu est un
homme narré et accepté, un produit de l’éducation et de transfert de la représentation.
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Dans la littérature en général – que nous appelons aussi le « monde narré » - le
sens de la vie est fait par des thèmes intelligibles et compréhensibles du moment. Certains
thèmes dits indoeuropéens, mettent au premier plan non pas l’homme, mais le « héro6 ».
Ce dernier se distingue par leur quête de la sagesse, de la foi, la richesse, du bonheur, le
paradis, etc. Ces idéaux donnent un sens à la vie et en même temps fournissent des
prétextes pour obtenir l’admiration collective. Le récit indoeuropéen présente déjà son héro
à travers des cadres familiers de la science économique de lutte et de concurrence et de
rationalité (HAUDRY s.d.). Le thème de la recherche de la rationalité de l’homme est aussi
vulgarisé et présenté sous forme de récits d’aventure où le héro est à la recherche de
quelque chose qui vaut la peine. Bref, la littérature expose une quête de quelque chose,
d’un objet rare, susceptible de modifier la situation sociale, mentale ou autre de l’individu.
La trame de fond commun de la littérature correspond à la description des faits d’un
entrepreneur devant la rareté de l’opportunité de l’investissement ou de l’investissement
lui-même. Dans le monde narré, la raison a sa place quoique de façon imprécise. Les
productions artistiques et littéraires des narrateurs, écrivains ou artistes, sont la solution
primitive à partir de laquelle dérivent toutes les réponses relatives aux questions du sens de
la vie. En combinant la rationalité et la narration – produisant un récit … rationnel ou une
rationalité descriptible – la narration laisse entrevoir, en esquisse et en imagination, la
représentation de l’homme avec laquelle se résout la question de la vie et du sens de
l’action humaine. Cette représentation de l’homme apparaît en imagination comme un être
à la recherche de capital ou d’opportunité d’investissement et guidé par la croyance en un
comportement vertueux et prodigue en compensation. C’est l’homme à l’image du dieu
représentant corporellement ou mentalement par la parole de ses inspirés ou émissaires.
Tel est d’ailleurs l’homme – et non pas un homme – de l’histoire universelle montré aussi
par la théorie économique. Cet homme représenté est un intermédiaire entre le dieu de la
religion et l’homme de la religion, entre l’objet de la science et les questeurs des
connaissances scientifiques. Il est une énigme, car, ne serait-ce que par son existence, cet
homme représenté montre et résolve, en grande partie, la problématique du sens de
l’existence de l’humanité, en inspirant et en dirigeant les activités humaines jusqu’à
organiser leur communauté. Avec quel pouvoir cette représentation de l’homme mène-t-
6 Le mot « héro », d’après Jean HAUDRY, est un étymon de « Hera », la déesse de Printemps (ou du mariage). Il désigne un personnage de « conquérant de la belle saison » et qui évoque ce que la littérature actuelle appelle de « opportuniste ». Une variation successive de thème de cette conception du héro fait de ce dernier, un « conquérant du soleil », « celui qui découvre ou celui qui procure le soleil », « celui qui obtient l’année », voire l’immortalité.
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elle l’homme à des activités humaines ? Il en est de même pour ces penseurs qui sont des
architectes de la vision de monde physique, intellectuel et mental, comment et par quel
voie et cheminement, voire tourment, intellectuel, ces êtres pourtant humains ont-ils pu
pénétrer (ou spéculer) dans le domaine de la source des causes des activités humaines ?
Telles sont les deux questions fondamentales que nous étudierons dans cette thèse
Si la première question se répond par la narration, la seconde dépasse du contenu
de l’étude de l’homme, parce qu’elle concerne ces hommes qui, avec leurs intuitions, leurs
mots et leurs visions, décrivent les conditions humaines. Ces intuitions et visions dans
lesquelles s’élaborent les informations sur la vie de l’homme constituent une espace
disciplinaire appelé « économique », alors que ces hommes sont les économistes, sinon ces
hommes sont ceux dont la pensée économique a fait école. Cette deuxième question fait
l’objet du deuxième tome de notre thèse.
Le fait de présenter l’homme à travers la narration et non pas par l’observation
directe de quelques êtres humains vivant en groupe est source de problèmes
méthodologiques et épistémologiques. En effet, ce choix conduit à l’abandon de projet
tourné vers les individus, et ouvre la question en termes de la réflexion qui est la partie
noble de la science économique, parce qu’elle s’est glissée et s’est imposée sans
discussions dans les théories économiques. Ainsi, par exemple, on ne sait jamais si Adam
SMITH parle de lui, ou d’un individu7 ou de l’homme en général lorsqu’il soutient que la
pratique du langage et du troc, du trafic et de l’échange sont des dispositions naturelles de
l’homme. Aucun commentaire ou peu de commentaires n’a été fait. Pourtant, si on enlève
ces propositions de la science économique, une grande partie du discours d’Adam SMITH
aurait perdu son intelligibilité. Mais la réflexion individuelle est la pire des méthodes de la
science économique, car elle relativise le discours. Il faut voir les critiques de
FEYERABEND pour s’en convaincre.
L’étude de l’homme par la réflexion sur l’homme est donc une source de problèmes
et en même temps une correction ou une amélioration des apports de la science
économique dans la connaissance de l’homme.
7 On sait que Adam SMITH avait influencé des négociants de Glasgow (DELATOUR 1886)
19
DES PROBLEMES
La narration produit une nouvelle représentation de soi, un homme nouveau – car
c’est un homme extériorisé et donc exposé aux critiques – et un système (ou vie) nouveau
de se représenter soi-même, car elle montre par une composition arbitraire de cadres, un
nouveau aspect du réel. Elle est le produit d’individus inspirés faiseurs de théories – de
philosophes, selon la conception du philosophe français Gilles DELEUZE (1925 – 1995),
parce que les philosophes, d’après lui, ont pour fonction de produire des notions, des
concept, des blocs d’idées (DELEUZE, 1985) -, ou encore de produits des entretiens
cliniques d’un psychiatre ou d’un psychanalyste, ou encore le protagoniste d’une œuvre
littéraire ou artistique, tout en sachant alors que les œuvres littéraires et artistiques
répondent aux questions de la représentation de l’homme et du sens de la vie et de l’action.
L’homme est alors un produit de la littérature, un être représenté, produit des inspirations
et de l’idéal de la psychanalyse. Toutes les représentations de l’homme répondent à cette
problématique de la production d’idées, ou d’entretiens cliniques ou de protagonistes d’une
mise en scène. Les caractères de l’homme ainsi représenté répondent aux exigences de la
rationalité narrée.
GILGAMESH est, d’après la littérature en général, le premier homme ainsi produit
pour l’intelligence humaine, car il représente un homme narré, il y a trois millénaires avant
notre ère. Le récit dit qu’il est un « roi », c’est-à-dire dans notre sens actuel, un être
indépendant et souverain, un héro ; il est un tyran dit encore le texte, pour dire combien
l’homme qui est narré est une puissance. Ce contenu d’épopée se rencontre presque dans
toutes les littératures8. Il en est de même pour les fables (que nous traduisons en Malgache
par le mot « angano ») avec lesquelles les Malgaches précoloniaux, selon la tradition orale
effectuent l’éducation des non mariés. Les fables visent à rendre compte de certaines
inconvenances de comportement de l’homme en vue de les corriger dans la mesure du
possible.
Puisque l’homme apparaît comme un produit de la narration, ses activités se
déduisent également de la narration. Le raisonnement est la suivante : puisque ça se dit,
alors ça se fait. Ainsi, l’homme de la religion ou des documents religieux vit une vie
compréhensible par la religion ; l’homme du marché a un comportement compréhensible
8 Pour le cas malgache, un document historique (« fandraka ») recueilli par KASANGA Fernand, membre de l’Académie malgache, raconte comment ANDRIANAMPOINIMERINA combattait les Vazimba (sorte de divinité des montagnes et des eaux)
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par la théorie du marché, etc. Les activités du même homme, mais décrites dans un autre
référentiel, s’avèrent incompréhensibles. Dans son « Malaise dans la civilisation9 »
(1929), Sigmund FREUD décrit cette situation comme un désaccord de la pensée des
hommes avec leurs actes en raison de la multiplicité de leurs désirs instinctifs. Un obstacle
épistémologique se présente donc : le triplet composé de narration, homme représenté et
vie entraîne une opposition entre le narrateur et la pensée de l’homme quoique ce dernier
n’est que décrit. Le conflit intérieur de l’élève discipliné mais moyen d’un établissement
scolaire illustre ce fait. L’élève sûrement se demande, pourquoi l’assujettissement aux
règles de l’établissement ne lui a-t-il pas permis d’améliorer ses performances
académiques ?
Seulement, ces réponses fondées sur l’homme idéal ont pour conséquence de
montrer à quel point l’homme de la nature est loin d’avoir les qualités de l’homme idéal.
Les promesses de la possibilité de perfection humaine se transforment alors en de
désespoir inextricable et universel que, pratiquement, des cris d’appel de salut et de
solution troublent le silence des édifices religieux et des maisons de culture et s’entendent
dans les rues, arrêtant les passants pour s’éteindre dans un désert de non lieu et de non
recevoir.
Il y a donc une rupture entre la narration, ou les discours de salut et l’action, d’une
part, et la représentation de l’homme narré ou l’image que se fait l’homme de lui-même
d’autre part, ou encore il y a un sentiment indescriptible entre la l’individu et la sensation
d’appartenance à un infini, ou encore et simplement, une absence des informations sur la
relation entre la vision intellectuelle et la certitude des sentiments (FREUD10 ). Le
problème peut aussi être formulé en s’inspirant des idées de FREUD, en termes de
vacation des informations sur le lien entre l’implacabilité de raison et la certitude affective,
mais formulé en termes économiques, le problème serait l’absence des informations sur le
rapport entre la raison et le choix. Le choix humain n’est pas un choix rationnel, alors que
la présence de la raison suppose que celui-ci devait l’être. L’homme, tel que la science ou
la connaissance humaine le conçoit, n’est pas un véritable homme ; il n’est pas connu par
les sciences. En quelques mots, l’homme n’arrive pas à se décrire lui-même, alors qu’il
sent en lui des puissances agissantes susceptibles de le mener à se découvrir et à se
9 FREUD Sigmund, Op. cité, page 6 10 FREUD Sigmund, Op. cité, page 6
21
connaître lui-même. C’est le problème ou le premier problème ou le problème de l’homo
œconomicus.
Ce problème a de conséquences théoriques et pratiques graves : il ne laisse pas
l’individu en paix, et il apporte à ce dernier des sentiments d’angoisse et de malaise. En
économie, ce problème se présente sous forme de la diversification du choix des individus
alors que ces derniers sont théoriquement mus par une rationalité unique. Il est la cause
d’un désordre à l’intérieur d’intimité humaine, et il s’oppose foncièrement à l’ordre, aux
dispositions et à l’appariement postulés par le concept de l’économique. L’économique
suppose l’ordre et l’appariement de différends, alors que dans la réalité c’est le désordre
social et le trouble à l’intérieur de chaque être qui règnent. C’est le second problème ou le
problème de l’économique. Dans les manuels de la science économique, il est d’usage de
tenir pour vrai l’hypothèse selon laquelle le problème de la science économique est rareté
des moyens par rapport au caractère illimité du besoin. La rationalité découle de la
conscience – et nous insistons sur ce terme – de ce rapport entre l’intensité des besoins
ressentis et la quantité des moyens. L’homme nous paraît ainsi animé par un trouble ou
conflit intérieur, et c’est cette trouble (et non la cause de ce trouble) qui est le problème de
la science économique. En utilisant la problématique du Réformateur Martin LUTHER
lorsque ce dernier est agité par une crise de conscience de son état de pêcheur, nous dirons
que l’homme de l’économie, lui, est aussi agité par sa conscience de rapport entre besoin et
moyen. En un mot, le problème est que la façon dont la science économique a été conçue
ne permet pas de parvenir à l’ordre et d’apporter la paix et la sérénité a l’homme en
général ; au contraire, la science économique est venue apporter le désordre.
Enfin, la conceptualisation des éléments de la nature (y compris l’homme lui-
même) sur la base de laquelle se bâtit la connaissance humaine, est une source de
problèmes. Elle relève cependant de la façon dont se conçoit et se conceptualise le monde.
Elle n’est donc pas une simple question épistémologique de la science, ni de
conceptualisation scientifique, mais, plus grave, elle concerne également la conception de
l’ordre universel avec ses discours cosmologiques aussi bien que des fonctionnements et de
activités de l’homme dans la nature, et par ces voies, de la conception de la construction ou
de la formation ou de la création de l’homme lui-même.
A voir de près d’ailleurs, le fond du problème est l’homme, parce qu’il est le sujet
de la conception de la science et de la conceptualisation des faits. Quelque part en lui, il
22
manque une capacité à la fois de cerner la totalité de son observation, et de gérer par la
suite cette réalité. Cette incapacité est une sorte de loi qui limite ses propres actions et
devient une seconde nature ; aussi, il faut voir dans quel lieu et avec quel instrument
l’homme peut-il se décrire lui-même (c’est-à-dire dans quel lieu et avec quel instrument
l’homme peut-il se connaître lui-même) et dans quelles circonstances peut-on rendre
compte de cet homme triomphant de ses limites et de la complexité de ses problèmes, ou
encore comment peut-on juger ou apprécier cette connaissance de soi ? En un mot, le
problème est la connaissance de l’homme par lui-même, ou plus précisément par son « scio
» (je suis conscient de). Nous appelons ce problème : « Problème de la conscience de la
finitude de l’homme » ou tout simplement, le « problème de l’homme ».
De ces trois problèmes, il apparaît alors que ce qui se dit sur l’homme ou ce qui se
raconte sur lui par la littérature et par l’art, montre à quel point la conception humaine de
l’ordre et d’appariement postulé par le mot « économique», est mal formulé et mal conçue.
Autrement dit, le mal être, les sensations de malaise, d’inconfort ou des besoins de
l’homme provient du mal dit de l’économie proviennent de lacunes de la perception de
l’économique ; nous nous proposons alors de corriger ces lacunes par des réflexions sur
l’homme dans l’économie et l’homme de l’économie afin de reformuler de renouveler le
sens de l’économique ; d’où le thème de notre thèse : « De l’homo œconomicus vers le
renouveau de l’économique ».
DES SOLUTIONS
A ces problèmes, nous affirmons et défendrons les points suivants :
1°) L’homme décrit par la science est enraciné dans sa propre représentation. De ce
fait, l’art et la littérature s’interposent entre la science de l’homme et l’homme (Voir
chapitre II du présent Livre) ;
2°) Il n’y a en fait qu’une seule représentation de l’homme, malgré la diversité des
formes littéraires et artistiques. Cette représentation unique de l’homme, « la »
représentation de l’homme, précède dans le temps, le moment à partir duquel la croissance
économique devient régulière (même faible). La faculté de se représenter soi-même est
donc typiquement humain (une « conscience de genre » selon les termes du philosophe
Ludwig FEUERBACH (1804 – 1872) dans son « Essence du christianisme » en 1869) ;
elle est, en outre, le facteur de production avant les outillages et le travail.
23
En conséquences de ces thèses, nous pouvons alors affirmer – comme suite encore
de notre thèse - que :
3°) le modèle de l’homme de l’économie, l’homo œconomicus, est l’homme décrit
par toutes les représentations de l’homme ; telle est d’ailleurs le noyau de notre thèse.
Conséquence, la science économique n’a d’utilité et de fonction que de satisfaire le besoin
de mieux connaître l’homme afin de mieux penser où est l’homme ; autrement dit, une
bonne connaissance de la façon d’être l’homme (l’éthique) aboutit à une appréciation des
conditions de l’homme et des informations sur lui.
Ces conceptions sur la science économique nous obligent alors à reformuler ce qui
s’apprend en science économie (Voir l’ensemble du Livre II).
PORTEES ET LIMITES DES SOLUTIONS
La présente thèse, cependant, n’est pas une ontologie de l’homme. En présentant
l’homo œconomicus, nous apportons, malgré nous, des précisions sur la façon d’être de
l’homme, le phénomène que les Malgaches appellent « fomban’ny olombelona » et sur la
base de laquelle, les personnes qui discutent sur l’homme doivent d’abord s’accorder avant
de parler de la vie de l’homme (le « fiainan’ny olombelona ») et qu’elles se comprennent
au moins sur ces points. Autrement dit, en ouvrant à nouveau le sujet de l’homo
œconomicus, nous ne pouvons pas éviter de parler de l’éthique pour atteindre un discours
spéculatif du sens de la vie. Le fonds de l’objet de notre thèse est la consignation de la
réalité de l’homme, ce dernier étant entendu comme un phénomène caractéristique de
l’homme comme l’affirme le philosophe allemand Ludwig FEUERBACH (FEUERBACH
1869): seul l’homme a la conscience de l’homme. Nous refusons donc la thèse de l’homme
créé – non pas parce que nous ne le croyons pas – pour mettre en évidence la thèse de
l’homme se prenant conscience progressivement de lui-même en vue de renouveler
l’épistémologie de la science économique. Ce refus s’avère nécessaire pour mieux
comprendre l’économie.
L’affirmation sur la base commune permettant de construire une science de
l’homme selon laquelle l’homme préfère plus de richesse, en effet est une proposition
éthique permettant ouvrant le discours vers le sens de la vie et des actions qui la meublent.
Cette thèse est un complément nécessaire de cette conception. Elle vise à borner les
hypothèses sur l’homme. Le débat sur l’homme est ouvert par deux voies : celle de la
paléontologie et de l’ethnographie dont Teilhard DE CHARDIN en est le maître et celle de
24
la philosophie étrenné par SOCRATE et ses deux disciples ennemis que sont PLATON et
XENOPHONE. Teilhard de CHARDIN cependant traite de « l »’homme étant donné ses
dimensions multiples et son évolution, alors que les disciples de SOCRATE s’interrogent
sur la société idéale et la bonne éducation. PLATON met l’accent alors que le rôle de la
démocratie, alors que XENOPHON insiste en quelque sorte sur la qualité de l’homme idéal
et de sa représentation. Notre thèse s’inscrit dans cette vision de XENOPHON : la quête de
modèle de l’homme à l’intérieur de l’homme. Seulement, XENOPHON extériorise
l’homme pour en faire un objet extérieur. Conséquence, il ne parle plus de l’homme, mais
d’un idéal ou d’une divinité.
C’est le philosophe allemand SCHOPENHAUER qui a élaboré un discours sur la
représentation de l’homme. Evidemment, sa thèse devait être portée dans le domaine de la
science. Il nous semble que Adam SMITH avait suivi cette approche de
SCHOPENHAUER car il adopte la même vision de l’homme : un être doté d’un élan
moteur. SMITH continue alors son propos par le travail. Pour notre part, nous restons sur
l’agitation intérieure de l’homme et sur le mouvement qui s’ensuit : un mouvement allant
dans le sens de l’intériorité de l’homme et un autre sortant de l’homme. Nous pensons que
la théorie de SMITH n’a saisi que ce deuxième mouvement. De ce fait, notre thèse est un
complément de la théorie classique, sinon une refonte de la théorie économique classique
L’intérêt pratique de la thèse est de fournir des arguments et des références
thématiques dans les discussions sur le développement par l’homme et pour l’homme. A
l’état actuel des sciences sociales, en effet, les thèmes de la narration indo-européenne
dominent la façon de formuler la science économique à cause de l’importance numérique
des chercheurs dans la formalisation des sciences humaines et sociales, et à cause de la
domination de l’histoire régionale, en l’occurrence l’histoire de l’occupation du continent
européen dans le corpus des données et des faits de l’homme. La pensée indoeuropéenne
cependant n’est qu’une forme de l’expression de la pensée humaine, une pensée
scientifique, mais pas de la pensée de l’homme en général. En outre, les informations
actuelles sur l’homme manquent de consensus sur le référentiel du thème de l’homme,
aussi, faut-il ouvrir le débat sur l’homme en général afin de mieux le refermer une fois
pour toute.
Du point de vue de la classification académique des sciences, notre thèse appartient
de l’épistémologie de la science économique, dans laquelle elle se veut être une
25
introduction à la science économique. Sa contribution se porte sur des précisions sur
l’homme de l’économie, ou encore sur la façon dont l’état actuel des connaissances sur
l’homme permet d’exploiter cette nature de l’homme. Du point de vue du discours
économique, nous traiterons le thème classique de la satisfaction de besoin, mais nous nous
intéresserons à la période où la production matérielle ne dépendait pas encore des facteurs
actuels de production (le travail et le capital), puisqu’ils n’existent pas encore. Devant ce
fait alors, nous avançons et démontrerons l’hypothèse de l’origine de l’homme selon
laquelle l’homme de la réalité provient de la prise progressive et simultanée de conscience
de l’existence de soi, de celle de la richesse et de celle de l’interdit, bref, l’homme est né de
sa conscience. L’homme est le corps qui prend conscience simultanément des besoins, de
la richesse et de l’interdit. Il existe, avant même les facteurs classiques de production (le
travail et le capital), et tout être qui peut adopter ce caractère, à l’exemple des Nephilim
biblique (voir la Bible, Livre de Genèse, Chapitre 6-), acquiert le statut ou la qualité de
l’homme. Notre position intellectuelle n’est donc pas une conception spiritualiste de
l’homme ; nous disons simplement que si le cœur de l’homme est insondable, si la pensée
de l’homme est insondable, bref s’il existe un domaine complètement imperceptible dans
l’homme, ce dernier reste néanmoins intelligible. On peut donc en parler.
Par « conscience de soi», nous entendons le « scio » (je sais) proféré ensemble et
simultanément par chaque espèce humaine. Ce cri collectif est un signe de ralliement des
êtres humains. Cette hypothèse provient des observations et d’analyses de l’anthropologie
et la psychanalyse. L’homme est un être qui se distingue des autres espèces par le fait qu’il
s’interdit de quelque chose et qu’il a un sens inné de la « richesse » (entre guillemets car il
s’agit d’une notion différente de celle de l’économie « ordinaire »).
Cette hypothèse nous permet alors de déduire l’existence de l’espace économique,
c’est-à-dire d’un domaine à la fois épistémologique et réel, à travers lequel se découvre
l’homme ; autrement dit, nous avançons aussi la définition selon laquelle l’économique,
composée de notions de conscience de soi, de celle de la richesse et de celle de l’interdit
est à la fois le lieu argumentaire et notionnel dans lequel se découvrent scientifiquement
l’homme et sa science ou tout ce qu’il se dit de « scio » c’est-à-dire « je sens » ou « je sais
». L’économie, alors, est une science humaine faite par des regards au dessus des hommes ;
elle est la science des mouvements ou des troubles de l’espèce humaine. L’économie peut
être une science de comportement de l’homme, elle est une science de comportement de
l’être humain en crise.
26
Ces précisions sont nécessaires, parce que dans les projets de développement
économique, qui est le domaine d’application de la présente thèse, le concept de l’homme
est traité comme allant de soi et que les participants au projet se comprennent
automatiquement sous prétexte que l’action ou les actions préconisées se portent sur des
individus comme chacun d’eux ; autrement dit, l’homme dont il est question dans les
projets de développement économique est introduit par sympathie. L’économie ne discute
d’ailleurs pas de l’homme antipathique qu’elle considère comme étant irrationnel, avec les
particules péjoratives : « trop » subjectif, obsédé, etc., ou dans la pensée aristotélicienne,
animé par la sensibilité, par l’humeur, le désir et sa volonté aveugle.
Nous n’apportons cependant aucune nouveauté dans la connaissance de la nature
physique de l’homme, mais sur le contenant des informations sur l’homme en présentant
un système d’annotation et d’indexation de discours sur l’homme. Notre intention est
d’apporter un référentiel de discours - le topique aristotélicien - pour, à la fois, parler de
l’homme dans un cadre de la science économique sans que ce discours soit en rupture avec
celui des autres disciplines. L’économique est le lieu de ces informations ; notre objectif
implicite est offrir une meilleure compréhension de l’homme et de son milieu. Nous
estimons en effet, avec John Stuart MILL, que ce n’est pas dans l’espace du social que se
réalise la meilleure connaissance de l’homme.
Notre thèse n’est pas une des modélisations de comportement humain fréquente
dans la littérature économique, mais un modèle de discours sur l’homme, fréquent dans la
littérature en général (dont fait partie également la science économique). Au terme de notre
thèse, nous pouvons alors affirmer que l’homo œconomicus existe et qu’il emprunte le
corps de l’être humain. Nous sommes tous possédés par l’homo œconomicus ; l’homme est
donc un énergumène et non un phénomène. Il faut par conséquent libérer l’homo
œconomicus de son carcan corporel, comme il faut libérer l’homme actuel de ses limites
corporelles. Aussi, pour exorciser l’homme de l’homo œconomicus qui agit en lui, il nous
faut nous comprendre nous-mêmes en séparant l’idée de besoin avec l’action, car ce n’est
pas qu’on est animé par le besoin que l’action apparaît et que l’action conséquente de
l’homme est en rapport avec ce besoin, c’est-à-dire qu’elle est une activité de production
de bien matériel pour atténuer le besoin en question. Nous avons un corps qui nous rend
distincts les uns aux autres, et nous avons aussi une entité en nous qui nous rend solidaire
et appartenant à un autre corps unique. Cette entité partagée cependant nous est fort
inconnue. Nous ne pouvons savoir si c’est elle qui guide notre action ou si c’est le « nous »
27
qui a lui aussi ses propres besoins, ou qui est encore animé par une deuxième entité qu’on
appelle le « besoin ». Notre être est tellement compliqué, et notre perception de nous même
confus que la moindre des choses, si on raisonne, est un problème.
DEMARCHE ET CORPUS
Pour retracer ce qui se dit sur l’homme et éventuellement ce que peut encore dire
l’homme de lui-même, nous affirmons et défendons, en première partie de notre thèse, les
idées selon lesquelles premièrement, ce que l’homme dit de lui-même est une
représentation (chapitre premier de la première partie), et deuxièmement, que l’homme de
l’économie est aussi une représentation (chapitre deuxième de la première partie) ; d’où et
troisièmement, la conclusion que nous allons démontrer : ce que l’homme dit de lui-même
est de l’homo œconomicus (chapitre troisième de la première partie). De ce fait, ce que
l’homme dit de lui-même, quelles que soient les circonstances, c’est la description de
l’homo œconomicus. L’homme ne se conçoit que dans et par la pensée éclairée et
suffisamment distanciée de la réalité ou de la propriété de son propriétaire.
Avec la conviction selon laquelle ce que l’homme dit de lui-même est l’homo
œconomicus, nous pouvons tracer par déduction logique les lignes menant vers la
formulation de la société idéale, étant donné l’homme idéal et surtout, étant donné
l’objectif d’appariement de différends insinué par l’économique. Tel est l’objet du
deuxième livre de notre thèse. Nous réintroduisons alors le livre II de notre thèse, les
cadres fondamentaux permettant de situer l’économique dans notre système de réflexion et
de compréhension du monde. Ce cadre comprend premièrement, le lieu thématique de
l’économique, c’est-à-dire le domaine de l’homo œconomicus (l’interdiction et la richesse
et la conscience de soi). Il est traité dans le chapitre premier du Livre II, intitulé « de
l’espace économique de l’homme narré » la pensée économique et la science économique.
Le lieu thématique de l’économique est comparable à celui où, dans une certaine
distance vis-à-vis de la nature, le rédacteur biblique du Livre de la Création peut dire que
l’univers est créé, et que l’abime, l’eau, et le souffle étaient les étendues à partir duquel
l’homme – ou plus précisément dans les circonstances du narrateur, le discours sur
l’homme – peut se réaliser. Ce lieu est aussi celui de la méditation et de discussion des
philosophes grecs qui ont avancé les théories cosmogoniques avec lesquels, sans le
nommer, on sent intuitivement le fil qui conduit leurs idées à une information inévitable
sur l’homme : c’est le lieu intellectuel ou mental à partir duquel un PYTHAGORE (v. 570
28
– v. 490 av. J.C.) ou un ANAXIMENE (v. 586 av. J.C. – v. 526 av J.C.) peut voir leur « air
infini » sans en être aspiré afin de parler et de décrire l’homme qui y est aspiré. La
Bhagavad-Gîtâ en parle aussi dans son chapitre 14, « Yoga des distinctions des trois
qualités » où ses auteurs anonymes exposent leurs idées sur la création.
Il nous faut donc rejeter, une fois pour toute, les axiomes (de comportement) avec
lesquels les premiers théoriciens de l’économie ont réglé – une fois pour toute, encore – la
question de l’homme. Conséquence et deuxièmement, les informations sur l’homme
changent de contenu (l’hostilité n’est plus à démontrer, mais ce n’est pas l’homme dans
son entité qui compte, mais sa couverture ou ce qui l’absorbe – comme l’affirme la
cosmologie milésienne) et de descripteur (l’économiste). Au bout du premier chapitre du
Livre II, nous pouvons alors étudier ce que l’homme a dans la pensée pour découvrir que le
malaise de l’homme est en réalité une erreur d’appréciation de la pensée économique par
les économistes (Chapitre 2 du Livre II). Ce n’est certes pas un problème usuel de la
science économique, mais les problèmes usuels de la science économique, à notre avis sont
dépendant des issus de ce discours précédant celui de la science économique ; ce qui nous
amène en troisième chapitre du Livre II à redéfinir ce qu’est l’économique.
En fait, le Livre II est une continuation de la conclusion du syllogisme précédent :
ce qui se sait de l’homme n’est que pensée sur l’homme ; or l’homo œconomicus se sait
par la pensée sur son lieu, sur son action et sur sa nature ; on déduit alors que ce qui se sait
sur l’homme se rapporte sur le lieu, sur l’action et sur la nature de l’homme. Autrement dit,
avec le lieu (mental), la pratique et la conscience de soi, ou encore l’interdiction, le sens de
la richesse et la conscience, l’objet de la réflexion sur l’homme devient une matière
comparable à celui avec laquelle la réflexion sur la nature est faite par les physiciens. Des
questions nouvelles se posent alors portant sur la narration et les narrateurs : qui sont-les
économistes ? que font-ils et ou sont-ils ces penseurs différents des physiciens ? Nous
traiterons ce point dans le chapitre 3 du Livre II.
La présentation ci-dessus des deux livres montre l’intérêt pratique pour la
théorisation de l’économie : cette thèse est une ouverture de réflexion critique sur les
hypothèses que n’importe quelle discipline des sciences humaines et sociales peut dresser à
propos de l’homme. Cette thèse est une construction en pensées des bornes des discours
sur l’homme.
29
Sur le plan méthodologique, nous constaterons et exploiterons l’universalité des
récits de l’homme par lui-même afin d’y mettre en relief l’existence de l’homo
œconomicus, et dans la même foulée, nous constaterons et exploiterons l’état naturel de
pensée ou le mode de fonctionnement de l’homme, (intuitions de l’interdiction, du sens de
la richesse et de soi), afin de retracer ce qu’est réellement l’économique et la pensée
économique. Le premier chapitre du Livre 1 (Des réflexions empruntées sur l’homme)
correspond au chapitre premier du second Livre (De l’espace ou du lieu de l’homme
narré). Leur différence est que le premier parle de flux d’idées, alors que le second se
préoccupe du lieu où s’achèvent et se terminent les idées. De même, les chapitres 2
respectif de chaque partie désignent sont en correspondance entre eux : ils montrent le lien
entre la forme intellectuelle de l’homme (c’est-à-dire la réalité apparente) et l’essence (la
substance). Enfin, les deux troisièmes chapitres respectifs de deux livres montrent le lien
entre l’homo économiques et l’économique.
Pratiquement, notre thèse s’appuie sur le constat de la réalité de la narration, de
l’unicité des principes de la narration, et notre objectif est de déduire de cette réalité et de
l’unicité du principe, la véritable nature de l’homme sur laquelle s’appuient les
propositions et les axiomes économiques ; il s’agit d’une hypothèse et d’une exploitation
sous forme de logique déductive de cette hypothèse devenue évidence. Une nouvelle
conception de l’homme dégage de cette approche : l’homme n’est plus un corps doté
naturellement de la force de travail, mais un être doté de sens de l’interdiction, de la
richesse et de la conscience de soi. Le corpus qui nous sert à bâtir notre affirmation serait
alors le discours sur la narration que nous développerons dans le chapitre premier de la
première partie. Elle devient alors une évidence, à la fin du chapitre trois de la première
partie.
De ce fait, on peut dégager de ces deux propositions que la représentation et la
conscience forment un tout unique sous forme de déclaration d’existence cartésienne : « je
me représente moi-même, donc je suis conscient » pour plagier la fameuse citation : « je
pense, donc suis ». Nous sommes alors loin des énoncés axiomatiques de comportement et
d’existence avec lesquels les économistes fondent leur discours et qui peuvent être plagiés
de la façon suivante : « j’ai un travail, donc j’existe ».
Les contraintes, l’hostilité et la conscience ou la raison font un ensemble avec
lequel se construisent les informations sur l’homme. Dans la première partie, en guise du
30
véritable homme, nous avons en réalité découvert l’action, le lieu et les caractéristiques de
l’homme. Pour pénétrer dans le monde mystérieux de l’homme, il faut placer le narrateur
par rapport à cet étendu dans lequel se trouve son objet d’investigation. On est donc devant
la même problématique de la première partie : l’économiste ou le narrateur se construit une
représentation de lui-même, et ce, par le fait que l’homme soit dans l’étendu de l’espace
économique (caractérisé – rappelons-le par l’interdiction, le sens de la richesse et la
conscience). A cet effet, nous nous interrogeons en quoi cette connaissance de l’homme
peut-elle aider les économistes est les princes ; en quoi la connaissance de l’homme est-elle
un instrument déterminant de la pratique économique. Nous allons alors montrer que en
fait, c’est la pensée de l’homme qui n’est qu’hostilité et qui demande un appariement ; il
nous faut donc reconstruire la science économique afin qu’elle puisse se réconcilier avec la
pensée économique. Nous développerons cette idée dans le Livre II de notre thèse.
Le thème de la représentation a été déjà développé au XIXe siècle dans le cadre de
la discussion sur l’importance de la connaissance de la nature dans la détermination de
celle de l’homme. Il est une reprise des débats des philosophes de l’Antiquité grecque entre
les matérialistes (prônant que la matière ou l’environnement détermine le comportement
humain) et les idéalistes. De ces débats, il appert alors que la façon dont les communautés
conçoivent l’ordre universel, ou leur théorie cosmologique, détermine leur manière de
concevoir la place de l’homme dans la nature. Deux disciplines dominent l’expression de
cette conception de l’ordre universel : l’astrologie et la religion11. Mais ces deux
disciplines ne se sont pas préoccupées de la façon dont l’homme se représente lui-même.
11 Les grandes religions en fonction actuelles que sont l’athéisme avec son christianisme, l’islam, l’hindouisme et le bouddhisme ont consigné leur enseignement dans des livres et articles de propagandes que sont la Bible pour les chrétiens, le Coran pour l’islam, la Bhagavad-Gîtâ (entre autres documents) pour l’Hindouisme, et le Tao Tö King pour le bouddhisme. Les athées se sont manifestés dans les littératures classées non religieuses ; à vrai dire, l’athéisme n’existe que par le Judaïsme et le christianisme. Ces deux religions ont introduit la foi dans leur principe religieux, et elles appellent de l’athéisme, les individus qui n’ont pas foi en leur dieu, puisque au-delà de ce dernier, selon leur croyance, il n’y a pas de dieu. L’Islam, pour sa part, n’utilise pas le mot « athée », mais le « mécréant » pour désigner celui qui ne croit pas en dieu (de l’islam). L’islam, il nous semble, reste attaché à la croyance selon laquelle l’homme a un sens naturel de l’existence de dieu, mais certains hommes ont une vision ou une conception erronée de dieu. Ce sont ces personnes que le Coran considère comme des mécréants.
Nous avons pu avoir chacun de ces œuvres littéraires de la religion, mais nous n’avions pas pu lire directement le Coran, faute de connaissance de la littérature arabe religieuse qui est différente de l’Arabe moderne ; par contre, nous nous enquérions des articles de propagande et de vulgarisation de la religion islamique. Nous avons utilisé la Bible dans ses versions hébraïques, et ses traductions malgaches (éditions de 1835 et 1911 pour faciliter par étude comparative l’évolution de la langue Malgache) et françaises (version Louis SEGOND). Nous avons pu nous procurer également du Bhagavad-Gîtâ par téléchargement sur Internet, et le Tao aux librairies publié par NRF. Nous avons également exploité des livres à caractères scientifiques relatifs à la religion, en vue de dégager la réalité scientifique de l’existence du calcul économique.
31
Dans leurs discours, il y a des thèmes sur la science et sur l’esprit, mais presque rien sur
l’homme, ou plus précisément, l’homme n’y apparaît que comme un produit déduit de la
réflexion. En outre, leur moyen d’affirmation manque de rigueur : ce sont des spéculations
de philosophes – une incursion sans preuve, quoique soutenue par des arguments structurés
en système. Une autre discipline devrait être au dessus de la religion et de l’astrologie ou
des sciences de la nature pour établir un lien entre la nature humaine, la représentation
humaine, les relations humaines et ce que doit être l’homme.
Malgré les donnés anthropologiques sur la variété de la forme et des arguments de
la façon d’être de l’homme, il apparaît que les documents de synthèses font défaut à
l’époque : il n’y a pas de théories générales de comportement humain susceptible d’être
vérifiées au-delà de l’espace et du temps ; il n’y avait pas encore de la « sociologie de la
religion », de théories scientifiques de la religion susceptibles de montrer l’homme de
façon scientifique. Pourtant, la représentation de l’homme est présente, même de façon
récurrente, dans les littératures écrites et orales ainsi que dans les expressions artistiques et
symboliques de toutes les communautés. Les comptes rendus des observations des
anthropologues foisonnent de matériaux dans ce sens. Aussi, avons-nous pris en compte,
non pas directement les thèmes récurrents et invariants des religions et de la théorie
cosmologique des communautés humaines, mais les propos divers sur l’homme proférés
généralement par un homme pour ou contre ses paires. Nous discuterons alors de l’homme,
le survivant du passé, le revenant ou le rescapé de l’histoire, avec la représentation de
l’homme par lui-même qu’il a fait sous forme d’arts et de littératures. En plagiant la Bible
affirmant que la nature révèle la gloire de Dieu, nous dirons que, la littérature et l’art
révèlent la présence et l’existence de l’homme, et même plus, elles donnent une image
conceptuelle de l’homme et assurent la preuve de son existence.
Par littérature, nous entendons non seulement les produits littéraires proprement
dits, mais aussi les maximes et adages, ainsi que les représentations artistiques et
graphiques de toutes sortes de caractère narratif et esthétique ; en quelques mots, la
littérature désigne toutes compositions esthétiques. Des différentes formes de littérature
existent dans chaque communauté, et chaque communauté possède leur propre littérature,
leur histoire de la littérature, ainsi que leurs produits de la littérature sous formes d’objets
d’art et d’architectures, de coupes de vêtements, des dessins et des sculptures décoratifs,
des danses et des musiques et arts de toutes les formes, des écrits et des traditions orales,
bref, toutes formes de communication qui répondent à un partage de la satisfaction du
32
besoin d’esthétique, du bien-être, du sens de grandeur de l’homme. Ces artifices décrivent
en fin de compte une volonté de se surpasser ou une réalité dont seules quelques individus,
du fait de leur position sociale en tant que prince, prêtre, poète, ou soldat, peuvent sentir et
qui est expliquée et narrée.
La littérature, dans son sens actuel, ne date, que par les critiques littéraires, et ce, en
fonction de l’histoire littéraire de chaque communauté. Les consommateurs d’arts et de
lettres sont les premiers critiques de la littérature. En Europe, par exemple, le jugement
péjoratif populaire de certaines formes d’expression littéraire du Moyen-âge, distingue les
littératures « romanesques », alors que les belles lettres sont des œuvres « classiques ».
Puis le jugement de la littérature s’est raffiné, avec l’introduction de règles et de critères de
beau suffisamment pensées et par l’appropriation individuelle de ces règles.
En cherchant l’homme, nous nous intéresserons, au lieu de la résolution de la
question, à la place où « l »’homme se rencontre et se situe. Cette place, cependant n’est
pas un lieu physique ou sociologique, mais économique, l’espace que nous appelons par le
mot « l’économique ». Aussi, la problématique de la présente thèse est de faire découvrir
l’homme dans son milieu de réalisation d’existence (la représentation ou la pensée), ou de
présenter le milieu dans lequel se rencontre « l »’homme (c’est-à-dire l’économique). Etant
donné que l’homme et le lieu dont nous nous proposons de faire découvrir sont des
phénomènes de pensée, la présente thèse, à cause de ce fait, sera une interprétation
personnelle de pensées collectives vécues ou senties de chaque homme, ou de sentiments
individuels que chaque homme peut avoir et qui n’ont pas encore été nommés, ou plus
précisément, dont les composantes ne sont pas encore présentées sous formes de système
intelligible susceptible d’en faire un champ d’analyse et de réflexion sur l’homme en
général.
Le mobile de l’homme (et non du producteur ou du consommateur) est l’objet
d’observation de la présente thèse. Il est quelque part, concrétisé par un concept, véhiculé
par chaque individu faisant de ce dernier un être humain et avec lequel chaque individu est
reconnu comme tel, indépendamment de leur accoutrement physique et surtout de ce que
les sociologues appellent la « position sociale » et avant même qu’une activité de
production soit faite. Ce thème est celui de la science économique de la préférence pour
plus que moins de richesse. Par ce mobile, se découvre, en conséquence, l’homme pensé
par John Stuart MILL lorsqu’il avançait que l’homme préfère plus que moins de richesse.
33
Nous remettons donc en cause l’axiome de comportement de « l »’homme de l’économie
en niant le concept de marché par lequel la science économique néoclassique a pu soutenir
l’existence de l’homo œconomicus, pour se contenter de l’observation de l’homme. En
outre, ce n’est pas le cadre théorique de choix qui importe, mais la conscience de l’espèce
de l’homme. Nous dirons alors que l’homme est celui qui réalise son existence, celui qui a
une conscience de soi par rapport à la richesse et le permis et qui agit en conséquence.
Nous avons également abandonné l’approche historique classique et éventuellement ses
conséquences (problématiques de la variation de la richesse) et ses fondements
épistémologiques (adhésion à la théorie évolutionniste), pour étudier l’homme avant
l’histoire et durant l’histoire. A cause de ces faits, le corps de connaissance et d’arguments
sur lequel est bâtie la présente thèse est la représentation de soi de l’homme concrétisé par
tous les objets et non pas les produits de ses activités marchandes seulement. Cette
représentation est pensée et concrétisée par des œuvres qui, indépendamment de la culture
et de l’histoire, restent partagées entre tous les êtres humains. Ce sont entre autres des faits
de la religion, de la soumission aux enseignements des hommes de pensées « très fortes »,
ou encore à des histoires plus ou moins connues de tout le monde ou à des faits acceptés
par l’entendement de l’homme. Dans notre problématique, nous ne nous intéresserons pas
sur ce qui va être produit comme pensées de l’humanité en pensant que l’homme évolue,
mais sur les causes qui ont rendu possible la formation de ces pensées fortes, de ces
représentations conformes à l’entendement humain. A cet effet, le corpus de la présente
thèse sera composé des séquences de faits des documents et de la pratique de la religion,
des théories critiques de la littérature ainsi que des vérités qui tiennent dans le quotidien12
Les concepts et le système en vigueur de connaissance nous imposent un
classement d’informations et de connaissances générales. En effet, chaque discipline
académique s’est spécialisée dans un thème-objet : l’économie, sur la variation de la
richesse ou sur le comportement enrichissant étant donné les moyens ou les fins, la
sociologie sur la société, la psychologie sur la psyché, etc. Puis, chaque discipline s’est
laissée emprisonner par leur propre engagement ou par leur propre paradigme que, dans le
fond, et à l’insu des classifications académiques anciennes, entre deux disciplines ou entre
12 Exemple anecdotique : Un jour, un journaliste a découvert que, comme tous les Américains, Albert EINSTEIN (1879 – 1955), le savant dont la pensée a modifié la façon de pensée humaine, mettait aussi du fer à cheval sur le seuil de sa porte. Il ne put s’empêcher de poser la question de pourquoi un homme aussi fortement convaincu de la science comme lui pratique-t-il lui-aussi cette croyance. La réponse de EINSTEIN fut bref : parce que cela tient debout
34
deux frontières disciplinaires, une ou plusieurs disciplines se sont pues installer.
Orthodoxie dans la l’interdisciplinarité sont donc devenus le mot d’ordre de la science.
Pour notre part, nous cherchons non pas à rompre avec les classifications
disciplinaires et la méthode interdisciplinaire qui s’ensuit, mais il nous semble que dans le
fond, chaque discipline partage avec d’autres un thème sur la base duquel tous les discours
scientifiques sont construits. Nous ne voulons pas cependant mettre au premier plan ce
thèmes – cela fait parti d’un autre discours – mais seulement jeter un regard transversal sur
tous les thèmes traitants de l’homme afin de faire surgir l’homme du néant véridique. Enfin
l’ultime objectif de cette thèse est de mettre de l’ordre dans la pensée des économistes pour
que ces derniers sachent à quoi se rattachent fondamentalement leurs discours. En effet,
dans ma pratique d’enseignant de discipline d’économie, j’ai constaté que des élèves, des
étudiants et même beaucoup d’enseignants ne savent par quel bout commencer leur cours.
Généralement, les programmes d’enseignement commencent par la présentation des
concepts-clés de l’économie (trilogie production-échange-consommation ou le couple
besoin-utilité) ou par l’énoncé du principe économique de la création (la relation entre la
quantité de facteurs et des produits), et les élèves et étudiants qui ont du mal à supporter
ces concepts ou à supporter ce principe sont automatiquement exclus de la qualification de
l’économiste. Mon intention est de mener la pensée humaine vers la source de la réflexion
économique, au risque d’être un rénovateur.
La période que nous étudierons est celle qui précède la révolution néolithique, la
période avant le discours sur la production, facteurs et connotés, et qui subsiste encore dans
le monde actuel sous forme de communautés humaines ignorant de gré ou réellement les
instruments de production et le marché. Dans ces situations, la capacité productive
humaine, son génie productif humain, apparaît ; mais peu d’articles retracent l’époque où
cette qualité humaine que l’histoire nous a fait découvrir n’est pas manifeste. Les formes
précapitalistes de sociétés humaines, au-delà de celles qui ont conduit à la formation du
système capitaliste (le Moyen-âge des communautés méditerranéennes européennes) nous
viennent des récits ethnologiques et sont connues sous la dénomination de « société
primitive », collectiviste, techniquement non développée. L’histoire nous laisse
l’impression que le hasard de la découverte des instruments agricoles et de domestication a
pu sortir ou libérer l’espèce humaine de l’espèce animale. Aussi, se pose la question : étant
donné la façon dont la science et l’histoire ont démontré l’évolution initiale de l’homme
par la formation de la civilisation, comment l’homme était-il intellectuellement avant
35
toutes les civilisations ? Etait-il, lui aussi rationnel ou déjà rationnel ? Notre réponse est
que deux états ont conduit à la libération de l’homme de tous ses liens physiques ou
génétiques : la conscience de l’interdit et celle de la richesse.
36
Livre premier : DE L’HOMO ŒCONOMICUS. Des réflexions
empruntées et choisies sur l’homme vers la redécouverte
du thème l’« homo œconomicus »
37
INTRODUCTION
LE PROBLEME : LE THEME DE L’HOMME DANS LA SCIENCE ECONOMIQUE A ETE EVINCE PAR LE MODELE DENOMME « HOMO ŒCONOMICUS »
L’expression « homo œconomicus » a été utilisée par des économistes pour
désigner les caractères qui font un homme, un agent économique. Elle n’a pas cependant
remplacé le thème de l’homme dans les théories économiques ; au contraire, elle est une
façon de l’éluder tout en l’employant. Derrière cette façon de faire se cache, en effet, une
imprécision transformée en un consensus tacite faisant de l’homme un sujet allant de soi
qui ne mérite pas un approfondissement. Les économistes n’ayant pas osé nommer
l’homme dans leurs travaux pointent le doigt ou bien sur l’homme en général dans lequel
se cache la variété de comportements et de particularités des choix et préférences, ou bien
sur « un homme », c’est-à-dire l’individu qui peut remplacer un autre individu, parce que
dans leur référentiel, un élément épistémologique sinon un thème fondamental manque leur
permettant d’affirmer sans démontrer la réalité de « l’ »homme. D’ailleurs les premiers
théoriciens, comme Adam SMITH, n’ont pas parlé de l’homme, mais de l’expression « un
homme sensé », ou de « l’homme prudent », sinon de l’homme « consommateur » ou
« producteur ». Dans la foulée des classiques, Karl MARX a parlé de l’homme qu’il voit
exploité et transformé par le système économique. D’après MARX, l’homme de la société
industrielle n’est pas le véritable homme, mais seulement un être non humain, car le travail
qui fait l’homme est réduit par le discours économique à de fonctions de production et de
consommation. Dans sa conviction, Karl MARX sous-entend déjà la réalité de
« l »’homme, cet être libre et non exploité.
Cette convention tacite sur l’homme a été levée et validée en économie quand
Stuart MILL dans ses « Principes d’économie politique », en 1848, introduit l’expression
« homo œconomicus ». Ce concept désigne pour lui, l’entrepreneur soucieux de maximiser
son profit13. Dans sa conception, déjà, l’homme est à la fois un producteur et un être qui
chercher à avoir le maximum de profit. Puis Vilfredo PARETO (1848 – 1923), dans une
discussion sur la rationalité, avait utilisé les traits de Robinson CRUSOE sur une île
déserte, une personnage d’un roman écrit par l’écrivain anglais Daniel DEFOE (v 1660 –
1731) pour y trouver à la fois l’argument et le modèle de « l »’homme rationnel sur la base
duquel l’économie a conceptualisé son homme.
13 Voir à ce propos, l’article de ALLEMAND Sylvain, (1996), « Qui est l’homo œconomicus ? », in Problèmes économiques, n°2565 du 22 avril 1998, page 122
38
La vulgarisation de ce thème, cependant, montre à la fois son imprécision et sa
nécessité dans lesquelles se complaisent les économistes, parce que ces qualités leur
permettent de comprendre et d’expliquer certains phénomènes économiques14 sans toucher
les autres éléments du discours, en vertu de leur hypothèse de « ceteris paribus » :
imprécision de topique linguistique - car l’homme ainsi nommé est celui qui n’existe que
dans la pensée, un homme sans cadre ni référence pour lui donner une forme, et nécessité
dans le fait que la question est toujours récurrente et latente dans toutes les activités
humaines -, et imprécision d’identification physique.
Le concept de « homo œconomicus » est connoté à l’homme de l’économie et à des
images péjoratives sans rapport avec l’homme réel. Dans l’opinion populaire, l’homo
œconomicus est représenté comme un monstre apocalyptique : une machine à calculer et à
combiner d’un cynisme sans moral, un être sans appartenance sociale, ni à une croyance
morale, mais seulement préoccupé par ses propres intérêts individuels. A cause de ces
caractères, la réflexion peut aussi être poussée en affirmant que l’homo œconomicus est
une représentation du mal qui, malgré cet état maléfique, est quand même envié par
l’homme à cause de sa réussite, ou à cause de son caractère familier. En effet, l’expression
homo œconomicus a été déjà plus ou moins configurée dans les visions apocalyptiques, et
dans les prophéties. PAUL, un des rédacteurs de épîtres du Nouveau Testament de la bible,
prévoyait déjà que à la fin des temps, l’homme sera égoïste, cupide, etc. bref, l’homme sera
l’incarnation de cet être qu’est l’homo œconomicus. Aussi, sans état d’âme, sans vouloir
critiquer la valeur morale de l’homo œconomicus, mais seulement en retenant le caractère
représenté de l’homme de l’économie, ce premier livre est à la fois une réflexion sur
l’origine de la pensée sur cet homme calculateur (la représentation de l’homme) et une
déduction des conséquences de cette réflexion. Mais cette représentation de l’homme est
présente lors de la lecture des textes évoquant l’homme ; l’homo œconomicus est aussi
présent dans la littérature en général. Durant ces moments de lecture, en effet, il est
question de l’homme réduit à la circonstance – comme si la réduction de l’homme est une
14 Ainsi, l’homme décrit par la science économique est un être qualifié par les thèmes pour lesquels il a été conçu. Tout simplement, « l »’homme, c’est le consommateur qui possède de la capacité d’apprécier la valeur des objets, ou encore le producteur qui agit par sens de profit. La relation de l’homme avec la nature détermine la qualité et l’attribut de l’homme. Mais ces deux affirmations n’ont pas été unifiées par le discours de la science économique pour identifier et préciser l’identité de l’homme de l’économie. En économie, il y a en fait deux hommes : le producteur et le consommateur. Tous deux ont des comportements économiques différents : le producteur se préoccupe plus de la profitabilité de la production alors que le consommateur, celle de l’utilité. Le discours économique sur l’homme est donc incomplet, même s’il peut être, un jour, achevé.
39
disposition intellectuelle naturelle et mentale permettant de capturer la représentation de
l’homme –, et révélé par une procédure de narration. L’homme sans une procédure ou sans
une technique appropriée de narration n’aurait pas existé intellectuellement.
Il y a une très forte présomption de coïncidence, ou de correspondance, ou de
similitude, entre le récit de l’homme dans les littératures et l’image évoqué par l’expression
« homo œconomicus ». La bible, par exemple, peut être lue dans une perspective
économique, et inversement, les théories économiques peuvent être lues avec les
problématiques de la bible. Cette approche est évidente dans d’autres domaines, comme les
textes légaux, de la politique et de la sociologie. Ce lien ouvre un autre lien entre le
développement des sciences humaines et la science économique : le développement de la
science économique modifiera le contenu de la littérature, et les œuvres littéraires
changeront la façon de concevoir le modèle de la science économique. Actuellement,
certains films, romans et les discours des circonstances diverses utilisent de plus en plus de
termes et motifs économiques. Les littéraires sont de plus en plus familiarisés avec les
termes comme la production, revenu, investissement, etc., et même ils comprennent les
motifs économiques (calcul de profit). Les économistes cependant sont moins volontiers
pour utiliser et exploiter les produits de la littérature. Des économistes utilisent certes des
extraits de journaux pour étayer leur propos, mais en général, la plupart des économistes
refusent de prendre les articles dites « non économiques » pour désigne les littératures non
économiques, comme références documentaires.
Une cassure existe encore entre les deux approches littéraires et économiques de
l’homme : l’homo œconomicus est enfermé dans le domaine de l’explication économique,
alors que la littérature vaque dans la description de l’homme, vers la capture des idées sur
l’homme. Explication et description semblent donc être deux principes inconciliables de la
pensée humaine, car l’explication est aussi une description et la description est déjà une
explication.
Notre objectif est de montrer que la réflexion sur l’homo œconomicus est une
généralisation de ce qui se raconte déjà sur l’homme dans la littérature universelle et d’en
tirer les conséquences théoriques de cette démonstration. Tel est l’objet du troisième
chapitre.
Pour parvenir à cette finalité, il nous faut, au préalable, présenter les réflexions sur
la construction de la littérature en général dans laquelle est logée la représentation de
40
l’homme, car le thème de l’homo œconomicus est la suite logique du thème ouvert et
développé depuis l’Antiquité judéo-gréco-romaine, et même bien avant, dans les
civilisations égyptiennes anciennes, ou dans la Mésopotamie, tant que l’on peut encore
connaître de pensée chez les hommes. N’ayant pas la notoriété suffisante pour mener de
telles réflexions, cependant, nous allons, dans un premier chapitre, emprunter celles-ci
auprès des travaux et réflexions des philosophes, historiens et de tous autres disciplines
connexes. L’homme narré par les philosophes, les historiens et tous autres disciples
connexes est, de ce fait, le champ d’observation de notre réflexion.
Ce chapitre premier est une introduction à la représentation de l’homme par le
modèle. Ensuite, il nous faut aussi, en deuxième chapitre, compléter les réflexions
manquantes portant sur la relation entre les représentations littéraires, artistiques et orales
de l’homme et la représentation de l’homme de l’économie. Le deuxième chapitre n’est
plus une narration, mais une description de l’homme. Ici encore, la représentation se
présente sous forme d’esquisse et de profil, une représentation proche du modèle qu’est
l’homo œconomicus. Enfin, compte tenu des représentations littéraires de l’homme, nous
consignons ce qu’est l’homo œconomicus hors de ses considérations instrumentales
économiques.
HISTORIQUE DU THEME DE L’HOMME : DE LA FORMATION DE LA REFLEXION DE L’HOMME SUR L’HOMME ET SES IMPACTS SUR LA CONCEPTION DE L’HOMME DE L’ECONOMIE (L’OBSTACLE EPISTEMOLOGIQUE DE RECIT ANCIEN)
Le thème de la réflexion de l’homme sur l’homme est un sujet renouvelé de la
philosophie et des crises humanitaires récentes. Les philosophes de l’Antiquité gréco-
romaine, les scribes de l’Egypte ancien et de la Mésopotamie ont plus ou moins ouvert la
réflexion à partir des thèmes de la cosmologie et de la théologie. Dans l’histoire de la
philosophie, le discours sur dieu ou sur l’homme est précédé par le thème de dieu, un
thème à développer, plus facile que celui de l’homme, car dieu est, auprès de la
philosophie, de la supputation, avant d’être une croyance. Le discours sur dieu comme
générateur de discours sur l’homme est irréfutable, non pas qu’il permet de résoudre et de
dissoudre le thème de l’existence dans celui de la création, mais parce qu’il apporte un
cadre de discussion ou une dimension plus élevée de l’infini afin d’y insérer le morale et de
dépasser le thème de la finitude de l’homme.
La présence de dieu ou la conscience de dieu est un phénomène provocateur de
question de l’identité de l’homme ; elle est une menace à l’identité de l’homme.
L’enracinement du discours sur l’homme à celui des discours sur dieu se rencontre dans
41
certaines civilisations comme les civilisations indo-européennes et égyptiennes de
l’antiquité. Les historiens de la philosophie appellent cette période durant laquelle, au lieu
de parler de l’homme, la philosophie s’intéresse à dieu, du déisme, et les philosophes qui
mettent en relief le thème de dieu, des déistes. L’histoire de la réflexion sur l’homme dans
les civilisations indo-européennes et égyptiennes anciennes comprend grossièrement, les
étapes suivantes : premièrement, de la réalisation du cosmos, avec entre autres les
philosophes milésiens, deuxièmement de la réalisation de la divinité, puis troisièmement, la
réalisation de l’humanité. Le discours économique de l’homme s’est détaché de la
philosophie à partir de la période humaniste et c’est dans cette place qu’il a pu se préciser
et de montrer sa splendeur à travers le thème de l’homo œconomicus. La pensée - y
compris économique – de l’homme commence avec la contemplation de l’univers. En
plagiant le récit biblique de la création, nous dirons alors que au commencement, l’homme
raconté dans la littérature et dans l’histoire contempla l’univers et s’écriât : « tout est
bien ! », et ce n’est qu’après qu’il rendit grâce à la divinité, avant de se lancer à la conquête
de l’espace dans lequel il rencontre en la femme son premier vis-à-vis. Du point de vue de
la religion égypto-judaïque, la femme n’a jamais été l’homme, mais seulement un être
spéciale par lequel l’homme peut se découvrir lui-même ; elle est un être révélateur de
conscience de l’homme. Sans femme, l’homme peut exister, mais sans se réaliser en tant
que homme.
Dans l’Antiquité gréco-romaine, l’information sur l’homme est un jugement des
faits de l’individu et se termine par une reconnaissance de l’individu en tant que homme.
L’affirmation ou la reconnaissance de l’homme ne se pose que en tant que réaction par des
questions de types de« les gens me prennent pour qui ? » (Ou encore et dans notre contexte
« comment me représente-t-on ? »). C’est une de ces circonstances durant lesquelles les
spectateurs se manifestent spontanément. Des exemples foisonnent sur ce point notamment
dans la Bible, notamment lorsque quelques uns de ses protagonistes sont en action et
subissent l’interrogation critique des spectateurs. Le livre des Actes des Apôtres de la Bible
relate une de ses séquences : L’apôtre PAUL et son compagnon BARABAS, ayant guéri
un impotent de naissance étaient acclamés et rebaptisés par la foule du nom de leurs dieux
HERMES et ZEUS (Actes des Apôtres, Chapitre 14, versets 8 à 18). L’apôtre PAUL
apporte devant eux une explication de leur comportement : ils les considèrent comme leur
dieu ; il se sent alors devant l’obligation de prouver son caractère humain : « Nous sommes
nous aussi des hommes de même nature que vous ». En général, il n’y a aucune raison pour
42
poser la question de « qui es-tu ? » ou « pour qui me prends-tu ? » à un homme, du
moment que l’on reconnaît en lui, par son apparence, le caractère humain ; aussi, la
question se pose, seulement lorsque l’homme, malgré son enveloppe corporel, se comporte
non plus en phénomène mais en tant que énergumène, animé par un déterminant différent
des hommes ordinaires, ou lorsque l’homme se comporte de façon irrationnelle qui, selon
la philosophie aristotélicienne, est animé par son besoin (partie nutritive de l’homme), son
désir (sa partie désirante) et sa sensibilité. Dans l’Antiquité et jusqu’à la formation de la
théorie économique, la question de la représentation de l’homme est le résultat de la
conscience de la variété de l’être humain, et non pas de l’opacité de phénomène humain.
La Bible décrit le serviteur de dieu comme étant un énergumène reconnaissable par
son apparence … méconnaissable : « un être qui n’a pas d’apparence pour le reconnaître »
écrivait le prophète juif ISAIE15 ou un de ses disciples. De ce fait, l’idée de rationalité et
d’intelligibilité dépend en grande partie de la façon dont se construit l’énergumène dans la
conception de la maladie mentale. Dans la communauté malgache, où la culte de
possession est de mise, la question de l’homme se pose lorsqu’on sent que ce dernier n’est
pas dans sa totalité constructrice de ce qui convient de qualifier d’humain, c’est-à-dire qu’il
est un corps animé par un esprit ou par la pensée d’un homme normal, ou qu’il n’est plus
animé par la pensée ou la raison. L’ensemble de ces substances abstraites animant
l’homme est appelé par le Malgaches par le mot « Fanahy », d’où la maxime malgache
« Ny fanahy no maha-olona » (Littéralement : le fanahy fait l’homme »). Selon Louis
MOLLET, le degré de la perte de la logique se décrit en termes croissant de « lasa
saina16 » (littéralement « l’état de l’homme dont la pensée est partie »), « very saina »,
(état de l’homme qui a perdu la pensée), « hondrakondrafana17 » (l’équivalent du sot),
« adala» (fou), alors que chez les Juifs racontés par la Bible, la maladie mentale est
associée à une démence. Dans ce sens alors, l’homme qui n’est pas fou est un homme libre
entre le bon sens (à l’image de la parabole de celui qui a bâti sa maison sur le roc) et la
sagesse, plus particulièrement celui qui écoute la voix de dieu ou de ses messagers. Bref,
l’homme est dans la conception biblique, un énergumène. Dans d’autres communautés,
15 Bible, Ancien testament, Livre du Prophète Isaïe, chapitre 52, verset 2. Nous avons utilisé la Bible malgache et l’ancien Testament en Hébreu, car il nous semble qu’il y a une nuance culturelle entre la lecture française ou anglaise de la Bible et celle du malgache et hébraïque. 16 Dans la philologie malgache, la pensée est une entité mouvant logé dans le corps et qui permet à l'homme d'être normal ou en l'occurrence rationnelle. 17 Un état initial de la démence. Cet état apparaît chez un homme qui a perdu contact avec la pensée ou avec la raison et n'arrive plus à maîtriser momentanément ses gestes. Ce mot désigne le sot
43
certainement, la différence n’est pas grande. Ainsi, la question apparaît seulement lorsque
l’homme étudié présente des caractéristiques différentes des gens « normaux » et ouvre de
nouveau la question de la différence entre l’homme et l’animal tout en reconnaissant que
malgré la différence de comportement, l’homme inconnu en question reste humain. Les
documentaires considèrent de tels individus comme des « sauvages », sinon comme des
« monstres »18. Cette qualification appelle alors de la qualification des gens « normaux »,
faisant de ces derniers des hommes « civilisés ». Ces derniers sont des humains à qui la
question de « qui es-tu ? » ne sera jamais posée.
La question de « qui es-tu ? » ne se pose donc à l’homme que lorsque celui-ci est
dans une situation intermédiaire entre l’homme et le non-homme, lorsque l’homme devient
anathème. Cette situation laisse présupposer l’existence d’un modèle préalable de l’homme
ainsi que de sorte passage vers un autre état. L’homme dont on parle n’est plus ni celui qui
a pris un corps, ni l’auréolé de corps. En fait, la question de la représentation de l’homme
par ses propres œuvres – une question relevant de l’esthétique -, selon le philosophe
allemand Alexander BAUMGARTEN (1714 – 1762), se pose devant l’admiration de la
représentation de la perfection ; celui qui admire perd déjà une partie de sa raison. La
science économique ou plus précisément la théorie économique de l’homo œconomicus est
un regard admiratif de la perfection de comportement.
D’où, deux problèmes se posent dans la conception judéo-grecque et romaine de la
représentation de l’homme : premièrement, la représentation de l’homme en général n’est
même pas identifiée ni localisée, entraînant à chaque fait de l’homme, un sentiment fort
relevant de l’esthétique et provoquant la question implicite de « est-ce humain, ou divin, ou
bestial ? » ; deuxièmement l’existence de la situation intermédiaire entre l’humain et
l’inhumain est une énigme de l’histoire de l’humanité : comment un être humain peut-il
quitter momentanément sa nature pour être non identifiable par ses paires pour que la
question d’identité se pose ? Ces deux problèmes sont des obstacles épistémologiques de la
conception ancienne de la représentation de l’homme.
18 Il faut dire que deux cas réels ont eu lieu : L’un, un enfant français découvert dans un village au sud de la France, vers 1770, baptisé VICTOR ; l’autre, baptisée EUGENIE par les chercheurs, est une enfant de treize ans découverte le 4 novembre 1970 à Los Angeles enfermée dans une chambre étroite sans décor et meublé seulement d’un lit et d’une chaise troué au pied duquel l’enfant est attaché. Elle n’a presque pas de contact avec aucun être humain
44
Il faut alors combler ce lapsus du discours sur l’homme en posant de nouveau la
question dans un autre contexte, celui de la frontière de l’économie, en se plaçant dans un
autre point de vue à partir duquel l’homme décrit par les sciences sociales et humaines et la
science économique elle-même ne soient pas en contradiction ni entre elles (autrement dit,
que le moral ne s’ oppose pas à l’utile), ni entre elles et les autres descriptions, et surtout
que ce qui se décrit et se parle sur l’homme ne soit plus l’objet d’une interrogation portant
sur le caractère humain ou non de cet acte. En économie, on dira qu’il faut trouver des
hypothèses plus réalistes de l’homo œconomicus. Le problème de cette recherche
cependant est que l’homo œconomicus n’est pas un objet matériel concret et localisé dans
l’espace physique, ni un instrument opérationnel propre à une discipline ; l’homo
œconomicus n’est pas une entité en soi, car toutes les disciplines académiques ont plus ou
moins leur homme-type. Il faut donc procéder par des astuces pour le rendre
intellectuellement saisissable par l’ensemble de toutes les disciplines et évident ; il faut
faire en sorte que l’homo œconomicus soit dépouillé de son masque d’insensibilité devant
les sentiments afin qu’il soit saisissable par les non économistes. Pour cela, il nous faut
établir un lien entre la science et l’art, entre la représentation et le modèle ; tel est l’objet
du présent livre.
DE L’ESTHETIQUE VERS LE MODELE
Nous adoptons une démarche consistant à représenter l’homme dans le cadre de
critère d’esthétique de PLATON (v. 428-347 av. J.-C.), afin de donner une conception du
réel à la cette figure. Notre intention est de montrer insidieusement que la force qui lie les
humains entre eux, la force faisant « l »’homme de l’humanité, est l’attraction du beau ou
des effets du beau. En philosophie platonicienne, une des bases de la philosophie des
peuples de la Méditerranée et des peuples qui leur sont influencés, le beau ou le modèle du
parfait, en l’occurrence l’homo œconomicus en économie, est une des archétypes de la
réalité. Il a une existence en-soi, et il donne aux choses de ce monde un semblant de
stabilité19.
Si l’homo œconomicus est le beau et le parfait dans le domaine de l’économie,
alors sans aucun doute, il existe, et il assure un semblant de stabilité à la science
économique. Il appartient alors au chercheur (le philosophe, ou l’admirateur de
l’économie) de parvenir jusqu’à lui par l’expérience de la sensation : un homme qui
19 Voir Encyclopédie Microsoft ENCARTA, 2004, « Esthétique »,
45
s’habitue à regarder la beauté ou à chercher la beauté, finira par la retrouver à force
d’éduquer ses propres sens et perceptions. Le chercheur ne peut pas cependant l’atteindre ;
le peu qu’il peut faire, c’est de l’imiter. Dans ce sens alors la découverte de l’homo
œconomicus revient aux économistes, parce que ces derniers ont suffisamment émoussé
leur sens avec les débats sur l’homo œconomicus (qui est le modèle ou le « beau » de
l’agent économique), et comme conséquence de cette découverte, le chercheur doit
conseiller ou faire des harangues aux praticiens d’imiter le comportement de ce modèle,
car il lui serait impossible d’agir tout à fait comme lui.
La philosophie aristotélicienne, tout en reconnaissant l’existence de la chose en soi,
et donc de la réalité de l’homo œconomicus, considère ce dernier, dans la mesure où il a
été rencontré, non pas comme un idéal à imiter, mais comme une nature quelconque. Cet
idéal influence l’artiste et le chercheur, mais ce dernier reste maître de lui-même. Devant le
beau alors, le chercheur modifie sa propre vision de la nature et la complète (approche
systémique de la construction du savoir).
L’esthétique implique donc que le beau existe et que ses admirateurs changent de
comportement devant lui. En l’occurrence, l’idée d’homo œconomicus en tant que
parangon de la perfection devait modifier le comportement de l’homme réel, non pas pour
atteindre la « perfection » de l’homme idéal, mais pour compléter l’homme réel ou idéal,
en vue de se rapprocher de cet idéal, comme l’affirme la philosophie aristotélicienne. C’est
parce que l’homo œconomicus est attribué de qualité de perfection, que happé par les
discours sur l’esthétique, son devenir est le réel ; l’homo œconomicus est le véhicule du
réel. L’homo œconomicus n’est pas le réel, mais il contient le réel. Nous raisonnons donc
dans une hypothèse où le réel est inconnu, mais que par la pratique de la science ou plus
précisément, du concept homo œconomicus, nous voulons l’atteindre.
En fait, les littératures et la science économique n’ont que des images
représentatives de l’homme ou des symboles usuels représentant l’homme tels qu’ils sont
gravés sur des supports littéraires et graphiques, allant du dessin des cavernes, aux poses
photographiques de l’homme, ou aux images de l’homme traversant une rue figurées sur
les panneaux de circulation routières, ou à l’image représentative de l’homme (et de la
femme) fixée sur les portes des toilettes, ou encore aux images et représentations de
l’homme que les lecteurs d’une œuvre écrite gardent en mémoire à la suite d’une lecture
d’un roman ou d’un récit, etc., des mots de description, et aussi des questions et
46
d’interrogations. Pourtant, le beau ou le parfait est là, dans la théorie de ces
représentations. L’esthétique nous assure qu’il est une réalité, sinon notre système de
connaissance s’écroule. Pourtant, malgré l’assurance de la science, le doute ou l’angoisse
persiste ; quelque chose nous dérange ; la solution apportée par l’esthétique n’a pas apaisé
nos besoins de comprendre, la solution apportée par l’esthétique ne nous a pas délivrés de
notre angoisse. Dans un contexte existentiel du philosophe Søren KIERKEGAARD20
(1813 – 1855), il nous faut remettre en cause ce qui a été vanté par le discours sur
l’esthétique. Nous constatons alors que l’esthétique n’ayant pas encore vu le « vrai » et le
réel, s’est contenté de porter un jugement sur seulement le profil et l’esquisse. Les modèles
et les représentations ne sont que des esquisses de la réalité, pourtant ils attirent déjà la
pensée humaine. Quel est le contenu de cette esquisse et de profil ? Tel est l’objet du
second chapitre de notre thèse.
20 Søren KIERKEGAARD est un philosophe danois né en 1813 et mort 1955. Il a exposé des idées sur l’existence et l’obligation humaine.
47
Chapitre I : DES REFLEXIONS EMPRUNTEES
POUR LA CONSTRUCTION DE LA
REPRESENTATION DE L’HOMME ET DES
CONSEQUENCES DE CELLECI
PROLEGOMENES Les prolégomènes suivants s’imposent pour parler d’un sujet ignoré de la science
économique et qui, pourtant, est présent dans chaque formulation théorique.
PRESENTATION SOMMAIRE DU THEME DE L’HOMME
La représentation de l’homme sous une forme ou une autre est un bien qui, par le
fait qu’il est produit dans toutes les communautés du monde, indépendamment du temps,
est utile car répondant à un besoin de l’homme. LEVI-BRUHL, un ethnologue français
constate que les communautés primitives ont une représentation de l’univers ; et dans les
communautés modernes, les caméras et appareils photos, les artistes s’efforcent de capturer
le monde ou un pan de la représentation du monde. La construction de la représentation
de « l »’homme, ou en termes économiques, la production du thème de l’homme est une
énigme de la science économique. Le thème de l’homme n’est pas une marchandise
ordinaire car, si par définition, une marchandise est un bien ou un service utile et
échangeable entre des agents opérant sous un même marché, le thème de l’homme qui fait
déjà l’objet d’un offre et de demande ne s’achète pas et ne se vend pas, et pourtant, il a une
valeur marchande. Son prix est le produit matériel ou immatériel qu’on n’a pas produit
pour le produire ou pour le consommer ; c’est-à-dire la valeur de la désutilité des autres
produit. Un individu qui a interrompu momentanément une activité productrice de revenu
pour réfléchir sur un sujet du thème de « l »’homme a produit et consommé du thème de
l’homme d’une valeur du revenu qu’il n’a pas voulu délibérément percevoir.
Cela s’explique par la nature du thème de l’homme : le thème de « l »’homme est
un sujet inachevé de discussion sur la vie ; c’est un une marchandise inachevée, et pourtant
consommable par la production. La participation à une conversation, échange ou
48
discussion sur le thème de l’homme est à la fois un acte de production et de consommation
de thème de l’homme. Le thème de l’homme n’est pas en apparence un bien rare, puisqu’il
se produit et se consomme librement. Mais ces actes de production et de consommation
n’ont pas apporté une satisfaction, une extinction d’un besoin, au contraire, la production et
la consommation d’une discussion sur le sujet de l’homme ou de la vie provoque d’autres
productions et une plus grande demande de discussion sur le sujet en question. Dans ce
sens, la rareté du thème de l’homme persiste et ne cesse d’augmenter. La question est
comparable à la vision malthusienne de la nourriture : plus on en produit, plus la demande
est grande. Le thème de l’homme est donc un sujet économique comparable à celle de la
nourriture.
C’est la communauté locale ou l’homme dans sa dimension globale qui produit et
consomme le thème en question, alors que la marchandise usuelle étudiée par l’économie
actuelle est produite et consommée par l’homme dans sa dimension familiale ou
entrepreneuriale. Sa production et sa consommation ne sont pas une création ou de
destruction d’un objet matériel, mais de thème de communication, de relation, voire
d’organisation. Elles ne sont donc pas morcelables, mais localisables dans un espace
composés d’éléments limitées et hiérarchisés, notamment de termes de « conscience et
prise de conscience collective de risque », « prise de décisions », « enrichissement et
accumulation de richesse », « dimensions de l’homme », etc. bref des éléments en
construction qui, pour le moment, ne sont pas mesurables ou quantifiables.
Le thème de « l »’homme peut être assimilé à un bien collectif, c’est-à-dire un objet
qui ne se détruit pas par la consommation par plusieurs agents. Au contraire, sa valeur
augmente par la consommation, et inversement, elle diminue de valeur par son … stockage
(car le fait de fermer un débat revient à mettre en dépôt un thème et ses concepts associés).
Il n’est donc pas un bien collectif dans le sens où ce bien est défini en termes de
consommation ; il est plutôt un « capital collectif », un bien collectif qui augmente en
valeur par l’usage.
Le thème de l’homme peut aussi être assimilé à un club où ce qui l’utilise en profite
le plus. Il y a un gain provenant de l’usage du thème qui est partagé entre les participants.
Plus les participants sont nombreux, plus les gains sont importants. Conséquence, une sorte
d’invitation silencieuse s’installe de façon spontanée entre les groupes d’individus de tous
bords pour exploiter le thème. Cette situation entraîne des compétitions des thèmes et des
49
sujets de conversation : exemple entre les sujets sportifs ou d’actualités politique, ou
encore du potin de la ville. Le thème de l’homme hante les différents cercles de discussion.
Comment se produit le thème de l’homme ? Comment et pourquoi le thème de l’homme
parvient-il à atteindre la dimension humaine ? Telles sont les questions soulevés dans ce
chapitre.
POSITIONS THEORICO-ECONOMIQUES SOMMAIRES DE LA QUESTION DE LA PRODUCTION DU THEME DE « L »’HOMME.
Deux théories dominent le thème de la production en économie du thème de
l’homme : pour les classiques, la production se réalise par la mise en œuvre des facteurs de
production que sont le travail, le capital et la nature ; alors que pour Joseph Aloïs
SCHUMPETER, elle dépend de l’innovation. La production est l’œuvre des entrepreneurs.
Dans le sens de l’analyse classique, donc, le thème de l’homme est produit par le
travail des artistes et des écrivains, des orateurs, des participants à un débat ou à des
discussions, des organisateurs directs ou non des spectacles et débats, des philosophes, des
publicistes ou encore, d’une simple réflexion silencieuse. La production du thème de
l’homme est un phénomène humain universel ; elle ne dépend pas de la culture ni de
savoir-faire particulier. La production du thème de l’homme peut être classée en deux
modes selon leur place dans la division sociale de travail : la production non marchande et
la production marchande. Le premier type de production n’est pas destiné pour le marché,
ni pour être échangé contre un bien matériel (exemples : monnaie, biens et services
matériels) ou immatériel (renommé et gloire) ; elle est silencieuse (réflexion, pensée) ou
transmise sans contrepartie à d’autres personnes ; alors que le deuxième type de production
du thème de « l »’homme est social et marchand (exemples : les livres traitant la vie, la
sagesse, les conférences payantes de tous types, les tableaux artistiques, les spectacles,
etc.). Le premier type de production du thème de l’homme, ce sont des productions des
produits intellectuels en rapport, non pas avec la technologie qui génère une production
matérielle marchande, mais avec la sagesse : la philosophie, les conseils sincères et
gratuites, les réflexions et introspections que la science économique néoclassique considère
comme un instrument de production de la pensée économique.
Pour SCHUMPETER, le thème de l’homme est le produit de l’innovation : dans un
temps, le thème de l’homme a été « inventé » par un innovateur, pour améliorer un thème
existant. Le thème de l’homme devrait améliorer le thème préalable en termes de
satisfaction à la consommation et d’efficacité en cas de facteur. La théorie de
50
SCHUMPETER renvoie alors la question au problème d’histoire des thèmes ou plus
précisément des problématiques préoccupant les communautés humaines. Karl MARX
considère que ces problématiques sont objectives et découlent d’une même source : le
développement des forces productives. Le thème particulier de l’homme, dans la
philosophie matérialiste de MARX se développe à l’ombre de l’évolution des sciences,
plus particulièrement de la science de la nature.
En outre, le thème de l’homme n’est un facteur efficace de la production que dans
la mesure où il participe à la variation de la quantité de production. Il ne participe pas
directement, certes à la production, car il n’est pas un travail, mais il conditionne les
modalités de l’investissement et de l’imagination productive. Le thème de l’homme est
fortement modelé par la religion, or les doctrines religieuses déterminent le comportement
à l’investissement – du moins d’après Max WEBER.
La littérature économique abonde dans le sens de production des marchandises et
traite peu le thème de la production non marchande. Cela s’explique parce que l’intuition
et les actions non rationnelles n’ont pas de place dans la pensée économique actuelle. En
outre, les économistes néoclassiques estiment que la production du thème de l’homme
répond à une pression de marché : il y a un prix sur les sujets portant sur l’homme
stimulant la production de ce thème. Les crises politico-économiques, par exemple,
produisent des réflexions sur le sens de la vie, sur le sens de la souffrance et vers d’autres
valeurs morales. L’homme se retranche dans la spiritualité lorsque la crise semble être sans
issue ; il accepte n’importe quelle souffrance (les « jeûnes », les ennuis des longues
séances de prière et de divagations d’un prosélyte illuminé etc.). Ici, la demande crée
l’offre par une surenchère de prix. Il suffit donc d’un changement dans les déterminants de
l’offre ou de la demande de thème de l’homme pour que ce dernier apparaisse ou
disparaisse de la société. Les crises identitaires d’une Nation ou d’un groupe de métier
semblent aussi donner raison à cette approche : l’innovation dans une branche de métiers
ou d’activités provoque des mouvements collectifs et surtout des discours spontanés.
La doctrine économique n’est pas seulement une croyance indiscutable sur la
supériorité d’une institution (en l’occurrence le marché ou l’État) pour former un débat sur
le libéralisme – socialisme, mais aussi sur les méthodes et le raisonnement. La plupart des
économistes ont préféré la démonstration quantitatives des faits (confiance absolue aux
données statistiques) et la localisation de ces faits dans la chaîne de relations causales
51
(présomption de cause pour les faits précédant un autre). Les recherches empiriques ont
été donc plus ou moins délaissées par la science économique qui est sur le point de se
contenter de ses acquis théoriques.
DIVERSES THEORIES DE LA QUESTION DE LA REPRESENTATION DE L’HOMME.
Les considérations théorico-économiques ci-dessus permettent de rapprocher le
thème de la représentation de l’homme à des disciplines académiques apparemment plus
appropriées selon l’existence d’un précédent dans le traitement de la question. La
production non marchande a été traitée par Marcel MAUSS dans son « l’échange et le
don », alors que le thème proprement dit de « l »’homme est beaucoup plus proche de la
psychologie et de la philosophie. Sa démarche s’appuie sur l’introspection du narrateur en
pensant que ce qui se passe dans son for intérieur n’est pas particulier et est objectif,
dénotant la nature humaine. Le mot « introspection » lui-même puise son origine dans la
littérature romaine.
Mais nos réflexions se portent sur la production non marchande du thème de
l’homme car nous voulons étudier – c’est-à-dire voir ce que produit et ce que consomme –
« l »’homme par lui-même et non un homme par le biais de l’interface sociale ; nous
voulons saisir « l »’homme et non pas l’humanité ni « les » hommes, car l’échange
marchande ne figure que pour peu par rapport à la production non marchande dans la vie
de l’ensemble des hommes. Il y a plus d’activités qui échappent aux déterminations du
marché que des activités marchandes. En outre, nous voulons implicitement développer un
sujet sur l’efficacité de l’introspection, car celle-ci est le facteur utilisé pour produire le
thème de l’homme par l’homme pour la production du thème de l’homme et d’une façon
générale, pour produire lorsque les facteurs font défaut. Or l’introspection relève plutôt
d’une logique de discours sur la démarche et non pas d’une logique de la production,
même si elle désigne un retour en soi pour y puiser une force de croyance ou de conviction
forte.
Aussi, la construction de la représentation de l’homme par un artiste et la
confection de thème « l’homme » par un écrivain sont des curieuses activités
universellement humaines, à cause de l’audace de l’entreprise : artistes et écrivains sont
des êtres humains, pourtant ils produisent des propos sur l’homme comme s’ils n’étaient
pas eux-mêmes des humains. La reproduction en image ou en littérature de l’homme a-t-
elle satisfait la curiosité ou le désir de l’homme ? L’intrigue est d’autant plus grande étant
52
donné que l’acte lui-même est universel. On ne peut pas dire, par exemple, que la quête de
la représentation de l’homme qui, dans la classification des besoins de MASLOW, répond
à un besoin de réalisation personnelle qu’elle n’apparaît que dans les communautés
matériellement riches, protégées et socialement stables. Effectivement et pour confirmer
l’affirmation de MASLOW, les fouilles archéologiques des lieus de civilisation agricoles
de vallées naturellement riches de la Mésopotamie, ou encore celle de l’Egypte des
pharaons recèlent l’existence de temples et de statuettes et figurines représentant l’homme
et les habitants d’un monde non humain et même des tablettes de recueils de récits épiques
d’une tradition orale21, comme si ces temples, statuettes et récits déterminent la vie sociale
du pays. Mais ces objets preuves de la richesse se rencontrent également dans les régions
moins prospères. Là alors, les explications habituelles nous disent que la pauvreté pousse
le peuple à la pratique intense de la religion.
Mais à l’opposé, dans les civilisations des lieux hostiles, comme les habitants
nomades des forêts tropicales (à l’exemple de Pygmées, ou des Bushman dans le désert de
bosquets de Kalahari), des déserts de neiges (à l’exemple des Inuits en Alaska) ou chez les
habitants des déserts de pierres (à l’exemple des Touaregs sahariens), la représentation de
l’homme est aussi présent sous forme d’objets matériels (talisman) décrivant ou
symbolisant l’homme, sinon sous forme de récits anthropomorphiques de l’homme. Dans
la succession des civilisations, si l’on suppose que l’art et la religion son l’apanage de la
civilisation industrielle marchande, car la représentation artistique y est florissante à cause
de son caractère marchand, mais des pays arriérés, ceux qu’on appelle le « quart monde »
sont, eux aussi, aujourd’hui des exportateur de prêtres et de missionnaires, pourtant leur
population d’origine sont matériellement pauvre.
Les propos du philosophe français Gilles DELEUZE interviewé sur le rapport entre
l’art et l’homme apporte une explication sommaire à ces questions : « l’œuvre d’art ne
contient strictement pas la moindre information. En revanche, il y a une affinité
fondamentale entre l’œuvre d’art et l’acte de résistance » (DELEUZE 17 mai 1987).
DELEUZE cependant n’a pas précisé l’objet de la résistance; autrement dit, la
représentation littéraire ou artistique de l’homme, dans la mesure où celle-ci est considérée
aussi comme un art, répond à un besoin humaine de résister. C’est pour cela peut-être que
21 Il s’agit du récit sumérien de GILGAMESH et du « Livre des Morts » égyptien
53
dans la bible, le dieu des Juifs interdit la représentation des objets célestes22. Lu avec le
sens du terme « resister » que lui accordent les écrivains romains, l’art et la représentation,
sont alors des façons pour l’homme de rester et de perséverer (PLAUTE23), de se remettre
sur ses pieds (CICERON24), de s’arrêter en se retounant, en faisant volte-face ( Tite
LIVE25) ou encore de se tenir à l’écart (VIRGILE26). (On note que ce dernier sens évoque
le concept de sainteté dans la philologie hébraïque27). Dans la littérature, l’homme se
présente relevé sur ses pieds, s’arrêtant et faisant volte-face vers celui qu’il a quitté, telle
est l’image de l’homme artiste que nous montre DELEUZE. Ce dernier note cependant que
toute représentation n’est pas une résistance, mais la resistance est dans une certaine
manière dans la représentation. Ce qui est très fort dans la philosophie de l’art de
DELEUZE est l’affirmation selon laquelle, premièrement, la représentation est une
résistance, et deuxièmement, la dualité de la facette de l’acte de la résistance : cette
dernière est à la fois l’acte humaine et l’acte de l’art. La phrase suivante de DELEUZE
résoud d’ailleurs la problématique biblique de l’homme par la résistance (en passant par le
thème de la représentation) : « Seule l’acte de résistance résiste à la mort, soit sous forme
d’une œuvre d’art, soit sous la forme de la lutte des hommes » (DELEUZE 17 mai 1987).
Pour DELEUZE, la représentation de l’homme par l’homme et les discours sur
l’homme répondent à des exigences vitales de l’homme, sinon à la nature désireuse de
l’homme. Ce n’est pas l’aspect esthétique ou artistique qui importe dans la représentation
de l’homme car entre les peuples, des contrastes de choix de thème sont inévitables, ne
serait-ce qu’à cause des matériaux physiques ou linguistiques utilisés pour la cause, mais
22 Le Dieu de la Bible, le créateur, celui qui a créé l’homme à son image, a, malgré tout, interdit à maintes reprises les Juifs de se représenter la nature : « Tu ne te feras aucune image taillée, rien qui ressemble à ce qui est dans les cieux, là-haut ou sur la terre, ici-bas ou dans les eaux, au dessous de la terre » (La Bible, l’Ancien Testament, Exode 20 : 4- ou encore , Deutéronome, 5 : 8 --). Ici, l’interdiction de se porte pas seulement sur la représentation du corps physique de l’homme et de la nature, mais aussi sur celle de ce que l’homme croit être des corps célestes. Chez les Juifs, l’activité artistique est donc l’apanage de Dieu. Les artistes et écrivains défient Dieu. L’adoption des idées de DELEUZE conduit à considérer cette interdiction comme une loi relevant de la théologie et non pas de l’ordre social. 23 Voir (QUICHERAT et DAVELUY 1922) 24 Ibidem. 25 Ibidem 26 Ibidem 27 L’expression « tenu à l’écart » ou l’équivalent du concept évoquant la sainteté en Hébreu est le mot « קךש » (« quodesh »). Exemple : Il dit : «N'approche pas d'ici, retire tes sandales de tes pieds car le lieu où tu te tiens est une terre sainte.» (Exode 3 : 5-). Ce mot traduit aussi la consécration dans « Consacre-moi tout premier-né, prémices du sein maternel, parmi les Israélites » (Exode 13 : 2-)
54
surtout à cause de la distance de l’artiste par rapport à la représentation (c’est de la
résistance dans le sens de VIRGILE), bref, l’élévation de l’homme au dessus de son état.
La question de la production artistique étant donné la pauvreté trouve également sa
justification par la satisfaction d’un besoin qui ne peut être satisfait par la matière elle-
même. Elle dénote l’existence de l’insatisfaction de l’homme devant le produit de la nature
que le dieu de la bible lui assigne comme bon à manger, en donnant du plaisir par la vue de
ces objets et par le goût de ces produits28. L’homme est un être insatisfait dans un monde
jugé par dieu comme satisfaisable. C’est ce caractère insatisfait de l’homme ou résistant à
toute satisfaction – en Malgache, on dit « tsy mety afa-po » ou « tsy mety mihonona » - et
qui est révélé par la représentation de l’homme qui est finalement l’intrigue de la question.
Ce n’est pas le produit ni le contenu progressive du contenu de la révélation qui est
étonnant, mais le lien entre les caractères de l’homme et la représentation de l’homme.
La représentation de l’homme est-elle donc un révélateur de l’homme et en même
temps de la richesse ? Les vraies natures de l’homme et de la richesse se satisfont-elles par
la représentation de l’homme ? Telles sont les questions issue de l’acceptation de l’idée de
DELEUZE.
Posée en termes économiques, la question se porte sur l’origine et sur la nature de
la valeur, en avançant la thèse selon quoi il y a une relation entre l’homme et la quantité de
valeur. En économie, la valeur est un rapport entre des quantités selon quoi, une valeur est
inversement élevée de la quantité. Elle est donc une représentation d’excédents : seuls les
objets de quantité élevée sont visibles et palpables et donc dépréciés. La théorie
économique est une philosophie qui déprécie les visibles et les tangibles. Les objets de
valeurs sont donc des objets rares, mais très utiles ; ils sont des objets physiquement
invisibles mais socialement flagrants. Or ces caractères sont aussi attribuables à la
représentation de l’homme : l’homme est physiquement invisible, mais toujours présent.
Elle est donc une valeur sociale. Plus la représentation de l’homme est produite et
concrétisée et figurée, plus la véritable représentation fuit et évanescente. La représentation
devient alors la richesse, l’objet le plus chère, car on sent qu’elle peut être faite, mais on
n’a pas pus la refaire jusqu’à présent.
28 Voir La Bible, L’Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 2, Verset 9
55
A LA RECHERCHE DU LIEU RHETORIQUE OU LE CHAMP D’ARGUMENTATION DU THEME DE L’HOMME
Où va-t-on produire ou trouver le thème de l’homme ? Comment peut-on identifier
ce thème ?
Ce type de questionnement est d’usage en économie. En effet, la science
économique s’est constituée des thèmes génériques et de construction logique avec
lesquels elle décrit et explique ses thèmes. Exemple, la science économique classique
associe le thème de production à celui des facteurs, des mesures de la quantité produite. En
ce qui concerne le thème de « l »’homme, le problème est que cette expression est à la fois
un produit et un facteur. Nous avons utilisé le mot « capital collectif » pour situer
conceptuellement la question par rapport aux concepts économiques usuels. Dans la
classification économique du terme, le thème de l’homme est donc à la fois un facteur et
un produit des facteurs ; l’expression est donc localisée dans deux références de la science
économique. Devant cette situation, nous proposons de remonter notre réflexion dans
l’épistémologie de l’économie, pour y voir l’histoire des concepts.
Pour répondre à ces questions, la tentation est grande de remonter le temps en vue
de découvrir le lieu théorique ou idéal où l’homme et l’art se joignent et où l’homme se
découvre par son art, la représentation. C’est un lieu, un champ d’argumentations ou un
lieu de rhétorique originel dans lequel le discours sur l’homme est intelligible. C’est un
lieu de narration, ou tout simplement de l’histoire. Mais l’histoire ne raconte pas encore le
thème de l’homme ; l’histoire de l’homme, est avant tout une interprétation des graphiques
laissés par l’homme des cavernes. L’histoire de l’homme est une histoire des outillages et
des objets et non de thème. Or, l’histoire de l’art ne concerne que les objets accompagnant
l’homme passé et redécouverts après une fouille archéologique ; elle est plutôt liée à
l’histoire de la région où les produits ont été découverts en non pas l’histoire du thème de
l’homme, ni tout simplement de l’histoire de la façon de relater l’homme.
Pour remonter l’histoire du thème de l’homme, on peut faire alors une investigation
dans l’évolution de la spéculation sur l’art et sur le langage. Les anthropologues ont
reconstruit les sociétés primitives à partir des vestiges d’objets et des préalables d’idées.
Puis, dans cette file d’idée, les Marxistes ont fait le chemin inverse en remontant l’histoire
de l’humanité à partir d’un fil d’idées composés de théories. C’est ainsi que se forme
d’abord un débat sur le rapport entre les objets et les idées, sur la matière et sur l’idée. Et
de nouveau, les anthropologues reviennent cette fois-ci avec des théories et des histoires
56
pour vérifier sur un espace délimité la validité de leurs instruments. Certaines
communautés échappent certes à leurs règles, mais une sorte de relations stables
s’installent entre l’objet et les idées. Des idées se précisent alors sur l’influence des
matières sur les idées sur l’homme ; mais l’homme apparaît en esquisse.
Dans cette série de va-et-vient des dialogues des chercheurs, il nous semble que ce
n’est plus le résultat de la recherche sur l’homme qui importe car l’homme sera toujours
une esquisse dans la narration des chercheurs. Ce qui importe c’est, finalement, l’évolution
de la représentation de l’homme dans la pensée des chercheurs, et par extension, dans la
pensée des narrateurs. Au début, dans un hypothétique archétype de la narration, le premier
narrateur n’avait que ses souvenirs comme objet à narrer. Les scientifiques actuels se sont
dotés des travaux des autres plus leur propre réflexion à raconter. C’est dans ce chemin
inachevé de narrations que l’esquisse de l’homme se forme.
Les questions de « où va-t-on produire ou chercher le thème de l’homme ? » et de
« comment peut-on identifier ce thème ?» peuvent aussi être répondues par l’étude de la
voie des chercheurs et des narrateurs vers la recherche de l’homme. Ces chercheurs et
narrateurs n’ont pas encore acquis la connaissance totale ou parfaite de l’homme, mais ils
sont avancés dans la représentation de l’homme ; au moins, ils savent comment le thème de
l’homme a été mise en œuvre.
Des chercheurs particuliers se sont arrêtés dans leur démarche et ont écrit des sujets
précis sur l’homme historique (LEVY-BRUHL29) sur « l’homme primitif » en observant
la relation de l’homme avec la nature en insistant sur l’orientation de la mentalité avec leur
connaissance de la nature (LEVY-BRUHL, La mythologie primitive 1935). L’intérêt des
travaux de LEVY-BRUHL se porte sur le fait que les peuples qu’il a étudié (les
Australiens et les Papous) conçoivent leurs existences sans se référer à de divinités ; ils ne
définissent même pas leur existence à partir d’une divinité commune ni par la culte d’une
divinité reconnue. LEVY-BRUHL va alors, en décrivant la pratique de ce peuple, exposer
une théorie de « l »’homme sans la mythologie avec un a-priori différent des réflexions
axées sur la mythologie égyptienne et judéo-gréco-romaine. Dans ces sociétés, la narration
du thème de l’homme, appartient à des personnes initiées, des narrateurs, qui font leur
explication sans se référer à des forces des dieux. Le développement du thème de l’homme
29 Voir LEVY-BRUHL, L'âme primitive 1927 et « La Mythologie primitive » (1935)
57
se fait avec des éléments connus des hommes. Ces sociétés sont les types de sociétés que
nous étudions.
Dans ces types de sociétés, les narrateurs ne sont pas uniques, et leur récits peuvent
être nuancés ; des versions différents d’un même thème d’un récit existent, mais cela ne
dérangent ni les narrateurs, ni les auditeurs. Ces types de cultures se rencontrent partout
dans le monde : aux îles Andaman à l’Est de l’Inde, à l’île Dobu en Nouvelle-Guinée
anglaise, chez les Eskimos en Alaska, etc., les auditeurs sont moins préoccupés par les
nuances. Des enquêtes cliniques sur terrain révèlent le comportement particulier des
auditeurs : les auditeurs ne semblent pas réaliser les contradictions des récits, et même si
quelques uns en prennent conscience, ils essaient de les justifier30.
Le vécu et la vie des thèmes de représentation de l’homme montrent à la fois la
représentation de l’imaginaire collectif et le pouvoir détenu par l’homme et qui est caché
en lui, mais qui lui est difficile à manifester. Tel est d’ailleurs le constat de l’anthropologue
LEVY-BRUHL31. D’où le rôle particulier de l’artiste de toutes les communautés et de
toutes les générations : « Chez eux, comme chez nous, l'artiste est celui qui sait exprimer
excellemment ce que tous sentent et voient d'une façon plus imparfaite ». Les produits
artistiques, affirme encore LEVY-BRUHL dénotent non seulement une représentation du
monde telle que la conçoit l’imaginaire collectif, mais aussi la force qu’on croit porteur de
richesse et de pouvoir (LEVY-BRUHL 1927, page 34). Or le besoin indique la
particularité de l’homme, et de ce fait, le bien avec lequel l’homme satisfait son besoin est
un révélateur de cette particularité humaine. La recherche de la représentation de soi est
donc aussi une activité de recherche de la satisfaction de besoin.
D’autres réflexions répondent à la question de « comment l’homme peut-il
découvrir son propre caractère alors qu’il ne s’était pas créé lui-même ? » par la conscience
d’un phénomène typiquement humain : de la conscience de l’imminence de la mort par
30 RASMUSSEN, un voyageur qui a vécu chez les Eskimos et qui a pu interroger une femme eskimo a obtenu la réponse suivante : les récits ne visent pas à résoudre un problème, mais seulement à reproduire une narration avec les mêmes émotions, car la résolution d’un problème ne mène pas à celle des autres (LEVY-BRUHL, La mythologie primitive. Le monde mythique des Australiens et des Papous 1935). 31 Ce dernier ayant étudié l’art des peuples primitifs réalise que l’art des peuples primitifs contraste avec celui des pays occidentaux, par leur aspect monstrueux. Il affirme que les êtres monstrueux, soient-ils, sont pour les peuples primitifs, des objets familiers et ordinaires véhiculant « de la façon la plus directe la participation d'un être à deux natures, ou plutôt à deux formes, c'est-à-dire le fait qu'elles lui appartiennent toutes deux en même temps … En unissant un corps d'homme à la tête, ou aux pattes et à la queue d'un crocodile, un corps de lion à une tête humaine, elle actualise simplement la coexistence des deux formes ». (LEVY-BRUHL 1927, page 34)
58
exemple pour FREUD ou, selon DELEUZE par les effets de la présence des évènements
sur le corps humain (DELEUZE, Logique du sens s.d.). D’après DELEUZE, en effet,
chaque évènement produit une sorte de son :
« [L’évènement] ne parle pas plus qu’on en parle ou qu’on ne le dit, Et pourtant il
appartient tellement au langage, il le hante si bien qu’il n’existe pas hors des propositions
qui l’expriment » affirme DEULEZE dans la « Logique du sens » (DELEUZE, Logique du
sens s.d.).
C’est l’évènement qui exerce une pression sur l’homme que ce dernier ne peut que
s’exprimer. Le thème de l’homme, dans ce sens, provient de la pression exercée par
l’existence sur le corps de l’homme. A travers d’autres articles, DELEUZE précise sa
pensée : La mise en mots de l’évènement est une activité philosophique (DELEUZE,
Qu'est-ce que l'acte de création 17 mai 1987). La production des concepts est l’activité des
philosophes, mais cette activité est conditionnée par la nécessité. On déduit alors que chez
DELEUZE, l’homme qui sent l’évènement de l’homme forme le thème de l’homme.
Pour FREUD par exemple, l’homme est animé par un besoin affectif alors que pour
DELEUZE par le désir. La psychanalyse a le mérite d’exposer le thème de la vie avec la
mort, en passant par la représentation du Démon. Elle montre que la conscience de
l’imminence de la mort affecte la vie pratique humaine sous forme d’hostilité contre le
Démon devenu comme le plus représentatif de la mort.
Dans le monde de la science économique, de leurs ouvrages littéraires, dans leur
façon de décrire l’économique, la représentation de l’homme existe aussi. Adam SMITH
représente l’homme, comme un « travail » ou de la « force de travail », sinon comme un
« offreur » ou un « demandeur ». L’image de l’homme véhiculée par Robert MALTHUS
selon laquelle l’homme est « un appareil sexuel » couplé de « tube digestif » est aussi une
représentation narrative de l’homme. La représentation de l’homme, en économie, est faite
sous les termes de « variable de comportement dans les modèles économiques ».
Ainsi, la conceptualisation ou la représentation ne désigne que l’image de l’homme.
En réalité, l’homme ne se juge donc pas lui-même, mais il se juge par son image qu’il a
créée ; il n’a pas découvert son essence, mais seulement son reflet qu’il critique ou qu’il
idéalise. L’éthique est la réponse de l’homme dans la question de l’auto-découverte de lui-
même. L’éthique lui sert à la fois de règle de conduite et d’idéal.
59
L’idéalisation de l’homme montre un caractère important de l’homme : la dualité.
Le thème de l’homme n’existe que par le constat de l’existence de deux ou de plusieurs
sujets contradictoires ou non dans le thème de l’homme. L’homme est le bien et le faible,
le mortel et l’immortel, etc. Aussi, pour saisir le thème de l’homme, il faut le placer dans
un autre contexte (conformément à la démarche deleuzienne de « l’éternel retour » du
sujet), celui de la recherche non pas de la source d’inspiration mais du contenu, nous nous
posons alors le problème : comment se forme l’éthique ou la représentation idéal de
l’homme ?
INTRODUCTION LES PROBLEMES DU THEME DE L’HOMME : L’EXISTENCE DE PLUSIEURS MOTS DESIGNANT LE MOT « HOMME » DANS CHAQUE LANGUE, LA DIVERGENCE DE LEURS CONNOTES ET L’ABSENCE DE RECHERCHE SPECIFIQUE SUR LE THEME DE L’HOMME
Le thème de l’homme est un sujet complexe relevant à la fois de l’étude de
l’ensemble des langues humaines (et donc de la culture), de celle de la connaissance et du
savoir, par le biais de l’étude de la philosophie, et de celle des objets (dont le thème de
l’homme fait partie). Dans la chronologie de l’histoire des disciplines académiques, le
thème de l’homme n’apparaît qu’après le développement de la philosophie, de la
linguistique et de l’anthropologie, c’est-à-dire vers les deux ou trois derniers siècles ; plus
précisément, vers la promulgation des premiers Chartres du droit de l’homme.
En observant ce qui se dit déjà dans les communautés humaines à propos de
l’homme, cependant, on constate que le thème de l’homme était déjà présent chez les
hommes de caverne, où le thème se relatait sous forme de traits et dessins esquissant
l’homme, ou encore sous forme d’objets de sculptures évoquant les formes proéminentes
de l’homme. Si ces figures ont été représentées autrement, et que ces autrement figures
sont identifiées comme étant celui de l’homme, alors certainement, notre façon actuelle de
voir l’homme aurait changé. Mais il nous semble que la façon actuelle dont nous nous
représentons l’homme est inévitable, et identique dans le monde que, force est d’admettre
que la représentation historique est un phénomène objectif qui ne change que par les
moyens utilisé pour la réaliser. C’est cette représentation hors de l’histoire et des
déterminants artistiques et culturels que nous voulons traiter.
60
L’étude d’une langue est une source d’informations importantes pour connaître ce
que l’homme peut prendre conscience de la nature et d’un sujet de réflexion. Le thème de
l’homme est observable par une étude directe de la langue, notamment les objets que les
langues ont donné une dénomination et les différentes nuances de description d’un
phénomène anthropologique. Quelques thèmes ont été largement développés par
l’anthropologie. Un des résultats concrets à ce propos est l’approche comparative des
langues en fonction d’un thème précis : le nombre des vocabulaires désignant les couleurs,
ou les liens de parenté par exemples. Nous utiliserons aussi cette démarche pour cerner le
sens général de certains concepts universellement utilisés, mais dont le sens, en réalité,
n’est pas précis. Parmi ces concepts, les mots « richesse »et « homme » figurent dans notre
champ d’étude. Une observation du mot « homme » dans des dictionnaires français-anglais
et français-arabes, par exemple, fait apparaître des sujets différents de l’homme selon en
apparence les langages mais dans le fond, c’est la culture qui a permis qu’il soit ainsi.
En Arabe et probablement dans les langues sémitiques, l’homme se traduit
respectivement par les termes « insa » (en Arabe « utilisé dans «איש » ,et en Hébreu 32«ٳ
le sens de « les » hommes, humaniste), « rajul » (« رجل» équivalent du « אדם » « adam »
hébraïque du Genèse, chapitre 3 verset 6) signifiant « l »’homme, « mar’a » (« مَرْء» »)
utilisé dans un sens proche de la virilité, « mâle », « فتّى» (« fatta » ») désignant un garçon,
un jeune homme. Puis, si le raisonnement se prolonge, on découvre que certains concepts
ne désignent plus spécifiquement l’homme, mais sa fonction et sa position sociale : en
Arabe, toujours, l’homme savant, entendu comme versé dans la vérité est dénommé
« fiq’ » (« فِقْة»), alors que l’homme de main est nommé par « mourtaziq’ » («مُرْْتّزََ ق»).
Les observations peuvent être étendues au niveau de la formation de chaque mot et
de chaque langue. En ce qui concerne les mots français, par exemple, un dictionnaire
étymologique des mots français ou plus directement un dictionnaire français-latin et
éventuellement un dictionnaire latin-grec ou un dictionnaire français-latin avec annotation
sur les mots d’origine grec peuvent nous plonger dans la civilisation chez qui s’est formée
la culture linguistique français ; ils nous rendent compte de l’imagerie des mots français.
32 Voir Daniel REIG, 1983, « As sabil. Dictionnaire Français-Arabe, Arabe-Français », Larousse (REIG 1983)
61
Nous avons aussi donc compulsé des dictionnaires et des textes de langues
différentes pour se faire une idée de ce qui se construit et de ce qui se dit sur le thème de
« l »’homme.
Ne serait-ce que par la diversité linguistique de la dénomination du mot « homme »,
le thème « homme » est l’objet de traitements et de considérations différentes. Pourquoi les
Arabes ont-ils besoin d’un concept supplémentaire pour distinguer l’homme, le jeune
homme, l’homme du mariage (l’époux), le viril, etc., alors que dans d’autres langues,
comme l’Hébreu (biblique) et le Malgache, par exemples, n’ont que trois ou quatre mots
(l’homme, le jeune homme (le « tovo » (lahy) malgache)
Des connaissances de l’histoire et des lois de l’évolution des vocabulaires et plus
particulièrement celles des sens des mots rémanents des langages de l’homme sont
nécessaires pour y trouver le contexte et l’objet ou le phénomène qui a provoqué la
création du nouveau terme. Cela se fait d’abord par une recherche d’information sur le
thème de l’homme dans par l’exploitation de l’histoire de l’évolution des grands groupes
de langages en tenant en considération également des influences entre les langues. Cette
démarche semble aujourd’hui être hors de la démarche usuelle d’un économiste, mais elle
se justifie dans un contexte de construction ou de la reconstruction de la science
économique. Adam SMITH, d’ailleurs, s’en est servie : Dans une de ses œuvres moins
reconnues intitulées « Considérations sur l’origine et la formation des langues » et dans son
« Histoire générale de la civilisation », les travaux littéraires d’Adam SMITH préparaient
carrément son œuvre sur la richesse des Nations. Seulement, la plupart de ses manuscrits
ont été détruite (DELATOUR 1886, page 94). Dans ces Considérations sur l’origine et la
formation des langues, Adam SMITH ouvrait déjà un thème important sur l’homme : la
disposition naturelle de l’intelligence à se conformer à une logique de la langage. Cette
idée de disposition logique sera ensuite reprises par SMITH pour développer un sujet sur la
disposition à la raison. L’étude de la langue humaine a aussi permis à SMITH d’avancer
l’idée de l’existence universelle de certains phénomènes. La conscience de soi, « je suis »
et « j’ai », par exemples, sont des concepts qui existent dans toutes les langues ; elle
désigne non pas un évènement particulier, mais une existence en général (DELATOUR
1886, page 97).
On note que l’évolution de la langue peut aller vers la formation de nouvelles
langues ou par la disparition de certains langages. Dans le monde, selon les linguistiques, il
62
y a 5.000 langues parlées, dont 25 environs disparaissent chaque année. Ce phénomène,
selon le linguiste français Claude HAGEGE, concerne les langues indonésiennes, néo-
guinéennes et africaines (plus de la moitié des 860 langues de Papouasie-Nouvelle-Guinée
sont en voie d’extinction, la moitié des 600 langues indonésiennes est moribonde), mais il
concerne aussi les autres langues de la planète, menacées par l’anglo-américain (HAGEGE
2010). Ces évolutions n’ont du mal que la perte d’informations sur les moyens dont, par
exemple certains langages « à classe » c’est-à-dire ceux qui saisissent et structurent les
objets selon les catégories « long », « rond », « comestible », etc. ordonnent l’univers et
rangent les animaux. Dans notre circonstance, la disparition d’un langage entraîne une
perte d’informations sur le thème originel de l’homme.
Mais la disparition des langages n’est pas totalement négative. En effet, une sorte
de concentration universelle de langages se forme : les langages disparaissent sous
l’absorption des langages de référence (par exemple l’Arabe domine le monde musulman)
ou encore par la domination des médias entraînant une sorte d’unification de la vision du
monde à l’échelle humanitaire. Aussi sommes-nous tentés d’exploiter cette convergence
des langues parlées des hommes pour se demander si il y a aussi une convergence
progressive de la représentation de l’homme. Le lieu de rhétorique est dans la convergence
des langues, mais le problème reste : la représentation de l’homme dans une situation de
convergence de la culture.
En outre, le thème de l’homme ne fait pas l’objet de recherche spécifique auprès
des linguistiques, car l’homme est plutôt considéré comme un sujet et non comme un objet.
En fait, la linguistique se préoccupe du mécanisme du langage et non du contenu, alors que
les littéraires retracent la façon dont une idée est dite. Ce qui se dit universellement de
l’homme n’ont pas retenu l’attention de la science humaine. La raison est que l’homme est
considéré comme un sujet particulier, producteur d’évènements tragiques et non pas
d’évènements répétitifs. Aussi, la narration sur l’homme ne décrit-elle pas vraiment une
réalité partagée avec d’autres hommes, mais une répétition de faits expliquant surtout la
nature de l’homme. Or jusqu’à présent, malgré l’augmentation en nombre de la production
littéraire, le thème de l’homme reste encore inachevé et loin d’être achevé.
A LA RECHERCHE D’UNE SOLUTION : EN POSANT L’HOMME COMME UN ETRE DUAL, QUI PREND CONSCIENCE DE LUI PAR LUI-MEME
Dans ce chapitre, nous négligeons la diversité linguistique pour plonger nos
réflexions sur l’entreprise humaine consistant à la recherche et à la sélection des thèmes
63
susceptibles de participer à la construction de la représentation permanente et régulière de
l’homme. Dans cette conception alors, nous sommes devant une image de l’homme
différente de celle préconisée par l’économie : l’homme n’est plus un être à la recherche de
plus de richesse, ou encore un être à la recherche de biens pour satisfaire un besoin, mais
de l’homme à la recherche de sa représentation, comme si celle-ci est aussi un bien
satisfaisant un besoin ou encore et tout simplement une richesse. La richesse n’est plus une
question de biens matériels morcelables et, en conséquence, quantifiables, mais un bien qui
satisfait un besoin humain. Comment, en effet, peut-on qualifier un homme ou un pays
d’être « riche » alors que l’homme en question ou la population du pays en question sont
taraudés par des besoins dont leur prétendue richesse n’a pas apaisés ?
Ce choix se justifie par l’universalité de la situation : en tout temps et en tout lieu,
toutes les communautés humaines semblent être captivées par la recherche de valeurs
morales et esthétiques. Dans leurs activités religieuses, dans leurs activités de production,
dans leurs activités sociales aussi bien que dans les activités intimes de la consommation,
une certaine façon de faire et d’être s’impose. Les mots ont mis en relief cette façon
d’être : la religion évoque des thèmes de liens avec l’au-delà ou avec un monde abstrait et
non tangible. Ce n’est pas la pratique ou non qui importe, mais le contenu même du
concept et les effets qu’il produit sur l’homme. De même, dans la production, la science de
la gestion a montré l’importance de la satisfaction des travailleurs durant l’activité de
production dans la motivation de travail, comme si la production est aussi un acte de
consommation. Plus concrètement, ce n’est pas la rémunération seulement qui détermine la
production sociale, car de plus en plus d’individus acceptent de travailler bénévolement.
Dans la comptabilité nationale française, le secteur institutionnel « Institutions sans buts
lucratifs » regroupent les activités où les travailleurs se font rémunérés plus par autre chose
que le salaire ; Aux États-Unis, ce secteur est dénommé « Non Profit Sector ». En France,
on dénombre 13 millions de bénévoles travaillant dans des organisations, mais on n’a pas
pu dénombrer le nombre de bénévoles exerçant de façon indépendante33. Dans ces activités
quoique de dimension individuelle, l’individu ne semble agir que par un motif en rapport
sur lui-même.
En substituant le thème de l’homme à la recherche de bien par le thème de l’homme
à la recherche de ce qu’il est, et cela, à travers ce qu’il désire et ce qu’il se représente lui-
33 Voir Lionel PROUTEAU, Charles-François WOLFF, « Estimer le travail bénévole », in Problèmes économiques n°2888 du 7 décembre 2005 (PROUTEAU et WOLFF 2005)
64
même, nous parvenons à un autre paradigme de l’économie sans pour autant nous exclure
de cette discipline. Ce paradigme consiste à exclure l’image de l’homme du cadre de
groupe ou de la société que la science économique classique lui a imposé. Dans la société,
en effet, l’homme est flou ; l’observateur ne discerne que les particularités des groupes et
non pas « l »’homme lui-même. Ce paradigme dégage aussi l’homme des institutions qui
modélisent en avance ses comportements, et donc tout ce qui se sait sur l’homme.
L’homme n’est pas celui qui est décrit par HEGEL, un être qui est satisfait de vivre dans
un Etat idéal. Peut-être que cet État existe déjà et que l’homme y est déjà, mais force est de
constater que la nature jamais satisfait de l’homme lui empêche de réaliser son état. D’où
découle un axiome : l’homme est un être dual ; il est composé de deux éléments
intellectuellement saisissable. Il est aberrant en effet de considérer l’homme comme un être
formé d’une entité indivisible et intellectuellement saisissable. Si l’homme est ainsi fait,
alors l’homme est à la fois un sujet-objet, un être qui se connaît lui-même, mais qui a
besoin d’apprendre lui-même (processus de transformation de l’homme en objet) non pas
pour se connaître, mais pour prouver sa connaissance. En outre, dans cette hypothèse
farfelue de l’homme composé d’une entité indivisible et intellectuellement saisissable, le
déroulement dans le temps de la science et de l’acquisition de la connaissance n’a plus de
sens. Jusqu’à présent donc, l’évidence nous oblige à reconnaître que l’homme n’est que de
la potentialité ; sa connaissance et sa science sont composées de parties connues et de
parties inconnues, de science et de non science, et même son être est fait de quelque chose
de stable pour que l’homme puisse affirmer une vérité et quelque chose d’instable
obligeant l’homme de retirer toute certitude. L’homme est de toute évidence un être dual
ou pluriel.
Ce choix ou cette vision de l’homme s’impose en évidence, à cause du caractère
manifestement dual de ce qui est convenu d’être nommé par le mot « homme » : d’une
part, l’apparence ou le sensible (le corps et l’art, la parure) et le profond ou l’intime (la
pensée, l’âme et ses connotés, la vie, l’objectif vital et tous les fatras conceptuels qui leur
sont associés), l’homme proprement dit et la femme, et d’autre part le consommé et le
possédé, c’est-à-dire les objets avec lesquels l’homme manifeste son existence. Ces deux
dimensions ne sont pas le produit de la spéculation des chercheurs ; elles n’existent que par
la pensée ou le sens de tout un être humain. Nous démontrons alors que le thème de
l’homme se forme à partir d’une hypothèse de conception duale de l’homme.
65
DEMARCHE
Le domaine de notre recherche se porte sur la quête des éléments sensibles et
intimes avec lesquels l’existence de « l »’homme est intellectuellement perceptible. Ces
éléments sont de la représentation de l’homme. Notre hypothèse de travail se déduit de
cette dernière : le besoin humain n’est pas seulement matériel mais aussi immatériel
relevant du sensible ; le concept de besoin relève de deux mouvements opposés dont l’un
se dirige vers l’objet (mouvement d’acquisition-possession) et l’autre se dirige vers
l’intérieur, vers l’intimité de l’homme faisant de l’homme, un possédé-propriétaire.
La représentation de l’homme circule à travers tout ce qui est artificiel : dans leur
inspiration et dans leur action, dans leur idéal et dans leur critique. L’accent sera mis sur le
sens de ce qui a été fait en matière de moyens (matériels et immatériels) et de démarches
pour la recherche et de la représentation de l’homme, et non pas sur l’inventaire de ce qui a
été réalisé en la matière. De ce fait, ce chapitre est une quête de réflexions, et de sensations
et de sens menant vers la formulation des mots et des objets en rapport avec la
représentation de l’homme par lui-même, vers une recherche de matériaux conceptuels et
thématiques. Ce chapitre retrace la gestation d’un projet de concrétisation du thème de
l’homme. Son domaine est encore dans l’imaginaire. Sa conception nous est donnée d’un
extrait d’un poème du poète malgache RANDZA-ZANAMIHAOTRA disant
« Fony aho mbola nofy tao an-tsain’ny lehilahy,
Fony aho mbola rano tao ankibon’ny vehivavy
Dia reko sahady ny antsonao nitaona ahy …”
Littéralement :
« Quand je n’étais encore que rêve dans l’esprit de l’homme
Quand je n’étais que liquide dans le sein de la femme
Déjà, j’avais entendu ton appel m’invitant … »
Le thème de l’homme est le produit du « rêve » de l’homme, ou d’une façon plus
usuelle dans la littérature, le thème de l’homme est le produit de l’imaginaire de l’homme.
Il faut alors le concrétiser. Tel est le propos de la philosophie de DELEUZE à travers ses
concepts de l’éternel retour.
66
Dans notre démarche, donc, nous n’avons pas utilisé la façon habituelle des
sciences sociales en vue de quantifier les observations et qui consiste à faire des collectes
sur des faits et donnés concrets ou encore à recueillir des statistiques.
Ce programme de recherche est un des objets partiels de la philosophie
analytique34, mais, cette dernière s’est bornée aux mots et ses conditions, alors que d’autres
signes et symboles sont aussi utilisés par l’homme pour s’exprimer, ou pour exprimer leur
existence et leur essence et que ces autres signes et symboles orientent les activités
humaines ; eux aussi, ils demandent de sens. Ce chapitre est aussi un essai de lecture ou
d’interprétation de signaux émis par les êtres humains dans leur faire35.
Nous ne chercherons pas cependant le mot et le sens exacte, nous nous
contenterons de constater que telle ou telle réalité a été consignée par des mots ou par des
symboles représentatifs, parce qu’ils intéressent l’existence humaine – intérêts émotionnels
ou psychologiques, matériels ou autres, peu importe d’ailleurs, mais nous dirons que ces
intérêts sont existentiels. Mais il n’y a pas seulement que des mots pour matérialiser ce qui
a été utilisé dans la représentation humaine de lui-même. Des objets différents ont été
fabriqués dans toutes les communautés humaines : des mégalithes, des statuts, des objets
quotidiens, des vêtements et leurs coupes, voire leur distinction de genre. Les économistes
ont certes identifié seulement le « capital », et ses composantes pratiques, mais il leur
manque dans leur discours des prises en compte de ce qui a été fait et qui ne cesse d’être
inachevé : le besoin ou la représentation de soit.
De tel projet de recherche est certes voué à un manque de précision, sinon de
méconnaissance des études faites par des spécialistes académiques. En effet, des études ont
montré l’existence d’une différence entre les représentations artistiques ou littéraires faites
par les hommes et faites par les femmes, et surtout que l’art ne peut pas éviter la distinction
entre les genres. Ce chapitre se veut être, de ce fait, non pas une démonstration de la
contribution de la littérature dans la représentation de l’homme - à quoi bon, en effet, de
démontrer ce qui existe même s’il ne s’agit que de croyance personnelle ; que gagne-t-on
en ajoutant un argument supplémentaire en faveur de ce qui est déjà, surtout étant donné
34 La philosophie analytique est un mouvement philosophique qui analyse le langage et le concept en vue d’en dégager et de clarifier le sens ou de présenter les conditions générales dans lesquels les mots reçoivent leur sens (Voir Encarta 2009). 35 Nous aurons pu utiliser le mot « acte » au lieu du nom verbal « faire », mais nous avons choisi ce mot, parce que « le fait » dénote une action passée ou accomplie, alors que le faire dont il est ici question est un fait présent orienté ou projette vers le future.
67
que ce qui reste à faire, à connaître ou à produire est plus grand que ce qui est connu -,
mais seulement, des réflexions commentées d’échantillons de discours sur les
représentations littéraires et artistiques de l’homme, une collection ou une gerbage de
quelques réflexions sur la représentations littéraires, artistiques et orales de l’homme, un
développement arbitraire (parce que choisi au hasard de mes connaissances éparses de
l’art), subjectif (parce que personne ne dispose pas de l’intelligence de l’homme) de ce que
j’ai pu glaner sur Internet et sur Encarta sur l’art, l’esthétique, et la littérature, sur l’histoire
de la philosophie notamment les deux tomes de l’ « Histoire de la philosophie » d’Émile
BREHIER36 (1876 – 1952). Ce chapitre ne démontre rien, plus particulièrement de
l’économie ; il ne fait que consigner des réflexions sur le contenu du discours sur l’homme.
Ces consignations ne sont pas exhaustives, ni recueillies de façons méthodiques ; elles sont
seulement rassemblées autour d’un axe sur la représentation de l’homme, en se posant
pourquoi cette représentation a été faite, et qu’est-ce qui a été délaissé pour elle.
Ce chapitre n’est donc pas une histoire de l’art ni de celle de la pensée économique,
mais seulement une autre façon de présenter et de lire la théorie économique. Cette
représentation de la théorie économique est centrée sur l’homme. De ce fait le présent
chapitre comprend des réflexions sur le contenu du discours sur l’homme, c’est-à-dire des
réflexions sur l’utilité et la fonction (psychologique) de l’anthropologie, car ces derniers
couvrent le domaine de l’économie.
OBJECTIFS DU CHAPITRE
L’objectif de ce chapitre est triple : premièrement, fournir des matériaux
conceptuels et des arguments nécessaires au renforcement de l’usage de l’homo
œconomicus, et deuxièmement, de présenter les éléments récurrents, rémanents, communs
et partagés entre toutes les formes de la représentation humaine – une recherche de la
structure de l’esthétique donc -, des précisions en vue de retracer le parcours intellectuel
humain qui l’a mené jusqu’à la construction de l’homo œconomicus. Cette quête du
récurrent, d’après NIETZSCHE, (1844 – 1900) et confirmée par Sigmund FREUD, est
pathologique, parce que, en fin de compte, dans sa recherche de la représentation de soi,
elle dénote une tentative de résolution d’un problème non identifié – dont la réponse est la
production artistique. NIETZSCHE.est explicite sur ce point, car pour lui, le chemin vers
36 BREHIER Emile (1876 – 1952), « Histoires de la philosophie », Tomes I et II, Edition électronique a été réalisée par Pierre Palpant, bénévole, Paris, Courriel : ppalpant@uqac. ca, à partir des deux livres édités par Félix Alcan, 1929, 1930 et 1932
68
la représentation de l’homme passe par des aphorismes sur la femme : l’homme n’est pas
une femme, il n’est pas représenté par « un oiseau, une chatte ou tout au plus une vache »
incapable d’amitié37. L’homme est un guerrier, c'est-à-dire un aventurier toujours de
passage et qui, en quelque sorte, reçoit la femme en récompense et qui ne peut,
paradoxalement vivre sans cette récompense, car cette dernière donne un sens à l’action, à
la guerre, entreprise par l’homme38.
Troisièmement, ce chapitre vise aussi à présenter les éléments duals du thème de
l’homme. Nous montrerons implicitement que la littérature sur l’homme présente ce
dernier à partir de deux éléments distincts. Il n’est pas possible d’énumérer d’emblée ces
deux éléments distincts, car ces derniers dépendent de la culture et de la façon de narrer la
conception du monde ; et même, il n’est pas tenu que une culture n’a systématiquement
que deux élément pour construire le thème de l’homme. Dans un des récits sur le thème de
l’homme, un couple d’éléments est mis en scène pour rendre le récit intelligible aux
auditeurs concernés, alors que dans une autre auditoire, un autre couple d’éléments est pris
en narration. Dans la littérature judéo-grecque, par exemple, le thème de l’homme se
construit à partir du couple dieu-homme ; alors que dans la littérature judéo-chrétienne, le
thème de l’homme est développé par le couple homme-femme.
Ce présent chapitre est donc une interrogation et une prise de position sur le lien
entre le développement de la théorie économique et la représentation de soi de l’homme
étant donné que la représentation de l’homme accompagne les activités de production et
qu’il existe même là où les instruments de production font encore défaut. Le lien entre le la
construction de la théorie économique et la représentation de soit de l’homme est une
hypothèse qui mérite d’être étudiée, car il est la seule explication ou la seule description
qui existe durant la période de construction de l’homme, ou au moment où les instruments
de production et l’organisation sociale font défaut – car l’homme n’est pas une donnée,
sinon l’économie est elle aussi une donné.
Cette période hypothétique a eu lieu lors du passage de l’homme préhistorique vers
le néolithique, une époque où aucun instrument de production n’a été encore confectionné,
aucun animal n’a été domestiqué et que aucune loi sociale n’a été encore instituée, ou
37 Propos de Zarathoustra, avec lequel NIETZSCHE exprime sa pensée. 38 Voir FEDIER François, « Comment remonter la pente ? », Cours professé en 1977-1978, sur l’ « Ecce Homo » de NIETZSCHE.
69
encore les moments de traversée d’un lieu quelconque où des individus qui ne se
connaissent pas, se mettent à coopérer, pour réaliser un objectif préalablement non défini.
Cette période ne correspond pas à la période appelée par Karl MARX de période d’ «
accumulation primitive de capital », car la notion de richesse n’est pas encore définie en
termes de quantités d’objets sociaux appropriés. En outre, durant cette époque, les notions
de solidarités organiques (sauf dans la division sexuelle des activités sociales) et
mécaniques développées par le sociologue français Émile DURKHEIM ne peuvent pas
expliquer le mobile de l’action humaine, car la survie du groupe humain ne dépend pas
encore de la production matérielle collective faite par le système économique
L’identité de soi est un thème développé par FREUD sur la base de constat de la
réalité universelle du totem. Le totem est un objet représentatif de groupe et qui est actif
dans le sens qu’il pousse les membres du groupe à des pratiques identitaires. La théorie de
FREUD sur le totem n’a pas été élaborée pour expliquer la formation de la coopération
pour la production, mais seulement pour répondre à la question de la formation de la
culture locale, ou de la logique de comportement local ; aussi, a-t-elle plutôt clos la
question de besoin de la représentation de soi et laisse le besoin matériel comme unique
force motrice de l’action économique. A croire FREUD, l’homme est un être animé par les
besoins ... étant donné son identité. Pour notre part, nous dirons que le besoin est le
phénomène identitaire des êtres animés, alors que l’homme est un être animé par une
quête d’identitaire.
Ce chapitre est loin des problématiques usuelles de la science économique. Il n’est
ni une explication de comportement, ni une mise en relation entre des phénomènes ; ce
chapitre ne cherche qu’à « mettre sur rail » le thème de « l »’homme pour arriver au thème
de l’homo œconomicus.
Un problème cependant se pose : l’expression « quête d’identité » rend-elle
réellement compte l’équivalent de l’expression « besoin matériel » utilisée par la science
économique actuelle ? La science économique, en effet, n’a pas considérée la force du
besoin qui pousse l’individu à agir en conséquence ; elle a focalisée sa réflexion sur la
difficulté d’acquérir le bien, et ce, sous forme de terme de la rareté. Cette dernière est
mesurée par le prix. La « quête d’identité », par analogie au « besoin matériel » n’est donc
pas, elle aussi une force. La science économique a étudié son cas dans les termes de
« développement humain » mesurés en termes d’indice. Mais un indicateur ne sied pas à un
70
terme de « quête ». D’ailleurs, utilisant la philologie malgache de « tonga saina » traduit
librement par « parvenu à l’intelligence » qui a la vertu de transformer le mot « quête » en
distance – et donc mesurable- nous avons préféré de continuer dans cette façon de penser,
et d’introduire l’expression « conscience de soi » pour indiquer la partie mesurable de la
quête d’identité.
La conscience de soi est une conscience infinie, car on ne peut se connaître
parfaitement et totalement ; elle se place dans un cadre temporel « d’avant » et « après » un
évènement.
Devant ce fait, à titre d’hypothèse de travail, nous avançons l’existence de la
conscience de soi, une force comparable à un facteur de travail. C’est cette conscience de
soi qui le pousse à respecter l’interdiction, et surtout, dans notre circonstance, à se chercher
lui-même, dans le totem ou dans la dépense de la force de travail. Ce n’est donc pas la
quantité de production qui importe donc universellement, mais la conscience d’être que le
travail évacue vers l’extérieur. Le produit de cette extériorisation, qu’il soit plus tard
devenu marchandise ou un objet de consommation, ou un objet de décoration est le repère
sinon le signe de la présence de l’homme.
La part de la production des objets-marchandises et des objets non marchands dans
la dépense de la force humaine de production a été largement analysée, évaluée et
expliquée par la science économique actuelle, mais cette dernière n’a pas encore pris en
compte la production des objets qui ont été produite sans considération de leur caractère
social, des besoins sociaux qu’ils peuvent satisfaire et des discours socialisant qui se font
autour d’eux mais qui ont été quand même produits avant même la production des premiers
facteurs de production de ces objets. Ces objets pré-instrumentaux sont des produits
artistiques qui n’ont de raison d’être que la production du plaisir de produire ou de voire et
d’une façon générale qui ce sont des objets qui flattent les sens typiquement humains ; ce
sont les jouets que chaque enfant, quel que soit leur culture, produit avant que la culture et
les adultes s’en mêlent ; ce sont les objets qui se produisent dans les collectivités où la
pression en faveur de la production marchande est faible ; ce sont les produits de la flânerie
tant abhorrée par Friedrich TAYLOR (1856 – 1915) que ce dernier veut échanger contre de
salaire un peu plus élevé et de la sécurité sociale, lorsque le plaisir créateur s’émousse. Ces
objets sont, insistons sur ce point, antérieurs au facteur de production des biens sociaux et à
plus forte raison de la production des biens sociaux eux-mêmes. Ce sont eux qui ont été la
71
prémisse de la production de l’homme. Nous dirons alors que la conscience de soi
ordonnée par l’interdiction et le travail sont les apports spécifiques de l’homme dans la
production des biens matériels.
INTERETS DU CHAPITRE
Les intérêts de l’étude du thème de l’homme sont multiples sur le plan de la
pratique et de la théorie de la science économique :
D’abord ces questions ouvrent la science économique à la redécouverte de la
richesse et de l’homme. La définition de la science économique en tant que science de la
richesse est une ironie pour la science économique car les propos de cette discipline
relèvent plus de la pauvreté que de la richesse, des biens matériels et non du « bien-être »
ou de « bonheur » - un thème déjà ouvert en philosophie – et même de l’homme. En
remettant le thème de l’homme dans les discussions économiques, par la prise en compte
de la production de thème de l’homme, la définition de la richesse et le fondement de la
science économique ainsi que l’épistémologie de la science économique vont certainement
être remises en cause ; mais par cette voie, et un deuxième intérêt, nous ouvrons la science
économique au domaine de la science de l’homme. En parlant de l’homme, nous parlerons
de la richesse par le thème de la vie et des activités de l’homme.
La science économique flirte avec certains vocabulaires et thème de disciplines
connexes tout en imposant sa démarche et son mode de raisonnement, sous prétexte que ce
sont des phénomènes sociaux dont « les causes immédiatement déterminantes sont en
première ligne celles qui agissent par le désir de la richesse, et dont la principale loi
psychologique, familière à tout le monde, est qu'on préfère un gain plus grand à un
moindre. » (MILL, 1866, page 61, Ed électronique). Nous dirons, pour notre part, que les
causes déterminants de la plupart des phénomènes sociaux sont la représentation de
l’homme, nous parviendrons, certes à une nouvelle vision du fondement de la science
économique l’économie qui n’est plus la loi psychologique de la préférence, ni le constat
de la rareté, mais la recherche d’un nouveau programme de connaissance humaine : la
recherche de l’homme.
Par ailleurs ce chapitre ouvre le champ d’observation (les réflexions consignées sur
ce qui se dit – et non pas sur ce qui est dit – sur l’homme) de l’économie. D’abord, ce
chapitre s’interroge sur le déclenchement du processus de développement ou de la
croissance économique dans un contexte où les facteurs économiques de croissance et de
72
développement désignés par la théorie économique font encore défaut. La question se pose
dans la spéculation sur ce que « l’archê » du système économique, le système économique
original, avait été, avant même que les concepts économiques génériques ne viennent nous
en rendre compte. Il s’agit de décrire l’économique avant que la science économique n’ait
approprié le discours39. Les réflexions sur le contenu du discours sur l’homme (première
section) sont la réponse apportée par ce chapitre.
Ensuite, ce chapitre se veut être une critique de la façon de concevoir
l’économique. Son corpus (les réflexions consignées sur ce qui se dit sur l’homme) fait de
lui une philosophie critique de la pensée économique, une science économique qui, en
plagiant le propos de sur la philosophie, se moque de l’économie40. Il est de la démarche
philosophique dans le sens que le philosophe Gilles DELEUZE accorde à ce mot : de la
production d’idées, et pas de n’importe quelles idées, mais des idées de la représentation de
l’homme, des idées de l’ « ego » philosophique (NADEAU 2006) (DELEUZE 17 mai
1987) ; il est un dépassement de la recherche du savoir sur l’économie pour n’être qu’un
partiel compte rendu de la science économique41. Il impose des questions relatives au
passage de la littérature vers la philosophie se posent : en effet, l’homme présenté dans ce
chapitre est celui qui est représenté par … son art, le faire et le dire. Ce chapitre alors aurait
pu été une réflexion sur l’homme décrit par Lewis CARROLL (1832 – 1898) dans son
« Alice au pays des merveilles » et au lieu de raisonner avec un miroir produisant un sens
non familier, nous avons en place, l’art et les produits artistiques. Nous avons utilisé dans
ce qui suit la littérature ou plus précisément l’imagination de Lewis CARROLL, comme
l’a fait avant nous, le philosophe DELEUZE pour élaborer sa théorie de non sens. La
question qui en découle, étant donné la place de la littérature dans l’économie, est quel est
l’impact, en retour, de l’analyse économique sur l’avenir de la littérature. Cette question est
étudiée par Anne TOMICHE en ce qui concerne l’influence de la littérature sur la
confection de la philosophe de DELEUZE (TOMICHE 2002) et par Claire DAVISON-
PEGON de l’Université d’Aix-Marseille, pour étudier l’intraduisible comme non-sens.
39 A ce sujet, certaines réflexions considèrent que la situation ne relève plus de la science économique ; ce qui est faux d’ailleurs, car la science économique n’est pas la science de ses propres concepts. 40 Cette phrase de DELEUZE est citée par Gislain Di CARO dans « Theodore Herzl sur le divan de Gilles Deleuze » (DI CAPRI 2006). Dans cet article Di DARO compare la réception des idées de deux fondateurs d’une nouvelle communauté, GIBALDI sur la configuration de l’Italie, et Theodore HERZL pour la fondation de l’État d’Israël. 41 N’est-il d’ailleurs pas vrai que « n’est piètre économiste que celui ne connaît que l’économie » ?
73
FREUD avait aussi écrit des articles sur l’interprétation de l’art, plus
particulièrement de certains points obscurs ou inexpliqués dans le produit artistique.
FREUD y voit une manifestation de l’inconscience que l’artiste utilise pour valoriser
l’ensemble de l’art, à l’insu des contemplateurs subjugués par l’art en question. Il a
consigné et analysé le comportement du spectateur devant l’art – et qui, il me semble est
un récit de la manifestation du syndrome de Stendhal42.
Nous allons alors rendre compte et consigner la représentation de l’homme, que
nous considérons, en conséquence, comme un fait économique élémentaire – avant les faits
de la production, de la consommation ou de l’échange. Ensuite, nous allons insérer ou
cribler ces faits de représentation de l’homme par lui-même sous le sas des concepts et
d’analyses économiques.
L’intérêt de ce chapitre réside aussi dans le fait qu’il porte une réflexion sur le récit
des moments forts de la vie humaine, et une exploitation de la nature insoupçonnée de
l’homme qui pousse ce dernier à extérioriser ce qu’il est lui-même – la production de ce
qui est intériorisé chez l’homme – est pathologique à plus d’un titre : d’abord, il dénonce la
présence d’une volonté de se découvrir (parce que l’homme se sent malade d’être caché) ;
en outre, il ouvre une question psychanalytique du totem et du tabou (ainsi faisant, cet état
d’esprit reprend le thème traité par FREUD dans son « Totem et Tabou ») ; enfin, il
affirme que le subjectif, le personnel, l’arbitraire ou autres conceptualisations de ce qui
émane de l’individu, ne sont pas coupables.
Les représentations de l’homme ou certaines d’entres elles, en effet, montrent les
moments forts de la vie de l’homme, sa rencontre avec la nature, avec la divinité, ou avec
ses paires, des moments interdits, déterminants et fatals, sinon, tout simplement
représentatifs, une position dans une bribe de temps en train de s’écouler, ce moment fort
est alors une rencontre de l’homme avec lui-même, le moment fort retracé et figé dans les
positions artistiques d’une sculpture ou des récits sont des moments durant lesquels
l’homme peut se découvrir lui-même et se remet en cause son existence.
42 Le syndrome de Stendhal est un comportement irrationnel momentané d’un individu durant la contemplation d’un but qu’il s’est assigné : le cas le plus fréquent est celui d’un fan devant son idole, ou d’un touriste devant un tableau d’un peintre de renom. L’écrivain français STENDHAL (1783 – 1842) en a éprouvé et raconté le sentiment, et les médecins se sont accordés pour lui donné le nom de la maladie. La communauté scientifique en a pris conscience, lorsqu’un touriste japonais normal d’esprit s’est mis à jeter du café sur la toile de la Joconde ; mais auparavant, les agents de sécurité réalisent que certaines personnes perdent connaissance lors de l’apparition d’une vedette artistique.
74
C’est cette remise en cause de soi, ou plus précisément le processus qui déclenche
la remise en cause de soi, entraînant un élan vers la production qui est économique : l’art
provoque l’activité économique par le fait qu’elle engendre la production, le besoin de
facteurs et fixe le produit à produire. Il y a donc un art initial qui déclenche l’économique
lorsque la situation de la production n’existe pas encore43. La formation de la pensée
économique et l’universalité de la pratique de l’art sont des énigmes, plus spécialement
pour les économistes, dans la mesure où ces puissances artistiques sont effectuées dans un
fonds de degrés variable de pauvreté matérielle. L’esthétique se moque certes de la
pauvreté matérielle, et l’abondance n’est pas toujours le vecteur de la beauté, comme la
pauvreté n’est pas forcément laide ; et en poussant à l’extrême notre réflexion, nous dirons
aussi que le savoir faire dans la représentation de l’homme ne permet pas pour autant de
résoudre les problèmes matériels touchant directement l’homme, car la satisfaction de
besoin, l’organisation de la production et le choix des produits obéissent à des
préoccupations différentes de la beauté, mais de l’efficacité. Face à cette situation, les
économistes ont fait un choix, en abandonnant la recherche de l’homme total pour ne
s’intéresser qu’à l’homme réduit à des fonctions économiques ; leur axiome de
comportement ne retrace que les fonctions de production ou de consommation, sinon des
prédispositions supposées naturelles ; ils ont choisi de ne regarder que la partie de la nature
en rapport avec le besoin, alors que les hommes pratiquent aussi l’art. Nous sommes
encore devant une de ces causes du malaise de l’homme de bien.
DEMARCHE POUR PRESENTER L’HOMME DUAL IDEAL
Pour atteindre les différentes réflexions sur l’homme, nous allons regarder, lire et
interpréter la construction de la représentation sur le comportement de l’homme à partir de
la formation des textes. Cette question est comparable à celle de l’étude des effets de la
production sur le producteur, et d’une façon générale à la confrontation des théories aux
modèles. Tout modèle est un produit de la théorie, mais Théoriquement, cela provoque
trois approches de la situation : ou bien un effet cybernétique (la production engendre des
actions correctives pour que le producteur puisse produire une œuvre conforme à sa
pensée), ou bien un effet systémique de la production (la production engendre des rebuts
qui seront pris en compte dans la production future). Ceci conduit alors à se poser des
questions sur le rapport entre ce qui est dit et ce qu’on a voulu dire (dans l’art et dans la
43 Cette affirmation est une reprise de la philosophie aristotélicienne de l’action parfaite ou du but parfait décrit dans « L’éthique à Nicomaque ». Nous dirons seulement que l’économique continue l’éthique.
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littérature), ou dans le contexte économique, de l’attitude du producteur de représentation
de l’homme vis-à-vis de ses intentions. Troisièmement et le plus important, la formation
d’affirmation assertorique de la réalité conjointe de « l »’homme et de l’image de
l’homme.
Dans cette quête de l’Homme, nous allons en quelque sorte, collecter et recueillir
les traces dicibles laissées par l’homme (activités de pistage de l’homme)44 pour nous
rapprocher seulement de ce qu’est la représentation de l’homme et d’entrevoir l’homme à
travers ce qui est dit en permanence sur lui. Ce dicible permanent est l’homme narré par
des narrateurs de générations ou de cultures différentes à partir duquel se construisent les
discours économiques. Pour cela, nous porterons nos réflexions sur la consignation de ce
qui est narré narration de l’homme dans une « Section I – De l’appréhension des réflexions
sur la représentation de l’homme ». Ces réflexions sur l’homme hypothétique sont alors à
séparer de ses encroutements rhétoriques pour laisser paraître le véritable homme sur la
base commune duquel se discutent l’homme, la vie et leurs connotés. La section 2 du
chapitre intitulée « Section II – Des réflexions sur l’ensemble des représentations de
l’homme » jette les bases ou les matières premières de la construction de l’esquisse de
l’homme représenté. Avec cette deuxième section, nous avons alors plus ou moins cerné le
contenu et le contenant du discours sur la représentation de l’homme. Nous pouvons alors
pénétrer et arriver dans la profondeur de ces discours pour identifier finalement ce qu’est
l’homme (activités de débroussaillages de ce qui se dit sur l’homme)45. Dans cette quête,
notre vision de l’homme est un être faisant corps unique avec ses produits ; producteur et
produit sont les mêmes entités
44 Il s’agit en apparence de travail d’anthropologue, mais à la différence de ce dernier, nous ne recueillerons que les objets laissés non pas insidieusement et malgré lui par l’homme, mais les traces qu’il a sciemment délaissées pour montrer non plus son extérieur, mais l’invisible qui est à l’intérieur de l’homme lui-même. 45 Dans cette démarche, alors, notre méthode s’apparente à celui de la psychologie faite non pas par un psychologue extérieur, mais par l’homme lui-même. Il s’agit alors de l’auto-psychologie, ou encore de l’auto-introspection qui selon les économistes – pour ne citer que Von MISES – avec laquelle se comprend la microéconomie.
76
SECTION I – DE L’APPREHENSION DES REFLEXIONS SUR LA REPRESENTATION DE L’HOMME INTRODUCTION :
Le thème de l’homme est une marchandise, car des demandes (sous forme de
besoin de savoir et d’exportation de savoir par le biais de moyens de communication) et
des offres (sous formes de productions littéraires et artistiques) existent. La demande peut
être le résultat des contraintes sociopolitiques et culturelles dans le cadre du diktat de la
tradition ou de la modernité, alors que l’offre, celui d’une politique culturelle nationale ou
tout simplement de débats spontanés. Des questions sur certaines composantes du thème de
l’homme (et de la femme) n’ont pas été répondues à cause d’une insuffisance relative
d’informations appropriées et à cause de la rapidité de l’évolution de la question. Le thème
du corps, par exemple, n’a pas été suffisamment développé et statué que des questions se
portant sur la forme du corps ou la posture du corps sont encore en suspens. Des colloques
et des séminaires entre des spécialistes ainsi que des travaux de chercheurs isolés offrent
certes quelques éléments de réponse, mais la production est loin de satisfaire la demande.
Conséquence, le marché de thème de l’homme est dominé par la demande.
La question : Qu’est-ce que l’homme dit de lui-même ?
Cette question (qu’est-ce que l’homme dit de lui-même) vise à évaluer les limites
de la raison et du non raison par ce qui est dicible. Son intérêt économique est pour la
construction de l’homo œconomicus la dé-monstration – c’est-à-dire la transformation de
la représentation de l’homme de l’économie en une représentation plus familier – de
l’homo œconomicus en atténuant l’hypothèse forte de rationalité qu’on lui assigne.
La construction collective de la représentation de l’homme par l’inclusion de celle-
ci dans un thème de débat ou de discussion collective est une problématique universelle et
non historique de l’humanité que seuls le cadre de discussions et le support ont évolué avec
l’extension de ses participants à des individus anonymes, grâce à l’utilisation des
technologies de communication et à l’évolution de l’écriture et des supports de leur
conservation. Elle participe à la de-monstration de l’homme. Certaines de ces réflexions
ont été consignées généralement dans des articles portant sur l’histoire, la religion, dans les
représentations graphiques artistiques, ou encore à travers des sons artificiellement
combinés en vue de signaler une présence ou une intuition forte. Dans le temps, en outre,
77
la réflexion se place aussi bien dans les réunions entre des individus socialement pauvres et
sans cultures que dans les assemblées des riches et des intellectuels. Malgré la fréquence
de ce sujet, il n’y a pas vraiment de consignation des propos tenus permettant de faire
évoluer le sujet : on parle de l’homme, on revient sur ce sujet, et on en reparle encore. En
outre, les statistiques font défaut pour mettre en relief l’importance et la place du thème de
l’homme dans les conversations, dans les discussions et autres joutes oratoires.
Des disciplines, comme la sociologie et la science de la communication, la science
politique, ont étudié la question dans le cadre de la communication entre des individus.
Pour eux, le thème de la représentation de l’homme relève de la formation de l’idée, et le
discours à ce propos relève de l’idéologie. Mais la sociologie cache l’homme derrière son
appartenance social (groupe, culture, etc.). Elle montre la société, mais pas l’homme ; et
même si elle parle de quelques groupes d’hommes, les individus qui figurent de chacun de
ces groupes ne formeraient pas l’image que se fait l’homme de lui-même. Les sociologues
ont alors développé le concept d’ « individu représentatif » pour parler du profil de
l’individu d’une circonstance précise. En outre, leur réflexion est dominée par le désir
d’instrumentaliser le produit de la représentation de l’homme sinon le discours lui-même.
La représentation de l’homme est alors un instrument de la science politique, des études
publicitaires et du marketing. Ces disciplines s’attèlent alors à l’étude de l’homme en
transformant ce dernier en objet. Pour notre part, nous étudions non pas l’homme mais le
thème de l’homme. Nous voulons parler de « l »’homme par « l »’homme et non pas par
les groupes sociaux ni par la divinité ; notre réflexion se porte sur ce que l’homme dans
son ensemble dit de lui-même
Démarche vers la question
Notre disposition intellectuelle de formation de la question est la suivante : Nous
jetons un regard inquisiteur sur l’homme et … sur nous même, car notre position ou notre
attitude ne nous permet pas d’éviter de nous comporter différemment de l’homme ; nous
nous posons alors les questions génératrices suivantes : comment, chez l’homme, se forme
le thème de l’homme ? (dans notre cas particulier, la question est : « comment ai-je pu
avoir cette question sur le sujet de l’homme ? ») ; Est-ce qu’il y a des circonstances qui
provoquent le thème de l’homme dans une réflexion humaine ? (en l’occurrence, « ma
pensée est-elle déterminée par des circonstances silencieuses atemporelles ? »). Pour lier
un cas particulier à celui de l’homme en général, nous posons comme hypothèse qu’il y a
78
des moyens avec lesquels l’homme forme le thème de l’homme mais que ces moyens
n’apparaissent que dans des circonstances précises, nous nous demandons « qu’est-ce qui a
été retenu comme processus circonstancié de la formation du thème de l’homme ? ». Cette
question est ambivalente dans la mesure où le déterminant du thème de l’homme est posée
ou non à priori. Si le déterminant du thème de l’homme n’est pas posé à priori, la question
est : « quel est ou quels sont le ou les déterminants du thème de l’homme ? ». Dans le cas
contraire, elle est : « étant donné le déterminant du thème de l’homme, quelle est la relation
entre l’homme et ce déterminant ? » ou encore « comment l’homme cohabite-t-il avec son
ou ses déterminants ? » Dans ce dernier cas et en psychologie, la question aurait été
formulée de la façon suivant : quelle est la fonction de la formation du thème de l’homme.
Notre démarche n’est par originale ; en sociologie, elle est dénommée une
démarche ethnométhodologique élaborée par des sociologues, alors qu’en économie, elle
est plutôt connue sous les termes de « introspection » et a été utilisé par HAYEK.
Notre objectif n’est pas de répondre à ces questions, mais seulement de les utiliser
comme repère pour nous guider vers le problème de la représentation de l’homme. Le
premier questionnement, en effet, nous invite à faire une exploration des différentes
civilisations humaines en vue d’établir un inventaire des processus, des moyens et des
circonstances de la formation du thème de l’homme, en étudiant respectivement les faits de
la construction de la représentation de l’homme par la narration par ses thèmes de
prédilection ( inventaires des expériences narratives des groupes humains) et d’en dégager,
par déduction, la loi de la formation du thème de l’homme, c’est-à-dire les circonstances
objectives engendrant des réflexions sur l’homme (voir paragraphe 2).
Le deuxième questionnement inscrit la formation du thème de l’homme dans un
champ de concepts, d’arguments et de thèmes préalables avec lesquels est construit le
thème de l’homme. Il s’agit alors de vérifier la validité et la réalité du contenu du champ
rhétorique de la construction du thème de l’homme. La démarche est inductive, et le
produit de la recherche serait une démonstration et d’évaluation de la contribution d’un
phénomène insoupçonné dans la formulation du thème de l’homme. Cette démarche est
celle utilisée dans les rhétoriques de certaines civilisations : la civilisation utilisant la
langue sémitique avec leur « monde d’exemples » ainsi que la langue malgache avec le
« oha-pitenenana ». Tout est dans le choix du phénomène à démontrer et à évaluer.
79
L’intuition du chercheur et l’expérience non encore théorisée de l’homme et l’imagerie des
langages apportent les éléments du champ rhétorique du thème étudié.
Nous avons utilisé les deux démarches : nous n’avons certes pas fait une
exploration de tous les mots et thèmes avec lesquels toutes les communautés et
regroupements humains ont élaboré leur thème de l’homme pour en tirer une loi sur la
formation du thème de l’homme. Nous nous sommes contentés des faits des communautés
antiques qui ont influencé l’actuelle puissante civilisation méditerranéenne de l’Antiquité
rayonnant dans le monde d’aujourd’hui ; il s’agit des civilisations judéo-gréco-romaines.
Ces civilisations ont fait l’objet d’études archéologiques et de rapports scientifiques et
littéraires approfondies, et leur antiquité subsiste encore dans la façon de penser de
l’homme actuel. De ces civilisations, plus particulièrement, la civilisation judaïque, nous
avons tiré le fait pertinent de la construction de la représentation de l’homme. En effet, si
une recherche sur la construction de la représentation de l’homme au niveau de toutes les
communautés humaines a été faite, certainement des éléments rémanents du thème auraient
été trouvés, sinon la communauté hypothétique de notre théorie serait une communauté
non humaine. Conséquence, point n’est besoin de fouiller dans toutes les communautés du
monde pour chercher ce qui est récurent, car chaque façon dont une communauté construit
sa représentation de l’homme comprend des éléments qui se rencontrent également chez
d’autres. Aussi avons-nous choisi la théorie biblique de la construction du thème de
l’homme parce qu’elle recèle des informations sur le thème de la construction du thème de
l’homme qu’on peut rencontrées dans d’autres communautés et surtout parce qu’elle est
largement diffusée et qu’elle fait l’objet de nombreux études et de critiques de la part de
ses partisans aussi bien que de ces délateurs. La représentation biblique de l’homme
contient des éléments récurrents de la problématique de la mise en thème de l’homme.
Une fois statuée cette source d’information, il nous faut alors relever les
morphèmes contenu dans chaque mot avec lesquels se construisent le thème de l’homme
afin de trouver la racine commune des mots pour dégager la véritable idée désignée par ces
termes dans leur contexte originel.
Ainsi, en remettant en question les évidences que l’on croit acquise et sur lesquelles
sont construites la science économique, nous voulons identifier le sens ou la signification
du processus d’élaboration du thème de l’homme ; autrement dit, nous mettons le
processus de la formation du thème de l’homme comme un objet d’une réflexion
80
approfondie des discours sur l’homme ; tel est l’objet de la présente section. Son but est de
préparer le terrain pour jeter les bases théoriques de la reconstruction du thème de
l’homme.
Le moyen que nous déployons, donc, est le démarquage vis-à-vis de la description
de l’homme que nous rend compte l’anthropologie en général, l’ouverture de
l’anthropologie à un problème généralement attribué à la philosophie du langage par un
dépassement de l’anthropologie du langage. Il consiste à élaborer le discours sur le thème
non pas de l’homme mais sur le thème lui-même de l’homme (c’est-à-dire le thème intitulé
« le thème de « l »’homme ») n’est pas faisable par l’anthropologie, car il est construit sur
une question fondamentale de l’anthropologie : « pourquoi l’anthropologie fait-elle de
l’homme – et non pas le thème de l’homme – son objet de discours ? ». Une relecture
anthropologique du thème de l’homme serait donc nécessaire sous forme d’épistémologie
de l’anthropologie, d’où découle le thème de la présente section : De l’appréhension des
réflexions sur l’homme. Si l’anthropologie avait aussi capturé par la description, non
seulement l’homme, mais aussi la réflexion sur l’homme, alors cette première section
aurait été inutile, il nous suffirait de rendre compte les descriptions anthropologiques de
l’homme.
D’emblée, nous avouons que notre objectif est défendre l’idée selon laquelle
« l »’homme se démontre lui-même par la construction de modèle de représentation, et tout
cela pour justifier un principe méthodologique utilisé par la science économique dans sa
quête d’information sur l’homme : l’introspection.
PARAGRAPHE 1 – LES CADRES THEMATIQUES DU THEME DE L’HOMME
A la recherche de la voie menant vers la découverte de ce que la narration a construit en matière de la représentation de l’homme
Le thème de l’homme consigné matériellement sous forme de littérature ou de l’art
nous provient de deux catégories de récits différents : de l’Occident industrialisé et des
autres communautés découverts par les voyageurs et les anthropologues quelques temps
après la Révolution industrielle. En Occident, il était caché dans les débats philosophiques
(notamment l’éthique), dans les récits mythiques et religieux, dans les critiques de l’art
(l’esthétique et la représentation), dans les correspondances épistolaires. Il a évolué avec le
81
changement de cadres (détermination sociologique du thème de l’homme), de thèmes
associés (détermination culturelle), de support de communication (détermination
technologiques et économiques46). Matériellement, le thème de l’homme est composé
d’idées éparpillés dans l’histoire de la philosophie, dans les différentes traités de
philosophies, dans les différents lectures et commentaires des documents, etc., dans des
vocabulaires des volumineux dictionnaires des mots, dans la lecture des minuscules bouts
d’idées contenus dans les parchemins, ou gravés sur de morceaux de tablettes de pierres
sculptées, ou sur un pan d’une paroi d’une tombe.
Nous nous intéresserons plus particulièrement à la construction littéraire du thème
de l’homme, car cette voie comprend le problème de choix de mots, et non pas une quête
de forme de l’homme. Dans la description littéraire de l’homme en effet, il y a un savoir
discursif faisant l’objet de critiques, d’accumulation de connaissances et finalement une
construction collective qui peut être élevé au niveau de l’homme en général ; alors que la
représentation sculpturale s’arrête avec la production finale de l’artiste. La description
littéraire de l’homme ne s’arrête pas. Nous pensons même que l’ensemble de descriptions
remplit ou accomplit une représentation collective de l’homme et répond à une question
implicite de : « comment l’homme se représente-t-il lui-même ? ».
Effectivement les variétés peuvent se porter sur la façon de mener l’introduction au
sujet. Thomas d’AQUIN, dans la « Somme théologique » et la bible, par exemple traite le
thème de l’homme en commençant par des sujets sur Dieu, ensuite sur la nature, puis
l’homme et la morale, pour revenir à Dieu par les sacrements. Mais il n’y a pas seulement
que cette démarche pour ouvrir le thème de l’homme. La Bhagavad-Gîtâ, un livre de chant
utilisé dans la religion hindou, discute de l’homme à partir d’un récit sur la réflexion
portant sur le sens de combat entre des personnes illustres et notables : pourquoi des
individus aussi sages et intelligents passent-ils par les armes ? la sagesse est-elle donc
inférieure à la force ? pour répondre à ces questions, la réponse est dans le sens du devoir
et dans la nature de l’homme.
D’autres méthodes permettent aussi d’entrer dans le thème de l’homme : en
décrivant l’homme étant donné des non-hommes. Cette conception révèle d’une autre
46 Le thème de l’homme se développe en fonction du temps et des moyens disposés. Or ces derniers font l’objet de calcul économique (exemples gain matériel future obtenu à la suite d’un échange conversationnel sur le thème de la vie quotidienne, coût financier de conversation sous forme de crédit téléphonique, ou de timbre postal).
82
façon de concevoir le thème de « l »’homme attestant le caractère dual de ce sujet : un
instrument de production et un produit.
De la demande du thème de l’homme
La valeur du thème de l’homme est concrétisé par l’attention qu’on y a accorde à ce
propos. Exemples : il se peut que les tableaux sur la nature morte coutent plus ou moins
chères que les portraits. Les communications verbales sur le thème de l’homme s’évaluent
par le temps et l’attention accordés. Les recherches anthropologiques portant sur les
chasseur-cueilleurs des milieux non urbains montrent que l’activité de production dépense
moins de temps que la communication47 (ARCAN 1988). Puis la réflexion a été transposée
dans le domaine de l’agriculture, en pensant que dans ce dernier secteur, la productivité de
travail est moins élevée, et le temps accordé à la réflexion sur le thème de l’homme va être
réduit. Les anthropologues vont encore démontrer l’égalité de la productivité de travail
dans les branches agricoles et dans la chasse du secteur agricole (ARCAN 1988, page 8).
Mais des recherches spécifiques sur le temps consacré à la production du thème de
l’homme font défaut. Par contre, les vestiges de temples et de lois sociales laissées par les
habitants des vallées où l’agriculture se pratique ne laissent aucun doute sur l’existence de
quête de thème de l’homme auprès des agriculteurs.
L’échange et la communication occupent une place importante dans les
communautés humaines autant que la production. L’importance de la communication se
mesure par le temps et par le prix qu’on lui accorde. Il s’agit du prix de l’information ou du
prix de l’acquisition de la communication, les charges d’apprentissages pour intégrer dans
un réseau de communication. Son impact sur la production peut être immédiat ou différé.
Les thèmes élaborés pour rendre compte des faits d’une autre communauté peuvent être
repris et vérifiés dans une autre communauté sans que soit nécessaire de reprendre toute la
démarche faite dans la communauté d’origine du sujet en question. Dans ce sens alors, les
instruments partagés de communication apportent d’économie pour l’ensemble de la
communauté linguistique concernée. Dans ce cas, la demande de thème de l’homme
s’inscrit implicitement dans le groupe linguistique.
47 Les observations ont été faites auprès de !Kunq et des Hadza. Le constat de la supériorité relative du temps de communications sociales par rapport à celui de la production proprement dite a entraîné une déduction faussant les bases de l’économie : l’opulence existe hors de la production industrielle et elle permet à la population de s’adonner à des activités non productives.
83
En posant dans un groupe linguistique la formulation du thème de l’homme permet
d’extraire celui-ci hors de la détermination de l’imagerie provoqué par les reliefs
géographiques dans lequel est confiné le narrateur particulier fabricant du récit sur le
thème de l’homme et en même temps, de façon à ce qu’il soit inscrit non pas dans le fil
d’inspiration du narrateur, mais dans un système d’images et de symboles véhiculés par le
groupe linguistique. Une nouvelle représentation de l’homme apparaît, notamment
composée – dans le cas d’un homme – d’objets et matériels variant avec la culture ou avec
la personnalité de l’homme en question. Pour ce qui est de l’a représentation de l’homme
en général, la représentation de l’homme n’a pas pu été localisée dans un lieu (espace
sociologique) ou matérialisée par des objets porteurs de valeurs (homme identifié par la
culture ou par la civilisation). Dans la littérature indo-européenne, par exemple, le thème
de l’homme est connoté aux thèmes de fertilité et de sexualité, de héro, etc. Les récits des
tragédies nuptiales des démiurges grecs confirment ce propos : les dieux sont avides de
rapports sexuels ; de leurs accouplements sortent des êtres qui ont pris la forme et les
caractères de leur géniteur (exemple le rapporte entre la terre et le ciel). Peut-être que cette
forme de littérature est-elle celle d’un individu vivant de l’agriculture et de l’élevage et qui
est toujours préoccupé par des problèmes de fécondation et de stérilité. C’est pourquoi,
nous n’avons retenu que les termes en rapport avec la sexualité, étant donné les thèmes de
fertilité et de fécondité qui prévalent avec la construction de l’élevage et de l’agriculture.
En matière du regard sur l’homme, nous distinguons deux aspects de types de discours :
celui qui rapporte l’immédiat et le concret sur l’homme et celui qui cherche l’aspect
immatériel de l’homme. Voici quelques exemples d’images symboliques en usage dans la
littérature indo-européenne et qui servent à élaborer le discours sur l’homme :
- Les puits sont l’image sexuelle féminine ; comme le serpent représente la
fécondité masculine
- L’amour est comparé au feu, et les termes connotés à ce dernier est le monstre,
car il « dévore »
Dans la suite de cette idée, on peut aussi chercher la représentation de l’homme par
les thèmes iconographiques. Selon l’encyclopédie ENCARTA, les premiers symboles
iconographiques ont été retrouvés en Egypte 3000 ans av. J.C. Ils présentent Dieu sous
forme d’humain à tête d’animal : une déesse-mère, HATHOR, était représentait sous forme
humain avec une tête de vache, alors que le dieu RE est figuré avec une tête de faucon. En
Grèce, Dieu était aussi représenté, mais avec ses objets symboliques : de la foudre ou de
84
l’aigle, le dieu de l’art tient une lyre, et la déesse de la chasse, un arc et un carquois. Dans
la religion hindoue, le symbole est utilisé pour rappeler les faits de la divinité. La liste ne
peut pas être close. Nous retenons cependant que les objets matériels ont été utilisés par
l’homme pour représenter ce qu’il ne peut pas décrire et dessiner.
La façon dont la civilisation conceptualise leurs observations nous intéresse et non
pas leur système de concevoir le monde bien que ces deux thèmes soient inséparables :
d’un côté, il y a le phénomène, l’objet sur lequel se porte la réflexion, et de l’autre côté, les
mots avec lesquels le phénomène est intériorisé et consigné. La pratique de l’élevage et de
l’agriculture a permis aux ancêtres indoeuropéens de concevoir le monde comme un
processus où les hommes participent au même titre que d’autres déterminants inconnus de
la vie et non pas comme une donnée.
Pour exploiter les matériaux linguistiques, pour isoler les mots, les images et les
concepts avec lesquels l’homme est conceptualisé et discuté, on est tenté de mettre
seulement en valeur les produits conceptuels issus des classifications des auteurs ayant
parlé directement ou indirectement de l’homme pour avoir une indexation des thèmes de
l’homme. Cette approche est d’ailleurs rendu facile grâce à la technologie de l’information,
plus particulièrement les moteurs de recherche sur Internet et la commande « search » sur
des fichiers numériques. Mais l’indexation et l’usage d’Internet ne permet pas de saisir les
vraies dimensions du thème de l’homme, les causes qui poussent encore à parler de
l’homme, malgré tout ce qui a été déjà fait. La requête sur Internet ne satisfait que les
besoins d’information sur un thème, en l’occurrence le thème de l’homme, mais elle cache
la partie intime de l’homme, le besoin, qui pousse à cette requête sur le sujet de l’homme.
Une autre voie consiste à partir d’une étude d’une construction largement reconnue
de modèle de l’homme en vue de dégager les différents concepts et démarches narratives
permettant la construction du modèle en question. Plusieurs modèles se présentent :
Chez les Grecs et dans l’iconographie égyptienne, la construction du thème de
l’homme prend naissance dans un à-priori d’une représentation anthropomorphique de la
divinité. Les divinités sont racontées dans leur démarche et activités semblables à ceux de
l’homme. Exemples, les dieux « parlent », « expirent », ou possèdent un souffle,
« écoutent », « discutent » et entendent », etc. Peut-être que les dieux ne parlent pas
vraiment, ni soufflent, ni entendent de la même manière que les hommes, mais la nécessité
de la compréhension de l’auditeur veut que ces mots soient utilisés pour rendre compte de
85
ce que font vraiment ces dieux. Ces récits sur dieu indiquent aussi l’homme : l’homme
« parle », « écoute », « discute », etc. Les Egyptiens ont ajouté un élément supplémentaire
marquant la divinité et donc limitant l’homme : la divinité et les potentats sont représentés
par des individus de figure anonyme, mais identifiables par les objets qui représentent leur
symbole. Exemple le dieu Rê est identifié par un homme ayant une tête de faucon.
L’homme n’est donc pas un individu ayant une tête ou un caractère de l’animal
symbolique.
Dans la même foulée des Egyptiens des Pharaons, les peintres de la Renaissance,
représentent les individus par leurs objets symboliques ou identificateurs. Italiens ou non,
les peintres sont réputés pour leur savoir-faire dans la représentation de la nature et dans le
portrait de l’homme. Ils ont obtenu l’éloge des critiques pour leur sens du beau. Ils restent
cependant attachés à des points ou à des valeurs qu’ils veulent mettre en relief. Les muses
ou l’inspiration qui ont animé les peintres dans leurs œuvres relancent encore la question :
que cherchent ces artistes dans leur capture de la nature et du portrait de l’homme ? De la
forme ? Des qualités ? Des expressions ? Ne cherchent-ils pas en fin de compte
« l »’homme ?
Faut-il alors chercher la représentation de l’homme à travers les peintures
surréalistes et les autres formes non réalistes de l’art (la peinture abstraite par exemple) ?
Le surréalisme veut être une expression sous toutes formes du psychique : un
« automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit
par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée » écrivait André
BRETON en 1924, dans son « Manifeste du surréalisme »48. Il invite le fort intérieur de
l’homme (en l’occurrence du narrateur) à s’exprimer. Leur représentation est remarquable,
car elle cherche l’homme non plus à travers ses apparences, mais par son intérieur que le
rêve, l’inconscience, l’hypnose, le fantastique, le bizarre, l’étrange et l’inattendu fait
ressortir49. Le surréalisme s’insurge contre ce qui est raisonnable, c’est-à-dire
compréhensible par la raison ; il est une résistance désorganisée de l’homme contre la
domination de la raison. On ne peut cependant pas associer le surréalisme comme un
mouvement anarchique de l’homme ; il n’est peut-être anarchie que par rapport à l’ordre de
la raison ou par rapport à celui du sentiment. Mais en lui-même le surréalisme est du son
48 Voir Encarta 49 Voir Encarta, «Surréalisme ». 1993-2003 Microsoft Corporation
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ou du produit de l’intérieur de l’homme : du son, peut-être ou une représentation qui peut
aussi être une représentation collective. Le surréalisme ne décrit pas directement l’homme,
mais les évènements qui l’atteignent. Leur description ne vise pas à expliquer la
souffrance, mais à donner des mots pour avoir une idée ou une image précise de la
souffrance, que ses lecteurs sont vite transportés par le récit.
En effet, le surréalisme n’est pas le seul mouvement littéraire et artistique contre la
raison. Le romantisme a développé une affirmation selon quoi une relation existe entre la
perception de la nature (le sentiment de la nature) et sa ressemblance avec le sentiment
intérieur50 la sensation intérieure de l’homme. Le désordre extérieur, le désordre de la
nature) est perçu comme une malaise intérieure. De ce fait les propos vantant l’ordre de la
nature sont aussi des propos sur la paix intérieure. Ce n’est donc pas vraiment l’homme qui
est relaté – l’homme n’est qu’un contenant comme l’est la nature. La réalité est l’ordre et
son envahissement à la fois sur l’homme et sur l’extérieure de l’homme. Ce type de récit
fait vraiment abstraction de l’homme
L’impressionnisme pour sa part, ne cherche pas à capturer l’objet, mais à produire
une impression devant une représentation de l’objet. Conséquence, elle n’obéit pas aux
critères usuels du beau ; elle a même obtenu la raillerie des critiques – comme les peintres
de la Renaissance ont eu leur éloge –, leurs toiles sont des croûtes qui semblent « avoir
déclaré la guerre à la beauté » écrivait le journaliste Louis LEROY de la revue La Chivari
à propos d’un tableau de MONNET51. Leur point fort cependant est que leur tableau
provoque un sentiment défini comme une impression de quelque chose, une nécessité
d’investigation, comme si il renferme un secret. Le peintre du courant impressionniste
arrive à faire ressortir l’impression de quelque chose de l’intérieur de l’homme. Cette
impression cependant n’est pas permanente et de ce fait ne peut pas être partagée. Les
peintres impressionnistes reconnaissent la relativité de l’impression et localisent l’agent
impressionnant dans les jeux de lumières ou de couleurs. Pour notre part, ce type de
« feeling » devant une représentation nous intéresse, car il démontre l’existence (sous
forme d’impression) de ce que ne peut pas rapporter le tangible sur la pensée humaine ;
l’impressionnisme montre l’indicible et le non représentable artistiquement.
50 Voir Encarta, « Romantisme (littérature ». 1993-2003 Microsoft Corporation 51 Voir Encarta, « Impressionnisme (art) ». 1993-2003 Microsoft Corporation
87
Plus proche de nous, les sculptures tandroy52 ornant les sépultures représentent
l’homme, non plus par la particularité de son visage, mais par ses aspirations matérielles :
la richesse en cheptel, le pouvoir détenu par les colonisateurs (présenté sous forme
d’effigie d’un bonhomme coiffé d’une casque coloniale), le tout paré des symboles de
portails menant jusqu’aux cieux. De même, les « Kabary » et autres littératures orales,
essaient aussi de se représenter l’homme.
Nous avons choisi la formation de la narration du thème de JESUS de la religion
chrétienne. Ce modèle, considéré comme une réflexion comparable à une autre sur
l’homme, représente l’aspiration typiquement humaine à la production d’une description à
la fois pour formuler (construction d’un modèle théorique) et pour incarner (identification
de l’homme-modèle) « l »’homme. L’existence de modèle de l’homme se démontre par la
récurrence de certains propos sur l’homme, dont on retrouve la trace aussi dans le modèle
choisi (la narration de JESUS).
Les apports du débat juif sur l’homme image de Dieu et ses questions
L’ensemble des réflexions sur l’homme peut se concrétiser par une véritable
représentation collective de l’homme, comme l’a fait la réflexion biblique sur l’incarnation
du verbe par JESUS53. De ce fait, la construction de l’ensemble des réflexions sur l’homme
est comparable à la problématique chrétienne de l’identification d’un individu en tant que
incarnation d’une construction collective (prophétique ou imaginaire, peu importe) qui est
aussi et en même temps une révélation de « l »’homme en général. L’idéal des produits de
la construction de l’ensemble des réflexions sur l’homme est celle qui synthétise toutes les
représentations et serait soit incarnée sous forme d’un personne. La religion judéo-
chrétienne a figuré clairement cette question dans ses thèmes sur l’affirmation de la venue
d’un sauveur et la vie de JESUS et surtout, l’affirmation selon quoi JESUS est
l’incarnation de Dieu.
Le thème de JESUS ouvre de questions diverses qui finalement conduisent tous au
thème de « l »’homme : Deux sujets s’en ont sortis : premièrement, la confrontation de
l’homme réel à celui de l’idéal collectif ; deuxièmement, la réalité de la construction
collective,
52 « Tandroy » un tribut malgache occupant la partie Sud et Sud-ouest de Madagascar 53 Voir La Bible, Nouveau Testament, Evangile selon Jean, Chapitre 1, verset 14 -
88
Pour le premier sujet, les Juifs et ses scribes ont posé la question et le débat sur la
vérification de l’authenticité de JESUS en tant que MESSIE. Pour eux, l’idéal est consigné
dans leurs livres de prière : le Torah, la loi, les Psaumes et les livres de prophétie. A partir
de ces documents, une appréhension collective du MESSIE est construite ; aussi, il ne leur
reste pour eux que de vérifier le caractère messianique de JESUS. Le problème se porte
alors sur l’authenticité de l’idéal incarné.
Deuxièmement, la question est de savoir si la communauté humaine est-elle
capable de construire une représentation unique de l’idéal. Pour les sociologues, la réponse
est évidente : l’idéal de la société détient une fonction sociale précise ; il ne peut
qu’exister. Certains sociologues vont alors inventer leur incarnation non pas en indiquant
un individu nommé, mais une représentation de l’idéal de la circonstance. Pour eux, le
problème est la mise en relief le fait que cet idéal est celui qui représente
l’accomplissement de la situation. En théologie, par contre, la question est de savoir si
JESUS représente-t-il l’idéal de l’accomplissement religieux de son époque ou l’idéal de
l’homme. Cette question est l’objet de controverses doctrinales : les Aryens par exemple,
défendent le caractère historique de JESUS, alors que pour les chrétiens, JESUS est l’idéal
de l’homme terrestre.
Les Juifs, pour élaborer leur doctrine de l’incarnation, ont élaboré un ensemble de
concepts et de thèmes formant un matérau qui, une fois mis en correspondance avec des
matériaux issus d’un autre système de représentation de l’homme conduit à une sorte de
lieu d’arguments ou de discussion ou de formation de thème de l’homme.
Chez les Juifs, la « loi et le Torah », le nom de « JEHOVAH » comme
dénommination de la divinité, les lieux fréquentés par les ancêtres, ainsi que d’autres
concepts, sont tous pour autant des matériaux qui n’ont de sens que par des questions sur
l’identité de la Nation. A l’époque de JESUS, ces valeurs sont cependant ébranlés par
l’enseignement de JESUS (entraînant par la suits la formation du christianisme fondé sur
un regroupement des individus autour d’un autre questionnement sur l’accomplissement de
la loi). Ce n’est donc pas vraiment le Torah et la loi, ni l’appartenance à une lignée
généalogique d’ABRAHAM que JESUS a mis en relief, mais l’accomplissement vis-à-vis
du Torah et la loi, et l’appartenance à d’autres livres différents du livre de la loi que les
Juifs ont plus ou moins volontairement ignoré :.L’existence du Livre est mentionné dans
89
l’Ancien testament, Exode Chapitre 32, versets 32 et 33, un livre de guerre est mentionné
dans Nombre 21 : 14- ; déotéronome 29 : 61- etc.
(Avec le christianisme, de nouvelles questions se posent sur la religion: qui sont les
individus ou l’homme qui sont inscrits dans le livre de la vie ? qui sont les individus qui
sont parfaits devant la loi ? Bref la réponse est celui qui incarnent la Loi et le Torah, ou
tout simplement l’idéal).
Les débats juifs pour vérifier l’authenticité de la réflexion sur l’homme-dieu qu’est
le Messie et ceux portant sur la nature divine ou non de JESUS ont dirigé la question vers
des réflexions sur les ancêtres fondateurs de la Nation (l’arbre généalogique menant
jusqu’à l’élu ABRAHAM) et par cette voie, en remontant en amont de l’arbre
généalogique, vers la réflexion originelle sur « l »’homme ... tout court. Cette trame de
discussions collectives juives se porte sur la trilogie dieu-ancêtres-« le Juif » ou
« l’homme ». Pour eux, leur thème de l’homme se localise dans le thème de l’ancêtre :
pourquoi et comment peut-on s’assurer que la personne dénommée est une réalité qui a
engendré la descendance future. Le chrétien a substitué le thème d’ancêtre par celui de
l’homme-dieu (JESUS) qui est devenu un « totem » avec lequel cette communauté
identifie ses membres. Le passage du thème « ancêtre » vers celui de « homme-dieu » est
une circonstance qui a ouvert le problème de la réflexion sur l’homme et sur l’archétype
des réflexions sur l’homme.
« Abraham », « ancêtre », « Jehovah » sont des apports conceptuels de la
construction juive du thème de l’homme. On remarque la différence entre la démarche
juive et celle des Grecs en la matière : les Juifs (et ses influencés dont entre autres les
chrétiens) discutent du thème de l’homme, en termes correspondant du concept actuel de
« citoyen », alors que les Grecs retracent le thème de l’homme à partir de l’incarnation de
la divinité : un dieu qui prend la forme humaine (pour épouser une femme humaine, par
exemple54). Le lien conceptuel de la formation du thème de l’homme dans la pensée juive
est la suivante :
Thème de l’homme Thème de patriarche (ABRAHAM, ADAM) Thème de
divinité JEHOVAH
54 Ce thème se rencontre aussi dans la bible (Voir La bible, L’Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 6, versets 1 et -
90
qui se lit de la manière suivante : le thème de l’homme provient du thème de patriarche (le
choix d’ABRAHAM et la création d’ADAM) lui-même provient du thème de la divinité
(la préexistence de JEHOVAH). Le fond théorique du thème de l’homme est la
détermination divine de l’homme : le dieu eternel agit par la création de l’homme, par son
choix en faveur d’« un » homme, et par la réalisation de ses promesses. L’oracle divin a
donné le statut de l’homme : un être déchu du monde de la divinité et sauvé par le don des
lois divins et des livres de prières. En outre, le thème de l’homme se présente comme une
construction collective de l’éthique comprenant surtout de l’attente de l’avènement du
MESSIE. Si JESUS est donc la représentation de l’homme annoncé par les prophètes, sa
vie entière devrait être retracée dans les propos messianiques des prophètes dont le
fondement est dans l’oracle divin du choix d’ABRAHAM ; il n’est pas au dessous de la
loi, comme il le prétend, il est astreint à suivre l’éthique.
Vers la reconstruction des liens entre les concepts pour la construction de la représentation de l’homme par la narration
Les propositions et les concepts inventés par les Juifs et les chrétiens pour réfléchir
sur JESUS, « le fils de dieu » et qui leur ont permis de concevoir la représentation de
l’homme, d’après notre interprétation personnelle de la bible, s’appuient sur les thèmes et
les conceptions suivants :
1) ° La représentation de l’homme est manifestement donnée en la personne de
JESUS, le modèle, est un être à l’image de DIEU ou d’un narrateur dont il (JESUS) est à la
fois le messager et l’instrument d’un récit du salut pour les hommes55
2) ° Le thème « JESUS » n’est nécessaire que pour exprimer les réflexions d’un
narrateur (supposé DIEU) sur l’homme. Le problème n’est donc pas dans la nature divine
ou non de JESUS, mais dans la relation entre le thème « JESUS » et le thème « homme ».
JESUS est-il l’homme ou l’homme peut-il se transformer en dieu (comme au jeu d’échecs)
lorsqu’il a passé certaines épreuves ? La réponse de Juifs contemporains de JESUS est que
ce dernier reste toujours le « Nazaréen », « l’homme de Galilée » la terre sauvage, alors
que PAUL établit un couple Jésus-Eglise ou encore Dieu-Fils de Dieu.
3°) Les réflexions attribuées à JESUS sur l’homme n’est pas une critique de
l’homme mais une révélation de l’état de l’homme (la déchéance) ou des arguments
55 Pour l’affirmation selon laquelle JESUS est l’image de dieu, voir Col 1 : 15- / « Il [JESUS] est l'Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature »
91
démontrant la réalité de la déchéance. JESUS révèle et met en évidence le « être faible » de
« l »’homme et non pas le « avoir de la faiblesse ».
4°) Le thème de la femme ou de la dualité homme-femme de l’homme est un autre
moyen pour narrer la faiblesse de l’homme sans pour autant accuser DIEU d’avoir créer
des hommes imparfaits. La distinction entre l’homme et la femme est comparable à celle
de l’homme et Dieu. A cet effet, « l’image » et « la gloire » sont les critères de distinction
montrant plus un aspect de l’homme éloigné de dieu (la femme) et un autre aspect plus
proche (l’homme) 56 La femme est l’image de l’homme, et JESUS en est celle de Dieu57
(On remarque que sciemment nous n’avons pas commenté les versets bibliques
pour ne pas nous déverser dans une discussion théologique qui nous échappe et qui dépasse
cette thèse.)
PAUL et les chrétiens complètent la discussion avec le sujet portant sur les forces,
l’ « anima » - et non l’ « ergon » - agissant sur l’homme. Sans être exhaustif, ces sujets
aditifs sont : l’influence des besoins non spirituels sur l’homme selon laquelle l’homme
« de la chaire » est celui qui obéit « aux contraintes de la chair » ou « l’homme vivant sous
la contrainte de la loi », l’influence de l’esprit pour désigner la force qui anime l’homme «
vivant dans la grâce » ou vivant sous « l’action de l’esprit » (les mots entre guillemets sont
des traductions libres des citations bibliques malgaches en français), l’influence du Mal
pour parler de la puissance originelle animant chaque individu.
Pour formuler autrement le descriptif et la problématique de la réflexion sur
« l »’homme à travers les écrits de PAUL, nous dirons que le descriptif et la problématique
forment un système comprenant : 1°) des thèmes sur un homme-dieu (JESUS), sur
l’homme-femme ; 2°) des relations entre dieu, l’homme et la femme. 3°) des forces qui
animent (la chaire ou l’Esprit) De ces trois éléments se dégage alors la première re-
découverte : l’homme est dans un état de grâce ou dans un état de condamnation selon ses
relations avec l’homme-dieu et selon le principe qui l’anime. Finalement, les réflexions de
PAUL se portent sur l’état de « l »’homme, étant donné le modèle de l’homme.
56 Voir 1co 11 :7- « il [l’homme] est l'image et la gloire de Dieu; quant à la femme, elle est la gloire de l'homme. », 2co 4 :4- « ... Christ, qui est l'image de Dieu » 57 Pour l’affirmation selon laquelle JESUS est l’image de dieu, voir Col 1 : 15- / « Il [JESUS] est l'Image du Dieu invisible, Premier-Né de toute créature »
92
L’archétype de la réflexion paulienne sur « l »’homme est caractérisé par les points
suivants :
1°) L’homme est faible, et cette faiblesse est personnifiée personnalisée par la
femme, ou par les faits des femmes (le fait d’avoir succombé, la première, à la tentation, ou
encore le comportement typique des femmes)58. La faiblesse ou la femme est le « reflet »
(c’est-à-dire l’image) de l’homme.
2°) Mais malgré cet état de faiblesse, l’homme est doté d’un aspect ou d’un substrat
viril et proche ou apprécié – « aimé » selon l’expression biblique – de Dieu.
3°) En dehors de l’homme, le modèle de l’homme est aussi inséparable à l’identité
de l’homme
4° Enfin, l’homme est doté d’une volonté libre d’utiliser le parcours de l’homme-
modèle pour parvenir à un état idéal.
On remarque que les propos de PAUL ne visent pas ni à culpabiliser la femme, ni à
montrer la supériorité spirituelle de l’homme, mais à révéler l’existence d’une procédure
de salut devant la faiblesse ou devant la déchéance. La procédure du salut a été vécue par
JESUS lui-même, c’est pourquoi la théorie paulienne encourage cette fois-ci l’homme en
général à imiter la démarche de la représentation de dieu qui est JESUS. Vivre dans un état
de salvation est l’objectif final de l’homme d’après PAUL. Ce dernier s’est permis par la
suite d’élaborer des propos éthiques pour corriger encourager ses auditeurs à quitter les
comportements humains (produits de la chaire) qu’il dénigre chez l’homme vivant dans ou
hors de la grâce et même, il est parvenu à élaborer une représentation de l’homme vivant
loin de la grâce. La conception de PAUL distingue les hommes entre eux selon leur
position dans la grâce ou dans la condamnation.
Si on considère que la science économique est un produit de la littérature
chrétienne, démunie de ses concepts théologiques, nous pourrons alors partir de la
conception de PAUL adaptée aux concepts économiques pour remonter par la suite, vers la
formation de la représentation de l’homme. On peut alors avancer que l’homme-femme (ou
l’homme faible ou l’homme déchu) qu’est la représentation biblique de l’homme est situé
dans l’un ou l’autre de l’espace de grâce ou de condamnation. La nature de l’homme met
58 Les femmes sont les cadets des hommes « C'est Adam en effet qui fut formé le premier, Ève ensuite. » (La Bible, Le Nouveau Testament, 1 Timothée 2 : 12-)
93
ce dernier dans une position de condamné, contraire à ce qu’il devait être. Nous
appellerons cette position une position « non économique ». Le salut ou l’activité
économique le met dans une position nommée « position proche de l’économique ».
Lorsque ses comportements sont conformes au modèle, l’homme est dans la « position
économique ».
(L’approche de la représentation de « l »’homme en termes de position fait de ce
dernier un être en devenir, un être en déplacement).
Les positions décrivent le parcours de l’homme représenté et non pas de l’homme
réel. La science économique actuelle et la théorie biblique du salut ne visent pas à critiquer
le fonctionnement de l’homme du réel, et dans la même foulée, elles ne remettent pas en
cause la réalité pour proposer le normatif ou pour guider l’agent économique vers un Etat
idéal. Elles sont un moyen de révéler la potentialité économique humaine ou la possibilité
de renaissance humaine. A cet effet, elles ont utilisé la même démarche : la référence à un
modèle de l’homme.
Mais la science économique s’est écartée de la théorie biblique et surtout du modèle
usuel du thème de l’homme, lorsqu’elle délaisse la vision duale de l’homme et la position
économique de ce dernier pour des positions sociales, psychologiques et institutionnelles
comme champ de manifestation de la capacité de l’homme. A cause de cela, cette vision
limitée de l’homme est diminuée : l’homme n’est qu’un détenteur de force de travail.
L’homme est représenté par le travail qui n’a de concret que le produit. Conséquence, la
vie humaine n’a de sens que par le travail, et la représentation de l’homme lui-même se
dilue dans la quantité et la qualité des produits.
Aussi pour remettre l’homme, cet être dual animé par le besoin ou la raison (par
deux forces alternatives), à sa place idoine, une position économique, il faut abandonner la
représentation de l’homme actuelle selon quoi ce dernier est une entité unique forte ou
faible, proche ou éloignée de l’homo économiques, équivalent ou différent de l’homo
économiques Il faut personnaliser la faiblesse , premièrement, en recourant à la
représentation de la femme telle que la rendent compte les disciplines des sciences sociales
et humaines et deuxièmement, en étudiant l’équivalent en science économique de ce qu’est
la femme et de ce que sont les faits de déchéance dans la religion, car par cet équivalent, se
dégagent les faits analogues aux thèmes précités et auxquels l’homme qui s’aspire à
l’homo économiques a comme reflet (voir II). et le tout dans la position adoptée par le ou
94
les narrateurs. Mais auparavant, il faut placer le narrateur dans un champ d’observation lui
permettant de voir et d’observer « l »’homme sans se faire happer par leur situation. Cela
nous conduit alors à se demander comment se forme de thème de l’homme ? (Voir I).
Bref le présent paragraphe a pour objectif la collecte des intuitions primaires,
l’intuition collective commune à tout homme et qui sert d’évidence première constituant la
réflexion originelle sur l’homme. Le problème soulevé est la mise en place du narrateur, le
choix des moyens et démarches avec lesquels le narrateur va consigner les réflexions sur
l’homme. Certainement cette section n’apporte aucune satisfaction intellectuelle, mais
seulement une ouverture d’une réflexion.
I – De la construction de la réflexion sur « l »’homme à partir de la narration de la constitution de l’univers
Les narrations de la formation de l’univers sont les thèmes porteurs du prémisse du
thème de « l »’homme. Elles sont faites de thèmes différents et variant selon les cultures,
mais le thème de l’homme y est récurrent. Certaines narrations présentent l’homme comme
un préalable de la formation de l’univers, alors que d’autres l’introduisent en fin de
l’achèvement d’un thème décrivant la construction de la nature et commençant un autre
thème de formation, notamment la richesse et la valeur. En fait ces derniers thèmes sont
des prolongements du thème de la création car le thème de la création révèle la valeur et
l’importance de la vie considérée comme l’ultime finalité de la création. Puis le thème de
l’homme descend vers un niveau plus trivial et est exposé en termes de survie et de ses
connotés comme la production, la répartition et l’échange.
Aussi, puisque le thème de « l »’homme est récurrent des narrations de la
construction de l’univers et que ces dernières sont spéculatives, alors une théorie
cosmogonique quelconque conduit jusqu’à la construction de thèmes sur l’homme en
apportant des mots et concepts avec lesquels elle construit le thème « l »’homme.
Simplement, on peut alors dire que le récit de la création ne vise qu’à fonder le thème de
l’homme. Mais cette finalité n’est pas intellectuellement satisfaisante, car elle est une
vérité qui n’apaise aucune soif de vérité ; elle n’apporte pas le salut – la salvation, la
solution – demandé par un problème. Elle cache une autre proposition plus importante et
déterminante de la vie. Un prolongement de la réflexion s’impose pour découvrir ce qui se
cache derrière la tête des narrateurs des doctrines cosmogoniques. En cherchant la réponse
95
dans l’esprit qui a conduit à la rédaction des récits de la création, en fouillant les
décombres de la sagesse grecque – qui nous est familière à cause de la domination de la
culture judéo-chrétienne – qui ont rédigé les discours philosophiques de la création, on
constate que la plupart des philosophes ou des théoriciens de la cosmogonie ont écrit leur
document pour parler de l’ordre. Le discours de philosophes ioniens organisés en sectes
religieux sur la création répond au mieux à la question de « pourquoi l’homme parle-t-il de
l’homme ? ». Les discussions sur le thème de l’homme satisfait le besoin de comprendre
l’ordre universel, le « mathesis univesalis », la donnée de la nature et de l’esprit. La
littérature biblique, notamment les livres psalmiques pour leur part trouvent dans la
cosmologie la source de l’inspiration de sentiment qualifié par la littérature freudienne de
« océanique » (FREUD, Malaise dans la civilisation 1929). Le thème de la création,
lorsqu’il est appréhendé à son amont, est une source d’inspiration sur le sujet de la place de
l’homme dans la nature, alors que, en aval, il semble n’être que de plaisir intellectuel
d’avoir saisi l’order et de connaître l’avenir à l’avance.
C’est dans ce système de connaissances que s’insère et se conçoit la conception
économique de la richesse : si dieu a créé l’homme, ce dernier va rendre grâce à son
créateur en devenant lui aussi un créateur de valeur (ou de richesse). Le discours sur la
cosmologie est une justification des pratiques religieuses, c’est-à-dire la mise en œuvre des
actions de grâce dirigé vers le créateur. Cette action de retour consiste en une sélection des
objets de la nature, ou des faits de l’homme, une quête du meilleur, un comportement
éthique pour rendre grâce à la divinité et d’en obtenir en contrepartie une augmentation des
faveurs divines. Le récit de la création est donc inséparable au récit de la richesse. Ce
dernier thème fera alors l’objet du deuxième sous-paragraphe.
A – Du collecte des matériaux de base pour la construction du thème
de l’homme
L’inscription du thème de la création obéit à une finalité narrative permettant de
comprendre une partie ou l’ensemble des idées que les rédacteurs veulent transmettre à ses
lecteurs. Dans la littérature économique, le récit de la création correspond au thème de la
production ; dans notre cas, c’est un récit du processus de la formation du thème de
« l »’homme. Nous montrerons que le thème de l’homme puise sa source dans le contenu
du récit de la création, ou en termes économiques, dans « le processus de production »,
96
provient seulement de notre façon de concevoir l’économique. Notre objectif est double :
premièrement, montrer l’importance du passage par le référentiel existant de processus
économique de production pour parler de l’homme, en l’occurrence démontrer
l’importance du récit de la création pour pouvoir parler de l’homme et deuxièmement,
consigner les matériaux permettant de parler de l’homme. La description de la production
est une partie descriptive de la littérature économique.
La question de la formation du thème de « l »’homme par l’homme se répond par
une démarche intellectuelle spécifique de l’homme : l’introversion, ou la réflexion ou
l’introspection ; et notre réponse se trouve dans la capture de la démarche introspective
utilisée vraisemblablement par l’homme pour trouver la raison de parler de l’homme, d’où
le titre de la section : de l’appréhension des réflexions de l’homme sur l’homme. Il ne
s’agit pas de généraliser le produit de l’introspection dans l’énonciation d’une proposition,
mais de saisir le produit de l’introspection dans la construction du thème de l’homme. Il
nous faut alors préciser le statut scientifique de l’introspection dans la théorie économique.
Nous sommes encore devant un phénomène mal dénommé : la démarche en
question est-il de l’ « introspection » (du latin « introspicere59 » signifiant « regarder à
l’intérieur »), ou de l’ « introversion » (du latin « introsrsus », syncope de
« introversus60 » qui signifie « tourné vers l’intérieur ») ou tout simplement de la
« réflexion » (du latin « reflectere61 », « faire tourner » ou « tourner en arrière ») ?
L’introspection est une source d’inspiration (et non pas d’information) qui consiste,
selon CICERON, à « regarder dans l’intérieur » (de « l »’homme) ; cet auteur a aussi
utilisé cette expression dans le sens de « descendre en soi-même », alors que Aulu-Gelle
dit GELLIUS, un érudit grammairien et compilateur latin né vers 130 et mort vers 180 de
notre ère avait aussi utilisé ce mot pour parler de « peser la valeur » (d’un mot).
L’introspection évoque donc une idée de recherche ou de sonde de la valeur profonde d’un
objet, ou le retour vers l’intimité profonde ou intime de l’homme. Elle est à l’origine
d’affirmations sans vérification empirique directe ou indirecte pour la raison que le
phénomène en question est tellement évident, tellement soutenu par une croyance forte que
les vérifications sont superflues. En outre, des fois, il est impossible de procéder à une
59 Voir QUICHERAT et DAVELUY 1922 60 Ibidem 61 Ibidem
97
vérification du phénomène sur terrain (HINDRIKS 2003). L’introspection s’avère donc
inutile si des tests en laboratoire économique comme les a fait Vernon SMITH ne sont pas
possibles. L’homme à la recherche de l’homme par la représentation agit intuitivement et il
est exposé devant deux situations : ou bien, il sait qu’il détient des informations préalables
sur la représentation de l’homme (axiome d’introspection positive), ou bien il sait ce qu’il
ne sait pas sur la représentation de l’homme (axiome d’introspection négative). Cette
deuxième situation n’est pas acceptée par l’économie pour les raisons suivantes : une
méconnaissance absolue d’une situation leur est théoriquement impossible, et que devant
l’incertitude totale, en théorie économique, l’agent rédige un contrat pour couvrir le risque
afférent62. Nous agirons cependant dans les perspectives de l’introspection négative. Nous
pensons en effet que l’homme n’est pas capable de faire le bien même s’il connaît le bien,
mais à défaut de contrat, il maximise son espoir sur la représentation de l’homme ; plus
précisément, en termes économiques, dans les thèmes de discussion sur l’homme, la
participation des agents économiques (les rhéteurs) se fait en maximisant l’espérance
attendue de sa représentation de l’homme. Ainsi, quand un orateur s’exprime d’une
manière comparable à l’idée suivante : « pour moi, l’homme est ceci ou cela… », au fond,
il espère que sa représentation de l’homme soit proche de la véritable représentation de
l’homme ; par introspection, il connaît ce qu’il ne connaît pas. Quand Adam SMITH
affirme que l’homme a une disposition naturelle pour l’échange, dans le fond, il espère que
sa représentation de l’homme soit véritable ; il connaît l’homme bien qu’il ne le connaît
pas.
L’introversion pour sa part indique le « dedans » ou le « dans l’intérieur ». A la
différence de l’ « introspection », ce mot évoque une sorte de for intérieur secret et
mystérieux. L’ « introversum » est aussi utilisé par le Latin pour désigner ce que
l’imagerie hébraïque appelle par le « cœur » (de l’homme). Ainsi, l’expression du poète
latin HORACE (65 – 8 av. J.C) « le cœur vicieux » a été traduite littéralement par « le
dedans de la turpitude »63
Le mot « réflexion » est le plus usité de cette démarche intellectuelle de l’homme ;
il est synonyme de « penser », « étudier » et « examiner ». APULEE a utilisée le mot
62 Voir PAULRE Bernard, « Genèse et enjeux de l’économie cognitive », in Problèmes économiques, n° 2883, du 28 septembre 2005, page 5 (PAULRE 2005) 63 Voir QUICHERAT et DAVELUY 1922
98
réflexion pour désigner la « réciproque »64. Le concept de réflexion se distingue des deux
autres en ce qu’il soutient implicitement l’existence d’un « réciproque », l’équivalent du
mot « aide » dans le livre de Genèse, chapitre 2, Verset 26. On note cependant que pour
traduire ce terme, l’écrivain biblique a utilisé le mot « אֱעֱשֱה» (littéralement « e’heshe’h »,
féminin de « ‘ish » signifiant l’homme dans le sens humaniste du terme)65
Ces trois mots rendent compte d’une idée d’un lieu « intérieur » ou « au-dedans »
vers lequel l’homme (y compris nous aussi lors de l’élaboration de cette thèse) – d’après la
conception latine – se « tourne » ou « descend » pour puiser une énergie mentale ou une
inspiration pour avoir une connaissance. En outre ces vocabulaires relatifs aux sources de
l’inspiration humaine indiquent la possibilité – si la conceptualisation n’est qu’une
possibilité – de la réalité d’ « un » homme équivalent à « l »’homme. Ce retour vers la
source intérieure est inévitable lorsque le sujet traité ne se prête pas à une expérience
tangible et que seul, le sens de l’homme est l’argument.
Dans notre conception, l’usage de l’expression « l’homme » n’est pas fortuite ni
seulement une façon de parler, mais un thème rémanent – comparable à une maladie
viscérale – dans le fond et dans l’intimité de chaque homme et qui est développé par la
suite par les discussions, la philosophie et la religion et qui continue de hanter les autres
disciplines scientifiques ; l’homme se perçoit par la sensation partagée ou commune. Ce
développement du thème de l’homme chez l’homme n’est possible dans la mesure
seulement où l’homme en question est un être considéré comme dual. Seulement la dualité
de l’homme, ou l’ombre ou la représentation de l’homme n’est pas encore précise. La
littérature biblique utilise le concept « femme » pour nommer cette partie inconnue de
l’homme, alors que d’autres mots comme l’ « âme », l’ « esprit », le « djinn », etc. ont été
inventés pour parles de cet « autre » de l’homme. (Nous montrerons dans un deuxième
chapitre que cet autre n’est rien d’autre que l’expression « homo œconomicus »). La
démarche pour capturer le thème de l’homme est la reconnaissance de la représentation de
l’homme, mais cette représentation n’est pas encore nommée. La capture du thème de
l’homme est donc la construction de la représentation de l’homme (par la narration).
Quand un évènement est susceptible d’être narré, alors il est presque capturé, c’est-à-dire
saisi et appréhendé intellectuellement. Une connaissance profonde de la question
64 Ibidem 65 Voir page 55 sur le mot « i’sh »
99
cependant manque dans une appréhension. Cela se fait par l’intelligence du physique de la
chose, c’est-à-dire sa force et sa faiblesse.
Ainsi, la recherche la représentation de soi par les produits artistiques et littéraires
ne dénote pas une volonté de mieux agir, ou une instrumentalisation de la connaissance,
mais une volonté ou un besoin de se connaître soi-même, une sorte d’élan spécifique à
l’homme. En outre, on ne peut commencer le développement du thème de l’homme que
lorsque le thème de la représentation de l’homme est posé. Aussi, de prime abord, les
civilisations qui figurent l’homme comme une unité non morcelable ou encore comme un
bloc, ne peut pas faire un discours sur l’homme, car ils excluent d’office le narrateur. Il
nous semble d’ailleurs que ce type de civilisation n’existe pas, du moins jusqu’à présent.
On déduit la possibilité de l’existence d’un archétype de réflexions ou d’une réflexion de
base commune à toutes discussions sur la représentation de l’homme si on suppose que
chaque participant aux réflexions sur la représentation de l’homme partage les mêmes
idées malgré la différence de leur position.
En considérant la littérature économique comme des textes descriptifs, le
rapprochement du texte biblique de la narration de la création et la théorie économique de
la production pour en élaborer une sorte de lieu commun (entre la littérature économique
et un récit de la création) d’arguments et des concepts littéraires et économiques de thème
de l’homme. Pour cela, l’interprétation et l’analyse (socio-sociologique et anthropologique
avec lesquels la science économique commence sa démarche pour épurer les faits) ainsi
que la collecte des données statistiques on été écartées. Il ne reste plus alors que la partie
narrative de la littérature. Les deux textes sont réunis par le thème de la production /
création et mettent en filigrane l’homme. Pour l’économie, l’homme est présent dans la
production en tant que prestataire du travail et en tant que destiné de la production ; alors
que pour la bible, l’homme y est présent, mais d’une façon plus complexe : Les Hébreux
ont pris les débats en marche au fur et à mesure de leur migration dans les pays qui les ont
hébergés tout au long de la péripétie de leur histoire. Puis, à un certain moment, leurs
narrateurs osent faire le point de discussion et ont pris position pour élaborer leur propre
conception doctrinale. Ce n’est pas la doctrine qui nous importe, mais la formulation des
débats, c’est-à-dire le développement du thème dans les civilisations qui ont influencé
directement ou indirectement la communauté hébraïque..
100
A cause de ce fait, nous allons reprendre non pas les débats et les points critiques de
la question de la formation de l’univers à laquelle la culture juive est obligée de prendre
position, mais les thèmes et les concepts utilisés par les narrateurs hébraïques pour
formuler leur propre récit. Ce n’est pas l’originalité ou non de la théorie cosmogonique des
Juifs, mais leur consignation dans l’agencement des idées que d’autres philosophes ont eu
avant eux. Ainsi, si les rédacteurs hébreux utilisent par exemple les termes « ténèbres » et
« vide » initiaux, nous n’y voyons pas une originalité, puisque avant ces rédacteurs,
certains philosophes grecs ont parlé de sujets équivalents comme « air », « infini » initial
pour commencer leur description de la cosmogonie. Les rédacteurs de la création selon la
bible étaient entrés dans un sujet qui existait déjà avec ses termes et ses imageries, et même
un champ d’argumentations et de raisonnements. Il ne leur reste qu’à en puiser les mots et
concepts sans avoir à démontrer leur existence ou leur fondement. Aussi, n’ont-ils plus
besoin de décrire certains termes comme l’abîme ou les ténèbres ainsi que l’imagerie
d’étendu primitif, mais seulement ils doivent se positionner par rapport aux alternatives
existantes.
Les économistes ont posé au préalable de la production les concepts désignant les
facteurs : dans un modèle mécanique, le « travail », le « capital » et la « nature », alors que
dans un modèle organique, « l’innovation ». L’originalité de la théorie cosmogonique juive
dans son rapport avec la construction du thème de l’homme et qu’elle partage avec la
conception économique, est que c’est une théorie qui parle de commencement de la
création de la nature et non pas vraiment l’achèvement de l’histoire de la nature. Trois
étapes sont à tenir compte dans le récit de la création : le premier va de récit de la création
jusqu’à la formation de thème de « premier homme » ; le second va vers l’homme en
général (l’ancien testament) ; enfin le troisième relate l’avènement de l’homme nouveau et
le nouvel univers. Ce n’est pas la création de l’univers qui nous intéresse, mais le thème de
l’homme qui l’accompagne. L’histoire économique globale de la production, pour sa part,
va de la réalisation ou de la prise de conscience du besoin vers l’émergence de
l’entrepreneur (ou de l’innovateur), suivi du thème de l’entreprise pour arriver vers une
théorie de l’innovation,
En effet, deux visions différentes de l’homme sont exposées dans la conception
juive et économique de la production correspondant respectivement au thème de la marche
vers la déchéance des idées de l’homme-producteur et la marche vers la revalorisation du
travail (équivalent au récit biblique de la rédemption). Mais ces deux récits du travail sont
101
surplombés de l’ombre du récit du flot de travail poussé par le sentiment de résistance
contre le besoin ou d’appel à la production devant le besoin. La première vision est un récit
du processus de la formation de l’homme l’état terrestre de l’homme (nous n’osons pas
utiliser le mot « naturel », car il nous semble que le texte biblique n’a pas défini l’homme
comme un être moralement déterminé par la nature ; au contraire, pour lui, l’homme
détermine la nature. L’homme a été seulement, d’après la bible, influencé par le Mal). Le
second est une description de l’homme idéal dans un monde troublé par la production.
Nous commençons donc par la reconstruction des thèmes bibliques de la narration de la
création par l’étude de sujets composants ces thèmes tout en pensant que ces sujets sont en
rapport avec la compréhension du thème de l’homme ou plus particulièrement, de son lien
avec la description de l’élan qui stimule la production. Le processus de production est une
activité de recherche et de discernement de nouveaux besoins et de facteurs de production.
Dans la littérature hébraïque, la production est aussi narrée avec cet esprit de recherche et
de discernement. La littérature économique, cependant, est moins loquace en la matière,
nous développons alors la production avec sa correspondance avec le sujet de la création.
Le ou les rédacteurs bibliques et ceux de la littérature économique présentent, sans
développer d’avantage, l’existence d’un univers primitif – vide et ténébreux, écrivent les
rédacteurs du livre de Genèse, sinon pauvre matériellement et envahi par le besoin humain
d’après une interprétation de la vision de économiste de la nature. Puis ils continuent leur
narration par des affirmations de séparations faites au sein de cet univers de base. Au bout
de la chaîne des opérations de « séparation » – ou, plus précisément, de « démantèlement »
– des « ténèbres » et des « étendus » que sont les éléments initiaux d’avant l’histoire de la
création, le ou les rédacteurs abordent le thème de l’homme, par les sujets de création, de
déchéance et sa nature duale. Herbert SIMON, voit dans l’acte de la création « un acte de
découverte de formes qui harmonisent les besoins et les aspirations de l’homme intérieur
avec les lois qui régissent l’environnement naturel »66. Ce n’est donc pas la nature que
l’homme a découvert, mais les types de besoin, ou tout simplement le besoin. La narration
de la création n’est pas une question de rapporte entre l’homme et dieu, mais un sujet sur
des thèmes de « découverte », « harmonie », « besoin » de « l’homme intérieur » et
« l’environnement naturel ». Le récit de la création est fait pour l’homme. Quelle que soit
la complexité du processus de la création, il est toujours rédigé pour être à la portée de
66 SIMON Herbert, « La science des systèmes », Epi, 1974 cité dans DONNADIEU Gérard, « Systémique et science des systèmes. Quelques repères historiques », document de l’AFSCET, 8 mars 2004
102
l’homme, ou du moins il a été fait de façon à ce que chaque auditeur puisse comprendre
quelque chose. Le récit, bien que facile à lire, est cependant n’est pas difficile à ressasser,
car il ouvre plutôt l’imagination de ses lecteurs. En plus de la lecture textuelle, certains
commentaires ont donné une lecture mystique du récit. Nous ne retenons que
l’interprétation en rapport avec le thème de l’homme.
A la lecture du récit de la création, Saint BONAVENTURE, un théologien
franciscain commentant le récit de la création67 soutient que : L’homme est composé de
corps et d’âme. L’âme est l’image similaire « similitido » de Dieu par son caractère éternel
et spirituel. Puis, adoptant la conception aristotélicienne du mouvement68 affirme que le
mouvement de l’homme, à cause de l’âme, est de chercher Dieu. Son statut lui impose
alors d’être au-dessus de la nature ; ce n’est donc pas l’oracle du moment de Dieu qui a fait
de l’homme un être au dessus de la nature, mais l’acte divine lui soufflant son souffle sur
l’homme.
Maître ECKHART, un théologien dominicain, lui aussi, comme tous les chrétiens,
reconnaît la dualité chaire et « âme » de l’homme, mais à la différence de Saint
BONAVENTURE, pour lui, l’âme est unie avec Dieu. Il ne prône pas pour autant une
nature spirituelle de l’homme. Pour lui, la question de la représentation de l’homme passe
par l’intelligibilité non pas de l’homme, mais de celle Dieu. Dans ses spéculations,
ECKHART soutient que l’essence de Dieu (qu’il nomme par le mot « déité ») est
inaccessible à l’intelligence de l’homme, mais au-delà de cette déité, Dieu peut établir un
rapport avec les hommes.
D’autres thèses d’auteurs peuvent aussi être ajoutées à ces deux propositions citées
ci-dessus. Nous retenons seulement que le terme de production a montré la nature duale de
l’homme. En commençant par le thème de production, comme la littérature a développé le
thème de la création de l’homme, l’économie parvient à la découverte de la nature de
l’homme, sinon à l’ouverture du thème de l’homme à un autre sujet : l’homme. Arrivé à ce
point de narration, les rédacteurs du livre de la création utilisent l’ambigüité ou
l’imprécision du mot « adam » pour développer un sujet à la fois sur le premier homme,
sur l’espèce humain, sur l’ensemble des hommes, un territoire et même sur la couleur
67 Voir LONGPRE Ephrem, 1921, « La théologie mystique de Saint Bonaventure », Archivum Franciscanum Historicanum, Vol XIV, Fasc. I-II (LONGPRE 1921) 68 D’après ARISTOTE, le mouvement des éléments sont : la masse descend, l’air folâtre, etc.
103
rouge. Cette imprécision n’est certes pas délibérée car la langue sémitique n’a pas de
majuscule ni de ponctuation. Pour elle, la longueur de l’espace entre les mots sert de
ponctuation. Les noms peuvent désigner aussi bien un nom propre qu’un nom commun.
Dans la littérature hébraïque, « l »’homme est toujours présent à travers le mot « ADAM »
bien que ce dernier ne désigne pas forcément le premier homme. En économie, par contre,
l’imprécision ou le non dicible de la narration de l’homme provient plutôt de l’imprécision
de la notion de besoin. La connaissance parfaite de l’ensemble des besoins de l’homme
aurait clos le débat sur le thème de l’homme.
Dieu a créé le premier homme, comme les narrateurs de l’économie, l’historien de
la pensée économique a posé au préalable les notions de besoins pour faire de l’homme un
sujet dicible. Ensuite les descendants du premier homme, qui sont aussi dénommés dans la
bible par le nom du premier homme, continuent le remplissage de la création par ses actes :
ils se sont multipliés (voir Genèse 6 : 1-) remplissent la terre des faits abhorrés par Dieu, ils
subissent la correction divine, etc. Le thème biblique de l’homme est manifestement une
continuation du thème de la création par l’homme et par dieu, un prolongement de la
création. La question aurait été close avec cette position dogmatique des Juifs, mais les
chrétiens ont ouvert le débat par une nouvelle lecture du livre de la création, par l’insertion
du thème de salut. Le tohu-bohu de la création, ou l’incertitude de la production, est suivi
par une promesse de quiétude ou de sérénité humaine à partir duquel se forme une autre
définition de l’homme. L’idéologie émergente du récit du thème de l’homme par la
création est l’affirmation selon laquelle l’homme est fait pour le bonheur ; le besoin est fait
pour être satisfait.
Le thème du salut est aussi une occasion pour la bible d’élaborer un thème sur
« l »’homme. Pour les chrétiens le thème de l’homme ne s’arrête pas à la déchéance, ni à la
description de l’état de cette déchéance ou du processus de la déchéance, mais se poursuit
vers le thème de salut et de comportement dans « la grâce du Seigneur ». L’homme relaté
est un homme créé, damné, attentif dans la foi, actif par la foi et transformé et préparé par
la foi en un nouvel homme pour une vie éternelle. Même transformé et préparé par la foi,
l’homme n’est pas encore parfait, c’est-à-dire doté des qualités requises par son créateur
pour accomplir les actions qui lui sont attribuées. Entre la création et la perfection,
l’homme vaque dans un espace que nous appelons économique et qui sera développé plus
particulièrement dans le deuxième livre de la présente thèse. Le thème de salut correspond
à une affirmation de la certitude de l’aboutissement du procès de production vers sa
104
réalisation. Une production sans espoir de produit est impensable dans la littérature en
général aussi bien qu’économique.
Il y a une similitude entre le récit du salut dans le Nouveau Testament et la théorie
économique de développement : les deux récits procèdent par un constat de la division de
« l »’homme en deux groupes : celui qui est, ce que le récit biblique appelle de « sauvé » et
celui qui est encore dans la condamnation divine – ou dans la condamnation par le
narrateur. Cette division cependant n’est pas visible intellectuellement et physiquement ;
l’état spirituel de l’homme, correspondant à l’état de situation économique, n’est pas
visible, n’a pas de repère dans la vie terrestre. Conséquence, le thème de « l »’homme,
dans le Nouveau testament comme dans la littérature économique, est focalisé dans le
thème de la lutte ou de résistance. Le thème de l’homme, dans cette optique, est une
narration faite avec « un regard en avant », selon les termes de BRUNIER-COULIN (alors
que le thème de l’homme bâti sur le fond de la théorie de la création, est fait de « regard en
arrière » (BRUNIER-COULIN 2008, page 227).
L’explication des actes de la foi et de la doctrine est le thème du Nouveau
Testament et son apport dans la théorie économique. La littérature économique est athée69.
Pour elle, la foi est un jugement de croyance qu’elle exploite dans ses analyses de
comportement économique. Le Nouveau Testament a adjoint le sujet de la foi avec celui de
la récompense. Ses propos sont des mélanges des critiques des arguments contre le dogme
du judaïsme – notamment en ce qui concerne la réciprocité de l’acte – , des explications et
des conseils et directives.
Les épîtres sont des formes littéraires du Nouveau Testament. Elles montrent, sous
forme de lettres adressées à des membres de l’église – l’entreprise de la foi – quelques
états de lieu de « l »’homme dans leur passage terrestre. En termes économiques, leurs
propos révèlent des erreurs de comportement dans un monde de certitude, ou précisément
dans un monde préparant l’avènement de la certitude. Le thème de l’homme que le
Nouveau testament développe est celui qui est en combat, le héro, « l »’homme qui n’est
pas encore dirigé par son destin, et qui est uni dans la lutte ou la résistance – peu importe
l’adversaire. Le Nouveau Testament introduit dans le récit le thème de l’homme-
69 On note que l’athéisme n’a de sens que dans la culture judéo-chrétienne. Dans l’islam, par exemple, la réalité de Dieu ne se discute pas ; Dieu impose sa présence ou sa loi pour que l’homme s’y conforme. L’équivalent de l’athéisme serait alors la non-conformité de comportement devant la loi divine. Cette dernière position est équivalente du non respect aux règles demandée par l’esprit, dans la religion animiste.
105
entrepreneur qui sera repris aussi par la littérature économique. A la différence des idées
véhiculées par cette dernière, cependant, l’homme du Nouveau Testament est lui aussi un
être idéal, car le Nouveau testament, ou plus précisément les épîtres, retracent le
comportement de l’homme parfait. Avec le Nouveau testament, la bible présente deux
idéaux de ‘homme : l’homme décrit et JESUS. Le rapport entre les deux représentations de
l’homme est une énigme ou une curiosité de la représentation de l’homme. La différence
entre l’homme de l’économie et celui du Nouveau Testament est que pour le premier, à
cause du concept générique utilisé, l’homme- entrepreneur est une réalité, alors que pour le
second, l’idéal (JESUS) est déjà donné, l’homme-entrepreneur n’est qu’une imitation de
l’idéal. L’homme de l’économie est un phénomène, alors que celui du Nouveau Testament,
un énergumène. Tous deux sont dans un état critique, car ils doivent faire leur preuve.
La lecture du Nouveau testament cependant est une source de différentes visions
sur le thème de l’homme. Un certain nombre de théologiens (Karl BARTH70, Hans KÜNG,
le franciscain Saint BONAVENTURE71,) n’y voyaient pas l’émergence de thème sur
l’homme car, d’après eux, l’homme a toujours été récité comme étant un être en partance
pour un meilleur monde. Le thème de l’homme se précise alors : un récit du passage vers le
Paradis. Le thème de l’homme produit du récit de la création se prête alors également à
décrire l’homme dans une situation transitoire quelle que soit l’objet et quel que soit le lieu
de transition. Dans ce cas alors le thème de l’homme, c’est ce qui décrit celui qui se
prédestine pour un autre lieu géographique, ou social, ou spirituel.
La première position des Juifs est l’affirmation d’un monde créé et non un monde
qui s’est auto-créé. Ceci entraîne une position spéciale du narrateur dans l’interprétation du
thème, car le narrateur est à la fois présente dans le terme de « dieu » par lequel il
s’exprime et en même temps il reste distinct de dieu, lorsqu’il cèle les scènes où la
présence des hommes et des autres protagonistes n’est pas nécessaire. Un autre narrateur
raconte aussi la création avec ses catégories particulières : « ciel » ; « terre », « vide » :
70 Voir BRUNIER-COULIN Claude, « La justification selon Karl BARTH. Investigation dans la problématique de la fonction miroir. Elucidation par les concepts de la philosophie de Francis Jacques », Thèse de doctorat en théologie, Faculté libre de théologie réformée, Aix-en-Provence, 2 juin 2008, 347 pages (BRUNIER-COULIN 2008) : D’après Karl BARTH, Dieu a déjà prononcé le verdict de l’acquitement de l’homme, conséquence, l’homme vit en acquité. Mais ce type d’homme ne se reconnaît pas lui-même ; il prend conscience de sa place par l’appel de Dieu. Cet homme appelé est invité « à entrer en scène comme un autre homme, l’homme nouveau » 71 Voir (LONGPRE 1921, )
106
« Car ainsi parle Yahvé, le créateur des cieux : C'est lui qui est Dieu, qui a modelé
la terre et l'a faite, c'est lui qui l'a fondée; il ne l'a pas créée vide, il l'a modelée pour être
habitée. Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre » (Isaïe 45 : 18-).
Remarquez que Dieu parle à travers un narrateur.
La véritable formation de thème de l’homme est la description de l’état initial
naturel :
« La terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme, et un vent de dieu
soufflait la surface des eaux » écrivaient-ils72, pour désigner l’univers initial. La vision de
deux « étendus » (abîme et eau) dominent cette affirmation. Dans certaines versions
bibliques73,
Les thèmes contenus dans cette phrase ont été déjà utilisés pour formuler d’autres
théories cosmogoniques. :
1°) Le « vide ». Le thème de « vide » primitif se rencontrait dans la cosmogonie
milésienne, notamment dans celle de DEMOCRITE et de LEUCIPPE. Il comprend un
thème affirmant une masse infinie initiale d’où sont tirées les matières des mondes, un
autre thème portant sur le vide et un sujet sur le mouvement. La création est détachement
d’un fragment de cette masse, ou encore, un mouvement d’une partie de cette masse
(BREHIER, T1, Page 61). Cette situation suppose un vide initial dans lequel tombe le
fragment de la masse. Malgré que l’existence de la masse infinie initiale ne laisse pas de
place pour le vide initiale, cette conception a été quand même retenue pour décrire l’état
initial de l’univers. La bible reconnaît aussi cette combinaison de vide avec une présence
Sous les paroles que le narrateur attribue à Job, le vide coexiste avec le ciel (Septentrion) et
la terre :
« C’est Lui qui a étendu le Septentrion sur le vide, suspendu la terre sans appui »
(Job 26 : 7)
Chez les rédacteurs bibliques, le vide (en Hébreu, Whto» », « tohou ») désigne la
« futilité » (en Malgache, « zava-poana » (Voir II Samuel 12 : 21-, Isaïe 44 : 9-), ou encore
72 La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 2 73 Les versions bibliques sont différentes en fonction de la technique utilisée pour leur traduction ou des sources des documents qui ont été traduits.
107
la désolation (Voir Isaïe 24 : 10-). En outre, le vide initial, dans le sens hébraïque n’est pas
révolu ; il réapparaît des quelques fois dans certaines circonstances :
« J'ai regardé la terre : un chaos; les cieux : leur lumière a disparu. - …. - J'ai regardé :
plus d'hommes … toutes ses villes sont détruites devant Yahvé, devant l'ardeur de sa
colère. » (Jérémie 4 : 23-25)
Aussi, le « vide » de la cosmogonie hébreu est différent de celui de la cosmogonie
grecque ; ce n’est pas un vide absolu et physique, mais un vide sensationnel qui ne
provoque aucun sentiment ni action.
2°) Le « vague » (en hébreu, « Whb»o », « bohou »). Il est le complément du vide
pour désigner le vide initial. Le vide se mesure en plan de surface par un cordeau, alors que
le vague, par le niveau de profondeur :
« … Yahvé y tendra le cordeau du chaos et le niveau du vide … » (Isaïe 34 : 11-)
c'est pourquoi, certaines traductions utilisent le terme « abîme » à ce propos.
Chez les rédacteurs du livre de la création biblique, et par la façon dont est
présentée l’apparition des formes, le narrateur semble faire preuve d’un savoir littéraire
que technique. Le narrateur indique la séparation des formes et l’émergence de l’univers
indique plutôt que la création n’est pas le résultat d’un processus de formation biologique,
mais plutôt d’un activité mécanique : une fois que le vide est comblé par des matériaux que
sont les firmaments, que les ténèbres font face à son opposé la lumière, que se forme
automatiquement l’homme ou plus précisément le thème de l’homme. Pour lever
l’indescriptible, la solution du narrateur biblique est de mettre un terme sur l’un et l’autre
de ses composantes, en l’occurrence les ténèbres par la création de la lumière, et de mettre
des objets comblant et séparant l’abîme. Tel est l’idée véhiculée par l’oracle divine ou du
narrateur de : « Que la lumière soit74 » et « Qu’il y ait un firmament ... »75. Ces
déclarations créatrices sont des pièces manquantes de l’univers existant en vue de la
formation de l’homme ou du thème de l’homme.
74 La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 3. 75 (La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 6).
108
3°) Le thème de la séparation est aussi important dans la conception hébraïque de la
création. Il se prolonge par la suite vers celle du jugement :
« … quiconque n'y viendrait pas dans les trois jours –…– verrait tout son bien voué à
l'anathème et serait lui-même exclu de la communauté des exilés. » (Esdras 10 : 8-).
Le verbe de séparation est « lDEb]Y"» (« iab’del » signifie « il sépare »). Il est utilisé
très rarement avec une connotation de l’exclusion76, sinon de « mettre à part »77. La
théologie chrétienne accorde de l’importance de thème de la séparation en vue d’introduire
le thème de la sainteté. Il est difficile de ne pas penser au verbe « iab’del » dans le sens de
« mettre à part » dans la phase suivante : «Consacre-moi tout premier-né, prémices du sein
maternel, parmi les Israélites. Homme ou animal, il est à moi.» (Exode 13 :2-), mais le
rédacteur a choisi un autre vocabulaire : « vD<q'» ». Peut-être que le sens des mots est
identique ou presque, mais que leur usage dépend de la culture ou de l’habitude du
rédacteur. Il en est de même pour d’autres circonstances durant lesquelles le rédacteur
demande que soit « mis à part » ou que soit « consacrés » des ustensiles ou des vêtements,
ou encore des lieux78. La séparation du jour et les ténèbres est strictement une séparation,
aussi bien qu’une consécration, une mise à part.
Si la séparation du jour des ténèbres est une consécration, le thème de « jour » est
un sujet déterminant dans la cosmogonie hébraïque. La différence entre cette dernière et la
religion de la mythologie égyptienne mérite d’être mentionnée pour mettre en relief
l’importance de la séparation du jour et des ténèbres. Dans la théorie égyptienne de la
mort, il est d’usage de mettre sous la tête du corps mortuaire une tablette contenant des
réponses que l’âme du mort doit réciter lorsque, dans le monde de l’au-delà, on lui pose
des questions sur sa vie. Le récit a pour objet le monde des morts où OSIRIS règne. Pour
pouvoir y séjourner à jamais, il faut être juste et bon sur terre ; aussi l’âme d’un défunt
passe immédiatement dans une salle de jugement où elle doit faire une sorte de déclaration
d’innocence (composé 41 déclarations !). Le cœur du mort est pesé par rapport au poids de
Maât, la Justice-Vérité, ou son symbole, la « plume de Maât ». Si le cœur est plus léger,
76 « … quiconque n'y viendrait pas dans les trois jours … verrait tout son bien voué à l'anathème et serait lui-même exclu de la communauté des exilés » (Esdras 10 : 8-) 77 « Aaron fut mis à part pour consacrer les choses très saintes » 1- Chronique 23 : 13- et « Pour le service, David et les officiers mirent à part les fils d'Asaph » (1 – Chronique 25 : 1-) 78 Voir Exodus 28 : 2-
109
alors il sera dévoré par un monstre. Puis le récit se poursuit par des voyages de l’âme du
défunt : voyage dans le monde souterrain et dans le monde du soleil dans la même barque
que le dieu RÊ, où elle s’identifie à cette divinité. L’âme y entre dans la barque après avoir
récité encore un autre serment d’allégeance. Elle reçoit avec lui les offres de louanges.
Ce qui est remarquable dans rapport entre le récit égyptien de la mort et la
conception chrétienne de la vie, c’est que tous deux ont les mêmes thèmes : 1°) la « non »
séparation avec dieu, - le thème de « consacré », ou de « mettre à part » ; 2°) le pouvoir des
élus sur les non élus (allusion à la parole de JESUS, lorsque celui énonça que c’est sur des
individus qui reconnaît JESUS comme fils de Dieu qui échoit le pouvoir de lier les
individus), 3°) le thème de voyage. Nous concluons sommairement à ce propos que les
narrateurs chrétiens ont eu vent de la thèse égyptienne. Mais les différences entre les deux
thèmes est aussi importante : 1°) ce que les Egyptiens ont placé dans un cadre de thème de
« la nuit » ou des « ténèbres », les Hébreux l’ont mis dans le cadre du jour ; 2°) Les
Hébreux ont donné à la vie ce que les Égyptiens confèrent à la mort.
La parole du narrateur biblique – qu’il impute directement ou non à la divinité –
confère à la mécanique de la création une énergie vitalisant. On peut alors formuler les
thèmes fondamentaux menant vers la formation du thème de l’homme : un vide initial
décrit en termes de ténèbres et d’abîme. Ce dernier est comblé progressivement au moyen
de la parole de dieu ou du narrateur – ou encore décrit progressivement par dieu ou par le
narrateur – par la matière (comprenant les astres et les planètes), alors que les ténèbres sont
recouverts par la lumière révélatrice de ce qui est caché ou couvert.
La combinaison de la cosmologie respective milésienne et biblique montre des
thèmes de base de la création. Par l’affirmation de la destruction des ténèbres, les
narrateurs présentent un thème très important pour l’homme : la richesse.
Ils indiquent également l’antériorité du discours sur la nature par rapport à celui
des lois sociales, et suggèrent que leur narrateur, celui qui est dans une position permettant
de saisir la réalité des ténèbres et du vide et qui a vu, par la suite, poindre les premiers
matériaux de l’univers qu’il a nommé par l’expression « ciel et la terre » jusqu’à
l’apparition de l’homme, est un naturaliste qui considère l’homme comme un produit de la
nature.
110
Sans se poser des questions sur l’antériorité de la narration, nous avons repris les
livres de l’histoire de la philosophie pour chercher comment les premiers philosophes ont
conçu le thème de « vide », car si la bible en parle comme un connu, c’est que leurs
rédacteurs appartiennent à un système de connaissances ou de débats portant sur la
question.
Le constat de l’univers vide a une fonction littéraire et intellectuelle importante en
ce qu’elle reconnaît une réalité basique initiale, et une technique de positionnement de
narrateur lui permettant de faire une narration sans se situer par rapport à un objet.
B – Les récits de la richesse et ses effets sur la construction du thème
de l’homme
Dans la littérature hébraïque, le thème de la richesse est, en apparence, dissocié à
celle de la création car cette dernière est en réalité une « théorie » de la création de
l’homme, alors que la richesse est, dans la pratique, un produit de l’imagination et de la
spéculation humaine. Dans la littérature française, le mot « richesse » lui-même est neuf. Il
est dérivé du mot péjoratif « riche », désignant un comportement d’individu qui pavane.
Le thème de la richesse relève plutôt du commentaire de modèle de l’homme et non pas
pour désigner la fortune. La richesse est donc une parure ; apparemment, la richesse n’est
pas un thème, mais un phénomène social. Mais pour voir les effets de la richesse non plus
sur l’homme de la société, mais sur « l »’homme, il nous faut encore examiner ce thème à
travers les autres thèmes qui lui sont connotés, étant donné les langues. Aussi, pour parler
de la richesse non pas comme un phénomène social, mais comme un thème, il nous faut
étudier la place du mot richesse ou de son équivalent dans les langues humaines.
Notre démarche est la suivante : Nous prenons la bible, un des livres le plus traduit
du monde, et nous prenons le mot français « richesse » et le mot malgache « harena » qui
traduit usuellement le mot richesse. Ensuite nous cherchons les versets bibliques contenant
le mot « harena » dans la concordance biblique malgache et le mot « richesse » dans le
Logiciel biblique « La bible de Jérusalem ». Enfin, nous notons les termes hébraïques
utilisés pour désigner la richesse. Ainsi faisant, nous avons obtenus plusieurs sens de mot
« richesse » dans la littérature hébraïque avec lesquels nous pouvons élaborer le thème de
« richesse ».
111
Arrivé à ce niveau de formation de thème de richesse, nous pouvons alors placer le
thème de la richesse dans un système de représentation générale de l’homme.
Nous étudierons la conception hébraïque de la richesse pour l’universalité de sa
propagation par le biais de la Bible. La bible ne se lit certes pas en Hébreu ni en grec, mais
les idées qu’elle diffuse sont tellement interprétées et discutées par les différentes cultures
qu’elles forment une sorte de soubassement de la connaissance universelle plus
particulièrement de l’homme. Ce n’est d’ailleurs pas l’adhésion à ses enseignements qui
importe, mais son usage pour comprendre le monde, même si elle est utilisée comme un
contre-exemple
Une partie du thème de la richesse est déjà exposé dans l’introduction de ce sujet
ci-dessus. Nous avons présenté comment la cosmogonie milésienne du vide annonce déjà
le thème de la richesse. Nous allons développer ce sujet à partir de la conception hébraïque
de la question suivi de celle de l’Égypte ancien.
En Hébreux, le mot « richesse » ou « Harena » est traduit par huit termes différents
évoquant des circonstances précises. Ces termes et ces circonstances sont récapitulés dans
le Tableau suivant :
Tableau 1- Récapitulation de la traduction hébraïque du mot « richesse »
Mots utilisés Transcription et traduction malgache Sens équivalent en Français
ˆs,jo « Krosen » : « harena » « richesses»
rx;/a « Aoutsar » : « rakitra » « Obole » ou « trésors »
ˆ/h""""""""" « haoun » : « Fananana » « Possession »
Kaboud» : « Harena » « Richesse » en rapport avec » כבודl’idée de gloire
a;l]M;ai « Imal’a » : « Izay mahafeno » « Ce qui emplit »
hl;j}n" « nah’alah » : « Lova » « héritage »
Hîl » : « Tafika », « hery », « harena ho » הילbaboina »
« Armée », « puissance » ou « butin »
rv,[o « ‘Osher » : « Fahefam-panjakana » « Autorité de l’État » ou « pouvoir souverain »
« Otrat » : « Vokatra » « Produit » ou « Récolte‘ » עתרת
Si on suppose que l’ensemble de la rédaction de la bible est réalisé pour montrer
une idée dominante surplombant toute la rédaction dès le premier jusqu’au dernier page (le
112
salut ou la venue du Messie), chacun de ces thèmes évoquent le thème de l’homme ou de la
construction d’une nation future : l’homme est la richesse ou le butin de guerre du combat
de dieu contre le mal79, ou encore il est la récolte ou le produit de l’action divine, ou un
produit sacrifié à la divinité80, ou encore qu’il emplit un élément divin. La richesse est
alors un thème de la déchéance/rédemption, un produit de combat. Seulement, ce sujet est
encore celé par le narrateur jusqu’au moment de son récit sur la déchéance de l’homme.
Cette dernière situation, en effet, annonce déjà la couleur de l’avenir : du travail et de la
lutte. Pour le rédacteur biblique, la décadence est un thème ouvrant sur le thème de
l’homme à un autre sujet : la nature. La déchéance se décrit en termes à la fois d’oracle et
de prophétie par le sujet de la pénibilité de la vie humaine matérielle et spirituelle de
l’homme. Le thème de la déchéance est la seconde forme d’annonce de la richesse. Par
richesse, le narrateur entend le rapport de « l »’homme avec « la » nature. C’est un rapport
conflictuel à l’issu duquel la nature devient non plus un héritage de l’homme, mais le butin
(le « hîl ») du Mal ou de JESUS. La bible insiste beaucoup plus sur ce thème suite de celui
de la déchéance et a laissé en pan celui du travail, pénibilité, etc. Ces thèmes sont d’ailleurs
repris par les économistes avec d’autres thèmes comme la « production », le « besoin », et
des fois, le tout dans un cadre de la société.
Aussi, la richesse apparaît dans la théorie hébraïque sous deux thèmes : la
« séparation », « le rassemblement » (du butin de guerre). A l’exception de ce dernier, les
vocabulaires connotés au thème de la richesse sont aussi ceux de la création. Le thème de
la richesse est donc un prolongement du discours sur la création de l’homme. Le premier
abord du thème de la richesse apparaît déjà par la création de la terre et des éléments qui le
constituent. Les Hébreux n’ont pas encore utilisé immédiatement, au moment de
l’ouverture du sujet de la création de l’univers, le thème de la multitude dans leur
cosmologie. Mais plus tard dans l’évolution de leur narration, ou encore au fur et à mesure
de l’influence de la culture de chacune des communautés qui a hébergé le narrateur du
moment, ils ont introduit progressivement le sujet de la multitude dans leur conception.
Pendant un certain temps, il s’agit de la multitude des étoiles, sinon des grains de sable ou
encore du nombre des cheveux. Chez les Hébreux, il n’est pas question de création de
nouveaux concepts, mais seulement d’emprunter les idées de leur voisins, les Grecs. Dans
79 Cf. Psaume 68 : 19- « Tu as gravi la hauteur, capturé des captifs, reçu des hommes en tribut, même les rebelles, pour que Yahvé Dieu ait une demeure » 80 Cf. Romains 6 : 19-
113
la cosmologie milésienne, en effet, les thèmes de la multiplicité des « atomes » et de l’unité
de la masse initiale sont, avec celui du « vide » les thèmes de la création. Pour eux, la
création est un détachement d’un fragment de la masse et qui se déplace vers le vide. Les
Hébreux ont formulé autrement cette image : l’abîme de l’espace et l’informité de l’étendu
illimité de la masse. Ils n’ont pas utilisés le mot « détachement », mais plutôt
« séparation » ( en Hebreux « lDEb]Y"»" », « iab’del »)
En réalité, ce qui est traduit en termes de séparation ne relève forcément d’un verbe
grammatical, mais plutôt un nom verbal usité dans les langues sémitiques. Littéralement il
s’agit de « le séparer » où l’action désigner par le verbe est traité comme un nom81. Ce
choix en faveur du mot « séparation » et non pas « détachement », ou encore la différence
entre les imageries provoquées par la vision de séparation et de celle de détachement révèle
la cosmogonie hébraïque. Pour les Hébreux, il n’y a pas d’objet qui ait la capacité de
s’auto-détacher. Cette force d’agir sur la matière est une richesse dans le sens de pouvoir
souverain (« osher »), sinon d’une puissance militaire (« hîl) qui n’appartient, selon l’état
de récit de la narration qu’à dieu. Un élément de ce pouvoir est transmis à l’homme par la
bénédiction reçue ; il s’agit d’un pouvoir de soumettre ou de dominer : « ... dominez sur
les poissons des mers ... » (Genèse 1 : 28-). Le concept utilisé par le narrateur est le mot
« vub]ki », « kivshou » dont un mot « agneau » en est dérivé82. Ce mot a été aussi utilisé par
le narrateur de l’épopée du Roi DAVID à propos de la soumission des nations : Voir II-
Samuel 8 : 11-)
La force d’agir sur la matière (« ‘Osher ») est ce que l’homme, dans la conception
biblique, a perdu. En outre, il est lui-même devenu un butin (« Hîl ») du Mal et ensuite de
JESUS. La description du comportement moral s’ensuit, notamment sur les thèmes de la
vertu et du moral (considérés comme de la « richesse de la grâce ») avec les chrétiens.
Le rassemblement et la multiplication sont aussi un sujet hébraïque de la richesse.
Selon les rédacteurs de la bible, la terre a été créée pour être peuplée. Le peuplement est la
conception hébraïque de la richesse, aussi se comprend la pauvreté … de dieu devant la
81 C’est ainsi que dans la phrase : « qu’il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour et la nuit » (Gen. 1 : 14-), la traduction littéraire est plutôt : « qu’il y ait, avec des lumières 82 Voir Levit. 4 : 32- « Si c’est un agneau qu’il veut amener comme offrande », voir également Lev 12 : 6-
114
déchéance humaine83, et sa richesse devant la multiplication de l’espèce humaine. La
multiplication de l’espèce humaine a deux sens dans un contexte de la formation du thème
sur l’homme :
1°) elle est la preuve d’une autorité politique, et d’assujettissement avec ses
connotés (puissance militaire, butin de guerre, etc.)
2°) elle comble le vide originel, et de ce fait elle achève la création.
En associant le thème de la richesse avec celui de l’homme, la conception
hébraïque a mis l’accent sur la pluralité dans le thème de « l »’homme. Pour elle, le thème
de « l »’homme évoque à la fois l’unicité de plusieurs hommes et surtout à leur caractère
précieux, si précieux que, d’après la bible, un dieu a accepté de se sacrifier pour le ou pour
les sauver.
Le thème biblique de la richesse provient d’une façon ou d’une autre d’une variété
de narrations sur la formation de l’univers offrant aux narrateurs les concepts qui ne seront
plus à développer. Il est cependant particulier dans le sens où il prépare le récit du thème
« l’homme » avec les sujets comme la « déchéance », le « salut » et la « rédemption ». A
côté de la théorie hébraïque, pour sa part, l’Antiquité grecque avait elle aussi développé sa
théorie de la richesse. Avec les mêmes fonds communs de thèmes comme la « richesse »,
la divinité, la cosmogonie, les narrateurs grecs ont élaboré différemment leur description
de l’homme.
Les Grecs étaient aussi partis de la base de la théorie de la cosmogonie, mais ils ont
laissé parler leur divinité ; leurs narrateurs se cachent derrière ce que les auditeurs
considèrent comme évident et non discutable. Leurs théoriciens voulaient expliquer et non
pas décrire le monde. Leur méthode met en description un panthéon de divinités influant
tragiquement sur le destin de l’homme. Parmi ces divinités, certains agissent sur la
richesse, d’autres sur la vie ou la mort, ou encore sur la nature. Une énumération des
différentes divinités à qui la prospérité et leur redistribution entre les hommes sont
attribuées est donc nécessaire et inévitable pour la compréhension de la théorie grecque de
la richesse. Cela nous conduit ensuite à la recherche de la signification du sens (ou la
83 « Car ainsi parle Yahvé, le créateur des cieux : C'est lui qui est Dieu, qui a modelé la terre et l'a faite, c'est lui qui l'a fondée; il ne l'a pas créée vide, il l'a modelée pour être habitée. Je suis Yahvé, il n'y en a pas d'autre » (Isaïe 45 : 18-).
115
fonction) de la richesse. Cette conception révèle à son tour un autre thème de l’homme.
Mais cette approche demande une connaissance des différentes mythologies et des
religions anciennes, c’est-à-dire une érudition encyclopédique, en supposant encore que
tout ce qui a été fait est suffisant et peut représenter ce qui n’est pas encore connu. Une fois
ce problème résolu, il faut compléter cette connaissance par des connaissances
anthropologiques ou sociologiques pour donner un sens aux termes et aux objets cités.
Une deuxième approche existe : aborder la question à partir des théories sur les
pratiques et les croyances collectives à partir desquelles se forment des sujets de la
richesse : les objets porte-bonheur, ou les déterminants de la prospérité, ou encore des
sujets-fétiches (comme la religion) qui provoquent une réflexion sur « l »’homme. La
théorie cosmogonique n’est qu’un des aspects de cette approche. Elle a l’avantage d’être
convergente (les thèmes qu’elles produisent pour faire le thème de l’Homme convergent
vers un champ limité d’argumentations et de concepts).
Mais au-delà de ce domaine vulgaire des thèmes issus de l’histoire de la
philosophie, des thèmes sinon des faits menant vers le thème de la richesse et par la suite
vers le thème de l’Homme existent également. Mais ils sont cachés dans les historiettes de
la vie quotidienne et les mythes sans fondement ni cohésion qui finalement peuplent la
pensée et la réflexion humaine et avec lesquels, certainement, le thème de l’Homme est
construit.
Seulement la méthode et le champ d’argumentations et le domaine d’observations
manquent. Déjà, le produit de thème « l »’homme n’est pas forcément consigné (ce sont les
thèmes qui mènent vers le thème « l’homme » qui sont retenus dans les classifications
scientifiques ; ensuite la discussion sur ce sujet dépasse le cadre d’une reconnaissance
académique et de validation de savoir. L’exemple est le « kabary » : tout l’art consiste à
bien dire les choses sur l’Homme et de la Vie. Il est l’objet d’un apprentissage (avec des
centres de formation et de littérature de vulgarisation) et de reconnaissance attestée par une
preuve écrite. Mais, finalement, après deux ou trois heures d’audition, on a l’impression de
n’avoir pas suffisamment compris. La soif de savoir plus sur l’homme n’est pas satisfait.
De même les sermons et les prêches n’ont pas immédiatement changé le monde, mais
seulement meublés une cérémonie ou une rituelle, alors que le sujet s’apprend dans les
académies de théologie.
116
Devant cette lacune, nous nous proposons d’explorer les « kabary », « sermons » et
autres bribes de propos sur la richesse en pensant qu’ils mènent vers un thème de
« l »’homme. Pour cela, nous allons prendre 1°) les propos aphoriques des sciences
occultes
II. De la construction de la réflexion sur « l »’homme à partir du thème « femme »
Les récits de la création de l’univers jusqu’à celle de l’homme sont marqués par le
thème de la femme. Dans les théories où l’univers est considéré comme un ensemble
biologique, le thème de la femme ainsi que de ses connotés (les imageries associées à la
femme) apparaissent dès l’histoire de la création universelle ; alors que dans une
conception mécanique de la création, ils figurent au bas du processus, en tant que dérivé ou
complément qui est, toutefois, déterminant du cours de l’histoire universelle. Sans vouloir
faire une généralisation hâtive, on remarque que lorsque le thème de la femme est introduit
dès le début de la narration de la création, le récit de la création sera une histoire de
défaillance de la divinité devant une tentation, ou encore une histoire d’amour et
d’accouplement – le plus souvent incestueux selon l’éthique de la civilisation faisant ainsi
de la création une histoire d’êtres étranges, voire étrangers à la culture. Par contre, lorsque
le thème de la femme est introduit en fin de processus (cas général des sociétés
patriarcales), la femme figure en tant que dérailleur du cours de l’histoire. Aussi, le thème
de l’homme dépend-il de la place dont le narrateur a octroyé pour la femme. En outre, avec
le thème de la femme, un nouveau sujet est introduit : la faiblesse de l’homme.
A – La femme en tant que thème révélateur de la faiblesse de l’homme.
Pourquoi avoir raconté le récit de la création ? Quel besoin satisfait le récit de la
création ? Finalement, qu’est-ce qu’un livre qui a pour objet de narration la vie ou
l’homme ?
Le récit de la création a pour objectifs d’enseigner, de réfuter, de redresser et de
former la base de la connaissance vitale. Dans la religion, ces actions sont faites étant
donné la justice. Dans la science, elles sont accomplies à cause du désordre,
l’incompréhension, etc., alors que une hypothèse d’ordre initial existe. PAUL écrivait que
la Ecriture Sainte est utile pour «enseigner, réfuter, redresser, former à la justice », mais
117
on ne sait exactement qui, ni pourquoi. Des fois PAUL s’adresse aux non croyants
(évangélisation) ou aux croyants (édification) ou encore à ses délateurs. La bible rarement
relève les arguments de ses délateurs faisant en sorte alors qu’elle s’adresse à l’homme en
général. Ses délateurs sont des fois des Juifs (la question est la différence de lecture et
d’interprétation des propos bibliques), des fois, des païens (la question est alors de montrer
ce que les chrétiens considèrent comme le dieu véritable). La bible est aussi utilisée pour
« redresser » les pratiquants (elle est alors un livre d’éthique) et pour encourager les
pratiquants (elle est alors un bréviaire de « révolutionnaires »). Les discours des rédacteurs
sont affectés par cette situation complexe et contradictoire. Mais rédacteurs de la bible
n’ont pas obtenus les mêmes principes de la validation de leur propos, notamment une de
l’obligation de conservation, obligeant les rédacteurs et enseignants de la bible à se référer
strictement aux messages et aux enseignements reçus. Conséquences, des enseignements
divergent qu’il est nécessaire d’instituer la canonisation de documents authentiques.
Dans le constat de désordre étant donné une intuition de l’ordre, l’homme n’arrive
pas à se situer intellectuellement lui-même ; il n’arrive pas à localiser lui-même. Cela
explique le développement de la science de la nature. Cette dernière, en fin de compte, a
pour objectif de retracer l’état de lieu de ce qui est connu sur la nature. La façon dont le
récit biblique de la création a introduit l’homme annonce déjà une crise d’identité.
La bible introduit le thème de l’homme de façon critique : elle parle de l’homme
sans lui donner un patronyme en l’appelant tout simplement… « Homme » ou en Hébreu,
« ADAM » 84 (ou « μd:a; » littéralement « âdâm », ou « l’homme ou un homme85 » avec
une variante « μd<ao », littéralement « odêm » qui signifie « Topaze »86). L’homme n’a pas
de nom et d’identité, alors que dieu – du moins pour la cosmogonie juive – est déjà un
connu du récit. En fait, la bible introduit le nom par l’expression « ar:q]YIw" » (littéralement
« il appela … »). Ce n’est donc pas le patronyme qui importe dans la pensée hébraïque,
mais le mot qu’on utilise pour appeler un individu ou un objet. Exemple, Dieu a décidé
d’appeler la « terre aride » - dont le mot hébraïque est « hv;B;Y » yabâshâ »traduit dans
84 Voir Genèse. 1 : 26-, 4 : 25-, 5, 85 Voir Exode 13 : 13-, 15-, Exode 30 : 32-, Lévitique, 1 : 2-, 5 : 3-, 86 Voir Exode 28 : 17-, Exode 39 : 10-
118
d’autres contextes par « privé de tout » (Nombres 11 : 6-) ou « terre desséchée » (Isaïe 44 :
3-) – par le mot « ≈r<a, » « terre » (Genèse 1 : 10-). Le mot « Homme » n’est pas une
catégorie spécifique, mais un terme usé pour cette unique finalité. S’il avait décidé de
nommer l’homme par un autre nom que ADAM, il signifierait par la même occasion la
différence et l’homme ou la notion préexistant de l’homme. Nous ne voulons ni pouvons
entrer dans les secrets de cabalistique pour expliquer le sens du mot « Adam »87. Le
véritable thème de l’homme dans le livre de la création se trouve dans le livre de
descendants, le chapitre 5 du Livre de Genèse.
La crise se traduit par une quête de mot juste et tranchant dans la description par le
narrateur. Dans la bible, la phrase suivante montre ce souci de précision excluant en même
temps le narrateur. Le rédacteur utilise deux dénominations d’un même sujet qui est
l’homme : « Dieu n'est pas homme, pour qu'il mente, ni fils d'Adam, pour qu'il se
rétracte. » (Nombre 23 : 19--). Dans la première proposition, « Dieu n'est pas homme », le
mot « âdâm» utilisé pour évoquer usuellement l’image de l’homme est délaissé le mot
« î’ch » (« vyai »). La phrase aurait pu être alors « dieu n’est pas Adam ni fils d’Adam
pour qu’il se rétracte ». D’après les exégètes, « î’ch » est utilisé pour désigner l’homme
quelconque. Visiblement, en choisissant le patronyme « adam » pour nommer son
protagoniste, avec ses variétés de sens « Terre », « topaze », le rédacteur traite le thème de
l’homme avec d’autres thèmes : exemple, le thème de l’homme n’est pas traité
particulièrement dans le thème, car dans le fond, ce qui est nommé n’est l’homme, la
pierre ; le thème de l’homme n’est donc pas un thème de la création. Le rédacteur est dans
une position embarrassante de la création de l’homme. La nature ou la présence du dieu
contredit l’existence de l’homme comme une sorte d’opposition entre l’essence et
l’existence. Tout ce qui se dit sur l’homme est la négation de ce qui se dit sur Dieu ;
l’existence de l’homme est contraire à l’essence de dieu, que, en plagiant le verset biblique
précédent, dieu n’est pas homme ni un fils d’homme, qu’il lui est interdit, voire impossible
de montrer son existence par la preuve usuelle pour l’homme (Dieu n’a donc pas manifesté
sa présence par la création ; l’action ne prouve que l’existence de l’homme, et aussi du
narrateur).
Cette position du narrateur a été aussi vécue par des écrivains, lorsque le thème
qu’il veut décrire est révélé par l’action : l’homme montre son identité non pas par rapport
87 Voir à ce propos CROWLEY Aleister, « Une note sur la Genèse », Morgan’s World NO,
119
à un autre individu (cet homme-là ne dit « je suis ce qui n’est pas toi »), mais par rapport à
son action (et qui s’affirme donc par « je suis ce que je fais »). Cette façon de se présenter
est aussi celui de l’homo œconomicus.
Les Grecs aussi pensent que les poètes dépendent de l’inspiration divine qu’ils
reçoivent lorsqu’ils chantent. Comme les écrivains bibliques, ils reconnaissent l’origine
divine de l’inspiration (poétique)
« Ces vers, écrit PLATON, et ceux que nous avons vus touchant les Cyclopes, lui
ont été comme inspirés par les Dieux, et sont tout-à-fait dans la nature; car les poètes sont
de race divine, et quand ils chantent, les Grâces et les Muses leur révèlent souvent la
vérité ». (PLATON, Livre 3 s.d., (682 a)). Voici comment PLATON décrit les effets des
Muses dans son « Les Lois – Livre IV »:
« lorsque le poète est assis sur le trépied des Muses, il n'est plus maître de sa
raison, que, semblable à une fontaine, il laisse couler tout de suite ce qui lui vient à
l'esprit, et que, son art n'étant qu'une imitation, il est forcé, lorsqu'il représente des
hommes dont les sentiments s'opposent, de dire le contraire de ce qu'il a dit, sans savoir de
duel côté est la vérité » (PLATON s.d.)
Poètes et prophètes sont, selon la façon actuelle de penser, animés par des forces
qui leur sont étrangères. C’est cette force extérieure qui leur donne l’illumination pour
pouvoir décrire l’homme, malgré l’opposition de leurs sentiments. En outre, les poètes -
narrateurs sont obligés d’aborder des sujets « non vulgaires » et « amères » pour les non
pratiquants, mais qu’ils les avalent parce qu’ils sont enrobés dans des « mots doux »
écrivait LUCRECE dans son Livre IV. L’approche poétique est encline à présenter le
thème de l’homme par la femme.
L’exploitation du thème de la femme est universelle dans le récit de l’homme, mais
la différence persiste en ce qui concerne la position de la femme par rapport à l’homme.
Tantôt la femme n’est qu’une « axillaire » des hommes, tantôt elle est mise sur un piédestal
en tant que origine et source créatrice de tout ce qui existe. La religion hindou, par
exemple, impute l’existence aux déesses sources de ce qui existe, alors que le panthéon
grec présente l’homme comme la source de l’histoire.
120
B Le choix du thème de l’homme par le narrateur
Pourquoi le narrateur a-t-il choisi de prendre l’homme comme un thème de la
réflexion ?
Il serait tentant de répondre que la littérature écrite et orale relève de la culture, et
de ce fait le choix du thème est préalablement fixé par la culture, ou plus précisément et
selon Michel FOUCAULT, de la problématique de chaque culture. Exemple, le thème de
combat fratricide est un thème de la culture indoeuropéenne, et de ce fait, il ne se rencontre
que dans les communautés ayant subi les influences de cette culture. Aussi, si l’on suppose
que le thème de l’homme n’appartient qu’à une culture, alors quelque part, des cultures qui
ne se sont pas préoccupées de l’homme existent. Or, le thème de l’homme étant un thème
de l’identité de l’homme est un phénomène social et non pas culturel.
Certains auteurs, dont Jean-Louis DESSALLES, pour leur part, estiment que le
choix d’un thème de l’homme est aléatoire et de ce fait, il peut être évalué par une loi de
probabilité (DESSALLES 2007). Pour eux, le problème est double : le choix et la
mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème. La question est : qu’est-ce qui poussent les
individus à signaler certaines situations plutôt que d’autres ?
Mais la présence et l’importance du thème de l’homme ne nous permettent pas de
considérer la présence du thème de l’homme dans toutes les cultures du monde comme le
résultat accidentel du hasard ni de la simple quête intellectuelle de l’homme ; elle répond à
un besoin plus important et impétueux de l’homme. Nous indiquerons alors, les
déterminants de la production de la narration et ensuite comment se mobilise en
permanence l’intérêt collectif pour le thème de l’homme.
1°) Les déterminants de la production de la narration en faveur de thème de
l’homme
Le choix du thème de l’homme dans la littérature dépend pour les uns, notamment
les économistes, de la pression de la demande, alors que pour d’autres, notamment les
théoriciens chrétiens, de la volonté obligatoire de Dieu sinon des Muses. La question de
choix de récits obéit à une logique de marché ou de l’équivalent de ce dernier pour les
communautés qui ne sont pas parvenues à la production marchande : les rédacteurs sont
des producteurs de biens (des récits) répondant à des attentes des consommateurs.
121
Mais les classifications ultérieures des récits, au fur et à mesure que leur production
augmente, révèle un phénomène étrange : dans un certain sens, les récits s’assemblent, des
récits de voyage, de relation sociale, d’aventures et d’exploits, comme si les Muses elles-
mêmes sont emprisonnées par ces sujets. En outre, ces récits semblent relater des faits
actuels sinon toujours actuels. Enfin ces récits décrivent une vision de l’homme ; quelque
part dans le récit, on sent la présence de l’homme. On ne raconte pas par exemple un
paysage, mais le sentiment humain devant le paysage.
Pour expliquer ces constats, les linguistes reconnaissent l’existence d’une sorte de
principe narratif spécifique comprenant la passion permettant au narrateur de réciter un
phénomène (cette passion est le produit de ce que les Malgaches appellent du
« aingampanahy88 » des Muses ou de l’inspiration divine). Il comprend de ce fait, un
germe de limite de ce qui peut être narré étant donné les vertus ou les vices de cette source
d’inspiration.
a – De la vulgarisation des modèles de récits tout fait
D’après la littérature sur la poésie et sur la source de la littérature, les origines des
récits (plus particulièrement ceux portant sur l’homme) proviennent ou bien de la demande
de l’homme sinon des la volonté de Dieu ou des Muses, sinon des « aingampanahy » (ou
élan de l’âme). Qu’est-ce qui fait la différence entre les récits sur le thème de l’homme ?
Les facteurs de convergence des récits ne sont-ils pas plus forts que ceux des divergences ?
Les facteurs de convergence sont l’unicité ou la ressemblance des inspirations
humaines à cause du caractère identique de la constitution de l’homme. Ceci se traduit par
les sens commun de l’infini ou de ce que FREUD appelle la « religiosité ». Cette dernière
est alors détruite par l’art (PLATON). L’art a détruit le rituel de la religion. Pour lui, la
pratique artistique est déjà donnée par des règles dont l’origine échappe aux hommes. Mais
l’artiste ou le poète a détruit cette façon de faire, en prêchant par ignorance sous la
tolérance de la divinité. PLATON est aussi l’auteur d’une conception de la formation de
thème sur l’homme à partir de la nature de l’homme à travailler. Dieu fait intervenir les
Muses pour que les hommes puissent oublier leur nature travail et organiser des fêtes à leur
honneur. Une fois l’homme débarrassé de sa nature, il s’adonne alors librement, c’est-à-
88 « Aingampanahy », littéralement « élan de l’âme ». Les Malgaches ne reconnaissent pas la détermination extérieure de l’âme, car l’âme est souveraine étant donné qu’elle est l’essence de l’homme.
122
dire sans intervention divine, à des créations artistiques et littéraires. Loin des aspirations
divines, l’art est un thème typiquement humain (PLATON, Les lois - Livre II s.d., 653e).
Chez les économistes, l’origine des récits sur l’homme provient de la rencontre de
l’offre de la littérature sur le thème de l’homme et de la demande. L’offre provient de la
production locale et au hasard d’un discours sur l’homme et qui a fait des effets sur la
demande des lecteurs ou des traducteurs, sinon de l’engouement pour un récit sur ce sujet
produit par des auteurs étrangers.
Les récits de voyage concernent des déplacements pour un pays réel ou de contrées
imaginaires. Ils existent dans toutes les époques et dans toutes les civilisations : dans le
Moyen-âge, le cycle arthurien est le parangon89. Ces thèmes de voyage, d’amour et de
drame étendent en un clin d’œil les éléments de la théorie cosmogonique des philosophes
de l’Antiquité grecque90 suggérant par voie de conséquence l’affinité le fondement
indoeuropéen du récit ; ailleurs, peut-être, d’autres formes de narration dominent, mais
quelle forme d’autres narrations peut-on encore demander au-delà de ces thèmes ?
Le récit de voyage annonce la quête de départ physique ou de progression mentale
et intellectuelle chez l’homme. Quelques fois, le voyage n’est pas un déplacement
physique, mais une pénétration dans un autre monde ; il s’agit tout simplement de
transformation de la vie de l’homme. Cette transformation fait l’objet d’un constat social
attesté par un rite. L’ethnologue français Arnold Van GENNEP (1878 – 1957) constate que
généralement les voyages physiques ou la transformation physique qui suit la vie d’un
homme s’accompagne d’un rite de passages décomposé entre la séparation, la
89 Bien que quelques auteurs de ces récits soient identifiés, l’étendu linguistique de ce récit – ce récit est écrit en latin, en français, en provençal, en anglais et en allemand – ainsi que leur incrustation dans l’histoire de chacune de ces régions où il a été plus ou moins conçu – indique que ce récit n’est pas un simple récit, mais plus que cela, un thème d’une culture. Sa valeur réside dans le fait que ses personnages ont servi de support éducatif à plusieurs communautés linguistiques. Les qualités des protagonistes de ce récit, affirment les rédacteurs de Microsoft Encarta 2009, se démarquent pour leur caractère idéal : ARTHUR est le roi idéal car il est un chef militaire rassembleur, ou parce qu’il a été élevé dans l’école féerique de l’enchanteur MERLIN, sinon, comme le roi biblique SALOMON, parce que, selon ses présentateurs, il gouverne avec sagesse, ou encore parce qu’il est courtois, c’est-à-dire ayant un comportement de l’idéal de noblesse de la cour d’un roi – la courtoisie est un mode de vie de XIIe siècle européen –, ou parce qu’il a gardé les valeurs guerrières de la prouesse et de la vaillance primées par la société antérieure du Moyen-âge. D’autres analyses du même récit insistent plutôt sur l’objectif à atteindre (la quête du Graal) et font de ces personnages, des entrepreneurs un quête d’un profit idéal pour leur propre honneur et pour le salut de leur peuple. Ce type d`interprétation évoque quelques valeurs primées par l’économie, notamment la recherche de profit et de l’augmentation de la production. 90 Les théories cosmogoniques grecques mettent en premier plan leur héro sous forme d’éléments (la terre, le ciel, les monts et la mer) ainsi que leur hyménée et leur descendance (Chez HESIODE, par exemple, la terre – une sorte de déesse-mère – enfantait le ciel, etc.).
123
marginalisation et l’intégration. De ce fait, les récits de voyage comprennent le plan de
récit proposé par Van GENNEP.
Les récits de guerre s’accompagnent de récit de voyage et d’aventure. Dans la
culture indoeuropéenne, le premier récit de guerre remonte du temps des Sumériens. Dans
la théorie de Van GENNEP, les récits de guerre retracent les faits de l’homme dans une
situation de marginalisation. Mais dans la littérature actuelle, les guerres changent de
descriptif et se présentent sous forme de situation conflictuelle, portant notamment sur les
faits de l’individu décrit comme étant différents de ceux de la société, ou tout simplement
des faits déterminants du changement social ; c’est pourquoi, ils se présentent sous forme
de récits expliquant le pourquoi de telles ou telles lois de la nature. D’après ces récits, il y
avait une situation initiale différente, voire opposée, de la situation actuelle, mais à cause
de la trahison ou de l’immoralité de l’un des protagonistes, la situation change.
La littérature portant sur l’amour fait le plus souvent de jugement critique. OVIDE
a écrit un traité « L’art d’aimer » - pour lequel il a été disgracié par son protecteur à cause
du caractère immoral de ce poème, c’est dire également que le thème de l’amour inspire,
depuis les temps, une quête de raffinement sinon et au moins, une exigence de non
vulgarité -, et des poèmes « Les Produits de beauté pour le visage féminin », « Les
Remèdes d’amour » et « Les Métamorphoses ». OVIDE nous informe le centrage de
caractère moral de l’époque dans le thème de l’amour.
Les faits narrés dans les toutes premières littératures ont de ressemblance avec les
faits sociaux actuels : ils se portent sur des actions de déplacement et de combat. Seuls les
motifs et les concepts de description changent de dénomination et de formes: au lieu de
lutter pour des valeurs morales, ou en vertu de la raison, l’action est motivée par le « profit
» matériel attesté par l’augmentation de la quantité de « production » ou du « revenu ». En
outre, dans les sociétés occidentales modernes, les narrateurs peuvent faire des récits sur
des épisodes de leur vie personnelle. Les récits de caractère autobiographique ont un relent
introspectif très utilisé dans l’étude de comportement et de rationalité. Dans certains
d’entre eux, les auteurs répondent seulement au pourquoi de leur activité présente
(Exemple le « Des mots » de Jean-Paul SARTRE (1905 – 1980) dans lequel cet auteur, à
travers son protagoniste POULOU, montre comment sa défiguration lui a conduit à vivre
deux séries de vie passant d’un état d’adulé à celui d’observateur), ou encore, profitant de
l’existence de forme précise de littérature, retracent ce qu’ils ont pu vivre : profitant de
124
l’engouement populaire pour le récit courtisan, des auteurs peuvent parler de leur
expériences sentimentaux. Dans les récits anciens, par contre, se racontent les actions des
héros populaires ou de celles d’individus qui ne sont plus à présenter auprès du public. Ces
héros sont ou bien des divinités ou des démiurges ou des êtres humains représentant la
vertu de l’homme faisant le bien, ou le mal, l’astucieux (à l’instar de IKOTOFETSY,
littéralement, le « garçon astucieux ») ou le débonnaire. Le concept de héro, et
éventuellement tous les récits mettant au premier un héro, est d’origine indo-européen. Le
mot héro est certes d’origine grec, le récit de l’héro est donc probablement une façon
grecque de narration (HAUDRY). Dans les communautés mésopotamiennes, les
documents cunéiformes retracent seulement des faits de la nature localisés dans la période
du règne d’un roi connu ou qui se passe de commentaire. Cette façon de faire la narration
met d’ailleurs en relief non pas un homme, mais une force de la nature, et fait en sorte que
l’homme (le roi) qui sert de repère historique semble subir les faits de cette force qui lui est
extérieure. On trouve d’ailleurs cette façon de faire dans les récits historiques de la bible
(voir les deux Livres d’histoires)
Les récits de guerre peuvent aussi être des récits d’amour ou de vertu. Ils retracent
le dénouement d’un conflit intérieur de l’individu ou de l’acheminement de sa pensée vers
la découverte d’un objectif matériel ou spirituel. L’Évangile biblique et plus
particulièrement les récits johanniques se présentent sous forme de trace de conflit que doit
entreprendre le héro – JESUS – pour montrer ses preuves d’affection à l’égard de
l’humanité. La doctrine paulinienne du mariage, reprenant l’ensemble de l’enseignement
chrétien, récapitule cette approche. Dans une épitre adressée aux Ephésiens, l’apôtre PAUL
compare JESUS à un homme aimant une femme, l’Église et sauvant cette dernière de
l’adultère abominable ; l’Apocalypse de JEAN raconte l’ultime combat du fiancé pour
arracher ou purifier sa promise du mal dans laquelle cette dernière se trouve.
Les récits d’amour retracent des conditions différentes de vie, ainsi que de la
différence de positions sociales segmentant les êtres humains avant même la segmentation
politique et territoriale imposant la notion de l’État-Nation devenant des obstacles à
l’unification de l’espèce humaine et à la puissance militaire et au bien-être physique que
cette unification, selon la croyance implicite contenue dans les textes, apportent. C’est dans
les romans d’amour que se perçoivent les notions modernes de bien-être et leurs connotées:
la prospérité économique et l’harmonie.
125
b De la demande de récit de l’homme
L’universalité de la présence des récits laisse supposer que la production des récits
sur l’homme répond à un besoin universel de se connaître
Certaines littératures (notamment chrétiennes) insistent cependant sur le fait que la
rédaction ne dépend pas des lecteurs, mais d’une force qui pousse l’écrivain à écrire.
PIERRE, un des douze disciples de JESUS écrivait dans sa deuxième épître que : « ce n'est
pas d'une volonté humaine qu'est jamais venue une prophétie, c'est poussés par l'Esprit
Saint que des hommes ont parlé de la part de Dieu. » (II Pierre 1 : 21). L'Apôtre PAUL
confirme cette conception : « Toute Écriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner,
réfuter, redresser, former à la justice » (II Timothée 3 : 16-). PLATON, parlant des poètes
– narrateurs (ou visionnaires) soutient que ces derniers sont animés par des muses dont ils
imitent.
La narration est un produit particulier qui répond à un besoin de plaisir (des mots
bien dits) mais aussi pour atténuer l’angoisse existentielle. Il faut dès lors regarder la façon
dont chaque communauté a élaboré leur thème de « l »’homme comme un bien culturel, un
bien collectif et non évaluable.
Nous défendrons que les récits sur l’homme ont des points communs.
Le point de départ du récit est généralement un mot provocateur, équivalent du
« souviens-toi » hébraïque. A propos de cette dernière et dans l’Ancien Testament de la
Bible, la réponse a été plus ou moins donnée par les propos de MOISE, un des chefs des
Hébreux, qui a mené ces derniers hors de l’autorité temporelle d’une puissance politique,
le Pharaon égyptien. Dans son discours consigné dans le livre de DEUTERONOME, ce
chef spirituel juif rappelait la préhistoire du peuple Hébreux par ces termes : « souvenez-
vous du départ d’Égypte … ». Puis, le même type de discours est repris par les
missionnaires : « Souvenez-vous de l’époque où vous étiez encore esclave du pêché … »
écrivait l’apôtre PAUL. Quelquefois, dans les Psaumes de repentance, des prières
s’exclame de ces termes : « Souviens-toi de tes alliances avec nos ancêtres, Seigneur … ».
« Egypte », « pêché », « alliance », etc., forment donc un ensemble de sorites ou de suite
d’idées composant la représentation de l’arche de l’histoire humaine. MOISE s’adresse
certes à chaque membre de la communauté juive qui l’écoutait ; son harangue est à la fois
politique et religieux ; et l’homme ainsi pointé est un être appartenant à un dieu et non son
126
sujet en tant que prince ou chef spirituel. Dans ce contexte, l’homme n’est plus à présenter,
et le discours sert en fin de compte à présenter Dieu dans la représentation collective juive.
Une étude comparative de cette sorite hébreu avec une sorite chinois montre que la
façon dont la littérature chinoise ancienne développe une idée sur l’homme et son histoire
est faite de façon inverse de celle des Hébreux : ces derniers commencent par le début pour
arriver jusqu’à l’état actuel ; alors que le sorite chinois utilise une démarche à reculons : de
l’état présent, le narrateur expose un évènement ou une caractéristique déterminante qui
sont eux-mêmes déterminés par un autre évènement ou par une autre caractéristique
déterminante. Au bout de leur narration alors, on sent que généralement, leur récit
considère l’homme (le prince dont il raconte par exemple l’exploit) comme un lieu de
passage d’un caractère vertueux ou fort qui a fait que l’évènement ou l’exploit en question
se réalise. Nous sommes de ce fait en présence de deux façons radicalement différentes de
discours sur l’homme : le « souviens-toi de … » biblique et un « auparavant ». Dans ce
dernier cas, le récit prend la forme suivante : le prince qui voulait faire ceci, auparavant
faisait cela. En voulant faire ce dernier, le prince, avait, auparavant, fait un autre « ceci »,
qui, auparavant a été précédé d’un autre cela, etc. Le prince chinois est ainsi situé dans le
récit derrière un avenir proche, et devant une trainée de ceci et de cela.
En réalité, entre les deux approches, il y a une vision nuancée de l’homme : pour
les Chinois, l’homme est à la fois un représentant cosmique du monde, et de ce fait sa
source ou l’origine de ses actions remonte jusque dans la formation du cosmos, alors que
pour l’Hébreu, l’homme dont il est question est un élu de Dieu, et qui agit dans un monde
adverse. Les deux groupes de narrateurs décrivent donc, en réalité, deux représentations
différentes : le cosmos et la divinité. On ne peut apprécier alors la qualité de chacune de
ces deux sorites qu’en se référant à un troisième sorite qui peut servir en quelque sorte
d’étalon. Nous utiliserons à cet effet le indien.
Le sorite indien se rencontre dans le style dont les littératures religieuses indiennes,
dont entre autres le « Mahabharatha » et le Baghavad-Gîta ont été rédigés. Paul MASSON-
OURSEL distingue les structures suivantes : une scène spectaculaire pour l’esprit, un
environnement primitif implicite s’explique en principes qui s’engendrent les uns les autres
(MASSON-OURSEL 2006). Pour pouvoir comparer les sorites hébraïques et chinois, il
nous faut d’abord lire ces deux derniers en termes de sorites indiennes. Ceci nous conduit
alors aux descriptions respectives suivantes : pour le sorite hébraïque, la scène de création
127
est présentée pour le lecteur du Livre de genèse, avec Dieu comme environnement primitif
principal. L’univers s’étend donc devant Dieu, conformément à la vision philosophique de
SPINOZA (1632 – 1677). L’explication de la création et ses principes, d’après la lecture en
sorite indienne du livre biblique de la création sont alors fournis dans d’autres livres
(notamment certains chapitres du Psaume, les chapitres 38 et 39 du livre de Job, dans
certaines lettres épistolaires de l’apôtre PAUL et du livre Apocalyptique de JEAN. Nous
voyons alors se découvrir les thèmes de problématique biblique : la connaissance de Dieu,
l’enveloppe corporelle et mondaine de l’homme, et le comportement ou nature pervers et
dépravée de l’homme qui ont rendu ce dernier à son état actuel.
Le sorite chinois, pour sa part, se décrit dans le sorite indien dans la façon
suivante : le spectacle est l’homme ; l’environnement primitif implicite est la vertu ou la
qualité naturelle ou destinée sans laquelle point n’est besoin de décrire l’homme.
L’environnement actuel est l’action séculaire de cet homme. Le sorite indien décrit ou
justifie donc une réalité. Le sorite chinois conduit à une acceptation d’un ordre universel
abstrait. Nous constatons alors que la différence entre les deux sorites n’est pas importante.
Conclusion partielle : la façon de parler de l’homme révèle l’homme ; l’homme est au
milieu du récit humain.
Introduisons encore d’autres sorites pour situer le thème de l’homme dans le récit.
Cette fois-ci, nous utiliserons le sorite malgache tel que les manuscrits en « sorabe » ont
consigné. A cet effet, nous nous réfèrerons au « Manuscrit A6 d’Oslo ». Ce livre est une
copie et une traduction en écriture latin (« sora-madinika91 ») d’un texte (« fandraka92 »)
antemoro et portant sur le récit de la venue des premiers migrants de ce tribut. Ce qui est
frappant dans ce texte est la succession de « tamin’ny … » (à tel moment) indicateur
d’évènement et de « ary … » (qui signifie « et » ou « ensuite »). Le sorite antemoro est
plus ou moins identique avec le Livre des descendants (« bokin’ny taranaka » ou en hébreu
et transcription de la lecture orale « Le livre des générations» du Chapitre 5 du Livre de
Genèse. Le point de départ du récit – que nous appelons « récit antemoro » - est le point
historique évènementiel introduisant aussi le héro du récit (le prince) avec ses sujets
91 « Sora-madinika » signifie littéralement « petite écriture », par opposition à « sorabe » (littéralement « grande ou grosse écriture » 92 « Fandraka » désigne du parchemin stocké dans la tombe commune de la tribu anakara. Le fandraka est un texte particulier, car il consigne des thèmes censurés par des scribes (« katibo ») initiés à la tradition. La mission des scribes est avant tout de consigner les souvenirs (« talily ») des témoins d’un évènement, sans que l’utilisation de ces consignes soit connue à l’avance. Cela entraîne une neutralité des historiens.
128
(« olona » ou « ‘ich » dans les langues arabes et hébreux). Le prince est le sujet principal
du temps, et les individus qui l’accompagnent sont des sujets actifs du récit.
Ainsi, le récit est avant tout et peut-être essentiellement ou exclusivement une
technique de formalisation d’un discours afin de faire en sorte que la narration soit
combinée avec les éléments tangibles pour que celui qui narre un fait n’ait pas encore à
construire de preuves de ses récits. A cet effet, la technique consiste à insérer l’homme
dans le récit, de telle façon à ce que celui qui écoute se retrouve ou se figure lui-même
dans ou par rapport au récit.
2°) la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de « l »’homme
Le choix du thème de l’homme est inévitable et universel, car il est le produit d’une
vulgarisation du thème et de la demande de l’homme. Pourquoi et comment se reproduit
constamment cette demande ? Nous exposerons respectivement les causes de la présence
permanente du thème de l’homme dans la communauté humaine,
a) Les causes de la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de l’homme
La mobilisation et la permanence de la nécessité de la production artistique
provient plutôt de la nature de l’homme que de l’existence préalable de l’offre. Ce n’est
pas l’offre qui crée la demande de produits répondant au thème de la connaissance de
l’homme, mais la nature de l’homme elle-même. Les causes de cette maintenance du
thème sont : la crainte du « vide », l’existence des « simulacres » (LUCRECE), l’existence
d’un champ préalable d’argumentation et de discussion sur l’homme (pour les
rhétoriciens), ou encore, d’une scène de communication (théâtre et cinéma), sinon l’arrivée
inopinée et permanente d’inspirations poétiques ou artistiques, ou encore le besoin
permanent de redressement de la conduite et de la morale des membres de la société.
PAUL a réaliser la synthèse des causes de cette engouement pour le thème de l’homme
(véhiculé par l’ « Ecriture sainte » pas sa phrases selon laquelle « Toute Écriture est
inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice » (II
Timothée 3 : 16-)
LUCRECE analyse la cause de l’intérêt public pour les Muses : l’amusement
d’entendre des fables captivantes, plus particulièrement chez des types de personnes
n’ayant pas la culture des villes ou pratiquant certaines activités non intellectuelles et qui
129
deviennent par la suite des consommateurs – et non de producteurs – des produits
intellectuels.
« ils [Les campagnards] ne veulent pas que leurs solitudes aient l'air désertées par
les dieux. De là ces miracles dont ils nous rabattent les oreilles ; mais peut-être aussi un
autre motif les guide-t-il, car le genre humain est avide de fables captivantes. »
(LUCRECE s.d.).
LUCRECE est certes conscient que dans les poésies et certaines narrations, des
superstitions existent, mais cela n’empêche que « les fables captivantes » et autres de ce
genre, sont des besoins des hommes. Il va même plus loin : la crainte du vide – un thème
générateur du thème l’homme : « « ils [Les campagnards] ne veulent pas que leurs
solitudes aient l'air désertées par les dieux. ». C’est un besoin associé à la nature de
l’homme. Mais l’explication de LUCRECE ne s’arrête pas au domaine du physique (le
vide), car ayant rallié à la cosmologie ionienne, il utilise deux thèmes originels de base : la
« masse infinie » et le « vide » ; les particules d’atomes qui composent la masse infinie
circule dans le vide. LUCRECE introduit alors un thème nouveau : « le simulacre ».
Si les atomes sont des « particules », c’est-à-dire des « très petits » corps, le
simulacre, lui, est une membrane légère qui se détache de la surface des corps et voltige
dans tous les sens dans les airs. (LUCRECE s.d., page 46). Dans son explication,
LUCRECE avance que le simulacre errant dans les airs trouble l’esprit, non pas comme le
font les « mauvais esprits » de la théorie chrétienne, mais en se présentant physiquement,
même de façon évanescente devant l’esprit. Ces craintes de ce qui peut être aussi appelé de
« ombre » s’estompe par la vision magnifique ou cohérente relatée par la narration
poétique.
Les rhétoriciens, dont font partie les « mpikabary » (faiseur de l’équivalent du
discours) pour leur part, utilise un autre produit. Pour capturer les idées sur l’homme et
pour construire un discours sur l’homme, d’après la rhétorique, il faut placer le discours
dans son lieu ou champ d’argumentations et de péroraison, un lieu où il y a une discussion
sur l’homme, sinon où une certaine information, en l’occurrence les proverbes et les
maximes sont plus ou moins partagés. Ce lieu est le cadre de la capture de l’homme et
donc de la formation du « thème de l’homme ». Le récit de l’homme y est apporté : les
récits d’aventure, de combat ou de sentiment. Le récit ne peut éviter de retracer un cadre
qui, dans un sens, sert de fond partagé de connaissance entre celui qui fait la narration et
130
ses auditeurs. ARISTOTE, dans sa « Rhétorique » utilise le mot « topic » et au lieu de
parler d’environnement matériel, il pense à un ensemble de moyens intellectuels (y
compris conceptuels) permettant de rendre compte de ce qu’un hâbleur veut parler.
On ne peut, non plus éviter de se soumettre aux exigences du cadre de référence
dans lequel il est exposé. La référence au cadre d’exposé est une narration implicite, sinon
inconsciente. Le thème de quotidien est spécialement étudié par les cinéastes, de qui
apparaissent d’ailleurs les théories sur le cadre ; il est l’équivalent de thème de l’étendu
dans les cosmologies hébraïques et grecques. Il se doit d’être rempli par les propos du
narrateur sinon il est lui-même le lieu de fragmentation de qui découle la richesse.
Pour certains cinéastes, à l’instar de l’auteur dramatique anglais Stephen
BERKOFF (1935 - ), le cadre se trouvent dans les mots et les vocabulaires de la rue
exprimant les drames susceptibles de modifier l’avenir d’un individu ou de l’humanité ; ils
demandent à ses acteurs d’être à la fois « débridés et emplis de sensation de danger pour
leur permettre de s’exprimer de toutes leurs forces physiques et de toutes leurs ressources
vocales pour exprimer des poésies lyriques shakespeariennes – chaque homme de la rue est
donc une représentation de l’homme tout entier –, alors que, d’auteurs s’efforcent de
chercher du langage raffiné ». Cette façon de BERKOFF est une forme de littérature au
quotidien s’opposant en quelque sorte à la littérature savante ; elle a pour cadre naturel le
quotidien. Or, le quotidien – du moins dans le monde en voie d’industrialisation – est
dominé par les travaux des femmes, des femmes campagnardes, voire illettrées
(WIERLING, 1984), des objets inhérents à cette vie, notamment les objets de la
technologie (HUGON 2008) ; la dépréciation ou un jugement négatif en découle. Le
quotidien est loin d’être le référentiel pour une exposition d’une histoire de relations
sociales mettant en relation des individus en parfaites connaissances de soi, mais
d’individus agissant de façon spontanée, même si ces actions sont directes et déterminantes
de leur futur.
Le mot quotidien demande d’ailleurs de précision. Il désigne le superficiel et
s’oppose, dans ce sens, au réel et au profond de l’écrit. Mais chaque civilisation, chaque
groupe social ou chaque famille possède respectivement leur propre quotidien dont il est
d’ailleurs difficile de décrire étant donné que le mot lui-même évoque ses propres
matériaux et activités avec lesquels il est connu. Le quotidien est finalement une sorte de
décor naturel ou de scène organisé par le déterminant de ce qui apparaît et qui s’oppose
131
avec la mise en scène d’un metteur en scène spécialisé93. Ce sont les sociologues qui ont
exploité cette approche, avec leur individualisme méthodologique, une sorte de modèle
répondant à la description du philosophe Henri BERGSON de l’homme ou de la pensée
qui n’a pas de précision, de lieu, ou tout simplement avec leur « acteur social ». Ici alors, le
cadre naturel serait le social, et de ce fait, alors, tout récit sera lu dans leur cadre social et
les agents ne sont plus ni des « voyageurs », ou des amoureux, mais des êtres moulés par la
société.
Ainsi, les causes provoquant la discussion ou la consommation sur l’homme sont
inscrits à la fois à l’intérieur de l’homme, comme une disposition naturelle, comparable à
l’échange dans la théorie d’Adam SMITH et dans son environnement social, comme une
condition matérielle de la vie sociale. Cette présence accrochante se présente elle-même
non pas comme un phénomène sociale visible, mais comme une puissance, une force que
ne peut percevoir que les individus sensibles et imbus au thème de la production matérielle
ou immatérielle ; c’est un phénomène qui dépasse la sociologie et évident pour l’économie,
la psychologie ou autres sciences de l’homme.
b) La puissance de la narration
Une narration est puissante parce qu’elle provoque de l’action ou du travail selon
les termes de la science économique du moins du marché et du prix. Qu’en est-il alors des
actions de la narration sur l’homme ?
La narration sur l’homme est un discours politique : il est composé d’un thème
représentant une étendu : la réalité, et, dans l’hypothèse de l’existence d’un équivalent d’un
vide, d’un discours politique qui meuble cet espace. PENAFIEL, professeur de l’Université
de Montréal, reconnaît que certaines narrations, certains thèmes de la réalité prennent de la
valeur ou de l’objectivité pour la communauté qui les reçoit indépendamment des vérités
intrinsèques de ces discours. Telle est la première force du discours. Or le mot le contenu
93 L’art de mise en scène indique deux façons de le faire : l’usage de toiles peintes pseudo-réalistes et le décor avec des niveaux différents (conçu et réalisé pour la première fois par le metteur en scène suisse Adolph APPIA) mettant surtout en relief l’action des acteurs. Edward Gordon CRAIG (1872 – 1966), un autre metteur en scène britannique, pour sa part, soutient que la représentation théâtrale est strictement assujetti aux seules décisions du régisseur et non du metteur en scène, car le décor n’est qu’un accessoire et non le principal du théâtre. De ces considérations théâtrales, il apparaît que le lieu de déroulement de l’action est, peu ou prou, fondamental. L’homme est sensible à l’action et non à ses supports. La science économique roule plutôt en faveur de la scène sans décor de CRAIG, c’est pourquoi l’homo œconomicus, l'acteur principal de la comédie de la théorie économique (où les agents sont ou bien des producteurs ou bien des consommateurs) agit dans un cadre sans décor : la rencontre.
132
du thème de « réalité » est au cœur du discours politique. Il se précise au fur et à mesure
des discours. Le discours politique est une lutte pour l’octroi de sens dans un thème partagé
et indiscutable. Il dépend du rapport de force antérieure au discours.
Le cadre récité par l’idée sur « l »’homme, est largement dominé par l’obscène – au
sens stricte du terme - formant en quelque sorte l’intrigue justifiant la narration. En effet,
ce n’est pas le quotidien et le vulgaire en eux-mêmes qui attirent l’attention du narrateur et
de ses auditeurs, mais quelque chose de spécial et de différent dans le quotidien, ou
pourtant quotidien. De ce fait, le récit indique la synthèse de l’exceptionnel et de son
opposé portant sur l’homme : des comportements exceptionnels et pourtant ordinairement
humains, et surtout de la parution exceptionnelle ou étrange, mais saisissable
intellectuellement. Le thème de « simulacre » en est un exemple: le simulacre dépasse le
corps et se présent sous forme de présence aléatoire et évanescent ; il est donc un thème sur
l’homme. Les récits en racontent que ce soient en termes d’âme, de fantôme, etc.
Chaque scène participe à la spécialisation de la narration en tant que support visuel
ou en tant que complément de ce que ne peut véhiculer le protagoniste du récit. Par
exemples, dans un récit de voyage le fait de mettre en cadre l’hostilité de l’environnement
suggère déjà le caractère combatif ou courageux du protagoniste, l’environnement douillet
dans lequel est placée une héroïne suggère le bonheur.
Dans une narration, chaque récit rivalise en suspens et dans le choix et dans la mise
en valeur des scènes et des décors. La partie la plus difficile est d’ailleurs, comme dans la
production d’un film, le choix du décor dans lequel, en effet, un supplément d’artifice peut
être apporté : le récit est donc le plus souvent une juxtaposition de plusieurs
représentations, et quelques fois de la manipulation psychologique. Dans chaque narration,
il y a, en fin de compte, de combinaisons d’idées détenues par un narrateur. DELEUZE
appelle cela du « bloc d’idées », ARISTOTE, pour sa part, utilise le mot « topic » ou lieu,
pour nommer cette partie susceptible d’être récité de la vie ou de l’activité humaine, et
SPINOZA utilise le mot « étendu ». Pour SPINOZA, ce qui existe par les faits de l’homme
sont fait dans la compréhension de Dieu94.
94 « J’affirme que toutes choses sont et se meurent en Dieu » affirme SPINOZA dans son Traité théologico-politique, cité par Jean DELORD dans « Spinoza : Ethique : livre I proposition XV : Scolie, 4e paragraphe », texte publié sur Internet. Il faut ajouter que le fait que tout ce qui existe est en Dieu, s’inscrit surtout comme un argument contre la théorie cartésienne de l’attribut de Dieu.
133
Ainsi ce qui peut être narré peut aussi être puisé dans une sorte de lieu ou dans un
domaine du descriptible ; les narrateurs ne sont que des individus qui sont capables –
disons-le de façon poétique – de puiser de l’inspiration dans le domaine de ce qui est
susceptible d’être narré. En fait, le cadre utilisé par le récit est l’intelligibilité issue de la
répétition. Un récit n’a de sens que dans la mesure où il est intelligible. Or ce dernier
dépend de l’expérience vécue et surtout de la répétition des faits95. Les institutions comme
la famille et l’État-Nation et le champ sont les cadres des récits, mais avec
l’industrialisation et l’incursion de la littérature économique, l’entreprise devient le cadre
de la narration.
Dans la littérature, le cadre est aussi important et déterminant dans la qualification
de l’ouvrage. Il se présente sous forme de fond d’une réflexion ou de la narration, même
s’il s’agit de fiction. Dans ce dernier type de roman, les récits de voyage et d’aventure
restent.
La littérature économique utilise aussi le cadre précité ci-dessus. Les économistes
sont des narrateurs confrontés à un public averti, sinon non un public qui demande de la
persuasion, des interlocuteurs ayant des opinions divergentes et d’intelligence variée. La
littérature économique est d’ailleurs victime de cette situation : elle est discutée et
critiquée, non pas pour les idées qu’elle diffuse, mais à cause de la mésentente sur
l’interprétation de sens de la thèse défendue par les économistes, ou encore à cause des
propos provocateurs – ou sortant des discours ordinaires – tenues par l’économiste. Tel est
d’ailleurs le cas des articles de Milton FRIEDMAN (NADEAU, Milton Friedman et son
discours de la méthode s.d.). La nouveauté de l’idée est d’ailleurs l’ « obscène » ou le
« scandale intellectuel » - selon les termes de NADEAU – de l’économiste ; elle est une
sorte de vérité attendue mais qui n’a pas pu poindre que par l’économiste en question.
L’économiste devient alors « le » économiste, le narrateur, car il a trouvé son cadre.
95 « Supposez qu’un homme doté de toutes les facultés de raison et de réflexion soit déposé dans ce monde, soutient David HUME, dans son «Enquête sur l’entendement humain », il serait incapable de découvrir autre chose ; il serait incapable de découvrir la cause et l’effet car ce qui apparaît n’aurait pas de sens à ses yeux, et il ne serait certain que de ce qui est immédiatement présent. Mais s’il gagne de l’expérience, il infère l’existence d’un objet à ses expériences. Cette action résulte non pas de l’intelligence, mais de l’accoutumance.
134
c) De la temporalité
Le récit n’est fort que parce que son temps est limité, mais qu’il peut se prolonger
dans la pensée de l’auditeur.
La narration suppose la temporalité du récit. Insidieusement, elle demande une
conscience et une unité partagée du temps entre le narrateur et ses auditeurs, sinon une
interprétation particulière de ce phénomène. De ces faits, le temps devient un problème ou
un thème permettant de comprendre et de faire le récit. Le temps est présent dans les
littératures générales aussi bien que dans la littérature économique. Les théoriciens de la
littérature l’ont mis en relief dans la rubrique « littérature cosmogonique », dans laquelle le
temps est repéré par son « début », ou « commencement » biblique, ou encore, par des
mots nommant l’ « archê » (ou le début) du temps : le « jadis », ou, en Malgache, le
« fahagola ». La science économique, pour sa part, est en quête de nouvelle formulation de
temps.
La littérature cosmogonique essaie de retracer ce qui s’est passé dans les toutes
premières journées ou les toutes premières nuits de l’humanité ; ainsi faisant cependant, et
malgré elle, « le » temps a été nommé ou identifié – pour ne pas dire inventé. Elle nous
relate les actes qui ont été faites durant le premier moment : des êtres aventureux qui
plongent dans une étendue aquatique ou réflexive et énonciation d’un premier discours
ordonnant la création, ou encore des êtres qui séparent une étendue cosmogonique
composée de mélanges confus. Ces actes font cesser ou éteindre quelque chose, et
imposent ou insèrent des faits ou des êtres nouveaux dans le présent, et surtout, ces actes
instruisent les lecteurs de la réalité d’un fait. Par cette instruction ou par cette narration, les
concepts d’ « avant » et d’ « après » l’acte prennent un aspect de substance mentale
délimitant les évènements. Les actes sont devenus des repères de narration, au même titre
que le temps.
Cet évènement repère cependant ne permet pas encore de résoudre le problème de
la durée ou de la longueur du temps. Une autre façon de créer la temporalité est introduite
par la bible. Le livre de Genèse ne reconnaît que l’existence du temps « premier » et déjà
certains des prophètes bibliques annoncent l’avènement de la fin du temps ou des jours. Ce
premier et cette fin se subdivise dans la bible en une durée composée de couples de jours et
de nuit (conformément à la conception mésopotamienne de la notion de journée). Les
couples jour-nuit sont à leur tour regroupés en « semaine » de sept jours, quoique rien ne
135
nous permette de défendre l’idée selon laquelle les jours de la semaine s’arrête au septième
jour et qu’il n’y a pas de huitième jour dans la semaine. Les semaines forment à leur tour
des mois, dont le regroupement forme une année. L’idée de jubilée indique également la
connaissance de la subdivision annuelle de temps dans la Bible.
La conception biblique du temps se distingue par le fait que le nombre des jours de
la semaine a été, du moins en apparence, décidé par un récit sur l’activité divine de la
création. C’est dieu qui a voulu que la semaine dure sept jours, et que l’année de jubilée
soit célébré sans que soit donné des raisons … valables pour cela. On ne peut expliquer
pourquoi un dieu a-t-il besoin de se reposer et pourquoi justement le septième jour ; de
même pourquoi l’exploitation doit-elle cesser tous les quarante neuf ans. En outre, la
notion biblique du temps ne sert qu’à mieux décrire et présenter la doctrine biblique de
l’eschatologie ainsi que de mieux raconter le récit de la fin. Nous sommes donc en
présence d’une forme de littérature qui raconte l’aventure de dieu sur terre. De ce fait, le
récit de la formation du temps ne dépend par de l’action humain, mais celui de dieu. Les
commentateurs de la bible vont alors avancer la thèse selon laquelle l’existence de repos
sabbatique et de l’année de réminiscence des jubilées est une sorte de loi par laquelle dieu
lui-même accorde le salut et le pardon à ses sujets. Dans ce sens alors, le temps est
effectivement fait pour l’homme et non pas le temps qui s’impose à l’homme : le temps
explique non pas les évènements mais le sens ou l’orientation de l’évènement ; il est alors
un élément du sorite hébraïque. Le temps est une sorte de matière primitive à la fois
implicite du récit et explicite porteur d’explication et d’interprétation du thème.
L’idée de cycle et de répétition de cycle cependant n’ont pas empêché les Hébreux
de croire en l’existence d’une fin et non pas soutenir l’existence de l’éternité. Les Hébreux
admettent que ce qui a été lancé et projeté dans le temps court vers la fin ou se rapproche
de la fin. Les récits de ce fait, présentent les protagonistes et décrivent le lent procès de la
réalisation du devenir.
La notion de temps dans la littérature économique est étroitement liée à celle de la
conception judéo-chrétienne. Elle a cependant exclu la notion eschatologique de ce thème.
De ce fait, la littérature économique est une littérature dans un laps de temps. Rares sont
d’ailleurs en économie, les théories qui, à l’instar du marxisme, couvrent à la fois une
certaine période de la formation sociale et qui s’achève avec la transformation radicale,
136
voire révolutionnaire, de cette formation sociale. La plupart des théories économiques ne
couvrent que les cycles de production ou les cycles de l’intensité des activités.
L’histoire de la pensée économique convient que le temps de l’économie est un
cycle à cause de sa liaison avec la production. La nature, rappelons-le, participe aussi, avec
le travail et le capital dans la production. En outre, l’idéologie judéo-chrétienne du sabbat,
et toujours dans le même esprit de production, préconise l’amortissement du capital et
l’organisation du travail. L’existence de cycle de la production caractérisée par la crise, la
reprise, la prospérité et la récession ainsi que la régularité des cycles poussent les
économistes à voir autrement la durée dans l’économie.
Dans une dimension plus réduite, la littérature économique couvre plutôt le concept
de « temps de travail » avec sa dimension sociale et économique. Cette conception est
basée sur l’opposition entre les concepts de « travail » et de « loisir », et pour cause, le
travail est toujours considéré en économie comme étant quelque chose de péjorative. De ce
fait, le cycle de production est plus ou moins arrêté par le temps de repos, des vacances, ou
du temps de transport, de sociabilité et de la réalisation des travaux domestiques. Dans ces
cas alors, le récit de la littérature économique retrace en plus des activités de production
proprement dite, du récit sur les activités domestiques, de la sociabilité, du transport et des
loisirs.
Les philosophes grecs de l’Antiquité ont développé la philosophie du temps, mais
pas encore sa relation avec le récit. Leur conception cependant, d’après l’historien de la
philosophie Émile BREHIER, est une application de leur notion de l’ordre aux pensées et
thèmes des discussions populaires de leur époque.
Ce sont les philosophes de notre époque qui ont ouvert le débat sur le problème du
temps. Le philosophe Paul RICOEUR (1913 – 2005) en a décrit le mécanisme dans son «
Temps et Récits » (1983 et 1989), et SCALIGER Joseph (1540 – 1609), dans son « Traité
sur la réforme du temps » (1583) en est un des rares à formuler ce problème du temps.
Pour lui, le temps de l’histoire et de la narration est différent du temps du quotidien dans
lequel le temps est une succession d’évènements réguliers (l’écoulement de grains ou de
liquide par exemple). Dans l’histoire et la narration, par contre, le temps est le résultat de
l’écoulement de plusieurs évènements concomitants. L’économiste Nicolas
GEORGESCU-ROEGEN (1906 – 1994) précise cette idée. Pour lui, il y a aussi deux
sortes de temps : le temps cardinal qui se mesure par la durée et le temps ordinal qui
137
indique seulement ce qui est avant et ce qui est après un évènement (DULBECCO &
GARROUSTE, 2005). Le temps ordinal augmente l’importance de l’évènement narré sans
toutefois affirmer que l’évènement en question est une cause ou un déterminant de l’après ;
il insiste seulement sur le fait que l’évènement en question doit apparaître ni avant ni après.
Dans ce sens, tout ce qui existe est unique non pas en leur genre, mais en leur existence.
Cette conception de l’existence évoque celle de SPINOZA, lorsque ce dernier accorde la
cause d’un évènement à un déterminant extérieur (le dieu) et non aux évènements
antérieurs. Seulement, le récit dépend du narrateur ; le temps de la narration est de ce fait
en rapport avec la mémoire du narrateur.
L’interprétation de certains récits particuliers exige l’acceptation de types de temps
différents du quotidien ; tel est le cas de temps dans les récits prophétiques. Dans ce
contexte, en effet, l’évènement prend place lorsque ses signes précurseurs sont réunis.
L’évènement en question, c’est-à-dire le récit, est alors exceptionnel, différent des
répétitions quotidiennes, il est un phénomène indiqué par ses signes. Ce fait est étudié plus
particulièrement par les économistes et les agents économiques dans le cadre de la
spéculation de conjonctures.
Considéré dans son cadre temporel, le récit relate donc un évènement vécu par
l’homme. Dans ce sens alors, le narrateur ne peut être que celui qui a compris son temps ou
qui s’y est imprégné. STENDHAL soutient cette conception. Pour lui, les études classiques
ennuient le peuple96. Le temps est un élément du décor du récit que le metteur en scène
exploite pour mettre en valeur l’action. L’économiste, d’après GEORGESCU-ROEGEN
(1906 – 1994) utilise deux notions de temps : le temps cardinal et le temps ordinal. La
plupart des problèmes économiques sont soumis au temps cardinal, mais certains, comme
le besoin, la justice et le bien sont des concepts qui couvrent aussi leur opposé : le besoin,
la justice et le bien ne sont précis que lorsque leur satisfaction respective est connue. Leur
temps n’est pas cardinal, mais ordinal, ce n’est pas leur durée qui compte ; à eux, le temps
se définit en termes de « avant » et « après » une action.
Ainsi, les différents types de composantes qui président la formulation de l’homme
représenté annoncent déjà la possibilité de la pluralité de contenus et de successions des
formes de discours sur l’homme : l’homme est représenté dans un récit tout court, dans un
récit d’aventure, dans un récit de voyage, un récit d’amour, un récit d’aventure et de
96 STENDHAL, (1823 et 1825), « Racine et Shakespeare »
138
voyage, un récit d’aventure et d’amour, un récit d’aventure, de voyage et d’amour. La
connaissance du fait que les connus sur l’homme sont des récits de voyage, d’aventure et
d’amour ne permet pas encore de comprendre qui est-il exactement ou que fait-il ; à peine
sait-on où l’écrivain ou l’artiste peut-il le rencontrer pour pouvoir réciter ce qu’il fait. Dans
ce monde de racontables ou du dicible, il faut alors étudier les narrateurs, notamment les
contextes susceptibles de provoquer leur inspiration, leur façon de s’exprimer, bref, il faut
s’interroger sur la trame de la coulisse de l’art, en pensant qu’elle est unique et ne
dépendent pas de chaque artiste ; autrement dit, il nous faut recueillir les fonds communs
de l’équivalent du concept de « littéralité » en littérature, mais que nous appelons
simplement par l’expression « de l’homme représenté ».
Un second niveau de classification de la représentation de l’homme est alors
réclamé pour la compréhension de ce qui a été effectivement consigné dans la
représentation de l’homme. A cet effet, il nous faut voir les différents types de moyens, ou
de lieux ou de moment critique où l’homme est raconté par le narrateur. Ce sont la
formation de l’homme, dans les toutes premières constitutions de l’homme, dans le réel ou
dans la romance du narrateur. Avec ce niveau d’analyse, nous nous n’intéresserons pas à la
question de comment l’artiste représente-t-il l’homme, mais comment peut-on expliquer
que l’homme soit ainsi ?
PARAGRAPHE 2 – DE LA NARRATION DE L’HOMME FAIBLE OU RESUME DU THEME « HOMME »
Le thème de l’homme est donc le résultat d’une sorte de compilation de matériaux
conceptuels nommant des réalités intérieures à l’homme ainsi que de l’existence d’un ordre
caractérisé par l’intuition de la richesse. Un premier regroupement de l’ensemble des
discours traitant principalement le thème de « l »’homme, indépendamment de leur cadre
et de leur référence s’impose. Cela comprend, entre autres, le thème de la formation de
discours sur l’homme, tout en évitant de discuter de la nature humaine, car notre
problématique est de savoir « pourquoi un homme parle-t-il de l’homme ? » en vue de
répondre à la question de « qui est l’homme ? » Cet ensemble de réflexions sur l’homme
tend à pointer vers un homme idéal, à l’exemple du prince CYRUS relaté par la bible (voir
Livre du prophète ISAÏE, chapitre 45, verset 1 à 8 -et le « Cyropédie »).
Ce paragraphe vise à dégager ce que la réflexion humaine considère comme étant
son propre imperfection (étude intravertie de l’homme, car le thème de la femme aborde la
139
faiblesse de l’homme par une cause extérieure. La dualité est alors tournée vers l’homme
intérieur). C’est une interprétation des mots récurrents à partir desquels se construisent les
thèmes de l’homme ; il est aussi une position dans un thème de narration sur la nature de
l’homme ; ce dernier est considéré comme un être dual.
A travers ce paragraphe, nous entrons dans un niveau d’abstraction plus complexe à
cause du rapport du thème « l »’homme et celui de « la » femme. Il apporte, malgré tout,
une précision non pas sur la nature de l’homme, mais sur le dicible de l’homme : le thème
de « la » femme ouvre la question sur le sujet de l’imperfection de l’homme ; il est le mot
avec lequel est, dans la littérature, identifiée la faiblesse. En empruntant encore le thème et
le trame de la bible sur l’homme, nous dirons que la faiblesse s’est scindée de l’homme et
s’est incorporée sous forme de femme, comme le Mal s’est scindé du Bien pour prendre
une autre dénomination. Dans la Bible, la femme est la voie par laquelle « l »’homme s’est
découvert sa propre faiblesse. La femme, insistons encore ce point, n’est pas la faiblesse,
mais la représentation de ce que l’homme peut avoir de faiblesse. Nous pouvons donc
appeler le rapport de « l »’homme et de « la » femme, la « dualité de l’homme ».
La dualité de la nature de l’homme ouvre le débat méthodologique sur la relation de
l’homme et de la femme. La sociologie présente le thème de l’homme sous forme de
société et déplace le thème de « l »’homme vers celui de « la » société. Mais la plupart des
sociologues se sont plutôt intéressé au thème de « faits sociaux » et non pas à celui de
« la » société. Les sociologues restants sont ceux qui s’intéressent à des thèmes comme « la
violence », ou encore à celui du travail, de la religion.
La dualité de l’homme a été aussi perçue par les philosophes, mais sous un angle à
la fois historique et psychologique, car certains philosophes n’hésitent pas à utiliser le
terme de « pathologie » pour désigner la faiblesse, alors que les socio-économistes actuels
structurent l’espace en domaine de femmes et celui de l’homme pour marquer cette dualité.
Le présent paragraphe parle de la faiblesse par le thème particulière de la femme. Il
est une façon de mettre en relief le caractère intellectuellement évident de la faiblesse, mais
il ne parle pas de notre thème principal, « l »’homme. Au terme de ce paragraphe, nous
avons appliqué nos réflexions pour consigner la réflexion avec laquelle l’homme
s’identifie.
140
I La faiblesse saisie par les théories sociologiques
Pour saisir la fonction de la faiblesse dans la nature de l’homme, il faut se
demander comment la faiblesse structure la société ? (telle est la question que se pose les
structuralisme), ou encore quelle est la fonction de la faiblesse chez les humains (Questions
fonctionnalistes).
On note que dans la représentation de l’homme, la faiblesse est représentée ou
symbolisée par le concept de la femme.
A – Approche structuraliste de la femme ou de l’homme faible
Le structuralisme est une notion développée par la sociologie pour désigner un
courant de programme de recherche qui a pour objectif d’expliquer les faits sociaux à partir
des relations entre les groupes permanents et récurrentes des sociétés. Ces groupes sont
réunis aussi bien pour des intérêts communs que pour des raisons sans rapport avec
l’économie. Etant donné l’universalité de l’échange, les participants à l’échange sont les
formes de structuration sociale. En outre, la propriété et le droit sont aussi des déterminants
de la structuration sociale. Enfin, l’enjeu des relations entre les structures tourne en
économie, autour du profit, en anthropologie sur l’échange des femmes.
Ces propositions précédentes ne sont pas partagées par les chercheurs. En ce qui
concerne l’anthropologie et d’une façon plus élargie et selon Claude LEVI-STRAUSS, ce
n’est pas vraiment la femme mais l’échange de femme qui est à l’origine de faits sociaux.
L’anthropologue américaine Margaret MEAD (1901-1978) pour sa part défend l’idée que
la femme apporte une structuration sociale, et que la structuration sociale n’est pas
synonyme de domination ou de soumission. Dans son acception, l’argument de la
psychanalyste BALMARY Marie est d’importance : cet auteur constate que les mots
« homme » et « femme » sont employés dans la bible non pas dans un thème de la création,
mais dans celui de la rencontre entre l’homme et la femme. L’humain ne devient homme et
femme que par la relation entre l’homme et la femme (BALAMARY 2005).
En littérature, le structuralisme est une façon d’interpréter un texte et qui consiste
en ne tenir compte du contenu du texte dans sa forme achevée, indépendamment de
l’histoire du texte. En utilisant une méthode comparative, le structuralisme établit une
141
correspondance entre les textes des autres cultures, et par cette façon, il se prète à notre
méthode et à notre objectif.
Le concept de « structuralisme », repris par la science économique, est utilisé pour
mettre en la relation le rôle différent des secteurs ou de regroupement économique dans le
développement économique. En économie et dans une problématique de la croissance, le
structuralisme défend l’idée selon laquelle la croissance n’est pas le résultat d’une
augmentation de la production des firmes dites représentatives des activités économiques
ou que de nouvelles entreprises viennent s’ajouter dans le lot de ce type de firme. Ce
concept désigne un processus dynamique entre les secteurs d’activités pour atteindre la
croissance globale de l’économie. Durant cette phase, certaines entreprises, ou certaines
secteurs d’activités, se développement au détriment d’autres entreprises et secteurs
d’activités et qui font qu’au bout de certains temps d’ouverture de l’analyse économique,
on constat un changement dans la structure de l’économie (OCAMPO 2003).
L’idée maîtresse du structuralisme, indépendamment du domaine académique de
référence, est que le phénomène étudié est fragmenté en groupes ou en blocs de valeurs
différentes ou évoluant de façons différentes dans le temps. Le thème étudié par le
structuralisme est le développement ou la croissance de plusieurs phénomènes
concomitants. Les structuralistes déduisent que l’évolution d’un phénomène se fait par des
changements de ses composantes, par des déséquilibres ou par la destruction créatrice –
pour reprendre le concept de Joseph SCHUMPETER – de certains secteurs d’activités.
Cette conception doit être complétée par une étude sur la loi de l’évolution pour savoir qui
va disparaître et qui va se développer. Cette appréciation de l’évolution de la communauté
ouvre la discussion sur d’autres thèmes.
L’évolution est l’objet de nombreuses réflexions : celles de Charles DARWIN, de
LAMARCK . Pour DARWIN, une sélection accidentelle de la nature s’opère sans que soit
fixée au préalable son orientation, alors que pour LAMARCK, l’évolution répond à un
changement interne vers un meilleur sens d’adaptation (BREHIER, Histoire de la
philosophie. T II 1932).
Appliquée au contexte de la faiblesse de l’homme, l’évolution de l’homme dans la
théorie de DARWIN est le produit du hasard favorisant certains caractères humains au
détriment d’autres caractères. Les faiblesses ou les manques ou les besoins d’un moment
peuvent être accidentels avec ou sans l’intervention de l’homme (par exemple la
142
domestication de la nature). De même, la raison, par exemple, peut être stimulée par des
circonstances d’industrialisation aux dépens des sentiments. Or, dans la mesure où le signe
caractéristique de chaque genre humain est l’émotivité chez les femmes et la raison chez
les hommes comme il est d’usage de le faire durant les XVII et XVIIIe siècles en Europe
ou bien même avant, à la suite de l’influence culturelle et religieuse judéo-chrétienne, la
tendance à l’industrialisation privilégie et renforce la prétendue domination de l’homme.
La tertiarisation des activités humaines a permis de valoriser les qualités et vertus imputées
usuellement aux femmes, une transformation sociale s’ensuit.
D’après la théorie de l’évolution de DARWIN, ce sont les faibles qui disparaîtront
en subissant les effets de la transformation, alors que les forts imposent leur règle. Or, dans
notre étude, nous avons nommé par le mot « femme » la faiblesse, et l’homme,
l’immuable, la proposition suivant se dégage : les faibles ou la femme change au fur et à
mesure que se manifeste la véritable nature de l’homme. Aussi, l’histoire de l’humanité ne
s’explique pas seulement par le développement de la force de production, mais surtout la
transformation de la faiblesse, ou et selon les doctrines, leur suppression, c’est une
transformation des institutions.
Conséquence ,en utilisant la théorie de DARWIN, la persistance du besoin et la
transformation de son environnement sont un indicateur co-déterminant de l’homme
« fort » : un être qui se permet de révéler et de se révéler par le besoin qui se permet d’être
satisfait malgré la permanence des besoins et l’aléa du changement de son environnement.
L’homme fort peut même se permettre d’avoir des désirs, des volontés ainsi que tous
autres concepts évoquant la capacité ou le travail.
Dans la théorie de LAMARCK par contre, volonté, désirs, entreprises n’ont de sens
que pour une finalité plus ou moins voulue. Cette finalité est posée à priori comme
indicateurs de l’humainement possible ou de la différence entre l’homme et les autres
animé, les animaux. Sur le plan politique, cela suppose que les sociétés humaines sont
basées sur un ordre moral. Les économistes s’alignent plus ou moins dans cette conception
de la morale.
Les premiers économistes n’ont pas posé le problème de l’éthique dans la
détermination de la limite de l’individuellement possible. Chez Adam SMITH, par
exemple, la question de la morale est bouclée par le thème de la Main invisible. Sa théorie
s’énnonce simplement de la façon suivante : tout ce qui est bien pour l’individu l’est aussi
143
pour l’humanité car et conformément à l’éthique préconisée par John STUART MILL et
les utilitaristes, le bien se définit par l’importance du nombre d’individus qui en profitent.
John Stuart MILL constatait que la concurrence peut neutraliser les activités des
entrepreneurs entraînant un gaspillage de la force de travail. Cette situation et celle où
l’intérêt de l’individu est en contradiction avec celui de la collectivité sont les seules où il
réclame l’intervention économique de l’État qui est considéré comme l’autorité morale
(GALAVIELLE 2003).Ce n’est qu’à la suite de la prise en compte de l’épuisement et de la
détérioration de la nature que les économistes ont validé dans leur discours des
considérations d’ordre éthique, notamment dans les thèmes de la « responsabilité sociétale
de l’entreprise », et l’instauration de taxes-carbones.
L’éthique économique se traduit par l’action sociale réparatrice organisée par
l’Etat. Cette politique se fait au dessus de toute considération de concurrence. En fait, pour
John Stuart MILL, l’État étant le préalable de la production individuelle, il s’ensuit que ce
ce n’est pas la restauration de la concurrence qui est à l’origine de l’intervention
économique de l’État. Au contraire, l’activité individuelle et la concurrence entre les
entreprises ne peuvent être la base d’une société politique que dans la mesure où les
entrepreneurs sont déjà animés par des considérations éthiques préalables, notamment la
recherche de l’intérêt collectif à travers des entreprises individuelles. Actuellement, trois
thèmes d’éthique en découlent : 1°) le « Business ethics » selon lequel l’entreprise doit agir
de manière socialement responsable. Cette conception fait de l’entreprise un agent moral ;
2°) le « Business and Society » avec qui l’entreprise et la société sont structurellement
liées. L’entreprise se doit de protéger l’intérêt de la société tout en profitant de cette
dernière ; 3°) le « Social issue management » dont les propos veulent que les entreprises
améliorent leur performance tout en tenant compte de la révendication sociale.
Le problème avec cette conception économique actuelle du moral, cependant, est
que l’économie n’a pas retenu l’homme mais l’entrepreneur et la production.
L’entrepreneur est en connaissance de ce qu’il ne peut pas faire sous peine d’enfreindre les
valeurs éthiques. Où est le « désir » et le «besoin » dans leur discours sur l’éthique ? Qu’en
est-il de la sur-consommation devant la sous-consommation ? La théorie économique se
retranche derrière la loi de marché et de la concurrence.
Au-delà des économistes, d’autres penseurs, comme le théologien Pierre
ABELARD, complètent la morale en soi avec la subjective conscience. Pour lui, une
144
volonté n’a de limite que la conscience et à la conception du bien. Ce n’est pas la respect
des lois légales qui importe, mais de la morale à cause de l’intériorité de celle-ci
(BREHIER 1932, page 403). En remontant vers l’origine de la science morale, on trouve
SOCRATE (bien que l’on impute la morale à ARISTOTE). Ce philosophe de l’Antiquité
grecque découvre le morale par la recherche de la définition universelle de la vertu. Sa
démarche a été utilisée aussi pour d’autres thèmes comme le courage, la tempérance et la
piété. En fait, SOCRATE, dans sa réflexion sur les mots, ne cherche pas à démontrer la
véracité des concepts, mais à « examiner et à éprouver ... les hommes eux-mêmes et à les
amener à se rendre compte de ce qu’ils sont » (BREHIER 1932, T I, page 71). La faiblesse
de l’homme se découvre dans la théorie socratique par sa propre méconnaissance de soi.
Les philosophes sont les premiers à se demander sur le rôle du désir, un thème que
les économistes transforment en besoin. Pour SOCRATE, la conscience du désir, du besoin
et autres thèmes connotés est un produit de l’examen et de la preuve de soi. C’est une
activité scientifique. Pour maîtriser le désir, certains philosophes recommandent la volonté.
Si l’homme n’est fait que de désir et de volonté, ou du conflit entre le désir et la volonté,
alors l’homme n’est ni désir, ni volonté, mais la relation –la synthèse selon l’expression
favorite des Marxistes – entre le désir et la volonté. Cette relation, selon DELEUZE, est de
la production. (C’est ce qui explique d’ailleurs la proposition des économistes classiques
selon qui l’homme est faite de force de travail). Or la production est une activité de
création de la valeur, c’est-à-dire de la richesse ; de ce fait, le couple désir-volonté est une
richesse. Faiblesse et, par opposition, force sont donc des distinctions qui montrent que
l’homme originel était une puissance.
Le mouvement de l’homme – ce dernier étant considéré comme un être dual
composé d’homme/femme, ou force/faiblesse – s’achemine vers une fin ou un lieu, où
l’homme se fige et se prête à une observation statique. Ce lieu est, dans le terme de John
Stuart MILL le « progrès de l’humanité : « les relations sociales des deux qui subordonne
un sexe à l’autre au nom de la loi ... forment un obstacle au progrès de l’humanité » (J. S.
MILL 1869, page 4). Dans le contexte actuelle, on dira que les relations sociales
s’appuyant sur la différence naturelle est un obstacle à la croissance et au développement
économique. MILL défend son idée en affirmant que le constat de la différence naturelle
entraîne des décisions irrationnelles ne tenant pas compte des arguments décisifs. Ce
constat est lui-même erroné car il est repose sur des sentiments et des à priori. Autrement
dit, l’homme se manifeste lorsqu’il perd son sentiment.
145
Dans la pensée occidentale, le sentiment est opposé à la raison. Cela entraîne chez
les économistes la quête de lieu où la raison domine. Ce lieu, pour eux est le marché. Pour
parvenir à cette fin, les économistes vont alors nettoyer les vocabulaires philosophiques et
moraux susceptibles de rappeler le sentiment. Aussi, au lieu de parler du « désir » et ses
connotés, ils abordent la question en termes de « manque » et de « besoin ». Le désir, le
manque ou le besoin se résolvent tous par la production ou par la consommation
La consommation est une activité de satisfaction de besoin par l’utilisation de
facultés des biens – que les économistes appellent « utilité » - pour satisfaire un besoin. La
faiblesse est un appétit qui selon les philosophes, peut être maîtriser, ou, selon les
économistes, atténuer par l’utilité. Pour les économistes, la différence entre « homme » et
« femme » n’est pas une question de « volonté », mais de la production de bien efficace
pour atténuer le besoin. La notion de faiblesse prend alors une nouvelle dimension : son
antidote n’est pas la volonté mais la consommation. Nous sommes devant la théorie
économique en vigueur.
B – Approche fonctionnaliste de la femme ou de l’homme faible
Le fonctionnalisme désigne un programme de recherche inauguré par la psychologe
pour mettre en relief la place d’un objet dans la façon d’agir d’un humain. Ce terme est
aussi repris par les sociologues pour décrire et expliquer le fait social à partir de certains
récurrents de toutes les communautés. La science économique est bourrée de concepts
fonctionnalistes sous formes de termes ou d’acceptions spécifiques. Le mot « marché »,
par exemple, est une fonction dans le comportement des agents.
Pour identifier l’homme, que les économistes appellent « l’agent économique »,
notre intention est de s’enquérir sur les fonctions des agents économiques au delà de sa
représentation dans les modèles économiques.
Dans les littératures occidentales, les femmes sont présentes dans certaines thèmes :
le domestique, la violence conjugale, les tâches, de ségrégation dans le marché de travail.
Le quotidien est l’argument ou le champ d'argumentation du thème de femme, ou encore le
quotidien est la scène où la femme est au premier plan, alors que la guerre et la réflexion
est celui de l’homme. Naturellement alors, tout ce qui se dit à propos de la femme, les
propos sélectionnés par le narrateur pour attirer l’attention de ses auditeurs, l’obsène, sont
146
alors l’obscène dans le sens exacte du terme : des termes en rapport avec le laxisme et le
sexe, à tel point le concept de la femme regroupe tout ce qui n’est pas obligation et
nécessité. Le sujet de « femme » est aussi abordé dans le cadre de l’échange et s’achève
avec la procréation, en passant par le « mariage ». Ainsi en consultant le moteur de
recherche d’articles publiés par le magasine économique « Problèmes économiques » sur le
mot-clé « femme », on constate que ce sujet n’apparaît que dans les articles portant sur
l’échange et sur le marché de travail. Les femmes ont une fonction dans le sens
psychologique du terme, dans le thème de l’échange. Cette fonction est à l’origine la
socialisation. L’économiste Gary BECKER établit alors une sorte de sphère parallèle entre
la production en entreprise et la production en ménage.
Nous développerons les thèmes précités ci-dessus en vue de montrer que
premièrement, que la représentation de l’homme se fait par la mise en relief artificielles et
surperfétatoire des différences entre l’homme et la femme, et que deuxièmement, cette
distinction relève de la culture. Pour ce deuxième point, nous montrerons que c’est la
littérature indo-européenne qui a produit la représentation réciproque de l’homme et de la
femme.
1°) La représentation de la femme : le travail domestique
Par travail domestique, nous entendons les activités modernes de la vie du ménage.
Cette expression comprend : les courses, la cuisine, la vaisselle, les linges et les soins
matériels aux enfants. Les femmes sont les figures les plus présentes de l’accomplissement
de ces activités, et que ces activités sont en réalité non pas des fonctions sociales, mais des
fonctions caractéristiques de l’homme lorsque ce dernier ne s’occupe pas encore d’une
activité de force par laquelle l’homme se reconnaît habituellement.
Dans notre objectif, nous avons voulu parler de l’homme en général, c’est-à-dire
universel et atemporel. Cet homme, en réalité, est un cliché, saisissable aussi dans sa
position dans un lambeau de temps ; aussi, cet homme peut être saisi à travers sa situation
d’un moment donné. C’est pourquoi, nous pouvons utiliser les faits et statistiques actuels
en pensant que le changement et l’évolution qui peuvent avoir lieu ne réduisent pas pour
autant la différence ou l’écart incompressible entre l’homme et la femme. Cet écart est
l’objet de notre propos.
147
Cet écart a été mesuré par un indicateur issu de l’Indice de Développement
Humain, l’ « Indicateur Sexospécifique de Développement Humain », et par l’ « Indicateur
de la participation de la femme » (PNUD 1999). L’« Indicateur Sexospécifique de
Développement Humain » a été calculé pour 143 pays, et les valeurs et classements
montrent que plus l'Inidicateur Sexospécifique de Développement Humain d'un pays est
proche de son Indicateur de Développement Humain, moins les inégalités sociologiques
entre hommes et femmes y sont importantes. Cependant, dans tous les pays, l'Indicateur de
Développement Humain est inférieur (en valeur) à l'Indicateur de Développement Humain,
ce qui signifie que des inégalités entre hommes et femmes dans toutes les sociétés sont
présentes dans toutes les sociétés étudiées.
L’Indicateur de la Participation des Femmes mesure l’inégalité de la participation
entre les hommes et les femmes dans les domaines-clés de la participation et de la prise de
décisions économiques et politiques. Il a été calculé sur 102 pays, et les résultats obtenus
confirment la quasi-absence des femmes dans les prises des décisions économiques et
politiques.
Ces indicateurs indiquent que le souci des hommes sur leur différence par rapport à
la femme se porte sur la fonction de prise de décision, l’éducation et la santé, ou, en termes
usuels : l’intelligence, la force. C’est dans la pratique des travaux domestiques que cette
inégalité est manifeste.
Les faits sont éloquents : les femmes font plus de travail domestique que les
hommes, du moins, en France et en Suède. En 1999, en France, selon une étude de Cécile
BROUSSE, en couple , deux tiers des travaux domestiques sont faits par les femmes, et,
dans la mesure où l’homme et la femme travaillent, la femme fait une demi heure de travail
de plus que l’homme, alors qu’en Suède ; les femmes ne font que 60 % des activités
domestiques ; en contre partie, ces dernières participent plus que leurs homologues
françaises aux activités rémunérées (ANXO 2001). La distance mentale entre l’homme et
la femme est maintenue en ce que le partage de la tâche entre l’homme et la femme se
caractérise par la différence de leur répétition : les hommes s’occupent généralement des
activités ponctuelles (bricolage, jardinage), alors que les activités féminines doivent être
refaites tous les jours et aboutissent rarement à des objets durables(BROUSSE 2000).
148
Un renversement des activités peut aussi être imaginé : les femmes au jardin et les
hommes à la cuisine, mais cela n’empêche que, dans tous les cas la distance homme-
femme persiste.
Isolés, l’homme et la femme consacrent aussi des temps différents pour les activités
domestiques : les hommes seuls de moins de 60 ans consacrent environ 2 heures 13
minutes pour des activités domestiques, alors que la femme, 2 heures 48 minutes. Les
hommes consacrent alors plus de temps aux activités généralement féminines (47 % du
temps domestique) et moins de temps pour les activités masculines (19 % du temps) alors
que ces dernières activités occupent 41 % de leurs temps s’ils vivent en couple.
Au delà des textes spécialisés des économistes et des très connus sur la différence
de l’éducation entre les garçons et les filles, sur la violence conjugale, la condamnation
morale des femmes seules, etc., la représentation de la femme peut aussi être saisi à travers
ce que l’homme s’accuse lui-même de faiblesse : le superficiel
2°) La représentation de l’homme est le produit de la volonté d’amplifier la
différence sexuelle
La différence sexuelle est une donnée originelle de la nature de l’homme. La
différence de genre et de fonction dans la reproduction de l’espèce humaine sont les
évidences manifestes de la différence homme-femme. On constate cependant que des
préjugés culturels portant sur la faiblesse du corps accompagnent aussi ces différences
existantes : Par exemples, en France, durant des siècles et pour les classes aisées, le corps
des fillettes et des garçons jusqu’à un certain âge est rigidifié et mis sous carcan tout au
long de leur vie ; en Chine durant cinq siècle, le pied des femmes étaient bandés ; dans
certains tributs africains, le cou des femmes subit et subissait une élongation par le port
d’anneaux rigides.
La faiblesse des femmes et la force de l’homme sont respectivement représentées
par la présence de soutien artificiel sous forme de vêtement chez les femmes et le
dénuement vestimentaire des hommes. La faiblesse physique est de ce fait l’auréole des
femmes entraînant pour elle la fabrication d’artifices vestimentaires.
149
3°) La narration de la différence hommefemme par le thème du corps
La culture indo-européenne est une des rares dans le monde qui a formulé par un
mot spécifique la sexualité. Dans cette langue, en effet, le masculin se distingue du féminin
(et quelque fois du neutre). La sexualité des dénominations des objets n’est qu’un aspect de
la différence de la narration de l’homme et de la femme. En plus, cette différenciation n’est
pas seulement décrite mais aussi provoquée par des signes et traitements extérieurs du
corps : différenciation des vêtements, et infliction différente de traitement du corps sont
des formes narratives de la différence entre l’homme et la femme.
L’image évoquée par la classification française des objets désignés au masculin et
les objets au féminin illustre la narration de la différence entre l’homme et la femme.
Christian BROMBERGER et al., constate que dans le thème de la pilosité, le féminin
véhicule l’image du « lisse », alors que le masculin le « dru » : les femmes (BOMBERGER
et al. 2005). Les femmes sont représentées par des cheveux lisses et les hommes par les
cheveux drus.
La pilosité n’est qu’un fait parmi d’autres sur la différenciation de l’homme et de la
femme. Elle est une manière de décrire la femme ; la distinction entre les exigences du
traitement du corps de la femme et celui de l’homme est aussi une façon différente de
décrire l’homme et la femme. La recheche de savoir pourquoi homme et femme sont traités
physiquement s’ensuit alors. A partir de ces recehrches on constate non seulement la
différence naturelle entre l’homme et la femme, mais aussi la différence de considération
sociale entre l’homme et la femme. Dans le thème de l’homme, ces différences sont
insignifiantes dans la mesure où on est obligé de voir l’unicité de l’homme et de la femme ;
la différence prend une interprétation différente.
La différence réside d’abord en ce que l’observation se détache de plus en plus de
certains faits usuels comme les rites de séparation de servage, de puberté, et de mariage
durant lesquels la séparation et la distinction entre l’homme et la femme est
institutionnalisée. La réflexion, lorsque le raisonnement est conçu en termes de
« l »’homme est basée sur l’hypothèse de l’unicité de l’homme et de la femme. La question
relève de la narration de la femme étant donné non pas l’homme, mais étant donné le lien
entre l’homme et la femme. La narration de la femme est aussi celle de l’impureté, ou de la
faiblesse de l’homme. La fonction de la narration de la femme est de montrer à la fois
l’existence et la faiblesse de l’homme. La conscience de l’existence commence avec
150
l’organisation de la représentation de soi et des sentiments à son égard La femme et le
corps sont de ce fait les produits les plus proches de la réalisation de soi.
Des études sur le corps ont été entreprises. Annie HUBERT, une anthropologue et
directeur de recherche au Centre National de Recherche Scientifique, constate que le corps
humains est tellement surchargé de la marque de la culture allant du marquage du corps
(comme les vernis à ongle, la coupe de cheveux, etc.), en passant par les effets des discours
médicaux sur l’utilisation du corps (pratique de mouvements recommandés, choix de
nourriture, effets du stress,etc.), à tel point que le corps naturel est représenté de façon
négative et la représentation du corps est de plus en plus permanent dans le mental de
l’homme. La femme est plus touchée que les hommes dans cette réhabillage du corps,
indépendamment du système matriarcal ou patriarcal en vigueur (HUBERT 2003). Pour
justifier ce fait, Annie HUBERT avance une fonction importante de la femme : la
séduction.
Mais le rapport de l’homme, et plus pariculièrement de la femme, avec son corps
n’est seulement une question de séduction, mais aussi une question de culte en ce que
l’entretien du corps ne dépend plus des déterminations socio-économiques et que les
individus y investissent toutes leurs possibilités et de toutes leurs imaginations (ANDRIEU
2006). La religion amplifie la culte du corps en énonçant l’existence des besoins de ce
corps et le fait que le corps est un lieu de rencontre des phénomènes contradictoires mais
privilégiés de la religion : la vie et la mort, le plaisir et le tourment. (De BELLEFROID
2005).
La souffrance du corps n’est pas forcément considérée comme négative et même,
elle est considérée comme une valeur ou une vertue de l’homme. La souffrance est, selon
la philosophie aristotélicienne, le propre de l’âme sensible et non pas de celle qui végète
dans l’espace et subissant sans broncher devant l’influence de l’extérieur.
Elles sont aussi caractérisées par la particularité de leurs vêtements. Les voyageurs
et ethnologues ont constaté que des signes distinctifs marquent toujours la différence entre
les vêtements des femmes et ceux des hommes. Une observation plus poussée dans ce sens
révèlent d’ailleurs l’existence d’une contrainte esthétique imposée à la femme à travers
leur vêtement : le bandage des pieds chez les Chinoises dura pendant plus de cinq siècles,
de la déformation des lèvres des femmes africaines, ou leur coloriage européenne, sinon
encore l’élongation du cou par des colliers en anneaux, etc.
151
II – Approches philosophiques de la faiblesse
Les philosophes – du moins de l’Antiquité grecque – ont discuté de la qualité
morale et sociale de l’homme et ont développé le thème de la « vertu » pour juger
l’homme. Puis, lorsque la science économique s’est constituée, le thème trivial de la
richesse matérielle acquiert sa lettre de noblesse et est abordé sans sentiment de culpabilité.
Mais le sujet de faiblesse reste de mise malgré le changement du cadre de discussion. La
faiblesse se définit alors sous un autre angle.
En étudiant le thème de la faiblesse hors du cadre de la vertu et de la morale, une
nouvelle conception et de représentation de l’homme se dégage ; l’homme moderne se
définit à partir des propos et arguments différents. Pour les uns, l’homme fort est l’homme
riche, alors que pour d’autre il reste un homme de qualité ou de caractère, l’entrepreneur
ou le pionnier. Qu’en est-il alors de l’homme faible, étant donné l’homme fort ?
Nous retenons les théories de NIETZSCHE et de DIOGENE DE LAERCE en ce
qu’elles parlent de l’homme ordinaire comme un homme faible,
A – La faiblesse de l’homme en général d’après la théorie de
NIETZSCHE
NIETZSCHE, un philosophe allemand, est un de ceux qui sont loquaces pour parler
à la fois de « l »’homme et de « la » femme. Le problème avec lui, cependant, est qu’il est
plus un philosophe qui affirme et moins un philosophe qui explique, ou qui démontre. Ses
aphorismes et ses compilations de discours divergents font de lui un de philosophes qui
semble avoir découvert quelque chose sans que l’on puisse savoir de quel phénomène.
Peut-être avec NIETZSCHE faut-il recourir à une intelligence non pas logique usuelle dans
la construction de la pensée scientifique, mais une intuition d’une réalité « supra-
sensuelle » comme l’affirme l’occultiste Rudolph STEINER (R. STEINER s.d.). Henri
LICHTENBERGER écrivait d’ailleurs à propos de NIETZSCHE que ce dernier avait peu
d’estime pour « l’âme », « la raison », « l’esprit » et le « moi », « la sens » et même
« l’intelligence », non pas qu’il ne les reconnaît pas, mais parce qu’ils sont les instruments
et les jouets d’une puissance cachée, un sage inconnu qu’est le « soi »
(LICHTENBERGER 1901).
152
Ce que les commentateurs de la philosophie retiennent de NIETZSCHE est son
individualisme anéantissant toutes les valeurs collectives (pour lui, la vérité est
individuelle), sa position philosophique macho apparente (n’a-t-il pas affirmé dans une de
ses aphorismes et par les propos qu’il fait parler à un sage que « Si tu vas chez la femme,
n’oublies pas ton fouet » et que « la femme est incapable d’amitié, c’est un oiseau, une
chatte et tout au plus, une vache », bref une sorte d’auto-défense devant ce qui devait être
la faiblesse humaine. Enfin, on retient aussi de NIETZSCHE sa haine contre la faiblesse.
Individualiste et contre la faiblesse, NIETZSCHE se présente comme étant un
rédacteur parfait du thème de « l »’homme et de celui de « la » femme. Mais, plus que
l’homme, il expose l’ « übermensche », le « superhomme ». (Nous sommes en présence de
la triptique femme-homme-dieu. Que pense-t-il de la faiblesse et de la femme ? Quelle est
sa méthode pour parler de « la » femme et par la même occasion de « l »’homme ?
Autrement dit, comment NIETZSCHE a-t-il écrit le « Livre de Genèse » de « sa » bible ?
1°) La formation du thème « la » femme chez NIEZTSCHE
NIETZSCHE parle formellement de la femme dans son « Ainsi parlait
Zarthousrtra ». Un sage donne ses recommandations à un homme. Ce dernier est détaché
de la femme et se présente en fort, alors que la femme est présentée en faible. Dans « Le
voyageur et son ombre », par contre, l’homme (le voyageur) et la femme (l’ombre) sont
unis par un lien inséparable (à la fin du récit cependant, l’ombre disparaît). Le carctère
féminin de la femme est reproduit dans celui de l’ombre.
Dans son « Le voyageur et son ombre », écrit en 1876, alors qu’il est malade,
NIETZSCHE a présenté le thème dans un récit mettant en communication deux narrateurs
dont la dénomination respective dans son œuvre dénote déjà leur position dans la
narration : le « voyageur » et son « ombre ». Qui sont-ils ? (NIETZSCHE 1876)
L’ombre est le personnage qu’on peut qualifier de central de l’histoire parce que
c’est qui enseigne et s’exprime ; nous l’écrivons, en conséquence, pour cette position en
majuscule, comme s’il s’agit d’un patronyme. Dans ses propos, l’Ombre n’est qu’une
ombre dont le propriétaire, le voyageur, s’étonne lui-même d’entendre parler ; mais c’est
lui qui a provoqué le dialogue (ou plus précisément le monologue) avec le narrateur, un
voyageur. Le récit de la formation du thème est le produit de la réflexion personnelle et
intime du narrateur. Cette réflexion personnelle et intime se traduit par le fait qu’elle n’a
153
pas été confiée à un vis-à-vis identique ou correspondant du voyageur. Le récit biblique de
la déchéance fait parler l’homme, par la femme, au diable ; dans « Le voyageur et son
ombre », pour sa part, l’homme-voyageur entame une conversation non plus avec son
équivalent, mais avec un inconnu séducteur. A la différence du diable, cependant, l’Ombre
ne veut ni séduire ni flatter le voyageur, alors que ce dernier savait déjà que par nature,
« l’ombre de l’homme était sa vanité » ; il semble que l’Ombre de NIETZSCHE n’est pas
le Diable de la bible. Plus encore, l’Ombre se dévoile en soutenant que « une ombre est
plus timide que les hommes ».
L’Ombre aussi dans ses propos faisait preuve de modestie et de respect envers le
Voyageur. N’a-t-il pas demandé l’autorisation de parler, alors que, comme l’affirme le
Voyageur, « [la vanité de l’homme] parle toujours » ; et même il n’a pas bronché lorsque le
Voyageur le compare à la lumière. En fait, le comportement de l’Ombre, par sa discretion
et sa courtoisie, met en valeur le Voyageur, à tel point que ce dernier se laisse aller dans le
domaine de la flatterie qu’il fait lui-même l’éloge de l’Ombre en lui exprimant son
équivalence à son contraire, la lumière.
En fin de compte, NIETZSCHE n’a pas opposé l’ombre et la lumière. La fonction
de cette dernière est de montrer un pan obscur produit des objets quand la lumière de la
science tombe sur eux. L’ombre désigne le principe de connaissance discursive, un moyen
pour l’homme de s’auto-réaliser : « Quand l’homme appréhende la lumière, nous [l’ombre]
appréhendons l’homme ... » (NIETZSCHE 1876) pour dire que plus de connaissance chez
l’homme lui montrera à quel point ce dernier est plus victime de l’ignorance et plus proche
de l’ombre.
Il nous serait aisé de greffer dans la pensée de NIETZSCHE un brin de sujet
existentiel en ce que l’ombre et la lumière sont les principes de connaissances et
d’acquisition intellectuelle de la nature par la pensée, mais ce philosophe abhorrait le
thème de commencement : « Exalter les origines – c’est la surpousse de la métaphysique
qui se refait dans la conception de l’histoire et fait penser absolument qu’au
commencement de toutes les choses se trouve ce qu’il y a de plus précieux et de plus
essentiel » (NIETZSCHE 1876) ; la recherche des origines des objets ne serait pas un
thème de NIETZSCHE, car celle-ci serait leurs valorisations objectives, alors que
NIETZSCHE prône plutôt la valeur subjective. NIETZSCHE suggère plutôt que la
construction du thème de l’homme s’inscrit dans un rapport entre la lumière et l’ombre. Il
154
conçoit le thème de l’homme dans l’étendu de la lumière et de celui de l’ombre. Cette
situation à la fois de sujet et d’objet de capture est, à notre avis, la réflexion de
NIETZSCHE sur l’homme. NIETZSCHE a placé l’homme dans une situation imprécise de
la lumière et de l’ombre, ou encore de la science et de l’ignorance (dans la mesure où la
science ne s’oppose pas à l’ignorance et permet à l’homme de réaliser son ignorance).
Pour comprendre ces lieux composés de la science et del’ignorance des thèmes de
l’homme de NIETZSCHE, prenons les propos de l’homme par rapport à un autre sujet : au
lieu de parler de la connaissance de l’homme, dans «Zarathoustra », NIETZSCHE place
l’homme devant la femme, ou à la lumière du thème de « la femme ».
Au-delà des affirmations sur les traits caractéristiques des femmes et qui lui ont
valu l’étiquette de « mysogine », la description de la femme par Zarthoustra qui n’est rien
d’autre que la description de la représentation de l’homme de NIETZSCHE, révèle un
autre contexte de la formation de « thème » de l’homme : la guerre et le repos.
Le repos désigne un lieu de paix et aussi de libation, car il est la récompense du
guerrier.
Ainsi, entre les thèmes de « lumière » et « ombre », et « guerre » et « repos », le
thème de l’homme apparaît. La lumière ou la science n’apporte pas la paix à l’homme, et la
femme qui est aussi le repos n’aime cependant que les guerriers. Devant ces contexte,
NIETZSCHE évite de parler du « héro », mais celui de l’homme « noble »
2°) L’hommevolonté de SCHOPENHAUER
NIETZSCHE a mis en relief la différence entre «l »’homme et « la » femme. Ses
propos très sévères à l’encontre de la femme sont en réalité des propos critiques aussi
contre l’homme. NIETZSCHE parle de la femme (ou de la faiblesse) pour mieux mettre en
relief la véritable nature de l’homme.
NIETZSCHE reconnaît le pouvoir séducteur de la femme et la faiblesse de
l’homme devant ce pouvoir. « Le bonheur de l’homme est de dire « je veux ! », … Le
bonheur de la femme est de dire « il me veut » » (NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra
1883). En réalité, la femme n’est pas une faiblesse de l’homme, mais un objet de son désir
et de sa volonté, car un homme est celui qui réalise son désir. « Adore ton désir, écrivait
encore NIETZSCHE et tout ce que tu aimes et tout ce que tu veux …Laisses ta vertue et
155
adores la vie ». Cette phrase de NIEZSCHE évoque aussi celle de l’occultiste Eliphas
LEVY qui affirmait que « les femmes rayonnantes sont les inspiratrices ou les fléaux des
hommes faibles et les femmes absorbantes sont les Dalila des hommes forts » (LEVI
1912), tout en notant que NIETZSCHE parle de « la » femme alors que Elliphas LEVY,
« des » femmes, le premier de la femme abstraite et théorique, alors que le second de la
majorité des femmes issues des connaissances empiriques de l’auteur.
L’homme idéal est celui qui domine sa volonté, alors que l’homme ordinaire ne
cesse de s’inspirer de la femme. En effet, d’après NIETZSCHE, la puissance séductrice de
la femme conduit à un désir actif, un désir qui provoque de l’action. Pour comprendre ce
qu’est l’homme idéal de NIETZSCHE, il faut partir de la théorie de SCHOPENHAUER,
en ce que ce dernier note la différence entre le contenu du concept de satisfaction et de
celle du désir : pour un désir satisfait, écrit-il, dis au moins sont contrariés », conséquence,
la satisfaction d’un désir entraîne une déception, alors que l’insatisfaction des autres désirs
provoque une déception, cette foi-ci, non encore reconnue. De ce fait, une conscience
remplie de volonté, d’espérance, de désirs etc., ne serait jamais en paix, au repos. Telle est
la phrase forte de SCHOPENHAUER. Or, la femme est un objet permanent de désir,
l’homme ne peut jamais être en paix ; l’homme idéal est celui qui domine sa volonté, et ses
pulsions.
La pulsion est un concept qui, depuis l’Antiquité grecque EMPEDOCLE, était déjà
utilisée pour désigner ce qui pousse, voire oblige chaque homme à agir, à s’élancer vers
une situation que lui impose, disons, son destin. Il est un concept de la science humaine et
correspond à une loi dans une science sociale. Ainsi, en théorie, le marché, par exemple, a
sa loi ; l’homme, d’après les partisans de la théorie de l’impulsion, est animé par ses
pulsions. Deux auteurs au moins ont utilisé le concept de pulsion : FREUD et
NIETZSCHE.
Tous deux, cependant, ont donné des explications différentes de la pulsion, plus
particulièrement celle réalisée à l’égard de la faiblesse – de la femme. Chez FREUD, la
pulsion est un mouvement de libération d’une tension qui dérange le moi, alors qu’elle est,
chez NIETZSCHE, une expression de la volonté de l’homme. L’homme en général est
celui qui fait corps avec la femme, la faiblesse, celui qui et qui lui provoque le désir et
ainsi faisant le fait pâtir ; il est un homme malade car sa volonté se dirige vers sa faiblesse
(OUREDNIK 2003).
156
B – La faiblesse de l’homme en général d’après Diogène le cynique
La ressemblance entre le comportement et la philosophie de NIETZSCHE et ceux
de DIOGENE Le Cynique est frappant :
Tout comme NIEZTSCHE qui s’exprime par le sage Zarathoustra, DIOGENE ne
voulait pas de disciples ; ils veulent faire de la philosophie sans doctrine. Le premier ne
croit pas en l’existence d’une vérité commune et partagée, car et en quelque sorte, tout
discipline est une puissance sur la volonté, alors que pour le second et du moins par le
message que laisse des anecdotes sur sa vie, une relation amicale entre ce qui aurait dû être
le maître et celui qui aurait dû être le disciple est plus importante. La lecture de ces deux ...
philosophes demande une préparation philosophique préalable, car tous deux sont en fait
des écrivains qui ont fait de la littérature intelligible seulement par une lecture
philosophique. D’ailleurs avec ces deux philosophes, on se demande si la philosophie ne
s’écrit-elle pas plutôt par les traces de l’action et de la vie racontée et non par des
déclarations d’intentions que leurs auteurs n’ont même pas vécu ? Tout en eux est de la
provocation.
Mais la différence entre les deux hommes sont aussi remarquables : NIETZSCHE
se présente comme un « noble » aristocrate non seulement dans ses propos mais aussi dans
ses comportements sociaux. Tout en lui et tout autour de lui y compris ses fréquentations
sociales, est le résultat de choix, un calcul prémédité ou volonté, alors que DIOGENE LE
CYNIQUE a construit sur sa propre personne, l’image actuel du pauvre : une besace, un
bâton et un vêtement passe-partout ou passe-jour et nuit, sans abri et errant, il parlait sans
choix de lieu et d’auditeurs, mais cela ne l’empêche pas d’être méprisant et ironique à la
Serge GAINSBOURG.
La position vis-à-vis du thème de l’ascétisme distingue les deux philosophes.
NIETZSCHE en est formellement contre, sous prétexte que un ascétisme sans adversaire
(l’hédonisme ?) n’a pas de sens ; alors que DIOGENE LE CYNIQUE y voit un mode de
vie et un principe vital, car sans besoin ni quête de plaisir, apparaît « l »’homme (... encore
lui !). DIOGENE LE CYNIQUE provoque l’endurance physique en s’enroulant dans le
sable durant l’été, et en embrassant des statuts enneigés en hiver.
157
Dans ses provocations comportementales et verbales, dans son attitude de « bad
boy », quelle est la narration créatrice du thème « l »’homme de DIOGENE LE
CYNIQUE ? Comment va-t-il introduire le thème ?
1°) La formation du thème de « l »’homme chez DIOGENE LAËRCE
En apparence, DIOGENE a une réflexion sur le thème de « l »’homme, mais ses
affirmations sont cachées dans des anecdotes portant sur sa vie pratique. Par exemples, un
jour, on demande à DIOGENE en quel endroit de la Grèce il avait vu « des » hommes de
bien, sa réponse est qu’il n’a vu des hommes nulle part, mais seulement des enfants à
Lacédémone ; encore un autre exemple, DIOGENE cria : « holà ! les hommes ! » ; un
attroupement se forme alors, mais il chassa tout le monde sous prétexte qu’il « cherche des
hommes et non des déchets ! ». Il cherche l’homme dans « les » hommes ; il le traque dans
les rues à travers le comportement de l’homme et même dans la réflexion qu’il se fait en
épitaphe lorsqu’un homme est mort.
Les commentaires des épigraphes des philosophes que DIOGENE DE LAERCE a
collectés dans « Vies des philosophes » montrent cependant un intérêt manifeste pour le
thème de réflexion sur la vie de ceux qui ont donné un sens à la vie. Ce sont des
commentaires sur la façon dont les philosophes ont vécu et entrent dans la mort.
DIOGENE est obligé de parler de la vie à partir de la situation critique que présente la
mort. Il apporte de jugements sur la vie à partir de ses inspirations sur la vie des individus
qu’il présente. A force de se faire une réflexion sur la vie de plusieurs personnes, on
s’attend à ce que DIOGENE va dégager sa réflexion sur la vie. Mais ce qu’il a fait par la
suite c’est de construire et de montrer des idées d’école de pensée sur la mort.
De prime abord, on attribuer la pensée de DIOGENE LAËRCE à son enseignant
l’Athénien ANTISTHENE, un philosophe cynique, à son étude il vouait une détermination
ferme97. Comme son maître, DIOGENE vécut simplement évitant tous désirs et
dépendances matériels, mais poussant au maximum sa communication sociale, car il s’est
résolu de parler sans choisir le lieu de péroraison. Mais malgré son caractère affable, il est
97 La biographie de DIOGENE LAËRCE raconte qu’ANTISTHENE qui n’a pas voulu avoir de disciples chassa DIOGENE LAËRCE à coup de bâton. Ce dernier, au lieu de fuir, expose son crâne au menace du bâton et affirme : « Frappe, tu n’auras jamais un bâton assez dur pour me chasser, tant que tu parleras ! » (LAËRCE s.d.)
158
aussi un homme qui tient des propos et des faits choquants ironiques et provocants98 et
fréquents des groupes de philosophes.
L’homme est au centre de l’intérêt de DIOGENE. Dans ses pérégrinations, il ne
cesse de scruter chaque homme pour chercher l’homme. A cet effet, il se pose comme
critique des hommes, et même plus, il ironise sur les hommes, mais il n’a pas élaboré une
véritable théorie sur l’homme. Une grande partie de la conception de DIOGENE est
obtenue de l’enseignement d’ANTISTHENE : le dépouillement et l’apprentissage.
ANTISTHENE est d’ailleurs reconnu pour sa phrase allant contre l’opinion en vigueur
chez la plupart des philosophes de son époque selon laquelle « la vertu peut s’apprendre».
DIOGENE cependant n’est pas parvenu à la découverte de l’homme dépouillé car il
a abordé sa quête dans l’observation sur terrain, alors que l’homme dépouillé ne se
retrouve pas dans l’homme dans la société ; il n’a pas utilisé la modélisation. La quête de
l’homme faite par DIOGENE nous intéresse car il mène vers la redécouverte de l’homme.
Aussi, DIOGENE a le mérite d’avoir fouillé l’homme, et plus particulièrement les sages ou
les philosophes, pour y découvrir l’homme.
2°) L’homme dénué et questeur de DIOGENE99
DIOGENE considère un philosophe qui n’a pas matérialisé sa pensée par des traces
écrites, à l’instar d’ARCESILAS, comme un outrage aux Muses. Il ne réclame certes pas la
gloire produit par la rédaction ; d’ailleurs il est contre les gens de métier qui comme les
médecins lui font rappeler que la supériorité de l’intelligence de l’homme par rapport à
l’animal. DIOGENE cherche l’homme sans comparaison, l’homme en lui-même.
Dans ses propres comportements par rapport à ses contemporains – si ces
comportements contiennent aussi de l’enseignement sur l’homme – DIOGENE se place
plutôt du côté de l’agresseur que du côté de la victime. Il ironise, il crache, il s’entête ;
98 Il se permet par exemple de cracher sur le visage de son hôte sous prétexte que ce dernier lui a interdit de cracher sur son tapis bien propre. Cracher sur le visage de quelqu’un est certes fréquent dans le monde des philosophes de l’Antiquité grecque pour l’éprouver. Un jour, un philosophe dénommé DENYS a craché sur le visage d’ARISTIPPE, un autre philosophe. Ce dernier a acquiescé en justifiant son comportement qu’il a l’habitude de subir de tel coup de la part des individus qu’il veut capturer : pour prendre un goujon, dit-il, les pêcheurs se laissent bien mouiller par la mer, et lui qui veut prendre une baleine, il supporterait bien un crachat. 99 Notre source d’information est la « Vies des philosophes » de DIOGENE.
159
mais quand on lui rend la pièce de sa monnaie, il retourne la situation en sa faveur.
Régulièrement et à maintes reprises durant des rencontres des banquets de philosophes
(organisé par DENYS), il s’en prend à PLATON.
La théorie de DIOGENE sur l’homme est plutôt dans sa biographie rédigée par
MENIPPE et intitulé « La Vertu de Diogène ». Les propos de DIOGENE sur l’homme y
figurent passim dont voici quelques extraits : La position physique ou l’apparence de
l’homme ne fait pas sa valeur, car l’homme en tant qu’esclave, a un prix. La valeur de
l’homme s’apprécie non pas par son apparence, mais par d’autres déterminations : « Quand
nous achetons une marmite ou un vase, dit-il nous frappons dessus pour en connaître le son
; s’agit-il d’un homme, nous nous contentons de le regarder. ». Ce que vaut véritablement
c’est le commandement qu’il impose à son acquéreur. : Un homme qui achète un esclave
veut avoir son service. Cet esclave peut être un médecin ou un joker, le maître doit obéir à
son esclave.
Ainsi, l’homme de DIOGENE est déjà riche d’un talent mais il n’est pas seul ; il
entretient un rapport ou une distance par rapport à ses paires. La société veut que
« l »’homme soit un esclave, mais « l »’homme se présente comme un esclave qui
s’impose par son talent. L’homme de DIOGENE, s’il aurait été décrit avec les termes
usités dans la science économique actuelle, serait un homme doté de force de travail
spécifique avec laquelle il domine son employeur. DIOGENE se propose d’ailleurs le
service de ce qui est dénommé « cadre ». A la différence de l’homme moderne spécialisé,
cependant, DIOGENE propose un homme doté de travail pour la science, le sport et la
littérature (la poésie), bref des talents de généraliste et non pas de spécialisation. C’est ce
qu’il enseignait d’ailleurs aux enfants de son maître. L’homme de DIOGENE est
comparable à l’homme défini dans la vision malgache : capable de vivre en solitaire
conformément à l’adage « mihambo ho lehilahy kanefa tsy sahy monina irery any
an’efitra » (littéralement : se vanter d’être un homme alors qu’on n’ose pas affronter la vie
solitaire du désert »). L’éducation pour l’autosuffisance est aussi véhiculée par l’image de
Robinson CRUSOE devenue familière dans les modèles économiques.
CONCLUSION DE LA SECTION
La conception duale de l’homme est riche est porteur de promesse de
compréhension de l’homme ; mais elle demande une ouverture totale du thème non
seulement aux concepts élaborés par d’autres disciplines, mais aussi aux différentes
160
disciplines académiques. Le thème de l’homme n’appartient à aucune discipline
académique particulière, et il est aussi un thème qui permet d’envisager la convergence
des connaissances de l’homme en général. L’avantage de la conception duale de l’homme
réside dans son indépendance relative aux éléments choisis. Le thème de l’homme se
développe, par exemple, avec le couple homme-dieu, ou le couple homme-femme. On note
d’ailleurs que la théorie économique classique a développé le thème de l’homme avec les
concepts de homme-homme ou homme-instrument de production.
Mais l’ouverture du choix des éléments nous a cependant été plus un problème que
de solution, car derrière cette large ouverture, il nous faut choisir, classifier, voire
hiérarchiser, les éléments les plus pertinents permettant de traiter le thème de l’homme.
Faut-il lier la narration de l’homme avec celle des instruments de production ? Mais la
production des facteurs de production et de biens de consommation n’est pas la seule
activité de l’homme ; ce dernier s’impose aussi de produire d’autres artifices dont l’art et la
représentation du monde. Faut-il alors lier la représentation de l’homme avec l’art et la
religion ? Cette démarche provoque un nouveau paradigme de la science économie. Notre
choix se porte sur le concept de « faiblesse » en tenant pour vrai l’affirmation selon
laquelle l’homme est faible.
La faiblesse de l’homme est une énigme du thème ; elle n’est jamais suffisamment
décrite ou énumérée ; elle est toujours évanescente, et même désirée. Le sujet de la
faiblesse est une énigme du discours sur l’homme, voire un paradoxe du thème de
l’homme : la faiblesse détient une force, la faiblesse est une force qui a de l’emprise sur
l’homme. Symbolisée par la femme, la faiblesse est inséparable à l’homme, au thème de
l’homme. L’homme cependant reste encore un véritable inconnu : dans ses moments de
faiblesse, lorsque l’homme est confronté à l’inconnu, il n’a de ressource que par un retour
dans la profondeur de son intimité. La femme n’est pas l’apparence corps que l’homme
côtoie dans la vie quotidienne, elle est l’intime de l’homme. D’où la contradiction de
l’homme : l’homme est faible, pourtant sa faiblesse est sa force, son intimité. ; la faiblesse
n’est pas l’intime de l’homme, pourtant, elle y figure en tant que ressource de l’homme.
Ce qui a été saisi et appréhendé sur le thème est voilé par le thème de la faiblesse.
Ce dernier se trouve même dans le thème de la création – du moins dans la philologie de la
culture linguistique indo-européenne. Devant cet imbroglio, la réflexion tournée vers sens
de la femme à partir des instruments de la sociologie a été utilisée, en supposant que la
161
relation entre l’homme et la faiblesse relève d’une cohabitation. Nous nous sommes alors
posés la question en termes de la structure de la relation entre l’homme et la faiblesse pour
y trouver une hiérarchie entre l’homme et sa faiblesse. Notre conclusion – et qui demande
une confirmation ou une généralisation – est que l’homme n’est pas un être faible ni un
faible être, mais un être à cheval entre deux positions narratives : l’un tournant vers le
passé et commençant par le récit de la création, et l’autre tourné vers l’avenir. L’existence
du thème de JESUS apporte un éclairage de la question.
Ainsi, force est de constater que le thème de l’homme développé par l’intuition est
imprécise. Par contre, il apparaît évident que la capture de l’homme ne suffit pas de rendre
compte du thème de l’homme ; la consignation des mots ne suffit pas pour rendre compte
de l’homme. Une étape important doit être franchi : la quête de la forme de l’homme. Le
récit de l’homme ne se suffit pas par la collecte des souffles des narrateurs ou du cri du
graveur.
162
SECTION II – DES REFLEXIONS SUR L’ENSEMBLE DES REPRESENTATIONS DE L’HOMME INTRODUCTION :
Position de la question de la représentation de l’homme dans le référentiel économique et présentation de la section
La connaissance de la représentation de l’homme donne à ce dernier de
l’information, entre autres, sur les tournures intellectuelles et culturelles de l’homme dans
la recherche de son essence, et avec cette disposition d’esprit, se révèle un état psychique
fondamental ou fonctionnel de l’homme : la pensée se déclenche avec l’existence, ou la
conscience de l’existence est le fondement de l’existence. L’homme prend conscience de
lui-même par la représentation qu’il se fait de lui-même. Cette quête de l’essence se réalise
à travers la recherche des substances matérielles vitales ainsi qu’à travers les discours et
représentations symboliques, artistiques ou culturelles qui s’ensuivent. Ces derniers (les
discours et représentations) forment un continuum de contenants des valeurs de formes et
d’expressions différentes certes, mais révélatrices de la présence et de l’existence de
l’homme en communauté. Ainsi faisant, ils contribuent également à lier les objets entre
eux (par un système de valeur). Malgré cette évidence, cependant, une petite question
mesquine reste : quel est l’intérêt de la production artistique, étant donné la pauvreté
matérielle ? Autrement dit, pourquoi l’homme, malgré la rareté des biens matériels, se
permet-il encore de gaspiller son énergie et de s’offrir le luxe de l’art, de la culture et de
savoir ? Etant donné la sensation ou la perception de la rareté des biens matériels, et donc
de la limite de la construction de la valeur par l’homme, pourquoi l’homme s’efforce-t-il
malgré tout à établir un lien entre ces objets ? De ces questions, nous déduisons alors que
l’art et plus particulièrement la représentation de soi répondent à une nécessité vitale, au
même titre que les matériels et qu’ils participent à une fonction dans son identité d’espèce.
Si un homme ne se représente pas lui-même, alors il n’est pas un homme.
La présente section a pour objet de rendre compte de la réalité des produits
intellectuels des observations sur la représentation de l’homme ou encore des effets sur
l’homme d’avoir représenté lui-même ; et en même temps, elle s’interroge déjà sur la
possibilité d’intégration de la représentation de l’homme par l’homme dans d’autres
domaines d’études. Elle répond aux questions de : qu’est-ce que nous connaissons de nous
même par les représentations que nous faisons de nous-mêmes et par la valorisation des
163
objets qui nous entourent et que pouvons-nous faire avec ? Avons-nous bien dit ce que
nous faisons ?
Objectifs de la section : montrer que la représentation est aussi une modélisation du comportement et un processus de socialisation.
Le but de cette section est double : sur le plan théorique, d’abord, elle s’efforcera
de montrer que par la représentation de l’homme, il y a déjà une construction, c’est-à-dire
un assemblage de structures, avec laquelle l’homme compose son comportement ou établit
ses fonctions. Dans cette section, on se demande alors si, en théorie, « l »’homme ou
n’importe quel homme dispose du langage adéquat pour faire transiter le contenu de la
représentation de l’homme vers le contenu en idées de l’homo œconomicus ; autrement dit,
la question est de savoir si le langage quotidien véhiculé par l’art renferme-t-il les prémices
de la conscience de soi. Sur le plan pratique, ensuite, la question se porte sur la relation
entre la notion de sympathie développée par Adam SMITH pour le compte de la science
économique et celle de la représentation de « l »’homme : la sympathie ne dépend-elle pas
de la représentation de l’homme ?
Dans la même foulée, nous dirons alors que le marché n’est pas un lieu de
socialisation comme le suggère les modèles néoclassiques, mais un lieu où s’échangent les
biens distinctifs à l’espèce humaine100, plus précisément, le marché qui, dans la théorie
économique, est un lieu de négociation ou de critique pour la fixation de la valeur, est un
lieu d’appariement et de conciliation de l’homme avec lui-même. Le marché est un moyen
menant vers la voie de la quiétude, car un homme qui connaît la valeur de la nature
maîtrise ses besoins. Conséquences, l’art et plus particulièrement tout art qui se rapporte à
la représentation de l’homme – et non la science – permet à l’homme de savoir sur lui-
même (c’est-à-dire d’avoir une connaissance scientifique de lui-même) (Paragraphe 1), et
que l’homme utilise sciemment ce savoir (Paragraphe 2). Le fait d’avoir des connaissances
sur lui-même induit à une quête de connaissance sur l’origine de l’homme, même si celui-
ci est encore spéculatif. Telle est l’objet du premier paragraphe. On ne peut cependant
laisser la base de la connaissance de l’homme dans le domaine illimité des hypothèses et
d’interprétations libres des faits, il nous faut délimiter dans un deuxième paragraphe la
100 On va peut-être objecter que certains biens ne sont pas demandés dans certains milieux, alors qu’ils le sont ailleurs. En vérité, ce ne sont pas les contraintes sociales qui imposent certaines demandes, mais le sens de la propriété : dans les communautés où la propriété privée permet que la terre soit appropriée, alors la demande de lopin de terre existe ; lorsque la terre n’est pas appropriable, alors de telle demande fait défaut.
164
représentation de l’homme, pour évaluer, en troisième paragraphe, ce que nous
connaissons finalement de l’homme représentation de l’homme.
Un regard empirique sur l’histoire de l’humanité montre que ce n’est pas le peuple
autarcique dans un territoire riche en substances matérielles qui s’adaptent au changement,
mais celui qui pratique l’échange, et que le peuple qui pratique l’échange est aussi celui qui
possède plus de variétés artistiques. Cette section nous fournira les composante de la figure
de « l »’homme.
Démarche
Etant donné l’importance de la représentation de l’homme, nous nous demanderons
comme cette représentation prend-elle forme dans la pensée humaine ? Comment, à la
différence des animaux solitaires, l’homme parvient-il à se détacher de lui-même pour faire
de lui-même un objet de sa pensée ? Tout simplement, la question est de savoir comment
se forme la réflexion ? D’où vient le miroir intellectuel renvoyant la pensée vers son
origine ?
Pour ne pas avancer d’autres hypothèses de travail, nous allons recueillir ce qui a
été renvoyé par la pensée en bute à un miroir réfléchissant. Nous constatons alors que
l’homme ne reçoit que ce qu’il s’est imaginé ; ce qu’il avait présenté lui revient en re-
présentation. Cette affirmation nous provient de la culture malgache, voire française
attestée par des maximes comme : « ny tody tsy misy, fa ny atao no miverina » et « qui
sème le vent, récolte la tempête ». Dans les deux maximes, l’acte revient en acte agissant
sur celui qui l’a accompli. Pour notre cas, notre réflexion se porte sur la production de soi
par l’homme. Cette production lui revient sous forme de re-production de lui-même.
Qu’est-ce qui est retourné à l’homme ? En quoi cette production a-t-elle modifié
l’homme ? Telles sont les deux questions traitées dans cette section. Nous montrerons alors
que la représentation de l’homme construit les formes ou les dimensions de l’homme. Ces
dimensions sont respectivement le corps, la culture et l’intelligibilité de l’homme
(paragraphe I). Ces dimensionnements de l’homme révèlent l’état particulier de l’homme :
la distinction entre le discours sur l’homme et celui sur la nature (paragraphe II)
165
PARAGRAPHE 1 – DES CONTENUS DE LA REPRESENTATION DE L’HOMME
I – Diverses classifications du contenu du thème de l’homme
A Types de classification du thème de l’homme selon la position des narrateurs
Le thème de l’homme, dans la narration, ne s’achève que par un récit sur sa
déchéance ou de promotion de l’homme, vers une fin de l’homme. Mais cette fin est aussi
le début d’une autre narration pour y revenir, vers une autre déchéance ou vers un salut.
Plus l’homme se rend compte à la fois son état de déchéance et la possibilité de son salut,
plus son choix de comportement est étendu. Le thème de l’homme est alors, et avant tout,
un thème sur la promotion de l’homme ou de la résistance et de lutte de l’homme, un
éternel retour, ou la conscience de la tragédie de l’histoire, ou encore un mouvement
interminable.
Seul, cependant, le narrateur est au dessus du lot des hommes ; il est dans un
monde de repos, de contemplation, et de jugement. Si le Dieu de la bible se permet de
constater à chaque fin de sa journée de travail que cette partie, même incomplète, des ses
œuvres est « bien »101, l’homme aussi a cette possibilité, à la différence, toutefois que,
l’homme ne peut pas voire l’intégralité de ses œuvres, mais seulement une partie
représentative. Il s’adresse donc à lui-même en contemplant ses représentations. L’homme
se réalise lui-même ponctuellement par ces différentes contemplations de l’autre. La
représentation est un instrument à la fois externe et interne à l’homme permettant à
l’homme, à chaque homme, à s’auto-réaliser. La contemplation entraîne à son tour des
discours sur le comportement de l’homme qui se sont constitués en science ou en objet de
science : l'anthropologie, l'éducation, la science politique, la psychiatrie, la psychologie et
la sociologie.
101 Le critère de l’œuvre est le « bien » qui est une traduction de l’Hébreu « טוב» (« tob ») Il peut être pris dans les sens de qualité (Voir : La Bible, Ancien Testament, Lévitique, Chapitre 27, verset 33, ou Genèse chapitre 26, verset 29 etc.). Ce mot est aussi utilisé dans d’autres circonstances comme le moment où la femme voit que l’arbre aux fruits interdits est aussi « bon » (Genèse 3 : 6-). La traduction du mot est l’idée de « douceur attractive». Dans ce sens, le mal n’est pas une laideur repoussante, mais une réalité différente du
bon. Cette idée évoque la traduction malgache « tsara » dont l’origine est du Sanskrit « Ksara ». « b/f » est aussi un terme de souhait et de vœux (Voir Genèse 24 : 50-) qui prend sens dans une communauté où la parole est considérée comme un porteur de force réalisatrice de ses contenus. Le bien décrit aussi quelque chose qui mérite d’être possédé.
166
Quatre types de récits peuvent être dégagés dans le thème de l’homme raconté par
un narrateur contemplateur : 1°) le récit d’une déchéance vers une autre déchéance, 2°)
d’une déchéance vers la voie du salut, 3°) du salut vers la déchéance et 4°) du salut vers le
salut.
SCHOPENHAUER et les économistes représentent le narrateur du premier type de
récit. Le sujet de « volonté » que SCHOPENHAUER associe au thème de l’homme éclaire
sa position sur le thème de l’homme : un homme qui veut et qui pâtit devant sa volonté. Le
récit sur l’homme est donc une narration de la volonté. Or, bien que cette volonté soit
universelle, elle mène vers une fin tragique. L’homme ne peut alors que maîtriser les
pulsions de sa volonté par la raison et par la résignation. Le récit de l’homme selon
SCHOPENHAUER est aussi un récit de lutte et de résistance humaine.
Les économistes pour leur part constatent que l’homme ne peut pas satisfaire ses
besoins et que ses problèmes ne sont pas solvables sans provoquer d’autres problèmes.
Le deuxième type littérature (de la déchéance vers la rédemption) est représenté par
les œuvres chrétiennes et, dans une certaine mesure, dans la littérature économique. Des
philosophes, comme NIETZSCHE, figurent dans ce deuxième type de littérature. Dans la
littérature chrétienne, le thème de l’homme est développé en deux étapes : de la création
vers la déchéance, et de la déchéance vers le salut. La littérature économique, pour sa part,
est dans l’ensemble optimiste. Dans la littérature chrétienne, le récit de la déchéance vers le
salut est précédé d’un récit de prospérité vers la déchéance.
B Le récit de l’homme selon les points de focalisation de la narration
Les différents récits de l’homme font l’objet de critiques formant une balise autour
de laquelle se définit la représentation de l’homme et loin duquel le récit de l’homme
n’est plus compréhensible. Nous constatons alors que le récit de l’homme est
compréhensible, seulement, dans la mesure où il est puisé d’un panier d’arguments et de
référents admis. Ces derniers sont fixés à l’avance par la culture et ses objets symboliques
et porteurs de valeur, sinon par les institutions. Le symbole du svastika sur le bouclier d’un
chevalier, par exemple, évoque un ensemble de récits sur le thème de l’homme. Selon le
comportement devant ces différents objets, on distingue les récits exprimant le sentiment
intériorisé de l’homme (sentiment amoureux ou sentiment personnel), les récits élaborés
autour des relations de l’homme avec un objet (totem, patrie).
167
Le thème de l’homme selon un objectif voulu débouche vers le récit héroïque ou
ver le récit du vécu dans le cadre d’un système totémique. Le récit héroïque peut être celui
qui est devenu le totem. Cette pratique est fréquente dans les sociétés fondées sur la
communauté des ancêtres (exemple la Nation)
1°) Le récit du vécu de l’homme dans le cadre d’un système totémique
Cette représentation de l’homme ou cet homme représenté est le « totem » de
FREUD : elle était à l’origine des mythes des ancêtres communs, fondateurs de la Nation.
Aussi, l’art et l’artifice avec lesquels est issue le totem sont en fin de compte l’indicateur
de la présence de l’homme réel (et non pas de l’homme physique). Dans ce sens, le totem,
le mythe et, d’une façon générale, l’art apporte à l’homme ses premières connaissances de
lui-même.
FREUD, effectivement ne pense qu’à démontrer la validité de sa méthode
psychanalytique, mais pour notre part, cette connaissance de soit par l’homme se passe de
preuve ontologique, car toute preuve extérieure – peu importe leur valeur – est largement
suffisant pour prouver l’homme, par la limite de ce qu’est l’homme. C’est pourquoi le
totem perd son influence ou son charme et se confine dans la réminiscence des temps
passés, dans la glorification du passé. Le charme et la présence qui étaient la force du
totem sont volés par la religion, ou plus précisément, par la croyance en une divinité
présente et active. Le totem est à peine perceptible, mais il reste la référence d’existence
dans la société primitive et encore chez les enfants.
Mais prenant le discours sous un autre angle, celui de la permanence de
l’interdiction, nous dirons que l’influence du totem persiste même au-delà de l’enfance ou
de la civilisation. L’interdiction est une force universelle qui envahit l’inconscience et
s’installe dans l’Inconnaissable de Herbert SPENCER. Elle est le domaine d’influence du
totem. En économie, ce n’est pas la nature du totem qui importe, mais la force de ce totem
sur le comportement par lequel s’identifie et se reconnaissent les êtres humains.
Dans ce paragraphe, donc, nous dépasserons l’inconscience puérile qui consiste
encore à se découvrir le corps, même si les systèmes de critiques de l’apparence du corps
est la première représentation de l’homme, pour exposer et développer le thème suivant :
l’interdiction est vécue inévitablement et pourtant de façon consciente chez l’homme. Dans
ce contexte alors, l’idée de totem apporte à l’homme le sens de conflit entre la conscience
168
de l’obstacle. Le présent paragraphe est donc une combinaison de la science économique et
de l’anthropologie pour relever les effets de la représentation de l’homme sur l’intelligence
humaine. L’apport de la représentation de l’homme sur la connaissance de lui-même se
découvre : la représentation de l’homme permet de distinguer le corporel et l’incorporel, le
normal et la culture, ainsi que la rhétorique.
Ce paragraphe est cependant limité à l’introduction de la notion d’interdiction –
thème que nous développerons amplement dans le chapitre premier, section première de la
partie suivante. Nous nous arrêterons après avoir présenté la nécessité de ce que la
représentation de l’homme a apporté pour l’homme. En économie, il s’agit de s’interroger
sur la nature du besoin satisfait par la représentation de l’homme, et de s’arrêter lorsque
sera constatée la satisfaction d’un besoin ignoré par la science économique. Et encore, la
psychanalyse nous est de recours pour obtenir les premiers éléments de réponses. C’est
ainsi que les articles sur la psychanalyse et l’art102. Dans ces textes, en effet, il apparaît que
FREUD essaie de soutirer de ce qui est visible, quelques énigmes qui imposent un
dévoilement aux admirateurs de l’art, conformément à notre hypothèse de réflexion
(LECLERC, 1996). L’homme, devant une œuvre d’art, est dans un état de dessaisissement
de soi, une rupture103. La psychanalyse indique qu’il ne s’agit pas d’un besoin ; alors que
pour la science économique, on va l’expliquer, la production de l’œuvre d’art est un
instrument de production.
Nous dirons alors que la représentation de l’homme permet de satisfaire un besoin
et forme un concept intellectuel.
2°) Le récit de l’homme à travers le thème de héro
A ce niveau, le héro est l’homme de la littérature historique et géographiquement
localisé dans l’espace culturel et linguistique de l’Europe. La littérature et l’histoire n’ont
que consigné l’exploit du héro. Le héro est le thème qui couvre celui de l’homme. A partir
de ce thème, la littérature indoeuropéenne se déverse vers le comportement guerrier de
102 Voir notamment LECLERC Josée, « Freud devant l’objet de l’art. Pour une pensée de l’atteinte », in Trans Hiver 1996, pp.91 - 109 103 Voici comment un chercheur raconte ses sensations : il était imbibé des informations contre le christianisme professé par l’Islam. Aussi, quand il était devant un fascicule original de la bible, il était arrêté comme s’il s’agit d’une représentation nouvelle. Tel est aussi le cas de la dame qui, devant le portrait de La Joconde, n’a pas pu s’empêcher de jeter une tasse de café, alors qu’elle est dans un état normal. Ce comportement est appelé dans la médecine par l’expression « syndrome de STENDHAL ».
169
l’homme, la concurrence, le butin. Il leur est facile de passer d’un thème équivalent comme
la concurrence, le profit, le risque, etc. Mais le thème indoeuropéen de « héro » ne peut pas
parler de l’homme en termes de bien et de mal, ni combinaison de comportement
contradictoires comme la « faiblesse » et la « force », ou encore comme un être intégrant
les degrés imaginables de rationalité. L’homme peut aussi être représenté comme étant une
combinaison de « bien » et de « mal », mais il faut d’autres démarches pour parvenir à ce
thème : les thèmes de « dieu », de « l’homme-dieu », l’opposé de dieu, etc.
Une correspondance entre l’un ou l’autre de chacun des deux éléments du thème de
l’homme peut être établie : le « bien » représente le « mâle » ou éventuellement la
« femelle » et le « mal », « la femelle » ou « le mâle ». Dans les deux cas, le récurrent n’est
pas les éléments composant le thème de l’homme, mais le concept appelé « la dualité » qui
est désormais susceptible d’être appliqué dans le thème de la représentation de l’homme.
Aussi, les propos récurrents sur le thème de l’homme se perçoivent et se puisent ou
bien à travers la conceptualisation du sens commun des objets artificiels, ou de la
découverte des mots résolvant la description de la vie de l’homme comme le font
généralement la littérature dite occulte ou la littérature théosophique, ou encore et enfin,
par la mise en place d’un discours scientifique par un narrateur qui a une vision de toutes
les sciences sociales et humaines. Les propos récurrents sur l’homme sont des concepts
désignant un phénomène ; la dualité homme-femme en est un exemple parmi d’autres.
Ces concepts phénoménaux et récurrents sont cependant rares et éparpillés dans des
termes de moindre importance pour la description de la problématique de l’homme. Une
fouille des termes dans l’ensemble des mots utilisés par les humains est donc logiquement
nécessaire pour parvenir à la représentation de l’homme ; mais cela est matériellement
impossible, d’autant plus que les mots, affirment certains penseurs, n’ont de sens que pour
le phénomène qu’ils désignent, sinon pour l’expérience qu’il désigne (Thèse d’Ernst
MACH). En outre, les mots restent régionaux et culturels tant qu’ils ne sont pas
traduisibles et liés avec d’autres expériences universelles. Aussi, pour prendre un chemin
court, pour ne pas se perde dans les méandres d’argumentation sur un sujet que nous ne
maîtrisons pas complètement et qui échappe à la formation d’un économiste, nous dirons
que les mots présents dans toutes les langues sont ceux qui contribuent dans la
représentation de l’homme. Or, parmi les mots universellement usités, figurent
certainement les termes employés par les différentes religions, car en fin de compte, la
170
pratique d’une religion unifie l’homme. Notre recherche utilise la linguistique non pas pour
apporter des connaissances supplémentaires sur cette discipline, mais par nécessité pour
montrer l’économique.
L’approche du discours sur l’homme par des documents religieux préalablement
choisis, pour sa part, repose sur une compréhension des points doctrinaux de la religion en
question. D’ailleurs, les religions utilisant des livres sont rares et dominées selon le nombre
de leur pratiquant par l’islam avec le coran, le christianisme et le judaïsme avec la bible ou
une partie complétée de la bible et la religion indienne utilisant le Bhagavad-Gîtâ. Avec
cette approche l’homme étudié sera le pratiquant respectif de chaque religion écartant déjà
les non-pratiquants et les opposants farouche de chaque religion. Ces critiques sont aussi
valables pour l’approche académique de l’homme : l’homme de la sociologie ne serait pas
aussi l’homme de l’économie ni de celui de l’anthropologie, alors que nous essayons de
décrire « l »’homme non qualifié.
Ce paragraphe a pour objet de montrer quelques mots et quelques thèmes avec
lesquels se construit le thème « l’homme ». Aussi se pose-t-on la question : Si on se dit que
l’homme est capable de trouver les mots et les thèmes générateurs de l’homme, pourquoi
n’est-il pas capable aussi et par la même occasion, de trouver les principes descriptifs et
discursifs de ou des dieux ? A notre avis, les mots en soi n’ont de sens que par rapport à un
ou plusieurs thèmes par et pour lesquels ils ont un sens. Aussi, la collecte des mots n’est
pas une opération isolée de celle de la recherche des thèmes associés. Nous monterons plus
loin, lorsque nous nous demanderons où se trouve le narrateur-producteur de ces mots au
moment de sa vision, que ces thèmes associés sont l’économique.
Pour guider notre idée, nous avons quand même retenu l’imagerie véhiculée par le
thème et avons pris comme point de départ la phrase biblique de « au commencement104 »
(voir La Bible, Ancien Testament, Livre de Genèse, Chapitre premier verset un -et le
Nouveau Testament, Evangile de Jean Chapitre premier, verset un-). C’est l’idée de début
ou de commencement véhiculée par l’image de « commencement » dans la langue hébreu.
Le « commencement » en Hébreu a une racine qui vient de mot « tête ». Il est traduit
104 Le narrateur biblique appartient à une culture ou à un système de narration dont la technique met en rapport deux images : un corps de l’homme qui sert d’indicateur du niveau d’avancement du récit et le récit proprement dit. Le récit devrait théoriquement s’achever lorsque le narrateur parvient à la fin (probablement et dans la langue malgache, le « vody » traduit librement en français par le mot « fesse », car le mot français « derrière » évoque plutôt son contraire « devant »). Mais lorsque le temps est nommé – « temps », ou « jour », etc. – alors la fin est vraiment « la fin des temps »
171
littéralement en Malgache par « Voalohany » 105 où figure également le mot « loha » 106 ou
« tête ». Après ce mot « tête » (ou maux de tête !) vient le Grand problème de l’homme
qui est la thèse ou l’hypothèse d’origine : « Dieu ». Dieu est un donné du thème de
l’homme dans le thème « création ». Vient ensuite un autre thème, cette fois-ci un verbe
dans la classification grammaticale des mots français : le «créer ». Puis d’autres mots et
verbes évoquant les uns des donnés concret et les autres des noms d’action, et ainsi de
suite, jusqu’à ce qu’apparaît le thème de « l’homme ». « Tête », « Dieu », « firmaments »,
« terre », « plante », « animaux » et enfin « homme » forment une sorte de piste descriptif
ouvrant encore vers d’autres sujets et vers d’autres thèmes peut-être en rapport avec la
morale et non plus avec la nature. Certains philosophes ont prolongé leur réflexion vers la
morale pour découvrir l’homme. Pour notre part, le lien entre les thèmes menant vers
l’homme est le guide menant vers la représentation de l’homme. Nous voulons remonter la
pente « homme » vers « dieu » ou encore suivre le sentier tracé par les rédacteurs de la
bible pour faire un discours sur l’homme. Mais certains de ces thèmes peuvent être
regroupés par l’image. Le mot « firmament », par exemple évoque une étendu dont « la
terre » n’est qu’un point (matériel) ; de même, « Plantes » et « animaux » sont des thèmes
qui peuvent être « avalés » par le thème de « terre ». Finalement en combinant les thèmes
et les images pour parvenir au thème de l’homme, le thème biblique de la création est
composé du triptyque « dieu »-image d’une étendue de substance-terre. Puis le thème
« terre » est ouvert à son tour en thème de « plante », « animaux » pour parvenir au thème
de l’homme. La littérature cosmogonique grecque décrit de cette façon la création : dieu
(ou ZEUS) – Terre (ou Gaïa)-Homme ou encore par d’autres triptyques de ce genre. La
description triptyque de la création est donc aussi une autre récurrente du thème de
l’homme. Nous retenons cette trilogie comme fil d’idée de la formation universelle du
thème de l’homme : lorsque l’homme parle de l’homme, premièrement, l’homme dont il
parle est un être dual, un homme-femme, et deuxièmement, il utilise comme cadre
thématique le triptyque Dieu-Etendu-Terre ou Homme. Ce triptyque de thème, il faut
l’insister, n’est définitif que dans leur forme ; leur variable culturelle est le contenu du
105 Voalohany littéralement signifie « premier produit ». Il est traduisible par le mot prémisse. Dans ce sens alors, ce n’est pas le temps qui est désigné dans la localisation du récit de la création. Ce dernier relate plutôt une idée d’activité agricole de semis. 106 Littéralement « tête ». Ce sens est aussi celui de la philologie hébraïque. L’usage d’une partie du corps comme localisation d’un récit n’existe que dans les cultures où le cosmos est considéré comme un être organique. Une investigation dans la grammaire sanskrit une situation comparable : les lettres de l’alphabet sont représentés dans la partie du corps humain (Voir : Anonyme, « L’alphabet sanskrit et le son personnifié », Internet
172
thème : « l’étendu » par exemple est chez les uns, un « air infini », ou encore « les
ténèbres » et « l’abîme », alors que chez d’autres, un monstre, ou un explosif.
C’est en détruisant l’étendu entre dieu et la terre ou entre la terre et l’homme que se
découvre l’homme et finalement la richesse.
II Les contenus des effets de la représentation de l’homme
Le thème de l’homme n’est pas seulement une construction sociale et collective,
mais aussi une intelligence ou une compréhension personnelle. Il n’est pas un thème
« sur » l’homme, mais un thème « par » l’homme ou « par » l’individu. Dans ce dernier
cas, en effet, le thème de l’homme nous paraît en évidence phénoménale unique et réparti
chez les individus. Ce phénomène agit sur l’individu, sur chaque individu, sur l’homme ;
c’est lui qui fait l’homme. La représentation de l’homme par l’homme correspond au
« fanahy » malgache.
Le « fanahy » est la substance représentative la plus concrète ou du moins la plus
susceptible d’être dénommée ou un aspect de l’homme ; il est alors la substance qui fait
l’homme. Les Malgaches disent à son propos qu’il est celui qui fait l’homme (« Ny fanahy
no mahaolona »). Un discours sur le thème de « fanahy » cependant dépasse notre propos
et concerne la recherche de la nature de l’homme. Par contre, la présentation des effets de
la présence du fanahy sur le thème de l’homme est conforme à l’étude de la représentation
de l’homme. Nous montrerons que la représentation de l’homme entraîne un discours sur la
séparation du corps et du non corps – présentation duale de l’homme –, ce discours est
diffusé, voire pluralisé sous forme de discours institutionnel, et vécu sous forme de
culture. Le fanahy finalement est un thème qui se discute.
Les effets de la représentation de l’homme ne sont donc pas des reflets ou de
images de l’homme, mais et surtout une nature de l’homme. L’homme n’est pas seulement
une forme ou un corps qui a été donné et imposé par la création, mais aussi une
représentation intérieure et vers lequel l’homme se tourne pour sa pulsion ou pour son élan
vital. L’ordre intelligible à l’homme et l’énergie spécifique à l’homme sont localisés à
l’intérieur de l’homme et que cet ensemble ou cet espace forme peut-être le corpus du
fanahy107.
107 Le développement de ce point dépasse notre thèse
173
A La représentation de l’homme sépare le corporel et l’incorporel et introduit le
normal
Le corps sans visage ou de visage anonyme est la partie visible de l’homme. Pour
attester qu’il s’agit effectivement de celui de l’homme, la représentation de l’homme, ou
l’homme représenté oppose tacitement le corps du bien (le juste qui juge, le sage avisé, ou
le héro téméraire et audacieux) et le corps du mal (le monstre et le dépravé). Du corps, on
parle aussi de la vie et de la mort : le corps abrite la vie, et reçoit le plaisir et la souffrance.
Des doctrines enseignent d’ailleurs que la souffrance du corps n’est pas totalement négatif
ni condamnable, le corps reçoit son entraînement à la souffrance. C’est ce corps qu’on peut
qualifier d’offert au regard qui est raconté dans les récits et fixés dans les représentations.
Le récit présente le corps comme un héro qui a souffert pour mériter une
reconnaissance, héro. Son combat se fait contre un puissant adversaire sans corps et
inconnu. Le récit présent aussi le corps comme un monstre dépravé enveloppant une entité
plein de vertu qu’est l’âme ; au corps est déjà associée une certaine attribution de symbole
et aussi de signes indicateurs de l’homme. C’est le corps ou l’âme qu’il porte qui distingue
l’homme du monstre. L’interprétation de la littérature cependant ne se limite pas au seul
visible et surtout accepte l’anthropomorphisme des monstres. La représentation du corps
humain est la représentation de première main de l’homme. Mais le corps humain ne
représente même pas l’homme, car le corps lui-même est une représentation, ou une des
représentations, de l’homme. Dans la réalité, d’ailleurs il n’y a qu’un corps sensé
appartenir à une personnalité ou à un individu humain, et ce corps n’est perceptible que par
ses parures, ses caprices et exigences physiques. Ce sont ces derniers que la littérature a
mis en relief, alors que les sciences sociales et humaines se sont investies dans les
discussions sur la moralité de ces exigences.
Ce corps, avec ses exigences, est identifié par l’approche de quelques érudits, à
l’instar de Maître ECKHART, par l’expression « homme de l’extérieur » et dénoncé
moralement par lui et le christianisme dont il fait l’éloge, par l’expression de l’ « homme
de l’intérieur ». Ce corps a été aussi l’objet de régulières communications médiatiques. Les
arguments de Maître ECKHART sont aussi repris par PUFENDORF qui avança la
fameuse citation selon laquelle le vice fait l’entreprise, pour louer les bienfaits des vices de
l’homme. Les médias, pour leur part, n’ont des yeux que pour les gestes et pour la posture
du corps. L’homme révélé par le médiat n’est pas seulement un être situé, mais aussi ayant
174
des gestes humainement identifiés. Les observations de certains philosophes (ANDRIEU
2006) ont d’ailleurs permis de défendre qu’il n’y a pas de geste typiquement humaine,
mais de type appartenant à une culture et même à de la « culte du corps ». Le « culte du
corps » est une préoccupation de l’époque moderne. Il consiste à mettre l’accent sur
l’apparence afin de se créer une identité sociale.
Quand à la représentation collective de l’homme, celle qui est véhiculée par les
médias et les films et certains arts et activités sociales et qui a de l’influence sur le
comportement ou sur la façon d’être de chaque individu, quand à elle, est dénuée de cet
aspect moral. Dans le contexte de libéralisme, d’ailleurs là où le collectif domine et
s’impose comme valeur et éthique, la représentation de l’homme est différent : le
populaire, celui qui fait l’unanimité, est d’office qualifié de sublime et sommet de l’art,
alors qu’on est que dans une situation passagère ; aussi, est-on tenté de le considérer
comme l’opposé du concept d’apparence : elle est de l’essence. De telles situations,
cependant est scientifiquement insaisissable pourtant, la science ou la philosophie, sans
passer par le concept d’essence, arrive à faire un discours sur la représentation collective
de l’homme. De ce fait, la question de la qualification de la représentation de l’homme est
ouverte.
Enfin, la littérature et l’art n’ont pas adopté une critique éthique de l’apparence
usuelle dans les discours scientifiques ; elle ne fait que consigner les critiquables de ce
corps en détaillant leur éthique. La représentation de l’homme n’a pas été puisée dans le
champ d’argumentations éthique, mais esthétique ; aussi, l’apport de la représentation de
l’homme dans la connaissance de l’homme est dans les débats et querelles d’écoles de l’art
ainsi que dans les critiques et dans l’histoire de l’art.
Les économistes ont repris les bases culturelles de la représentation de l’homme par
ce qui se dit sur le corps. Leurs discussions sur le corps prend l’aspect de moral de l’action,
sur l’éthique et non pas sur l’esthétique ; autrement dit, dans les sciences sociales et
humaines, le moral est l’apparence de l’homme. En continuant dans ce sens, il nous faut
rejeter le cadre de discussion de l’homme tel que les philosophes l’on présenté en mettant
l’homme dans le débat portant sur la nature, la divinité, nous discutons plutôt de l’homme
dans le cadre de ce qu’il fait, ou doit faire (si ce qui est fait est blâmable). A cet effet, nous
avançons que l’interdiction et ses espaces sont le cadre de la discussion sur l’homme et non
pas la nature et la divinité.
175
B Les types de représentation de l’homme caractérisent la culture
Les anthropologues s’abstiennent de juger une culture, parce que pour eux, chaque
culture se vaut elle-même. Mais le contexte dans lequel les représentations littéraires et
artistiques de l’homme par l’homme même ont été utilisées nous impose à nous affranchir
de tel principe. Comment peut-on juger cet élément de la culture ? En l’occurrence,
comment peut-on juger les représentations littéraires et artistiques de l’homme par lui-
même ?
La question est à la fois esthétique et technique, et relève des critiques de l’art et de
la littérature. L’histoire des critiques de l’art et de la littérature indique que la culture des
spectateurs et les lecteurs et l’opinion des autorités institutionnelles sont le premier
critique. Elles se manifestent par leur réaction vis-à-vis de l’œuvre en question108. Elles se
manifestent par leur reconnaissance publique de l’auteur ou de l’œuvre en question. Leurs
critères d’appréciation ne sont cependant pas forcément d’ordre artistique et littéraire, mais
de l’ordre public et tenant compte du souci de la continuité des activités culturelles de la
communauté. Les techniciens et praticiens sont aussi des critiques de la littérature et de
l’art. Pour eux, le savoir-faire selon « l’art de l’art » est la norme. Au sein de la
communauté des techniciens et praticiens alors, il y a des artistes « orthodoxes », ou «
classiques » et des artistes « hétérodoxe », c’est-à-dire qui pratiquent leur art et littérature
hors du chemin battu par leurs prédécesseurs.
Les représentations littéraires et artistiques de l’homme par lui-même se critiquent
également par ces différents critiques. La diversité des critères de jugement de l’art et de la
littérature, à cause de la pluralité des intérêts associés aux produits littéraires et artistiques
nous pousse à établir, nous aussi, nos critères de jugements. Cela nous conduit alors à la
révision de nos positions vis-à-vis de l’art et de la littérature. En tant que théoriciens de
l’économie, nos critères doivent être l’utilité, l’efficacité et le coût social des récits sur
l’homme. En tant que praticiens, nos critères doivent être tirés de ce qui se fait en la
matière.
108 Dans ce sens, les œuvres les plus critiqués ne sont pas forcément les plus mauvaises ; au contraire, ce sont celles qui n’ont jamais eu l’appréciation même tardive des spectateurs et des lecteurs qui le sont. Leur rejet d’une œuvre littéraire ou artistique ne signifie guère que le produit en question soit mauvais ; ces produits dérangent tout simplement l’ordre existant.
176
Devant la variété des critères de jugement des récits sur l’homme par l’homme,
nous avons alors retenu les points suivants :
1°) la richesse des images véhiculées par les mots d’une langue. Nous sommes
donc plus ou moins contre la conception linguistique selon laquelle chaque mot doit
contenir une et une seule idée. En fait, nous ne sommes pas du tout placé pour de telle prise
de position, mais et seulement, un choix doit être faite pour préciser nos idées, car nous
verrons plus loin que l’enjeu de la quantité des images véhiculées par un mot utilisé pour
se décrire soit même est ce que nous appelons « conscience de soi ».
2°) L’existence ou non de rhétorique et surtout de discours et de discussions
collectives. Les communautés démocratiques, avec leur nuance de formes de la démocratie
en sont les références. Lorsque le discours devient un art, des critiques sont permises.
3°) L’existence d’auditeurs et de spectateurs sensibles
Quels sont donc les représentations artistiques et littéraires irrecevables ?
Ce sont des représentations où la relation entre le tout et la partie n’est pas
respectée, celles qui présentent un sujet dans un référentiel non approprié, à moins que le
fond de la représentation est la contraste ou ce qui n’est pas apparent. Le problème n’est
donc pas dans la quantité de la représentation, mais dans la recherche de cadre approprié. Il
prend un aspect critique dans le thème de l’homme, car ce dernier s’est enrichi en détail
par les précisions des scientifiques. Une recherche d’un nouveau cadre ou d’un paradigme
nouveau de thème de l’homme s’impose.
La représentation de l’homme dépend à la fois des supports utilisables pour la
circonstance et de la culture. Les mots et les images sont les principaux moyens utilisés
pour la représentation de l’homme. Aussi, la lecture des mots doit-elle tenir en
considération les contextes culturels et linguistiques109. Chaque mot peut produire de ce
109 Cette façon de faire est connue sous l’appellation d’ « empirisme logique », ou d’ « analyse linguistique » a été initiée au XXe siècle par un mouvement de philosophes dit « philosophes analytiques ». Ces philosophes cherchent à clarifier le sens des mots ou à déterminer les conditions générales du bon usage des mots. Pour ces philosophes, une réécriture des œuvres littéraires, à l’instar des versions modernes de la bible, détruit une partie du message. Tel est par exemples l’usage du mot « noble » dans la traduction de la bible ou de celle du mot « tourment ». Aussi, l’homme décrit par chaque auteur est-il plus ou moins distinct l’un de l’autre. Dans le contexte de la philosophie linguistique, le problème de la représentation de l’homme est ouvert parce que l’homme, ou chaque homme, chaque culture ou chaque langue a une certaine idée de ce qu’il pense de l’homme ; l’homme est déjà représenté dans le mental de l’homme. Seulement les mots leur manquent pour combiner ces idées entre elles en vue d’en former un système de connaissance. Chaque entité parlant de l’homme doit alors – selon LOCKE – avoir non seulement une ou des idées sur l’homme, mais
177
fait son propre scenario initial générateur d’une représentation de l’homme idéal110, et des
variétés de la représentation de l’homme en découlent. Les dictionnaires de traduction des
langues étrangères par exemples ont des variétés de mots associés pour l’équivalent du mot
français « homme ». En outre, chaque langue possède leur propre façon de parler de
l’homme. Presque toutes les communautés humaines utilisent leur observation sur le
comportement animal pour en tirer des morales sur le comportement humain. A l’extrême,
le comportement humain est dicible en comportement animal. Des communautés orientales
et asiatiques utilisent aussi d’autres référents pour construire une représentation de
l’homme. Dans la philologie arabe, par exemple, le discours sur l’homme s’élabore dans le
cadre du « monde des exemples »111 ; dans la civilisation malgache, l’expression
équivalente est le « ohatra » ou « teny an’ohatra » (littéralement, « similitude ». Dans le
langage courant, « ohatra » est traduit par le mot « exemple » (du latin « exemplum »
signifiant « copie», « imitation », « reproduction ». Littéralement cependant, « ohatra »
évoque plus une idée de comparaison et ses connotés (ressemblance et divergence). Le
« teny an’ohatra » ou « oha-pitenenana » est utilisé pour parler d’un sujet avec un
référentiel différent de ce qu’il devrait se faire. Cette technique est appropriée pour
exprimer un sujet indicible à cause d’un manque de champ de discussion.
La façon de traiter le thème de l’homme, élaborée par les civilisations des
communautés non méditerranéennes est appropriée pour décrire et étudier le thème de
l’homme. Bien que cette approche soit contestée par MAUSS et LEVY-STRAUSS, sous
prétexte que la somme des discours sur la représentation de l’homme ne permet pas d’avoir
une idée précise de l’homme représenté, car ce qui est représenté n’est pas l’homme en
général, mais un individu « rencontré » par l’intelligence de l’écrivain (ou littéralement en
Malgache, « olona tandrifin’ny heritreritra » ) ou un individu produit de la logique de la
représentation du monde (LEVY-STRAUSS), il ne reste pas moins que cette représentation
converge vers le modèle culturel partagé de l’écrivain. C’est ainsi que les différentes
aussi une ou des idées déterminées du sens du mot sur l’homme. La réalité de l’homme n’est plus remise en doute dans cette approche, car l’homme est déjà « perçu » par la pensée, et non encore saisi par celle-ci (du moins d’après le philosophe BERKELEY) 110 Ainsi par exemple, le mythe de frères ennemis est un thème inhérent à la culture occidentale. C’est ce thème qui est à la base de la théorie de la concurrence. Ce thème n’existe pas dans les communautés non occidentales ; conséquence, le comportement des agents économiques, et la nature des protagonistes des romans sont différents selon les deux cultures. 111 Il s’agit du « علم ٲلمثل». Ce terme est utilisé dans les discours religieux et dans les contes pour retracer la formation d’un fait réel et matériel.
178
formes d’animation sociale et les différentes campagnes de sensibilisation évoquent
l’homme modèle plus ou moins convenu112.
C La représentation de l’homme ouvre la voie à la rhétorique
En outre, la question de la représentation de l’homme relève aussi à la fois du
rhétorique dans une discussion où il n’y a champ (et donc seulement d’argumentation) ou
encore où, faute de réalité concrète, on se doit de discuter sur l’imaginaire ou le figuré. Elle
excède les domaines de la littérature et de l’art, et de la réalité, pour entrer dans une
discussion portant sur la construction de la logique de conversation. L’homme est un thème
d’un discours dans un non lieu, et de ce fait, il est en apparence, subjectif, de la rhétorique.
Les Malgaches diront que le discours n’est seulement que du « resaka » pour l’opposer à
toutes formes de discussions verbales intéressant et cernés.
Lorsque le discours se fait dans une situation où l’auditeur est composé d’individus
ayant des différentes de capacité d’inférer et de suivre un raisonnement, la représentation
de l’homme est l’instrument de communication adapté. La rhétorique antique (plus
précisément aristotélicienne et latine) a posé de façon différente des discours modernes, la
question de l’homme, de son modèle et de l’homo œconomicus. Pour elle, en effet,
l’homme se perçoit par sa représentation et par ses arguments, et se réfère donc à la théorie
des « tropes » ; il ne se prête pas à de démonstration ni d’arguments proprement dits.
Cette démarche a été aussi adoptée par les théoriciens de l’économie et leur a
permis d’affirmer sans démontrer la réalité de l’homme. Il n’y a ni faits, ni valeurs, ni
vérités, ni présomptions, ni lieux pour argumenter le sujet de l’homo œconomicus pour
servir de base commune de discussion (ou « lieu commun » de discussion, selon
l’expression des rhétoriciens) ; il y a seulement une hypothèse et des déductions dont la
portée a pu été vérifiée sur terrain.
Dans la littérature, la représentation de l’homme se révèle par l’erreur ou par le
ridicule de l’homme réel. Par nature, le thème de l’homme est un sujet divergent dont il
faut trouver le centre de discussion. L’homme représenté par les sciences se caractérise par
son comportement intelligible et riche d’interprétations : Un comportement est intelligible
112 C’est pour cela d’ailleurs que la représentation d’un avare change régulièrement de caractères selon les époques.
179
lorsqu’il est critiquable dans ses motivations, ses moyens et finalité. Un comportement
intelligible se justifie selon des référentiels multiples
En guise de conclusion du paragraphe, la représentation de soit avec laquelle
l’homme construit les discours sur lui a donné un sens à ses activités. Ce n’est pas le travail
qui crée l’homme, mais sa conscience de lui-même et les propos que l’homme s’échange
entre eux. Les échanges et communications ont donc une fonction – si on emprunte les
termes de la psychologie – créatrice. Au commencement était peut-être dieu, et peut-être
encore - ce dernier s’est mis à proférer ses oracles et à souffler sur la narine du corps
humain, mais le véritable homme, « l »’homme avec lequel chaque homme se réfère pour
s’éveiller et prendre conscience et avec lequel il construit la science de l’homme, est
l’homme qu’il a représenté, une idole de son choix. Le récit biblique de la communauté
israélite menée par MOÏSE dans le désert au pied du mont Sinaï, et alors que ce chef
spirituel s’entretenait avec Dieu pour avoir une preuve matérielle de l’oracle divine, le
fameux décalogue, illustre ce fait. MOÏSE cherche son identité ou celle de son peuple dans
les propos du Créateur, alors que le peuple, les Hébreux, ont déjà retrouvé leur identité
sous forme de la représentation de la fortune symbolisée par la statue du veau confectionné
avec de l’or.
La représentation de l’homme est un instrument avec lequel il réalise l’existence de
l’ordre basé sur la compréhension de soi, par le regroupement des individus ayant les
mêmes affinités et finalement il connaît le caractère incorporel de l’homme. Ces éléments,
bien que non discutés par la science économique, sont des propositions appartenant au
thème de l’axiome de comportement. Ce que connaît l’homme de lui-même par la
représentation est en fait un lieu de référence dans lequel se puisent les hypothèses
possibles de comportement. C’est donc une contribution essentiellement méthodologique
pour la construction de la science économique.
Ce n’est pas l’axiome cependant qui sauve l’homme de sa doute ou de son angoisse
existentielle ; dans la pratique, l’homme se découvre lui-même quelque part, ailleurs que
dans lui-même, par la science ou par la religion, par l’expérience ou par la foi, mais et
surtout, par quelque chose d’extérieure avec laquelle, l’homme réalise sa propre limite et
sa propre acquisition.
Qu’en est-il alors des gains pratiques ? Ou que fait l’homme avec son image ?
180
PARAGRAPHE 2 - LA REPRESENTATION DE L’HOMME DETACHE LE LIEN ENTRE L’HOMME ET LA NATURE ET PLONGE L’EXISTENCE HUMAINE DANS UN ORDRE MORAL ET PHYSIQUE
L’absence manifeste de cadre de discussion sur l’homme modèle, il nous semble,
provient du fait que le thème de l’homo œconomicus a été traité sans prendre en compte de
la contribution des acquis des différentes disciplines académiques, notamment
l’anthropologie, ou de la psychanalyse ou psychologique ne serait-ce que pour lui donner
un cadre thématique. Il est en effet étrange de constater que l’on parle de l’homme sans
que soient évoquées au moins ses références anthropologiques. Ce fait est la cause de la
rupture entre le discours économique de l’homme et l’homme des autres discours
scientifiques. En d’autres termes, le problème provient du fait que le discours que tiennent
les économistes sur l’homme est différent de celui que font les autres disciplines
académiques sur le même thème, plus particulièrement de l’anthropologie113,
l’anthropologie et la psychologie. Même les discours tenus par les philosophes sur
l’homme sont différents de ceux des économistes, alors que la science économique s’est
formée dans le giron de la philosophie : l’homme de la philosophie, ou l’homme imaginé
par la philosophie et pour et par lequel les discours de la philosophie ont été élaboré est un
homme qui fait un choix rejetant les discours qui ne les ont pas vaincus, les discours qui
ont épuisé les arguments en faveur de l’opinion de cet homme ; alors que l’homme de
l’économie semble être préoccupé par d’autres problèmes philosophiques : la recherche du
bonheur par la raison, l’amélioration de la vie humaine.
113 L’anthropologie cependant est partagée entre la démarche historique et la démarche culturaliste. Pour l’anthropologie historique, la littérature sur l’homo œconomicus existe en pan des théories sur l’homo sapiens, sur l’homme de Neandertal, ainsi que sur des autres types d’hominidés découverts ou imaginés par les historiens. L’homo œconomicus est un produit de l’inférence de la pensée de l’historien dans la science économique ; c’est que le théoricien dont nous sommes censés l’être, est allé dans un sens plus loin que le lecteur dans l’investigation de ce qu’est l’homme, à tel point que ses découvertes, sont émouvantes (pathologiques) et génératrices d’attention et d’intérêt. Le sujet de l’homo œconomicus est un sujet de l’historien d’abord avant d’être partagée et diffusée dans les autres disciplines. Mais lorsque les économistes l’ont reprise, le sujet devient non plus un thème savant, mais vulgaire : il ne s’agit plus de l’homme initial qui a permis l’homme actuel, mais un homme vulgaire, présent dans toutes les péripéties de l’histoire de l’humanité, un phénomène. Ici alors, le problème n’est plus de fournir les arguments en faveur ou contre l’homo œconomicus, mais des propos démontrant, dans le sens littéral du mot, plutôt ce dernier. Aussi, la question de « qui est l’homo œconomicus ? » est plutôt une recherche d’identification de ses caractéristiques techniques pour que ce concept devienne familier. A cet effet alors, il semble que le rôle du théoricien de l’économiste est d’entrer dans la profondeur de l’être de l’homo œconomicus et d’extirper par des mots simples les mystères de ce monstre. Mais cette question ne relève d’un non lieu : aucun individu, aucune investigation ne peut le prouver.
181
L’éclatement de la science, alors que la production de la représentation de soi reste,
est donc un contexte permettant la question : que fait-on de la représentation de soi dans les
différentes disciplines académiques ?
Cette question cependant répond de loin notre préoccupation, car elle met dans le
même sac, l’économie, avec les disciplines académiques de la science humaines, alors que
l’économique, à notre avis, est le lieu théorique où se réalise le discours sur l’homme.
L’homme ainsi représenté est un instrument de la politique et de la sociologie, pour servir
de norme de comportement du citoyen ; il n’est pas dans la société, malgré l’affirmation de
nombreux discours ; il n’est pas un être politique, mais plutôt un être de réflexion ; il est
dans l’économique. Devant cette situation alors, nous étudierons les effets de la
représentation de l’homme sur l’espace économique, en se demandant qu’est-ce qui, dans
le domaine de l’économique, a été fait de l’homme représenté ?
Nous démontrerons successivement alors que, dans le fond, la représentation de
l’homme prépare la refonte de l’homme de la nature en détruisant progressivement ce
dernier et en ce que l’homme de l’intérieur se répand sur la nature. De ce fait, et toujours
dans le cadre de l’utilisation de la représentation de l’homme, l’homme représenté est
devenu le déterminant conjoint des ordres moraux et physiques. Mais ces utilités se
heurtent à des obstacles que sont la capacité de l’homme de s’écouter lui-même ou
d’écouter quelque chose de plus profond en lui-même (c’est donc un problème
d’entendement) ; l’homme préfère comprendre la partie en lui qui a été traduit par la
prolifération des informations extérieures et non pas directement en lui. La fin de l’homme
actuel commence ainsi par l’entente des bruits intérieurs de conflit.
Dans ce paragraphe, nous présenterons alors successivement les deux thèses
suivantes : L’homme représenté véhicule la refonte de l’homme extérieur ou l’homme
naturel et l’homme représenté détermine les ordres moraux et physiques. Ces deux thèses
sont les réalités cachées de l’homme ; la réalité de ce dernier est le conflit intérieur, qui
désoriente et retarde l’avènement de l’homme intérieur et la manifestation des qualités
morales de l’homme.
Le concept d’homo œconomicus est représenté de façons différentes par les
littératures qui se réclament scientifiques et, de ce fait, est une cause de divergence d’idées
alors que, par son usage pluridisciplinaire, il devrait être un concept fédérateur. Il faut
analyser pour pouvoir en tirer les modifications nécessaires à la convergence. A cet effet, il
182
nous faut retracer l’image actuelle du mot homo œconomicus dans les disciplines
scientifiques ou plus précisément hors de la science économique, c’est-à-dire retracer
l’image transversale de l’homo œconomicus au travers des clivages des disciplines
académiques. Pour réaliser cette traçage de l’image transversale de l’homo œconomicus
cet obstacle, nous avançons les thèses suivantes et démontrerons leur réalité : l’homo
œconomicus est l’homme dont toutes les sciences et littératures en ont parlé et représenté,
et que cet homme, ou plus précisément cette représentation de l’homme se distingue de
l’animal par le fait qu’il est attribué de la notion de profit et de genre.
I. L’homme représenté véhicule la refonte de l’homme naturel ou de la construction de l’homme futur
Ces thèses proviennent des deux faits constatés suivants : d’abord, tout discours sur
l’homme est produit d’une représentation de l’homme modèle ou parangon, ensuite, qu’il
manque un argumentaire unique permettant de montrer objectivement l’homme, sinon une
méthode susceptible de parvenir à ses aspects insoupçonnés. L’homme décrit et postulé
par la science économique est donc, lui aussi, une représentation parmi d’autres.
L’homo œconomicus est une expression scientifique du concept de l’homme
modèle ou un parangon de comportements humains dans un discours comprenant aux
cadres élargis comprenant le marché, la production et la consommation. Il est un
personnage ou un parangon de plus décrite, comme BALZAC a pu faire sur quelques 2472
personnages (VINDT114, 1999), ou encore Madame de SEGURE sur « Des petites filles
modèles ». La description de leur caractère n’est possible que grâce à des cadres
conceptuels fournis par la science économique et des sciences sociales. Cet homme ou ces
hommes décrits par la littérature, en effet, appartiennent à une situation concrète ou proche
114 VINDT Gérard, « Littérature : Balzac et l’économie », in Alternatives économiques, n° 172, du juillet 1999, page 66. Il faut dire que Honoré de BAZAC est considéré par Gérard VINDT (1999) comme « un romancier du capitalisme avide, l’observateur perspicace des bouleversements sociaux des années 1820-1840 », un éloge des scientifiques pour un écrivain. Le magasine Alternatives économiques a fait un compte rendu de lecture économique des romans français montrant en fin de compte que tout modèle de l’homme appartient à une situation (« Roman pour l'été: Histoire économique et sociale », in Alternatives économiques, n° 216, juillet 2003, page 56). Voici quelques comportements et environnements qui ont attiré des écrivains français : le fait d’être possesseur d’un équipement devenu obsolète (Maître Corneille du « Lettre de mon moulin » d’Alfonse DAUDET, écrit en 1866), le cadre social et économique du métayer dans le Bourbonnais en France, au milieu du XIXe siècle (Emile GUILLAUMIN, « La vie d’un simple », 1904), le spéculateur dans le monde des finances en 1834 (« César Birroteau » de Honoré de BAZAC), etc.
183
d’une vision de la réalité, mais réduit selon la vision de chaque auteur115 et selon les
exigences de l’argumentation à un environnement plus ou moins convenu d’avance. Ce
sont des hommes qu’on peut qualifier de « situé ». La littérature a utilisé les termes de la
science économique, sinon les milieux pointés par la science économique pour identifier le
lieu des activités dignes d’être retracées comme un lieu de fonctionnement d’un homme
modèle : la production, ou l’échange, ou la consommation, sinon dans les secteurs
d’activités d’extraction, ou de transformation, ou dans les activités de services. Autrement
dit, la littérature a utilisé les lieux ou les « situs » proposés par l’économie. Grâce à cette
localisation, la littérature, quoique le plus souvent un fruit de l’imagination de l’écrivain,
de l’acteur ou de l’orateur, devient compréhensible, critiquable et s’est dotée ou peut être
dotée facilement de statut scientifique. Mais elle n’a pas, pour autant, tout cerné sur le lieu
de l’observation de l’homme de l’économie, car l’économie discute également de l’homme
non situé dans les domaines et sphères que l’analyse économique propose. En effet, la
littérature économique admet l’existence du « chef de famille sensé », alors que la
littérature, à peine parle-t-elle du modèle de comportement « d’un » père (lorsque Marcel
PAGNOL, narre par exemple le « Château de sa mère » ou les activités de son père), ce qui
serait un cas exceptionnel pour la littérature, alors que l’homme de l’économie, l’homme
qui est pointé directement du doigt par les économistes, reste un énergumène116, c’est-à-
dire un être rare et péjorativement extraordinaire, alors qu’il devait être le phénomène,
c’est-à-dire, évident. L’homme étudié par l’économie est un être possédé (ou aliéné, selon
le terme de FEUERBACH), alors que celui étudié par la littérature et peut-être également
par certaines sciences, comme la sociologie, la psychologie, est un être déterminé. Aussi,
cet être peut-il bien être fort rationnel, mais (et point faible …), inconsciemment rationnel.
A l’état actuel de la présentation du thème, l’analyse des connotés du thème de l’homo
115 D’autres formes de littératures, comme la littérature religieuse qui se réclame être une littérature inspirée de l’extérieur, parlent également de l’homme modèle. Dans leurs descriptions de la nature d’homme, en effet, se découvre aussi le véritable homme, celui dont l’action est humaine. Ici, les propos sont clairs : le comportement de l’homme ou ses inspirations personnelles ne sont pas déterminées par une cause relative et par des circonstances causantes, mais par une cause initiale, un dessein qui se développe dans le temps. Les religions, dans leur ensemble et de façon grossière, postulent la réalité de ce dessein, une puissance agissante sur chaque individu. Conséquence, la littérature religieuse présente l’homme comme un être trituré entre des forces, sa propre force et la force extérieure. L’homme en question n’est plus un modèle, mais une incarnation de « l »’homme qui est en chaque être humain. 116 Le mot « énergumène », du grec « energumenos » (ένέργοΰμένος) a été repris par la langue latine et utilisé dans le sens de « possédé du démon » (Voir QUICHERAT L. et DAVELUI A. (1883), Ed. Librairie Hachette, Paris, 51éme édition, 1922). Ce n’est pas le possédant qui importe dans ce contexte, mais le fait d’être possédé, avec les conséquences socio-économiques que cela entraînent. Le concept d’homo œconomicus évoque alors non pas les vertus du possédant, en la circonstance le démon, mais les faits matériels et comportementaux produit de cette possession.
184
œconomicus ne peut éviter les thèmes de l’inconscience psychanalytique et de la
possession religieuse ; il se heurte d’office et malgré les apparences, au critère de logique
préconisé par la rhétorique aristotélicien. Dans ce contexte, effectivement, la rationalité ne
peut pas avoir un statut scientifique.
Il faut donc chercher l’homme de l’économie dans la littérature écrite ou orale, là
où la sensibilité de chaque écrivain montre, dans l’unité de leur problématique, ce qu’est
et ce que peut être l’homme. La question provocatrice du problème est quand à elle, la
quête de l’homme de l’économie à partir de celui qui a été décrit et discuté en marge des
frontières des sciences de l’homme, pour en faire de cet homme, un instrument conceptuel
opérationnel partagé entre toutes les sciences humaines et sociales. Le problème n’est pas
le caractère économique ou non de ce que peut apporter le concept d’homo œconomicus,
notamment des fonctions des agents économiques, puisqu’on sait déjà ce que l’on peut
faire avec ce concept, mais de retrouver l’homo œconomicus, le modèle économique, et
même le message de l’économiste, dans les documents et littératures sur l’homme. Le
problème est donc en fin de compte une analyse économique du contenu de la littérature
écrite ou orale sur l’homme, bref, une critique du contenu des réflexions inopinées sur
l’homme, en vue d’en dégager la rationalité économique, malgré tout de l’action humaine.
La recherche d’argumentaires partagés entre tous les discours sur l’homme
cependant ne peut pas être résolue par la science économique, car les manières respectives
dont la science économique et les littératures appréhendent la position de l’homme dans
son environnement sont tellement différentes qu’il faut trouver un terrain d’entente entre
elles. Les sciences et littératures utilisent les mêmes vocabulaires, (par exemples, «
production » et « consommations »), mais avec des sens différents ; autrement dit, il faut
préparer le discours par une sorte de propédeutiques pour avoir le même champ de
vocabulaires, et surtout une logique commune d’interprétation. La science économique,
pour sa part, est axée sur la conception erronée selon laquelle l’homme, un être animé, se
déplace vers des objets inanimés, et que l’homme ou les hommes disposent de force innée
ou spécifique qui les guide vers les objets (alors que la littérature ne retrace que des
mouvements et déplacement des hommes). La littérature pour sa part ne s’intéresse qu’à
des individus particuliers. En effet, l’homme saisi par les littératures en général est mû par
le sentiment (de croyance, de préférence et choix) fort ou exceptionnel, ou par d’autres
déterminants personnels. Ce sont des individus anonymes qui peuvent être chaque individu
185
qui ne sont littérairement intéressant que parce qu’ils ont changé ou parce qu’ils sont dans
une situation particulière.
Un nouveau champ de discussion et une nouvelle démarche et non une nouvelle
conception du sujet sont donc nécessaires pour dégager le contenu économique des
discours sur l’homme, car il s’agit de prendre en compte des discussions économiques …
hors du cadre de la science économique. En gros, le problème est d’expliquer la nature de
l’écart entre le comportement de l’homme modèle et la réflexion d’un individu
quelconque. Ce problème n’est pas économique, ou plus précisément, il n’a pas été traité
plus particulièrement par les économistes, ni par les autres disciplines académiques
d’ailleurs, mais il aurait pu l’être, dans le cadre d’un nouveau paradigme ou même d’un
changement de la perception de l’économique. Les économistes, en effet, se sont contentés
de mesurer l’écart entre leur modèle d’analyse fondé sur le marché et d’explication d’un
phénomène, étant donné le comportement de leur idéal d’homme. Ils auraient dû formuler
un autre questionnement : étant donné l’écart entre le théorique et les faits, quelle est la
nature et la quantité de la différence entre le comportement de l’homme idéal et le
comportement de l’homme réel ; autrement dit, il s’agit de mesurer l’importance de la
déviation du comportement de l’homme réel par rapport à l’homme idéal et d’analyser les
raisons de cette déviation de comportement pour identifier le comportement économique
inconscient de l’homme. Un meilleur rapprochement de l’homme idéal avec l’individu
anonyme permettrait, il nous semble, de réduire l’écart entre un modèle quelconque
d’analyse d’un phénomène et la réalité de ce dernier. Le problème est certes alors
épistémologique, mais le questionnement, existentiel, car il se porte sur la recherche de
l’homme, ou plus précisément sur la quête de qui est, dans le fond et avec les concepts que
nous utilisons et à l’état actuel de nos connaissance, l’homme.
Pour relever ce défi, il nous faut, au lieu de faire une synthèse des monographies
des littératures communautaires de toutes les régions du globe – une démarche abandonné
depuis Fernand BRAUDEL-, réunir d’abord les différentes disciplines académiques traitant
de l’homme, pour en dégager, sous la houlette d’un esprit de synthèse, les concepts-clés de
la réponse. A cet effet, la synthèse appropriée serait celle liant les théories scientifiques les
théories pseudo-scientifiques systématiques portant sur l’homme. Le produit qui en
découle serait certes de la juxtaposition de concepts liés entre eux par les référentiels de la
science économique, notamment le comportement devant la rareté.
186
Notre démarche s’appuie sur l’intégration dans la connaissance de l’économique
des propositions philosophiques, anthropologiques et psychanalytiques du thème de
l’homme. Ces propositions peuvent être considérées comme des documents primaires sur
l’homme117. La philosophie et la psychanalyse indiquent que l’homme en question est à la
fois celui qui accomplit l’acte humaine de façon inconsciente et celui qui explique ou
s’explique ses propres actions118. Elles se sont préoccupées d’un même questionnement qui
est : « pourquoi l’homme cherche-t-il à accomplir, malgré lui, des actes qu’il juge lui-
même par des qualités ou par des critères qu’il s’est inventé ? ». La science économique,
pour sa part, a toujours été à l’affût de connaissance de la raison de l’action humaine telle
que celle-ci est révélée par des hypothèses. Lorsque, par exemple, Adam SMITH affirme
que le boulanger est motivé par le profit, non seulement il constate l’acte de production,
mais il exprime également le discours du producteur : l’action se justifie seulement par
l’importance du profit. Ces trois disciplines sont donc liées par la même préoccupation :
l’action humaine et sa justification ou son autojustification.
Nous utiliserons alors les concepts économiques correspondants de la psychanalyse
ou de la philosophie. Ces actions inconscientes mais expliquées de la psychanalyse ont été
décrites par la science économique par le concept de « calcul économique » et de «
richesse » que nous considérons à la fois comme des termes psychanalytiques, dans le sens
où le calcul et la richesse sont des phénomènes inconscients, et comme des termes
philosophiques, dans le sens où le calcul et la richesse relèvent tous deux de l’idée de
117 Les philosophies, en effet, sont constituées de propositions assertoriques à partir desquelles ont été élaborés des discours logiques. Leurs points de départ sont fondés en grande partie sur des discours sur la différence entre l’homme et l’animal ; elles sont donc aristotéliciennes par leur problématisation et métaphysique dans leur domaine ; l’homme se mesure alors par l’animal. Le discours sur l’homme cependant ne s’inscrit pas seulement au-delà de la nature, mais aussi dans les intimités profondes de chaque individu, à l’intérieur même de l’intimité de celui-ci. Ce lieu est identifié par les psychanalystes dans le monde de l’inconscient. Ici, l’homme est saisi à partir de ses inconsciences. Cette deuxième démarche est constituée pour leur part, par des propositions apodictiques. Des critiques existent certes sur le caractère scientifique des rapports psychanalytiques. Comment peut-on alors combiner les discours répondant à des orientations différentes ? La philosophie répond à la question de en quoi l’homme est-il différent de l’animal et a puisé ses arguments dans le monde de l’éthique ainsi créé pour la cause, alors que la psychanalyse cherche à explorer l’inconscient de l’homme et a produit des concepts considérés comme réels pour expliquer la cause. 118 Les réponses par les différentes œuvres littéraires et par les doctrines religieuses affirment que l’homme est animé d’une puissance ou possédé par celle-ci et qui le pousse à agir et surtout à être ainsi. Autrement dit, elles ont décrit la puissance animatrice de l’action humaine. Plusieurs concepts ont été introduits dans la littérature et dans la science pour nommer cette puissance. Ce sont entre autres, l’âme, la préférence, la nature ou l’élan, etc. et ont considéré l’action humaine comme étant le produit de la nature intérieure humaine ou d’une réaction silencieuse contre les incitations extérieures. Ce ne sont pas la puissance de la réflexion critique humaine qui est mise en valeur, mais une sorte de sous-humain ou d’essence humaine, ou encore de « l »’homme à l’intérieur de chaque être humain, qui impose sa nature.
187
l’éthique119. Ces mots ne sont donc pas choisis et découverts au hasard de la recherche,
mais seulement puisés dans l’ensemble des référentiels philosophico-psychanalytiques, là
où l’homme est directement au contact avec la nature, là où la discussion sur l’homme met
en relief la distinction de l’espèce humaine. Calcul et richesse sont des thèmes à la fois des
deux disciplines académiques qui ont également et exclusivement traité le thème de
l’homme. Nous dirons alors que l’homo œconomicus est révélé par l’attitude calculatrice
de l’individu devant la richesse, et par leur conscience de la richesse. Aussi, pour
démontrer la nature et la réalité de l’homo œconomicus, il nous faut présenter le calcul
économique et la possession de la notion de richesse en tant que action inconsciente mais
intelligible de l’homo œconomicus.
L’homme ainsi économiquement étudié n’est pas alors l’homme réel ni du
quotidien, mais l’homme de la synthèse des systèmes philosophiques et psychanalytiques.
C’est un homme qui répond beaucoup plus aux questions de la spécificité de l’homme par
rapport à l’animal et non de l’homme-individu appréhendé par leur distinction par rapport
à ses paires. Tel est l’objet de la deuxième section. Mais on ne peut également s’empêcher
d’étudier l’individu puisqu’il est malgré tout, lui-aussi, un homme. L’individu peut être un
être humain ou un type d’êtres humains, ou un groupe d’êtres humains. Leur particularité
est à notre sens, la perception de la richesse.
L’existence d’auditeurs et de spectateurs sensibles aux représentations littéraires et
artistiques
II. L’homme esquissé n’apparaît que dans l’ordre à la fois moral et physique
La littérature décrit l’ordre universel dans le cadre des thèmes de l’homme, de la
nature et de la loi. La Bible formule expressément cette idée en liant la détérioration de la
nature avec la chute spirituelle de l’homme.
Le plus souvent, dans la littérature d’inspirations sumériennes comprenant plus tard
le Grec, cependant le lien entre l’ordre moral et physique est décrit en fonction des
comportements des divinités anthropomorphes, ou des démiurges. La plus ancienne de ces
119 Et ce, à l’instar du mot « goods » pour désigner la marchandise et qui est l’objet de convoitise individuelle.
188
littératures et qui est repris par la suite pour la confection de littérature de même genre est
l’épopée de GILGAMESH, un tyran qui faisait lamenter son peuple. Comme dans tous les
récits, celui qui est au pouvoir séculier est aussi avisé par les conseils d’une force
spirituelle, GILGAMESH était régulièrement sermonné par des divinités. Mais las de
l’imperturbabilité de ce tyran, les divinités décident d’envoyer un des leurs pour le punir.
Ce dernier n’ayant pas pu battre ni être défait par GILGAMESH s’associe avec lui pour
des entreprises où succès et gloires se mêlent. L’immoralité continue en s’aggravant. Puis,
comme ultime punition des deux compères, les divinités introduisirent la mort au sein de la
communauté, après leur avoir fait entrevoir l’existence possible de l’immortalité. Dans ces
récits, on note que le schéma va vers un état initial de prospérité et de bienséance, vers une
dépravation et la déchéance. La littérature occidentale – au moins – abonde dans ce sens,
pour justifier en quelque sorte l’état d’insatisfaction latente et présente.
Le lien entre le moral et la physique est la cause du thème de l’action et du
mouvement dans la représentation artistique et littéraire de l’homme. Dans les œuvres
d’art, l’action est mise en relief dans la stature ou la musculation de l’homme, évoquant sa
force transformatrice et décisive. L’homme représenté n’est pas le corps, mais la force de
l’homme
Les représentations littéraires, artistiques et orales et artistique de l’homme est un
indicateur de l’intensité des activités économiques de la communauté
Les représentations littéraires et artistiques de l’homme par l’homme même sont
limitées par le prix de la littérature
L’existence de la littérature ou le besoin de l’exprimer répond à une utilité, ou à une
fonction. Mais la prolifération de la production littérature (information, art, conférences,
etc.) et des formes d’œuvres littéraires ouvre la réflexion à la fois, sur la réalité de ces
utilités et de ces fonctions, et sur la capacité de la littérature à exprimer l’homme. La
désinformation qui découle de la prolifération de la production littéraire ainsi que la
spécialisation des formes littéraires sont les limites internes de la littérature.
III. L’homme représenté est transfiguré
La lecture ou la compréhension de la représentation de l’homme ne peut être que
subjective. En cherchant l’homme dans la représentation de l’homme, l’individu ne peut
189
voir que ce qu’il veut voire et ce qu’il peut voir ou entendre. Dans la philosophie, cet état
est expliqué par les interférences de du sentiment, de l’expérience. En fait, ni la
philosophie, ni le sentiment humain bloque la représentation de l’homme, mais le fait que
le modèle de représentation est imparfait et permet aussi des interprétations non parfaites ;
bref, la traduction et la désinformation transfigure la représentation de l’homme.
L’homme est donc devant un miroir déformant pour s’autoévaluer. L’entendement
et la prolifération des œuvres littéraires ont déformé la représentation de l’homme.
A. L’entendement et la traduction modifient la représentation de
l’homme.
« Traducteur, traître » consigne une maxime bien connue de la littérature ; dans la
même foulée, également, certains auteurs peuvent crier : « lecteur, traître », parce que
certaines œuvres littéraires n’ont pas été compris par les lecteurs et rejetés sinon, mal
reçues ou tout simplement mal interprétées. Ce refus d’une œuvre ou d’une représentation
cependant cache des problèmes théoriques et pratiques très importants car ce qui est rejeté
n’est pas vraiment l’auteur, mais plutôt sa propre vision et représentation, ou encore le
message qu’il a voulu transmettre. Sur le plan théorique, il indique un désaccord de vision
ou de représentation entre l’homme représenté par le narrateur et l’homme – auditeur alors
que tous deux sont des êtres humains. Sur le plan pratique
Il existe plusieurs façons de trahir un texte ou une pensée :
La première est de rejeter tout simplement les faits relatés par l’auteur et de
proposer en même temps un contre-récit. En fait, c’est le contenu même du récit qui est
transformé ou dénaturé. Les tous premiers textes écrits en sont des exemples : il s’agit de
texte sur l’histoire du peuple hittite, un peuple antique de l’Anatolie centrale occupant ces
lieux vers 1900 av. J.C., dans lequel ce peuple a gagné des batails contre le peuple
égyptien, mais que les récits égyptiens ne consignent que l’inverse. Les principaux héros
de ces batails sont appropriés par chacun de ces récits opposés. Des victoires sur le peuple
hittite se rencontrent également dans les récits bibliques de l’Ancien Testament,
notamment ceux relatant la construction du peuple juif. Ce dernier a lui aussi utilisé les
mêmes technique pour se construire ses propres histoires. Non seulement il a lutté contre
plusieurs tributs finalement fort et civilisé de l’époque, mais surtout, ils ont défié des
190
grandes puissances pour acquérir une place dans l’histoire. Mais les documents consignés
par les historiens des peuples qu’ils ont vaincus n’ont pas pour autant retenu leur exploit.
L’épisode du passage du Nil raconté par les historiens juifs par exemple, ne figure dans
aucun document égyptien. Seul un hiéroglyphe atteste la présence de Juifs dans le territoire
égyptien.
Cette façon de faire l’histoire indique un problème, non pas de l’usage de mots,
mais une transposition de l’histoire, faisant en sorte que le protagoniste de l’histoire soit de
ce fait nanti d’une puissance ou d’une vision inspirée. L’homme de l’histoire est le
patriarche, celui qui a accompli un exploit.
La seconde façon de transformer le sens des mots consiste à le noyer dans les autres
termes qui l’entourent. En fait, le lecteur ne dispose pas de temps ni de mise en contexte
préalable et nécessaires pour pouvoir se mettre tantôt à la place du lecteur et de l’auteur.
Autrement dit, un texte n’est bien lu que par son auteur lui-même, et la présence des
exégètes ou de document préparatoire est souvent nécessaire. De ce fait, ce n’est plus le
contenu du récit qui est révélé par la lecture d’un document, mais l’auteur lui-même, ses
mots, bref, pas ces sources d’inspiration. C’est dans ce sens que se découvre la difficulté de
l’interprétation de la lecture de certains textes selon la forme de littérature adoptée. On ne
peut pas par exemple, concevoir d’avance que Jean-Paul SARTRE, lorsqu’il a écrit un
roman intitulé « Des Mots », est en train de produire une œuvre philosophique et une
autobiographie, ou encore Alighieri DANTE, écrivant sa Comédie divine, rédiger non pas
de poème, mais une sorte de vision prophétique ou illusion individuelle.
Dans cette file d’idée, la traduction d’un texte ou son adaptation à une époque
différente peut aussi trahir l’idée de l’auteur. La question a été soulevée et traitée par le
français Henri MESCHONNIC. La traduction relève non seulement de la mise en
correspondance des mots, mais aussi de leur mise en contexte.
B De la désinformation de la représentation de l’homme par la
prolifération des œuvres littéraires
Les économistes reconnaissent et ont montré qu’une partie de comportement de
l’homme échappe à ses raisons et est plus ou moins motivée par la croyance ou par la
force. La religion en parle : l’homme est aussi l’insaisissable au même titre que la vérité.
191
Ce fait remet en cause le contenu de la connaissance, notamment ses concepts et surtout
ses mécanismes, notamment la logique, le sens, et surtout le discours. Certains philosophes
saisissent alors la question pour se demander la portée de quelques concepts qu’on croit
désignant une réalité sur l’homme, notamment la raison, la logique, et la sensation.
Ce questionnement scientifique dont les Thomas KHUN et Karl POPPER ont
apporté en partie la réponse, se pose également du côté de la littérature sous forme de
question : que peut-on ou que doit-on écrire ?
La plupart des philosophes soutiennent que l’historien ou le narrateur ne doivent
que mettre en évidence un évènement particulier de la société, ou des institutions, et de ce
fait, ils jugent sont des juges de ces derniers, et que la littérature est, par conséquent, une
dérision sinon une apologie de l’homme participant à la vie sociale. D’autres, comme
HERODOTE et THUCIDYDE, des philosophes de l’Antiquité, soutiennent que la
narration devrait s’intéresser aux évènements récents, et privilégier les témoignages visuels
et oraux, au détriment des études documentaires, et surtout, seul les affaires de l’État et la
politique sont dignes d’être raconté120 ; pour eux, l’homme raconté n’est rien d’autre que
le politicien ou l’homme d’État et de l’entreprise. Il faut souligne que la science
économique abonde dans ce sens, jusqu’au moment où Garry BECKER décide d’étendre la
portée ou le contenu de la science économique aux phénomènes sociaux.
Le narrateur crée des évènements par leur intuition qu’il revêt de concept, et par
leur volonté d’écrire, il impose l’existence à leurs intuitions ou inspiration, conformément
à la théorie de SCHOPENHAUER dans « Le monde comme volonté et comme
représentation ». L’homme, ou plus précisément l’intuition d’un auteur sur l’homme, prend
ainsi naissance. En réalité, toujours selon SCHOPENHAUER, cette imposition de volonté
n’a de source que la souffrance du narrateur ; l’écriture est utile, parce qu’il soulage le
narrateur, ou encore qu’elle a une fonction thérapeutique de la psyché du narrateur. Elle
s’arrête lorsque le narrateur trouve une résignation. Mais à l’état actuel de la littérature, il
semble que le malaise qui prévaut dans la société pousse plutôt chaque être humain à la
production littéraire entraînant de nouvelles formes d’expression (graffiti, arts modernes)
et utilisant de moyens différent. De ce fait, on s’achemine vers la divergence de la
représentation de l’homme par la littérature.
120 "Histoire de l'histoire." Microsoft® Encarta® 2009 [DVD]. Microsoft Corporation, 2008.
192
1. Les effets de la spécialisation des moyens d’expression littéraire
Une étude plus approfondie de la diversification de la représentation de l’homme,
cependant montre encore une limite présentée sous forme de possibilité de classification de
ces représentations. Cette possibilité de classification dénote alors un regroupement
d’inspirations. Ce dernier cependant est limité par les moyens. Exemple certaine
représentation artistique de l’homme, sous forme de pain et de vin, disparaissent sinon
entre dans le symbolisme lorsque le pain et le vin ne sont plus produits. Or la religion est
une manipulation de symbole, il faut donc trouver l’homme au-delà du symbole de la
religion et éventuellement de la culture. L’anthropologie travaille énormément dans ce
sens. Cette incapacité se traduit en littérature, et d’une manière générale, dans l’art par le
symbolisme qui consiste à représenter un objet, en l’occurrence l’homme, par un objet, une
personne ou un concept. L’économie également est prise dans cette trappe. Autrement dit,
la limite de la représentation de l’homme est mise en évidence par l’incapacité de
l’anthropologie à pénétrer dans l’origine du symbole et par celle de la littérature à entrer
directement dans le contenu du discours sur l’homme. Conséquences, l’homme représenté
par la littérature est burlesque, mettant en relief les symboles représentés par une partie de
son corps et supposé représenté les caractères cachés du véritable homme, sinon un animal,
ou une plante, bref du « totem ». Ainsi, un homme doté d’une grosse tête représente un
intellectuel, une grosse tête avec des lunettes, représente un intellectuel livresque, une
grosse tête avec de longues oreilles indiquent un intellectuel têtu, etc.
2. Pourtant, le symbole indique une paresse de la pensée de représenter l’intuitif
La généralisation de la capacité de classification de la représentation de l’extérieur,
et en l’occurrence, de l’homme a été présentée par HELVETIUS. Selon ce philosophe, les
hommes s’assemblent par leur sensibilité physique, bien que la manifestation de celle-ci
soit différente selon chaque homme. Aussi, pour expliquer ce dernier point, HELVETIUS
en déduit que la différence entre les hommes relève de la capacité, plus ou moins grande,
de l’attention et de son orientation, elle-même dépendant de la passion (BREHIER,
Histoire de la philosophie, Tome 2, 1932)
Dans le sens littéraire, l’homme se découvre dans la généralisation de
l’autobiographie
193
Ainsi la littérature a introduit l’homme dans la pensée humaine tout en y bloquant
son existence dans cette pensée. L’homme qui y est, est un prisonnier de la pensée. Il ne
décrit plus ni un lambris de la réalité et il n’est même pas un concept opérationnel pour une
réflexion quelconque. En fait, l’homme qui se cherche sûrement est dans la biographie
généralisée de chaque individu humain. Il est un obstacle ou un blocage
Dans la littérature en général, la représentation de l’homme prend la forme de
patriarche proto-humain, ou d’un animal, ou d’une force parthénogénétique, ou d’un totem
de FREUD. Ce sont des mythes. Dans la littérature économique, la représentation de
l’homme est conceptualisée par l’expression « agent économique » dont celui qui est le
plus proche de l’homme narré est désigné par l’expression « homo œconomicus ». Dans les
deux littératures, leur propre émergence ou leur propre parution est sa première action. Ce
n’est pas le produit de son action – que celui-ci soit des facteurs de production ou de
denrées – qui conditionne leur existence, mais une substance vitale, le bond initial qui fait
l’existence. Cette existence pré-matérielle ne se retrouve que dans la narration, dans une
sorte de vérité première, védique ou transcendante, et non dans la production. Il est vrai
certes que la bible postule une existence de création, mais l’importance de la fonction de la
parole que ce soit divine ou humaine dans la création fait que ce n’est pas la création en
soit qui importe, mais le fait qu’il y a un constat verbal en quelque sorte statuant la
réalisation ou la consommation de l’acte. Dans le silence, Dieu aurait pu « créer », «
construire » ou « fabriquer » un homme – peu importe alors le verbe -, ADAM aurait aussi
pu silencieusement découvert un être de son espèce en la personne de EVE, mais le
problème chrétien de l’homme commence, lorsque la création ou la découverte a été l’objet
d’une communication discursive.
De ce fait, la problématique littéraire sur l’homme est un problème portant sur le
discours sur l’autoproduction et l’autocréation et non sur l’acte de la création ou de la
production de l’espèce humaine, alors que celle de la science économique actuelle sur le
discours sur la production matérielle et sur la satisfaction des besoins. Tous deux
cependant s’identifient dans l’existence d’une préoccupation sur l’identité de l’homme ou
sur la connaissance de l’homme. Il y a une très forte préoccupation individuelle chez
l’homme sur sa propre identité. Seulement, le temps et les expériences que ce dernier
apporte, n’apaisent pas cette préoccupation. Dans la compréhension des livres de religion
aussi bien que celle de la science, le temps est un facteur clé de la résolution du problème.
En effet, la problématique biblique de l’homme est compatible avec la doctrine
194
évolutionniste dans la mesure où, il a fallu du temps à l’homme pour réaliser l’existence de
son équivalent (en la personne de la femme) ou au dieu de créer l’homme (l’homme
achève la création). Enfin, le narrateur joue une fonction importante dans l’intelligence de
ce fait. Pour un narrateur philosophe ou littéraire, à l’instar d’un BALZAC, dans la
littérature française, cette narration relève de la spéculation. Ce genre de narration est
faible sinon plus ou moins hypocrite, car elle cache le véritable intérêt de la narration :
l’exploitation de l’homme par l’homme. D’où l’intérêt de la narration économique. Pour
l’économie, elle est un produit de l’économique, car il est une spéculation intellectuelle
voire culturelle dans le seul but d’expliquer et de comprendre un phénomène, en vue d’en
tirer d’éventuels intérêts organisationnels ou matériels, notamment par la gestion d’une
communauté humaine, et surtout en vue de comprendre le fonctionnement d’un système
complexe en rapport avec l’homme. Les économistes ne sont pas seulement les Adam
SMITH et leurs successeurs et délateurs, mais aussi les philosophes illuminés de l’esprit
des économistes, qui, comme NIETZSCHE dénonce l’esprit asservi ou l’esprit de servitude
dont l’homme actuel est doté.
Le discours scientifique ou littéraire sur l’homme est un discours à la fois
compréhensif d’un phénomène en rapport avec l’homme, et une prestation d’arguments, et
surtout un discours salvateur ; il est donc une solution à un problème mal formulé de
l’homme. Il est localisé et limité dans la partie historique de l’apparition de l’homme, et
non pas dans celle de la survie. Tel est d’ailleurs l’esprit des écrivains bibliques : l’homme
y est décrit parce qu’il y a, non pas une déchéance, mais parce qu’il y a un salut. De ce fait,
le discours sur l’homme s’inscrit aux confins de la pensée économique, sinon dans
l’inconscience des théoriciens et historiens de l’économie. En économie d’ailleurs,
l’homme n’est pas directement décrit, et son existence est réduite à des caractères postulés
(par exemples égoïste, ayant des préférences) ou à des actions (faisant un choix, producteur
ou consommateur de marchandise). Dans les histoires locales des communautés humaines
par contre, l’exploitation de l’homme ou les règles de comportement entre les hommes –
qu’il s’agit de comportement civil, de courtoisie ou de production – sont justifiés et
expliqués par la connaissance en vigueur de l’homme. La connaissance de l’homme a donc
un enjeu politique se traduisant par la manipulation de l’homme à des fins de production
matérielle.
Nous pouvons reprendre cette formalisation du problème par une autre voie, en
constatant que la question de l’homme a été soulevée par quelques philosophes et
195
théologiens sur la base de la thèse biblique selon laquelle l’homme n’est plus un être
parfait. Adam SMITH dans sa théorie de la morale, David HUME (1711 – 1776), dans son
« Traité sur la nature humaine », Jean-Jacques ROUSSEAU dans son « Discours sur
l’origine des fondements de l’inégalité parmi les hommes » (1755), John LOCKE (1632 –
1704), avec son « Essai sur l’entendement humain » ont, à leur manière, confirmé cette
proposition. La bible expose une théorie allant dans le sens des problèmes soulevés par ces
philosophes, qu’est la limite de l’homme. Dans l’ordre de succession des pages de la bible,
l’homme est présenté comme un être produit de la volonté divine et œuvrant dans un sens
qui ne lui est pas conseillé. L’homme est ainsi devenu un être séparé de la notion
transcendante de bien associé dans la littérature avec le concept de la vie. Mais par la grâce
divine, une voie de salut lui est ouverte sous forme de foi en JESUS qui agit alors à la fois
en messager, intermédiaire entre l’homme et le dieu, et le rédempteur du fait qu’il s’est
offert – et il est d’ailleurs le seul à pouvoir le faire - en sacrifice propitiatoire de
l’humanité. De « nouvel » homme en découle, à l’image de JESUS, érigé en homme-image
de dieu. Cet être est aussi, à notre avis, un modèle de l’homme de l’économie, dans la
mesure où cette discipline contient le germe de la philosophie de la morale comme les
bases philosophiques occidentales l’ont établi. Adam SMITH, en avançant deux thèses
plus ou moins complémentaire – l’une sur la morale et l’autre sur l’économique – soutient
implicitement que l’échec d’une société dominée par la morale se traduit par une autre
précision d’explication de la réalité qui est le fonctionnement de la société dans le cadre de
l’hypothèse où l’homme ne réagit pas selon les considérations morales, mais selon des
considérations égoïstes et de profits.
La littérature a ouvert le débat sur la représentation de l’homme, mais elle ne peut
pas identifier le fond du débat. L’apport de la littérature est d’avoir cerné l’homme, mais
elle ne peut pas montrer son essence. Ainsi, en guise de conclusion, la représentation de
l’homme change la perception de soi de l’homme et surtout l’usage de l’homme. La
représentation de l’homme et le symbolisme qui en découle modifient le comportement de
l’homme vis-à-vis de lui-même et le poussent vers les êtres de son espèce. Ce dernier
mouvement est reconnu par Adam SMITH dans sa théorie de l’échange. Pour cet auteur,
l’homme a une disposition naturelle pour l’échange. En fait ce n’est pas que l’homme a un
sens de l’échange ni de profit qui le pousse à la division de travail, mais surtout du sens de
l’ordre. Nous sommes alors devant la théorie de pouvoir de PYTHAGORE : il y a un ordre
qui imprime le comportement de l’homme. Mais pour PYTHAGORE, cet ordre tient de la
196
religion, et, de ce fait, l’homme est plus ou moins religieux par nature ; nous dirons pour
notre part que la confection de la représentation de l’homme n’est pas une activité de
culte ; elle relève d’autres détermination, comme le profit et la manifestation de soi.
L’ordre est une institution. En apparence, elle possède une dimension culturelle. Le
droit de l’homme et sa conversion en « droit universel » de l’homme, renforcé par le
concept de la mondialisation a ouvert une nouvelle perspective à la conception de l’ordre
qui devient ainsi l’ordre universel, le « mathesis universalis ». La démarche philosophique
de SPINOZA permet de mieux rendre compte du discours sur la représentation de
l’homme. L’homme n’est pas un être produit de la vision d’ARISTOTE, un être distinct de
la nature et de l’animal, mais un être mathématiquement prévisible.
Le plan de rédaction de « L’Ethique », de SPINOZA (SPINOZA s.d.) reflète le
nouvel – du moins depuis ARISTOTE – ordre universel : Tout comme le discours
aristotélicien, le point de départ de SPINOZA est un discours sur dieu. La suite logique du
discours est alors le thème sur l’âme. SPINOZA s’écarte alors d’ARISTOTE par la suite,
car il a continué son discours sur le thème de la passion. Avec ce thème, se pointe déjà le
thème sur l’homme. Cette déviation de logique de thèmes provient probablement de la
différence des contextes et des valeurs vécus par les deux philosophes : ARISTOTE
travaillait dans un contexte dominé par le thème de la vertu, alors que SPINOZA, sur le
thème de la rationalité.
CONCLUSION DE LA SECTION
La représentation de l’homme a rendu objectif et partageable, l’intuition, le
sentiment intime et la conviction personnelle de chaque individu. Cette objectivité
cependant s’est acquise lentement et progressivement dans le temps et dans les
communautés, sous forme de conceptualisation et de formation de mots, et finalement de
l’acceptation de la représentation de l’homme.
La classification des littératures non seulement en fonction du genre de récit, mais
surtout en fonction de leur contenu et de leur objectif est le principal apport de la littérature
dans la représentation de l’homme. Elle a rendu facile la recherche de l’homme représenté.
La littérature s’est préoccupée de retrouver l’homme à travers les situations construites et
par la description de ce que peut être l’homme qui fréquente cette situation. Elle indique le
cadre technique où l’artiste ou le narrateur peut rencontrer l’homme : les différentes formes
197
de littératures ainsi que les genres narratifs. En outre, en se cantonnant dans la diversité de
la représentation à cause de la différence de points de vue et de style, la littérature a
confiné l’homme dans le domaine de l’apparence, sinon, la représentation de l’homme
serait de l’essence de l’homme. Par ce fait, l’homme représenté peut être localisé dans un
lieu et dans un moment.
Sur un autre plan, la littérature fournit l’environnement de la théorie ou du discours
sur l’homme, alors que l’intelligence de la littérature dépend de ses propres instruments
que sont les mots, ainsi que de la nécessité du besoin partagé entre l’écrire et le lire, par
l’existence d’un auditeur ou d’un lecteur compréhensif121, ou encore de l’analyse du
langage. L’histoire du contenu de la littérature consigne l’existence de censure faisant en
sorte alors que la littérature en vogue d’un moment n’est rien d’autre que de la littérature
permise. En outre, certains thèmes, comme les voyages, les guerres et l’amour, durent plus
longtemps que d’autres, mais changent seulement de forme selon la sensibilité du moment
et multiplient se variétés. Jusqu’à présent, toutes les communautés humaines ont leurs
récits de voyage, de guerre et d’amour, et chacun de ces types de récit évolue de façon
différente en fonction du gré de la censure : il semble que le récit de voyage s’est
transformé en littérature de découvertes de sites touristiques, alors que celui des guerres en
film fantastique sinon d’aventure ; l’histoire d’amour quant à elle, a multiplié ses formes
allant de love story ou de roman courtisane. La littérature parle certainement de l’homme,
mais sans en également nommer. Au terme de cette section, nous saurons alors que la
limite interne de la littérature est un obstacle épistémologique d’importance bloquant
l’apport de la littérature dans la connaissance de l’homme.
La critique de la littérature, formant un nouveau genre dans le domaine et opérant
par le regroupement des représentations de l’homme à l’intérieur de thèmes, confirme ce
caractère apparent de la représentation de l’homme. Elle a ouvert les questions sur la
véracité ou sur la régularité ou sur le contenu des propos littéraires. Elle atteste l’existence
de contraintes et de l’exigence de savoir-faire dans la communication entre les hommes, et
de ce fait, elle ne peut prendre place que dans une communauté où le bien dire est un
avantage, sinon rapporte des avantages matériels ou social.
Ainsi l’homme représenté par la littérature est une notion réelle et concrète, mais
perpétuellement mal décrite. Il est imaginé comme un monstre égoïste, calculateur,
121 Voir la théorie de Mme de STAEL citée par FOUCAULT
198
profiteur, sans moral, un monstre, ou un mythe, qui avait la qualité d’avoir le
comportement parfait au moment voulu. L’histoire générale abonde dans ce sens122. Le fait
que ce « monstre » de la littérature peut avoir un bon comportement ou un comportement
approprié pour la circonstance lui confère une place dans le mécanisme de fonctionnement
de la pensée humaine.
En voulant chercher cependant la bonne description, quelques thèmes échappent à
la littérature : le thème de l’amour, par exemple, est limité à des récits courtisans ou à des
récits conformes à ce que la société a de notion de beau (et de laid) ; les récits de guerre
sont faits pour décrire la victoire ou la défaite et non la souffrance des blessés ou la peine.
La littérature ne peut pas tout décrire, aussi se contente-t-elle de ne retracer que ce qui est
beau.
La connaissance de la représentation de l’homme donne de l’information, entre
autres, sur les tournures intellectuelles et culturelles de l’homme dans la recherche de son
essence, et avec cette disposition d’esprit, se révèle un état psychique fondamental ou
fonctionnel de l’homme : la pensée se déclenchant avec l’existence, ou la conscience de
l’existence est le fondement de l’existence. Cette quête de l’essence se réalise à travers la
recherche de la substance matérielle vitale ainsi qu’à travers les discours et représentations
symboliques, artistiques ou culturelles qui s’ensuivent. Ces derniers (les discours et
représentations) forment un continuum de contenants des valeurs de formes et
d’expressions différentes certes, mais révélatrices de la présence et de l’existence de
l’homme en communauté.
De prime abord, le discours sur la représentation de l’homme est clos ; pourtant la
pluralité des discours sur les produits théoriques de la représentation de l’homme demande
une autre étude permettant de comprendre le mécanisme et de décrire le processus
présidant à la formation de la représentation ; tel est l’objet de la section suivante.
122 L’homme idéal, présenté comme un monstre se rencontre généralement dans l’histoire de l’origine d’un peuple. Dans la mythologie occidentale, ou peut-être, dans la culture indo-européenne, ce fait est largement diffusé : ce sont les dieux qui sont à l’origine de la formation de la variété de comportements et de sentiments humains. Un autre exemple plus concret est la formation du peuple kurde.
CONCLUSION DU CHAPITRE : LE THEME DE L’HOMME EST ENCORE UN THEME MAL DEBROUSSAILLE
« L »’homme, avec un grand h ou l’homme désigné et déterminé par l’article « le »,
est connu de l’intelligence et de la science par des narrations, ou par la narration et pour la
narration. Cet homme vient des narrateurs et artistes de la religion, de l’art et de la
philosophie et a été porté dans le domaine du profane. La religion constate la faiblesse de
l’homme par rapport à la divinité, alors que la philosophie discute de l’homme à partir du
thème de la raison. Nous n’avons cependant pas développé la narration par l’art, mais
seulement celle qui est consignée par l’écriture pour les raisons suivantes : premièrement,
la critique de l’art proprement dit dépasse notre compétence ; deuxièmement, ce n’est pas
vraiment l’esthétique de l’homme ou de la présentation de l’homme qui nous importe, mais
les matériaux conceptuels avec lesquels l’homme est dépeint.
L’étude des mots portant sur l’homme forme le thème de l’homme. Le premier
élément du thème de l’homme est le mot « homme » lui-même. Il apparaît que le concept
homme fait l’objet de plusieurs dénominations dans les langues ayant des textes anciens.
Le mot « homme » est donc une mauvaise piste pour ouvrir un discours sur le thème de
l’homme. L’investigation sur les documents anciens montre alors qu’empiriquement, le
thème de l’homme est le produit de thème de la création qui, lui-même dans la théorie
biblique est associé au thème de la richesse et de valeur : le monde y compris l’homme
appartient à son créateur ou à ses générateurs. Une investigation dans un autre sujet, la
femme, permet aussi d’ouvrir le sujet sur l’homme.
De réflexions approfondies sur la façon dont quelques communautés humaines
conçoivent la femme nous a montré que ce n’est pas vraiment le genre qui importe, mais la
représentation de la femme : la faiblesse, le domaine du domestique, l’irrationnel, ainsi que
d’autres sujets non encore exploités. Le caractère dual de l’homme a permis de tenir en
considération certains caractères de l’homme, notamment ses faiblesses, ses sentiments,
etc. sur la narration de l’homme retracée dans la première section a exposé les moyens
conceptuels et intellectuels pour appréhender la représentation de l’homme ainsi que pour
conserver ou concrétiser cette représentation.
L’homme n’est pas seulement des propos qui reviennent fréquemment et
régulièrement dans les conversations et déclarations sur la vie et sur la richesse ; il est aussi
des propos sur la faiblesse dont les philosophes ont essayé d’en trouver le reconfort ou
199
200
l’explication. Avec ces concepts, les propos sur ont pu être dressés et classifiés. Mais il
s’avère que ces établis ne sont pas encore satisfaisants, car à peine, retracent-ils ce qui se
fait dans le monde de la littérature ; ils ne peuvent même pas définir les limites et les
possibles de ce qui se dit sur l’homme.
Une fois l’homme se fait une image concrète de lui et qu’il la préserve, qu’en fait-il
de cette richesse ? Telle est l’objet de la deuxième section. La deuxième section a de
montré que la première richesse de l’homme est l’image qu’il a de lui-même. Une
investigation sur le thème de la richesse a révélé l’apparence de la relativité culturelle de la
notion de richesse, mais que malgré la diversité des formes de représentation, l’idée qui est
exprimée est unique ; elle répond à une même préoccupation : l’esthétique. Une fois ce
problème statué nous avons pu alors parler de l’utilité ou de la nécessité de la réflexion
plus particulièrement dans la formation des théories économiques. A cet effet, les théories
des auteurs plus ou moins vulgarisés de la science économique, Adam SMITH et John
Stuart MILL, illustrent nos propos.
201
Chapitre II – DE LA FORMATION DES FIGURES
DES REPRESENTATIONS DE L’HOMME
INTRODUCTION DES CHANGEMENTS DANS LA CONCEPTION DU THEME DE L’HOMME
Actuellement, une sorte de spécialisation s’installe dans la narration, par l’usage des
mots qui n’ont de sens que dans un contexte précis, par la démarche de présentation, par
l’objectif visé et par l’exigence du contenu. Il y a un phénomène, et il y a des mots ad hoc
pour rendre compte de ce phénomène. Les mots unissent le narrateur et ses auditeurs, alors
que les termes utilisés éparpillent le discours. Par exemple, l’économiste a mis dans un même
panier les différents métiers et les différents mots retraçant les actions pour n’avoir que des
mots comme « agents économiques », « producteurs », « consommer », « produire », etc.
alors que le théoricien de la gestion peut utiliser les dénomination des différents métiers pour
parler de la production.
Une correspondance du contenu des mots et du sens est donc nécessaire pour voir si
les concepts de narration, de représentation ne se sont pas vidés de leur contenu ; autrement
dit, un champ unique de conceptualisation des dicibles de la narration est nécessaire. Ainsi
faisant, l’image de l’homme se découvre par ces mots. En créant l’homme, dieu n’a pas utilisé
les matières mais avait seulement puisé les mots permettant de réaliser l’homme à partir d’un
ensemble de mots. L’homme-narrateur pour sa part, puise dans la narration de propos
susceptibles de matérialiser l’homme sous forme d’image.
L’hypothèse précitée (existence d’un champ d’observation et d’argumentations) et qui
relève des issus de la philosophie analytique et de ses débats est possible, voire une réalité,
pour un apprentissage et pour une socialisation en vue d’intégrer chaque individu dans un
monde différent (à l’exemple des adolescents américains qui ont dompté les réseaux sociaux
tels que Facebook et MySpace qui se sont créés un « espace public en réseau ») (BALAGUE
et FAYON 2010). Ce type de comportement de plusieurs individus vis-à-vis de la société qui
est une sorte d’interface entre le modèle de la théorie (économique) et la narration de la vie de
l’homme qui nous intéresse, car il recèle les thèmes à la fois de l’économie (de la construction
202
de la représentation de l’homme) même si ce n’est pas par le marché pour le moment et la
narration de la vie, de la recherche de l’identité, bref, de l’homme – un thème de la littérature.
En effet, une investigation sur l’indexation de l’homme sur les sites web dans les
centres de documentations montre ce qu’est le profil de l’homme qui peut être cherché et
découvert par un autre homme ; elle donne une image variée et sur mesure de « l »’homme (et
de « la » femme) qu’on peut rencontrer dans la réalité : L’individu est l’objet de spécification
comparable à celle d’un objet, mais au lieu de caractéristiques techniques et physiques, la
spécification de l’individu se fait par son profil comprenant, d’après les types d’informations
demandées sur les interfaces d’un réseau social (à l’exemple de Facebook), d’une identité
centrale (sexe, date de naissance, ville de résidence, pays, points de vue politique et points de
vue religieuse), d’un prolongement identitaire (profils professionnels, relationnels
académiques et personnels). En conséquence, si l’individu peut entrer dans le moteur de
recherche croisé d’un individu affilé dans le réseau, et il peut lui aussi faire l’objet de cette
recherche, l’homme pour sa part se découvre et est découvert par les médias dominants
(« meanstream media » et les organisations centralisées, comme l’église, le registre de la
Mairie, par exemples), et par ses réseaux sociaux et cela sous forme de profil fréquent ou de
profil limite des déclarant des sites, quoique jusqu’à présent aucune information statistique ni
investigation n’a été faite. Ces derniers sont actuellement numérisés par « Facebook »
(ERTZSCHEID 2009). Ici, le thème de l’homme n’est pas spéculé, mais obtenu à partir de
profils que le chercheur peut composer à son aise ; c’est un traçage des activités sociales qui
est en train de pénétrer dans les fonctionnements psychiques de chaque individu ainsi relié.
L’ensemble des communications faites par chaque individu ou par chaque profil d’individu,
ou par l’ensemble des individus en communication dans un réseau social, forme le corpus
actuel de thèmes de l’homme, et la réflexion du philosophe ou du sociologue sur les réseaux
sociaux forment le thème de la représentation de l’homme. L’importance de cet ensemble
d’informations réside dans leur mise-à-jour continuel et dans le volume des informations
stockées, et surtout sur leur apport dans la socialisation à l’échelle mondial et par la même
voie, vers la réalisation de l’identité de l’homme-type (ou de la « femme-type »). Un système
d’exploitation pratique pour la compréhension de l’homme en général commence à prendre
place. Danah BOYD, de l’Université de Berkeley, a montré comment les jeunes américains
ont apprivoisé des réseaux sociaux pour développer leur propre sociabilité. Alors qu’ils ne
sont qu’en réseaux, les adolescents se présentent comme s’ils sont en public, et ils y
apprennent à vivre en société, à construire leur identité et finalement à entrer dans le monde
203
des adultes. BOYD distingue alors les trois caractéristiques suivantes des réseaux sociaux et
qui nous intéressent particulièrement : la présence de publics invisibles, l’effondrement des
contextes et l’effacement des frontières entre le public et le privé (BALAGUE et FAYON
2010, page 7). Ces trois caractéristiques sont très proches du cadre de la narration de
« l »’homme : la personne qui utilise le réseau est en train de se faire narrer une histoire par
une personne anonyme jouée par des publics invisibles sur un thème que se construisent
ensemble les publics et la personne, et le tout se passe dans un cadre non qualifiable ; c’était
le cadre du récit sur la base duquel se construit le thème de « l »’homme. Ce qui se dit sur les
réseaux de communication, au-delà des intimités est la recherche de l’homme et qui se traduit
par une construction d’identité. D’ailleurs, au terme des communications sur Internet,
BALAGUE et FAYON remarquent que les utilisateurs ont de plus en plus une « meilleure
connaissance de soi », plus qu’une meilleure connaissance de l’autre.
Une nouvelle forme de littérature destinée à des réseaux professionnels vient
compléter les littératures des réseaux sociaux : le Curriculum Vitae (à partir des récits de vie
que les individus inscrivent sur leurs réseaux sociaux, à l’exemple des réseaux LinkedIn et
Viadeo). Ces derniers sont obligés de travailler non plus sur des œuvres littéraires ou sur des
collectes d’informations issues des consignations d’écrivains, mais sur des profils d’individus
glanés (sur des sites Internet ou sur plusieurs C.V). Des sociologues bâtissent leur réflexion
sur l’homme à partir de profil (dont Internet est un des prestataires d’idées ou d’inspiration La
presse, les magazines-people et Internet sont les principales sources d’information sur
l’homme.).
L’écran (cinéma, télévision, téléphone mobile, ordinateur, tablette tactile) et les
réseaux sociaux ont changé les formes et les supports des représentations de l’homme ; et ils
ont rendu accessible aux non initiés l’acquisition d’une certaine idée de la représentation de
l’homme. Mais plus encore, une interactivité s’installe entre la narration de l’écran et la
représentation du sujet narré. Ce passage de support de représentation vers un autre est une
promesse d'une possibilité de l’existence d’une convergence de la représentation de l’homme
vers un modèle unique et universel, qui est à l’homo œconomicus. Ce n’est pas encore de la
convergence absolue certes car l’interactivité n’est pas encore le lieu absolu de référence de
ce qui est descriptible. Tant que la littérature n’a pas établi le domaine du descriptible, les
échanges d’information ne sont que des mouvements et non un lieu où se puisent les
argumentations. Les individus n’y trouvent dans les interactivités qu’une forme - ou en jargon
des Internautes, un profil.
204
Ces changements ou ces extensions de cadre d’observation devraient apporter un plus
à la représentation de l’homme ou à l’image représentative de l’homme bien que celle-ci ne
soit pas encore précisée sans que soient estompés le spectre de l’ancien système avec lequel se
construit l’explication de la vie et la représentation de l’homme ; une sorte de continuation
dans la représentation de l’homme produit par l’intuition de l’ordre cosmique et celle produit
de la représentation de l’homme universel par l’homme anonyme devait s’installer chez toutes
les communautés humaines, car chaque individu se figure à la fois comme membre d’une
communauté cosmique et, désormais, du … réseau social. Comment les individus se figurent-
ils à travers ces différentes formes de liens ? Quel est son lien avec ce qui a été produit à partir
des thèmes de réflexion issue de la philosophie et de la cosmogonie ? et surtout en quoi cette
nouvelle représentation de l’homme contribue-t-elle à préciser la représentation de l’homo
œconomicus ? Telles sont les questions de ce chapitre deux.
LA CONCEPTION DU THEME DE L’HOMME ANNONCE UNE SYSTEMATISATION DU THEME DE L’HOMME ET OUVRE CE THEME VERS DES CRITERES PLUS VARIES
La nouvelle représentation de l’homme ouvre les critères de la représentation de
l’homme hors de l’esthétique et déplace la question vers une conception scientifique :
recherche des caractères spécifiques, de lieu et de fonctionnement.
Pour répondre à ces questions, nous exposerons que la littérature en général (y compris
la littérature économique, l’analyse économique) a montré l’homme, alors que l’économie, en
décortiquant l’homme, a mis en relief l’aspect moral de l’homme et les contraintes matérielles
qui entourent l’homme. Ainsi faisant, l’économie, dans ses sujets usuels – pire que la morale
et la religion – a montré la culpabilité intrinsèque ou inhérente ou naturelle de l’homme, alors
que la littérature a révélé les multitudes facettes de la couverture (apparence ou esthétique)
humaine. Telles sont les deux extrémités de la figure humaine. Seulement, les multitudes
facettes de la couverture humaine, bien qu’elles soient capables de donner une certaine
représentation humaine, sont surchargées d’encroûtements sociaux de grandeurs ou de valeurs
inconnues qu’il est finalement difficile de percevoir la véritable nature ou dimension de
l’homme. L’homme est, en effet, présenté comme couvert d’atouts sociaux, de dimensions
spirituelles inconnues voire douteuses ou mystiques. Démystifier l’homme et dépouiller
l’ensemble des hommes de leurs apparences et de leurs appartenances sociales, comme le fait
le concept de « profil » en Internet sont les programmes de recherche, la tentative, permettant
d’esquisser l’homme que nous essaierons de faire dans une première section intitulée « Des
profils de l’homme ».
205
Mais démystifié et dépouillé des accoutrements sociaux, l’homme devient évanescent
et fugitif ; le thème de l’homme se vide de ses charmes de narration.
Les internautes qui ont exploités les réseaux sociaux sont bien vite dotés d’une
certaine représentation de l’homme et se construit eux-mêmes un contenu humain du thème
de l’homme, une certaine représentation de l’homme intégrant les hommes appartenant à
d’autres espaces socioculturels et mentales. Pour avoir une communication réciproque avec
ces hommes d’une autre espace, chaque internaute extirpe d’autres sujets ou thèmes de
conversation, susceptibles d’intéresser mutuellement les participants. De nouveaux thèmes
universels de communication apparaissent, provoquant l’émergence de sentiments
universellement humains par lesquels se manifestent d’autres profils insoupçonnés de
l’homme. Le profil de l’homme n’est pas seulement le résultat de la manifestation de la
relativité culturelle de la narration, mais aussi de celle de l’intérêt pratique et idéal largement
partagé. La démystification de l’homme fait apparaître la réalité d’un idéal au dessus de tous
les êtres humains et qui fait partie de la configuration de l’homme.
La partie sentimentale et abstraite est donc aussi une sorte de figure de l’homme. En
réalité, l’homme est figuré par ses intimités : la peine et la joie, les problèmes et la sérénité,
bref, le sentiment défigure l’homme, transforme sa démarche et son attitude du moment. Les
artistes sculpteurs et dessinateurs sont maîtres pour saisir cet effet corporel de l’humeur de
l’homme. Pour notre part, nous essaierons de transcrire par la littérature ce qui a été vu par les
artistes. A cet effet, nous retenons la raison, l’histoire et le sentiment comme étant les
composantes intimes de l’homme qui se racontent universellement dans les communications
dépossédées de la relativité culturelle et régionale.
Aussi, après avoir consigné dans une première section ce que les usagers d’Internet
appellent par le mot « profil » de l’homme et qui désigne en réalité l’homme en général, ou
encore la majorité des hommes, nous montrerons dans une seconde section que cet homme en
général prend forme dans la raison, l’histoire et le sentiment universels socialement et
largement construits pour remettre en cause, par la voie des théories économiques, ce que la
représentation de l’homme a réellement apporté à la connaissance de l’homme. A la fin de cet
chapitre, nous aurons établi un pont entre composé de lien entre le contenu de l’homme décrit
par les littéraires et l’homme décrit par le modèle économique actuelle, tout en sachant que ce
pont est rédigée avec des réflexions menant à la formation du thème de l’homme sur une base
de l’étant donné fourni par les réseaux sociaux.
206
Au terme de ce chapitre, nous aurons contourné le thème de l’homme ; autrement dit,
nous pouvons avoir une esquisse, ou une figure, un halo, de ce qu’est l’homme dans le mental
de chaque homme ; d’où le titre de ce chapitre. Cette esquisse demande à son tour une
précision, un dimensionnement – partie que nous développerons en troisième chapitre du
présent livre. Ce deuxième chapitre est donc un lien d’intersection entre « l »’homme du livre
et le modèle de l’homme des réseaux sociaux. Il est lui aussi, comme le premier chapitre,
voué à des expectations et des doutes, car il s’appuie sur l’octroi à l’ensemble des littératures
et de l’art.
207
SECTION I – DES PROFILS DE L’HOMME SELON L’HOMME ET LE SCIENTIFIQUE ANONYMES. INTRODUCTION
Le problème : A la recherche du profil de « l »’homme
Le thème de l’homme s’est développé sur la base d’interactions de discours entre les
différentes formes d’expression littéraires et artistiques conventionnelles et les littératures
scientifiques et philosophiques sur un fond de la consignation de la pratique de l’homme ou
par le récit du quotidien (l’histoire ou l’anthropologie). De nouveaux moyens et cadres
renforcent ce sujet non pas pour apporter de nouveaux arguments, ni pour ouvrir d’autres
sujets non encore explorés, mais pour faire sortir la nature la plus intime, la plus cachée et la
plus profonde détenus par l’individu et qu’il n’ose pas avouer directement à ses congénères.
Ces moyens sont les profils comparables à ceux demandés par certains réseaux d’Internet et
les idéaux ou idoles sociaux fabriqués par les médias. Ces moyens ont fait plus que la
psychanalyse, car bien qu’ils stimulent l’évocation des sentiments refoulés, ils facilitent leur
conceptualisation. Il suffit à un individu de « cliquer » ou de « se brancher » - selon les termes
des Internautes – sur un mot surligné correspondant à ce qu’il sent pour construire ou pour
entrer dans un profil de l’homme. Les médias, plus particulièrement ceux qui s’intéressent à la
vie des personnalités publiques prennent ensuite la relève, en définissant insidieusement le
profil-type de l’homme d’un domaine. Les individus sont choisis sur la base de déclaration
des confidences – des fois requises pour pouvoir ouvrir un compte sur Internet – sur les
réseaux sociaux et des récits biographiques (l’écran et les magazines).
Dans les littératures et dans l’art, l’homme est raconté en tant que « héro123 », les héros
ne sont pas décrits dans leur vie pratique, mais dans leur tragédie ou dans le rapport entre leur
beauté physique et le contenu de leur propos, sinon par la clarté de ses propos ou par
l’efficacité de ses actes. Les lecteurs de l’œuvre littéraire ou l’admirateur de l’art entrent dans
le jeu du narrateur et prennent place par rapport aux contextes du héro. Dans la science, par
contre, l’homme est saisi dans leur pratique avec peu de considérations pour leurs sentiments
et pour leurs émotions. Enfin dans le profil Internet, l’homme ouvre une partie de sa vie à des
123 Le mot « héro » vient du latin désignant un demi-dieu ou et d’après CICERON, un homme célèbre (QUICHERAT et DAVELUY 1922). Un héro est donc déjà attribué de reconnaissances de l’ensemble des hommes.
208
observateurs inconnus, expose sa vie au public anonyme ; il est à la fois le héro et l’objet de
la science.
L’homme – qu’il soit héro ou Internaute – se dévoile de plus en plus avec l’évolution
des moyens pour la manifester et avec l’acceptation progressive du public. Le dénuement de
l’intimité de l’individu a été saisi par la science et la littérature avec des questionnements et
des objectifs différents : pour certains scientifiques, avec GRANETTOVER, la question est de
savoir comment décrire le processus d’exposition de l’intimité, alors d’autres, avec les
sociologues, s’interrogent sur la place de ces pratiques dans la vie sociale. Les écrivains, pour
leur part, ont saisi la question en termes d’objectivisation d’une subjectivité ressentie ou
vécue. La nomination des sentiments partagés est un problème que les scientifiques n’osent
pas aborder directement, mais dont les écrivains disposent d’un instrument de choix : la
combinaison des mots. Avec les artistes, le problème est la combinaison des variétés de la
nature et de l’intensité de sentiments et de leurs circonstances provocatrices.
Chercheurs scientifiques, sculpteurs artistes et écrivains littéraires sont des narrateurs
s’exprimant sur des sujets mal dits ou difficile à dire par l’ensemble des hommes ou qui n’ont
pas encore obtenus l’acceptation de tous les hommes. Parmi ces thèmes difficiles à dire et à
consigner figure l’intimité de l’homme dont le sentiment fait partie à causes des
manifestations physiologiques de ces derniers. (FREUD, Malaise dans la civilisation 1929,
page 6). Devant cette difficulté, FREUD affirme alors qu’il faut s’en tenir au contenu des
représentations les plus aptes à associer au sentiment en question. Conséquences,
scientifiques, artistes et littéraires ne peuvent saisir que le contenu des représentations du
sentiment. Mais un écart important existe entre les façons dont se forme la réflexion sur le
contenu des sentiments selon les moyens matériels dont on dispose, entre les différentes
communautés utilisant la tradition orale, avec leurs mythes et mystères, d’une part, et celles
façonnant leur représentation de l’homme à partir des images et des objets matériels publiés.
Avec l’Internet, par contre, l’intimité de l’homme se dévoile : ni pudeur, ni tabou, l’homme
s’expose. Quel est l’apport de la publication de l’intimité de l’individu dans la construction du
profil de l’homme ? Quel est l’effet de la destruction progressive de l’intimité de l’individu
sur la construction de l’image de « l »’homme ? ou encore en quoi l’intimité profonde de
chaque individu s’assemble-t-elle ? Telles sont les questions qu’on se propose de résoudre
dans cette section.
209
La recherche sur le profil de l’homme se pratique dans les services de police
criminelle124 où le profil de certains types de criminels est dressé, ou encore mais de façon
empirique auprès des services marketing des entreprises commerciales. Les bases de données
constituées à partir de déclarations libres d’informations personnelles sur la base de plusieurs
rubriques, ainsi que les techniques statistiques d’analyse de données multivariées permettent
aussi une représentation schématique de profil d’individus selon les critères retenues de profil.
Mais comme ce qui a été déjà expérimenté avec la monographie régionale et locale dans le
domaine de la science sociale, l’ensemble des profils des groupes sociaux ou locaux ne
constitue par le profil mondial ; l’ensemble des profils d’un certain type d’individus pour un
critère donné ne forme pas un profil de l’homme en général. Il faut donc reconnaître la réalité
du phénomène « l »’homme comme on a reconnu celle de la mondialisation.
La solution de la science économique et ses limites : le cliché de l’ensemble des phénomènes économiques et l’absence des autres dimensions humaines.
L’économie a toujours fonctionné en termes de profil. Dans ses descriptifs, peu de
place n’est accordé pour l’environnement. Conséquence, pour elle, l’homme est décrit
seulement dans ses actions … économiques : le produire, le consommer, l’échanger. Une
partie de ses investigations explore la pensée en scrutant la raison, mais pas le sentiment. En
économie, le profil de l’homme se définit d’abord par son appartenance dans un système de
marché et par son comportement conséquente. Aussi, un discours centralisant et uniformisant
est nécessaire pour parvenir au comportement général de l’homme ; tel est le rôle d’une
science morale basée sur les nombres et les rapports. Dans sa démarche la science
économique ne s’est pas fiée aux quantités mais aussi à l’évolution. Elle constate d’abor les
phénomènes qui coexistent ou existent successivement : exemple la quantité des produits et
celle de facteurs. Puis elle privilégie les phénomènes qui évoluent simultanément. Un cliché –
une situation instantanée – se dégage alors.
Mais l’économie n’a pas pu capturer le qualitatif et l’intime ; elle n’a pas consigné les
biens faits à la fois de la morale et de la quantité sur l’ensemble de la production. Bien qu’elle
dispose du concept « productivité globale des facteurs » pour rendre compte du rendement
conjoint des facteurs travail et capital, on ne peut déceler la trace du sentiment motivant la
production ou son inverse, qui n’est pas la consommation, mais le gaspillage des facteurs. Son
aspect éthique lui a plus ou moins enfermé dans le principe selon lequel certaines actions
124 Voir Jay GOULD, « les auteurs de lettres anonymes » par BERRYCHON-SEDEYNE (BERRICHON-SEDEYNE 1979)
210
supérieures aux autres existent125. Aussi, des économistes s’acharnent à mettre en valeur des
thèmes phénoménaux comme l’échange, la production marchande. En outre, les économistes
sont accusés par leur usage abusif des mathématiques et des statistiques. Un déplacement de
ses centres d’intérêt et un changement de méthode ne peuvent donc que de faire du bien à la
science économique (Voir Livre II).
De la préparation au renouveau de l’homme de l’économie
C’est dans cette quête de transformation et de démarche de la science économique que
nous essaierons de définir le profil de l’homme. Pourquoi le mot « profil » et non pas
« cliché » ou « figure » de l’homme ? Parce que ce n’est pas la morphologie ou la topologie
ou les dimensions de l’homme qui nous importent, mais l’élément informe, caché ou
mystérieux de l’homme et qui est enveloppé dans les circonstances du moment formant le
cliché ou la figure de l’homme. L’homme appréhendé par chaque homme n’est plus celui qui
est saisi par la vertu développé par la philosophie, mais celui qui possède un profil
autodéterminé par les communications entre les hommes. « L »’homme intelligible est une
construction du génie des hommes, ou peut-être et tout simplement, le fruit de l’imagination
des hommes. La découverte de ce ou de ces profils serait certes une aubaine, un grand pas
dans la connaissance de l’homme – qui est d’ailleurs jusqu’à présent et d’après les propos
bibliques, l’apanage ou l’attribut de dieu, car lui seul sait la véritable nature de chaque
homme, ce qu’elle appelle le « cœur » -, mais elle s’avère être logiquement impossible :
L’homme ou l’intelligence de l’homme ne peut s’ériger au dessous de l’homme ou de
l’intelligence elle-même. Le peu qu’on puisse faire à ce propos serait de révéler le lieu, le
« topoi » ainsi que les propos sur la déchéance de l’homme.
En effet, ce qui assemble les hommes entre eux pour en faire comme critère de profil
est l’existence d’un lieu identique et comparable de formation ainsi que le constat de
l’imperfection de « l »’homme, bien que les critères de cette imperfection ne soient pas encore
définis. Les thèmes développés et menant vers la construction du thème de l’homme, en
l’occurrence les thèmes de la création, de la faiblesse (ou de la femme) et de la richesse
forment un système générateur du thème de l’homme. Les idées des hommes ou celles de
chaque homme naissent d’une puissance génitrice et disparaissent par des faits d’imperfection
125 Voir à ce propos, Cassein BELLIER, « Aristote : Ethique à Nicomaque. Etude du paragraphe 1094a – 1095a », Cours du 11 octobre 2007, publié sur Internet. ARISTOTE croit en l’existence d’une action supérieure qui tend vers la réalisation d’un objectif supérieur, le bien. Ce dernier a une connotation politique
211
autodestructrice126. On note que pour les rédacteurs de l’évangile, l’homme n’est pas
seulement le corps, mais surtout les idées et les actes conséquentes. Cette représentation
complexe de l’homme permet à ces rédacteurs de nommer le Mal (le diable dans la
conception judéo-chrétienne) est le générateur de tout produit de l’homme. La citation
biblique suivante attribuée à JESUS illustre ce propos :
« Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez
accomplir. Il était homicide dès le commencement et n'était pas établi dans la vérité, parce
qu'il n'y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds,
parce qu'il est menteur et père du mensonge » (La Bible, Le Nouveau Testament, Evangile
selon Jean, Chapitre 8 verset 44-)
La narration, elle aussi, est une idée produite par un système générateur.
Le thème de l’homme et ses connotés reposent sur l’acceptation de la doctrine qui les
a produit. Aussi, le thème de l’homme ne peut éviter le dogmatique. En plagiant le verset
biblique ci-dessus, on dira alors que : « l’homme est de la narration ; ce sont les désirs de la
narration que l’homme veut accomplir ». Or, la narration veut un commencement et une
destination ; l’homme de la narration a un profil type de commencement et d’achèvement.
C’est pourquoi nous présentons, dans un paragraphe premier, l’archétype du thème de
l’homme qu’est la narration ; il est le berceau du thème de l’homme et non pas le milieu de
l’homme lui-même. Cette section, à la différence de la première section du chapitre premier
du présent livre, ne décrit plus le processus de construction du thème de l’homme ; elle révèle
la présence de prémisses économiques qui, comme une présence de flux de liquide
amniotique, annoncent l’accouchement d’un enfant, en l’occurrence « l »’homme. A cet effet,
nous consignerons, dans un premier paragraphe, la présence de cadre du thème de l’homme,
c’est-à- dire des circonstances vécues par l’homme et qui facilite sa narration. L’économique
est ce cadre du thème, car l’économique est l’espace dans laquelle baigne « l »’homme. Nous
ne développerons cependant pas le concept « économique » car ce dernier fera l’objet du
second livre de la présente thèse.
Une fois posé le cadre ambiante de l’homme représenté, nous reprenons l’idée
développée par la littérature en générale signalant la critique morale de l’homme. Nous
126 Les doctrines cosmologiques enseignent que l’homme est issu d’une union tragique entre des puissances divines ou d’un conflit entre le bien et le mal et portent les traits spécifiques de ces géniteurs. La bible utilise le mot « géniteur » pour rappeler que le produit de l’homme, y compris celui de ses pensées, portent le germe d’une puissance génitrice.
212
exposerons alors dans un deuxième paragraphe la description de l’homme selon quelques
théories économiques. Dans ce paragraphe, notre objectif est d’insinuer l’homme et non pas
montrer, par voie de négation, ce qu’est l’homme idéal, ou en termes usuels de l’économie, le
modèle. Une idée de comparaison existe entre les deux paragraphes, mais cette comparaison
n’est de mise, car en fait, cette section est une confrontation de deux versions d’un même
thème : l’homme. Cette section ne vise finalement qu’à loger la représentation de l’homme
dans l’intelligence de l’homme.
PARAGRAPHE 1 – LES CADRES PRENATALS DU THEME DE L’HOMME : LES THEMES DE FIGURE DES REPRESENTATION DE L’HOMME
Nous étudierons comment le profil construit l’esquisse de l’homme en vue de défendre
au troisième chapitre, l’idée selon laquelle le profil économique est enveloppé dans les thèmes
des figures des représentations de l’homme. Cette démarche s’appuie sur la figuration
développée par la géométrie et par la littérature. Ces derniers fournissent l’idée et les mots.
L’homme que nous croyons savoir est encore une figure. La littérature (orale, scripturale et
figurative) a emprunté la technique géométrique pour se représenter l’homme, pour passer par
la suite à un thème de forme littéraire de l’homme, mais au-delà de certains phénomènes
physiques, l’homme n’est qu’image et figure. L’usage de la figuration est une preuve de
l’imprécision de la forme. Nous allons donc montrer que cette configuration n’est visible que
dans le cadre de l’économique.
La configuration physique de l’homme, ou l’anthropométrie, a permis de comprendre
l’évolution biologique et morphologique de l’espèce humaine. Elle a révélé l’évolution de la
posture humaine, par la transformation de l’homme rampant vers l’homme marchant, mais
elle n’a pas expliqué l’évolution non physique de l’homme. Les cultures admettent l’existence
des sentiments chez les êtres humains ; certains d’entre ces derniers sont nommés par
certaines cultures et ignorés par d’autres : l’amour, par exemple, est un concept concret dans
les cultures occidentales pour établir une relation sexuelle acceptée par toute la communauté,
alors que dans d’autres communauté, cette même relation n’est acceptée que dans le cadre de
respect et de soumission parental.
Le profil de l’homme n’est donc pas seulement une question de dimensions physiques,
mais aussi non physiques. Nous nous intéressons à la dimension non physique de l’homme.
Cette dernière est envisageable par l’usage de la mécanisation de la recherche de profil. Les
questionnaires relatifs à la formulation de profil d’un individu tel que les demandent
213
l’indexation des individus réclament souvent, en plus de la localisation spatiale de l’individu,
des indications sur les domaines d’activités et d’intérêts de ces derniers. Puis, un croisement
de ces domaines avec les données d’état civil de l’individu (âge, sexe, taille, situation
matrimoniale) crée le profil de l’individu. Des individus qui ont à peu près les mêmes profils
se distinguent alors par un plus ou par un moins comprenant entre autres des caractères
psychologiques déclarés par l’individu lui-même. Les moteurs de recherche, cependant, ne
peuvent pas rendre compte de tous les profils des individus et de l’homme tout entier ; à peine
fournissent-ils seulement le nombre d’individus concernés par un profil donné. Or la question
qu’on se propose de répondre est la recherche de ou des profils qui regroupent le maximum
d’individus afin d’in faire le ou les profils de l’homme tout entier.
A l’état actuel de la technologie de communication donc, le thème de profil de
l’homme ne peut être que relatif. Dans cette quête du profil de l’homme, les études
sociologiques regroupent les individus selon des critères naturels (exemples selon le genre ou
selon l’âge), mais elles n’ont pas pus dépasser les limites culturelles des phénomènes
sociologiques. Par contre, les économistes pour leur part n’ont pas abordé l’homme à partir de
termes de profil, mais de phénomènes universellement vécus. Leur étude touche certes
l’humanité toute entière, mais elles n’ont pas pu parler directement de l’homme que par des
postulats. En économie, les postulats décrivent l’homme.
Pour notre part, pour identifier le ou les profils de l’homme, nous allons, non pas
découper territorialement l’homme ou procéder par un découpage sexuel, mais seulement
relativiser le terme « homme ». Cette façon d’agir relève de l’axiome identique à celle utilisée
par la science économie. A la différence de cette dernière cependant, nous allons donner non
pas un ou plusieurs axiomes de comportements, mais des axiomes portant sur la détermination
de thème de l’homme en toutes circonstances, en tout lieu et en toutes cultures ; en outre, nous
valorisons la mise en narration de l’homme pour construire un profil de l’homme. Pour nous,
ce qui importe n’est pas de savoir comment se comporte l’homme devant une situation
particulière (comme l’avait fait Vernon SMITH), mais qu’est-ce qui détermine le
comportement de l’homme en toutes circonstances. Nous étudierons donc l’homme non
souverain (car tributaire des circonstances) et déterminé par le récit, alors que l’économie
usuelle décrit l’homme souverain de ses choix et déterminé par le marché.
L’homme que nous allons représenter est alors un être souverain de ses choix,
conforme à la description de la majorité de la littérature, mais qui n’impose pas les
214
circonstances ; il est conduit à vivre des évènements dans lesquels il détermine librement ses
propres comportements. (Nous montrerons dans tout le Deuxième Livre que l’économique est
la circonstance générale du thème de l’homme). Le cadre intellectuel et moral qui lui a permis
d’affirmer cette proposition est aussi celui qui nous permet de dire que l’homme a une
disponibilité pour la force et pour la faiblesse.
Aussi nous allons construire, premièrement, un profil de l’homme sur la base de
déterminants du thème de l’homme, en toutes les circonstances, en tout lieu et en toutes les
cultures, et, deuxièmement, le profil de l’homme sur la base de l’imperfection de l’homme.
L’homme ainsi figuré est matérialisé à la fois par une description matérielle composée de
données étrangères à l’homme et par une description éthique composé de critiques de
l’homme. C’est une description de l’homme à partir de ses générateurs. On note d’ailleurs que
la bible a utilisé cette méthode pour révéler la nature de l’homme par le concept de « péché
originel ». La Bible, Le Nouveau testament, Evangile selon Jean, chapitre 8, versets 31 et
suite, rapporte que JESUS s’adressant à l’homme Juif mais aussi à l’homme en générale disait
que l’homme stigmatisé par un péché originel induit par le mal se comporte aussi de façon
maléfique. Le verset 44 est éloquent et mérite d’être rapporté car il esquisse l’homme :
« Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez
accomplir. Il était homicide dès le commencement et n'était pas établi dans la vérité, parce
qu'il n'y a pas de vérité en lui : quand il profère le mensonge, il parle de son propre fonds,
parce qu'il est menteur et père du mensonge »
Les actions et le comportement de l’homme ainsi que son désir sont déterminés par le
Mal : un homicide animé par l’ignorance des valeurs morales (la vérité) et tous ses
comportements viscéraux ne sont faites que de mensonge. D’après cette situation, un humain
semble être le pire des animés : un malfaiteur ayant un sens du bien et du mal mais qui a
choisi le mal. Nous ne savons cependant pas ce ou ses générateurs, aussi pour réduire
l’homme à une dimension de produit, et non pas toujours de producteur, nous avançons et
démontrerons que l’homme est le produit de la narration et de l’imperfection.
I – De la construction du profil de l’homme indépendamment de l’homme
La représentation artistique de l’homme met en relief le corps en essayant de focaliser
sur des aspects particuliers : la posture pour les uns (pour avoir un cliché), la beauté pour
215
d’autre (pour avoir un portrait ou un plan). Ce procédé de représentation de l’homme est le
profil. Il est d’usage dans la sculpture grec de l’Antiquité où le thème de l’homme est présenté
par leur anatomie, ses actions et ses émotions. La figure n’est que secondaire, au profit des
symboles avec lesquels l’individu est reconnu.
Nous chercherons l’évidence du perceptible de l’homme (en général) et qui figure
dans toutes les représentations de l’homme en vue de donner un contour du noyau dure du
thème de l’homme.
Le problème, cependant, est que le corps humain n’est pas seulement du corps charnel,
mais aussi de l’encastrement d’objets ; il n’est même pas une forme mais seulement des objets
visibles et tangibles qui accompagnent inévitablement le corps, sinon des manifestations de
signes. Le corps est alors l’objet de regards scrutateurs se trouvant entre les pôles
diamétralement opposés suivant : celui qui cherche le corps humain à l’intérieur des parures
sans les objets qui font ses valeurs (ou celui qui le cherche à travers les parures) et celui qui le
cherche dans la société (ou celui qui le cherche à travers ses signes, sinon, un regard qui
s’intéresse aux apparences ou aux formes fournies par la présence du corps). Ce regard est
matériel et est fortement combattu par certaines religions.
Entre ces façons de voir l’homme (à partir de son corps), une troisième façon de voir
et de décrire l’homme s’installe : celui du narrateur qui, tout en reconnaissant la réalité du
corps, exige pour lui de la violence et de la privation (ascétisme) pour qu’apparaît un autre
corps : celui qu’il appelle la vrai nature de l’homme, l’âme ou l’esprit. Pour cette approche,
l’homme ne peut pas être décrit, parce qu’il est en perpétuelle évolution ou dans une situation
de devenir, mais le peu qui se dit sur lui est bien dit parce qu’il souffre ; grâce à cet état de
souffrance, l’homme vaut la peine de narration. Ce n’est pas que l’homme a des sentiments
qu’il peut être l’objet d’une narration, mais parce qu’il souffre dans et par ses sentiments que
l’homme peut être susceptible d’être narré. Le rapport entre l’homme susceptible d’être narré
de la littérature et celui de l’économie qui est taraudé par des besoins que s’inscrit dans cette
troisième perspective.
Le thème de « nu » s’inscrit naturellement en parallèle de l’appréhension de ce qui est
représenté en l’homme. .L’Ancien testament biblique est une des littératures qui en parle. Ses
rédacteurs écrivaient que les premiers hommes (c’est-à-dire l’homme et la femme) étaient nus
216
(pluriel « μyMiWr[ » singulier « μroy[ » littéralement « aroumim »127), mais avec un sens et des
connotations différentes de celle de la langue française, sauf dans quelques citations : Gen
3 :10-. Dans certains cas, il est traduit par « dépouillé de vêtement » (voir également Job 22 :
6-). Le vocabulaire utilisé par les Hébreux pour le mot « nu » est aussi utilisé dans d’autres
circonstances par « gens habiles » (Voir Job 5 :12- et Job 15 :5-), ou encore « ville » (Voir
Genèse 34 : 20-). Le corps humain est dépouillé de vêtement sinon nanti d’habileté. En outre,
dans la bible et d’après les propos du rédacteur du thème d’Adam, la nudité n’est pas
honteuse, mais effrayante. Elle est aussi l’opposé de la richesse. La langue hébraïque est
truffée de mots de plusieurs sens que des fois il est difficile de comprendre le sens exacte des
mots qu’elle donne. La représentation littéraire de l’homme est de ce fait et finalement un être
aussi abstrait que celui de la représentation de l’homme de l’économie.
Les caractéristiques des récits fondés sur les critères de la recherche de l’homme à
travers son corps, à notre avis sont : 1°) ces récits glissent facilement entre le thème de
l’homme en général vers celui d’un individu choisi (le héro). Entre ces deux thèmes, le
contraste est toujours frappant et attire l’attention, alors qu’on parle d’un même sujet, en
l’occurrence, l’homme. 2°) il est question de choix – généralement le bon – fait par le
protagoniste 3°) Le thème de récompense qui est un profit non pas matériel mais spirituel, un
profit digne de la grandeur et de la nature de son donateur (et qui est souvent non
compréhensible, sinon peu intéressant pour une personne non initiée).
Le modèle économique de l’homme ainsi que son hypothèse de la rationalité sont
associées à ce type de récit sur l’homme. Il regarde à la fois l’homme qui se vêt de la société
et l’individu. Il raconte en effet la rationalité de l’homme dans une situation plus ou moins
appropriée pour l’apparition de cette rationalité, ou plus précisément il relate le comportement
d’un homme qui utilise la raison lorsque l’occasion se présente. Cette dernière est le choix
décisif et déterminant de l’avenir de l’homme. Le choix en faveur de l’ascétisme ou plus
précisément en faveur d’un devenir par l’homme en général, par exemple, en est de ses
thèmes implicites. L’ascétisme n’apporte à l’homme qu’une décision qu’Herbert SIMON
qualifie de « satisfaisante » ; si ‘homme n’a pas choisi l’ascétisme, quelque part en lui ne
serait pas satisfait, et que cette insatisfaction est plus importante que celle que lui fournit
l’hédonisme. Il appartient alors à certaines littératures de vanter la supériorité de l’ascétisme
par rapport à l’hédonisme. Les héros partagés entre la littérature et le modèle de l’économie
127 La Bible, Ancien testament, Genèse, Chapitre 2 verset 25
217
sont par exemples, l’épargnant (parce qu’il sacrifie le présent pour l’avenir, et son choix est
jugé par lui « satisfaisant » car il n’a agi qu’en fonction d’une croyance forte en l’avenir), ou
encore le modèle économique de la religion et qui est traduit en littérature en termes de
« conversion religieuse » ; d’une façon générale, l’homme narré, à la fois par la littérature et
l’économie est l’homme confronté à un choix déterminant de son avenir. Il opère alors un
jugement de croyance. Dans la littérature économique, le thème associé à ce jugement est le
« modèle de l’utilité espéré ». Dans la pratique, cette situation est narrée dans le cas où
l’homme se révèle par la narration dans des circonstances où une décision doit être prise et
que l’homme est rémunéré non pas forcément par un gain matériel, mais par un sentiment de
satisfaction. Tel est le cas de la décision d’Abraham de quitter son Ur natal (voir Genèse,
chapitre 7), sinon des individus qui semblent être animés par une force déterminante que le
jargon littéraire appelle « le destin » (Nous étudierons ce type de récit dans le Chapitre III
Section III Paragraphe 2 - II – A).
Les récits de la recherche de l’homme par le corps se forment autour d’une trame de
séparation du protagoniste dont le mot-clé est « mettez à part ! », ou en malgache de la
bible128, « atokany ! » énoncé dans le récit. Arnold Van GENNEP en parle dans son « Rite de
passage » mais avec un sens différent, celui de « séparez ! ». La différence entre ce dernier et
le premier est que la séparation est pour le premier une consécration – conformément au
thème juif de sainteté -, alors que pour GENNEP la séparation est un isolement physique et
spatial et s’achève avec le passage vers un autre espace – pas forcément géographique. Le
récit économique ne possède pas cependant cette trame. Le récit économique, jusqu’à présent,
n’a pas la prétention d’identifier le modèle économique par un homme, mais par un modèle de
formulation mathématique. Il partage la caractéristique de certains héros qui n’ont pas existé.
Mais à la différence de ces héros de la littérature dont l’existence est encore à démontrer,
l’homo œconomicus n’a pas de nom ; à peine le reconnaît-on par le nom du programme En
voici quelques exemples, le Dynamique multisectoriel (DMS) utilisé pour la planification de
l’économie française des années 70, ou encore le Modèle « Rapid » pour le développement
économique. Dans leur narration, la littérature économique retrace alors l’effet de la présence
de chacun de ces modèles sur une partie ou sur l’ensemble de l’économie.
128 Le mot « atokany » (ou « isolez ») à l’exemple de ce qui est narré dans « Les Actes des Apôtres », chapitre 13 : 2- . Dans le sens du rite de passage, cependant, le mot approprié est « séparez »(Voir le thème de « séparer » Livre 1 - Chapitre 1- Section 1 - Paragraphe 1 - I – B),
218
A – Les récits économiques et littéraires de l’homme retracent l’histoire
de l’homme non souverain
La détermination extérieure est mal formulée en littérature aussi bien qu’en économie.
Elle est formulée en termes d’oracle divin dans les littératures croyantes (en la divinité) ou
d’inspiration de l’esprit d’un défunt notamment les ancêtres (pour une littérature d’inspiration
qui croit en l’homme ou en à la nature), alors qu’en économie, l’indétermination se présente
en termes d’inconnus et de probable. Pour cette discipline, certains phénomènes ou certaines
institutions ne peuvent pas être déterminés : le marché de concurrence pure et parfaite ou des
phénomènes indépendants de la volonté humaine. Dans ce présent paragraphe, on s’interroge
s’il y a un lien entre la façon dont se raconte l’indétermination et celle dont cette dernière est
analysée. Dans certains pays où les Ancêtres sont respectés, l’oracle des défunts rois occupe à
peu près les mêmes places qu’une théorie économique ou une philosophique du marché. Les
possédés, tout comme le marché, peuvent donner de l’impulsion aux agents comme peut le
faire aussi le marché. Les propos des inspirés peuvent aussi être reliés à une analyse
économique utilisant la répétition des phénomènes et les caprices de la nature.
1°) Le récit économique des oracles
Les récits conjoints du marché en économie et les propos des oracles dans la littérature
sont composés, si on peut le dire, de « la raison de dieu » ou éventuellement de la logique des
mythes et qui est accepté comme étant un motif supérieur à une action humaine. En fait, en
étudiant conjointement le récit économique et le récit littéraire, étant donné le contraste en
matière de la rationalité entre ces deux disciplines, nous voulons lier deux idées que la
littérature trouve plaisir à mettre en opposition : la logique et le mythe : La mythologie avec
laquelle certaines littératures expliquent et décrivent le réel possède lui aussi sa logique. Nous
montrerons alors que cette mythologie que l’on peut aussi appeler de raison supérieure est
aussi économique. De même, dans la croyance aux informations du marché, il y a aussi un
jugement de croyance frôlant la mythologie.
Pour ne pas défendre une thèse non usuelle dans le domaine de la science économique,
nous allons argumenter nos propos seulement par des illustrations. Notre objectif est toujours
de montrer que le discours de l’économie et le récit des littéraires se joignent pour consigner
la situation de l’homme au tournant de sa vie.
219
Les oracles sont les propos inspirés d’une divinité (une Muse). Ils sont systématisés
dans les religions de possession ou de transe. Face à eux, l’économie s’inspire des statistiques,
de l’histoire, des observations paradoxales et des curiosités intellectuelles. Pourtant entre ces
deux sources, il existe un lien : tous deux sont des récits et ont permis à des communautés
d’avoir une éthique de comportement et de discours explicitant et justifiant les faits.
La différence, cependant est que l’oracle relève du mythe, des faits de personnages
fictifs ; il accorde une place importante au savoir faire du narrateur, alors que le récit
économique procède d’un compte rendu d’un fait recueilli avec des instruments conceptuels
et méthodologiques particulières. Le récit économique est, ou bien une confirmation ou
précision des faits déjà exposés ou l’apport de nouveaux faits devant un public à
conscientiser. Dans ce dernier cas, l’action consiste à insérer un discours dans un ensemble
donné de discours.
Les mythes dont l’oracle fait partie, peuvent être une réalité qui n’a pas de place dans
les domaines explicables par la science et la logique, pourtant, elles ont soutenues des
institutions, inspiré des hommes et suggéré des poètes et écrivains (COMMELIN 1837) : Le
mythe a permis à certaines communautés d’avoir une histoire; et de construire un thème de
l’homme et une certaine représentation de soi, un construction d’identité. La bible et la
mythologie grecque (plus particulièrement l’oracle de DELPHES) ont leur thème de la
narration de l’homme au tournant de leur vie. Les oracles se sont substitués à la raison, ou à la
conscience de l’intérêt de l’homme, pour faire en sorte que l’intérêt matériel devient
secondaire. Puis, le mythe se prolonge dans la vie quotidienne sous forme de participation
dans l’élaboration de la façon de faire technique de la production, ou de la consommation par
exemples. Les Juifs en font le frais : dans leur mythe, l’oracle divin leur a donné, par exemple
de se laver les mains avant de prendre une nourriture. Puis, au temps de JESUS, un autre
enseignement sur le sens de cette action est donné entraînant une modification de
l’interprétation du mythe.
Déjà sous l’Empire romaine, les attaques militaires sont décidées après une
consultation de l’horoscope ou de divins. Les religions apparaissant après la chute de
l’Empire romaine met le poids sur des oracles écrites qui demandent une lecture éclairée, une
interprétation éclairée de prêtres-divins. Ces derniers, forts de leur savoir d’initiés et de leur
rite caché, s’érigent en pouvoir sur les mondes spirituels et matériels ; ils ont clamé la relation
entre le matériel et le spirituel. Ce type de discours ne se rencontre pas dans la littérature
220
économique, mais dans celle de la religion. C’est ainsi que le récit sur le processus
d’enrichissement développé par certaines religions chrétiennes (théologie de la prospérité) ou
musulmane. Leur ressemblance est que d’abord il faut croire à la source de l’information,
qu’est Dieu ou Allah, ensuite que cette divinité est omnisciente ou capable de tout savoir
avant que les choses arrivent. Cette dernière conception induit à une affirmation
fondamentale : tout ce qui est et tout ce qui sera est déjà écrit ou connu d’avance par une
puissance extérieure. Cette extériorité se traduit par une extériorité dans le temps et dans
l’espace, la formation d’une substance ou d’une puissance dénommée et identifiée.
La relation entre la mythologie et l’économie est relatée dans les livres de religion et
des oracles. Le problème justement est que l’oracle n’a pas défini l’homme en lui-même mais
par rapport à un potentat extérieur. La narration de la vie JOB (voir la bible, Ancien
testament, Job, chapitres 38 et 39-) est un recueil où le narrateur s’éclipse totalement après
une mise en scène théâtrale selon laquelle dieu se cache dans les « ténèbres » ou dans les
« tempêtes » et s’adresse à Job, présenté en homme nu et pauvre. La scène est tellement
contrastée, et les propos de dieu étaient orientés sur le thème de la création jusqu’à la création
de l’homme, laissant alors à JOB de continuer par la suite sur la différence entre dieu et
l’homme : l’omniscience. Ce récit a le mérite de montrer la différence entre l’homme et dieu
en indiquant l’absence de l’homme lors des moments cruciaux de la nature. Dieu n’est pas
seulement le technicien qui a établi les fondements de la nature, mais aussi, la force qui peut
la dompter. Justement, ce thème est ce qui manque à l’économie : un système qui ne peut pas
être dompté par l’homme. Le récit de JOB montre l’homme nu et pauvre en face d’une nature
indomptable, alors que la science économique montre l’histoire de l’homme pauvre devant un
marché imprévisible.
Des fois, il arrive aussi que l’oracle prend sa forme contraire : le silence « radio » de
l’au-delà. C’est un moment pénible pour l’homme, car plein de solitude, ou de sentiment de
culpabilité. La littérature – du moins religieux – poursuit son investigation sur le sens de la
souffrance. En transposant les faits de JOB au peuple juif subissant l’extermination par le
Nazi, un juif, dénommé Zvi KOLITZ écrivait un livre intitulé « Yossef Rakover s’adresse à
dieu »129 explique la situation par l’argument biblique suivant : « dieu a voilé sa face ».
D’autres arguments de ce genre soutiennent encore dans sa quête de raison de cette
129 Zvi RAKOVER, 1946, « Yossef RAKOVER s’adresse à dieu », publié dans une revue yiddish de Buenos Aires, et édité par Calmann Lévy en 1996, cité par Bruno ALEXANDRE, « Job La shoah et la raison », texte sur Internet
221
extermination que dieu peut être humainement mauvais, mais sa loi est bonne. Finalement,
Yossef Rakover s’est trouvé un réconfort en jugeant « terrible » la grandeur de dieu que ce
dernier ne peut pas être atteint par la catastrophe humaine. D’autres Juifs (exemple le Rabbin
BERKOWITZ cité par Bruno Alexandre) se sont réfugiés derrière la foi pour expliquer
l’indétermination de leur situation. Pour eux, l’absence (le voilement de la face de dieu) de
dieu est aussi une … présence, car elle permet de rendre compte la valeur de la présence de
dieu. Quand dieu se voile la face, les hommes sont libres de manifester leur véritable
comportement dont le shoah en est un exemple.
Enfin, d’autres explications avancent que le shoah (ou l’irrationnel) s’explique comme
étant une tragédie existentielle par laquelle l’homme permet de s’affirmer. Le shoah est alors
comparable à l’absence de dieu qui a permis à EVE, la première femme, d’introduire le péché
originel.
La lecture économique des oracles ne se fait pas par des textes religieux sur la
production ou sur l’enrichissement, mais aussi par la violence ou la nécessité de la violence
dans la pratique religieuse. Le silence de dieu ou l’exhortation des propos considérés comme
venant de dieu à résister à la souffrance sont des faits qui, par le biais de l’ascétisme, conduit
à des activités économiques, comme les montre la théorie de Max WEBER dans son
« L’éthique protestante et l’esprit du capitalisme » (1905).
Devant l’indétermination, certains économistes, pour leur part, cherchent à améliorer
leur modèle pour une meilleure compréhension du monde, sinon ils introduisent la probabilité
dans leur modèle. Leur récit revient alors à identifier les indéterminés et à mesurer leur
conséquence. Deux types de modèles découlent de cette attitude : le modèle déterministe et le
modèle probabiliste. L’attitude des économistes – qui sont en réalité le narrateur des récits
économiques – est important lorsque le fait évident échappe à leur raison : les uns
s’accrochent à leur modèle (comme les Juifs s’accrochent à leur foi et non plus à leur dieu),
alors que d’autres, à l’instar de l’historien de l’économie KINDLEBERGER, à leur discipline
et changent de référents. Pour ces derniers, en effet, les faits sont immuables et l’homme
historique ; conséquence, pour expliquer le fait économique dit nouveau, il faut changer la
façon de voir l’homme.
Dans un modèle déterministe, le récit économique part d’un fait sans interférence avec
d’autres. Puis progressivement, d’autres évènements sont ajoutés jusqu’à ce que l’ensemble
de la situation soit exposé. Exemple : à l’époque d’Adam SMITH, le prix de transport
222
maritime ne comptait pour presque rien dans le prix d’une marchandise et le prix pratiqué
dans les différentes régions d’Europe, considérées comme un grand marché, était unique. Puis
avec le temps, l’information sur l’offre et sur la demande des différentes régions entre en jeu.
Elle est maîtrisée par les négociants. Le narrateur (l’économiste) cherche alors à raconter (ou
en termes scientifiques « à expliquer » ou à « décrire ») les effets des activités des narrateurs
(FESSARD 2005). Le récit économique, à la différence de celui de la littérature en général,
cherche à comprendre avec les détails nouveaux les faits que plusieurs narrateurs peuvent
essayer de capturer. Le narrateur de l’économie est un simple être humain doté de sentiments
et de raisons ; dans sa position il représente à lui tout seul « l »’être humain qui est témoin du
fait qu’il raconte. Rien ne le distingue d’un narrateur des faits quelconque.
2°) Le récit économique de la littérature politique et de la littérature scientifique
La littérature politique désigne les expressions écrites ou orales et symboliques du
pouvoir ou qui accompagnent la conquête du pouvoir. Ce sont les expressions d’un individu
ou d’un groupe d’individus dans un discours sur un rapport de force, les discours du
vainqueur sportif ou militaire, ou encore le dirigeant d’entreprise qui a réussi dans ses
activités. Ce n’est pas le contenu des slogans et des revendications collectives qui nous
intéresse, mais la narration de l’exercice du pouvoir par l’homme, là où ce dernier manifeste
sa volonté et là où il subit une volonté, et pour cette raison, le point de départ de la réflexion
n’est pas le thème de l’homme, mais de l’expression ou de la manifestation de la conscience
de besoin ou de celle du désir ou encore celle de la pulsion, bref l’élan qui pousse l’homme
vers une action productrice. Cette expression ou cette manifestation est en réalité une sorte de
conscience de risque sinon une promesse de gains et qui s’est avéré juste et vérifiée. En effet,
dès que l’homme manifeste son désir, alors dans un sens, il réalise à la fois sa faiblesse et sa
force. Le récit du désir est de ce fait un récit de la force extérieure qui agit sur l’homme.
Les discours politiques, les déclarations politiques, échappent de plus en plus aux
contextes locaux et de groupes pour pénétrer dans le domaine de l’économie mondiale et
prendre une dimension philosophico-politique frisant une sentence divine. Ils se cachent dans
des termes diplomatiques d’une déclaration solennelle, car, dans leur teneur, ils sont adressés
à des individus titrés, des chefs d’États et des fonctionnaires décisifs. Leurs contenus sont
proches d’une anticipation de ce qui est imminent et inévitable. La déclaration des chefs
d’États africains, réunis lors du 6eme sommet du comite des chefs d’État et de gouvernement
223
charge de la mise en œuvre du NEPAD le 9 mars 2003 à Abuja, Nigeria, par exemple montre
que :
« nous avons rappelé notre engagement commun […], à éradiquer la pauvreté et à
engager nos Etats, individuellement et collectivement, sur la voie d’une croissance et d’un
développement durables et, dans le même temps, à prendre part activement à l’économie et à
la politique mondiales sur un même pied d’égalité. Nous réaffirmons cet engagement comme
notre devoir le plus pressant. »
Les thèmes (du récit) parlent d’ « engagement » (pour ne pas dire « volonté »)
d’éradiquer la pauvreté, dénotant ainsi l’image de l’homme cerné non plus par la richesse,
mais par la pauvreté. Le héro ou plus précisément les héros sont les potentats composés de
chefs d’Etat et de gouvernement ; ils narrent une réalité : la puissance de la pauvreté poussant
ces hommes d’État vers un … engagement (à défaut de volonté). Les termes de ce discours
sont à comparer avec les travaux d’études des chercheurs indépendants portant sur l’étude du
fonctionnement de la politique en Afrique. Ce discours cèle sur la vision africaine des
déterminants de la politique. En effet, dans ce continent, ce n’est pas la « volonté » ou
« l’engagement » seuls qui entrent en jeu, mais aussi l’influence des forces invisibles sur le
comportement et sur la compréhension de la situation. Heureux est alors qui est investi de ces
forces invisibles car le pouvoir lui revient et il est prédestiné à la fonction de guide des
hommes ; il représente le sur-homme, et il sera narré en tant que « artiste » (dans le sens de
VIRGILE130 du terme). Les chercheurs occidentaux peuvent utiliser l’expression de la
croyance à l’horoscope dans la détermination de l’opportunité des affaires, mais plus fort que
l’horoscope, les Africains croient aussi à l’influence de la sorcellerie131 et de la prédestination.
La question cependant reste : la reconnaissance sociale de la sorcellerie est-elle une
autre source d’une dénomination différente de l’homme ? Est-ce que le thème de la sorcellerie
permet-il de savoir plus sur l’homme (en tant que administrateur d’un pouvoir surnaturel) ?
est-ce que ce thème contribue-il à la construction de l’image de l’homme ?
La réponse se trouve encore dans les discours des politiciens africains. Au Cameroun
en 1987, durant leur crise politique, un chercheur universitaire réclame pour comprendre et
130 Voir « Introduction du chapitre 1 – La question) 131 Voir SCHATZBERG Michael, G., « La sorcellerie comme mode de causalité politique » in « Politique Africaine », n° 79, octobre 2000, pages 33-47 (SCHATZBERG 2000)
224
résoudre la crise, 1°) l’usage de la science sociale, 2°) l’abandon de la croyance et de la
pratique de la sorcellerie 3°) tenir un discours qui se démarque du jugement de croyance132.
En extrapolant les propos de cet auteur camerounais au un contexte de la théorie de
l’évolution, nous dirons alors que seuls les scientifiques peuvent survivre car la crise politique
devient de plus en plus fréquente et universelle, et les gens qui n’ont pas d’orientation
scientifique appropriée perdent leur sens d’activités, car ils n’ont pas le mot approprié. Le
problème de l’économie africaine, dans ce sens, n’est d’ailleurs pas l’insuffisance des facteurs
(car l’Afrique dispose des ressource naturelles et du travail), mais des mots pour raconter ce
que leurs agents économiques font. Des décisions se prennent, mais elles ne sont pas
consignées.
L’époque que nous vivons est donc une période critique pour l’homme non
scientifique. La religion tient aussi ce genre de discours. L’occasion serait-elle peut-être de
parler du cas de Madagascar avec non seulement le rôle que tient et qu’on attribue à la
Communauté des Eglises Chrétiennes de Madagascar (FFKM), mais aussi avec le contenu des
messages envoyés directement par les chrétiens sous forme de demande de repentance auprès
du Seigneur Créateur ou d’intercession pour le pays (« vavaka ho an’ny tanindrazana » ou
« vavaka ho an’ny firenena »).
Un autre document, cette fois-ci un travail d’experts sur la situation agricole à
Madagascar justifie leur action (la production de l’article en question) par la phrase suivante :
« De par les thématiques abordées tout au long de ses chapitres, ce livre constitue une
contribution inestimable pour la mise en œuvre du DSRP (Document de la Stratégie pour la
Réduction de la Pauvreté) et du PADR (Plan d’Action pour le Développement Rural). Il
fournit en effet des éléments de référence pouvant servir de guide pour les actions de
développement sur terrain, notamment celles relatives au secteur rural. »
Dans ce document, les moyens sont présents (le DSRP et le PADR), mais une
orientation menant vers « l’ennemi » fait défaut. La représentation de l’homme décrit sinon
évoqué est celle de l’homme armé de moyens pour lutter contre la pauvreté et de moyens pour
orienter les premiers moyens. Le DSRP et le PADR sont peut-être des moyens efficaces, une
arme universelle du développement, mais un instrument d’identification de cible leur manque.
L’arme de l’homme moderne est un instrument puissant mais aveugle et humainement
132 Ibidem
225
limitée. En elle-même, elle mérite une narration ne serait-ce que pour montrer sa faiblesse de
la rationalité humaine. Le DSRP est une manifestation à la Malgache de la liberté des Etats
membres en matière d’élaboration de la politique économique. Cette liberté, cependant, tient
en considération les stratégies des Institutions du Bretton Woods en matière de
développement. Conséquence, le document du type de DSRP est une forme appropriée par les
malgaches des principes de Bretton Woods (RAFFINOT 2009). Ainsi, quelque part, un récit
est en train de se créer.
Le récit biblique de la création décrit cette force extérieure comme un serpent (ou
« Léviathan », puis le « dragon ») parlant (que d’autres auteurs psychanalystes considèrent
qu’il s’agit d’une impulsion sexuelle). Les propos tenus se portent sur la description de la
faiblesse de l’homme ou de la nature de l’homme par rapport à celui de dieu : l’interdiction
alimentaire. La prise de conscience s’achève par le constat poussant à l’action suivante et
narrée par le rédacteur : « La femme vit que l'arbre était bon à manger et séduisant à voir, et
qu'il était, cet arbre, désirable pour acquérir le discernement »133 Cette phrase est maintes fois
commentée pour montrer l’origine du pêché : la vision du bien et agréable, c’est-à-dire une
conception esthétique, ainsi que sa faculté de rendre intelligent. Les commentateurs bibliques
en déduisent alors que EVE voulait à la fois satisfaire un besoin immédiat (satisfaction de la
consommation) et un besoin que l’on peut qualifier de supérieur (la connaissance).
La rédaction biblique n’est pas singulière dans le récit d’un évènement où l’homme (la
femme) est tenté par une apparence derrière laquelle se cache une force agissant sur lui.
L’histoire de la fille de DEMETER un personnage de la mythologie grecque en est un
exemple. L’histoire est la suivante : DEMETER, une déesse de blé a une fille,
PERSEPHONE. Un jour, cette dernière est ravie par HADES le maître des Enfers. Pour la
récupérer, DEMETER cessa de rendre fertile les champs, obligeant dieu (Zeus) d’intervenir.
HADES accepte de rendre PERSEPHONE, mais par une ruse, il l’a fait manger la nourriture
des morts, ce qui l’oblige alors à revenir régulièrement dans le royaume des morts. Ce récit
évoque sur plusieurs points le récit de EVE : elle a rencontré le « Mal », et a mangé un fruit
interdit. Des forces agissent alors sur elle : la faim et la joie de trouver de la nourriture, et la
celle de la mort.
Le récit des forces agissant sur l’homme est étonnant : il est révèle à la fois la faiblesse
de l’homme et de la femme ; il introduit une autre puissance cachée de l’homme. Le récit de
133 La Bible, Ancien testament, Genèse, Chapitre 3, verset 6
226
la déchéance de l’homme à la suite de la séduction de la femme est aussi un récit sur
l’apparition de la victoire du descendant de la femme sur le Mal. L’annonce de la force de
l’homme se prolonge d’ailleurs dans le récit du meurtre fratricide d’Abel par CAEN : «le
péché n'est-il pas à la porte, une bête tapie qui te convoite, pourras-tu la dominer?»134 Dans
d’autres versions bibliques, cette phrase n’est pas de forme interrogative et se traduit par une
affirmation : « ses [la peine du pêché] se rapportent à toi ; et il sera sous ta puissance » est la
traduction de la Bible Osterwald (1877). Conséquence, le récit de la domination extérieure est
aussi un récit de la révolte de l’homme devant un phénomène qui l’a dominé.
La science économique a plus ou moins repris ce récit de l’homme : les économistes
de l’Antiquité grecque avaient représenté en termes de machine, comme un dieu sorti de la
machine, puis comme un animal dont la tête (le capital) est le point névralgique à partir
duquel la capture se fait. Le mot « capital » est d’ailleurs resté en usage en économie pour
désigner le point important du système. En luttant contre le capital, le récit de l’économique a
introduit de nouvelles capacités de l’homme : la prévision et l’anticipation.
3°) Le récit économique de la vie quotidienne
Le récit du quotidien est généralement confondu avec le récit du quotidien de la
femme notamment dans ses activités domestiques, ou encore le récit du quotidien n’a rien
d’intéressant que dans son dénouement matériel et social. Il ne concerne d’ailleurs pas
l’homme en général, mais l’homme appartenant à une classe sociale dans une société
hiérarchisée et ouverte, à l’exemple de la société bourgeoise du XXe siècle. Le magazine
« Alternatives économiques » a consacré un article à ce propos dont en voici quelques cas
relevés135 : « Le Guépard » de Guiseppe di Lampedusa, en 1963 retrace le tourment
intellectuel et sentimental d’une vieille aristocrate terrienne qui est obligée de s’allier avec la
bourgeoisie montante ; « Le quiconce » de Charles PALLISER raconte la vie quotidienne à
Dublin du XIXe siècle par la vie que mènent un jeune homme et sa mère, tous deux ruinés par
une sombre histoire d’héritage et de financier véreux. D’autres romans décrivent des thèmes
usuels de la sociologie et qui sont facilement reprise par la science économique.
Ces romans cependant ne retracent pas la vie quotidienne toute entière, mais
seulement la partie qui mène vers la trame du récit : l’ascension sociale ou la descente,
134 La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 4, versets 7 et 8 135Voir Alternatives économiques, « Roman pour l’été : histoire économique et sociale » n° 216, du Juillet 2003, page 56
227
l’enrichissement ou l’appauvrissement. En apparence, le récit de l’homme ne peut se délimiter
dans la moule du temps. Le temps montre l’évolution et le changement, alors que l’homme,
tel que se le représente chaque homme est immuable. Aussi un récit de l’immuable n’a pas de
sens ; pourtant la science économique s’efforce de rendre compte de cette immuabilité par
l’usage de l’axiome de comportement. Dès le chapitre introductif de la Richesse de Nations,
Adam SMITH révèle le comportement spécifiquement humain par le lien entre le travail et la
consommation.
« Le Travail annuel d'une nation est le fonds primitif qui fournit à sa consommation
annuelle toutes les choses nécessaires et commodes à la vie; et ces choses sont toujours ou le
produit immédiat de ce travail, ou achetées des autres nations avec ce produit.» (SMITH
1776, page 12)
Cette phrase montre ce que fait l’homme dans la vie : fournir du travail et consommer
pour des raisons de nécessité et de commodité. Le travail peut aussi être l’antithèse de la
consommation qui est elle-même une quête de satisfaction, à tel point que, sans aucun doute,
dans la suite logique de cette pensée, le travail est une sorte de remède à l’insatisfaction
ambiante de l’homme. L’image qui découle du récit économique de l’homme est donc la
présentation formelle de l’économie selon qui, l’homme est un être de besoin doté de moyen
pour atténuer ce dernier. Aussi, ce qui se raconte à propos de l’homme c’est principalement le
tiraillement entre la paresse et l’action, ou encore la puissance des besoins sur l’énergie
humaine. L’homme décrit par la science économique est alors un loup chassé par la faim hors
de son bois. Ces natures cependant sont tellement ordinaires évidentes qu’elles se passent de
commentaire.
Les faits domestiques font rarement l’objet d’un récit, peut-être à cause de leur
banalité, pourtant des choix importants sont déclenchés par ces activités. Aussi quand une
ménagère malgache se demande quels mets accompagnant le riz qui est l’aliment de base
(littéralement la question est « inona indray ny laoka ?» que faut-il faire comme mets ?) faut-
il – ou va-t-elle – préparer, ou encore quel vêtement va-t-on porter jour en question, des
propos de goûts, de budget et de hiérarchie de préférence ou de préférant sont en jeu. En fait,
le tout est noyé dans des termes de banalité, de routine et de quotidien, et surtout de l’oubli.
L’anthropologie a reconstitué et classé quelques unes de ces banalités, mais le travail de
FREUD sur la « Psychopathologie de la vie quotidienne » permet de resituer le thème du
quotidien dans une perspective de l’homme et du récit de l’homme (FREUD,
228
Psychopathologie de la vie quotidienne. Application de la psychanalyse dans l'interprétation
des actes de la vie quotidienne 1901).
Dans sont livre, FREUD étudie la cause des oublis fréquents de la vie quotidienne :
des oublis (des noms) et des souvenirs (d’enfance), des erreurs, des méprises et maladresses.
L’analyse de FREUD est surprenante car elle permet de comprendre l’histoire universelle
sous un autre point de vue ainsi que de lier des propos éparses dans un référentiel commun :
pour lui, l’oubli (des noms propres) provient de l’omission de détails dans certains cas et de la
netteté d’autres détails entraînant un « faux souvenir ». Ce processus intellectuel se retrouve
aussi dans le récit : la domination de certains détails extérieurs au système. Ces détails qui
dans un sens sont encore personnels et ne se présentent pas encore comme un phénomène
social ou collectif. Certains détails font la vie de tous les jours et entrent rapidement dans
l’oubli. Comment les détails s’incrustent-ils dans la vie quotidienne pour s’imposer ? Quels
sont ces détails ? De quel phénomène tiennent-ils ? Telles sont les questions qui mènent vers
la formation d’un thème du quotidien déterminant de la connaissance de l’homme.
Les pistes menant vers les détails de la vie qui s’incrustent dans la vie quotidienne ont
été indiqués par FREUD en termes de « faux souvenirs »136. Mais des faux souvenirs dont
relatent FREUD sont plutôt en rapport avec l’association d’idées ou de concepts : le quotidien
est composé de matériaux conceptuels ou idéaux, qui, en association les uns avec les autres
deviennent des concepts dominant le présent. L’exemple est donné par FREUD lui-même : un
nom familier peut être momentanément oublié, parce que le souvenir d’une conversation
antérieure durant laquelle des mots ou des bribes de mots ont été associés pour former un
thème qui remplace celui qui est cherché137. Si la vie quotidienne est composée d’activités de
136 Ces faux souvenirs persistent encore dans certaines communautés, notamment malgaches, sous forme de souvenir ou de réminiscence de souvenir des propos royaux. RAISON-JOURDES en avait retracé le cas des effets du souvenir des propos réels ou prétendus du « Andriamanjaka » (l’équivalent malgache du titre de royauté) ANDRIANAPOINIMERINA. Cette façon de voir peut aussi être étendu aux influences des personnes sanctifiées comme NENILAVA dans le mouvement religieux luthérien de Madagascar, et éventuellement de saints de l’église catholique. Ce sont les propos tenus pour être ceux des saints ou de certaines personnalités qui forment les thèmes du quotidien déterminant de la connaissance de l’homme ; ce sont des ordalies citées dans le paragraphe ci-dessus. 137 FREUD ne se souvenait momentanément pas d’un nom d’un peintre qui, ne lui est pas du tout étranger. Cherchant les causes de cet oubli et surtout les raisons de la substitution de ce nom par deux autres dont l’un même n’est même pas dans le langage ordinaire de FREUD. Ce dernier se souvient que auparavant, il avait une conversation avec une autre personne sur un sujet en rapport avec la peinture et durant laquelle il était marqué par des bribes de mots qu’il a gardé dans la tête. En collant ces trois mots, on peut former des idées suggérant le thème. En supposant que cette démarche intellectuelle est aussi valable pour d’autres situation de pertes de nom, nous dirons que le récit et la communication entraîne une sorte de perte de concept. L’homme ne se souvient pas de ce qu’il veut penser dans la réalité, mais seulement des associations de mots suggérant l’idée qu’il veut représenter
229
nomination et de conceptualisation, alors certainement dans le langage quotidien de l’homme,
dans les communications et les conversations faites par celui-ci, il n’y a que des méprises et
de fausses représentations. Aussi, quand la ménagère malgache se demande quels mets elle va
préparer pour le repas de la journée, la réponse sera puisée non pas dans les souvenirs des prix
et de l’évaluation du budget, mais des mots – issus d’association de concepts utilisés lors
d’une conversation marquant la ménagère en question. Des choix sur des produits évoqués par
des souvenirs inconscients en découlent. Ce n’est pas la préférence en faveur d’une légume
particulière ou de l’importance de son revenu et du budget qui déterminent les emplettes de la
ménagère, mais le hasard de la réminiscence des bribes de mots d’un moment fort d’une ou de
plusieurs conversations.
Les propos de conversation et de communication de l’homme sont donc importants
dans la reconstitution de la matérialité du quotidien. Ce que Michel FOUCAULT appelle
« problématique de chaque culture » se forme ainsi par ces conversations quotidiennes.
FREUD y a apporté une annotation selon laquelle ces matériels conversationnels formant le
quotidien échappent à la conscience individuelle et collective, même s’ils sont déterminants
du comportement humain. Il faut d’ailleurs se référer à ce philosophe (Michel FOUCAULT)
et à la psychanalyse pour saisir comment la parole proférée par l’homme ou encore les
morceaux de souvenir exercent une emprise (inconsciente) sur lui. Pour ne pas avoir à
développer sur ce sujet dans le sens de la psychanalyse et de la philosophie, cependant, nous
allons immédiatement exposer le pouvoir de l’oubli sur la vie quotidienne et comment la
littérature économique essaie de réanimer le faux souvenir sur les activités économiques (la
production).
Les lambris de conversation du quotidien faiseur des mots du quotidiens forment un
phénomène social, une évidence obsédante et susceptible d’être narrée que, malgré cela,
laissent sous silence le narrateur parce qu’ils sont considérés comme des acquis. Certains
narrateurs ont essayé d’un capturer quelques séquences pour en faire une expression orale de
la réalité commune et ordinaire qui aurait pu se passer de commentaires. Tel est le cas de
l’usage des poèmes pour exprimer un sentiment universel mais approprié momentanément par
un individu. De ce fait, le récit du quotidien, là où le héro n’existe pas est composé, la
narration en fournit le personnage représentatif du moment.
La production est un effet de l’application du pouvoir, ou plus précisément de ce que
FOUCAULT appelle le « bio-pouvoir » par un individu : elle est une application de la science
230
et du savoir humain dans une sorte de droit de laisser-vivre un ennemi invisible que sont les
autres membres de la société. Ce n’est pas les notions de « solidarité » des sociologues
(DURKHEIM), ni de la « spécialisation » ou de la « division de travail » des économistes
(Adam SMITH) qui importent, mais le conflit entre l’homme individualisé et la société. Le
récit du quotidien est un récit de combat inconscient
En économie, le concept de calcul économique sous-tend l’ensemble de discours sur le
quotidien, quoiqu’il soit à la base de l’écart entre l’économiste et le peuple ordinaire. Il est en
effet le discours sur l’activité économique ou sur la pratique en générale de l’homme ; le récit
économique du quotidien est un récit sur le calcul économique. Ce récit prend un aspect
disciplinaire (par exemple, de l’anthropologie) et même de simple roman. Nous montrerons
que le récit du pouvoir sur l’homme est un récit des effets du calcul économique. Nous
reprenons alors le récit de FOUCAULT sur le pouvoir.
FOUCAULT remarque dans sa « Genèse du pouvoir » que le pouvoir en Occident a
changé de fonctionnement : il n’est plus punitif mais administratif ; et en tant que tel, il
s’incruste dans la vie quotidienne.
B – Les récits économiques de l’homme animé par une détermination
intérieure
La détermination intérieure est une expression plus ou moins connue de tout individu
dans son devenir. Elle est cependant mal conceptualisée ou les déterminants font l’objet de
plusieurs conceptualisations : la « volonté », la « raison », le « désir », le « sentiment », la
« pulsion », la «croyance », etc., bref des idées ou de représentation qui sont considérées
comme détenues par l’individu et qui fait partie de sa personnalité. FREUD relate l’existence
du sentiment existentiel de l’homme, sous les termes de « sentiment de l’infini » qu’il
compare à l’océan et par lequel l’homme joint sa conscience de l’univers avec celle de son
propre corps (FREUD, Malaise dans la civilisation 1929). Le sentiment de l’infini est aussi
une notion voisine de ce que FEUERBACH appelle de conscience de l’espèce : une idée
d’identité humaine du moins par rapport à ce qui n’est pas humain. Ces idées et
représentations, à l’inverse du corps, sont une sorte de force qui veut s’extérioriser, s’envoler,
se libérer et partir, quitter le corps pour mieux le manifester et pour mieux imposer sa valeur.
Le récit de l’homme mû par leur impulsion intérieure nous intéresse.
231
Ce récit, en question, en effet, est discuté et analysé par la philosophe, la
psychanalyse, et les autres domaines de la science humaine. La philosophie incorpore la
volonté, le désir et le sentiment, à l’intérieur du corps par le concept de « soi » et l’oppose à
l’autre. La psychanalyse, avec FREUD dans son « Malaise dans la civilisation », considère le
soi comme un dérivé de l’ego qui est, d’après lui, comme un sentiment de l’homme même. Il
est le sentiment que chaque homme possède de lui-même et qu’il appelle le « Moi » en grand
« m ». Puis ce Moi se prolonge vers ceux des autres pour devenir un « soi »138. Pour elle, le
moi, la source de la volonté, considérée de l’extérieur de l’homme, est limitée et précise. Son
tout origine est la psychanalytique « Moi ». Ces thèmes sont plus ou moins repris par
l’économie Pour l’économie, en effet, l’existence du vouloir naturel de s’enrichir est une des
premières forces extérieures agissant sur l’homme reconnu. En outre, l’homme étudié est
celui qui est dans un contexte de marché ; de rareté, de valeur et surtout de besoin.
L’économie est partie sur la base du thème de besoin ainsi que des notions comme la
planification, l’information, etc., pour parler tacitement de la notion de volonté. Force est
alors de constater que l’homme en lui-même ne peut être l’objet d’une narration que s’il se
trouve devant une décision interne crucial, un lieu de conflit interne et en rapport avec sa
survie. Aussi pour parler de la relation entre les thèmes développés par la littérature et ceux de
l’économie en matière de déterminants intérieurs de comportement humain, c’est aller au
point de jonction entre la volonté et le besoin.
1°) Du récit de l’opposition entre la volonté et le désir
Le concept de « volonté » est plus un thème de la philosophie que de l’économie. En
économie, la volonté s’inscrit dans les thèmes de choix, d’objectif et surtout de contrainte. En
économie, le mot volonté n’est pas un terme du modèle de l’homme ; à sa place, on utilise
plutôt l’idée de la souveraineté ou de l’indépendance de la décision humaine. De même, le
désir n’est pas un thème de l’économie ; à sa place, on utilise plutôt les termes de besoin,
objectif ou obstacle. Aussi pour relier l’économie et la littérature, il faut établir une
correspondance entre les idées évoquées par la souveraineté de la décision humaine et la
volonté, entre le désir et le besoin, et ainsi qu’à d’autres termes. L’exposé des motifs des
programmes d’action économique ou encore le diffusion des informations économiques sont
des lieux où le discours économique et le discours littéraire se joignent.
138 Nous laissons de côté le processus psychanalytique du passage du moi vers le soi. Pour des informations à ce propos, voir FREUD, « Malaise dans la civilisation ».
232
a) Le récit ou le discours d’exposé de motif des politiques économiques
L’exposé des motifs de politique économique montre à la fois l’existence de la volonté
du gouvernant et leur désir de voir apparaître certaines réalités. Le discours est une
justification de la rationalité des choix publics. Le récit se porte sur le contexte de choix des
hommes supposés libres de toutes contraintes institutionnelles et superstitieuses, mais qui
doivent rendre compte de leurs actions sans qu’un enjeu quelconque en sanctionne. Un récit
de la raison banalisée est issu de cette justification. Pour cela, les théories économiques de
développement local ou régional sont des types de récits économiques animés par une
détermination intérieure. Seulement, ces récits ont été écrits et élaborés dans une position
épistémologique différente de celle du narrateur d’un roman ou d’un artiste quelconque. Le
constate des faits est le seul point commun entre la littérature de la politique économique et le
récit littéraire. Nous allons dresser la force intérieure qui pousse l’homme vers une action. Ce
paragraphe se distingue du Chapitre II, Paragraphe 1, I, A, 2° en ce que au lieu de mettre en
relief le déterminant extérieur, nous focaliserons notre regard sur la force intérieure qui est
peut-être soumise et conditionnée par l’environnement extérieur, mais qui prend à son compte
l’ordre extérieur et trouve pour lui sa propre motivation et son propre moteur.
Deux façons de relater l’intervention de l’homme existent : la justification et la
présentation proprement dit du projet et l’écoute des feedback des agents concernés (dans le
cadre de suivi et d’évaluation). A cela s’ajoute aussi le récit du phénomène économique
nommé et partagé. Les faits dits de l’ « Ajustement structurel », par exemple, ont été vécus
par l’ensemble des pays du monde. La théorie économique décrit bien certes ce programme,
mais ses conséquences sociales, pour ne citer cela, ne sont perceptibles que par les littératures
des faits quotidiens relatés et consignés par la presse. De même les dites crises économiques,
parfois, ne sont que des produits de la théorie économique, mais reprises par la littérature,
elles sont amplifiées sinon elles sont le point de focalisation du regard du littéraire écrivain.
Les récits d’une crise économique – notamment de production – et ses thèmes
connotés) sont la source de questionnement dans la vie quotidienne, plus particulièrement sur
la souffrance et sur la misère. La crise est racontée en termes de manifestations et d’actions
collectives, ou encore d’arrêt momentané de travail. En fait, la crise économique passe vers le
social par la crise de l’emploi et les sentiments vécus qui s’ensuivent. Mais le chemin inverse
peut avoir lieu : les économistes par exemple adoptent l’analyse populaire de la crise pour en
faire un récit explicatif du processus de cette crise. Exemple, en 1995, le chômage des pays
233
développés était imputé aux importations à bas prix en provenance des pays en voie de
développement et à la rigidité du marché de travail des pays industrialisés, alors que le
véritable coupable était les politiques monétaires et budgétaires menées par les pays
industrialisés139 .
La rationalisation du choix collectif pousse encore le récit politique vers le discours
économique en ce qu’elle utilise les termes et les instruments d’analyse de la science
économique. C’est ainsi que des thèmes de la science économique, par exemples, l’utilité et la
maximisation ou l’optimisation, sont utilisés par le discours politique pour justifier leur
propos. La science économique, elle aussi, a fait des pas importants dans la direction de la
politique en étayant les arguments politiques.
La conception économique du besoin dérive de sa construction de la notion de
richesse, tout en sachant qu’elle n’y est pas présentée directement. JEVONS, empruntant la
théorie de Nassau SENIOR, par exemple, définit la richesse comme étant un objet ayant les
trois caractéristiques suivantes : un objet, plus précisément, « une chose », selon la traduction
française, transmissible et rare en quantité produisant directement ou indirectement du plaisir,
sinon empêche la peine. (JEVONS 1878, page 15). La notion de besoin dérive de la notion de
bien : un objets plaisant et destructeur de la peine. En fait, SENIOR et JEVONS et les
économistes appréhendent la recherche du plaisir et la peine comme étant le lieu inverse du
besoin : le besoin dépend de la notion qu’on se fait du plaisir et de la peine. Il est donc un
élément culturel et relatif. Les concepts génériques du plaisir, « le » plaisir », et de la peine,
« la » peine, sont les générateurs par association de la notion de besoin qui, par enchaînement
d’idées, mène à la production, l’échange et vers d’autres concepts développés par l’économie.
Aussi, l’homme du besoin évoque le concept de richesse ; l’homme de besoin est aussi
l’homme de la richesse ; c’est l’homme décrit par la bible.
b) le discours sur la perception de risque
Tout comme dans le récit précédent, il s’agit de réciter une banalité sous-tendue par un
raisonnement humain, mais cette fois-ci, l’objet du récit est focalisé sur la perception du
risque. Le récit peut être, par exemple, celui qui pousse un individu à contracter une police
d’assurance ou à différer une activité à cause d’un risque estimé fort probable. Ce type de
139 Voir Conférence des Nations Unies, 1995, « Trade and development repport »,
234
récit est celui où, par exemple, dieu interdit l’homme de manger le fruit de l’arbre interdit en
leur présentant les conséquences de cette éventualité.
La littérature, notamment celle de la littérature grecque de l’Antiquité, regorge de ce
type de récit tragique, à tel point que la philosophie considère ce fait comme un phénomène
de l’homme : ce dernier s’invente des histoires pour se justifier ou pour justifier un ordre. Les
anthropologues reconnaissent aussi l’existence d’un risque perçu collectivement. Ce qui est
commun dans leur narration est que le risque est considéré comme déterminant de la vie
collective et est la cause de la formulation de loi sociale et de code de comportement, ainsi
que de l’institutionnalisation de gardien de cette valeur. Le ombiasy malgache en est
l’exemple. La présence des tabous et interdits ainsi que des sanctions sont les preuves de cette
réalité de discours sur le risque.
2°) Le lien entre désir et besoin
C’est toujours la philosophie qui a caractérisé la différence entre désir et besoin. Ces
deux termes ne sont pas le propre des thèmes modernes, car ils sont créés à partir de la
répression religieuse du corps humain alors que la vie matérielle (le besoin) réclame la
reproduction de ce corps. L’idée de désir, telle que se construit la littérature du XIXe siècle, a
été développée après qu’un ensemble de discours pessimistes s’était déjà installé. La
philosophie pessimiste de SCHOPENHAUER récite justement la raison et les mots associés à
ce sujet. Des écrivains (c’est-à-dire des narrateurs), dont entre autres Anatole France, ont été
influencé par cette philosophie de base. Les premiers économistes de la société moderne, les
Adam SMITH et les classiques, pour leur part, ont hérité des thèmes développés par la
philosophie de la morale des David HUME et HOBBES.
Ces deux sources ne se sont pas encore jointes entraînant une séparation entre les
sciences humaines et la littérature, alors que la philosophie a fait le premier pas. ARISTOTE
dans son « Ethique à Nicomaque » a ouvert le thème du rapport entre la rationalité et le désir
en localisant le désir dans la partie irrationnelle ou plus précisément dans la partie
indescriptible (« αλογος », alogos) de l’âme. L’opposition entre la raison et le désir est la
conception de l’homme. Cette opposition est elle-même dérivée de l’opposition générique
entre le bien et le mal, sinon de celle du pure et de l’impure de la religion. Puis entre le bien et
le mal s’interpose d’autres concepts très utilisés dans le quotidien, comme l’expression de
« mal nécessaire » pour parler de la supériorité des contraintes économiques devant les
remarques de la morale, ou encore du « mal bénigne » pour exprimer que certains agissements
235
n’ont que peu de conséquence morale ; il y a surtout l’atténuation morale du mal par
l’expression de besoin. Ce dernier désigne le mal de l’homme, le mal humain et par voie de
sorite, le mal intérieur de l’homme.
L’épître apocalypse de la bible ainsi que l’évangile illustre le besoin en termes de soif
qui ne peut être apaisé que par la « source de la vie » (en malgache « ranon’aina »)
récompensant les élus. Le besoin biblique est opposé par les mots « désir » et « envie »
(traduit en malgache par le mot « filàna ») qui est coupable, car ils sont connotés à l’envi
sexuel ou à la cupidité. L’économie, un produit de la sagesse du monde occidental civilisé par
le christianisme, utilise le mot « besoin ». Ce choix inconscient de mot déculpabilise aussi les
philosophes économistes, qui sont de philosophes déchus du discours vertueux pour parler de
biens triviaux et matériaux.
Les récentes façons populaires et quotidiennes de parler de l’homme rendent légitimes
le désir sous forme de droit au plaisir, caractérisé par le permis dans les questions les plus
intimes comme la sexualité. Le thème de l’homme s’inscrit dans une reconnaissance de
l’homme désirant (homme qui désire) et non pas de l’homme désireux, (un homme animé par
le désir) ; c’est un désir dispositif au même titre que la disposition pour l’échange affirmé par
Adam SMITH pour expliquer pourquoi l’homme pratique-t-il l’échange.
3°) Le récit du lien entre la volonté de l’homme et le besoin
La littérature ou l’art exprime rarement la fatalité. La fatalité est présente sous forme
de réalisation de contrainte objective obligeant l’homme à se concilier avec l’adversité. Le
récit du lien entre la volonté et le besoin est, de ce fait, composé de thèmes de la perception de
changement, du risque et éventuellement de compromis et d’intérêts. Ce type de littérature est
plus ou moins présent dans les différents récits anciens. La tragédie humaine n’est pas
seulement composée de récits de l’expression de la volonté divine ou de leur caprice, mais
aussi des traces de la volonté humaine. Cette trace de la volonté de l’homme se trouve
cependant mélangée dans les thèmes sujets abordant la relation entre l’homme et dieu. Dans le
récit biblique de la création, par exemple, le dictat (ou les caprices) de dieu est mélangé avec
le récit de l’avidité ou de la volonté de l’homme (ou de sa faiblesse qu’est la femme). De
même, là où l’homme se manifeste comme cherchant dieu et qu’il s’élance vers dieu sous
forme d’élan et de pulsion, on sent que le lien entre le récit de lien entre la volonté et le désir
forme une littérature universelle. La pulsion, le désir et la volonté forme une sorte de thèmes
236
qui, étalés devant les économistes, forment une affirmation basique et fondatrice de la science
économique.
Les économistes du XVIIIe siècle, les économistes classiques, n’ont pas abordé
directement le thème de besoin, car ils ont focalisé leur récit sur le thème de la production
suivi de la consommation. La notion de besoin entre dans le discours, en proposition
secondaire après celle de la consommation. La phrase suivante d’Adam SMITH illustre ce
propos :
« Ainsi, selon que ce produit [le travail ou le fonds primitif], ou ce qui est acheté avec
ce produit, écrivait Adam SMITH, se trouvera être dans une proportion plus ou moins grande
avec le nombre des consommateurs, la nation sera plus ou moins bien pourvue de toutes les
choses nécessaires ou commodes dont elle éprouvera le besoin ». (SMITH 1776, page 12).
Pour Adam SMITH, toute la volonté de l’homme se trouve répartie à la fois dans ses
activités de production ainsi que dans ses besoins ressentis ; plus le sentiment du besoin est
élevé, plus la volonté de produire est élevée. Volonté et besoin sont confondus. Ils ne
dépendent pas du marché, car, toujours d’après Adam SMITH, même chez les nations
sauvages, la production est la plus importante, car avec elle, découle la satisfaction des
besoins sociaux :
« Chez les nations sauvages qui vivent de la chasse et de la pêche, tout individu en état
de travailler est plus ou moins occupé à un travail utile, et tâche de pourvoir, du mieux qu'il
peut, à ses besoins et à ceux des individus de sa famille ou de sa tribu qui sont trop jeunes,
trop vieux ou trop infirmes pour aller à la chasse ou à la pêche » (SMITH 1776, page 12).
La volonté de produire permet alors à l’individu de réduire le besoin, à tel point que
cette croyance de pouvoir réduire la pauvreté par la production se transforme en motif
suffisant pour détruire l’excès de producteur et en même temps le consommateur :
« Ces nations sont cependant dans un état de pauvreté suffisant pour les réduire
souvent, ou du moins pour qu'elles se croient réduites, à la nécessité tantôt de détruire elles-
mêmes leurs enfants, leurs vieillards et leurs malades, tantôt de les abandonner aux horreurs
de la faim ou à la dent des bêtes féroces » (SMITH 1776, page 12).
Adam SMITH annonce déjà l’existence d’une sorte de population optimale permettant
de régler la quantité de la production et de celle de la consommation, le besoin et le désir sont
237
absents dans le récit des classiques ; un thème intermédiaire est nécessaire. A cet effet, le
recours au produit de l’histoire alimentera encore l’économie : le thème de la famine. La
famine est une généralisation de l’absence de consommation et aussi une façon de nommer la
dimension individuelle de la non-consommation. C’est en ces termes que se rendent compte
littéralement les réalités économiques. Tel est le cas des récits bibliques. Les récits littéraires
bibliques n’ont pas retenus des périodes de prospérité où la production dépasse la
consommation sauf dans l’épisode du passage où Joseph, un des fils de JACOB gouvernait le
royaume d’Egypte. L’idée de famine – et donc de la mort – pointe dans ce récit. Le thème de
la volonté y est présent lorsque l’oracle avisait Joseph de ce qu’il faut faire. En littérature, la
volonté de lutter contre la famine, relève d’abord de la famille et du clan, rendue facile par
l’absence d’obstacle à la migration.
Un thème qui n’aurait pas existé dans un récit biblique existe dans le récit biblique de
la surproduction et qui éveille encore le caractère religieux des récits non économiques :
l’idée selon laquelle toute richesse provient de l’assistance de dieu. La bible (l’Ancien
testament) est peu loquace en ce qui concerne la prospérité. Bien que le mot « trésors » existe
dans le langage biblique, ni le grâce divine, ni le pénible travail de l’homme n’ont pas laissé
une trace de la richesse matérielle. En effet, dès que la prospérité arrive, les chefs juifs
construisent des temples en offrande au dieu. Le thème de remise de dette (le jubilé) indique
aussi l’existence de la prospérité relative de la nation. Les Juifs sont plutôt intéressés par la
quête de la bonne grâce de la divinité pour fertiliser le travail et surtout pour mieux savoir
gérer cette excédent de richesse.
Or Yahvé assista Joseph, à qui tout réussit, et il resta dans la maison de son maître,
l'Égyptien (Gen 39 : 2-) ; la richesse ne relève pas de la production ; conséquence,
théoriquement, point n’est besoin de production, mais de l’initiation pour écouter l’oracle
divine. Et la bible insiste que tout est dans la possession de l’esprit de dieu. Le récit met en
exergue le rôle déterminant de dieu, comme le récit économique le fait pour le marché.
II – Le profil de l’homme saisi à partir de l’imperfection de l’homme
La phrase suivant de HEGEL aurait été un argument de plus pour défendre l’idée selon
laquelle l’homme n’est pas parfait :
238
« La misère du temps a donné aux petits intérêts vulgaires de la vie de tous les jours
une si grande importance, les intérêts élevés de la réalité et les combats pour ces intérêts ont
absorbé toutes les facultés et\ toute l'énergie de l’esprit ainsi que les moyens extérieurs, au
point que l’on ne pouvait garder la liberté nécessaire à la hauteur de la vie intérieure, à la
pure spiritualité et que les meilleurs y ont été impliqués et même en partie sacrifiés »
(HEGEL Posthum, page 16).
L’homme n’est pas seulement parfait, il est aussi faible. Il ne réunit pas toutes les
qualités d’un homme. Les faiblesses de l’homme décrivent aussi l’homme et participent au
thème de l’homme. La faiblesse ou la qualité de la faiblesse représente aussi l’homme. Il
s’agit non pas de la faiblesse représentée par un corps étranger, en l’occurrence, la femme, ni
du symbole, mais de la faiblesse intrinsèque à tout être humain. Cette faiblesse est source ou
la conséquence de la détermination de l’homme. En économie, on s’accorde à soutenir que le
besoin est une faiblesse de l’homme, à cause des obligations d’agir qu’elle suppose, mais, mis
à par l’échelle de besoin de MASLOW, il n’y a pas encore de liste exhaustive des besoins
humains. Que peut avoir l’homme comme besoin ? Vers quel objet l’élan ou la pulsion
intérieure de l’homme pousse-t-il cet objet ?
La science économique considère la sensation des besoins comme une situation
objective de l’homme, et la satisfaction, un épanouissement de l’homme. L’homme se
présente alors en économie comme un être tiraillé par la force agissant du besoin et le vouloir
pérenniser les moments de satisfactions. Cet état, cependant, ne peut pas être développé par la
science économique. Quelques constats doivent alors être faits pour mettre en relief l’état
actuel de lieu du tiraillement de l’homme : la maîtrise de la production entamée depuis la
Révolution néolithique a fait de l’homme, un chasseur – agriculteur. Des faims et des besoins
confort ont été apaisés, mais conformément à l’échelle des besoins de MASLOW, la religion
ou l’appariement des différends entre l’homme et la nature ou entre l’homme et la divinité
émerge comme un nouveau problème. La culture et l’éducation deviennent aussi un besoin
impétueux. Puis la Révolution industrielle a décanté la situation : dans les centres urbains, il y
a moins de froids, de faim, beaucoup d’informations et plus de durée de vie pour l’homme. Le
profil de l’homme s’est encastré dans son apparence dans son appartenance socioculturelle.
Le besoin de nourriture prend un autre aspect : sa sensation n’est plus comme celle d’un
besoin individuel, mais d’un besoin social, elle n’est plus physiologique, mais identitaire. Des
auteurs (DE LASTIC s.d.)) y voient un changement de besoin. L’homme n’est pas parfait
239
parce que ses besoins restent mais changent de dimension ; pourtant, il reste encore le héro de
la narration.
La faiblesse de l’homme ne peut être mieux narrée que dans les récits de guerres, les
épopées où les vaincus s’expriment.
Nous traiterons dans ce qui suit, comment l’homme se découvre par ses faiblesses, ou
encore, comment le thème de l’homme se construit à partir de sa faiblesse. A cet effet, nous
reprenons quelques récits usuels de la littérature donnant une caricature de l’homme et par là
donne une figure à l’homme.
1°) La faiblesse du héro
Il est curieux de constater que la littérature utilise le récit de la faiblesse du héro pour
mieux mettre en relief les détails déterminants du destin d’un homme ou de l’homme : le talon
d’ACHILE dans l’Iliade. Selon l’Iliade, ACHILE était un fils d’un roi et d’une nymphe de la
mer. Enfant, il avait été plongé dans les eaux d’un fleuve magique le rendant immortel. Mais
pour cette plongée, sa mère l’avait tenu par le talon. Aussi, ACHILE est devenu immortel
certes mais faible au talon. Les récits bibliques des premiers êtres humains et de l’homme en
général avait aussi tenu un récit comparable : Ils ont avalé le fruit de l’arbre produisant la
connaissance du bien et du mal, mais ils étaient condamné à une vie courte. La bible a mis en
mémoire la faiblesse de l’homme en rapport avec la femme, à l’exemple du récit de
SAMSON (Voir la Bible, L’Ancien Testament, Juges, Chapitres 13 à 16-. SAMSON était issu
d’une famille stérile. Aussi sa naissance était considérée comme un miracle : elle a été l’objet
d’une annonciation faite par un envoyé de Dieu recommandant en même temps son éducation,
surtout sa mission (sauver le peuple israélite de la colonisation philistine), sa force légendaire
et sa faiblesse (la dépendance de sa force physique au fait de ne pas se couper les cheveux).
La narration raconte qu’une femme est à l’origine de la déchéance de SAMSON.
Une femme, ou une partie du corps sont les points faibles du Héro dans la littérature.
Plus terre-à-terre, les récits épiques ont consigné les faiblesses des meneurs légendaires
d’hommes. Les chefs militaires sont décrits non seulement pour leur stratégie, mais aussi par
leur destin qui est en fait leur déterminant. Ils ont des projets, et leur actions sont orientées et
dirigées par ce projet. Un individu qui a un projet est libre quand il choisit son projet et au fur
240
et à mesure que le projet s’accomplit, mais, par la suite, il est conditionné par son projet ; la
libre détermination du choix se poursuit par une détermination de la liberté. C’est son destin.
Ces projets qui sont les objets de la faiblesse du héro forment une sorte de halo
négative faisant partie du corps de l’homme et de son avenir ; l’homme est aussi saisissable
par ses points faisant sa faiblesse. Dans ce qui suit, nous allons rendre compte de ces objets
qui unissent les récits de la faiblesse des héros pour se demander, comme le fait le
fonctionnalisme en sociologie, comment sont liées les différentes constructions faisant le
thème de l’homme-héro. Quelles sont les autres fonctions des différents thèmes participant à
la formation du thème de l’homme ?
Ce domaine de questionnement suppose l’existence d’une sorte de phénomènes
absolus et originels avec lequel se constitue le thème de l’homme. Le thème de l’homme est
déterminé par ces thèmes absolus, et parmi ces thèmes, il y a évidemment les points forts de
l’homme – thèmes difficiles à recenser – et ses points faibles (la femme, un produit déterminé
par le hasard et portant sur son corps.
Le héro peut être défini comme étant un individu qui, comme l’affirme le rite de
passage d’Arnold Van GENNEP, a quitté son milieu social ou matériel d’origine et ose
franchir seul un lieu de transition, pour arriver – avec succès, croit-on – à l’autre rive d’un
déplacement (intellectuel ou physique). Ces récits donnent une esquisse de l’homme en
couple.
Notre démarche consiste à illustrer les propos des philosophes de la volonté
(NIETZSCHE, SCHOPENHAUER, DELEUZE entre autres) et autres phénomènes identifiés
et nommé par les récits des héros historiques ou littéraires. Cela nous conduit alors à un thème
issu d’un croisement entre une classification des thèmes philosophiques des circonstances qui
produisent l’héroïsme et les types linguistico-culturelles du héro – parce que le héro relève de
la culture. Un bandit par exemple est un héro dans une société où l’entreprise individuelle et
l’audace sont privilégiées.
Les circonstances produisant le héro sont l’atténuation des liens sociaux (DURKHEIM
pour le suicide), la recherche d’une richesse salvatrice de la communauté en suivant la voie
tracée par le destin (le cas de JOSEPH en Egypte). Il arrive aussi que le héro acquière son titre
par un comportement qui va contre son intérêt (y compris le plaisir). L’aveu est un cas de
cette situation : le héro expose ses intérêts devant un jugement, ou il repent de ses anciens
241
faits. Ces circonstances sont certes déplaisantes et vécues avec contraintes. Nous
développerons dans le chapitre 3 ce sujet). Etant donné la diversité des circonstances,
comment peut-on établir une classification de ces circonstances ?
Pour répondre à cette question, nous avançons une hypothèse de travail selon quoi, il
existe une relation logique entre l’intensité d’une substance qui existe dans la profondeur de
l’inconnu en l’homme, et qui est nommé par des concepts désignant quelque chose de
typiquement humain, par les mots « conviction », « sentiment », « raison », « motivation »,
etc., la conviction de l’homme et d’une autre substance négative nommé « peine »,
« travail », « difficulté », etc., utilisée dans l’action ou dans l’entreprise humaine : plus une
entreprise est difficile, plus la conviction et la détermination de certains individus (le héro) est
grande. Certaines réalités de la vie quotidienne ne demandent pas une conviction forte et sont
moins pressantes, elles sont alors vécues sans effort. Mais dans les circonstances jugées
vitales (exemple la recherche des biens pour la satisfaction des besoins), la conviction dans les
activités de production est aussi élevé qu’elles peuvent même faire oublier la recherche des
valeurs nobles et élevées comme la sagesse et la vertu. Si l’homme est assuré de sa
subsistance matérielle, s’il est capable de prouver la réalité de la promesse d’une vie meilleure
future, alors sûrement il abandonnera ses soucis quotidiens pour se préoccuper exclusivement
du salut de son âme.
A partir de l’hypothèse précitée, on peut établir une échelle de valeur de l’action par
rapport à l’intensité de la conviction : la routine efface la nécessité de conviction et
l’importance des activités domestiques ; par contre les pressions hiérarchiques et de
l’interdépendance mécanique dans une division de travail renforce la conviction de chaque
travailleur occupant un poste de travail sur la valeur du produit de son travail. Une conviction
nulle est couplée à une oisiveté ou à une « non action ». Ce n’est pas vraiment la contrainte
qui pousse l’homme a fournir son travail, mais l’intensité de conviction. C’est dans ce sens
que s’interprète la théorie d’organisation de Mashihita AOKI : la coopération qui s’établit
entre les différents niveaux hiérarchiques d’un poste de travail s’explique non pas par la
théorie de jeu, mais par la conviction partagée entre les membres de l’entreprise. Une
conviction très forte est aussi accompagnée d’une action intense.
Le problème dans l’hypothèse précitée n’est pas son existence, puisque les littératures
en parlent plus ou moins, mais sa mesure et sa quantification. Chacun de ces deux éléments
sont figurent déjà les littératures, mais il ne fait pas l’objet ni d’un rapport ni de quantité. Des
242
expressions comme sentiment ou une conviction « plus grande » ou « moins grande » n’ont
pas de sens car elles n’ont pas d’unité de comparaison. Confrontés à ce genre de problème, les
économistes ont évoqué un phénomène qu’ils considèrent comme quantifiable : la richesse.
Pour eux, une volonté de s’approprier d’une plus grande quantité de richesse suppose
logiquement l’acceptation d’uns quantité plus élevée de sacrifices et d’efforts. « Volonté »,
« sacrifice » et « efforts » deviennent alors quantifiables et surtout qu’il n’est point besoin de
préciser la signification – plus particulièrement la signification philosophique, dans la mesure
ou cette discipline donne le sens exacte de mots comme l’affirme la philosophie analytique,
ou plus particulièrement anthropologique, pour un sens anthropologique des mots.
Pour une conception commune et donnée de la richesse donc, on peut établir une
relation entre deux couples d’éléments spécifiques à l’homme. Puis, par abus d’usage de cette
relation, on dégage une définition de la richesse : un rapport entre deux éléments spécifiques à
l’homme. Exemple : si les concepts « âme » et « travail » sont des signes distinctif de l’espèce
humaine, alors pour un système donné d’un phénomène collectif quelconque, on peut dégager
un rapport tel que l’âme et le travail sont liés par ce phénomène.
2°) La faiblesse de l’homme en général
L’homme en général est un être faible, c’est-à-dire étymologiquement, « digne d’être
pleuré » ou « provoquant une image triste et douloureux. Il inspire un sentiment douloureux à
celui qui le contemple. De ce fait, la faiblesse de l’homme se mesure par l’intensité de la
peine produit par l’image ou le spectacle dont l’homme en question est au centre. Ce
jugement ou cette sentence de « faible » est certes un sentiment isolé et sans rapport avec
d’autres scènes antérieurs ; il n’a de comparable que le jugement ou la sentence de « bien » ou
de « mal ».
Le contraire de « l’homme faible » n’est pas « l’homme fort », car sur le plan
étymologique, le fort vient du latin « fortis » signifiant « solide » et « vigoureux », alors que
le mot « faible » vient du latin « flebilis » traduit par « digne d’être pleuré ». L’homme fort
n’évoque pas de sentiment contraire à la tristesse ou à la peine, mais un sentiment de certitude
et d’admiration.
Le thème de la faiblesse de l’homme ou celui de l’homme faible facilite la
construction du thème de l’homme ; il est aussi la cause du placement du thème de l’homme
243
dans un référentiel de l’éthique. En effet, devant le faible, le narrateur ne se perd pas
seulement dans la compassion, mais aussi dans une sorte de sentiment qui se veut être
salutaire. Des questions comme comment se comporter devant la faiblesse d’autrui se posent
dans les milieux où l’on croie que la morale est forte (notamment dans les religions
chrétiennes et bouddhistes).
Enfin, le thème de la faiblesse de l’homme est aussi un thème de distance ou de
différence de positions entre l’homme qui est déjà jugé de « faible » et du narrateur. C’est
dans ce sens que se comprend l’ensemble de discours biblique sur l’homme comprenant le
thème de déchéance de l’homme et du salut apporté par le narrateur qui ne peut être que le
dieu lui-même : La faiblesse n’est pas seulement dans le mal, mais aussi dans la disposition
naturelle de l’homme – du moins d’après ARISTOTE. Pour ce dernier, en effet, l’homme ne
cherche pas seulement le plaisir, mais aussi fuit le déplaisir ; il est dans une situation
déplaisante, où la quête du plaisir est un besoin et une valeur normaux. Mais cette fuite est
aussi pénible que le déplaisir lui-même. Pour comprendre cette situation de l’homme, les
interprétations de la philosophie d’ARISTOTE introduisent la notion de temps et constatent
que la fuite du déplaisir est plus plaisante que le fait de rester dans le déplaisir lui-même.
ARISTOTE justifie alors l’action humaine par la supériorité de l’action ou de la lutte et non
pas dans la résignation ou dans la quête passive du plaisir, ou encore dans l’attente du plaisir
dans ce monde déjà déplaisant. Dans ce cas alors l’homme fort, l’homme idéal semble être
celui qui, comme le philosophe EPICURE, trouve le plaisir à tout moment que même dans les
périodes critiques de la cité, EPICURE reste toujours … stoïque et entouré d’amis. Pour lui,
le bien se définit par les termes suivants : plaisirs de la table, de l’amour, de la conversation et
des belles choses (LAERCE s.d.). Cette attitude philosophique est tellement efficace que
l’établissement qu’EPICURE avait créé pour diffuser ses doctrines n’a jamais été déserté par
des disciples.
Ainsi, l’homme est un être qui a le sens du plaisir, mais sa condition ne lui permet de
jouir durable du plaisir (il est déterminé par les circonstances) ; c’est pourquoi, il fait des
calculs pour jouir autant que possible du plaisir et éviter le déplaisir. Cette image de l’homme
annonce, évoque et justifie l’idée de calcul économique dont est doté l’homo œconomicus. En
guise de conclusion : La narration sur l’homme est au cœur du récit de l’homme de
l’économie.
244
La pensée économique exploite cette image de l’homme faible. Son point de départ
pour parler du thème de l’homme n’est pas la nécessité de trouver un homme modèle
répondant à la situation-type du marché, mais du prolongement du thème de l’homme issu de
la rencontre de l’homme avec un autre homme, l’homme narré, dont il reconnaît en lui son
équivalent. Les circonstances des rencontres y sont importantes, car l’homme est certes
souverain dans son choix, mais il est prisonnier des circonstances. Cette mise en histoire de
l’homme n’a rien d’extraordinaire sauf que l’homme ne s’est jamais vu lui-même étant donné
qu’il est en lui-même ; il ne peut pas faire de lui un objet, parce que lui, c’est un sujet ;
pourtant, malgré ce fait, notre homme a pu identifier son équivalent logique (son homologue).
Jusqu’à présent, la théorie économique s’est posée dans un contexte littéraire de la
rencontre de l’homme avec dieu et non pas avec lui-même ; c’est cette esprit qui lui a permis
de concevoir une représentation de l’homme modèle, quotidiennement parfait. Pour notre
part, nous avons bâti la théorie économique avec la représentation de l’homme, un être en
construction, mais accomplit à sa manière. Les questions suivantes ont accompagnées nos
réflexions, tout au long cette démarche : Comment la représentation de l’homme a-t-elle pu
s’introduire dans ce parage ? que fait-elle ou qu’apporte-t-elle pour la pensée et pour le
comportement de l’homme ?
C’est par l’homme avec cet état d’esprit troublé par une quête de réponse que nous
allons étudier la question de l’incrustation de la représentation de l’homme dans la pensée
économique. Tel a été d’ailleurs l’objet du chapitre premier de la première partie. La présence
de l’homme dans la pensée humaine est donc la preuve de l’existence naturelle du souci ou du
questionnement sur son identité, son essence et sa détermination. A l’inverse du chapitre
premier de la présente partie, notre intention n’est pas un développement de la présence de
l’économique dans la littérature, mais cette fois-ci de montrer l’inévitabilité de cette présence.
Dans notre démarche, nous avons rencontré l’homme, par deux voies : par
l’intermédiaire de la narration faite par des notoriétés pour leur position sociale ou
académique et par l’intermédiaire des mots que l’homme utilise pour nommer ou décrire ce
qui est saisissable à l’homme. Ce ne seront donc pas les faits immédiats de production, de
consommation, de l’épargne ou de l’investissement, ainsi que des thèmes qui se rencontrent
généralement dans les manuels d’économie qui nous servirons de matériaux de réflexion,
mais des mots et leur sens. Ces composantes de la voie vers l’homme (la narration et les mots
matérialisant la narration) est le trivial de l’économie et également dans toutes les sciences.
245
En effet, le champ d’observation dans lequel nous opèrerons la recherche de l’homme est un
mélange composé de mots et de leur sens ainsi que des objets réels qu’ils sont en train de
nommer. Les linguistiques et la philosophie analytique y trouvent leur domaine de
prédilection, mais nous ne sommes pas encore dans le domaine des faits économiques, car ce
n’est pas cet amalgame de couches superficielles de ce domaine qui nous importe, mais la
réalité objective, sensible et intelligible dont les mots semblent être le seul élément concret.
Nous pensons que ce champ est couvert par la présence de l’homme ; l’homme n’est pas dans
le mot qu’il profère, il est par le mot. « Notre » homme est, dans ce contexte, le « dieu » de
l’Évangéliste Jean lorsque ce dernier écrivait « … la parole est dieu »140, mais au lieu d’être
des mots et ses connotés, il est par les mots et ses connotés ; l’homme n’est pas l’ensemble
des mots et de ce qui ont un sens – l’ensemble des mots et de ses connotés n’est pas l’homme
-, mais seulement par l’ensemble des mots. Pour prolonger la présentation dans la métaphore
biblique, nous dirons que l’homme a été révélé par sa propre parole ; tout comme le dieu de la
Bible, lorsque l’homme parla – peu importe ses propos -, il révéla à la fois son existence et en
même temps celle de l’objet de ses mots. Chaque mot que l’homme profère est donc d’ordre
existentiel : quand l’homme identifie un objet, il effectue une double reconnaissance l’objet et
lui-même. Il reconnaît que l’objet n’est pas lui qui a reconnu l’objet en question, et en même
temps, il se connaît mieux lui-même. La situation de la recherche de l’homme isolé est alors
comparable à celle raconté par les écrivains biblique du Livre de Genèse, au moment où
ADAM, le premier homme de la bible rencontrait son équivalent, en la personne de EVE, un
autre être humain. D’après la série de présentation du récit, l’évènement a eu lieu après que la
nature soit explorée par ADAM. L’exclamation d’ADAM est celle qui résume ce double
aspect de la reconnaissance : c’est mon « avoir » qui est « être ». Nous arriverons au terme de
notre recherche de l’homme, lorsque nous pourrons dire des propos équivalents selon lesquels
les mots et ses thèmes connotés tels que nous les avons énumérés ci-dessus prennent une
réalité, de telle façon à ce que l’homme qui, avons-nous affirmé, n’existe que par les mots et
ses connotés se retrouve ou trouve son identité dans ces derniers. En d’autres termes, notre
recherche ainsi que la science économique, et d’une façon générale, la science, s’achèvent
avec la découverte d’un contexte de thèmes économiques, ou d’un discours global dans lequel
l’être humain identifie un autre être humain, ou ce que l’homme croit « avoir » est un « être ».
140 La Bible, Le Nouveau Testament, L’évangile selon Jean, chapitre 1, verset 1
246
PARAGRAPHE 2 – LE THEME DE L’HOMME ENTRE LES MAINS DES SCIENTIFIQUES
Les récits sont les toutes premières formes de la concrétisation et de l’extériorisation
de soi ou de l’intimité humaine, du moins par rapport à l’idée qui est, en fin de compte,
personnelle et intime. Ils énoncent quelque chose de personnel, d’invisible, mais descriptible
en elle seule avant l’intuition ; ils affirment sans démontrer une vérité ou une conviction
intérieure, des arguments ou de la figuration de l’homme dans la rhétorique sur l’homme ; ils
sont, en fin de compte, une manifestation d’une idée.
Le récit, en effet, est un effort pour saisir la complexité et la confusion humaines ; il
dénote un effort de recherche de sens. Il accompagne« cet effort pour mettre en forme le vécu
de l'expérience, pour comprendre en quoi celle-ci est faite de passions, de désirs, de valeurs,
de croyances, en quoi les vérités qui s'en dégagent se fondent sur les singularités irréductibles
à chacun, mais aussi sur ce qui fait leur ancrage dans un monde social, dans des univers
culturels et institutionnels, dans des appartenances familiales dont les projets et les aspirations
marquent toujours les destins individuels ». (OROFIAMMA 2002).
Point n’est besoin d’être en contact direct avec les objets des récits, car ce qui nous
importe est leur interprétation (ou leur lecture) par d’autres personnes plus compétentes en la
matière. Leurs interprétations sont consignées dans des documents et études historiques et
critiques que nous allons exploiter. Aussi, pour montrer la réalité de l’homme représenté, nous
allons étudier ce qui se dit et s’interprète sur les objets d’art et les mots de la littérature portant
sur l’homme, en pensant qu’il s’agit d’une lecture d’une même source qu’est l’homme. La
compréhension de l’action de l’âme – c’est-à-dire de la substance qui anime – des poètes et
des artistes est donc l’objet du présent paragraphe. Cette âme se trouve cristallisée dans les
œuvres d’art et dans les produits artistiques. Elle prend réalité par la production de narration
poétique qui, à son tour, prend son sens par l’essence et la forme. Tout un chacun est poète ou
artiste à leur manière, et ceux qui n’ont rien produit dans l’art et la littérature reconnaissent
dans les produits artistiques ou littéraires des autres, ce qu’ils auraient dû ou ce qu’ils auraient
pu produire eux-mêmes.
Les différentes formes de narration ne peuvent pas être circonscrites au seul concept
de « récit ». Le sens de ce dernier est d’ailleurs à relativiser car il dénote avant tout une
classification de la littérature d’une culture. On ne peut pas, par exemple, le traduire par le
mot malgache « tantara », à cause de la différence entre le groupe de personnes à qui chacun
247
d’entre ces termes s’adresse. Cela n’empêche cependant d’affirmer que dans les
communautés humaines, indépendamment des contraintes des contextes, il y a toujours
quelque chose à se raconter. Ce dernier est une réalité objective, sinon une pratique
typiquement humain,
A partir de ces propos sur le récit, on peut aussi envisager un niveau de commérage
basé non plus sur les propos des narrateurs dans leur relation avec les lecteurs, mais sur une
confrontation des auteurs entre eux. Ce type de discours sur l’homme prend une autre forme
différente du « récit » et de la « narration » ; il s’agit de la « critique ». Nous dirons alors que
la représentation de l’homme est aussi une critique de l’homme. La littérature considère
l’éthique comme un critère de la critique
L’exploitation de ces documents des critiques littéraires et artistiques, cependant, pose
des problèmes de connotation. Dans la recherche documentaire sur l’homme, il apparaît que
l’homme est indexé dans ses environnements et ses cadres et que, dans la science de
documentation, il n’est pas considéré comme un sujet-acteur, mais comme un objet-
documentaire parmi d’autres. ERTZCHEID Olivier141, maître des conférences en Sciences de
l’Information et de la Communication de l’Université de Nantes, constate alors que nous
sommes devant un nouveau paradigme social de l’homme, d’autant plus que la forme
dominante des instruments de propagations de thèmes, le concept « homme » est en train de
perdre sa spécificité scientifique ou philosophique. Pratiquement, en effet, des documents
électroniques et des magazines scientifiques ainsi que de livres comme sources d’informations
sont de plus en plus disponibles. Le choix est alors certes large, mais il demande une
démarche permettant de sélectionner les documents pertinents. A l’état actuel des
technologies, l’indexation est la démarche utilisée pour la sélection des documents. Une
cherche sur l’index « homme » dans les documents interactifs, tels que l’Encyclopédie
Microsoft Encarta et en navigant sur des sites Internet a été faite pour l’élaboration de cette
thèse. Le thème de «représentation de l’homme» en effet est l’objet de plusieurs sous thèmes
divergents. Comme premier résultat, force nous est de confirmer les propos de ERTZCHEID
selon laquelle l’homme n’a pas de statut particulier dans les documents électroniques ; il
devait être présent partout (comme l’ordinateur), en tant que sujet (sujet de production, pour
le cas de l’ordinateur), alors que dans les documents interactifs, il n’est qu’un thème comme
les autres (l’ordinateur est absent, écrivait SOLOW). A notre connaissance, il n’y a pas de
141 ERTZCHEID Olivier, « L’homme est un document comme les autres : du World Wide Web au World Life Web », olvier.ertzcheid@univ-nantes.fr Blog de recherche : www.affordance.info
248
bibliothèque virtuelle sur l’homme ; ce qui existe se porte sur l’humanisme (et qui est encore
un projet du Centre d’Etudes Supérieures de la Renaissance de l’Université de Tours en
France), ainsi que des bibliothèques virtuelles des textes anciens et leurs logiciels spécifiques
de traitement.
Devant ce fait alors, il faut contourner la question en cherchant l’homme dans le thème
de « narration » ou « récit » et non dans le thème de l’homme lui-même ou dans le thème «
représentation », étant donné que l’homme (l’artiste ou l’écrivain) est le seul être capable de
faire des récits ou des narrations et que dans cette narration, il ne fait que dévoiler une partie
de lui-même, ne serait-ce par ses observations. Ce détour impose l’adoption d’une hypothèse
selon laquelle, l’art – qu’il s’agit de la sculpture, de la musique ou de la peinture – est la
narration de l’homme ou fabrique l’homme représenté. Cet art peut n’exister qu’en pensée ;
elle n’est qu’une esquisse.
L’art qui nous est familier est celle qui est matérialisé par des objets symboliques, des
traits ou du son. Mais l’art n’est pas seulement que cela ; elle peut être aussi une sensation
subjective forte de ses admirateurs. La particularité de cette dernière forme d’art est qu’elle
n’a pas besoin d’outil ni de travail pour prendre forme. La conscience de soi est le premier
produit artistique de l’homme, car une conscience est une citation, une narration142. Quelle est
le contenu de cette conscience soit, de cet art initial ? Quelles sont ses significations ? Telles
sont les questions que nous étudierons respectivement en premier et en deuxième lieux.
Il faut dire, par anticipation des idées, que nous défendons dans cette thèse, que le
cadre menant vers le thème de l’homme est le mouvant de BERGSON ou le changeant
d’HERACLITE, un lieu qui n’a d’intérêt que pour avoir mis en relief deux positions ou deux
mouvements différents (celui de l’homme et celui de son environnement) ou une distance,
142 En jouant sur les mots d’ailleurs, la définition respective des mots « narration » et « récit » est le point de départ de notre réflexion. Microsoft Encarta 2009 présente les composantes de la narration à travers sa définition du mot « narration » : « type d’énoncé et ensemble de procédés qui visent à mettre en récit une série de faits, vrais ou fictifs, se déroulant dans une temporalité ». Nous retenons les composantes suivantes : le récit, le cadre et le temps, parce que le récit est situé dans un cadre et dans une durée ; il met alors au devant de la scène le protagoniste (l’avant générateur) ; le cadre, parce qu’il situe le protagoniste et relativise son rôle ; le temps, parce qu’il oblige une fin à chaque rôle. Chaque élément de cette définition mérite des commentaires car il met au premier plan l’homme et qu’il met en relief ce que peut avoir l’homme comme idées, et surtout, parce que ces deux thèmes, par le récit, sont déterminés par des conditions de narration. Le récit ne crée pas l’homme, car l’homme est dans le récit, mais le cadre et la forme de limite (ou de faiblesse) relatés par le narrateur pointe automatiquement l’homme. En plagiant la façon biblique de mettre en relief l’homme de la bible, nous dirons que dans son épisode de la création de l’homme, le fait d’imposer le cadre (la création de la nature) et la limite (qu’il s’agit de l’arbre interdite ou du diable), sans doute, la suite logique du discours serait l’homme. Les deux premiers chapitres du livre de Genèse portant sur la création et l’interdiction recouvrent donc le discours biblique sur l’homme.
249
entre deux entités distincts et que l’homme ainsi esquissé est développé dans le thème de
l’être (ou de non-être), thème développé par le philosophe grec PLATON dans
« Parménide »143 où ce philosophe expose ses idées sur la science et sur la dialectique. Le
thème de l’homme est un thème portant sur l’existence dans un monde en mouvement. Sa
particularité – si l’on pose le problème dans le référentiel de la réflexion de PLATON, - est
que le réel dont fait allusion l’être n’est pas tangible d’où le caractère obscure et non évident
de l’homme, un thème qui, dans ce référentiel, devait être celui du non-être. Une chose
cependant est certaine : ce n’est pas la force de la doctrine ou de la conviction du narrateur qui
impose le discours sur l’homme, mais l’élan ou l’impulsion des cadres fondamentaux et
retenus. Pour élaborer un thème sur l’homme, il suffit de décrire le mouvement et la limite,
car le produit qui en sort est les thèmes sur la nature, l’ordre la sensation, l’expérience, la
raison, etc., bref, il en sort automatiquement un discours sur l’homme. L’homme est un thème
comme un autre écrit ERTZCHEID, nous dirons alors que les thèmes de la « raison », de
l’ « expérience », de la « sensation », en découlent. Mais à voir de près, d’autres thèmes non
moins importants paraissent : la limite, l’évolution ou le mouvement bien que ces thèmes
appartiennent au discours sur la nature.
Le présent paragraphe n’est que des prolégomènes – il n’est même pas une
introduction – du discours sur l’homme ; il se limite donc au seul constat de la réalité selon
laquelle, l’homme ne se découvre pas (ou qu’il est difficile à découvrir), mais qu’il se
manifeste ou s’extériorise par le cadre et par la limite imposés par la narration. A titre de
comparaison, nous constatons que la manifestation d’un animal est son cri particulier, ses
empreintes spécifiques ; l’homme, pour sa part, ne se manifeste pas par son cri (sa parole),
mais par ce qu’on dit de lui, tout en sachant que « on » c’est l’homme lui-même.
Nous démontrerons la réalité de l’homme représenté par ce qui se dit sur ce qui a été
représenté sur l’homme, c’est-à-dire par le jugement de l’homme sur lui-même, après s’être
convenu tout de même sur la façon de dire l’homme. Autrement dit, notre objectif est
d’atteindre l’écho de la représentation de l’homme sur l’homme et les effets que celui-ci fait
ou transforme l’homme. A la fin de ce paragraphe, nous saurons alors que le véritable homme
n’est pas le naturel que ce soit par ses caractères ou par sa position ; le véritable homme, c’est
celui qui s’est construit son caractère à force de se voir lui-même par des artifices intellectuels
qu’il s’est fabriqué. A cet effet, il nous faut développer les concepts désignant l’instrument
143 Voir à ce propos (BREHIER 1932)
250
permettant la construction de la représentation intellectuelle de l’homme ; c’est-à-dire les
matériaux permettant à l’homme d’identifier dans les représentations de l’homme, son
équivalent ou son lui-même. En reprenant encore l’enseignement biblique, il nous faut
développer les concepts de « os » et de « chaire » par lesquels ADAM a pu identifier EVE. Ils
sont importants pour montrer, sans faire un inventaire de ce qui se sait sur l’homme – ou, dans
le cas biblique, de ce que ADAM sait de lui-même – un objet extérieur, équivalent de
l’homme. A cet effet, nous allons présenter les conditions et les instruments de la
représentation de l’homme.
Avec ces éléments, nous nous interrogeons quel effet fait-il pour l’homme de faire
face à son image (ou à son représenté). Cette question affirme implicitement que dans le
fonds, l’homme se reconnaît lui-même, ou qu’il a conscient de lui-même, reçoit-il son
équivalent. Pour le cas d’ADAM, le fait d’être en face de son représenté dont il reconnaît en
tant que « son chaire » et « son os » a conduit à un élan (un mouvement intérieur) vers cet être
ayant pour conséquence l’abandon du cadre parental à l’intérieur de qui, pourtant, l’homme a
pris corps. D’après la thèse biblique, finalement, l’homme a deux corps : celui qui est issu des
géniteurs et qui est le résultat de l’acte de procréation, et celui qui s’est extériorisé et incarné
par la femme, Pour le cas du dieu de la bible, le thème de la créature à l’image de dieu se
scinde entre la création de l’homme et celle de l’incarnation en la personne de JESUS.
Nous proposons de relire les théories économiques à partir de l’homme narré par
l’économiste et non pas à partir de faits économique à priori. Par cette façon, nous montrerons
que les théories économiques s’appuient non pas sur la recherche de plus de richesses
matérielle, mais aussi la recherche de plus de connaissance de soi de l’homme.
I L’homme narré par Adam SMITH
Nous utiliserons les deux ouvrages qui ont fait la renommée d’Adam SMITH pour en
faire une autre commentaire en vue de réattribuer le titre d’économiste a Adam SMITH.
Notre réflexion part de refus de l’affirmation admise dans le monde des économistes
réduisant les œuvres d’Adam SMITH à la théorisation de la Révolution industrielle. En effet,
SMITH décrit des activités professionnelles reconnues à son époque : des législateurs, des
hommes d’État pour qui d’ailleurs s’adresse sa Richesse des Nations, « le peuple ... qui se
procure ce revenu et cette substance abondante» (C’est parce que Adam SMITH parle de
situation d’abondance que les commentateurs de sa pensée suggère qu’il décrit la Révolution
251
industrielle). Dans ces dénominations d’activités professionnelles, Adam SMITH montre le
travail et son stock, tout en sachant que le travail est une faculté détenue spécialement par
l’homme. En remontant encore plus loin l’idée maîtresse du travail, fractionne le travail entre
des groupes d’activités professionnelles socialement reconnues.
Ce dernier est donc le principal protagoniste du discours. La lecture économique
usuelle focalise leur étude sur la relation entre l’abondance de la richesse et le travail et
conclue alors que c’est le développement du capital ou de l’organisation humaine qui a permis
la richesse. C’est ainsi qu’est née la conception selon laquelle Adam SMITH a théorisé la
Révolution industrielle.
Nous récusons également la lecture usuelle de l’homme narré par Adam SMITH qui
insiste sur le fait que ce dernier relate non pas d’un individu héro, mais de groupe d’individus
face à d’autres groupes.
Adam SMITH, en effet, n’a pas mentionné aucune invention de son temps alors que
celle-ci a été à l’origine de l’industrialisation, mais il avait seulement étudié les effets de
l’industrialisation sur les hommes ; d’où sa proposition fondamentale selon laquelle l’homme
ou le travail est la principale source de la richesse. Cette proposition est l’objet de récit
d’Adam SMITH.
1°) Le récit de l’homme dans la narration d’Adam SMITH
Dès l’introduction de la Richesse de la nation, Adam SMITH « raconte » comment et
pourquoi l’action de l’homme est un cueilleur de la richesse. Son récit est un conte relatant un
archétype de situation. Or, la richesse, selon Adam SMITH est de la substance vitale et que
celle-ci n’est pas le fruit du travail direct de l’individu, mais de la coopération des hommes ;
l’homme est, par ce fait, un être dont les activités lui sont rémunérées par un moyen
rapportant de la substance vitale. Le récit qu’offre Adam SMITH est une identification de la
richesse, une révélation des moyens pour que cette richesse permet la reproduction de
l’homme. Adam SMITH a une vision de l’homme situé à côté de la richesse et qui ne fait que
la cueillir avec les moyens que seul possède l’homme.
En plagiant le premier chapitre et le premier verset de l’Evangile de Jean, Adam
devrait écrire qu’ « à l’origine, il y avait le travail et l’échange, et le travail et l’échange
252
étaient dans l’homme, et le travail et l’échange « est » l’homme »144. Dans son chapitre
introductif – que nous ne nous lassons pas de reproduire – Adam SMITH commence son
œuvre par le thème de travail. Ce dernier fournit les « choses nécessaires et commodes à la
vie » - ce que les économistes traduisent par le mot « biens » ou en anglais « goods ». Adam
SMITH, cependant, ne s’est pas arrêté à ce point, car pour lui, ce n’est pas seulement par la
production que l’homme reçoit les denrées mais aussi par l’échange. Ce qui conduit à l’image
suivant de l’homme : un être à la fois producteur/consommateur et échangeur. L’homme
d’Adam SMITH, non seulement sait intuitivement la richesse, mais il est le seul être à le
rendre réel. La richesse n’a de sens que par le caractère de l’homme. Les successions de
thèmes d’introduction de la « Richesse des Nations » montrent cette conception smithienne de
l’homme : au début de sa phrase, les propos (le récit) de SMITH se portent d’abord sur le
travail et la Nation ; puis, l’intermède du thème des « Nations sauvages » permet à SMITH de
parler de la famille et de tribu, alors que le thème de travail pèse encore sur son récit.
Adam SMITH, ainsi, n’a que peu de pensée en termes de l’homme en général ; sa
réflexion est plutôt orientée vers le comportement de l’individu, sinon de la collectivité
humaine, en l’occurrence, la Nation, en rapport avec le besoin. La « Richesse de la Nation »
peut être aussi un essai sur la « Richesse de l’homme », étant donné le développement actuel
de la théorie économique actuelle s’ouvre vers le thème de l’environnement en général.
L’homme et son environnement naturel sont les thèmes tacites de la théorie de SMITH. La
question de « l »’homme n’apparaît chez lui que pour exploiter les dispositions naturelles de
l’homme. Il ne s’agit cependant pas de n’importe quel individu, mais seulement de ces
individus qui peuvent se mettre à la place des autres et en même temps qui peuvent laisser
leur place aux autres sans que soit menacée la continuité des activités de l’individu en
question. Ce caractère est la sympathie.
Le récit économique est possible à cause de la sympathie qui existe non seulement
entre les protagonistes du récit (par exemple entre l’offreur et le demandeur), mais aussi entre
l’économiste et les agents économiques. Ce type de récit se retrouve alors dans les sujets
ayant pour objet la recherche de la compréhension de la logique de comportement ou encore
dans les récits sous forme d’analyse de comportement. Nous précisons ce type de recherche
dans la sous-partie suivante.
144 Voici le texte du chapitre 1 Verset de l’Evangile de Jean : « Au commencement, était le verbe, et le Verbe était auprès de Dieu, et le Verbe était dieu »
253
Adam SMITH avait aussi localisé l’homme à travers le comportement de l’homme
« sensé » ou du « bon père de famille. Le bon père de famille ne prend pas de risque, alors que
le père sensé ne cherche qu’à profité de l’opportunité offerte. D’où l’homme d’Adam SMITH
maximise ses profits étant donné les circonstances ; il exploite efficacement sa présence pour
produire le maximum de bien et pour jouir de ses produits du travail. Dans ces conditions, cet
homme est partagé entre deux considérations que les critiques littéraires considèrent comme
antagoniques : le moral et l’économique. Le moral montre que l’homme réagit en fonction des
normes. D’autres critiques, par exemple celles de Thomas BUCKLE, soutiennent l’unité de la
préoccupation de la Théorie moral et la Richesse des Nations d’Adam SMITH. Selon Thomas
BUCKE, Adam SMITH est préoccupé par l’étude de l’âme humaine. Cette dernière est
composé de sympathie et d’égoïsme (DELATOUR 1886, page 69).
2°) De la construction du récit de l’homme dans la théorie d’Adam SMITH
Il est intéressant de se demander de quel récit Adam SMITH tenait-il sa conception
cosmologique et anthropologique. Dans son introduction de la « Richesse des Nations », plus
particulièrement lorsqu’il relate les faits des communautés humaines « civilisées et en
progrès », en effet, SMITH constate que l’homme consomme plus qu’il n’avait produit et que
certaines personnes oisives consomment plus que les travailleurs eux-mêmes. L’explication
de cette situation est double selon l’interprétation de récit de SMITH : celle qui considère le
récit de SMITH comme étant un récit de l’individu déduit que cet auteur met l’accent sur la
productivité de travail et sur les effets positifs de la spécialisation, et celle qui, comme nous,
soutient que SMITH parle de l’homme en général et défend l’idée de l’équilibre entre
l’homme et la nature, c’est-à-dire que le travail fourni en général par l’homme est suffisant
pour la satisfaction du besoin global de l’homme.
La théorie économique usuelle attribue la paternité du thème de l’individu égoïste et
actif au sein de la communauté théorie (ou du « récit » selon notre contexte) de SMITH à
HOBBES. Or le sentiment et la vertu n’ont de sens que lorsqu’il profite un individu, y
compris celui qui les possède. Adam SMITH est obligé d’en parler pour mieux décrire le
protagoniste de ses récits. Pour cela, il consacre une autre littérature : « La théorie des
sentiments moraux ». Dans cet ouvrage, Adam SMITH retrace l’intérieur de l’homme.
Conformément aux usages de son époque, l’intérieur de l’homme est composé de sentiments
de vertus, personnifiés selon le récit oriental pour être jugé et envoyé au tourment éternel ou
au bonheur éternel. L’égoïsme n’est pas un vice, ni, un mal dans la mesure où ce thème est
254
reconnu. Comme Maître ECKHART et consorts, Adam SMITH reconnaît la dualité de l’être
humain : l’homme intérieur et l’homme extérieur. C’est le contexte intellectuel dans lequel
vivent les auditeurs du récit de SMITH, composé d’auditeurs ayant le récit de l’homme narré
par les physiocrates et les mercantilistes qui a obligé SMITH de tenir en compte des thèmes
comme les classes sociales et la différence entre les hommes.
Adam SMITH n’a pas fait une comparaison de deux ou de plusieurs communautés,
sauf la fois où il écrivait que l’homme à la fois frugal et travailleur satisfait ses besoins plus
qu’« un roi d’Afrique, maître absolu des vies et des libertés de dix mille sauvages nus
(SMITH 1776, page 21). La communauté y est représentée par le droit et le pouvoir de leur
individu le plus souverain : le pouvoir de vie (et de mort) et de la consommation. Cette
différence de l’action possible entre un potentat d’une communauté ne reconnaissant pas le
droit de la propriété individuel et le modeste individu qui n’a que son travail pour vivre est
développé par le philosophe français FOUCAULT qui a introduit l’expression de « pouvoir
sur la vie » ou biopouvoir. La comparaison n’est qu’un récit comme un autre et n’ a
d’objectifs que de montrer à la fois la ressemblance et la divergence entre les deux
communautés. Dans cette comparaison, la ressemblance désigne l’homme, et la divergence,
chaque homme.
Dans sa « Richesse des Nations », Adam SMITH pointe sur un thème important :
l’ordre social. Il distingue deux sphères différents : le production et la distribution. Ce thème
est le résultat d’une conception selon laquelle l’homme est à la fois un producteur et qui doit
aussi répartir ses produits afin que soit assurée la reproduction sociale ; il vise à une
représentation de l’homme à travers les liens (échange) et les matières (la production). Les
problèmes qui en découlent (insuffisance de la production, sous-emploi des facteurs, le niveau
pratiqué du prix) sont en réalité des problèmes de l’homme, des problèmes philosophiques,
seulement appréhendés à partir d’une vision de l’homme décentré ou désintégré, là où le Livre
de Genèse de la Bible parle de l’homme à la fois faisant corps unique avec la femme et séparé
de la femme. Dans cette foulée d’idée, Adam SMITH n’a pas retenu l’oracle divine de
« l’homme qui se sépare de sa famille pour s’unir en un ordre nouveau avec sa femme » ; ce
qui sépare l’homme entre eux, d’après SMITH est la production et l’échange,
3°) Le cadre de capture de l’idée de l’homme dans le récit d’Adam SMITH
SMITH n’est pas insensible à la nature ; il veut montrer l’harmonie entre le lieu de la
production (la nature et l’entreprise) et le lieu de la consommation (le ménage et ses
255
sentiments). SMITH ne peut percevoir l’homme hors des thèmes de la production et de la
consommation. Le thème de l’échange n’apparaît que lorsque l’homme n’est pas appréhendé
dans sa totalité, mais avec ses composantes d’individus. Ce cadre, dans la théorie de SMITH,
est le global et atemporel ; il forme un boucle, car toutes les activités de l’homme sont
destinées à la réalisation de son bonheur matérielle. Le producteur s’enrichit non pas de
l’accumulation de biens mais de la satisfaction de ses besoins. Mais entre la production et la
consommation, s’interposent l’échange et la redistribution. Ces dernières relèvent à la fois de
l’économique et de la morale. Ils sont nécessaires à cause de leur efficacité dans la
production, mais ils font aussi le mécanisme d’accaparation égoïste du produit du travail
social.
Selon la présentation usuelle de la théorie d’Adam SMITH, l’espace éthique est lieu de
privilège de cadre de l’homme. SMITH reconnaît le rôle de la nature comme condition de la
valorisation du travail humain : Les premières civilisations, écrivait-il, étaient installé dans les
régions côtières de la Méditerranée qui ont les particularités d’avoir une mer calme et de
nombreux îlots permettant l’invention de la navigation. Il consigne aussi le rôle de l’eau aussi
bien pour l’agriculture pour le transport : « Puisque le transport par eau offre de si grands
avantages, il est donc naturel que les premiers progrès de l'art et de l'industrie se soient
montrés partout où cette facilité ouvre le monde entier pour marché, au produit de chaque
espèce de travail, et ces progrès ne s'étendent que beaucoup plus tard dans les parties
intérieures du pays » (Page 26). .
SMITH reconnaît aussi le rôle des étendus immenses de terre pour la promotion de
l’agriculture. « L'intérieur des terres peut n'avoir pendant longtemps d'autre marché pour la
grande partie de ses marchandises, que le pays qui l'environne et qui le sépare des côtes de la
mer ou des rivières navigables. Ainsi, l'étendue de son marché doit, pendant longtemps, être
en proportion de ce pays et, par conséquent, il ne peut faire de progrès que postérieurement à
ceux du pays environnant. » (page 27)
L’homme de SMITH vaque entre les activités de pêche, de l’industrie et de
l’agriculture ; seulement l’industrie l’attire à cause de la division du travail qui, combinée
avec l’échange, est la source de la richesse.
Le mot « production » a été utilisé par SMITH pour parler des activités de l’homme
tourné vers l’extérieur. Le rôle de la production est de mettre en relief le thème de l’échange
et le travail, car Adam SMITH n’envisage pas une unité de l’homme. Pour lui, l’homme dont
256
il raconte est à la fois le producteur et le consommateur ; ce ne sont pas deux entités
différentes et distinctes, mais une seule et unique personne, peut-être
La mise en scène utilisée par Adam SMITH est de mettre en premier plan, non pas le
travail, mais l’industrie, et non pas le sentiment et le penchant naturel pour faire le bien, mais
un état quasi-pathologique de réactivité devant les circonstances profitables. Imaginez un
environnement favorable à la coopération pour exploiter un profit, et vous y rencontrerez
l’homme qu’Adam SMITH a voulu décrire. L’industrie, la pêche, sont des lieux propice à la
manifestation de la propension à l’échange, aussi, en plagiant Adam SMITH, on peut dire que
ce n’est pas de la bonté de boulanger que nous attendons de lui nos pains, mais de la
manifestation pressante - pressée par le travail - de sa disposition naturelle à faire l’échange.
II L’homme de la doctrine de John Stuart MILL
Le récit de l’homme de John Stuart MILL est marqué par la volonté de ce dernier de
présenter l’homme libéré de la pression de la société. En outre, John Stuart MILL est une des
premiers narrateurs qui a identifié la différence de genre, ne serait-ce que dans son « De
l’assujettissement des femmes » (1869) dans lequel il défend l’égalité économique des genres.
Déjà dans son introduction, toute la disposition mentale du narrateur John Stuart MILL est
retracée.
« Je crois, écrit-il, que les relations sociales des deux sexes, qui subordonnent un sexe
à l'autre au nom de la loi, sont mauvaises en elles-mêmes et forment aujourd'hui l'un des
principaux obstacles qui s'opposent au progrès de l'humanité ; je crois qu'elles doivent faire
place à une égalité parfaite » (J. S. MILL 1869, page 4).
Dans ce texte, John Stuart MILL indique l’orientation de son récit (la recherche de ce
qui n’est pas mauvaise à dire et la recherche de ce qu’il appelle le « progrès de l’humanité »).
En outre, il s’adresse à des auditeurs spécialisés :des individus capable d’agir sur l’ensemble
de la société, et surtout animé par la raison. La narration de MILL se porte sur des faits
récents (l’industrialisation). Son objectif est d’agir sur la raison par l’apport d’argumentation
et surtout par la comparaison du modèle de l’homme actuel par rapport à ce qui devrait être.
1) Le récit de l’homme dans la pensée individualiste de John Stuart MILL
MILL ne veut pas raconter la relation entre l’homme et la femme, mais de montrer
que l’homme (en général) peut avoir tort. Cette erreur provient de la violation des principes de
257
l’égalité et de la fraternité ou de la relativité en vue du bien de tous qui est le « progrès de
l’humanité » dans la théorie de MILL. MILL raconte certes la vie en société idéale avec
laquelle, il montre l’homme et la femme idéale. Pour lui l’homme actuel est induit en erreur.
En outre, John Stuart MILL se préoccupe aussi des conditions de l’homme,
notamment dans la société. Une grande partie de ses idées sur ce sujet est exposé dans son
« De la liberté »145, il expose ses idées sur la limite du pouvoir de la société sur l’individu. Ce
n’est pas encore certes sur « l »’homme, mais sur l’individu, parce que derrière l’influence de
la société se cache le pouvoir dictatoriale d’un individu, le Prince. Les propos de John Stuart
MILL se portent en fin de compte sur l’opposition de l’individu et « le » Prince, le faible et le
fort ; ils auraient pu être, en quelque sorte, une œuvre de contenu comparable à une stratégie
militaire. Mais il n’en est pas du tout ainsi, parce que ce que cet auteur veut décrire c’est le
rapport entre deux forces antagoniques certes, mais interdépendantes : le faible a besoin du
fort pour le protéger, mais ce dernier au lieu d’assaillir sur l’ennemie commune peut aussi se
tourner vers le faible dont il est censé défendre. Le faible est alors obligé de se protéger non
plus contre une ennemie extérieure, mais contre son propre protecteur.
Le récit de John Stuart MILL sur le rapport entre l’individu et le prince, le faible
anonyme et le fort, dénommé est transposable au récit du rapport entre l’homme, étant donné
sa pluralité, et la divinité, forte, unique et inconnue. Ce rapport se trouve aussi entre la vision
de John Stuart MILL sur la femme relatée dans « De l’assujettissement de la femme » (J. S.
MILL 1869). Mais entre l’individu et le prince d’une part et la femme et l’homme d’autre
part, les arguments déployés par John Stuart MILL sont différents : Les femmes sont
assujetties, en apparence, par la loi, mais dans le fond par des sentiments fortement enracinés
dans les coutumes et les institutions du passé, alors que la relation entre l’individu et le Prince
est établie sur la base de la nécessité (de survie). Les deux thèmes sont, cependant argumenté
par le thème de progrès de l’humanité. L’oppression de l’individu aussi bien que celle de la
femme n’ont qu’un seul effet : une entrave au progrès. John Stuart MILL est un narrateur de
la salvation de l’homme. Pour lui, la narration de la salvation de l’homme relève de l’accusé,
c’est-à-dire le prince (devant le faible) et l’homme (devant la femme)146. Le Prince et
145 (S. J. MILL, De la liberté 1859) 146 Car la situation est comparable à une infraction à une présomption de liberté (naturelle) de l’individu. Il appartient, d’après MILL, conformément à la procédure judiciaire de son époque à l’accusé de fournir les preuves de son innocence. Le Prince opprimant l’individu ou l’homme opprimant la femme ont entravé la liberté respective de l’individu et de la femme ; il leur revient alors de prouver que leur domination est bénéfique pour la société.
258
l’homme, évidemment, ne disposent pas d’arguments solides et implacables pour justifier leur
domination respective (alors que contre eux, MILL avance l’entrave contre la marche vers le
progrès). Conséquence, les récits et littératures produits par les princes et les hommes n’ont de
fondement que l’instinct et non la raison. Cela dénote l’homme de MILL : des êtres mus par
un instinct mal géré par la raison.
On note que dans le développement de sa pensée sur le thème de l’individu et non de
« l »’homme, John Stuart MILL mise sur l’égalité de l’homme : par exemple dans
l’ »Assujettissement de la femme », il affirme carrément que l’homme ne peut pas prouver
qu’il dispose des capacités de gouvernance que la femme ne possède pas. De même pour la
force du prince, il soutient que le prince a plus de privilège que de pouvoir. Les privilèges
accordés au prince relève plutôt d’une croyance forte à des récits mythiques accordés au
prince et non pas à une analyse objective de la question
2) Le cadre de la formation du thème de l’homme dans la théorie de John Stuart
MILL
Le thème de l’homme de MILL est conçu avec les thèmes de plusieurs individus ou de
groupes situés dans un thème de « progrès », de « liberté ». Le libéralisme économique se
caractérise par la croyance en la liberté souveraine de l’homme ; en outre il affirme aussi
l’égalité des individus entre eux. La conséquence logique de cette situation est la libre
entreprise. Théoriquement, cette liberté est aussi appliquée pour une augmentation de la
richesse personnelle de l’homme. Bref, avec le libéralisme, le thème de l’homme se
développe avec des thèmes et sujets différents.
Le « progrès de l’homme» est un concept nouveau de la narration. Le concept de
progrès date déjà de l’Antiquité romaine. D’après le QUICHERAT et DAVELUY 1922,
CICERON a utilisé le mot progrès (du latin « progressus ») dans le sens de avancer.
CONDORCET un philosophe du XVIe siècle l’avait aussi utilisé, mais cette fois-ci avec la
philosophie. Son adjonction avec l’humanité indique une nouvelle façon de voire l’homme.
Elle dénonce un thème nouveau : l’humanité se déplace et se dirige vers un lieu. Dans la
théorie de John Stuart MILL ce n’est pas seulement l’homme qui progresse, mais aussi la
science. Une recherche sur l’usage du mot « progrès » dans des documents en format
numérique de sciences sociales et humaines de différentes années de publication montre
empiriquement que ce mot exprime une idée correspondant à celle de changement et
259
d’évolution pour un thème en rapport avec l’idée et la spiritualité. Les rédacteurs-narrateurs
de la littérature européenne ont voulu distinguer l’idée et la matière par l’usage de concepts
différents.
Teillard de CHARDIN, dans « Le phénomène humain » (1956) a étudié le mécanisme
du progrès dans le sens de son effet sur les valeurs et les choses abstraites en rapport avec
l’homme147 : Le progrès est le résultat « de surcroît d’efforts et donc de puissance » humains.
Ce supplément provient de besoins nouveaux ou d’un accroissement des ressources du
monde ; en outre le progrès engendre aussi le progrès148 (croissance endogène). Le progrès de
l’homme passe par des mécanismes combinant la physique et le psychique que le progrès
trace une ligne et un sens pour la vie149
Le concept de progrès a engendré une autre imagerie dans la narration : « le pas » ou
le « grand pas », la « marche ».
John Stuart MILL a placé le sujet « l »’homme dans une perspective progressiste.
Deux cas peuvent alors apparaître pour interpréter ses propos sur les thèmes de la liberté et
progrès qu’il a placés pour parler de l’homme : ou bien il reconnaît l’existence du sens de la
vie et de l’action de l’homme – et qui seront d’après TEILHARD de CHARDIN développés
par la science future, une sorte de dévenir collectif de l’espèce humain, ou bien, il pense tout
simplement à la solution des problèmes généraux du passé (exemples inégalités et oppression
des individus).
Le thème de l’homme dans un contexte de liberté est un sujet complexe : l’homme,
présentement libre, s’achemine, malgré lui, vers un devenir déterminé par sa propre nature. La
rationnalité est alors le principe salvateur de l’homme ; peut-être qu’il est un empêcheur de la
réalisation du destin.
147 TEILHARD de CHARDIN Pierre, (1956), « Le phénomène humain », Ed. du Seuil, Paris, 348 pages (TEILHARD de CHARDIN 1956) 148 « Un progrès fait d’autres progrès aussi durables que lui. Un mouvement de mouvements » (TEILHARD de CHARDIN 1956, page 115). 149 « Je voudrais faire comprendre ici pourquoi, tout anthropocentrisme et tout anthropomorphisme mis à part, je crois voir qu’un sens et une ligne de progrès existent pour la Vie, — sens et ligne si bien marqués, même, que leur réalité, j’en suis convaincu, sera universellement admise par la Science de demain » (TEILHARD de CHARDIN 1956).
260
III L’homme des modèles de la situation économique
Les théoriciens classiques ont construit leur théorie à partir des observations de
l’homme sur terrain et des conceptions déduites de chaque théoricien sur leur propre vision de
l’homme. Les néoclassiques pour leur part, ont dépouillé l’homme du sentiment et ont élaboré
une théorie basée sur la logique économique. De telle conception n’existe que dans la théorie
géométrique de SPINOZA. Dans cette démarche, l’homme n’a de place que par des
comportements hypothétiques (exemples le vouloir mieux-être, ou le vouloir avoir plus que
moins de richesse) ; en outre, le problème est détourné vers des thèmes quantifiables et non
pas qualifiables. Enfin les keynésiens ont étudié la question en termes de comportement
agrégé des agents économique, faisant en sorte que leur étude se porte sur l’homme « en
général ». Cette position entraîne alors une sorte de la vision duale de la réalité : l’homme et
l’économique. L’homme agrégé représente l’homme en général, avec ses qualités et
faiblesses ; à côté de lui, se situe l’économique dont les caractères sont des reflets de ceux de
l’homme en général. Aussi, décrire l’homme, c’est aussi entrevoir l’économique. Nous avons
étudié cette thèse dans cette approche.
1°) Le modèle de l’homme d’HARROD DOMAR
HARROD et DOMAR n’ont pas traité explicitement le thème de l’homme ; leur
domaine ou du moins le thème qui fait leur réputation est la croissance économique et
l’investissement. Mais les biens matériels produits ainsi que l’engagement de l’homme pour la
production sont aussi une sorte de représentation de soi de l’homme : un être qui a des besoins
qui ne peuvent être satisfait que par des moyens figurés par l’homme. L’homme est donc du
besoin et de la capacité de représentation des moyens dans le modèle d’HARROW-DEBREU.
Des thèmes spécifiques sont alors associés à cette image de l’homme qui est forcément dans
l’action : de l’anticipation, de la mesure de l’intensité des besoins et du recensement des
moyens.
L’anticipation est une suite du thème de la rationalité. Elle a été enlevée de dieu et
remise à l’homme. Dans la littérature, en effet, seul dieu a la capacité d’anticiper ; Telle est
d’ailleurs la sentence de dieu à propos des conséquences de l’arbre au fruit interdit. Puis,
l’économie s’était saisie du thème et l’a fait partie de l’homme. Elle est aussi la source de la
faiblesse de l’homme, car les philosophes ont constaté les limites de la raison
261
L’homme se distingue aussi par sa capacité de mesurer l’intensité du besoin. L’idée est
que comme la production, l’intensité du besoin varie aussi.
Le recensement des moyens est aussi le propre de l’homme d’après HARROD et
DOMAR
2°) Le modèle de Vernon SMITH
Vernon SMITH (Prix Nobel d’économie en 2002), à la différence des économistes
usuels, a bâti sa théorie économique non pas par une observation sur terrain du comportement
de l’homme, mais par une reconstruction des conditions économiques dans lesquelles
l’homme se découvre. Il a reproduit des situations de marchés de capitaux et des facteurs ainsi
que des cadres juridiques (dérèglementation par exemple) dans lesquels les prises de décision
sont mises en relief. L’homme, dans le modèle de Vernon SMITH, est un lieu de décision.
Tout comme l’homme d’Adam SMITH, l’homme de Vernon SMITH est confronté par
l’opposition entre l’éthique et le moral. Aussi, on peut déduire de cette conception l’idée selon
laquelle l’homme est à la recherche d’une sérénité obtenue par l’appariement des contraintes.
Sa méthode de travail permet de vérifier et de confirmer certaines propositions
économiques. L’une de ces démonstrations nous intéresse plus particulièrement : celle
permettant de déduire la construction de l’homme par agrégation de comportement. Dans un
de ses tests, Vernon SMITH, en effet, s’est demandé comment se reproduit l’équilibre
économique devant la venue d’un nouveau participant. Cette situation est à mettre en parallèle
à celle où un homme satisfait des conditions économiques qui prévalent voit arriver d’autres
valeurs susceptibles de remettre en cause ses propres valeurs.
Les constats de Vernon SMITH apportent de nouvelles connaissances sur l’homme :
l’équilibre se reproduit s’il y a un équilibre entre les offreurs marginaux et les demandeurs
marginaux, autrement dit et selon nos occurrences, les changements de circonstances
n’affectent pas l’homme tant qu’ils répondent à son attente. Conséquence, une analyse
diversifiée de la nature de l’homme est toujours possible par l’exposition des diversités de
condition de l’homme. La méthode de Vernon SMITH apporte une justification de l’unicité
de l’homme dans la diversité des circonstances.
En outre, les travaux de Vernon SMITH ont pu démontrer que l’information totale
n’est pas la condition de l’efficacité du marché. Les agents économiques n’ont pas besoin de
disposer de toutes les informations pour parvenir à la fixation d’un prix de marché. Cette
262
conclusion confirme encore l’hypothèse selon laquelle ce n’est pas le cadre social qui fait
permet de découvrir l’homme ; l’homme n’est pas une fiction ou une idéale, mais une réalité.
CONCLUSION DE LA SECTION : VERS UNE SYSTEMATISATION DES CONDITIONS DE QUESTIONNEMENT SUR L’IDENTITE DE L’HOMME
En gros, la question sur l’homme provient du conflit intérieur ou du trouble
intellectuel issu de la cohabitation de valeurs et de cultures différentes, sinon du constat de la
présence d’un autre système de valeurs. C’est cet aspect qui a incité la curiosité des narrateurs
– producteur du thème de l’homme. La question de conflit de valeur est un thème
économique, développé cependant hors des référentiels de la formation de la valeur (en
l’occurrence, hors du marché150).
Le thème de l’homme se construit par l’accumulation des réponses subjectives
fréquentes apportées par chaque individu dans les innombrables communications
quotidiennes. Ces réponses peuvent être interprétées comme une position stratégique du sujet
et de l’homme devant l’incertitude de la réponse. Les uns ont représenté l’homme à travers les
lignes ou la forme du corps humain, alors que d’autres sont allés au-delà du visible pour
explorer la partie insaisissable de l’homme, et ce sous forme d’expressions artistiques les plus
inattendues. Des données concrètes et ayant obtenus un consensus entre le narrateur de la
vision – que nous sommes – et l’auditeur (le lecteur de la présente thèse) sont en train de
prendre forme ; « l »’homme n’est plus une image somnolant dans l’inconscience de chaque
être humain, mais, grâce à la communication, il est une esquisse, au moins, il n’est plus un
monstre.
La représentation de l’homme par le profil n’est cependant jusqu’à présent
satisfaisante, parce qu’elle ne peut pas concilier la représentation de l’homme intérieur et celle
de l’homme situé. Les donnés des esquisses sur l’homme s’appuient sur des éléments socio-
démographiques (exemples âge croisé à un domaine d’activités ou d’intérêts) avec lesquelles
on imagine le mode de vie et de fonctionnement de l’homme en question. Mais si on se place
du côté du narrateur exploitant ou utilisateur de ces données, le thème de l’homme n’y est que
« besoin », « liberté », etc., bref, des propos de l’économie politique. Le narrateur pense et
place son récit dans le monde du réel. Entre le narrateur et l’auditeur s’interpose la réalité ; et
c’est cela qui est repris par la science économique. Ainsi, l’usage du concept homo
150 En théorie économique, son étude relève de la théorie de jeux : d’abord un enjeu dans le choix des termes de communication et de persuasion, ensuite du jeu stratégique dans les termes des gains proprement dits.
263
œconomicus par la science économique qui se veut être d’origine du monde réel doit passer
par l’intermédiation de la narration. L’homo œconomicus provient du monde intérieur
(introspection, entre autres) de l’économiste. Pour cela, il place ses propos dans un monde réel
(caractérisé par des données statistiques et socio-politiques). A ce niveau, ses propos
deviennent compréhensibles. Le réel est donc le lieu commun de la narration économique.
Une confrontation de « l »’homme de la littérature et inévitable : l’homo œconomicus
représente-t-il la tendance de l’esquisse de l’homme qui se dessine dans les réseaux de
communications sociales ? L’idéal peut-il passer par le clivage du réel et se rapprocher ainsi
de l’homme de l’économie ? Nous devons donc cribler le modèle général de l’homme de la
littérature, celui qui est le produit de la philosophie et de la religion à la réalité. Tel est l’objet
de la section suivante.
264
SECTION II – DE L’ETAT DE LIEU DES RECITS DE L’HOMME IDEAL DE CERTAINES RELIGIONS INTRODUCTION :
A propos du réel
Le réel est aussi un thème développé par le thème de l’homme. Déjà dans l’Antiquité
grecque, PARMENIDE, un philosophe grec posait l’homme comme étant à la fois la source –
par la raison et non par le sens – de la vérité absolue ou encore du discours vrai151 et la source
d’ « opinion », une vérité relative. L’homme est de ce fait capable d’énoncer des vérités
absolues, des réalités, aussi bien que des apparences trompeuses sous forme d’opinions. Dans
la langue sémitique, par contre, le réel est appréhendé avec une autre imagerie. Le
dictionnaire Arabe-Français152 associe le terme de « réel» avec « situé », « tangible »,
« concret », « véritable » (« ؤاقِع» littéralement « ouaqi’ha »), sinon « droit », « raison »,
« vérité », « authentique » (« ًحق» littéralement « haqq »). La réalité est alors une question de
position et de droit. Dans la langue latine de qui découle, entre autres la langue française du
mot réel, le mot « realis » dont l’origine est « res » désigne la « chose » - nous rapprochant
alors du mot malgache « zavatra » - est connoté avec « concret », « qui existe
véritablement », « conforme à ce qui doit être ou prétend être». Le réel est un propose de
parole et d’affirmation de ce qui est, ou de ce qui se situe dans un lieu, ou encore un terme
d’affirmation de vérité.
Dans la pensée grecque, le réel est aussi une force dicible qui s’élève au dessus des
contraintes de la vie quotidienne et au dessus des circonstances. Cette force s’obtient par une
sorte d’un mouvement inverse à la manifestation, par un retour conscient ou non vers soit.
Elle possède elle aussi sa forme ou sa description. Les écrivains utilisent de métaphores ou de
comparaisons avec les forces extérieures, notamment celle de la nature pour décrire cette
force. Dans le domaine scientifique, par contre cette force a été évaluée en laboratoire sous
forme de tests divers de resistance, par exemple le test de Milgram évalue la capacité d’un
individu à obéir à un ordre (c’est-à-dire à faire taire ses sentiments pour puiser sa motivation à
dans une déterminant extérieur). Les résultats ont permis à dresser le profil des individus
appropriés pour des activités spécialisés. Pour notre part, ces tests permettent de montrer la
151 Voir ENCARTA, « Parménide », Microsoft Corporation, 2004 et (BREHIER, Histoire de la philosophie T I 1928) 152 Voir (REIG 1983)
265
variété des sentiments intérieurs chez les hommes ainsi que leur adéquation relative aux
contraintes de la pratique. Il découle alors qu’au lieu d’avoir un profil sociale en rapport avec
une activité ou une fonction, l’homme est plutôt préfiguré par les qualités de sa vie intérieure.
Cette façon de faire suppose l’existence du « bon » en général (dont appartiennent les
vertueux) et du mauvais. Par cette façon de faire, nous soutenons donc implicitement que
l’homme est un être animé par le sens du bien et qu’il évite le mal. A l’extrème, la forme de
l’homme est celle que représente le Bien et le Mal dans la culture. La figuration du bien et du
mal permet par conséquent de donner l’image de l’homme, le bien étant l’idéal et oriente le
sens des activités de l’homme.
Vers la confrontation des thèmes de l’homme entre eux.
Nous pouvons alors traiter l’image de l’homme par l’homme à partir de la
représentation littéraire et artistique du bien et du mal universellement admise (par exemples
la bête), ou encore du réel et du superficiel, des jugements justes ou raisonnables contre ce qui
sont faux et imitation. Mais dans la pratique il se peut que l’homme peut émettre la vérité que
l’on croit cependant n’être que de l’opinion et déprécié pour cette raison, ou encore que
l’opinion soit considéré comme une vérité et apprécié pour cette raison. L’homme qui a perdu
lessens de la raison, de la vérité ou de l’authenticité ne peut pas alors saisir la réalité ; il est
condamné à vivre dans un monde où, il n’y a ni de bien ni de mal absolus, ni valeur absolue,
mais seulement de valeur relative. De tel homme est alors condamné à errer dans un espace
d’imprécisions et sans définition du bien et du mal, ni de valeur réelle de choses. (Nous
préciserons dans le livre second de la présente thèse que cet espace n’est rien d’autre que
l’économique). L’homme défini par la littérature oscille entre le bien et le mal, étant donné la
relativité culturelle de ces derniers concepts. Cet homme n’est ni « bien » ni « mal », telle est
la figure universelle de l’homme. L’homme du modèle, qu’il soit économique ou religieux,
pour sa part, vit dans un monde proche de la vérité, de l’authenticité et de la réalité. Aussi
bien que ces derniers concepts ne sont pas un domaine de la rhéotorique et d’argumentation,
la pratique utilise implicitement de plus en plus ces thèmes comme champ ou comme critère
de discours. L’intelligibilité se définit d’une façon ou une autre par rapport à la réalité, par
rapport à la possibilité de la réalisation de ce qui est narré.
La littérature et l’économie se rejoignent donc par le fait qu’elles sont exposées à des
règles critiques de la vérité, de l’authenticité et surtout de la réalité ; l’homme de la littérature
et l’homme de la science économique sont comparables par leur mise en situation dans le
266
monde du réel. Le lieu théorique ou mental défini comme un espace ou une distance par
rapport au réel dans lequel se place l’homme dicible est un champ d’argumentation, de
conceptualisation et de la narration de l’homme. Ce n’est pas le réalisme de la narration qui
compte, mais le fait de placer l’objet narré dans l’axe de la réalité, de l’authenticité et de la
véracité. Nous pouvons alors affirmer que les débats philosophiques opposant les partisans de
la vérité mythologique et ceux de la logique et du raisonnement ont été le lieu de gestation du
thème de l’homme. En outre, chaque position narrative ne se définit pas seulement par à la
réalité et ses connotés, mais aussi par rapport à d’autres narrations : le thème de l’homme se
construit à la fois par la réalité et par sa disposition par rapport aux autres positions. Des
propos sur le thème de « l »’homme peuvent être identiques, ou similaires ou différentes. Le
thème de l’homme est à l’origine de représentations multiples sur l’homme formant un réseau
tissé autour du point … vide de la vérité, de l’authenticité, de la réalité.
Ne connaissant pas vraiment le réel, aucune œuvre littéraire ne peut donc pas servir
d’étalon. De même, des questions sur les règles permettant de mesurer et de mettre en crise
l’ensemble des thèmes de l’homme n’ont pas été encore établies. Par contre, il est fort
possible que quelques types de récit forment une sorte de courant dominant autour duquel se
tissent momentanément quelques récits. Dans l’Antiquité grecque, par exemple, le thème de
l’homme est élaboré à partir des récits dominants de la divinité et de la mythologie ; l’homme
idéal ou l’homme représentatif dominant est le dieu, sinon la femme (la faiblesse de dieu ou
de l’homme). Dans l’Égypte ancien également, l’homme idéal ou le thème idéal de l’homme
est celui qui habite dans le monde de RÊ le soleil ou dans son entourage. Le récit de l’homme
est alors le dressé en fonction de la loi – devenue la pièce d’identité de l’homme. Dans le
monde judéo-chrétien, le thème de l’homme se définit à la fois par la loi (comparable à
l’approche égyptienne de l’Antiquité) et au … « Fils de l’homme », JESUS. Enfin, dans le
monde de l’économie, l’homme idéal est celui qui réalise sa fonction de comportement
(maximisation de profit ou d’utilité) dans un système d’échange marchand.
Aussi même si la doctrine idéale sur l’homme n’existe pas encore, même si la mesure
de l’art n’a pas été encore confectionnée, le peu que nous pouvons faire est de consigner la
trace du thème de l’homme par la position de chaque discours par rapport à d’autres, comme
si devant l’horizon du dire de l’homme, nous localisons le halo du spectre du phénomène de
thème de l’homme. La question ouverte est alors : Où en est chacune de ces représentations de
l’homme par rapport à ce qui se dit sur l’homme ? La question n’est donc plus de savoir
qu’est-ce qui se dit sur l’homme, mais étant donné d’autres bribes de propos sur l’homme
267
quel est le rapport de chaque partie par rapport à un propos appartenant à l’ensemble de ce qui
a été déjà dit. Nous allons donc voir l’état de lieu du thème de l’homme par rapport à ce qui se
dit en économie. Mathématiquement, cette deuxième section étudie la position d’un élément
d’un ensemble par rapport à chaque autre élément du même ensemble. Si cet ensemble est
quantitatif, chaque élément se definit par rapport à l’autre élément pas des grandeurs
quantitatives qu’on peut ordonner, et l’ensemble lui-même est susceptible d’être dénombré en
quantité. Maischaque thème de l’homme est un ensemble d’éléments qualitatifs, il appartient
à une partie ou à une sous-partie par union ou par intersection .
Avec les réponses à ces questions, nous serons plus proche du thème de l’homo
œconomicus.
Pour répondre à ces questions, nous allons voir ce que la religion a dit sur l’homme
par rapport à ce que l’économie, car les religions sont parvenues à un système de discours sur
l’homme. Nos réflexions ne portent pas sur la quête de l’essence de la religion en question,
mais sur sa partie la plus dite, la plus vulgarisée de leurs propose ; nous exposerons leurs
arguments principaux ou leur sujet favori, leur « kiady153 ». Ces sujets sont aujourd’hui le
champ de batail entre la religion et la science économique. A notre avis, à l’état actuel de la
question sur le thème de l’homme, le champ de dispute se porte sur les sujets de la richesse et
de l’activité humaine ; le thème de l’homme développie la vie comme une richesse, ou encore
la richesse comme sujet directeur sur le sens de la vie. Si nous utilisons les thèmes de
PARMENIDE, nous reconnaissons que ce que nous faisons n’est que de l’apparence, de
l’opinion et non pas de l’essence et de la réalité ; en diluant le thème de l’homme dans celui
de l’action et celui de la richesse, ne sommes-nous pas en train d’émettre nos opinions ? ne
sommes nous pas en train de focaliser nos regards sur de l’apparence ? Mais, plus fort que
nous – les êtres humains contemporains – cette apparence, cette opinion et cette apparence ne
sont-elles pas devenues une science avec Adam SMITH et les économistes ?
Ainsi, pour traiter le thème de l’homme dans un contexte contemporain tout en restant
dans le fil d’idées commencé et ouvert par la religion et ses affirmations fondatrices du thème
de l’homme, nous exposerons successivement le thème de la richesse sur la base de la religion
judéo-chrétienne et le thème de l’ « action » selon le langage de la religion hindou et qui est
traduit simplement en économie par le thème de la production. Ces deux religions
représentent plus de la moitié de la pratique religieuse du monde, et chacune d’entre elles
153
268
adoptent une conception différentes pour expliquer et justifier un phénomène identique. Leurs
différences cependant n’ont pas atteint un état antagonique ; nous ne pouvons donc pas nous
targuer de présenter une réflexion totale du récit de l’homme idéal, mais seulement avancer
deux états possibles de la question, et entre ces deux états, nous traçons implicitément un lien
ou une direction possible de la réflexion. Aussi, à la fin de chaque paragraphe, il n’y a pas de
vérité qui tienne, ni démonstration convaicante, mais un début de réflexion, une possibilité
d’explication et de fait. En outre, à ce niveau de réflexion, des déplacements intellectuels se
sont glissés: nous avons passé de la narration d’un homme particulier vers la narration de
l’homme en général, ou de l’homme universel.
PARAGRAPHE 1 – DE L’ETAT DE LIEU DU THEME DE L’HOMME SAISI A TRAVERS LE SUJET DE LA RICHESSE DEVELOPPE ET VULGARISE PAR LA BIBLE PAR RAPPORT A L’HOMME DEVELOPPE PAR LA SCIENCE ECONOMIQUE
L’homme de la bible a été défini par certains philosophes par sa position vis-à-vis des
autres animaux : l’homme est le dernier produit de la chaîne de la création après les végétaux
et les animaux et dans sa création intervient plus particulièrement le souffle divin. Mais
derrière ce préalable, il y a aussi une double révélation : la position particulière du narrateur
(dieu ou son inspiration) et le thème de la richesse (la nature est richesse de l’homme, et
l’homme est lui-même une richesse de la divinité ou du diable).
I – La nature est une richesse de l’homme
Lorsque l’homme se voit confier une mission particulière et distinctive de celle de
l’homme en général ou différente des activités quotidiennes de l’homme, il s’individualise et
se détache de l’homme en général. Cette situation est celle des héros, sinon celles des fous, ou
celle des individus dont l’activité a fait l’objet de la narration, tellement elle est unique en son
genre et possible pour tout être humain. La bible est riche de ce type de récit : les individus
nommés par les narrateurs servent généralement de parangons à des situations tragiques
servant d’exemple ou d’inspiration à ses lecteurs. Le récit ainsi obtenu est celui de l’homme
situé.
Ce type de récit, à l’inverse de la science juridique et les jugements judiciaires, est
rarement utilisé par la science économique. Par contre, la science économique est riche en
récit des idées des narrateurs. Le récit économique n’est pas celui d’un acteur nommé, mais
du narrateur nommé.
269
Les rédacteurs de la bible n’ont pas procédé par une investigation préalable pour
établir le message destiné pour l’homme ; ce qui les anime c’est la déclaration directe de la
nature de l’homme pour proposer sa solution. L’image de l’homme est donc implicite ou
tacite à travers ce que demande le message de la bible. De ce fait, ce n’est pas un profil de
l’homme issu d’une connaissance personnelle que la bible présente, mais un profil de
l’homme en marche vers la perfection. Les théoriciens économiques, eux aussi, énoncent le
comportement – et non la nature de l’homme – pour expliquer un cliché du mouvement de
l’homme ; le théoricien de l’économie utilise la connaissance de comportement de l’homme
pour rendre compte des faits de l’homme étant donné ce que ce dernier est.
A – L’homme dominant de la nature
Le premier homme raconté par le Livre de Genèse a été confié de missions
particulières : la domination des êtres animés154. Ce sort concerne aussi les descendants de ce
premier homme. En croisant cette idée avec la conception juive de la richesse, la domination
de la nature figure dans la richesse de l’homme. La domination155 a un sens actuel de
souveraineté transmissible ; il a un sens différent de sa traduction courante : domestication ou
de maîtrise. Il dénote un thème qui a été repris par la science économique sous d’autres sujets.
La bible représente la nature comme un territoire d’espèces animés et sur lesquels une
espèce particulier domine. L’homme exerce un pouvoir souverain sur le monde animal. Il
s’agit de « l »’homme et non pas d’un homme. A l’état actuel de la conception de l’homme,
c’est la représentation de l’homme qui domine sur l’homme en général, et même sur
154 « Faisons l'homme à notre image, comme notre ressemblance, et qu'ils dominent sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toutes les bêtes sauvages et toutes les bestioles qui rampent sur la terre.» (Genèse Chapitre 1, verset 26). 155 En effet, le verbe « dominer » employé dans la phrase biblique En Hébreux, (littéralement « vayeredu ») est aussi traduit par « descendre sur … » et par « livrer un ennemie entre les mains » à l’instar des phrases suivantes : « Suivez-moi, car Yahvé a livré votre ennemi, Moab, entre vos mains » (La Bible, Ancien Testament, Juges Chapitre 3, verset 28-). La Bible utilise d’autres vocabulaires pour désigner ce qui est traduit en français par le mot « dominer » : moshelim ») dans les phrases suivantes : « Ne sais-tu pas que les Philistins dominent sur nous ? » (Juges 15 : 11--). Ce même mot est traduit en français par « tyran » dans Isaïe, chapitre 49, verset 7, - alors que dans d’autres circonstances (Jérémie, chapitre 33, verset 26-), il évoque la gouvernance. L’expression traduisant le « bâton de souverain » dans Isaïe 14 : 5- donne un autre sens au mot utilisé pour traduire la domination : la souveraineté.
Le pluriel dans la phrase « … qu'ils dominent sur les poissons de la mer,… » indique que l’on parle de l’homme en général.
270
l’univers156. Cette conception de l’homme fort sans faiblesse et donc qui n’est en dual qu’avec
l’univers a été déjà appréhendé par NIETZSCHE, mais elle reste dans le domaine de la
spéculation sinon de la fiction. Le «super-homme », l’Ubermensche », est encore le résultat
d’une théorie inspirée de l’homme faible développé par SCHOPENHAUER et qui pâtit de ses
volontés.
La science économique actuelle, pour sa part, reconnaît la faiblesse de l’homme ;
celle-ci rime avec la satisfaction qu’apporte la raison, car la science économique n’est pas une
philosophie ou un système dialectique constitué de thèse, d’antithèse et de synthèse, mais
plutôt de la narration plaisante et logique. L’opposé de la faiblesse est la satisfaction. Le
thème de la domination au niveau de « l »’homme est encore en économie un thème de la
promotion de l’homme : un passage de l’état lamentable vers une société de joie et
d’amusement.
La Bible parle de l’homme fort ; la mission de l’homme est d’exercer une influence
sur la nature et aussi sur les hommes, alors que pour l’économie, l’homme à travers ses
institutions apparie la rareté de la nature, ou encore l’inégalité de sa distribution. L’homme de
l’économie est plutôt un homme faible qui exerce sa puissance par la production. L’idée de
maîtrise est absente dans cette mission, comme si d’après la bible, l’homme ne peut pas se
dompter lui-même. L’image biblique affirme même que l’homme est lui-même sous l’emprise
du Mal. Aussi, dans la théorie biblique, ce n’est pas vraiment l’homme qui impose sa
domination sur les êtres animés, mais le Mal ; ce n’est pas lui qui exerce, en dernière analyse,
sur la nature, mais la force du Mal qui agit en lui. La théorie biblique diffère celle de la
théorie économique.
Cette situation cependant n’est pas celle décrite par la science économique actuelle,
chez qui l’homme ou l’individu achève son existence lorsqu’il cesse, sous les yeux intéressés
des économistes narrant ses activités, d’être un producteur ou un consommateur, un offreur ou
un demandeur. L’homme approprié pour l’histoire de la pensée économique, il nous semble,
est celui qui, le premier, a inauguré une activité nouvelle, un produit ou un procédé nouveau
de fabrication, l’entrepreneur-innovateur de SCHUMPETER, ou celui de Jean-Baptiste SAY,
des hommes non pas utiles à la société pour leur fait de production, mais seulement pour le
fait qu’ils sont exposés à des critiques, ou encore parce qu’ils ont révélé l’existence d’une
156 C’est dans ce sens que s’interprète peut-être la citation de JESUS relaté dans l’Evangile selon Mathieu : (chapitre 28, verset 18) : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre »
271
distance non physique entre les êtres humains ; ce sont des hommes à la limite de l’ordinaire
et du domestique.
Ce n’est donc pas la construction d’une infrastructure ou l’érection d’un objet d’art qui
importe, mais le fait que sans avoir été chargé d’une mission, un individu ou le produit des
activités de l’individu se détachent de l’homme et deviennent son idéal. Une observation du
comportement des animaux montre que ces derniers ont de la possibilité de bâtir une
civilisation matérielle ; certains d’entre eux accumulent des provisions, construisent des biens
collectifs, tracent leur domaine privé, pratiquent la division sexuelle de travail, notamment
dans la fourniture de nourriture pour leurs petits, etc. Il leur manque cependant, peut-être de
l’organisation rationnelle, ou quelque chose dont seule, disposent les humains. Nous sommes,
par ce fait, en présence d’une limitation de la pratique de l’économique ainsi que devant une
manifestation de la supériorité organisationnelle de l’animal qui, sans avoir de discours sur la
raison, arrive à s’organiser avant même que l’organisation existe.
Par rapport à la communauté animale et en dépit de la présence de la rationalité, les
sociétés humaines sont menacées par la tendance à l’individualisme, par la dictature et par la
liberté individuelle par rapport à la règlementation sociale. Ces mots semblent s’appliquer
pour décrire la faiblesse spécifique des communautés humaines. Les animaux peuvent être
individualistes, seulement ils ne pratiquent pas le suicide, et que, ce que nous nommons par
dictature, à l’instar des sociétés des abeilles, leur provient d’une division naturelle de travail,
alors que la dictature humaine s’explique bien au-delà des exigences de la division naturelle
de travail, par la recherche de plus de profit individuel.
La liberté individuelle par rapport aux exigences sociale est un problème de la
sociologie, de l’économie et de la politique. Rares sont, en effet, en économie, les lois
rigoureuses portant sur le comportement de l’homme. Parmi ces derniers, figure la loi de
(comportement) du marché, et plus particulièrement le marché de travail et dans la décision de
produire. Le travail est déployé en fonction du revenu. Mais il est conditionné par des
contraintes morales. Il y a de bon travail qui caractérisé par des revenus élevés et par une
reconnaissance sociale, alors que le « mauvais travail » en est l’inverse. De ce fait, ce qui se
raconte sur l’homme est limité par les effets de l’incitation d’un gain et éventuellement ce qui
est permis par la morale. Gain et morale, ou encore richesse et interdiction forment donc un
espace à l’intérieur duquel se manifeste l’homme.
272
Nous resterons dans le discours de l’économiste en travaillant en termes de « travail »
et non de la « richesse », de la « loi de marché » et non de « l’interdiction ». Nous soutenons
que le travail et l’interdiction sont les limites de la représentation imagée de l’homme.
B – L’homme à la recherche du Bien
Les idées suivantes ont été tirées du « L’enseignement biblique sur l’homme » de
Ronald KLEGER (KLEGER 2006).
Selon des versets épars de la bible, l’homme a une vie de courte durée157, mais
observée attentivement par Dieu158 ; l’ensemble des hommes est réuni par un lien de
consanguinité unique (voir la citation suivante) qui a été par la suite transformée en
metaphore selon quoi le Fils de Dieu a donné son propre sang pour racheter l’humanité et
ainsi faisant pour donner une nouvelle source de paternité à l’espèce humaine. Enfin, Dieu
exerce une attraction sur l’homme. La traduction suivante (version Bible de Jerusalem)
récapitule l’état de l’homme :
« Si d'un principe unique il a fait tout le genre humain pour qu'il habite sur toute la
face de la terre; s'il a fixé des temps déterminés et les limites de l'habitat des hommes, c'était
afin qu'ils cherchent la divinité pour l'atteindre, si possible, comme à tâtons et la trouver;
aussi bien n'est-elle pas loin de chacun de nous. C'est en elle en effet que nous avons la vie, le
mouvement et l'être. Ainsi d'ailleurs l'ont dit certains des vôtres : “Car nous sommes aussi de
sa race » Actes des Apôtres, chapitre 17, versets 26 à 29-.
L’homme est un être unique (car issu d’un même sang), localisé dans une espace
appelée « terre » et dans le temps pour chercher à tâtons la divinité et la trouver s’il a « la
possibilité (entendez, s’il est élu), car la divinité est la source de la vie. Aucune description
n’est possible dans ce sens : car l’homme de la bible est un être unique au monde, « l »’être,
dans « l »’espace. Sa seule indice ou sa seule trace de présence est le mouvement vers un lieu
non spatial mais qualifié de vital par ses inspirés de rédacteur.
L’homme de la science économique actuelle aussi est unique, uni par les mêmes lois
ou par les mêmes principes économiques et est placé dans une institution à partir duquel son
157 « La vie de l’homme est courte, sans cesse agitée, il naît … et il disparaît comme une ombre » (Job 14 : 1-2) 158 « Eternel, qu’est-ce que l’homme pour que tu prennes garde à lui ? » (Psaume 144 : 3-4)
273
statut est définit dans cette discipline. La théorie économique a emprunté le concept de
« secteur institutionnel » de la comptabilité nationale pour situer l’homme. L’homme habite
l’espace économique formulé en termes de « marché », « institution », pour localiser
l’homme. Sa raison de description est la recherche de profit ou de bien de consommation.
La recherche du bien est la disposition ou l’orientation de l’homme. Les querelles
dogmatiques de la religion exposent les modalités de cette acquisition et de détermination des
élus. En outre, nous exposerons dans le II ci-dessous l’état de lieu de l’homme selon les
chrétiens.
Le fait que l’homme est à la fois une richesse pour ce qui le domine et qu’il est
capable lui aussi de produire de la richesse indique que le thème de l’homme est comparable à
celui du capital ou de facteur de production. Il est le facteur de production de bien ou, comme
l’affirme l’expression biblique paulienne, il est le « temple de Dieu », ou encore le « témoin »
ou le « messager » de Dieu. D’autres hommes sont appelés pour la destruction de la nature et
de l’homme. Cette façon de présenter l’homme est plus ou moins déjà exploitée par la science
économique et par la gestion.
II –L’homme universel est la richesse du système de narration
On rappelle que nous dépassons le concept de narrations isolées pour parler du
« système de narrations » car la narration concerne des narrateurs isolés voulant saisir
l’homme en général. Or, il apparaît que ces récits sont bornés par l’objet (l’homme) et les
moyens (les mots) de la narration ; le dicible se présente dans une sorte de cadres techniques
préalable : l’objet et les moyens.
Le christianisme – version luthérienne – avance que l’homme, une fois sauvé de la
domination de la Loi est animé par un autre déterminant : la grâce de l’Esprit saint. Cela
confère à l’homme une autre mission : la conservation de la foi et l’évangélisation. A la
différence de l’Eglise catholique romaine, les églises protestantes réformées ou pentecôtistes
sont individualistes ; elles considèrent la conservation de la foi et l’évangélisation à la fois
comme une activité collective organisée au sein de chaque communauté religieuse et comme
un devoir personnel des individus-membres de l’Église. L’homme (de la religion protestante)
se présente autrement.
274
Les actions de conservation de la foi et d’évangélisation sont deux activités différentes
quoique non séparées qui reviennent à l’homme. La foi et l’évangélisation changent l’image
de l’homme et la façon, voire le contenu, de son discours. De nouveaux textes viennent alors
compléter la lecture chrétienne de la loi : les quatre évangiles et les épîtres. La mission
chrétienne et les messages divins sont exprimés par JESUS et consignée dans les Evangiles.
Sans expliquer pourquoi et comment la foi, nous montrerons que le peu que l’homme véhicule
comme image de lui est le témoignage de sa religion ou de sa foi ; le bon pour le chrétien est
l’étalage de sa foi, et tout chrétien ne fait que montrer sa foi. La religion chrétienne présente
l’homme alors comme un ensemble d’individus unis par la foi et œuvrant pour l’extension en
surface de la communauté.
D’après les marxistes, le système capitaliste accuse le même schéma de
développement que la religion chrétienne : croissance en profondeur et en largeur. Or, les
individus ou les agents économiques sont les facteurs de cette expansion : les exploitants et
les exploités sont des individus fortement pénétrés par l’idéologie du système qu’ils
considèrent le produit de l’exploitation comme une situation naturelle de l’homme. Chaque
système de production produit leur image de l’homme ; mais la particularité du système
capitaliste est sa dimension mondiale à tel point que l’on assiste à une situation
d’universalisation de la représentation de l’homme.
Le christianisme et le système capitaliste s’assemblent par leur dimension universelle.
Nous allons consigner les points communs de la représentation de l’homme du système
économique (du capitalisme) et celui de la religion. Nous allons présenter alors le thème du
passage de l’individu vers l’homme universel et ensuite les activités communes entre les
hommes qui consistent à répandre l’idéologie du système respectif. Pour ce deuxième point, il
s’agit du travail et de la conscience.
A – Le passage du thème de l’individu vers l’homme
La prière de JESUS la veille de sa crucifixion retrace ce nouveau portrait de l’homme :
« Père saint, garde-les dans ton Nom que tu m'as donné, pour qu'ils soient un comme
nous » (La Bible, Le Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 17, verset 11-).
Cette citation reprend encore le thème de l’homme créé à l’image de dieu, et indique
une nouvelle information sur ce thème : l’homme à l’image de Dieu est sous la « garde » de
275
Dieu, et cette garde permet à l’homme d’atteindre non seulement l’image de dieu, mais aussi
l’unité ou la communion fraternelle. Qu’est-ce qu’être « un comme nous » ? D’après les
chrétiens, l’acquisition des messages de JESUS est l’objet de la foi. Or, celle-ci devait se
traduire par un nouveau comportement, par des changements de comportement vis-à-vis des
problèmes de la vie ; mais ces messages sont dénaturés par la religion ou par certains faux
prophètes et par d’autres circonstances de la vie. D’où il appartient à chaque chrétien de
pratiquer des activités pour que leurs comportements soient conforme aux enseignements du
christianisme. Avec ces pratiques, apparaît un homme nouveau, l’homme du Nouveau
testament, le « né de nouveau » selon les termes de JESUS consignés dans l’Evangile selon
Jean, chapitre 1, verset 3.
Deux types d’individus apparaissent : l’homme nouveau et l’ancien homme, celui qui
reste dans ses états pécheurs, celui qui est encore sous la condamnation de la loi. La littérature
chrétienne va alors se mettre à l’œuvre pour représenter l’homme selon leur différence :
l’homme est narré selon leur situation dans la « grâce », tantôt dans la « condamnation ».
Pour le premier type d’individus, en gros et d’après l’histoire des premières églises
consignée dans les Actes des Apôtres, ces individus se distinguent par des activités de
conservation de la foi consistent en des pratiques de communion fraternelle, la lecture de la
bible, les louanges et les prières ; ce sont des individus qui ont mis en commun leurs biens et
qui sont unis par la foi et leur pratique religieuse ; ce sont des individus qui reconnaissent
leurs propres défauts et espèrent en obtenir une rémission. Les épîtres régulièrement
rappellent l’idéal : JESUS. Les chrétiens, cependant, n’osent pas se comparer à leur idéal ; au
contraire, ils adoptent une attitude qui se veut être humble à tel point que l’humilité est élevée
au rang de la vertu.
Théoriquement, la vertu devrait rendre efficace le chrétien humble dans ses missions
évangéliques, mais l’enseignement chrétien interdit le chrétien d’être fière de son efficacité,
car ce qu’il faut s’en réjouir est la joie céleste pour le produit en lui-même (un repenti de plus
apporterait de la réjouissance au ciel). Le chrétien n’a donc pas à se satisfaire de son efficacité
en termes de mission évangélique, mais plutôt d’avoir son âme sauvée. Cela n’empêche,
cependant pas les théoriciens – rédacteurs des épîtres de l’évangile de reconnaître l’efficacité
de leurs paires, et même des témoignages des chrétiens contemporains. Quelques mots-clés
vont alors se dégager pour conceptualiser l’homme parfait de l’évangile dont entre autres,
276
« l’esclave » 159 ou le « serviteur »160 . Le premier est l’homme enchaîné, alors que le second
est l’humble serviteur de la maison. Ces deux termes évoquent ensuite le thème
d’attachement, le « religio » latin. L’homme idéal du christianisme est l’homme attaché au
service du bien par opposition de l’homme esclave du mal. Dans les deux cas la
représentation de l’homme idéal est celui de l’homme attaché au service d’une bonne cause.
Si par extension l’image chrétienne de l’homme est celui qui est attaché au pilon du
devoir celle de la narration de l’homme dans un système économique reconnaît présente
l’homme comme un être attaché au système de la production matérielle pour survivre. Cette
image est invisible à moins que le système en question soit la valeur suprême de la société : la
démocratie pour les uns, le marché pour d’autres, l’argent, ou le pouvoir, etc. le système
économique capitaliste véhicule les valeurs comme la quantité de production ou encore des
indicateurs de performance économique. En économie, l’attachement de l’individu au système
est exprimé par les thèmes d’échange, la division sociale de travail, le profit et la
redistribution du profit social. Les thèmes sur l’homme produits par les économistes varient
fonction des contextes intellectuels et des préoccupations du moment : durant le
développement du système économique socialiste, certains économistes focalisent leur propos
sur l’efficacité du système à rendre heureux leurs organes, c’est-à-dire à satisfaire leur
besoin ; durant la mondialisation, le thème de l’échange est au centre de leur préoccupation.
Les économistes sont aussi attirés par les problèmes d’actualités : l’inflation, le chômage, la
croissance et le sous-développement.
Ces thèmes développés par les économistes peuvent être situés dans le schéma sur le
passage du thème de l’individu vers l’homme étrenné par le christianisme : les individus sont
liés par la productivité sociale ou la productivité collective. Là où les chrétiens s’expriment en
amour agape, les économistes utilisent le mot « division de travail », « spécialisation » et
« échange ». Seulement, les économistes s’intéressent au profit immédiat et là. Le royaume
des cieux des chrétiens est un monde de prospérité et de bien-être matériel dont profitent tous
les membres de la communauté.
Le thème de l’homme dans la théorie chrétienne se déduit de leur thèse sur l’existence
du royaume des cieux et se présente alors comme un thème sur les types d’hommes : des
159 Le mot grec utilisé est « δουλους » littéralement « doulous ». Ce mot évoque l’image de l’homme enchaîné. 160 Le mot grec utilisé est «διαχονοι » littéralement « diachonoi » origine du mot diacre ou du Malgache « diakona ».
277
individus attachés. Les critères usités sont : d’abord, la délimitation du bien et du mal par
l’établissement de règles de lecture des documents considérés comme sacrés. La bible est
certes le document commun de toutes les communautés qui se disent chrétiennes, mais à côté
d’elle, certaines communautés ajoutent d’autres documents comme les professions de foi ou
des œuvres écrites émanées d’une autorité religieuse admise. D’où découle le deuxième
critère : les documents utilisés et reconnus comme participant à la confection de la norme. Ce
sont des travaux des docteurs de chaque église. La plupart des églises chrétiennes du monde
reconnaissent le « Symbole apostolique » (traduit en Malgache par « Fanakem-pinoana
apostolika ») reconnaissant le Dieu créateur, le Fils de dieu descendu sur la terre par la voie
d’une femme vierge, l’Esprit Saint, la Communauté des saint, le salut et la vie éternelle.
De divergences cependant apparaissent au sein de l’Église concernant l’autorité des
chefs de son organisation et aussi sur certains points de la doctrine, par exemples, l’unicité de
la divinité ou la place de certaines communautés d’hommes devant une prétendue ordre
divine. Cela a entraîné des scissions au sein de l’Église et surtout la formation de nouveaux
documents de profession de foi. C’est ainsi que naissent les professions de foi comme celle
dite d’Athanase niant sans argumenter l’affirmation de la supériorité de la race aryenne ou le
Symbole de Nicée soutenant par voie de credo que JESUS et le Saint Esprit sont de même
nature que Dieu le Père. L’homme chrétien refuse l’inégalité raciale ; théoriquement, il est
donc ouvert au brassage ethnique.
La divergence entre les chrétiens se pose dans les thèmes de la pratique de la foi : la
définition du jour de l’assemblée collective. Une étude systématique des différentes
dénominations des églises protestantes et évangélique constate que en fait, il y a trois types
d’églises qui sont produits par la Reformation161 : l’Eglise luthérienne, l’Eglise Reformée/
Presbytérienne et l’Eglise anglicane. De ces trois églises sont sorties par la suite les églises
indépendantes (les Mennonites, les Congrégationalistes, les Baptistes, l’Armée du Salut, les
Quakers, etc.) et les églises issues de fusion d’églises (Les Eglises pentecôtistes, l’Assemblée
de Dieu, etc.) (Ecole Biblique Emmaüs 2011).
En dehors de leur origine, chaque communauté d’église se singularise aussi par leur
doctrine, leur organisation et leur culte. Les doctrines font généralement l’objet d’une
rédaction écrite de profession de foi. En plus des trois professions de foi citées ci-dessus,
chaque dénomination d’Eglise a aussi plus ou moins élaboré leur propre profession : les
161 Nous n’avons rapporté que les Eglises protestantes existant ou ayant de l’influence à Madagascar.
278
luthériens ont leur « Confession d’Augsbourg » et le « Petit catéchisme » de LUTHER, les
anglicans, leur livre de prière et leur « 39 articles » rédigées par CRAMMER en 1552 ; les
Reformés ont leur « Confession de foi de la Rochelle », la « Confession des Pays-Bas », les
deux « Confession helvétique », etc.
Les critères d’adhésion à l’Eglise forment un autre déterminant révélant la
représentation de l’homme dans le monde chrétien. Les premiers doctrinaires de cette Eglise,
en l’occurrence les rédacteurs des épîtres du Nouveau Testament, en effet, ont établi deux
périodes différentes dans la vie de chaque homme : l’avant la réception du Salut et la période
de grâce. Deux types d’hommes existent donc : celui n’a pas connu l’Evangile et celui qui vit
dans la grâce. La vie du premier type est comparable à celle d’un animal, alors que celle du
second est une vie spirituelle. On note que les théoriciens chrétiens accordent peu
d’importance au passage d’une vie vers une autre. Pour saisir le contraste entre les deux
modes de vie, les versets bibliques suivants ont été choisis :
La science économique s’érige aussi en doctrine dont le thème constitutif est
l’identification de la force unissant les individus162.
Le christianisme est une communauté qui utilise la bible pour décrire le référentiel de
leurs faits. L’image du chrétien lettré est celle d’un individu qui peut justifier ses actions et
ses intentions par des extraits de versets bibliques, ou tout simplement, c’est un individu qui
utilise les thèmes et les mots de la bible pour nommer son existence. Etant donné cependant la
libre interprétation de la bible, des certaines lectures officielles existent tranchant finalement
sur l’objet de la lecture et qui décide du contenu de l’éthique chrétienne propre à chaque
lecture. Le chrétien est alors celui qui s’aligne dans l’interprétation officielle pour caractériser
son existence.
A côté du christianisme, l’économique est une communauté qui utilise les théories
économique pour décrire et justifier leur fait. L’image de l’homme de l’économique est celle
d’un individu qui peut justifier ses actions ou dont ses actions sont justifiables et intelligibles
par les théories économiques. Malgré la diversité des théories économiques et l’existence des
théories dominantes, le fait de l’homme de l’économie est descriptible par la théorie
économique.
162 Nous développerons cette idée dans le second livre.
279
B – La raison et la conscience humaine
La poussée de la philosophie a développé des thèmes sur des sujets concernant des
phénomènes intérieurs de l’homme à qui on porte une dimension universelle. Parmi ces sujets
figurent la conscience l’âme, et la raison.
La conscience est un concept ayant des sens différents selon le langage. Dans les
langues dérivées du latin, la conscience relève de la notion de connaissance, de la perception
et de la clarté du monde extérieur, alors que dans la langue arabe, elle évoque une perception
de la connaissance du monde intérieur163. La langue arabe indique même la démarche vers la
conscience : le « dhamîr » traduit par l’équivalent de ce que les latins nomment par
« humilité » : « s’affaiblir », « s’amenuiser », « maigri ». Aussi, la conscience « arabe » est de
l’introspection latin. Un autre mot arabe ayant un équivalent latin de conscience, prendre
conscience est « وعى » (littéralement « ouga »). Il est traduit dans un contexte arabisant par
« prendre conscience ». A la différence du mot précédent, ce mot désigne une acquisition d’un
objet extérieur à l’homme. Ce mot est proche de celle utilisée dans la culture latine : de la
conscience de quelque chose, plus particulièrement de soi, sinon des vertus. Mais la
conscience n’est pas encore un thème achevé. Nous avons plus ou moins exposé le rôle de
l’introspection, il nous faut alors exposer la démarche humaine allant vers un sens opposé : de
l’homme vers l’objet. Dans ce mouvement, nous pouvons voire encore un autre aspect de
l’homme : un être qui se dirige vers l’objet, vers le phénomène, pour le saisir. La conscience
est donc un mouvement et une appréhension. Ce mouvement en d’appréhender est un
caractère partagé entre les hommes, un facteur unifiant les individus dans un corps unique de
« l »’homme.
Le problème cependant est que le mouvement est insaisissable intellectuellement et
même verbalement ; il désigne un trouble intérieur, « agiter », « remuer », « déplacer », etc.
La liste est longue. Dans la philosophie, on utilise aussi le mot « élan » ou « pulsion ». Le
concept le plus proche du sens évoqué est le « besoin ». Prendre conscience de quelque chose
est donc une sorte d’avoir besoin de quelque chose. Un débat s’ouvre d’ailleurs à ce propos
sur l’origine du besoin et sur la relation entre les termes voisins (« désir », « besoin » et
« pulsion »). Ce deuxième point a été plus ou moins traité en passim dans la présente thèse.
163 Il s’agit du mot « ضمير» littéralement « dhamîr » signifiant « conscience », « for intérieur » (REIG 1983).
280
Pour la question de l’origine du besoin (ou du mouvement) et ses implications
théoriques, la condition du besoin est la sensibilité. Or la sensibilité n’est pas reconnue que
chez certains types de créature (FERBER 1998). ARISTOTE en a défini le critère : la
possession de l’ « anima », la substance qui fait animer les vivants. On remarque déjà la
dualité de termes : « animé » ou « mouvant ». Thomas d’AQUIN posait que toutes les
créatures possèdent une âme, car cette dernière est la forme de corps ; mais toutes les âmes ne
sont pas identiques en qualité : toutes les âmes sont capables de donner une animation et une
faculté de subir une influence extérieure à chaque être ; c’est la fonction végétative de l’âme.
Mais certains êtres disposent d’une âme capable de faire éprouver de la sensation à certains
corps. Un corps sensible et réactif aux influences extérieures en découle. La sensibilité
consiste à une capacité de se représenter le monde, d’avoir une image du monde extérieur. Il
n’est pas évident qu’une plante n’éprouve pas de la sensibilité ; l’animal peut peut-être
éprouver une sensation de carence de nourriture et réagit en conséquence. Enfin, l’âme de
bonne qualité est celle qui munie des fonctions végétatives, sensitives et d’intelligence.
Le besoin, d’après ARISTOTE et ses successeurs, sont donc le résultat de la forme
sensible du corps. En dépassant la forme géométrique du corps, cette théorie suggère que la
représentation de l’homme est modelée par celle de ses besoins, et par extension, par la
culture. Ceci est aussi visible sur l’architecture et sur l’art plastique et sur leur symbole. C’est
ainsi que les statuettes ornant les tombes Antandroy, une tribu malgache, représente le besoin
de l’homme défunt lorsqu’il était sur terre : des zébus pour les uns, des maisons ou des
femmes pour d’autres. Dans cet esprit, les récitations des morts devant le jugement après la
mort indique ce que l’homme a envi de faire durant sa vie terrestre.
D’autres théories mettant en relation la culture et le besoin. Parmi eux figurent les
Marxistes, avec leur concept de « besoins sociaux » (par opposition au besoin individuel). Les
théoriciens de la socio-économie abondent aussi dans ce sens. Pour eux, l’homme est un être
animé par la sensibilité aux objets de la nature. La forme de l’homme se détermine par les
biens demandés. On note que la sensibilité n’est qu’une question de réactivité ; et qu’elle peut
s’émousser, voire induit en erreur à cause de signaux erronés émanés de l’extérieur – car la
théorie de la sensibilité de l’âme ressemble à la théorie de l’information. Certains théoriciens
de la religion, comme BOUDHA défend l’idée que l’homme subit des faux concepts et traite
des faux problèmes. Dans la science politique, il est reconnu que l’idéologie induit à des
pratiques de classe.
281
L’âme ayant une fonction intellective est celle détenue par l’homme. C’est une âme
animant et capable de représenter pour elle et en image le monde extérieur, et même plus, de
construire une image de l’extérieur à partir des caractéristiques individuelles. La fonction
sensitive fait l’individu, alors que la onction intellective de l’âme fait « l »’homme. Dans la
théorie thomiste, alors, la forme de corps de l’homme est caractérisée par une âme susceptible
à la fois de faire mouvoir, de recevoir les différentes sensibilités et appartenant à l’espèce
humaine. C’est cette âme intellective qui n’a pas été tenu en compte par la théorie
économique classique et que les théoriciens de l’économie néo-classique essaient d’en rendre
compte par l’expression « homo œconomicus ».
La fonction intellective de l’âme consiste à une capacité de conceptualisation. Les
hommes s’assemblent par le vide inné de leur mémoire. Puis, tout au long de leur vie, ils
remplissent « leur tête » ou leur intelligence de concepts et de notions, c’est-à-dire qu’ils
reconnaissent les espèces et les variétés du monde extérieur. La représentation de l’homme
figure parmi les notions que l’homme se construit tout au long de leur vie164.
Le thème de mouvement de l’être animé par une âme fonctionnant avec l’intelligence,
consistant à des accumulations de notions est aussi celui du savoir : l’homme est représenté
par ses notions collectives, par les produits croisés de ses organes sensoriels, par sa science. A
côté de la diversité du savoir ou de la diversité du niveau des savoirs, des acquis communs ou
du fond commun du savoir humain existent. L’Ancien Testament biblique nomme ces
derniers « la loi » (divine) alors que les termes profanes les appellent par le mot « ordre ». Ce
préalable de connaissance ouvre alors une autre question sur un paradoxe : l’homme se
présent à la fois sous forme d’être déterminé (par la loi et par les connaissances préalables)
alors qu’il a le pouvoir et le mot pour critiquer l’ordre ; l’homme n’est donc pas
complètement déterminé. L’analyse de certaines littératures illustre ce propos.
Pour certains philosophes, la question est sensible à travers la narration de l’homme
dans un état de souffrance : les récits d’un prisonnier par exemple. La littérature (romans et
les Curricula Vitam) foisonne dans ce sens. A terme de ces narrations se découvre aussi une
représentation de l’homme. Pour illustrer nos propos, nous rapportons les études de
WITTGENSTEIN, un philosophe qui a commenté les romans de l’homme en souffrance de
DOSTOIEVSKI (RAÏD 2004), le « Réconfort philosophique » de BOETUS. De ces études, la
présentation de l’homme se précise ; un besoin de concrétiser – voire d’incarner – le modèle
164 Le contenu de ces notions a été plus ou moins développé tout au long de la présente thèse.
282
devient urgent. Le réformateur Martin LUTHER avait aussi discuté de la question, mais
momentanément, nous vous faire une trêve de discussion religieuse pour éviter le diktat de
l’inconnu et qui est conceptualisé par le mot « dieu ».
WITTGENSTEIN utilise les romans de l’écrivain russe Fedor Mikaïlovski
DOSTOIEVSKI (1821 – 1881) pour y déceler les caractères de l’homme étant donné ses
conditions et ses potentialités. L’intérêt de l’étude de WITTGENSTEIN sur ce sujet est de
nous introduire progressivement au récit de l’homo œconomicus et surtout de présenter les
thèmes associés au récit de l’homo œconomicus : ce dernier est présenté en héro (il est
informé sur le système), mais il est en même temps déterminé par le système. Le problème
soulevé par WITTGENSTEIN est que un homme déterminé par ses conditions ne peut pas
avoir un trait caractéristique ; il n’est donc par représentable ; le narrateur ne pourra pas
décrire à la fois le héro et le système. Conséquence, le héro ne peut que se présenter lui-
même ; il ne peut que se confesser à lui-même pour avoir un caractère et pour assumer sa
propre détermination165. Dans cet esprit, l’homo œconomicus est donc une expression de
l’auto-confession de l’homme déterminé par l’économique.
Qu’est-ce qui se dit dans l’auto-confession ? C’est une forme oratoire malgache
dénommée « kilazalaza », une forme de littérature orale usité chez les enfants pour raconter
(et non pas accuser directement) à un adulte les méfaits d’un compère coupable. Les enfants y
trouvent une satisfaction de s’être exprimé et non pas une demande en réparation à un
dommage. La caricature du Kilazalaza tel que ce dernier est habituellement raconté dans un
sketch éducatif commence généralement par l’invocation du nom de l’adulte (même si ce
dernier et devant le narrateur) suivi de l’affirmation de soi, le « je » ou de l’autre, puis du
rapport de l’acte et de l’accusation : « Maman ! J’ai … ». Dans les romans de souffrance,
l’auto-confession comprend un jugement grossier et sévère du système ou de la situation, un
récit du dedans de soi sous forme de propos d’analyse introspective avec lequel l’individu
assume ce qu’il a vécu ; elle s’adresse à l’autre qui est dans la profonde intimité de l’homme.
Dans une auto-confession, les personnages sont diverses et s’expriment leurs intérêts et leurs
intentions oralement.
L’introspection et les assumassions du vécu sont les expressions de l’élan de l’homme
animé par une « âme intelligente ». Elles expliquent le comportement de classe, dans la
165 WITTGENSTEIN ramène la question à la source du thème de l’homme : ce qui se dit sur l’homme n’est qu’une attitude de l’homme vis-à-vis de lui-même.
283
théorie marxiste, et les fonctions de comportement dans les théories néoclassiques. Les
marxistes poussent même leur raisonnement vers l’objectivation de l’introspection et de les
assumassions.
L’influence des vocabulaires économiques se font sentir de plus en plus dans la
littérature. Certains thèmes sont plus ou moins partagés par la narration économique et la
narration littéraire et forme une sorte de paradigme : le thème de la souffrance provoque ou
est provoqué par le thème de la misère, et engendre des actions conséquentes moralement
acceptables (exemple le salariat, la migration, ou l’exploitation) ou non (l’expédition et la
violence). La littérature se permet cependant d’ajouter du sentiment ou de la conscience, ou
encore de la réflexion dans ses propose, alors que la science économie se contente de rendre
compte de l’efficacité des actions.
PARAGRAPHE 2 – DE L’ETAT DE LIEU DE L’HOMME SAISI A TRAVERS LE SUJET DE BESOIN DEVELOPPE PAR D’AUTRES RELIGIONS PAR RAPPORT L’HOMME DEVELOPPE PAR LA SCIENCE ECONOMIQUE
I – Présentation sommaire du BhagavadGîtâ et de l’homme
La Bhagavad-Gîtâ est un document considéré comme sacré dans la religion hindou. Il
est écrit par un ou plusieurs auteurs anonymes entre deux siècles et quatre siècles avant notre
ère. Ses thèmes et ses trames sont plus ou moins identiques à ceux du christianisme : la chute
et le salut en utilisant de façon directe le thème de la création ou de l’explication de l’origine.
L’histoire raconté dans la Bhagavad-Gîtâ commence bien avant l’ère chrétien, dans
une région qui se trouve selon le mythe dans le « nord de l’Inde » dans un lieu matériellement
prospère166. Des tragédies frappèrent ce lieu : meurtre accidentèle d’un prêtre suivie d’un
jugment divin conséquent, une rupture de la chaîne de succession de la souveraineté et
démarcation d’un individu par son comportement ou par un sort. Une guerre fractricide
s’ensuit alors pour l’accession au thrône entre les prétendants légitime du pouvoir. Tous les
prétendants évoquent KRSNA, leur divinité commune, pour justifier et défendre leur cause.
La divinité ne s’est pas intervenue directement, mais elle laisse le choix entre eux : KRISNA
elle-même ou l’armée de KRSNA. Le côté de ARJUN un des protagonistes de l’histoire a
166 Nous passons sous silence le développement du thème de localisation dans le nord d’un récit dans la littérature indo-européenne, ainsi que le détail insisté du contexte économique du lieu (la prospérité) que l’on rencontre dans les littératures sur la chute et la déchéance de l’homme suivi de la salvation de l’homme, car nous les avons plus ou moins développés ici et là dans les précédents chapitres.
284
choisi KRISHNA elle-même. La Bhagavad-Gîtâ est un rapport de la dialogue entre
KRISHNA et ARJUN avant et durant la bataille qui avait eu lieu dans un champ connu des
auditeurs, c’est pourquoi il a été identifié sans les précisions géographiques (Saraswati s.d.).
Le texte a original cependant n’est pas celui qu’avait reçu ARJUN, mais d’autres
individus qui l’a perdu plus tard, puis redécouvert par CAITANYA (1486 – 1530) en 1506.
Ce dernier s’attèle alors à sa diffusion par des voyages, la Bhagâvad-Gîtâ. La diffusion du
Bhagavad-Gîtâ continue jusqu’à nos jours, par les œuvres de PRABHUPADA et le
mouvement Hare KRISHNA (International Society for Krishna Counciousness)167 ainsi que
par les différents maîtres – gourous, car le message doit être régulièrement reformulé et
adaapté aux différents problèmes et à l’esprit de chaque époque tout en restant dans
l’universalité de ce problème.
La Bhagavad-Gîtâ se lit non pas textuellement, mais symboliquement. Un char tiré
par cinq chevaux, par exemple, symbolise le corps « tiré » par les cinq sens ; l’ancêtre
commun symbolise l’unité de la source du bien et du mal et d’une façon générale, les vertus et
les défauts. De même les protagonistes représentent des caractères de « l »’homme : l’homme
juste, terrible et l’homme de l’esprit assailli par le doute. Ces caractères sont unis au sein
même de « l »’homme. Aussi, la Bhagavad-Gîtâ est un récit sur « l »’homme, une description
de « l »’homme, une révélation de la nature de l’homme. Pour la Bhagavad-Gîtâ, « l »’homme
est comparable à un immense statut composée de pièces de natures différentes unies par une
source unique. Cette représentation de l’homme se rencontre non seulement dans la philologie
hindou, mais aussi dans une séquence biblique) l’époque où les Hébreux étaient en capture en
Babylone168, et d’une façon générale, dans les communautés où le monde se conçoit comme
un monstre.
En outre ce n’est pas la forme ou l’objet de la représentation qui importe dans la
Bhagavad-Gîtâ, mais son exploitation et ses influences sur ses lecteurs. En outre, la
Bhagavad-Gîtâ n’est pas un livre de religion, car « son intention n’est pas de pourvoir à un
aspect de notre nature, ou à une partie de nos attentes dans la vie, mais de nous donner la
totalité de ce dont nous avons besoin et nous faire prendre conscience de ce que nous
167 Voir ENCARTA 2004, « Krishna, divinité », Microsoft office 2004 168 Voir La Bible, Ancien testament, Daniel Chapitre 2 verset 1 à 46-
285
sommes » 169 (KRISHNANANDA 2010) ; selon l’American International Gîtâ Society, la
Bhagavad-Gîtâ « enseigne la connaissance du Soi, et répond à deux questions universelles :
Qui suis-je, et comment puis-je vivre une vie heureuse et paisible dans ce monde de dualités !
C’est un livre de yoga, de moral et de croissance spirituelle pour l’humanité, basé sur les
principes cardinaux de la religion hindoue ». (American International Gîtâ Society 2012). On
remarque que la Gîtâ adopte une position duale du monde, entraînant une facilité de la
narration de l’homme. En outre sa problématique est existentielle et tournée vers la rechercle
de la paix intérieure.
Il y a un rapport entre les propos de la bible et ceux de la Bhagavad-Gîtâ : Bien que
l’acquisition des contenus de chacun des deux livres respectifs (la Bhagavad-Gîtâ et la bible)
ainsi que celle des autres pensées permette à ses lecteurs, selon les propos de leur rédacteur,
de satisfaire tous leurs besoins, le premier affirme que le processus se déclenche
immédiatement, alors que pour le second ce processus aura lieu après la mort physique, après
que l’homme s’est livré à des combats spirituels. En outre, pour la bible la compréhension du
document ne suffit pas pour l’acquérir ; elle est le résultat d’une victoire à la suite d’un
combat livré lors du passage terrestre, alors que pour la Bhagavad-Gîtâ, on l’obtient par le
yoga, une sorte de lutte mélangée de passivité. Aussi, la Bhagavad-Gîtâ indique l’existence
d’une action typiquement humaine gagnante, alors que l’enseignement du christianisme est un
guide par l’octroi de l’Esprit Saint vers le salut de l’âme. De la représentation de l’homme
s’ensuit deux enseignements différents guidant les pratiques quotidiennes de plusieurs
millions d’individus dans le monde. La Bhagavad-Gîtâ et la bible sont comparables car tous
deux développent un même sujet mais avec des points de vue différents. La Bhagavad-Gîtâ et
la bible, ainsi que d’autres littératures devraient apporter de la paix et du réconfort dans le
trouble intérieur du lecteur.
Dans sa forme, les notes de traduction du Bhagavad-Gîtâ indique que ce dernier est un
chant, mais littérairement, il se présente sous forme de questions – réponses entre deux
personnages que sont KHRISNA et ARJUNA ; autrement dit, la Bhagavad-Gîtâ est une
dialogue entre deux personnalités, alors que l’une d’entre elles (ARJUNA) fait face à une
guerre fratricide et se demande quel est le sens de cette action. Il ne s’est cependant pas
adressé à un autre auditeur, mais plutôt sa question s’adresse au for intérieur d’ARJUNA, le
169 Ce propos évoque celui de JESUS sur la « source d’eau jaillissant en vie éternelle » (La Bible, Nouveau Testament, Evangile selon Jean, chapitre 4, verset 13- et Apocalypse, chapitre 7, verset 17-) mais avec de différences importantes.
286
questeur ; c’est un monologue. La question est adressée à une puissance suprême localisée
différente de l’homme qui se pose la question, mais qui réside dans le fort intérieur de
l’homme ; en apparence, c’est un monologue si le for intérieur est aussi le questeur. Mais le
fort intérieur s’est mis à s’exprimer, il a répondu à la question posée au for intérieur et devient
un « répondant » ; la Bhagavad-Gîtâ est un dialogue entre deux entités d’un même corps.
Le questeur ARJUNA, l’homme de l’esprit et assailli en conséquence par le doute, se
trouve dans une situation conflictuelle, une sorte de tourmente spirituelle, source de
questionnement sur le sens des actions, sur l’identité humaine ainsi que sur d’autres sujets.
KRISHNA intervient et lui donne comme réponse la Bhagavad-Gîtâ. Ce dernier se définit
alors comme un « valimbavaka », une action divine devant la question de l’homme, ou encore
l’équivalent du commandement ou de l’oracle dans le sens de la narration biblique. Dix-huit
thèmes et divisés en « yoga » (sauf le premier thème : le trouble) ont été traités. Nos
connaissances personnelles du Bhagavad-Gîtâ ne nous permettent pas encore affirmer ni
infirmer l’indépendance de chaque thème. Si ces yoga sont indépendants les uns des autres,
alors la Bhagavad-Gîtâ est un recueil d’aphorisme dont les NIETZSCHE et autres sont les
maîtres ; leur enseignement serait de vérités universelles situées hors du temps et des
circonstances. Par contre, s’ils sont des enseignements interdépendants, la Bhagavad-Gîtâ
serait alors des propos concernant la vérité dans des circonstances de trouble.
La Bhagavad-Gîtâ n’a pas obtenu un succès auprès du public intellectuel à cause de
l’image qu’il produit sur l’impression des gens. La Bhagavad-Gîtâ véhicule une image de
pacifistes indolents, contraire à l’héro combattant et triomphant de la culture occidentale et
capitaliste, alors que les adeptes de cet enseignement sont des individus plongés dans le
monde du quotidien auquel il essaie de s’en démêler. KRISNAH leur doctrinaire principal
figure plus comme un « happy » (un bienheureux) hippie et non comme un sage troublé. Mais
le peu d’ouvrages qui existe est bien traité. Parmi ces ouvrages, il faut citer « La philosophie
du Bhagavad-Gîtâ » de Swami KHRISNANANDA (KRISHNANANDA 2010) qui commente
chaque yoga, « La Bhagavad-Gîtâ telle qu’elle est » de Swami PRABHUPADA
(PRABHUBADA s.d.) ainsi que les préfaces de la traduction du livre par BOURNOUF.
Le choix de l’enseignement de Bhagavad-Gîtâ dans la quête du thème de la
représentation de l’homme se justifie d’abord par la différence de position intellectuelle de ses
enseignements par rapport au produit de développement de l’enseignement des philosophes
(généralement de l’Antiquité et de ses successeurs). La philosophie de l’Antiquité prenait
287
source dans les discussions de l’origine du monde, dans la recherche de la vérité et des vertus
alors que la « philosophie » hindou prend racine dans des vérités partagées, dans le sens
commun. Les dieux y jouent un rôle important dans la formulation des causes de la nature et
du comportement de l’homme, mais le point de départ du récit est un monde terrestre de
prospérité. On doit s’attendre alors à des informations supplémentaires ou nouvelles sur la
représentation de l’homme complétant ce qui n’est pas dit par les Grecs et leurs successeurs.
Ensuite le choix du Bhagavad-Gîtâ se justifie par l’explication de certains
comportements qui sont contre les hypothèses usuelles de la pensée occidentale : celle de
l’homme à la recherche de plus de richesse. L’apport du Bhagavad-Gîtâ semble être donné
dans l’affirmation selon laquelle le quotidien est appauvrissant car il n’apporte pas la paix à
l’homme. La recherche de plus de la richesse est la conséquence de l’état inquiet de l’homme.
La Bhagavad-Gîtâ présente alors une nouvelle alternative de l’homme : ce n’est plus de
l’homme déchu qu’elle relate, mais de l’homme idéal et quiet qu’il était à l’origine. La
Bhagavad-Gîtâ cherche l’homme idéal vers un archétype de l’homme, alors que l’homme du
christianisme le cherche dans l’homme futur qui se pointe grâce à l’enseignement d’un maître
spirituel. La Bhagavad-Gîtâ et la bible placent l’homme dans un lieu appelé par les rédacteurs
biblique, « à l’Est d’Eden170 », un lieu quelque part hors du Paradis. Pour la bible, l’homme se
dirige vers l’état de l’idéal en passant par la terre promise, celui qui est placé au bout de son
chemin de tourment, alors que pour la Bhagavad-Gîtâ, l’homme « rentre au-dedans de lui-
même » par l’introspection pour y chercher l’homme original qu’il avait été dans un monde
merveilleux d’Eden et avec lequel il avait été heureux et en paix avec lui-même.
Des questionnements nouveaux se pointent alors notamment sur le contenu et sur le
sens de l’action humaine – thème développé par la théorie de l’âme sensible et intellectif
proposée par ARISTOTE et aussi dans la position du thème de l’homme héro combattant
véhiculé entre autres par la littérature marxiste. C’est en quelque sorte toutes les bornes du
mouvement, le sens et les théories du mouvement de l’homme qui sont en cause : le trouble,
le transport et l’ébranlement de l’homme. La Bhagavad-Gîtâ montre deux points du thème de
l’homme : le mouvement et le repos, l’action et le produit nous conduisant vers deux thèmes
importants : « où est-il finalement ? » et que fait finalement l’homme ?
170 Voir La bible, Ancien Testament, Genèse, Chapitre 3, verset 24. D’après les rédacteurs de la Bible, l’homme et la femme chassés du jardin d’Eden habitent l’Est d’Eden. Ils ne peuvent pas cependant y revenir car des chérubins gardent le lieu.
288
II Qui est l’homme du BhagavadGîtâ ?
L’homme du Bhagavad-Gîtâ est l’homme produit de la représentation de l’univers. Il
n’y a pas vraiment de représentation de l’homme mais une sorte d’affirmation de soi.
L’homme provient d’une étendue nommé métaphoriquement « Divinité suprême » par
les rédacteurs du Bhagavad-Gîtâ dans le chapitre 14, Yoga de la Distinction des trois qualités.
Ce yoga narre le processus de l’univers ; il est à comparer avec les trois premiers chapitres du
livre de Genèse. On remarque d’ailleurs que la création est en réalité une activité de
séparation des étendues. Le point de départ de thème de l’homme est dans toutes les théories
cosmogonies l’existence de ce qui est dénommé « l’étendu » : de l’air, une surface, la mer,
etc. C’est en quelque sorte la matrice initiale ; puis vient le dieu initial, généralement
représenté sous forme d’un homme, un dieu le père créateur qui plonge sa parole dans cette
matrice initiale et de cette action émerge le récit de l’apparition de la nature et de l’homme.
La Bhagavad-Gîtâ procède aussi de la même manière171, mais elle n’a pas – à la différence de
la bible et la philosophie grecque de l’Antiquité – dénommé les éléments initiaux ou la
matrice. Elle s’est contentée de la nommer par le mot « divinité suprême » ou « Brahmâ ».
Dans la bible, l’homme est le dernier maillon de l’intervention divine dans la création, alors
que dans la Bhagavad-Gîtâ, l’homme est présenté non pas comme de la glaise insufflée par le
souffle de dieu, mais comme un « corps » (le corps est donc un concept) doté de qualités
suivantes : vérité, instinct et obscurité172.
Le sentiment est un état momentané de l’individu et provoqué par la perception de leur
vécu ; il est une généralisation ou un assujettissement de la perception à une détermination
unique. Comment peut-on assujettir aux mêmes lois des phénomènes de qualités différentes ?
La réponse du Bhagavad-Gîtâ est dans le changement de comportement de l’homme en
général : au lieu de penser à leur différence, et à leur intérêt individuel associé à la vie
quotidienne, l’homme devrait penser au sentiment universel et bannir ainsi les divisions
naturelles et artificielles entre l’homme. C’est ainsi que se conçoit l’idée du sentiment
universel. Ce sentiment est à rapprocher à l’idée de John Stuart MILL (J. S. MILL 1869)
selon laquelle l’inégalité entre l’homme et la femme et les privilèges de classe sont à bannir
171 « J’ai pour matrice la Divinité suprême ; c’est là que je dépose un germe qui est, ô Bhârata, l’origine de tous les vivants ». (Bhagavad-Gîtâ Chapitre 14, Verset 3) 172 « 5 Vérité, instinct, obscurité, tels sont les modes qui naissent de la nature et qui lient au corps l’âme inaltérable. » (Bhagavad-Gîtâ, chapitre 14, verset 5)
289
car contraire à la marche « vers le progrès ». Les rédacteurs du Bhagavad-Gîtâ pour leur part
dès le
I – Où est l’homme selon la BhagavadGîtâ
L’homme, d’après la Bhagavad-Gîtâ, est dans un lieu proche de la délivrance, dans un
champ de bataille où il est appuyé par un instrument de puissance extérieure. Il n’est pas
seulement dans la société – comme l’affirment les sociologues – mais aussi dans la
concurrence, comme l’affirment les économistes, avec un état de défaillance psychique.
C’est dans le dernier yoga, le yoga du renoncement et de la délivrance, que l’on peut
découvre l’homme proche de la délivrance dans la Bhagavad-Gîtâ. Le contexte est le suivant :
la bataille est sur le point de s’achever ; et les guerriers sont sur le point de gagner la victoire ;
la délivrance est proche. Mais un doute ou un état d’esprit sur le sens de l’action pointe dans
la pensée et conduit au renoncement. C’est la situation plus ou moins générale de l’homme.
Dans d’autres circonstances, l’homme fait aussi preuve de doute : dès le début de la bataille
(sous prétexte qu’il va affronter ses parents173), à la fin de la batail, sous prétexte que ce qu’il
avait produit n’a pas de sens)
En outre, l’homme de la Bible aussi bien que celui du Bhagavad-Gîtâ n’est pas dans
les ténèbres intellectuelles, car il est guidé par une force qui lui est extérieure et
conceptualisée dans la Bhagavad-Gîtâ par le char tiré par cinq chevaux (représentant le corps
et les cinq sens) ou par l’esprit saint qui se loge dans l’homme d’après l’imagerie chrétienne.
Il est donc maître de son destin, mais assisté par une puissance extérieur. Le lieu de l’homme
est « à côté » ou proche d’un autre élément important et déterminant de son succès.
Seulement, il ne peut pas aller dans tous les sens, mais seulement proche de son inspirateur ;
nous dirons que l’homme est libre de ses entreprises jusqu’à la limite de l’interdit.
L’explication de ce dernier par des aphorismes est l’apport de la Bhagavad-Gîtâ.
La Bhagavad-Gîtâ indique aussi que l’homme assisté par la divinité est aussi au sein
de la communauté de ses amis et parents auxquels cependant, il doit entrer en conflit. Ce
propos est le thème de la compétition dans la théorie économique. Dans le premier livre, le
seul qui n’est pas du yoga, le narrateur énumère les deux camps belligérants causant le trouble
de ARJUNA. Ce sont des individus valeureux et appréciés. Or étant donné que la Bhagavad-
173 Bhagavad-Gîtâ, « Trouble d’Arjuna », 29, 30 : « O Krishna, je ne désire ni la victoire, ni la royauté, ni les voluptés ; quel bien nous revient-il de la royauté ? Quel bien, des voluptés ou même de la vie ? »
290
Gîtâ se lit aussi en termes de l’individu ou de l’homme en général, ou même de l’univers, ce
qui est valable pour ARJUN l’est aussi pour n’importe quel homme. Ce raisonnement est
aussi celui d’Adam SMITH sur la question de l’individu, de l’entreprise ou de la nation.
L’homme est donc un être combattant placé dans un champ de bataille contre ses
propres sentiments et doutes. ARJUNA est le type de l’homme parfait : ayant le sens de la
justesse, mais assailli par le doute (le résultat de la consommation du fruit de l’arbre de la
science ?). Le doute conduit au renoncement de la victoire due, à l’abandon des instruments
de guerre appropriés ; l’homme qui doute suit son instinct.
Enfin, l’homme est certes l’individu mais qui assiste et participe à la formation de
l’univers ; il est donc à la fois dans l’univers et en même temps l’univers. On ne peut
comprendre cette affirmation qu’en considérant l’unité de toutes les créatures. En effet, dans
le Yoga de la distinction des trois qualités, l’auteur anonyme du Bhagavad-Gîtâ indique que
« l »’homme provient du couple dieu-ténèbres (appelé « Brahamâ »174
II – Que fait l’homme selon la BhagavadGîtâ ?
Dans la Bhagavad-Gîtâ, chaque homme renonce à son produit et s’intègre dans
« l »’homme.
La détermination de l’action de l’homme est un thème ouvert par l’Antiquité gréco-
romaine à travers le concept d’éthique et de morale. Leur réponse est que la bonne action de
l’homme cherche le bonheur, alors que pour les chrétiens, la bonne action de l’homme est
l’amour175. Or, le bonheur et l’amour semblent être des états plus ou moins reçus par la
pratique du yoga – du moins en ce qui concerne la conception du bonheur sans considération
des objets matériels. Pour le Grec, l’action conséquente est la production de biens matériels et
de bonnes paroles pour adoucir les mœurs. Notre propos n’est pas d’expliquer le yoga ni de
décrire son fonctionnement, ni également de montrer ses effets sociaux, mais seulement de
montrer l’action typiquement humain dans ses visions de l’homme, ou encore de mettre en
relief le thème de la figure de « l »’homme découvert par l’apport du yoga dans les actions
humaines.
174 Voir Bhagavad-Gîtâ, Chapitre 14, Yoga de la distinction des trois qualités, 3 à 5 175 Voir ENCARTA 2004, « Ethique », Microsoft Encarta 2004
291
L’action humaine d’après la Bhagavad-Gîtâ est de produire non pas le travail mais les
sentiments et les émotions. La Bhagavad-Gîtâ reconnaît l’existence de l’action humaine dans
la réalisation de la production, mais dans son raisonnement, elle considère la production
comme un étant donné. Ce n’est pas la variation de la quantité de la production qui la
préoccupe mais l’après de ce processus, avant même que ne commence le procès de l’échange
et de la distribution. Dans la pensée économique, la production et l’échange sont deux
moments différents de conflits sociaux : l’organisation de la production et le partage du
produit social. Pour la Bhagavad-Gîtâ par contre, après la production, au moment où l’homme
se détache de la production, l’homme renonce à ses œuvres et, selon la logique du discours
économique, accepte de remettre leur produit au système de redistribution et d’échange. Les
théories économiques font de ce moment, un instant capital de la formation sociale se
traduisant par l’institution de marché et de l’organisation de l’Etat. Dans le Bhagavad-Gîtâ,
par contre, ce moment est plutôt personnel et psychologique, un moment spirituel demandant
l’intervention d’une explication extérieure ; d’où le yoga du renoncement. La production de la
renoncement est donc important au même titre que la production du travail. C’est cette partie
de discours que Karl MARX considère comme un opium du peuple.
Le renoncement comme un élément à la fois social et religieux. Ce thème a été
développé dans le chapitre 6 intitulé « Yoga de la soumission de soi-même » ainsi que dans le
chapitre 18. Une comparaison des deux chapitres attire notre attention : deux définitions du
renoncement sont exposées dans chacun de ces chapitres. Dans le chapitre 18, le renoncement
est une « renonciation aux œuvres du désir», alors que dans le chapitre 6, le renoncement est
l’union. En cédant la production, l’homme renonce à son désir et accepte de renforcer son
intégration dans l’univers de « l »’homme. La Bhagavad-Gîtâ présente « l »’homme comme
un … homme composé de plusieurs hommes dont les membres et les organes sont finalement
« des » hommes. Le thème de l’homme y est donc représenté à plusieurs niveaux ; ce sont des
hommes en mouvement ou suivant leur élan individuel. La fin de l’homme est exposée dans
le « Yoga de dieu indivisible et suprême » dans lequel en même temps, l’artifice humain est
exposé. La narration de la Bhagavad-Gîtâ de l’existence se compose de thème de l’être, de
l’Etre suprême et de l’acte. La première action était l’incarnation de l’Etre suprême, son auto-
révélation et en même temps son sacrifice176
176 Comparez avec la doctine biblique
292
Le mouvement de l’homme n’est donc pas un élan vers l’objet (matériel) mais une
renonciation au désir et un élan vers l’unité avec l’homme.
CONCLUSION DE LA SECTION
Le thème de l’homme se construit avec des éléments du thème de la religion : dieu,
étendu, âme, etc. Ce sont ces sujets qui doivent être délimités et localisés dans une espace
pour avoir une certaine vision de l’homme. Conséquence, la littérature nous a fourni une
représentation de l’homme divine ou philosophique et spirituel.
La divinité ou l’affirmation de l’homme comme un produit de la divinité fait que
l’histoire de l’homme est avant tout, une histoire de l’action (le faire) et de fonctions divines
et humaines. Ce qui se dit sur l’homme est la production et sa disposition vis-à-vis de la
richesse. Mais le thème de la richesse associé à celui de la divinité ne conduit pas à celui de
l’homme qui a un sentiment, mais seulement à l’homme qui a un corps. L’intégration des
vertus et de l’éthique conséquents de la pratique de la religion dans la description de l’homme
pour sa part présente l’homme dans sa position critique par rapport à la notion du bien et du
mal et plus particulièrement sur le comportement et sur l’attitude vis-à-vis de la richesse. La
Bhagavad-Gîtâ a le mérite de mettre en évidence ce phénomène en marquant l’existence
d’une rupture de sentiment ou d’attitude de l’homme qui a achevé son œuvre de production.
La morale se place alors en intermédiaire entre la production et l’échange. La réflexion ou le
sentiment sont un moment de fixation de la valeur qui se passe avant même le marché
proprement dit. La valeur proprement dit est postérieure à celle du sentiment. (la valeur n’est
donc pas l’expression de la rareté, mais aussi de la moralité de la production. La preuve, en
général, les objets acquis par des moyens immoraux ont peu de valeur, alors que les objets
considérés comme un don divin ou issus d’une croyance en une étendue génératrice, la
matrice universelle selon l’expression du Bhagavad-Gîtâ nous sont chères).
La relation entre es thèmes de la religion et de l’économie est une réalité dans un
domaine non pas de l’échange marchand, mais dans le domaine psychique ou spirituel de
renoncement. Or ce sujet n’existe pas dans la conception occidentale ; c’est ce qui explique
l’incapacité de la théorie économique à rendre compte de l’homme dans leur théorie
économique.
293
CONCLUSION DU CHAPITRE La recherche empirique de l’identité de l’homme est provoquée par des circonstances
critiques. Or l’habitude, peut-être, nous fait accepter, sans se douter, que ces circonstances
sont ponctuelles et limitées dans leurs ampleurs ; nos pensées ont été obnubilées par
l’intensité et la forme de la manifestation de la crise identitaire. Mais plus que ces
manifestations, il y a des faits quotidiens qui, racontés par des personnes choisies, comme les
gourous ou comme les sages prennent une dimension dépassant l’homme de la société, voire
l’homme tout court. C’est dans ce sens que le récit d’un fait de doute d’un guerrier sur un
champ de guerre prend la dimension de parangon de l’homme devant ses propres œuvres :
l’homme n’est pas satisfait de ses œuvres ; il ne pourra pas dire comme le dieu de la bible
que tout est bien. C’est à ce point de son existence qu’il a besoin d’une inspiration extérieure
pour pouvoir jouir et apprécier ses propres œuvres. L’identité de l’homme devient des
produits de la réflexion des penseurs ou d’une pensée qui s’élève au dessus de la pensée de
l’homme préoccupé par le quotidien.
Nous avons aussi constaté que la religion transporte la réflexion sur l’homme vers une
sorte d’une problématique unique, « l a » problématique, menant vers une sorte de crise
identitaire permanente. Pour la Bhagavad-Gîtâ, cette problématique est le conflit de l’homme
devant ses paires, devant des êtres pour qui il éprouve de la sympathie. Nous n’avons pas
consigné les recommandations des yogas à ce propos. (En sciences sociales et économiques
plus particulièrement, ce problème est le conflit social ou le conflit d’intérêt). Pour le
christianisme par contre, le problème est la faiblesse de l’homme, l’incarnation de la faiblesse
de l’homme.
Aussi, les réflexions sur la représentation ont permis d’établir les cadres dans lesquels
sont localisés ce qui se dit sur l’homme ainsi que les thèmes et les sujets avec lesquels se
construit la réflexion sur l’homme. En fait, il s’agit d’un survol des réflexions et de méthode,
et non une démonstration rigoureuse de la force d’une réflexion quelconque. Empiriquement,
nous sommes alors persuadés de l’existence d’un véritable problème sur l’homme et surtout
que ce problème n’est pas un problème de discipline scientifique spécialisé, mais un problème
général qui se pose à chaque être humain dans n’importe quelle situation. Nous démontrerons
alors dans le chapitre suivant que ce problème est un problème de l’économique. Entre
l’homme et l’économique – l’économique et non pas l’économie – il y a un phénomène
problématique propre à l’homme.
294
Chapitre III A LA REDECOUVERTE DE L’HOMO
ŒCONOMICUS
INTRODUCTION LA QUESTION : LA CRISE DE L’HOMME
Les périodes critiques de la vie sociale se dégénèrent souvent en crise d’identité des
groupes sociaux. Elles sont comme causées par une détermination extérieure (religieuse ou
économique), et les discours tenus durant ces périodes insistent sur l’importance de
comportement éthique des sujets économiques. Mais les résultats de ces comportements
restent non palpables : on a beau changer de discours, on a beau changer de propos, l’idéal et
les valeurs sociales changent, mais la crise persiste et dure trop longtemps par rapport au
changement de discours qui a été fait. Conséquence, en matière de crise et durant la crise, peu
d’économistes sont fières de leur entreprise : la crise est de caractère économique, et les
discours de salut sont … politiques ou moraux.
Pourtant, l’homme de l’économie, l’homo œconomicus, a été lui-même construit pour
des raisons morales : l’économie des facteurs et donner un sens ou comprendre
intellectuellement les activités humaines, et surtout une quête de compréhension d’un ordre.
Durant la crise, les discours de production et de consommation évoquent une force morale ou
psychique de l’homo œconomicus : le sens de la raison de longue durée. Durant la crise, les
discours contre l’égoïsme, contre l’individualisme et contre la vision de courte durée se font
entendre ; la rationalité et le calcul économique attribué à l’homo œconomicus sont sollicités.
La condition de la reprise, évoquée par le système de pensée indo-européenne dans
leur théorie de cycle cosmologique, a le mérite de localiser le thème de discours moral
approprié de la période de récession, celui de la remise en cause de l’identité humaine.
Chaque individu, affirment les thèmes des discours indo-européens ou non, se pose la
question de « qui suis-je ? » ou de « qui est l’homme ? » et se cantonne dans leur découverte
respective pour croire que leur vie est meilleure parce qu’il connaît l’homme ou se connaît
lui-même. Cette espérance, encore, se rencontre dans la littérature indo-européenne de «
connais-toi, toi-même » aristotélicien ou de Lao TSEU.
295
Par le cadre de leur formulation, cependant, le thème de l’homme s’inscrit dans un
thème croisant la nature et la religion, une situation où le sujet se sent être aussi un objet. Le
thème de l’homme arrive donc lorsque la pensée individuelle ou collective est parvenue à un
renversement d’objet ou de sujet. C’est un thème ou un sujet de conversation des moments
critiques.
Devant ce fait, la conception populaire de la question de l’identité de l’homme, celle
où la transmission de la connaissance se passe d’enseignants et s’appuie sur des positions
hybrides et empiriques. Elle a repris les référentiels secondaires - des morceaux partagés et
indifférents des positions dogmatiques - pour en reconstituer les référentiels communs et
inévitables à l’intelligence humaine sur la base desquels, on peut affirmer que l’homme se
décrit par lui-même ; elle a construit le lieu de discussion de l’homme à partir des thèmes plus
ou moins déjà partagés par tous.
La recherche empirique de l’identité de l’homme par un autre homme ou par une
communauté est ainsi une construction de communautés en mal d’arguments d’actions ou
sentant la pression d’une force extérieure et cherchant à reprendre en main son destin. Un
besoin de se libérer de la force extérieur ou de « partir » pour une autre direction est révélé et
sa résolution commence par l’étude des conditions de la formation de la quête de soi. En fait,
dans l’idée de partir, il est question d’une recherche d’un autre lieu ou encore de nouvelles
activités, et tout simplement une volonté de prendre en main son propre destin. C’est dans ce
sens que l’on peut d’ores et déjà affirmer que la quête de la connaissance de soi de l’homme
est devenue un moteur de l’action pour le déplacement vers une autre destination. Ce
mouvement d’ensemble de chaque être humain, animé par la même quête est un indicateur de
l’espèce humain. On peut aussi dire que la question de l’homme se pose dans un esprit de
recherche d’une échappée mentale ; elle est donc une attitude salvatrice face à une angoisse
existentielle et essentielle. Par nature, elle est un problème. La question de « qui est l’homme
? » ne se pose que dans des conditions de fuite, sinon de l’existence de moyens mentaux
nouveaux permettant à l’humanité de constater l’irréversibilité de ses changements. A
l’époque actuelle, ces moyens sont entre autres la mécanisation de l’information (ordinateur)
et la croyance en l’implacabilité de la science ; alors qu’à l’époque néolithique, ils étaient
traduits par la connaissance ou l’assurance de se distinguer de l’animal ou de dompter
l’animal. Aussi, si actuellement, un peuple ou un tribut se sent distinct des autres, alors la
remise en cause de la question se pose (tel est le cas du comportement allemand de la
Deuxième guerre).
296
LE PROBLEME : DE L’HOMME DANS LA PENSEE ECONOMIQUE
La pensée économique n’a certes pas préoccupation pour la question existentielle,
mais de quête de substance pour la survie. Cette dernière se résume dans le thème de la
production selon lequel, tout ce qui existe est le résultat de la production et non de création.
De ce fait, dans la logique de la pensée économique, l’existence de l’homme lui-même est le
résultat de la production au même titre que celle de la production de substance. Mais la pensée
économique actuelle n’a considéré que la production d’objets matériels. Pour elle, le thème de
l’existence de l’homme ne s’inscrit seulement que lorsque le thème en question de l’homme
est considéré comme un objet destiné à un besoin spécifique. Mais ce besoin, c’est l’existence
elle-même, et sa satisfaction échappe à la production intellectuelle ou matérielle humaines.
La pensée économique doit alors être complétée par un sujet portant sur le sentiment,
la conscience, la croyance.
DEMARCHE VERS LA SOLUTION
Nous proposons de porter notre réflexion sur l’homme sans les instruments de
production et de nous demander pourquoi et comment la production matérielle (comprenant
la production de biens de consommation et de biens de production) a-t-elle pu émerger. Notre
hypothèse (implicite) est que la production matérielle émerge même si les catégories de
facteurs énoncées par la science économique ne soient pas encore réunies. Notre réponse
serait que lorsque seule la présence de l’homme dans le domaine économique sous forme de
force de travail et d’organisation humaine existe, alors la production serait l’homme lui-même
ou les indices de l’homme177. Les facteurs matériels de production engendrent des produits
matériels, et les facteurs humains de production engendrent logiquement des humains. D’où la
conclusion hypothétique que nous allons vérifier : la conscience de soi de l’homme est à
l’origine de l’apparition de l’homme dans l’économie et que celle-ci oriente la production
matérielle ; dans le cadre des thèmes économiques actuels, nous dirons que la nature et la
quantité de la production matérielle sont déterminées par le modèle de représentation de
l’homme dans la nature. L’existence des interdits alimentaires alors que la nourriture est rare
et des fois de qualité nutritive insuffisante, ainsi que celle de l’obligation de se vêtir alors que
les vêtements certains d’entre eux sont embarrassants sinon de très mauvais goûts ou encore
l’existence de cette force qui pousse l’homme à implorer une force extérieure et inhumaine
177 C’est l’hypothèse que nous voulons démontrer en se demandant pourquoi et comment de telle hypothèse peut être confirmée par la réalité.
297
sont des preuves que toutes ces actions anodines sont accomplies seulement à cause d’une
représentation préalable de l’univers.
A cet effet, notre thèse s’inscrit en continuation des lignes de recherche ouverte par les
critiques de l’économie réclamées par Ernst FEHR concernant la nécessité de reformuler la
base de l’économie ; elle s’inscrit aussi dans le concept de « personnalisme » ouvert de
nouveau par Emmanuel MOUNIER178. Le personnalisme est une philosophie qui tout en
reconnaissant la diversité humaine, et avec elle, l’imprévisibilité de l’individu, constate « le
recoupement sur certaines idées de pensées, sur certaines affirmations fondamentales et sur
certaines conduites pratiques, de l'ordre individuel et collectif » (MOUNIER 1949, page 8).
MOUNIER estime que l’émergence d’un système économique n’est pas seulement une
question de combinaison d’un état de l’infrastructure et de superstructure, mais un moment
historique de spiritualité concentré sur l’homme. MOUNIER propose alors d’ancrer
l’économie sur la personnalité. Seulement, contre Emmanuel MOUNIER, il faut reconnaître
que le concept de « personnalité » n’est pas une réalité ou un phénomène prouvable. La
personnalité peut être seulement un concept et non une réalité.
Nous rejetons également l’approche expérimentale et psychologique de l’économie
avec laquelle certains chercheurs américains actuels, notamment Vernon SMITH et Daniel
KAHNEMAN ont conduit l’économie. Nous considérerons que la recherche de l’identité de
l’homme est le produit de la structure cognitive individuelle et partagée, enveloppée dans le
langage, les thèmes et sujets de conversation et éventuellement de la culture. La pensée,
l’intuition, les mots et les concepts et non pas les faits sont ses principaux matériaux, bref l’
domaine de l’économie est la conscience de soi. La question de la conscience de soi de
l’homme est portée et inspirée par les instruments linguistiques du quêteur, en fonction des
débats vécus par la communauté. L’importance thématique de genre dans un langage par
exemple, oriente la nature des activités communautaires. Dans tous les temps et dans tous les
lieux, cependant, la question de « qui est l’homme ? » ou de « qui suis-je ? » est rémanente et
contient une formulation réduite d’une idée explicite propre à une structure linguistique
donnée ; la question est donc en apparence culturelle, mais d’une culture générale de
l’homme, une culture génétique. L’extension de la question tourmentant l’homme est : « qui
est l’homme, étant donné le langage utilisé par le quêteur ? ». Selon la préoccupation de
l’individu ou de la communauté, on peut distinguer plusieurs nuances de formes de questions.
178 Voir MOUNIER Emmanuel, 1949, « Le Personnalisme », PUF, Coll. Que sais-je ?, n° 395 (MOUNIER 1949)
298
Pour notre part, nous aborderons cette étape de la formulation de la question de l’homme par
la langue malgache ; la question est alors : « qui est l’homme dans le contexte linguistique
malgache ? ». Dans ce contexte, la question de « qui est l’homme ? » peut être traduite entre «
inona ny olona ? », proche de « qu’est-ce que l’homme »179 ou « iza ny olona ? » proche de la
question « qui est mon ami ? » évangélique180 - soit vers une question d’identité plus proche
de la question de « qui est là ? » qui est une question d’un individu s’adressant non plus à un
pair individu ou individualisé, mais une question angoissante d’un individu s’adressant à un
inconnu dont la présence est sentie. Ce questionnement est celui d’un questeur d’un culte de
possession, qui, en présence d’un individu en transe, se pose la question : « iza ? »
(littéralement « qui est celui qui est en train de se manifester ? »). Bref, dans la langue
malgache, la question de l’homme est beaucoup plus précise et orientée, soit vers une réponse
technique - la question est alors de « inona ny olona ? » et elle est avant tout une question
technique, traduisible en Français par « de quoi est faite l’homme ? » ou dans la philologie
malgache, par « avec quoi peut-on comparer l’homme ? ». Le présent chapitre est orienté dans
le dernier sens de questionnement d’un prêtre d’un culte de possession (le « qui est là ? » ou «
iza ? »). En effet, il nous paraît impossible de faire, malgré le concept durkheimien de « faits
sociaux », de considérer l’homme comme un objet appartenant au phénomène social, car
l’homme dont la présence n’est que sentie et non certifiée, ne peut pas être circonscrit déjà
dans un espace d’objets et de liens sociaux. Au contraire, nous posons que l’homme en
question relève des mondes réel et spirituel (dans la mesure où ce dernier s’oppose au
premier : évidence contre spéculatif) grâce auxquels la continuation de la vie de l’individu est
concevable et que l’individu devient ainsi un corps prenant le concept de l’homme. L’homme
préoccupant la science est celui qui relève à la fois du connu et de l’inconnu, mais senti. C’est
cet homme, et non celui de la sociologie, il nous semble, a été théorisé pas la science
économique.
L’appréhension de l’homme inconnu ne peut se faire que dans le même cadre dans
lequel celui-ci s’est manifesté, et que ce cadre n’est pas uniquement le social, il n’est même
pas forcément identifié tout en sachant que ce cadre est en grande partie façonné par l’homme
(sous forme de production). En effet, l’existence de l’homme localisé dans un milieu
quelconque répond ou est identifié par la question suivante : « quelle est la place ou le
179 Voir à ce propos la question biblique « inona moa ny olona no hijerenao azy ? ». La réponse serait alors de type : « de la poterie enveloppant l’âme » (tavimbilany hitoeran’ny fanahy) conformément au syncrétisme malgache 180 Voir l’épisode de l’évangile sur la parabole du bon samaritain.
299
fonctionnement de cet homme qui est dans un milieu donné et dérange l’ordre existant ? ».
Cet homme saisissable, c’est l’homme du modèle économique de ARROW (un homme «
rationnel agissant dans le marché ») ou de LAKATOS (un homme agissant dans le marché
pour maximiser son profit). C’est un homme qui perturbe la stabilité du marché en rompant
l’équilibre, par ses actions sur l’offre et la demande.
SOLUTION DE LA PROBLEMATIQUE DE L’HOMME
Aussi, pour saisir l’homme et non la place, il faut l’appréhender dans sa manifestation
sensuelle, c’est-à-dire dans l’intuition et non dans le concept, et à plus forte raison, dans l’idée
du chercheur. Cette approche est utilisée dans la religion : les praticiens se croient conscient
d’une « sensation d’éternité » selon les termes de FREUD (FREUD, Malaise dans la
civilisation, 1929, page 6). Mais ramené au niveau de la problématique de l’homme, les
mêmes sensations devaient apparaître.
L’homme est un être qui perturbe ou dérange la pensée. Les mêmes questions de la
place et de fonctionnement se posent, mais cela, dans l’espace de la pensée. L’existence de
l’homme localisé dans la pensée d’un homme est identifiée par les questions d’ordre
existentiel de « qui suis-je ? » et non pas dans la contemplation de ce que fait cet homme,
dans le milieu extérieur. C’est dans ce sens alors que les chapitres précédents de la présente
thèse ont exposé ce qui se dit sur l’homme tel que le permettent les vocabulaires, l’imagerie et
la représentation du langage et, d’une façon générale, le symbole.
Une relocalisation de la question s’impose ensuite pour ne pas emprisonner la question
de l’homme dans le carcan de vocabulaires et symboles utilisés. La formulation de la
question, ou la question formulée dans les thèmes ethnolinguistiques, est transportée vers le
discours scientifique ou vers le jugement du chercheur en vue d’être reformulé en termes
évoquant les thèmes criblés par la raison et surtout pour être reformulée dans le langage et le
raisonnement - que l’on croit universel - de la science. Il s’agit de reformuler la même
question mais sans les préalables linguistiques ou culturelles données, et avec les connotations
académiques. Ce déplacement de la formulation de la question sur l’homme est donc une
quête de réponse par l’exploitation de la sensation, ou de l’expérience, ou encore de l’idée du
chercheur. Dans ce sens, la question n’est plus de savoir « qui est l’homme, étant donnée le
langage utilisé ? », mais « qu’est-ce qui a été senti par l’aura de l’homme ? » ou « quels sont
les signes de la présence de l’homme ? », ou tout simplement : « Comment la présence de
l’homme dérange la pensée scientifique? ». Il ne s’agit pas, rappelons-le encore, de la
300
présence physique, mais d’une conscience intellectuelle ou réfléchie. A ce niveau, une
formalisation de discours ou une structuration préalable de discours s’impose ; la question est
alors posée par des intellectuels. Cette étape se présente sous la forme de problématisation du
discours sur l’homme et non de généralisation. Elle consiste à gerber les connaissances des
conditions de questionnement du chercheur en général (qui, finalement n’est pas forcément
l’universitaire, mais l’homme lui-même sous forme de communauté humaine) en vue de
récapituler ce qui se dit, ou plus précisément, en vue d’identifier le cadre des argumentations.
La question est alors en Malgache : « Ahoana ny fomba filazana ny olona momba ny olona ?
» (ou « que dit-on de l’homme ? »181), ou « inona no ilazan’ny olona ny olona ? » « que dit-
on à propos de l’homme ? ». La question est donc foncièrement sur l’identité de l’homme,
mais elle reste à ce niveau sans réponse. Les questions relèvent de la classification et de la
comparaison de la démarche intellectuelle ou de cheminement intellectuel par laquelle se
découvrent les thèmes associés à la question de l’homme.
On explorera alors non plus les thèmes partagés de deux ou plusieurs langues, mais les
discours à l’intérieur des langues pour voir en quoi chaque discours sur l’homme,
indépendamment de la culture et de la langue peut-on concevoir un même thème. Tel est
l’objet de la seconde section. Dans la première section, la question se porte sur l’intuition de
soi de l’homme, une transformation du sujet de l’homme en thème ; dans la seconde section
par contre, un approfondissement sur les traces de l’homme sera étudié ; en fait, la question se
porte sur la précision de l’intuition, d’où l’intitulé de la deuxième section : ce qui a été
désigné par la langue humaine.
De ce fait, la deuxième section n’est en réalité qu’une introduction de « l »’homme à
l’homme, une présentation de « cet homme-là » (« iry olona iry ») à « l’homme-ci » (« ity
olona ity »). En fait, il s’agit de délimitation de l’espace mental entre le pointé et le point de
référence. Un thème de rapport, ou de distance, un thème de conflit, devrait être utilisé pour
caractériser la situation. Au terme de cette section, nous pouvons identifier le cadre général du
questionnement sur l’homme par lui même et non encore de l’identification de l’homme, ou
plus précisément, nous aurons une certaine idée des causes de la question de l’homme en
dehors du cadre de la spéculation intellectuelle universitaire. Cela cependant n’aboutira pas
encore à la formulation de la problématique de l’homme mais seulement à des discours de
délimitation sur le thème de l’homme.
181 Cf. la question de Jésus, « Ataon’ny olona ho iza moa aho ? »
301
A ce niveau de discours et de généralisation, cependant, un fait est évident : il est
facile de faire un discours sur l’homme, mais il manque de référentiel ou de fonds commun
d’arguments pour faire le thème de l’homme, un sujet de discussion intelligible, non
passionné et éventuellement objectif. Le thème de l’homme manque de référentiel, au point
que le discours sur l’homme, ou chaque discours sur l’homme s’enferme ou est enfermé dans
un système doctrinaire. L’homme de l’anthropologie lui-même n’est qu’un homme d’une
culture ou d’un système. Manifestement, il manque un référentiel de discours sur l’homme, et
là encore, à défaut d’un changement de méthode, on risque de s’enfermer dans des positions
dogmatiques.
Devant cette impasse imminente, nous avons choisi de procéder par un autre critère de
choix de référence : au lieu d’évoquer notre ferme conviction personnelle, nous avons décidé
de ne voir et penser en l’homme que les faits de comportement partagés par toutes les
communautés humaines, indépendamment de leur système d’explication, et sur lesquels
s’appuient implicitement tous les discours sur l’homme. Ce fait ou ces faits, à notre avis,
constituent les signes distinctifs de l’homme. Cette méthode a été utilisée par John Stuart
MILL, pour défendre la science économique contre l’affirmation selon laquelle cette
discipline n’a pas de fondement scientifique ou physique. John Stuart avance alors la
proposition déjà citée, selon laquelle, « l’homme préfère plus de richesse que moins » pour à
la fois exprimer le fait que l’homme a un sens de richesse et de libre choix, et que ces deux
caractères sont des signes distinctifs de l’homme. Puis, d’autres chercheurs, les
anthropologues, opérant sur des observations directes de l’homme dans leur vie culturelle ont
mis l’accent sur d’autres caractéristiques susceptibles de servir d’être le fond commun du
discours sur l’homme : la présence d’interdit incestueuse. Leurs observations cependant se
portent seulement sur les tributs primitifs d’Australie qui n’ont pas de contacts avec d’autres
cultures et qui n’ont pas encore de religion. Sigmund FREUD, constatant que l’homme
primitif n’a de loi que l’inceste, et que une partie primitive persiste encore dans l’homme
moderne, en déduit que la présence de l’interdit est un signe caractéristique de l’espèce
humaine. Il a fait d’ailleurs de ce constat, le départ de sa réflexion sur le thème de « Totem et
Tabou » (FREUD, Totem et tabou, 1912). D’autres caractéristiques de ces genres peuvent
certainement exister, mais il nous semble que celles avancées par les deux auteurs précités
suffisent largement pour construire une approche scientifique de l’homme, d’autant plus
qu’elles se confirment mutuellement : l’existence de l’interdit permet un choix sous
contrainte, alors que la présence du choix donne du sens au concept d’interdit. Nous dirons
302
alors que tout discours sur l’homme se caractérise par un enjeu défini par le rapport entre le
choix et le permis.
Jusqu’à présent, et ce, depuis le premier quart du XXème siècle, cependant, il semble
que l’homme se reconnaît par l’absence de relation sexuelle entre des individus d’un certain
degré de parenté. Il se peut cependant que des recherches ultérieures aient découvertes des
preuves contraires, aussi, nous dirons pour maintenir l’hypothèse en question, que les hommes
se distinguent par leur pratique d’interdit. Les hommes se distinguent des autres créatures
animales ou célestes par leur décision ou instinct d’interdit de faire quelque chose, même s’ils
en ont les moyens. Tel est l’objet du second paragraphe. Le développement de la question (le
pourquoi ou le comment du fonctionnement de l’interdit et du sens de la richesse sur
l’homme) sera développé dans les chapitres suivants. Nous pouvons seulement anticiper en
affirmant que l’homme s’interdit sciemment de quelque chose pour des raisons d’intérêt ou de
richesse, des notions qu’il détient instinctivement. L’homme se distingue donc des autres
créatures par le fait qu’il n’est pas guidé par l’instinct ou le gène, mais par la raison et la
richesse. A ce niveau de réflexion, nous dirons alors que la question de l’identité de l’homme
renferme n’a pour objectif que la révélation du caractère économique de l’existence ; tout
homme, ou l’homme en général est l’homo œconomicus.
Les caractéristiques de l’homme de l’économie révélées par la question de l’identité de
l’homme feront l’objet de la troisième section. Elles s’appuient sur le fait que l’homme se
distingue par ses notions d’interdit et de richesse. Les différentes formes de littérature sur
l’homme, et d’une façon générale, tout ce qui se dit sur l’homme est centré sur ces deux
thèmes (l’interdit et la richesse). Ces thèmes sont manifestes dans les littératures indo-
européennes et autres.
Par cette généralisation de ce qui se dit sur l’homme, nous pensons alors avoir ouvert
une porte pour une discussion sur l’identité de l’homme : il s’agit de l’homo œconomicus. En
effet, le discours sur l’homme, lorsqu’il est ancré sur le rapport de l’individu avec l’homme en
général et sur l’homme avec l’homme, et enfin sur l’homme et ses activités de production
matérielle, pointe du doigt l’homo œconomicus. Mais l’identification de l’homme ne s’arrête
pas avec l’identification de ses référentiels. En effet, il faut se demander les limites
extérieures de l’homme.
303
SECTION 1 – INTRODUCTION AU THEME DE L’HOMO ŒCONOMICUS INTRODUCTION
La question : la quête de normalisation de l’esthétique
Le caractère discursif et spéculatif de l’identité de « l »’homme est un problème à la
fois pour le scientifique et pour le littéraire, chacun à leur façon, à cause de l’absence de
champ d’argumentations spécifiques ou à cause de l’interférence des arguments : le discours
sur l’homme entrepris par la littérature est un thème qui ne peut être délimité, ni mesuré et
compté par la science, et celui entrepris par le scientifique ne peut pas satisfaire la critique
d’un littéraire à cause de la logique des suites des sujets développés, de la répétition des
vocabulaires et de la présentation grammaticale. D’autant plus que les ouvrages scientifiques
font l’objet de traduction des idées et qu’il arrive dans la science (économique) que des
concepts et des thèmes entrent dans une sorte de termes universellement acquis et susceptibles
de trouver une correspondance de sens dans plusieurs langues, faisant en sorte que les
sciences peuvent avoir leur propre dictionnaire des mots.
La rencontre entre l’analyse et la rhétorique ou l’analyse non linguistique de la
rhétorique n’a pas encore été validée dans la science bien que des thèmes soient
conjointement explorés par les scientifiques et les littéraires et produisent des réflexions
convergentes : la production, l’action collective, l’échange et la communication, etc. Ces
thèmes sont tellement vulgarisés qu’ils font parties désormais de la culture universelle à partir
desquels se décrit l’identité de l’homme. Ce qui existe est la rencontre entre l’économie et la
société sous les œuvres de Max WEBER182, ou encore, l’analyse économique des faits
sociaux de Garry BECKER et qui consiste à interpréter les faits sociaux à la lecture de la
logique économique considérée comme une sorte de philosophie ou de technique de narration
universelle. Une convergence de préoccupation entre le littéraire et le scientifique en matière
du thème de l’homme existe donc, sans que soit toutefois établie une règle unique de
jugement à leur propos. Par ailleurs, un dictionnaire conjoint des vocabulaires scientifiques et
littéraires n’a pas été encore élaboré. Enfin, des faits ou des idées ont été bien dits par la
182 On note que dans le programme d’enseignement général français, une discipline académique intitulé « sciences économie et société » (SES) dont l’objet est d’étudier les grands problèmes contemporains. Dans leur démarche, la société est regardée avec le regard de l’économiste et du politicien.
304
rhétorique et plus particulièrement par la poésie, sans qu’on se soit posé la question si ces
propos sont-ils évidents ou réels.
L’existence de la différence de mesures d’appréciation des qualités littéraires et
scientifiques ainsi que l’absence de vocabulaires uniques entre la littérature et la science
forment une intrigue qui ouvre la question : ne peut-on pas envisager la réalité d’un
instrument unique de mesure entre les sciences sociales et la littérature sur l’homme ? Cette
question est en quelque sorte, une quête de normalisation de l’esthétique : recherche de la
mesure ou de la norme du beau.
Le problème : le « moi » en tant que sujet et en tant que objet
Les sciences sociales et humaines ont l’homme pour objet direct ou implicite. Bien
que chacun de ces groupes essaie à leur manière de capturer l’homme en vue d’en faire moins
monstrueux (de-monstrer), il se heurte à un problème épistémologique de l’identité de leur
objet : qui est l’homme qu’il veut capturer ? L’usage chez les scientifiques de poser la
question de l’identité de l’homme par des précisions préalables de référentiels, avec des
concepts et de champ d’arguments précédant la démarche proprement dite de l’objet de
discussion, sans toutefois que ces conditionnements préalables des auditeurs puissent apporter
un plus sur la réponse, devient un obstacle de cette intégration ou de cette fédération. Avec la
littérature, la science se perd de conjectures : recherche de mots ou de référence.
La science et la littérature cherchent, toutes deux, l’homme. En cherchant « l»’homme,
« un » homme ou une science ne se pose pas en homme, mais comme une entité critique
inconnue (« l »’homme ou « la » science) et leur question est sémantiquement complexe :
elles cherchent « l’ » homme, alors quel leur chercheur est déjà l’homme qu’elle cherche. Sa
démarche met donc en opposition « l »’homme et « un »homme, comme si ce dernier a une
position différente du premier. Aussi, la question de « pourquoi un homme cherche-t-il « l »’
homme alors qu’il est déjà un homme ? » est une intrigue scientifique, une énigme
épistémologique183, car pour identifier l’homme, il suffit à l’homme de se demander « qui
suis-je ? » au lieu de « qui est-il ? », c’est-à-dire faire une opération d’induction et non de
déduction. Mais cette démarche n’a pas été adoptée par les sciences sociales ou presque
toutes, sauf les économistes marginalistes, et non pas par les sciences humaines.
183 Nous avons répondu à cette question en soutenant que : 1°) l’homme dispose d’une capacité à chercher l’homme et 2°) en empruntant la conclusion du philosophe Gille DELEUZE, la recherche de l’homme répond à un instinct de révolte.
305
Le problème n’est pas un simple choix d’objet de recherche, mais plus que cela, une
disposition intellectuelle, un choix de méthode, une contrainte linguistique : cette façon d’agir
– poser la question en termes de « qui suis-je ? » au lieu de « qui est-il ? » - n’existe que par
la narration, alors qu’on se veut être objectif (comme si on répond à une question de « qui est-
il ? ». Le problème est la recherche du « moi objectif », c’est-à-dire le « moi » partagé ou le
moi avec lequel chaque individu se reconnaît en tant que être humain. (FEUERBACH définit
cette objet de la recherche comme étant une quête de le l’essence de l’homme).
Nous postulons que le concept de « homo œconomicus » est une réponse à la question
de « qui est l’homme ? », il décrit mieux le « personnalisme » d’Emmanuel MOUNIER. De
cette hypothèse, nous déduisons alors que l’activité humaine est une activité économique,
mais que cette activité est mal accomplie par l’homme (à cause de ses faiblesses) ; aussi, la
réplique faite par l’homme idéal dans les exigences de la vie est celle attendue par l’homme
en général. Une réflexion approfondie sur l’homme idéal nous montre alors que dans le fond,
l’homme ordinaire n’a pas de connaissance suffisante de son maître absolu qu’est la divinité,
mais de lui-même.
Quand un lien entre l’homme idéal et l’homo œconomicus est établi, c’est ce qui se
passe généralement devant la contemplation d’un produit, plus particulièrement de l’art, on
s’aperçoit qu’on parle du même homme, mais dans des référentiels différents. C’est homme
est le produit conjoint de l’imagination et de la raison ; c’est de l’homme des conditions
économiques – peut-être le praticien. Il est proche, un voisin de l’homo œconomicus.
Seulement, l’homo œconomicus est le héro d’une société dominé par l’échange marchand,
alors que son « voisin » le praticien est à la fois dans l’échange marchand et dans le don. Il
nous faut alors démontrer que le monde de l’échange marchand comprend aussi une partie
inséparable du monde de don et de l’échange non marchand, de façon à ce que le héro de
l’échange marchand soit aussi celui de l’autre monde. Il faut alors remonter aux sources de la
pratique (celle qui anime et donne l’énergie pour agir) et de la théorie (celle qui inspire)
l’action humaine. Notre objectif est de montrer l’unicité de l’inspiration animant la
construction de la représentation de l’homme. Cette source est l’économique. Mais il ne s’agit
pas seulement de l’homme qui agit et est animé ; il s’agit aussi de l’homme qui rend compte
de ses actions. Ce deuxième point est important. Nous montrerons que l’homme est doté
naturellement d’une faculté consciente et impétueuse de chercher la représentation de
306
l’homme, et que cet objectif lui est imposé par une sorte de révolte viscérale184. L’espace de
l’économie est alors le trouble intérieur de l’homme étant donné sa capacité intellectuelle
consciente. Avec ces propositions, nous allons situer le thème de l’homo œconomicus.
PARAGRAPHE 1 – L’HOMO ŒCONOMICUS EST LE THEME PRODUIT DE LA DISPOSITION NATURELLE CONSCIENTE DE L’HOMME A LA QUETE DE LA REPRESENTATION DE L’HOMME
La recherche de la représentation de l’homme par lui-même est une activité
d’exploration qui devait mettre l’homme en face de son image et qui s’achève par la
découverte de lui-même. A cet effet, l’homme a comme moyens, d’abord les instruments
conceptuels avec lesquels il décrit et nomme et rend compte ce qu’il a découvert, ensuite ses
intuitions, raisons et facultés de discernement avec lesquels il peut affirmer et vérifier ses
découvertes. La recherche de l’homme par l’homme se termine lors du constat de la
confirmation des concepts concrétisé par l’appréhension intellectuelle de l’homme ; autrement
dit, la recherche de l’homme par lui-même est réalisée lorsque l’homme est en position de
face-à-face avec les concepts désignant la représentation de l’homme.
La littérature est parvenue jusqu’à cet arrêt de la recherche. Par la narration et par les
mots, les narrateurs, à travers leurs protagonistes, consigne ce moment d’arrêt : de Alighieri
DANTE dans son « Enfer », a trouvé les mots pour concrétiser la rencontre avec son maître
ou son dieu ou ce qu’il a de valeur suprême. L’écrivain allemand Thomas MANN (1875 –
1955), dans son « Docteur Faustus » retrace aussi cette rencontre entre l’homme et son idéal,
sous forme de rencontre entre le musicien et son maître. Ce dernier est dépassé par son élève,
il reste alors une exposé sur l’art de la part de l’élève : de la compréhension de l’admirateur de
l’art qui est en fin de compte manipulé par l’artiste, c’est cette compréhension qui, d’après
Thomas MANN qui forme un tout objectif.
L’économiste, dans cette file d’idée, a aussi fait rencontrer l’homme avec son
descriptif : les différentes classifications des agents économiques et la confirmation de la
réalité de ces classifications font que les utilisateurs de ces concepts peuvent trouver chaque
type nommé de classification dans la réalité pratique. Les économistes ont élaboré des
concepts opérationnels qui sont plus ou moins descriptifs de la réalité. Puis avec ces concepts,
la pensée économique a imaginé une rencontre entre ce qui a été nommé ; cette rencontre, par
exemple a pu prendre place dans le thème de marché (et les agents concernés sont l’offreur et
184 Cette deuxième partie de l’affirmation est inspirée des propos de la philosophie de Gilles DELEUZE
307
le demandeur). La rencontre de l’homme avec l’homme dans le récit économique est alors une
rencontre entre les offreurs et les demandeurs, et d’une façon générale à travers les thèmes de
réseaux économiques retracés par le circuit économique. Ce dernier comprend des flux réels
et des flux monétaires dont l’interaction est dénommée par le mot « marché ».
Dans la littérature, la fin de la quête de l’homme et plus particulièrement celle de
l’homme idéal ont produit des impressions, des pressions intérieures à l’homme. Ce dernier
est devenu sous pression de quelque chose, d’un besoin ou d’un sentiment ou d’une
sensation : il est attiré par le comportement de l’idéal ou bien il l’évite. Un mouvement ou un
trouble assaille l’homme. Le premier homme ou l’homme isolé sur une île déserte n’ont pas
été impressionné par l’homme. Ce n’est que par la rencontre qu’il se redéfini et se revoit lui-
même185. La littérature économique, pour sa part, n’a cependant saisi que les traces
matérielles de ces pressions intérieures, des empreintes qui devraient être intérieures à chaque
homme, et elle les a extirpés du for intérieur de l’homme et les a rendus « objectifs » et
transformés en « culture186 », en « empreintes écologiques » : tel est le sens de la théorie
économique de l’information et aussi de la psychologie économique. Les termes de préférence
pour certaines formes de la monnaie, le goût et le choix, etc., sont marqués par une pression
intérieure de l’homme. Lorsque ce dernier parvient à une croyance forte frisant l’irrationalité,
alors un mouvement inverse s’ensuit : une sorte de transformation en objet de la marque
intérieure. La littérature veut aller et atteindre la profondeur de l’intime l’homme, alors que la
narration économique de l’homme essaie de rapporter régulièrement les échos de cette
intimité de l’homme. C’est pour cette raison d’ailleurs que nous considérons la narration de
l’homme ainsi que sa représentation ponctuelle se révèle par la description et par l’étude de
l’économique et non pas par la littérature.
Caricaturalement, la véritable nature de l’homme se précise dans l’espace de
l’économique ; la rencontre entre les hommes ou entre l’homme et son intimité retracée par la
185 Tel est le sens du cri d’ADAM que les rédacteurs du livre de genèse se sentaient obliger de consigner mot pour mot :
« Alors celui-ci s'écria : «Pour le coup, c'est l'os de mes os et la chair de ma chair! Celle-ci sera appelée “femme”, car elle fut tirée de l'homme, celle-ci!» (La Bible, Ancien Testament, Genèse, chapitre 2, verset 23)
La conscience de la possession de la chaire et du corps et la rencontre avec l’être qui s’en est sorti sont les thèmes sur lequel s’arrête momentanément le récit de l’homme. 186 Dans notre sens, le contexte du mot « culture » est chrétien et non pas agricole : La culture vient du latin « cultura » dont les sens sont « culture » dans une phrase utilisée par CICERON, « agriculture » pour Varro TERRENTUIS (638-727), un poète et agronome romain. C’est au sens figuré qu’HORACE (689 – 746) l’a utilisé (QUICHERAT et DAVELUY 1922). Pour lui, la culture se rapporte à l’âme et à l’esprit ; ce dernier sens est à rapproché avec celle du parabole évangélique de semeur de la bonne semence.
308
littérature ne se conçoit que dans un espace conceptuel et intellectuel fourni par l’économique.
La rencontre de l’homme avec son idéal ou son modèle est un évènement, une expérience
bouleversant à l’échelle de l’humanité187 ; l’économique est bouleversante pour l’humanité.
La recherche permanente de l’homme caché dans le for intérieur de l’homme et la
confrontation des produits périodiques de cette recherche avec l’homme réel sont le domaine
partagé entre les récits littéraires et scientifiques. Les artifices déployés par les narrateurs et
par chaque homme pour découvrir cet homme caché est le processus constructif de l’homme
idéal ou en économie, de l’homo œconomicus188. L’homme dispose des artifices pour se
découvrir lui-même ; point n’est besoin pour lui de révéler l’homme ; l’homme n’est pas un
être-objet de la pensée, mais une réalité dont il est le seul à donner une existence. Seulement,
cet homme produit de la pensée humaine se présente déjà dans un cadre théorique dans lequel
il ne peut être qu’en crise. L’homme dans la pensée humaine n’est pas un être neutre et
indifférent, mais un être dans une crise de la pensée humaine, un être du monde de
l’économique.
Nous explorerons cette disposition intellectuelle commune et partagée entre les
hommes (le narrateur et le théoricien de l’économie ou tout simplement l’homme en général)
pour remonter jusqu’à l’origine de la représentation de l’homme dans un environnement
spécifique qu’est l’économique. Effectivement cette dernière ne figure pas encore dans le
premier livre de notre thèse, mais elle est déjà présente dans notre pensée lors de la rédaction
de ce qui suit. Peut-être un renvoi déjà au second livre est nécessaire pour la compréhension
de nos propos. Aussi, dans notre démarche pour identifier l’homme de l’économie, nous
partons de l’affirmation de l’existence d’une disposition naturelle de l’homme pour la
recherche de son équivalent pour parvenir à la préoccupation de la narration. De ce fait,
l’homme ordinaire qui cherche un idéal ou son égal est un être doté de savoir pour cela, mais
que cette disposition ne lui rend pas pour autant heureux. Ce qui le rend heureux est
l’intelligence et la conscience. Nous sommes alors devant une situation où la disposition
187 A ce propos, le monde occidental chrétien avait inauguré une nouvelle ère : l’ère de JESUS CHRIST. Ce moment est aussi comparable à celui de la rencontre de l’homme avec la femme dont le premier récit est relaté par les trois premiers chapitres de la bible, ainsi que d’autres moments qui enrichissent les récits littéraires et qui montrent la pauvreté de la narration économique. Cette dernière n’a retracé que le moment de la rencontre de la volonté de l’offreur et du demandeur et qui s’est achevé par la formation de la valeur. Combien sont donc rares les récits économiques alors qu’ils sont tant attendus par les humains qui se sentent pauvres matériellement et spirituellement ! 188 On note que chaque homme est un narrateur et un chercheur de l’homme caché à l’intérieur de l’homme.
309
naturelle de l’homme parler et à reconnaitre ses paires s’oppose avec le thème de la raison et
de la science. Une science de l’appariement est vraiment nécessaire.
La théorie économique classique s’appuie sur des affirmations sur la disposition
naturelle de l’homme : disposition naturelle à l’échange, à la préférence pour plus de richesse,
entre autres. Une autre disposition naturelle de l’homme pour penser l’homme est alors une
disposition de plus. Nous montrerons que cette disposition est une donnée de la pensée
humaine. Ensuite, nous montrerons que la construction intellectuelle du modèle de l’homme
provient de la vision de l’ordre et du bien-être. Loin de nous est l’idée de défendre la thèse de
l’homme situé, car l’ordre et le bien-être ne sont pas des réalités matérielles concrètes, mais
une intuition. L’homme est alors dans une intuition d’existence et non pas dans les conditions
matérielles d’existence.
I L’existence de l’ homme est une donnée de la pensée humaine
Dans la littérature, il est d’usage de faire de la pensée un objet détenu par un individu
ou par une collectivité humaine. La littérature parle par exemples de pensée grecque, ou de la
pensée d’un économiste ou d’un philosophe. Le passage de la pensée d’un homme vers la
pensée de « l »’homme s’avère être hasardeux et peu convaincant : une opinion sur l’homme.
Pourquoi un homme parvient-il donc à cette question alors qu’il ne peut trouver un
répondant ? devant ce fait, nous déduisons alors que ce questionnement s’inscrit dans la
pensée de l’homme ; la pensée l’homme est une disposition de la pensée humaine.
et par la présentation du fondement de l’existence de l’autre en vue de parvenir à la
localisation de l’existence de l’autre dans la pensée humaine.
La pensée humaine est encore un thème de la représentation de l’homme. Elle a été la
voie menant vers le débat entre l’idéalisme et le matérialisme, quoique ce débat n’ait pas
apporté des informations pertinentes sur la représentation de l’homme. Elle confirme
seulement les propos de SPINOZA selon lesquels l’idée et la matière ne peuvent pas borner
l’une ou l’autre (SPINOZA 1677, définition 2).
1°) Notes sur la notion de la pensée humaine
La pensée est par définition étymologique, une pesée une idée, une opinion
personnelle et subjective.
310
En tant que pesée d’idées (le mot malgache « hevitra voalanjalanja » évoque
correctement cette idée. Elle indique le rapport entre deux ou plusieurs idées différentes et une
différence entre ces dernières. La pensée se joue à l’intérieur de l’homme confronté à la
diversité des idées. La pensée est aussi utilisée pour désigner un instrument pour transporter
l’homme dans un contexte différent189.
En Malgache la pensée humaine est ou bien un « heritreritra » (une opinion), dont
l’aboutissement est le « hevitra » (idée). Le heritreritra est un processus de formation d’idées
et une source d’idées. Les grecs et les romains imputent à la pensée une origine mythique,
alors que dans le langage courant, la pensée est une propriété individuelle : il est alors
question de la pensée ou des idées d’un auteur ou d’un inspirateur.
Dans la philosophie cartésienne, la pensée est le propre de tout être qui a une vie
intérieure et vers lequel il peut puiser une puissance190 ; alors que chez l’animal, l’instinct
existe à défaut de pensée. Aussi, parler de la pensée, c’est déjà parler de l’homme ; et à plus
forte raison, la pensée portant sur l’homme évoque le thème de la représentation de l’homme,
d’une contemplation de l’homme par l’homme.
Puis, avec l’évolution de la philosophie, notamment avec WITTGENSTEIN dans son
« Tractacus », la pensée n’est plus entendue comme un acte de pensée, une construction
d’idées, mais d’attitude. Son idée est que la philosophie est pour quelque chose, pour une
action, et finalement, la philosophie est une éthique. La philosophie – que DELEUZE –
appelle de la production d’idées, est une philosophie de quelque chose, c’est une attitude
envers quelque chose. Par cette approche, la pensée n’est plus une propriété privée, mais un
comportement spécifique d’un individu. Puis, ramenée à une dimension de l’homme, la
pensée devient une attitude spécifiquement humaine, un élément distinctif par rapport à
l’animal. L’attitude, dans le sens d’Aristote du terme de philosophie, est un élément distinctif
de l’homme, par rapport à l’animal191. Aussi, en matière de la pensée, chaque individu oscille
entre la pensée de « l »’homme – celle qui le distingue de l’animal – et la pensée de l’individu
189 La phrase suivante illustre les propos selon lesquels la pensée est un véhicule immatériel : « … pour nous situer concrètement dans la Durée, transportons-nous par la pensée dans le monde tel que, vers la fin du Tertiaire, nous pouvons l’imaginer. » (TEILHARD de CHARDIN 1956, page 99). C’est l’idée de « mitondra an’heritreritra » malgache. 190 Voir TEILHARD de CHARDIN 1956, page 109. 191 Il nous semble que la théorie de WITTGENSTEIN se glisse vers la théorie de Ludwig FEUREBACH sur l’essence du christianisme.
311
(l’opinion), le premier apporte une vérité alors que le second peut être induit à des fautes et
des erreurs.
Avec cette conception, la représentation n’est plus importante pour ce qu’elle est, ou
par ce qu’elle a été faite, mais une impression devant une forme.
Le thème de la pensée cependant est aussi multiple et fait l’objet de discussion : pour
WITTGENSTEIN, par exemple, la pensée n’est pas seulement de la production de bonnes
idées, mais aussi des tentatives de bien dire. Certaines pensées sont impossibles à exprimer
par les mots ou par les enchaînements de mots existants. La pensée n’est pas impétueuse, mais
des fois, elle est aussi hésitante et erronée. La pensée peut remplacer des mots par un autre,
sinon supprimer un ensemble d’idées. Quelque part dans le langage et dans la représentation,
un relent de volonté existe, mais cette volonté se heurte à des impossibilités de représentation.
Telle est la limite de la représentation l’homme dans le sens de la philosophie analytique.
La pensée peut être finie : une pensé peut borner une autre. Tel est le cas de la pensée
imputée à un auteur qui est lui-même influencé par un autre. NIEZTSCHE par exemple est
influencée par la pensée de SCHOPENHAUER. Le dépassement d’une pensée peut,
conséquent, être envisagé : celle d’un auteur est complétée par celle d’un autre. Mais la
pensée de l’homme en général n’est ni finie ni dépassée. Sa transformation n’existe que par
les nouvelles manières de la manifester.
Ainsi, l’idée de pensée évoque l’homme. Or une pensée peut dominer une autre, au
même titre qu’une opinion peut cacher d’autres. Parmi ces opinions dominantes, la pensée sur
l’homme figure comme une pensée dominante ou permanente de l’homme.
2°) De l’existence de l’autre
L’existence est une question de reconnaissance et d’affirmation, et non pas un fait
objectif indépendamment de l’homme. La preuve de l’existence est dans la capacité
d’identifier l’autre par rapport à ses semblables, et aussi dans la capacité de peser les mots
pour affirmer cette existence. Pour cela, elle demande des fondements de savoir : par exemple
l’intégration du récit dans un tissu de narrations communément admises.
Pour reconnaître l’autre, TEILHARD DE CHARDIN, utilise l’intuition directe, celle
qui est à l’origine de la connaissance (TEILHARD de CHARDIN 1956, page 25). Dans le
fond, ce qu’il prend conscience est la vérité primaire qui anime l’homme. En économie, deux
312
principes gouvernent la théorie de l’existence : ou bien par la foi et par la croyance ou bien
par l’utilité. L’homme existe parce qu’on le croit fortement ou bien parce que cette existence
nous est utile. Sitôt que nous n’avons pas besoin de l’autre ou de n’importe quel prétendu
phénomène, immédiatement notre pensée rejette leur existence.
Chez SCHOPENHAUER, par contre, un être qui rencontre ses paires devient un
individu. En réfléchissant sur l’autre, l’individu va alors pénétrer dans ses propres pensées et
intimités. Pour ce philosophe, cette intériorité est une idée composée entre autres de pitié et de
renoncement. La rencontre avec l’autre conduit alors l’individu à nier sa matérialité sous
prétexte que la matière n’est qu’une illusion. La sensation de l’existence de l’autre provoque
la négation de la vie de l’individu, ainsi que le renforcement de la croyance en la réalité idéale
et intime.
Ainsi, il se peut que l’autre ne soit pas du tout une réalité, mais seulement une
supposition permettant de démontrer ou de soutenir l’existence d’un autre phénomène
beaucoup moins suspect ; il est un phénomène contentant l’entendement. Autrement dit,
l’affirmation de l’existence permet à la pensée de hiérarchiser la vraisemblance de la réalité :
il y a des phénomènes qui va de soit, une évidence qui se passe de description et d’autres qui
sont contraires à l’entendement humain, et de ce fait réclament des arguments qui sont
finalement puisés dans d’autres phénomènes plus sûres. Pour couronner le tout, la religion
avance l’hypothèse d’une existence absolue en dieu de qui découlent tous les autres éléments
non certains, les fluctuants, les apparences et les mouvants de ce monde.
La validation de l’existence de l’autre homme est une étape importante de l’auto-
découverte de l’homme. Elle a permis d’accepter l’introspection et l’introversion, et
finalement, la réflexion. La réflexion de l’homme se porte à la fois dans le réel et dans
l’imaginaire. Ce thème ou ce champ se trouve aussi vulgarisé dans certaines littératures
religieuses, notamment l’animisme, l’hindouisme et le christianisme et a conduit à une autre
représentation de l’homme : les différentes dimensions de l’homme.
La découverte de l’autre est, avant tout, un constat de la différence de mots pour
formuler la pensée entre les individus.
313
3°) Les effets de l’existence de l’autre sur le récit de l’homme : la conception de
l’homo œconomicus
A partir des thèmes issus de l’auto-découverte de l’autre homme et de la pluralité de la
dimension de l’homme, la pensée l’homme devient critique et les penseurs, des économistes.
Le récit économique est donc un récit de la crise de l’homme. Dans la pensée l’homme, la
question implicite est le « qui suis-je ?» existentiel, mais en même temps, dans cette question,
il y a aussi des questionnements sur la survie. Dans cet état de la nature de l’homme, le
modèle de l’homme idéal dans une situation critique latente germe déjà : l’homme idéal, non
pas en tant que chef de la cité, mais au-delà de toutes les circonstances, est l’homme qui a le
pouvoir de donner la vie – le biopouvoir de FOUCAULT.
L’homme idéal de la littérature émerge d’une crise, alors que du point de vue de la
théorie économique et sociologique (individualisme méthodologique), il est le produit des
circonstances. Or il se trouve que les circonstances permanentes de l’idéal économique est
critique. Nous déduisons alors que littérature et science relatent le même homme. Avec cette
déduction, les économistes portent ensuite leurs réflexions sur l’environnement matériel et
immatériel permettant de voir ce double aspect de l’homme modèle. D’où découle le modèle
usuel de l’homo œconomicus.
Nous allons alors croiser les deux récits du même homme par le thème de la dualité de
l’homme. La dualité de l’homme ne se justifie pas par une ou des preuves matérielles
extérieures à l’homme, mais par l’affirmation de l’homme subissant une pression intérieure et
qui, régulièrement ou sporadiquement, explose sous forme de crise identitaire. La dualité de
l’homme n’a de preuve que la pulsion ou l’élan, ou tout simplement par l’action.
Aussi, la découverte de la nature de l’homme demande à son tour, un savoir préalable
sur ce qu’il faut valoriser, un sujet de narration élaboré, celui qui représente l’état d’âme de
l’homme, de l’intuition de la réalité de l’espace économique dans lequel la dualité de
l’homme ne peut que se manifester. Il nous faut observer l’homme en question (le héro), les
témoins/narrateurs et les semblables aux héros. Des philosophes comme PLATON et les
économistes classiques ont essayé de remplacer le héro de la société par le thème de
« gouvernement de la société idéale ». D’autres philosophes économistes par contre, à l’instar
de XENOPHON persiste à voir à travers le comportement de certains agents économiques, le
comportement idéal. Dans la littérature économique, en effet, les agents économiques sont
314
considérés seulement animés par le fait qu’ils n’ont fait que suivre leur instinct de profit, bien
que ce dernier le mène généralement vers des lieux difficiles, hostiles, voire interdits.
L’économiste rend compte des activités de l’homme qui se découvre lui-même en héro, le
héro du passage ou du rite du passage.
Enfin, on note que les critiques des mots faites par la philosophie analytique - la partie
de la philosophie qui étudie le langage – cependant ne permettent pas de rendre compte des
composantes de cette espace économique, ou de nommer avec certitude les composantes de
cet espace, car le contenu de chaque mot et chaque terme doit être étudié et convenu entre les
concernés pour pourvoir servir à la fois d’instrument opérationnel d’identification de
phénomène, de description et d’analyse. Le héro, dans le crible de ces critiques, n’est alors
que l’énergumène qui a su attirer l’attention du narrateur, en l’occurrence, l’homme lui-même.
Plus pratiquement, on dira alors que lorsque l’homme se cherche lui-même, il ne découvre
que son caractère qu’il admire lui-même : de l’égoïsme ou de l’auto-satisfaction. C’est cet
homme que les économistes actuels ont découvert.
Une nouvelle acception du héro s’impose alors. Des philosophes en fournissent alors
le modèle. Le philosophe écossais, Thomas CARLYLE (1795 – 1881) précise le sens de héro
: des êtres humains qui s’imposent par la suprématie de l’intelligence, du cœur, du sens de la
justice et de la sincérité, donnent un sens à l’histoire, guident les peuples vers un
accomplissement spirituel et marquent une ère nouvelle192. Les héros sont « les conducteurs
des peuples, les formateurs, les modèles, et, dans un sens large, les créateurs de tout ce que la
masse des hommes pris ensemble est arrivée à faire ou à atteindre... Le héros est un messager
envoyé du fond du mystérieux infini avec des nouvelles pour nous... Il vient de la substance
intérieure des choses » écrit Thomas CARLYLE193. Ce ne sont donc pas tous les êtres
humains qui peuvent entreprendre la recherche de l’homme, mais le héro, cet être qui se
cherche, non pas par orgueil, mais par bonté, en vue de mener ses congénères vers une
nouveauté ; c’est aussi l’entrepreneur de SCHUMPETER. Il semble que ces caractères sont
aussi ceux du modèle de l’homme de l’économie : un individu qui mène les autres opérateurs
économiques vers le succès. Dans ce sens alors, la recherche de l’homme n’est en fin de
compte que la quête de la meilleure des choses pour l’humanité. Si cette meilleure est
l’augmentation de la richesse, alors le modèle est celui qui conduit vers cette position.
192 Voir Carlyle, Microsoft Encarta 2009 193 CARLYLE Thomas, cité par (BREHIER, Histoire de la philosophie. T II 1932)
315
Friedrich NIETZSCHE soutient lui aussi, que le peuple ne peut pas accomplir des
actes héroïques ; ceux-ci étant réservés à des individus non conformistes, individualistes à
l’extrême, dotés eux aussi de sentiments profonds, mais, précise-t-il, contrôlés par la raison.
Le surhomme de NIETZSCHE est aussi, comme celui de CARLYLE, un créateur de valeur
que la masse va plus tard adopter. Le héro de NIETZSCHE diffère de celui de CARLYLE
dans le sens que pour lui, le héro n’est pas un philosophe, un penseur, mais un acteur, celui
qui écrit l’histoire tout en étant directement au contact avec la nature et non par la pensée,
alors que le héro de CARLYLE est un guide de l’action collective. Ce dernier peut être le
rédacteur d’un manuel révolutionnaire, un créateur de symbole, un inspirateur, un narrateur,
alors que pour NIETZSCHE le héro se rencontre dans l’action solitaire, celui qui passe en
solitaire dans un autre milieu et non celui qui fait le discours de rite de passage.
Seulement, NIETZSCHE et de CARLYLE distinguent foncièrement le héro et le
peuple, alors que dans la réalité, le héro d’un contexte ou d’une narration n’est pas forcément
le protagoniste d’un même élément d’un même thème ; le héro de la littérature n’est pas, dans
leur sens, le modèle de l’économie. Ce fait apparaît, parce que les concepts utilisés par les
deux auteurs ainsi que par d’autres auteurs ne sont pas les termes de la littérature dans
lesquels se sont infiltrés les concepts et sens économiques. Aussi, il apparaît que la meilleure
des démarches serait que la narration soit faite en termes partagés avec les propos de la
science économique. A cet effet, il faut revenir dans la narration de l’homme d’après les
économistes.
Mais il faut alors trouver l’évènement qui propulse le thème de l’homme narré en
termes économiques, car le thème de l’homme n’entre dans le débat des hommes que par un
évènement porteur ou révélateur de nécessité de la question (DELEUZE, 1985).
Manifestement, une préparation s’impose dans un thème aussi complexe que l’homme.
Le thème de l’homme ne se discute pas entre les hommes dès leur premier contact, il est
toujours précédé d’une sorte de séries d’échanges préparatoires par lesquels sont établis les
consensus sur le sens des mots, sur le choix de l’évènement porteur de la discussion. Une
logique discursive en découle. Le philosophe finlandais HINTIKKA Jakko (1929) décrit le
contenu et le processus de la formation de cette logique discursive dans sa « Distributive
normal forms in the calculus of Predicates » en 1952. Il distingue deux niveaux de
l’information (le superficiel et le profond), en fonction du nombre de quantificateurs et des
symboles présents dans chaque proposition. La préparation de la discussion sur l’homme
316
consiste donc à relever le passage du superficiel vers le profond ou plus précisément à
constater les degrés différents d’argumentation.
Ainsi, le fait que la discussion sur l’homme tombe dans la rue et dépasse les murs des
cathédrales et des établissements culturels signifie, dans la théorie de HINTIKKA, que les
gens de la rue commencent à vulgariser l’usage des particules et des symboles dans leur
proposition ; ils sont devenus de plus en plus assurés dans leur argumentation.
II – L’existence de l’autre vient de la conscience de la réalité de l’ordre et du langage
La question de l’identité de l’homme s’étant établie durant les périodes critiques de la
vie sociale a entrainé l’usage de symboles de communication et de langage. Ce ne sont donc
pas les mots et le consensus sur les termes qui sont les préalables de la formation sociale, mais
la perception d’une menace partagée entre plusieurs individus (nous développerons cette
proposition dans le thème de l’interdit). Cette conception du social bâtie sur la perception
collective de la menace est la base de la sociologie économique. Dans ce sens, chaque
communauté possède sa propre appréhension et conception de menace.
Un archétype de situation de départ de la communauté humaine, dans laquelle les
hommes ne sentaient aucune menace peser sur eux, peut être envisagé. Dans cette situation,
point n’est alors besoin de langage. Puis, lorsque les menaces se font sentir ou que la
perception de menace se diversifie, alors des groupes se forment selon leur sensibilité ou
selon leur intérêt. Tel est d’ailleurs la théorie d’Adam SMITH sur le langage194 qui, bien que
contestable du point de vue des théories linguistiques actuelles, peut servir de départ de
réflexion sur l’homme et sur la société d’abord avant d’autres fins utiles. Certains
anthropologues s’attèlent à reconstruire cette situation initiale de départ en vue d’en déceler
les comportements humains rémanents et récurrents. Pour notre part, à défaut de «
civilisations primitives », nous nous réfèrerons aux civilisations pré-linguistiques ; d’où nos
recours aux civilisations définies en termes de « indo-européennes », « mésopotamiennes »
afin d’y retrouver la présence, non pas de signes matérielles de la présence humaine, mais de
la question de l’identité humaine. La question de « qui est l’homme ? », en effet, se pose
seulement étant donné une problématique et des circonstances qualifiées, et qu’elle en est la
solution ou un pas vers la solution du problème.
194 Voir (DELATOUR 1886)
317
Il s’agit alors d’étudier les conditions de la formation d’une question (sur l’identité de
l’homme) telle que le permet le traçage des concepts et les thèmes évoqués par une langue. Le
problème n’est pas les problèmes linguistiques de la formation des mots et de l’évolution des
mots et de leur contenu, mais plutôt intellectuel ou épistémologique de la formation d’une
question. Dans un questionnement sur l’identité de soi, en effet, il y a une quête de
rationalisation d’activités, un choix, une recherche d’un meilleur objectif, une quête des
propres limites de soi ; la problématisation d’une question ou d’un thème répond avant tout à
une quête de bonheur ou de satisfaction d’un besoin ; elle est donc un thème de l’économie et
s’inscrit dans le thème croisé de la perception et de la satisfaction de besoin. Or ce n’est pas la
satisfaction du besoin en elle-même qui intéresse l’économie, mais sa relation supposée avec
les moyens limités en quantité. En l’occurrence, pour placer la question de la formation de la
question de « qui est l’homme ? » dans le problème économique, il nous faut établir la
question de la formation d’une question, non pas en elle-même ou en elle seule, mais étant
donné les moyens dont dispose chaque communauté linguistique. Autrement dit, la question
de « qui est l’homme ? » se pose, « étant donné » une ensemble fini de choix de réponses et
étant donné des conditions objectives. Les faits économiques se découvrent alors par ce fait :
des questions d’ordre existentiel, étant donné les moyens argumentaires de les répondre.
L’économie dira alors que l’homme est ce que la notion de bien économique permet de
dévoiler.
Les questions précitées (quand et pourquoi la question de savoir qui est l’homme se
pose dans une culture ?) sont des pistes indiquant la trace intellectuelle de l’homme
matériellement dénué ou privé des instruments de production, des produits matériels, et
révèlent aussi les problématiques matérielles et immatérielles de l’essence et de l’existence
humaines. Dans la théorie économique, ces questionnements préparent à la formulation des
thèmes de besoin et de la consommation. En effet, la conscience de la présence de la notion de
besoin est déduite de la connaissance de soi de l’homme ; l’homme qui se connait lui-même a
des besoins, et celui qui ne se connaît point de lui-même, ne peut pas non plus connaître ses
semblables, et à plus forte raison, n’a pas de besoin. Les conditions de la recherche de
l’identité de soi, le moment de la réalisation de celles-ci sont des moments capitaux dans la
formation de l’espèce humaine, car ce n’est pas la production des objets ou des outillages,
mais la conscience du besoin qui a orienté les activités ultérieures humaines. C’est pourquoi
d’ailleurs, dans notre thèse, la question de « qui est l’homme ? » précède celles de « où est-il
?» et « de que fait-il ? ».
318
Le choix de la période indo-européenne s’explique aussi par ces mêmes raisons : en
situant notre réflexion dans cette période et dans les espaces abritant l’utilisation de ce
langage ou de cette civilisation, les autres territoires et les autres civilisations sont aussi
tacitement évoquées, et même plus, la période que certains théoriciens appellent « proto-indo-
européenne ». Autrement dit, nous utilisons la période linguistique, c’est-à-dire, le temps que
dure une langue avant d’être métamorphosée ou transformée à la suite de sa cohabitation avec
d’autres langues, pour caractériser un phénomène économique, qui généralement, s’appuie sur
des périodes historiques. La civilisation indo-européenne a été choisie pour des raisons de
disponibilité de documents, et surtout parce que, à notre connaissance relative de l’histoire
universelle, la continuité de l’histoire humaine est plus perceptible dans l’histoire de la
civilisation indo-européenne qu’ailleurs. Elle sert de référence pour décrire l’évolution de la
communauté humaine. Etant donné ce qui est indo-européen alors, nous avons dégagé ce qui
n’est pas indo-européen.
1°) Les dispositions intellectuelles de la formulation de la question de « qui est
l’homme ? » dans la philologie indoeuropéenne195 ou « comment se forme la notion
de besoin dans une communauté indoeuropéenne ? »
Nous nous intéressons dans ce paragraphe, non plus la disposition intellectuelle des
économistes dans la question existentielle, mais de celle des praticiens, c’est-à-dire des
195 La langue indoeuropéenne était une hypothèse datée du XVIe siècle et portant sur l’existence de parenté de langues de quelques communautés habitant les continents européens et asiatiques. L’étude de la langue indo-européenne commençait en 1796, avec la communication de Sir William Jones (1746-1794) devant la Royal Asiatic Society de Calcutta, selon laquelle le latin, le grec, le gallois, le gothique et le sanskrit - des langues que cet auteur maîtrise -, dérivaient probablement d'un ancêtre commun, Puis, cette hypothèse a été par la suite vérifiée et démontrée par des recherches ultérieures (Voir De BENOIST Alain, « Indo-européen : à la recherche du foyer d’origine » ainsi que Journal of Indo-European Studies, édité à Washington. ). Les études indo-européennes ne se limitent pas au constat de l’identité des racines de quelques mots, mais aussi à la recherche de l’existence d’une similitude de système de pensées. A cet effet, les fouilles archéologiques, l’anthropologie, l’histoire etc., viennent compléter les indications linguistiques confirmant alors une hypothèse selon laquelle les individus qui utilisent une même langue ont aussi une même façon de penser et de ce fait, un même fondement de système de connaissance. L’étude de l’indo-européen ne révèle pas seulement l’unité de la racine des langues de quelques communautés, ou l’intérêt de ces communautés pour des thèmes particuliers les poussant à donner des noms spécifiques à ces thèmes, mais aussi des informations sur leurs doutes et inquiétudes et sur les signes et symboles utilisés.
Le concept « indo-européen » évoque d’emblée un territoire occupé par des peuples utilisant la langue indo-européenne. Peu ou prou sont connus sur ces peuples et leur territoire, et moins encore sur leurs pratiques et leurs cultures. A cause de ce fait, les études ethnographiques de ces peuples et de leurs discours ne sont que des interprétations de ce que pense et de ce qu’ils font à partir de leurs mots et vocabulaires. Ces derniers, à l’inverse des informations sur les pratiques et les organisations sociales, sont largement consignés dans les documents concernant l’étymologie de chaque langue indo-européenne. Les dictionnaires étymologiques, ainsi que les différentes références passim de ces vocabulaires peuvent servir de base de données de première main pour retracer les thèmes les plus fréquents de l’indo-européen.
319
individus dotés de moyens de communication sociale et qui les utilisent. Ces derniers sont les
hommes de tous les temps et de toutes les périodes en qui le concept de « l »’homme est
attribué. Ils se caractérisent par le partage de matériaux d’existence entre leurs paires.
Il est difficile de reconstituer les langues utilisées pour utiliser les ustensiles et
outillages découverts ; mais inversement, l’existence de mots pour nommer tel ou tel objet
permet d’affirmer l’existence de ces objets ; enfin, l’absence d’un mot dans un langage ne
signifie pas que l’objet désigne par le mot en question n’existe pas dans la communauté (De
BENOIST). C’est ainsi que le mot « homme », bien que figurant dans chaque variété de
langue indoeuropéen ne se trouve pas dans la langue russe qui, pourtant appartient au groupe
indoeuropéen. De même, l’absence d’un mot dans une langue n’est pas un indicateur
d’absence d’intérêt ou de constat de la chose, mais peut aussi être le sens d’une crainte ou de
respect énorme. De BENOIST constate que le mot « ours » n’est pas nommé dans la
littérature indo-européenne, mais remplacé par des expressions telles que « mangeur de miel
», le « brun » ou le « destructeur ».
C’est en considération de ces remarques que nous sommes parvenus à établir retracer
l’existence de trace de la conceptualisation de l’économie dans la pensée indo-européenne et
en même temps que cette langue élabore sa notion d’homme.
A cet effet, nous avons procédé par une approche comparative de la littérature au sens
large des différentes communautés ainsi que les thèmes qu’elle évoque, pour en dégager le
fonds commun. Cette démarche est connue des linguistes sous l’expression d’approche
comparative culturelle, et Georges DUMÉZIL (mort en 1981) en est l’instigateur. Notre
objectif est de découvrir l’existence d’un ou plusieurs thèmes partagés par plusieurs langues
montrant le souci commun entre plusieurs communautés et dont la formulation – une activité
d’extériorisation en somme – constitue déjà et en partie sa résolution. Le thème par lequel
l’homme s’affirme, cependant nous intéresse. Autrement dit, des fois où le narrateur est
obligé de se démarquer de son sujet pour s’affirmer en tant que personnalité différente de
celui qu’il raconte. Ce niveau de narration en effet indique qu’il abandonné la narration.
a) De la redécouverte de l’homme : De l’intelligence vers la conscience
La question de « qui suis-je ? » n’a pas pour autant répondu à l’intelligence de « ce qui
n’est pas moi ». Le problème est que l’identification n’est ni complète, ni achevée, et de ce
fait, elle agit en permanence sur l’homme. Aussi, le fait de se connaître soit même a entraîné
320
l’action et le déplacement de l’homme ; la connaissance de soi est la cause des diversités de
comportement et de choix humain. Les économistes ont posé la question en termes de la
conscience de l’utilité /désutilité des objets par lesquels chaque individu réalise ou se rend
conscient de l’existence. Pour notre part, nous intériorisons la conscience pour dire que ce
n’est pas la conscience de l’autre qui fait l’économique, mais la conscience de soi.
Cette prise de conscience de soi a été préparée par les instruments linguistiques avec
lesquels les objets sont désignés et nommés. Mais nous voulons insister sur le fait que le
processus constructeur de la pensée économique se fait par l’intériorisation de la conscience
des objets de la nature, c’est-à-dire par la formation de la notion de « besoin ». C’est la
première étape de l’économique, alors que celle de la disposition intellectuelle n’est que le
préalable.
Le besoin de partir ou de se révéler, caché ou revêtant la forme d’un questionnement,
est en fait un problème, dans la mesure où il est insoluble, car il n’est plus une question
technique, ou plus précisément sa question ne relève plus d’une division technique de
connaissance ou de l’application d’un savoir précis. Il demande une solution plus radicale, ou
tout simplement de l’action et le mouvement ; le besoin n’est pas seulement un besoin de
quelque chose, mais aussi le besoin de l’action et de mouvement. La fluctuation de la nature
des objets du besoin, se traduisant par le mouvement entre les secteurs d’activités est le
résultat de l’erreur dans la pensée économique. Dans cette fluctuation cependant, le départ ou
le déséquilibre initiale est important.
La science économique, à la différence de la bible, cependant n’a pas de théorie
portant sur l’origine de besoin, ni de la solution de ce problème. De même elle méconnaît les
sanctions associées à l’outrage de la loi naturelle ; aussi devons-nous poser la question de
l’origine de besoin ; mais au lieu de « pourquoi l’homme a-t-il un besoin ? » plus ou moins
chrétien, il nous faut rester poser la question dans le cadre la pratique (la « praxis »
aristotélicien) conformément à la culture indo-européenne. En effet, dans la culture indo-
européenne, il n’est point de conte légendaire équivalent des « arira » malgaches pour
expliquer la formation de ce qui est de comportement humain. L’origine du besoin, s’il est
susceptible d’être découverte par la pensée, ne peut pas à lui seul terminer le débat, mais à
peine sera-t-elle capable de montrer l’existence du besoin. La culture indo-européenne a
conçu l’histoire de manière cycle, aussi l’origine de besoin réapparaît, selon elle,
régulièrement ; aussi n’est-il pas évident que la question de besoin se pose autrement dans la
321
culture indo-européenne et s’enracine dans le thème de la relation entre la production et de la
consommation justifiant ses propres activités.
Que cherche l’homme durant la période critique ? Et pourquoi ce qu’il est en train de
chercher est-il important seulement ou plus particulièrement durant les périodes critiques ? ce
qui revient à se demander également : comment réagit l’homme conscient de ses péchés ?
De prime abord, les circonstances laissent penser que l’homme est avant tout soucieux
de résoudre la crise qui l’assaille. Mais, on peut aussi supposer, avec l’hypothèse de la
rationalité, que l’homme est beaucoup plus préoccupé non pas de la résolution de la crise,
mais de son exploitation pour en tirer profit ; bref en théorie, l’homme cherche à profiter de la
crise en la maîtrisant et prépare la reprise économique. La crise est donc un maillon faible de
l’économie découvert par les praticiens et qui l’exploitent à leur profit. Pratiquement,
l’homme cherche l’opportunité de ses activités d’investissement au moment où le profit n’est
pas encore sûr. En termes économiques, l’homme maximise le profit dans un environnement
incertain. Nous sommes donc en présence d’un modèle de gestion de portefeuilles modélisée
par Harry MARKOWITZ, Merton, MILLER et William SHARPE et les questionnements de
l’homme sont loin d’être existentiels : Quand est-ce qu’il faut investir ? Comment et combien
?
La crise ne se manifeste pas seulement par des indicateurs économiques, mais aussi
par des changements de comportements sociaux et religieux ; aussi, il y a des effets
économiques de la religion et des effets religieux de la crise. Le premier se traduit par un
vouloir maximiser une fonction économique dont les variables comprennent aussi la religion,
alors que le second de manifeste par une modification de discours religieux, entre autres, un
discours beaucoup plus responsable et indexant le salut au comportement individuel.
Dans ce contexte de discours alors, le mot profit devient incongru, car il se rapporte à
l’entrepreneur et non à l’homme en général. Une adaptation des concepts ou un
rapprochement de l’ « homme » vers l’ « entrepreneur » s’impose alors, mais de telle
démarche s’avère impossible car le concept d’entrepreneur, caricaturé par Jean-Baptiste SAY,
comme étant des « héros du temps moderne », le « révolutionnaire de l’économie ».
Ces questions, des demandes d’information économique, ne se posent pas dans
d’autres circonstances, notamment lorsque le marché fonctionne ; mais durant la crise. Elles
ne s’adressent pas au marché, mais à une autre instance de règlementation de l’économie, en
322
l’occurrence, à l’Etat, sinon les entreprises monopoles elles-mêmes. Nous dirons alors que
durant la période critique, l’individu a des questions qui s’adressent à l’État pour la réalisation
du profit. De ces questions, dépend alors la continuation des activités de l’entreprise ou tout
simplement, son existence. Nous sommes alors devant un thème particulier de la science
économique : la conscience vitale de la nécessité de maximiser (et non de réaliser) le profit
par un mécanisme hors du marché. Du point de vue du chercheur, observateur de la vie de
l’entreprise, le problème se découvre : comment un agent rationnel peut-il maximiser son
profit en dehors du cadre du marché ? Mais pour l’entreprise elle-même la question est
d’explorer tous les déterminants de l’existence de l’entreprise (tous ses environnements et non
plus le marché seulement) pour y trouver des réponses à l’existence de l’entreprise. Ici alors,
la question, pour que l’entreprise continue d’exister reste la « qui est l’entreprise ? »
existentielle.
En formulant la problématique en termes de l’homme en général - avec les
connotations philosophiques de cette expression - hors d’un cadre institutionnel, la question
est la suivante : devant une situation critique quels sont les propos de l’homme qu’il s’adresse
à lui-même – parce que l’homme en général n’a pas de paire - pour y trouver des élans
nécessaires pour réagir. Cette force intérieure lui permettant d’agir se découvre par la question
d’ordre existentiel. D’où la forme philosophique de la problématique : comment le retour vers
soit de l’homme peut-il se constituer en force suffisante pour projeter l’homme vers le futur ?
On peut aussi et encore reformuler la problématique de l’homme par la question de rôle de la
croyance ou de la conviction forte comme motif de l’action. La bribe de réflexion du poète
malgache DOX (Jean Verdi RAZAKANDRAINA) suivant formule convenablement la
question : « Ahoana no hinoako, fa ny finoako dia ampy ho hery hibata ahy ho any an-koatra
? » (Littéralement : « comment pourrais-je croire que ma croyance (ou ma foi) est une
suffisante force pour me transporter vers l’au-delà ? »)
Explicitons encore le fondement académique de cette problématique de l’homme qui,
comme tous les thèmes portant sur l’homme en général, a un relent philosophique
qu’économique, afin d’apporter un argument de plus en faveur du caractère économique de la
problématique de l’existence. Cette fois-ci, il s’agit d’aborder la question par la
compréhension de la pensée (la rationalité, disent les économistes) de l’homme dont une
partie de ses activités est rattachée au domaine de l’économique. La position de l’homme dans
l’espace économique (le marché) est précaire, à cause de la répétition fréquente de la
récession. En apparence, cette précarité est troublante, voire déstabilisante pour l’homme.
323
Mais il semble que la fin d’une période (par exemple les trente glorieuses françaises ou la
crise japonaise de 1995) indiquant que la période ne reviendrait plus qui est source de la crise
d’identité déterminante. A ce propos, il faut noter que la fin des Trente glorieuses françaises
aussi bien que la crise japonaise de 1995, bien que ayant des manifestations différentes
partagent le même fonds : la crise d’identité.
Ce n’est pas la durée des crises qui déstabilise l’homme, mais plutôt leur
irréversibilité, et ce, non pas en elles-mêmes, mais parce qu’elles ont été bien décrites,
analysées et expliquées que l’on la considère déjà comme partiellement résolue et apporte de
l’expérience. A chaque retour de cycle, l’homme se doit de s’enfoncer dans des questions
économiques plus profondes, vers des investigations épistémologiques, au risque même de
quitter sa position initiale (radicalisation de sa position). Le summum de la question serait
alors non plus des questions techniques de la description et de l’analyse du marché, mais,
plus, sur l’épistémologie de la science économique elle-même, voire sur des questions en
rapport avec l’essence de la science économique et de l’agent économique. De ce fait, il
apparaît alors que la question de qui est l’homme se résout radicalement par un changement
épistémologique en déplaçant non pas le thème vers un référentiel de résolution, mais plutôt
par un déplacement du chercheur vers des éléments critiques salvateurs.
Des exemples foisonnent dans ce sens, concernant d’abord la crise ou la diminution de
production (cas de la France de 1993-94 et 1998) et ensuite celle des activités (Cas des partis
politiques allemands des années qui ont suivi la réunification, et cas de la Banque Mondiale et
du Fonds monétaire international). Dans tous les cas, la question qui s’ensuit est la remis en
cause de l’homme.
La diminution de la production française de 1993 et sa perception a conduit d’abord à
un changement de comportement des agents économiques ; puis lorsque cinq ans plus tard, en
1998, la crise asiatique se déclenche, il apparaît que le changement de comportement adopté
par les agents économiques françaises en 1993 se révèle être plutôt un comportement
stratégique, parce qu’il a été utilisé pour surmonter la crise de 1998. Déjà, les manifestations
de la chute de production de 1993 ont été bien décrites, ou plutôt il y avait déjà un consensus
sur la description de la cause de la diminution des activités : la stagnation de la
consommation, la chute d’investissement, des pertes d'emploi et hausse du chômage, des
faillites et déficits grandissants des budgets publics et sociaux pour la diminution des activités
de 1993, et la dégradation des relations internationales qui avaient freiné l’investissement,
324
notamment dans l’industrie d’exportation, la dégradation de la situation de ses entreprises
partenaires étrangers, et l’anticipation pessimiste des entrepreneurs pour la crise de 1998. Les
mesures prises contre la crise étaient : l’excédent de la balance commerciale, maîtrise de
l’inflation et du cours de change de la monnaie (CHALMIN, 1994). La résolution des crises
ou du moins leur compréhension s’est traduite, presque à la même époque, par l’apparition de
phénomènes nouveaux : la formation de « citoyens engagés », ou encore des « entreprises
responsables » ou des entreprises « sociétales ». Les citoyens engagés sont des
consommateurs soucieux de la qualité et de l’éthique des produits consommés, et à travers
cela une recherche de raffinement de la perception de soi. A cet effet, ils s’engagent à
n’acheter que des produits soutenant une cause écologique ou humanitaire (CANEL-
DEPITRE, 2001).
En Allemagne en 2004, et dans un autre thème de crise (une crise politique), les
circonstances étaient que le pays était sorti de la réunification, et les partis politiques devraient
tenir en considération les nouvelles données ; conséquence, chaque parti se doit de reformuler
leur politique économique ; certains partis politiques allemands entraient en crise, et pour
sortir de ce contexte, le seul moyen était de redéfinir leur politique, voire leur identité.
Il en est de même pour la Banque mondiale et le Fonds monétaire international : Dans
son rapport décennal publié à l’occasion de l’assemblée annuelle du FMI à Prague le 19 au 27
septembre 2000, il apparaît que l’ajustement macroéconomique est dépassé et que l’État et les
institutions ainsi que le recul des inégalités sont les facteurs reconnus de développement
Ces thèmes sont en fin de compte l’expression d’une manifestation de la précision de
l’identité de l’individu : des individus socialement engagés pour la cause l’être total. Plus les
crises et les récessions se multiplient, plus l’homme apprend sur lui-même : du citoyen engagé
ou d’entrepreneurs sociétal, l’agent économique, il reniera progressivement ce qu’il croyait
être, pour aborder le profil de l’homme qu’il est censé être réellement : de l’homo
œconomicus. Aussi, lorsque la crise devient permanente, les questionnements ne sont plus
techniques, mais stratégiques, ou éthiques, et se présente sous forme de crise d’identité. C’est
dans ce cadre, que se posent encore et implicitement ou non, les questions de « qui sommes-
nous ? Qu’est-ce que nous sommes en train de faire ? et avec quoi ? » pour orienter l’action
future, sinon pour conjurer le sort.
Le thème de la maximisation du profit hors du cadre du marché est particulier parce
qu’il place la fonction économique des agents hors du référentiel économique, et de ce fait il
325
est un thème pluridisciplinaire qui dépasse les concepts spécialisé des disciplines
académiques. Aussi, l’analyse en termes de la question originelle de « qui est l’homme ? »
convient mieux pour traiter la question, car elle s’appuie sur le comportement de l’homme en
dehors de l’un des cadres institutionnels préconisés par la science économique et par la
comptabilité nationale. La question de l’identité de l’homme se passe de cadre usité en
science économique (voir le chapitre suivant), sans que soit abandonné la caractéristique
fondamentale de l’économie sur l’homme (la rationalité). Mais ainsi faisant, l’homme qui va
être décrit sera différent de celui de l’homme de l’économie. Telle est la problématique de la
formulation de la question de l’identité de l’homme : il s’agit de décrire de nouveau et
d’identifier de nouveau, avec des instruments et concepts utilisés ou non par la science
économique, l’homme déjà décrit par l’économie.
A cet effet, le déplacement du centre d’intérêt des discours sur l’homme vers un thème
différent du marché mais comprenant ce dernier est la méthode appropriée. Cette démarche
s’impose, parce que la science économique a décrit simultanément son homme et le système
avec lequel cet homme prend une existence, alors qu’il faut plutôt décrire l’homme dans un
système plus vaste qu’est la vie. Autrement dit, il faut chercher l’identité de l’homme décrit
par l’économie, en dehors de sa détermination conceptuelle de l’économie.
Pour ce faire, le réexamen de la notion de rationalité, étant donné qu’elle est un
comportement humain toujours présent dans ses activités et qui oriente ses choix, est
nécessaire car ce concept est attaché aux problèmes de choix, de l’action et éventuellement de
l’avenir. Or ces problèmes, dans lequel l’homme représenté est souverain et indépendant, sont
des thèmes types de la langue indo-européenne. Comment alors rendre compte de la
rationalité d’individus qui croient être déterminé par des forces ou puissances extérieures ? La
substitution de concept de rationalité par un autre concept véhiculant l’idée de détermination
extérieure en est la réponse. Ce nouveau concept est l’expression « état de conscience »
La problématique de la formulation de la question de l’identité de l’homme repose
donc en fin de compte sur la notion de l’ « état de conscience ». Cette expression est l’objet de
ce paragraphe. Nous nous contenterons cependant de présenter ses contours et ses
composantes (la volonté de se prendre en charge ou de prendre de maîtriser la production et
les limites de la volonté humaine dans la maîtrise du cours de production). Elle vient
compléter alors les informations sur les conditions de questionnement de l’identité de soi de
l’homme. Au terme de ce paragraphe, nous pouvons alors conclure sur l’homme dont parle
326
tous les discours sur l’homme, et ce, afin de pouvoir discuter dans la section suivante, les
instruments de la formulation de la question sur l’homme.
b) De l’état de conscience au lieu de la rationalité
La permanence de la crise ou/et de la récession pousse à considérer la préparation de la
reprise économique ou la prise en main de tous le procès de l’activité de production comme
l’action naturelle et ordinaire de l’homme. Par ce caractère, l’homme se doit de prendre en
main son destin, ou en termes économiques de cycle économique, l’homme doit assurer la
reprise de son économie ou encore, il doit « reprendre son économie » de l’emprise des forces
extérieures. Ce comportement devient aussi un signe distinctif de l’espèce humaine, l’homme
reste identifiable par sa volonté de prendre en main son propre destin (c’est pourquoi il se
pose des questions sur lui-même), et par ses propres tourments intérieurs qui suivent cette
volonté. Ce n’est pas la quantité des produits qui compte pour prouver la présence de
l’homme, parce que l’homme, à lui tout seul, ne peut rien produire et que la nature à elle toute
seule peut produire quelque chose d’humainement utile, mais la volonté de changer le cours
de la nature et aussi et surtout ces activités involontaires des hommes qui produisent des faits
malgré l’intention et les volontés. Autrement dit, les faits économiques ne sont pas de
catégories d’actions conscientes de l’homme, mais une totalité –et donc une combinaison
d’un concept avec son contraire – bien définie d’actions. La quantité est certes important en
économie, mais plus que celle-ci, le rapport entre les quantités compte plus, parce que une
grandeur en soit n’a pas de sens, ce sont les rapports entre les grandeurs qui comptent pour
donner un sens au mot. Adam SMITH conceptualise cette totalité en termes de rassemblement
entre les activités de production individuelle, orientée vers le profit, et les activités
individuelles qui sans être l’objectif du producteur, profite également de la société. Karl
MENGER, pour sa part, identifie les faits de l’homme comme un ensemble englobant la
production d’institutions d’intérêt collectif qui, cependant, n’a pas été volontairement conçues
ou institué par une volonté humaine. La monnaie figure parmi ces institutions. HAYEK
également en a parlé de ces activités humaines involontaires et productrices. L’analyse de
HAYEK s’appuie sur son concept d’ « ordre spontané » et de « taxis ».Ce dernier concept
comprend les artifices humains.
De ce fait, dans le référentiel de la variation de la quantité des produits comme mesure
des activités humaines, le rapport entre d’une part, la capacité humaine de dominer la
production, une volonté politique, et d’autre part, l’importance des impondérables de la
327
production peut servir d’indicateur de la présence de l’homme. Plus ce rapport est élevé (la
capacité de surmonter la reprise est élevée), la communauté n’est plus en phase de la crise ou
de reprise, mais de la prospérité, moins le questionnement sur l’homme se pose, alors que
lorsque la société est obérée par la nature (catastrophe naturelle insurmontable ou découverte
d’une ressource naturelle) la question de l’identité se pose autrement. Nous appelons ce
rapport, de la « conscience humaine ».
L’application de cette expression dans la description et dans la mesure des activités
économiques est l’objet de ce sous-paragraphe, et ce en vue de montrer à la fois l’insuffisance
de concept de production (trop axé sur l’échange et faisant peu de cas sur l’individu), qui,
pratiquement, s’est substitué à celui de la richesse, tout en sachant cependant que l’idée de
richesse comprend également celui de la pauvreté. L’expression « conscience de richesse »
comprend donc trois propositions inséparables : le dépassement de caractère technique et
quantitativement isolé de la production, le rappel que le concept de la richesse est à l’origine
de la production et que la richesse elle-même n’est pas l’opposé de la pauvreté, car Il faut
cependant souligner la faiblesse de ce concept : l’absence de mesure précise.
2°) De l’état de conscience de soi comme moteur et mesure de l’activité économique
humaine
L’expression de « Etat de conscience » insiste et rappelle les deux points importants de
la compréhension de l’homme suivants : premièrement, la présence de l’homme ne dépend
pas de l’existence des outillages car l’homme a déjà existé avant que les facteurs de
production et les produits aient fait émerger l’intérêt intellectuel à son sujet ; deuxièmement,
l’existence de la nature (ou en termes philosophiques, l’ « autre », c’est-à-dire le différent du
« moi ») dépend de l’appréciation critique de l’homme sur la nature. Il faut admettre que tout
ce qui existe, y compris l’homme, n’est pas un produit (il n’a donc pas de facteur), mais une
conscience auto révélatrice d’existence ; autrement dit, ce n’est pas la production qui compte,
mais la conscience révélatrice dont en dispose l’homme. Corollaire de ce deuxième point : la
conscience de soi de l’homme en général détermine l’existence en général. Or, il a fallu des
quelques dizaines de milliers d’années avant de parvenir à cette conscience fondamentale de
soi, et encore quelques milliers d’années pour que cette conscience de soi agisse de façon,
littéralement, productive et que les instruments de production soient inventés. Nous sommes
donc seulement à la deuxième période de l’histoire de l’humanité, caractérisée par la création
d’instrument de la production. La première période de l’histoire de l’humanité s’est achevée
328
avec la formation de la conscience et qui s’est traduit par l’apparition de la morphologie
humaine actuellement reconnue. Cette forme humaine, c’est celle où, un être a un corps
comprenant de « tronc » et des « membres » (comme un animal), et des sentiments en cours
de dénomination. A la troisième période de l’histoire de l’humanité, d’autres caractéristiques
plus pertinentes et déterminantes de la morphologie humaine vont peut-être être mises à jour.
Ainsi, dans son rapport avec la nature, l’hommeErreur ! Signet non défini. ne se
révèle pas par la nature, mais par sa propre conscience, et cet instrument qu’est l’état de
conscience de soi qui sera aussi utilisée par l’homme pour identifier et non pas pour connaître
la nature, car la connaissance relève de l’intelligence.
1 Généralités sur la quantification de l’état de conscience
La conscience de soi, cependant, n’est pas un phénomène qualitatif universel et
distinctif de l’homme, au contraire, elle se cache à l’intérieur de chaque individu, ou même
elle se cache de l’individu ; elle est un mystère partagé entre les êtres humains, et en tant que
tel, elle est un patrimoine de l’humanité ; elle est peut-être ce qui se désigne par le mot
personnalité. La science économique actuelle néglige la conscience ; elle la considère
seulement comme un facteur psychique que comme un facteur productif. Mais le fait qu’elle
ressurgit lorsque la quantité de production diminue, laisse penser qu’elle est force intérieure
de l’homme ou encore, elle est un sous produit du constat de l’insuffisance de la production.
Dans le langage de la science économique actuelle, elle est la «faim » qui chasse le loup hors
des bois, la « colère » qui pousse le coup de poing, et d’une façon générale, la conscience est
la force qui pousse les actions conséquentes d’une situation critique ; autrement dit, la
conscience a toujours été derrière toute action motivée. Aussi, pour être un concept
opérationnel dans le discours sur l’homme, elle doit être un rapport quantitatif entre deux
grandeurs dénombrables et morcelables : le rapport entre la faim d’un loup et le risque de
sortir des bois, ou encore le rapport entre la colère et l’intensité du coup de poing. D’une
façon générale, la conscience est une grandeur, un quanta, mesurant le rapport entre une unité
quantifiée d’actions et une unité quantifiée de causes. Mathématiquement, on peut écrire :
Equation n° 1 : Equation générale de la conscience de soi
où :
329
k* désigne la conscience de soi
A : une quantité d’actions
C : une quantité de causes
Dans un discours oral, les causes sont des arguments. Mais dans une autre référence
académique, les causes sont des quantités d’informations196. En économie, les causes sont les
informations du marché, c’est-à-dire la variation de prix, sinon des actions sur la production,
la consommation, l’investissement, l’épargne et le revenu. Quand les actions sont seulement
des quantités réalisées d’offre ou de la demande, le concept de conscience désigne l’idée
d’élasticité.
Un individu, affirme la science actuelle, est de ce fait conscient s’il réagit à la suite
d’une cause ; nous dirons, pour notre part, que tout être humain est nanti de conscience, et de
ce fait, il réagit avec raison. Les types ou les caractères des individus, affirme encore la
science économique actuelle déterminent les types d’actions conséquentes d’une cause
donnée : un colérique agit de façon d’un colérique au moindre cause, un être calme agit de
façon calme devant une cause, etc., ; pour notre part, nous dirons que l’ensemble des
phénomènes que l’intelligence humaine peut considérer comme susceptibles de provoquer
une réaction et l’ensemble des actions humainement possibles sont liés par un rapport stable
et constant (noté k*). Ce dernier est invariable, sinon la nature elle-même de l’homme qui est
instable
Dans la littérature, l’action humainement possible est nommée par l’expression de
« poétique ». Les ensembles des causes et des actions humainement possibles sont cependant
non exhaustifs. Devant ce fait, il nous faut remonter jusqu’à la source de la pensée mettant en
relation l’action et la cause. A cet effet, point nous est besoin de retracer encore les idées d’un
de ces auteurs philosophes ou autres, mais aborder le thème par la relation entre les mots et
les actions telles que le montre les descriptions ou les crédos. Le discours de la science
politique portant sur l’analyse des discours politiques met mieux en relief la relation non pas
entre la cause et l’action, mais entre le discours sur la cause et l’action. Le point de départ de
la science politique est le constat que la réalité peut être dite, non pas pour dire vrai de la
196 Voir Livre II, Chapitre III, Section 1 Paragraphe 1, II – Position théorico-économique du thème de l’homme. Nous y avons exprimé que les causes sont fonction des informations et des stimuli. De ce fait, on peut en déduire que dans un sens, la conscience de soit peut être considéré comme une grandeur de quantité aléatoire conditionnée (modèle baysien).
330
réalité, mais pour dire le réel pour que ce dernier puisse prendre existence. De ce fait, l’action
conséquente à un discours est la base de ce qui est ; aussi, convient-il, pour des raisons
opérationnelles ou explicatives seulement de fragmenter chacun de ces ensembles en ses
partis, formant chacun un thème. Pour chaque thème, des actions appropriées et des causes en
rapport avec les actions coexistent. Aussi, l’état de conscience de soi associée à un thème (x)
est justifié par des causes en rapport avec le thème en question ainsi que par des actions de
même thème. L’état de conscience de soi d’un thème (x) s’écrira alors de la façon suivante :
Equation n° 2: état de conscience de soi rapporté à un thème (x)
,
où :
: Conscience d’un phénomène (x)
: Actions en rapport avec le phénomène (X)
, : Causes des actions (A) en rapport avec le phénomène (X)
X : thème provoquant les actions (A) et les causes (C)
Dans cette équation, il faut que « la » cause existe au préalable, c’est-à-dire que
l’humanité ait conscience au moins d’un phénomène causal, noté (ci,X).. Mathématiquement,
on écrit :
, 0
avec :
, , ,
, 1 , , 0
) désigne un scalaire différent de zéro : ( 0 )
, , désigne les composantes de la cause CA,X
On note qu’il existe au moins un (j) tel que
331
, , 1
De même AX désigne les actions conséquentes de la cause , . Avec ;
1 0
( ) est un scalaire différent de zéro : 0
La formule générale de k* serait donc de
∑∑ , ,
Les expressions « somme pondérée des qualités des actions » et « somme pondérée
des causes » affirmées dans les formules respectives de ∑ et ∑ , ,
n’ont pas de sens pratique, car les actions aussi bien que les causes ne sont pas homogènes et
quantifiables. Ainsi, par exemple, même si les dictons malgaches et leur expressions amicales
populaires soutiennent que « un Malgache n’abandonne jamais son enfant» (« Tsy manary
anaka ny Malagasy »), ou « toujours du riz pour un Malgache »(ou « vary ihany ny anay
Malagasy !») et l’expérience ou une étude préalable peut révéler quelques causes qui peuvent
provoquer une réaction chez un peuple (exemples de cause « un Malgache ne supporte jamais
la vue d’un ru de sang », ou « les Malgaches peuvent endurer tout, du moment que cela ne
touche pas à leurs enfants »), on ne peut pas pour autant calculer l’état de conscience d’un
Malgache, car ces propositions d’actions et de causes ne sont pas additives.
Devant ce fait, il convient de procéder par une double opération suivante : il faut
d’abord fragmenter le calcul de l’état de conscience k* en décomposant ce dernier en des
fragments ⁄ , chacun quantifiable par la quantification préalable de respectivement de
chacune des actions et des causes par rapport à l’ensemble, et ce, par un classement cardinal
préalable des actions et causes selon les thèmes usuels de la communauté linguistique à
laquelle est affiliée la communauté en question et selon les valeurs culturelles. Nous insinuons
donc par voie de conséquence qu’une étude économique doit être déclenchée par des constats
anthropologiques et linguistique. Nous noterons par , un état de conscience associée à une
cause (i) donnée et une action associée, et sa valeur, notée par fi peut être attribuée de façon
arbitraire en fonction chacune des listes respectives des actions et des causes possibles. Mais à
332
ce moment là, le comportement de la communauté ne se décrit pas seulement par le choix
entre les , c’est-à-dire que ce n’est pas de la préférence pour telle ou telle action et pour
telle ou telle cause qui importe ; le comportement de la communauté se décrit plutôt par le
nombre d-uplets de causes et d’actions retenus. Cette décomposition fait l’objet de la
deuxième décomposition de l’état de conscience k*
Dans la pratique, en effet, des comportements typiques de groupes d’individus ou de
communautés différentes existent ; la littérature malgache abonde dans ce sens, à travers ses
maximes et adages197 ; elle indique cette variété de comportements. Chaque type de
comportement de groupe, correspond à une partition d’un ensemble plus vaste de l’ensemble
dans lequel est calculé l’état de conscience de l’homme en générale.
Dans la pratique donc, l’état de conscience rapporté à un phénomène se perçoit non
pas comme une sommation de perception d’un rapport isolé entre l’action et la cause associée,
∑ , mais comme une perception de nombres finis d’actions et de causes :
où désigne la partie de k*
Illustrons ce fait par un commentaire économique de l’adage « la faim chasse les loups
hors du bois » :
Le phénomène étudié est le comportement du loup face à la diminution du nombre de
ses proies. Ceci se manifeste par la faim ou par l’augmentation de la taille de la meute.
- Les causes d’une action sont la faim et la taille de la meute : C = {faim,
l’augmentation de la taille de la meute}
- Les actions possibles sont la chasse hors du bois ou s’entretuer : A = {chasser hors
du bois, s’entretuer}
197 Exemple, « Tono vomangan’Ambohimanambola, ka any an-tenda vao manitsy azy” (littéralement : les natifs d’Amohimanambola ajustent leur grillade de vomanga lorsqu’ils les avalent), « mandeha ila toy ny kiraron’i Beminahy » ou « mandeha ila toy ny kavin’ny tovolahy » (utlisation d’une pièce de soulier ou de boucle d’oreilles à la façon de Beminahy ou de jeunes hommes), etc.
333
- La conscience de soi (k) est donc la relation entre un ensemble composé de la chasse
hors des bois et s’entretuer, d’une part, et la faim, l’augmentation de la taille de la meute
d’autre part.
Nous pouvons alors écrire les états suivants de la conscience de soi :
- chasser hors du bois à cause de la faim
= chasser hors du bois à cause de la faim
- s’entretuer à cause de la faim
- chasser hors du bois à cause de l’augmentation de la taille de la meute :
- s’entretuer à cause de l’augmentation de la taille de la meute
Pour faciliter le calcul, attribuons respectivement les valeurs aux causes suivantes
selon la façon d’être des loups : Pour un loup, la faim est une cause qui le rend très actif du
moins par rapport à l’augmentation de la taille de la meute.
- la faim 0.75 point
- l’augmentation de la taille de la meute : 0.25 point
et les valeurs suivantes pour les actions : les loups ne s’entretuent pas pour rien.
- chasser hors du bois : 0.75 point
334
- s’entretuer : 0.25 point
Voici le calcul de la valeur des :
Valeur de l’Etat de
conscience f1 f2 f3 f'4
Valeur 0.750.75
1 0.250.75
1/3 0.750.25
3 0.250.25
1
Dans la réalité cependant, la communauté ne perçoit que 1, 2, 3 ou 4 états de
conscience. Ce serait l’un ou l’autre des cas suivants :
- Un seul évènement f1, ou f2, ou f3, ou f4. soit au total : 1+1/3+3+1 = 16/3 points
- ou bien un couplet d’évènements : (f1, f2), (f1, f 3), (f1, f4), (f2, f3), (f2, f4), (f3, f4),
soit au total : (1/3 + 3+1) + (1 + 1 /3) + 3 = 17/3
- ou un triplet d’évènement : (f1, f2, f3), (f1, f2, f4), (f2, f3 f4) : 1+1/3+1=7/3
- ou tous les évènements à la fois : (f1, f2, f3, f4) = 1
De ce fait la valeur k^* de l’état de conscience associé à des causes identifiées que
sont la faim et l’augmentation de la taille de la meute est : 16 /3 + 17/3+7/3+1 = 43/3, sans
toutefois le point associé au cas où la communauté n’a pas retenu la relation causale en
question
2 Vers la généralisation de l’état de conscience quantifié de l’homme
L’homme modèle qui est en chaque être humain est celui qui est conscient de ce que
l’expression de « plus de richesse est préférable au moins » de John Stuart MILL. Non
seulement il en prend note, mais il agit aussi en conséquence sous forme d’activités de
production. Aussi, s’il n’est pas humainement possible d’être conscient de tous les
phénomènes en rapport avec un phénomène, alors le comportement représentatif de l’homme
sera montré par celui dont la conscience du phénomène a une valeur la plus élevée. Dans le
cas de l’exemple précité du loup, le comportement caractéristique du loup, étant donné le
niveau d’information sur les actions possibles et les causes possibles, est l’état de conscience
(l’augmentation de la taille de la meute oblige le loup à chasser hors du bois).
335
Mais l’état de conscience le plus élevé, en fin de compte n’est que le comportement
représentatif de l’homme pour un degré donné d’information sur ses valeurs et normes. Si un
thème (X) comprend le nombre (n) de phénomènes, alors l’homme conscient de lui sera celui
qui réagit en tenant en considération tous les phénomènes concernés. La fonction de
comportement de l’homme idéal serait alors retracée dans l’équation de fonction de
comportement suivante :
Equation n° 3: Fonction de comportement d’un homme totalement conscient de lui
Max (k*n) = ∏
Mais de tel individu est rare sinon impossible. Un homme rationnel maximise la
fonction de comportement en choisissant les phénomènes où le rapport entre l’action et la
cause est le plus élevé. Sa fonction de comportement sera alors la fonction de comportement
d’un homme partiellement conscient suivant :
Equation n° 4 : Fonction de comportement d’un homme partiellement conscient de lui
Max (k*x) = ∏ ∑ avec x
avec x P(x)
où P(x) désigne la Partie de x.
Ainsi, dans l’exemple ci-dessus, le descriptif du comportement des loups est
identifié dans la maximisation des : Max { , , , , soit Max{1, 1/3, 3, 1} = 3
« S’entretuer pour des raisons d’augmentation de l’augmentation de la taille de la
meute » est donc le comportement typique ou probable, pour cet exemple, de la meute de
loups.
Qu’en est-il alors de l’humanité ? Est-ce un individu totalement rationnel
satisfaisant ou partiellement rationnel ?
Pour répondre à cette question, et pour ne pas à statuer sur la définition de l’homme
(en général) (est-il une somme d’individus ou un individu à part entière distinct des individus
qui forment la communauté), nous reprenons les formules précédentes, mais cette fois-ci
appliqué à un individu agrégé, c’est-à-dire non pas un individu (ou un homme) mais de
l’individu ou de « l »’homme. En outre, nous utiliserons le référentiel économique.
336
L’état de conscience de l’homme agrégé (que nous noterons par K*) est aussi
formulée avec l’expression de l’équation n° 1 ci-dessus, mais avec des variables différentes :
les actions en question ont un sens différent de celui des individus : ce ne sont plus des actions
associées à un phénomène précis, mais un ensemble d’actions ou une politique visant à
prendre en main la production, alors que les causes sont les crises sinon la diminution de la
production.
L’état de conscience de soi K* décrit alors le rapport entre une politique et une
situation de crise ou de chute de production. Elle désigne une « efficacité » d’une politique
économique de reprise ou contre la crise.
Ceci prendrait alors la forme mathématique suivante :
Lorsque la crise est constatée, ses causes sont implicitement identifiées. L’autorité
établit alors des choix d’actions parmi les actions qu’elle a identifiées. L’homme prend alors
des mesures de longues périodes, et celles-ci prend alors la forme de politique. L’état de la
conscience de soi de l’administration, rapporté à l’état de crise est alors :
é ,
La politique de crise et les théories ou les connaissances sur les crises déterminent le
nombre de points de l’état de la conscience de soi associé à la crise.
Pour illustrer la situation, reprenons la crise française de 1993 et la politique de
relance proposée par l’autorité en place de l’époque. Le descriptif de la cause de la crise
révèle les causes suivantes : la stagnation de la consommation, la chute d’investissement, des
pertes d'emploi et hausse du chômage, des faillites et déficits grandissants des budgets publics
et sociaux. Les actions ou la politique de crise adoptée sont : une politique commerciale
offensive provoquant un excédent de la balance commerciale, et une politique monétaire en
vue de maîtriser l’inflation et de contrôler le cours de change de la monnaie.
Nous nous passerons de quantification des poids respectifs des composantes de la
politique de relance et des causes de la crise. Nous pouvons cependant évaluer ou estimer le
337
point de cet état de conscience de la crise de 1993 en France, par la modification de la
politique de crise lors du retour de celle-ci en 1998 et l’intégration de causes nouvelles (crise
internationale et anticipation des agents). Ces facteurs nouveaux comptent pour des points
que nous estimerons ci-dessous.
On note que exceptionnellement et pour le besoin de l’explication, nous avons
considéré k* comme une variable à cour terme, mais dans le fond ou dans la réalité, cette «
variable » est institutionnelle et ne varie que pendant plusieurs dizaines de milliers d’années.
L’état de conscience de soi met en rapport des variables institutionnelles parce que la
politique économique ne change pas d’un moment à l’autre, de même, il faut du temps (au
moins un an) pour redresser la crise ou la production. Un niveau efficace de comportement
(ou d’état de conscience de soi) existe en conséquence pour maîtriser la crise. Ce niveau n’est
perceptible que lorsqu’on s’arrête. Tel est le cas de l’état de conscience.
3 Du calcul et de l’évolution de état de conscience de soi
L’état de conscience cependant se découvre graduellement : avant la révolution
néolithique, l’homme n’est pas conscient de son espèce, comme le souligne FEUERBACH
(FEUERBACH, 1869), et la nature et les quantités de ses activités étaient à peine différentes
de celles de l’animal ; puis avec la période néolithique, l’homme et ses activités sont cachés
dans et par la société ; entre temps, l’homme commençait à prendre progressivement
conscience de lui-même. Il ne s’agit pas d’une augmentation de l’appréciation ou de
jouissance physique d’un moment, mais d’un quanta supplémentaire d’une grandeur
synthétique d’un rapport de long période entre d’une part, une volonté ou un pouvoir
transformateur à volonté, de maîtriser son destin et d’autre part, des limites inhérentes à une
nature consciente. L’état de conscience désigne une quantité « epsilon » de rapport entre ce
qu’on peut faire et ce qu’on ne peut pas. Ce rapport ou cet état de conscience s’installe auprès
de plusieurs générations d’individus et prend les formes de science et de l’ordre. La
transformation de très longue durée de l’état de conscience de soi de l’homme, étant donné ce
rapport, est donc la problématique de l’homme pour l’homme.
La réalisation de la transformation lente de l’état de conscience a été introduite ci-
dessus. Dans cette partie, nous allons montrer l’évolution historique de cet état de conscience.
A cet effet, posons l’état de conscience de l’homme agrégé K* dans les termes suivants :
338
é é é
K* est « presque » constant parce sa variation dure plusieurs temps.
La « volonté ou la capacité de transformation » désigne les activités humaines dans
leur totalité et dans toutes leurs dimensions. A une période T* donnée, l’expression « volonté
ou la capacité de transformation » (détenue par l’homme) représente la totalité de la fonction
classique de production, notée Y, ramenée à l’ensemble de l’humanité.
L’expression « Cours impétueux de la nature ou limite de l’homme » désigne, dans le
cas échéant, la totalité P d’objets naturellement de produit depuis une période théorique 0
jusqu’à la période T*.
On remarque une distorsion d’affirmation : ce n’est pas la volonté qui entraîne la
production, mais les actions conjointes de l’homme et de la nature ; autrement dit, ce qui est
produit relève à la fois de la volonté des hommes et des causes impondérables de la nature.
L’utilisation de la fonction classique de production ne signifie donc pas une référence totale
aux seules activités humaines de production. Un ample développement de ce sujet sera
d’ailleurs exposé dans le II du présent paragraphe.
Mathématiquement, on écrira :
é é
et
é
Le quantum de l’état de conscience de soi s’écrira alors :
L’histoire économique universelle, basée sur la variation de la quantité de production
faite par l’homme, indique que l’homme a maîtrisé le cours de la nature, et de ce fait les
339
quantités produits par l’homme et produits par la nature varient inversement l’une par rapport
à l’autre. L’état de conscience de soi de l’homme agrégé, dans ce sens, est alors une grandeur
exponentielle auto freinée dans le temps :
/
(e) désigne une fonction exponentielle.
De ce fait, le temps est révélé par la quantité de l’état entre les productions de la nature
et de l’homme, car de l’équation :
/
on peut déduire :
1
log
autrement dit, à un moment T donnée, l’état de conscience de soi de l’humanité, ou le
rapport entre les faits de l’humanité et les faits de la nature est donné par l’équation ci-dessus.
La conception selon laquelle l’histoire de l’homme se découvre par des preuves
archéologiques insinue qu’il faut du temps pour que l’homme puisse confectionner les
instruments de production qui ont rendu possible la maîtrise de l’environnement. Elle ne tient
cependant pas compte de la résistance et même de l’agression de la nature.
PARAGRAPHE 2 – L’HOMO ŒCONOMICUS EST LE PRODUIT DE LA REVOLTE OU DE LA RESISTANCE HUMAINE POUR SE PRENDRE EN MAIN
Nous continuons nos propos dans le contexte de la culture indo-européenne.
Dans le sens économique du terme, l’expression « volonté de prendre en main
l’économique » se traduit par un contrôle de la production, de la consommation, de l’épargne
et de l’investissement. Mais dans un sens élargi, cette expression signifie simplement une
volonté de contrôler toutes les activités économiques y compris la détermination du marché en
vue de parvenir à l’autodétermination – au sens large – de l’homme. Si l’homme parvient à
l’autodétermination, si l’homme a pu se prendre en main, alors il aurait, par lui-même
340
raconter sa propre histoire, se passer du marché pour évaluer la rareté relative ; en outre, ses
produits et activités auraient été accomplis sans que des produits secondaires, ou de
dimensions les plus infimes lui échappent. Mais, dans le récurrent du quotidien, l’homme
découvre graduellement des agissements lui concernant qui n’ont pas été dominé et maîtrisé
par lui. Certains phénomènes sont déjà contrôlés et maîtrisées, mais des inconnus et des
incertitudes pèsent encore sur l’avenir et sur la vie de l’homme l’empêchant de vivre
profondément et d’attaquer les problèmes essentiels.
« La misère du temps, écrivait HEGEL, a donné aux petits intérêts vulgaires de la vie
de tous les jours une si grande importance, les intérêts élevés de la réalité et les combats pour
ces intérêts ont absorbé toutes les facultés et toute l'énergie de l’esprit ainsi que les moyens
extérieurs, au point que l’on ne pouvait garder la liberté nécessaire à la hauteur de la vie
intérieure, à la pure spiritualité et que les meilleurs y ont impliqués et même en partie
sacrifiés » (HEGEL Posthum, page 16). La misère est le grand inconnu qui emprisonne la
nature de l’homme, la pensée libre, les facultés et l’énérgie de l’esprit que l’homme qui nous
est familier n’est que le misérable homme du besoin qui, selon les économistes actuels, font et
pratiquent l’économie. Heureusement que l’économie ne soit pas seulement une science de la
misère ou une sicence des hommes misérables, car les philosophes et penseurs qui ont
construit la science économique – le « scio » du norme d’un domaine – ont vu plus loin dans
la nature et dans la capacité de l’homme. Ils ont réalisé et pris conscience de la contradiction
entre la potentialité de l’homme et l’influence des intérêts individuels étant donné une misère
ou la misère. L’homme n’a été présenté comme un être auto-déterminé que par rapport à ses
paires dans une situation juridique de la souveraineté et dans la situation économique de
choix. Aussi, au-delà des considérations historiques, l’homme auto-déterminé de l’économie
est l’homo œconomicus ; le thème de l’homo œconomicus comprend en lui-même une
histoire de la lutte contre l’emprise du marché198.
La présence des externalités de production – des produits non intentionnels des
activités humaines – et celle du conflit d’intérêts cependant contredisent la réalité de la
capacité de se prendre en main du destin de l’homme. Elles entraînent plutôt l’acceptation de
l’auto-détermination des institutions comme l’État, le Marché, la Société, etc. L’auto-
détermination qui, dans la religion, est considérée comme étant un attribut de dieu est
décentralisée vers le domaine profane du public et de la politique. Ces institutions cependant
198 On note que dans les religions comme le judaïsme et ses dérivés l’Islam et le christianisme, l’homme est un être déterminé mais indépendant de la divinité.
341
n’ont pas encore de modèle ni de norme à tel point que la pratique attribue à l’utilité les
normes de leur existence. Or le discours sur l’utilité a été accaparé par l’économie ; la science
économique est une lutte pour que l’homme puisse prendre en main les institutions.
La construction historique des instituions et la perception de la misère (et de la
richesse) cependant sont des faits de la relativité culturelle et sont saisissables par des mots
vernaculaires. A l’échelle humaine et au-delà des formes, à un niveau de phénomène
universel, les institutions communes et la perception humainement inévitables sont limités à
quelques thèmes comme le mariage, le rituel de l’enterrement. A l’échelle du groupe
linguistique, par contre, les institutions sont moins invisibles et la logique de la perception du
risque est compréhensible. C’est dans ce dernier sens que nous utilisons la culture indo-
européenne pour illustrer nos propos sur la nature économique des contenus des récits
littéraires, en vue de montrer l’identité de l’homo œconomicus.
La littérature ou le narrateur indo-européen ancien ne retrace pas les faits de l’homme
tel qu’il est, mais de leurs dieux représentés avec les caractères de l’homme, or en posant
l’hypothèse que la divinité est l’idéal du comportement de l’homme, nous pouvons affirmer
que ce qui est décrit par la littérature peut être correspondu avec l’homme modèle de
l’économie. Le modèle de l’homme de la littérature indo-européenne est un être de qualité
exceptionnelle (qualité physique ou moral) et limités par ses propres erreurs fatidiques,
comme l’homme de l’économie détient une qualité exceptionnelle lorsqu’il agit dans le cadre
du marché et qui n’a de limite que ce cadre. Par cette approche comparative culturelle, on
peut se poser déjà la question de lien entre le modèle de l’homo œconomicus et la divinité
mythologique : s’agit-il d’une même conception ou d’une réalité exprimée sous un cadre
narratif nouveau (le marché) ?
La littérature indo-européenne relate généralement l’existence de combat. Pour elle, le
combat implique un discours sur l’ordre, et c’est dans cet ordre soutenu par la religion ou par
la conviction religieuse que nous essaierons de comprendre sinon de puiser le discours sur
l’existence. A ce niveau, cependant, ce n’est pas l’ontologie de l’homme qui apparaîtra, mais
le sens de l’existence, ou sa raison. Nous conclurons alors que c’est parce que la vie a un sens
qu’elle est économique.
A partir de ces thèmes, plus ou moins présélectionnés, nous voulons alors remonter à
la préoccupation initiale indo-européenne pour y chercher les traces de la question
342
existentielle dans cette culture. A cet effet, force nous est de passer par le thème de destin
pour arriver au thème final de l’état de conscience et de la perception de l’existence.
Notre objectif cependant n’est pas de convaincre le lecteur de l’importance des récits
indo-européens dans la formation du questionnement sur l’existence, mais d’explorer une voie
possible de la compréhension du comportement économique, en faisant des investigations sur
la puissance de la pensée humaine telle que la révèle l’ensemble des discours que permet un
système de langues et en montrant que cette pensée, quelle que soit la civilisation, le temps ou
l’espace, a la même préoccupation de l’existence. De ce fait, seuls quelques thèmes indo-
européens seront retenus. Ils ont été choisis par leur fréquence (la plupart de la littérature
indo-européenne parle de la religion) tout en sachant que celle-ci découle d’une préoccupation
identitaire (les religions révèlent l’homme). De ce fait, ce paragraphe prend forme d’une
récapitulation philosophico-thématique de la science occidentale.
I Le thème de l’agent économique à travers le héro
Les critiques de la littérature indo-européenne procèdent généralement par la
comparaison de deux divinités ou de deux manifestations divines ou de deux contes et
narrations. La mise en relation des récits épiques sanskrites et grecques, par exemple, révèle la
similitude de contenu des récits à tel point qu’on peut constater qu’en fin de compte, que ces
récits sont puisés à partir d’un fonds culturel commun. Tel est d’ailleurs le cas de la déesse
guerrière grecque Athéna et la déesse guerrière sanskrite Durga (ALLEN, 2001). En fait, ce
n’est pas la forme ou le matériel qui supporte le combat qui importe, mais l’image de prise en
main d’une force présentée sous forme d’un animal qualifié tacitement de monstrueux. Le
héro indo-européen maîtrise un monstre.
Dans la littérature de l’Antiquité grecque, cette image de prise en main d’une force
présentée sous forme d’un animal est formellement exprimée par le terme de « démonstration
», signifiant littéralement domestiquer le monstre. Ce dernier cependant reste la bête féroce,
avec une tête - le « capita », devenu plus tard, avec le jargon marxiste, le capital - des
membres.
La littérature indo-européenne, cependant, reste enracinée dans ses jargons religieux
ou de relation avec le monde immatériel, et ce, malgré le fait que leur « science », ce qu’elle
appelle le « scio » est en apparence matérialiste. De ce fait, le discours scientifique est
fortement imprégné de mentalité de religieux. Nous ne voulons cependant pas énumérer ces
343
idées, de peur de les fragmenter en thème anthropologique, alors que ces idées sont liées
entre elles par un système (du sanskrit « sys » évoquant l’idée d’ensemble et « thème ») ; c’est
pourquoi, nous allons aborder le contenu de la littérature indo-européenne, en remontant le fil
d’idées qui a aboutit à la formation de ce que nous appelons aujourd’hui par le mot « science
» avec la façon non pas les scientifiques veulent que celle-ci soit, mais avec ce que les
adhérents de la pensée scientifique ont rejetés de la religion. Cette démarche a été plus ou
moins pratiquée par Karl MARX, lorsque ce dernier établit sa compréhension du capitalisme
sur le fait que ce dernier a critiqué et rejeté les bases mystiques du fondement social, mais au
lieu de système médiéval, nous nous efforcerons de montrer la persistance de prémisses
religieuses dans la formulation de comportement vis-à-vis de la richesse. De ce fait, nous
soutiendrons que les concepts économiques, les imageries que leur articulation véhicule
relèvent de la vision indo-européenne de la religion. L’homme qui en découle, ou plus
précisément, le modèle prôné de l’homme est en fin de compte, un homme sublimé par la
religion. Nous allons étudier la construction de ce modèle en s’interrogeant comment la
religion et sa négation a construit l’homme de l’économie.
1 De la construction indoeuropéenne de modèle de l’homme par les récits de
combat contre le mal
La forme de la pratique de la religion est déterminante dans le vécu de l’économie, car
elle impose à sa manière, non seulement les rites et croyances, mais aussi les matériels et
ustensiles, ainsi que les espaces et lieux interdits et accessibles, enfin les activités permises et
interdites. En fait, ce n’est pas le prêtre ou la divinité qui importent, mais, au nom de ce que
les indo-européens ont de notion de bien ou de beau, tout ce qu’ils représentent, diffusent et
insèrent dans la société, en vue sans le savoir de modifier le comportement de l’homme.
Une observation sommaire des religions révèle la présence de fonds communs ou
thèmes partagés. Certains thèmes, en effet, circulent dans les communautés indo-européennes
alors qu’ils sont impensables ailleurs : exemples l’incarnation d’une divinité ou le combat
mené par la divinité ou par les « saints » sont des thèmes que certaines cultures ne peuvent
accepter, alors qu’ils vont de soi chez d’autres.
Dans les communautés indo-européennes, cependant, le médium ne s’adresse pas
directement avec la divinité, ou la divinité ne s’exprime pas directement et régulièrement,
mais ponctuellement et laisse à des individus spécialisés de professer et d’enseigner les
344
oracles divines, alors que dans les communautés non indo-européennes, par le biais des
individus possédés par le prétendu esprit de la divinité, le dieu s’exprime, sans cérémonies ni
rites. Le prêtre est donc une pièce maitresse de la compréhension de comportement individuel.
Mais le prêtre n’agit pas seul, car des écrivains narrateurs viennent à la rescousse pour
renforcer le caractère ésotérique et populaire de leur récit.
a Qui est l’homme identifié ou modélisé par le prêtre indoeuropéen ?
La religion indo-européenne empêche tantôt de nommer formellement l’homme par
respect. L’homme décrit par les récits indo-européens se distingue par leur valeur
préalablement reconnu et non discuté. Le rédacteur du Bhagavad-Gîtâ le qualifie de «
valeureux », d’ « héroïque », des « meilleurs », les « victorieux » alors que ces hommes sont
alignés pour une bataille rangée pour de cause de défense de la société contre l’immoralité et
l’irréligieux. Le cri de ces hommes sont comparés au rugissement d’un lion, leur équipement,
notamment leur monture, également attire l’attention du narrateur : de beaux chevaux, ou des
animaux sauvages, leur épée a un nom199. Dans d’autres documents, le héro est rendu
singulier par sa monture : une déesse indo-européenne est, par exemple, identifié par le fait
qu’au lieu d’un cheval pour monture, elle chevauche un tigre.
Les mêmes techniques sont aussi utilisées pour décrire l’homme idéal de la société
moderne : ses vêtements, sa voiture, la marque commerciale de son stylo. L’homme décrit par
la religion actuelle n’est pas « valeureux » ou « héroïque », mais « intelligent », « sensé » et «
responsable », « avisé » par les journaux qu’il lit et par l’ordinateur qu’il a à portée de main.
Aussi, mise à part les contenus des mots, la représentation de l’homme suit le même processus
intellectuel que celle édifiée par la religion.
Le comportement sectateur religieux se rencontre aussi dans les combats
concurrentiels. Il faut noter que cet esprit de compétition peut s’inscrire dans des domaines
pacifiques sous forme de jeux. Les communautés indo-européennes en sont d’ailleurs les
instigateurs : les jeux olympiques etc., mais avant les compétitions sportifs, la culture indo-
européenne s’attache à la valorisation des activités individuelles. Pour elle, la victoire sur un
ennemi ou sur un concurrent n’est pas l’objectif, mais la réalisation personnelle.
199 Dans la Bhagavad-Gîta, le nom de l’épée d’un des héros est la Triomphante , pour un autre, la Mélodieuse et la Trompe de pierreries et de fleurs. Le rappel de la dénomination de ces équipements indique à la fois les caractères déterminants, fatals et solennels de la situation.
345
Bref la prémisse de la concurrence économique est localisée dans la religion indo-
européenne.
b De la construction indoeuropéenne de l’homme par le thème de la guerre et
de discours sur l’obligation
Les thèmes provoquant par le récit indo-européen est presque identique ou différent à
quelques éléments de détail : départ du héro, absence et retour avec violence du héro
(ALLEN, 2001). Mais même en utilisant les termes de l’utilité et de la valeur, la pensée
économique indo-européenne reste marquée par leur thème de départ.
Le profil de l’homme présenté désigne des qualités de combattant. Effectivement,
l’homme idéal des récits indo-européens sont des guerriers pour une cause jugée digne. A cet
effet, comme objectif militaire, la religion indo-européenne préconise l’élimination physique
de l’ennemi. Telle est d’ailleurs pour eux la morale de la guerre.
Cette attitude évoque la théorie économique de la concurrence. Il faut d’ailleurs
remarquer que le silence des théories économiques sur le comportement des agents, ou sur
leur sentiment durant l’élimination du concurrent semble être résolu par leur position
religieuse, et de ce fait, se passe de commentaire. La Bhagavad-Gîtâ énonce ce comportement
de la manière suivante : « les sages ne pleurent ni les vivants ni les morts », parce que
l’homme n’existe pas dans le présent, mais dans l’avenir200, c’est-à-dire qu’il procède par le
calcul.
Ce précepte doctrinaire est l’archétype de comportement économique : il faut
méconnaître le sentiment humain, car, selon leur argument, les hommes qu’on combat ont des
idées fausses, mais que le combat contre eux ne les réduit pas à néant, étant donné que le
raisonnement se porte sur l’avenir.
c Le thème de triomphe de soimême
Certains thèmes sont permanents dans les monographies des religions des peuples
appartenant à la religion indo-européenne, notamment le combat entre le bien et le mal, ainsi
que le sens de devoir. De ces thèmes, l’homme apparaît non seulement comme l’agent de ces
combats, mais aussi leur lieu, quelquefois, en effet, c’est l’homme lui-même qui est tonitrué
200 « Car jamais ne m’a manqué l’existence, ni à toi non plus, ni à ces princes ; et jamais nous ne cesserons d’être, nous tous, dans l’avenir » (Bhagagad-Gîtâ, chap II – 2)
346
par la pluralité de ses idées. L’homme se présente comme une synthèse de la lutte entre le
bien et le mal. A un certain moment de ce combat, cette synthèse se pose la question
d’existence, tel est d’ailleurs le texte de la Baghavad –Gîta, et dans une certaine mesure, de
leur religion en général.
En fait, cette tribulation interne de l’homme devant deux valeurs est aussi celle de
l’homme devant un choix. Le chapitre premier du Bhagavad-Gîtâ retrace ce combat intérieur
de l’homme confronté à un choix où les valeurs ou les arguments se valent les uns aussi bien
que les autres. Le protagoniste, Dhritarashtra, demande à son serviteur, pourquoi il aligne des
hommes valeureux pour combattre des hommes valeureux eux aussi et qui étaient ses amis et
frères. En économie, on aurait pu dire, pourquoi des arguments aussi solides les uns aussi bien
que les autres sont-ils avancés pour défendre des idées différentes. La religion propose alors
des arguments comme le sens de devoir ou la valeur de la vie pour défendre la décision ou
l’action à entreprendre, alors que l’économie actuelle réduit le critère de choix à la seule
maximisation de profit.
Aussi tout reconnaissant l’équivalence des problématiques économiques et religieuse
de choix, nous avançons l’hypothèse selon laquelle il y a un lien entre les circonstances
inspiratrices de pensées économiques aux circonstances provocatrices de la religiosité pour y
découvrir le caractère plutôt économique de la religion, et par là de poser de nouveau la
question existentielle en termes économiques. A cet effet, nous retracerons d’abord le thème
de la religion et ses thèmes dérivées. Ceci montrera alors que la religion est avant tout une
confrontation. Or celle-ci trouve son équivalent dans les thèmes de la concurrence et du
marché.
d Le sectarisme religieux, ses thèmes dérivés et leur contribution dans
l’identification de l’homme
L’origine et le sens du mot « religion » méritent d’être discutés pour apprécier
l’importance de l’apport de la connaissance de la religion dans la compréhension de la
structuration intellectuelle indo-européenne. Dans la langue indo-européenne, le mot «
religion » possède deux acceptions : la première acception rattache ce mot au latin « religio »
signifiant « lien » ; la religion est le lien avec l’au-delà. La seconde acception, professée par
347
Shafique KESHAVJEE201, fait remonter l’origine de ce terme à l’indo-européen « leg »/ « log
» signifiant cueillir, collecter dans l’intention de compter202. La différence réside dans les
thèmes et phénomènes associés à chacune de ces acceptions. Dans le sens de « religio », le
discours comprend les thèmes de croyances, rites, sorcellerie, guérison, etc., ou encore de
diversité religieuse, religion et environnement, genre et religion, alors que dans le sens de
cueillir dans l’intention de collecter, la programme comprend des activités intellectuelles. Les
thèmes connotés à cette seconde conception sont le latin « legere » qui signifie « lire » et « re-
legere » (littéralement, « recueillir » ou « relire »). En Grec, le mot « leg » est à l’origine du
mot « logos » tant connu du monde scientifique actuel.
Cette acception grecque de la religion fournit des importantes informations sur les
objets entourant la vie de l’homme, non pas par lui-même, mais par le thème qu’il évoque. La
racine « leg », en effet, évoque un recensement total, le catalogue de l’univers et qui permet
d’identifier ce qui existe ou ce qui n’existe pas dans la conception indo-européenne
KESHAVJEE a d’ailleurs établit cette catalogue (KESHAVJEE, 2008). Les thèmes logiques
qui en découlent alors se portent sur l’éloge de la nature, plus particulièrement tout ce que la
nature humaine peut percevoir ou imaginer l’existence, des divinités, des vertus, des grâces,
des qualités, etc.
Selon les communautés, la pratique de la religion peut être centralisée (à l’exemple de
la divinité romaine de l’Antiquité, MITHRIA) ou décentralisée, mais l’unicité des concepts de
la divinité prône plutôt en faveur d’un culte pour un dieu unique ou identique. Les études
indo-européennes foisonnent en thèmes de divinités locales, et s’inscrivent donc tacitement
dans la première acception du mot religion, et mettent celles-ci en relation les unes avec les
autres. Ainsi, les preuves sur l’identité des dieux écossais et les dieux nordiques et
germaniques sont plus ou moins déjà établies par les recherches de cette première acception :
qu’ils s’appellent « godh » ou « gudh », ou qu’ils soient solitaires ou vivant en famille
(comme les « Ases » et les « Vanes » de la mythologie nordique), ou qu’ils soient des géants,
des nains, ou des elfes, leurs existences ou leur formulation se rencontrent également dans les
pays de la communauté indo-européenne.
201 Voir René Garrus, Etymologies du français. Curiosités étymologiques, Bellin, 1996, pp.132ss cité par Shafique Keshavjee 202 Il s’agit en fait d’un concept pour désigner une façon ancienne de recensement d’une population. Le Nouveau testament de la Bible consigne un de ces recensements (Voir La Bible, Nouveau testament, Les évangiles respect selon Mathieu et Luc
348
Les auteurs n’ont retenu que leur caractère et établissent des liens entre les caractères
des dieux et ceux de leurs adorateurs : les peuples de caractère violent adorent les divinités
violentes, ceux qui ont un tempérament négociant préfère les dieux négociants, etc., bref, la
divinité adoré représente l’idéal de l’individu. Aussi, dans la mesure où chaque individu ou
chaque communauté ne peut se constituer comme telle que par leur idéal qui s’établit
spontanément sous forme de normes et de valeurs, conformément à la théorie de Von
HAYEK ou de façon non voulue comme l’affirme la théorie de Karl MENGER, le
questionnement d’existence est une sorte d’accompagnement de ce que Ludwig
FEUERBACH appelle de l’aliénation : Deux phénomènes tiennent alors place ;
l’extériorisation du sentiment collectif, suivi de leur idéalisation. L’homme ainsi représenté
est alors en mouvement ou plus précisément, la recherche de l’identité de soi se présente sous
forme de mouvement et d’action en vue d’imiter sinon de ressembler à l’idéal exprimé.
Les religions d’origine indo-européen sont le Veda avec Brahma et le bouddhisme
antérieur à Siddharta Gautama, qui était appelé Kashyapa (BELENIOS). Leur point commun
est que chacune de ces religions prône l’existence d’un dieu présent et senti (alors que le ou
les dieux adorés dans les régions de la Mésopotamie sont des dieux cachés). De ce fait, la
présence d’un groupe d’individus régulant le discours religieux est nécessaire. Le bouddhisme
(actuel) distingue les prêtres et les « laïcs ». Chacun d’entre eux se spécialise dans leurs
activités : les premiers pour les questions spirituelles, alors que les seconds sont libre de leurs
entreprises. Cette division visible de travail conduit à une structuration sociale : les prêtres
producteurs de services spirituels, et qui sont matériellement improductifs, et les laïcs
producteurs de biens et services matériels et qui sont incultes spirituellement. La question de
l’existence provient alors lors de la rencontre discursive entre le prêtre et ses discours d’une
part, et le laïc avec ses objets matériels d’autre part. Le thème de la rencontre se porte
certainement sur le concept de « leg » indo-européen.
2 Le thème de rencontre des puissances dans la philologie indoeuropéenne et son
caractère archétype de la contradiction
Le thème de rencontre apparaît dans le thème de « feu », qui est un élément
fondamental de la religion. L’origine du feu relève, d’après l’anthropologue anglais FRAZER,
de la mythologie. Son équivalent est le thème de la concurrence.
349
Il nous faut donc prouver que la concurrence est aussi applicable pour décrire le thème
de la rencontre des astres ou autres.
Les documents anciens retracent que les Indo-européens reconnaissent les deux lieux
opposés du feu : le soleil et la terre (le volcan). Leur construction philologique cependant est
marquée par la différence de traitement de ce sujet. A cet effet, on peut citer les récits
respectifs de PROMETHEE, dans l’Antiquité grecque et celui de l’embrasement final de
RAGNAROK dans la mythologie scandinave.
a Les domaines du profane et du sacré
La culture indo-européenne a introduit la notion de domaines dans leur exposé. A
partir de cette délimitation, elle répartit ensuite les objets selon l’espace
Le thème d’instrument de production ou l’identification de certains objets comme
productif et d’autres non est aussi un thème issu de l’opposition ou de lutte, mais pas de la
relation avec la divinité. L’archéologie consigne la hache comme étant le premier instrument
de production. Puis, les peintures et fresques montrent la présence des hallebardes. Il faut
d’ailleurs constater que même dans les communautés non indo-européennes, l’homme
s’accompagne de ces instruments : il s’agit du daguet arabe, de la machette africaine, etc.
Les régions occupées par les Indo-européens étaient antérieurement occupée par les
Néanderthaliens durant la période néolithique. Ces hommes ont laissé leur trace par, entre
autres, des instruments de pierres.
b Le rôle des sages et des prêtres indoeuropéens dans la connaissance de
l’homme
Les prêtres ont indiqué que certains objets ont des fonctions différentes de ses
apparences.
MEUDLER distingue trois fonctions indo-européennes dans lesquelles ou pour
lesquelles les objets sont demandés : la fonction magico-religieuse, la fonction militaire et la
fonction portant sur les sphères de la vie et de la santé (MEUDLER, Marcel). Ces trois
fonctions constituent la base idéologique de la communauté indo-européenne (avant que
l’idéologie de la liberté et de l’égalité en prenne le dessus). L’identification de ces bases
revient naturellement au chef.
350
Les religions indo-européennes identifient les vertus de certains objets. Quelques un
d’entre eux sont des augures ou des auspices. Pour eux, notamment le conservateur Appius
Claudius, ces objets ou le comportement de ces objets sont des petites choses, qui apportent la
puissance d’une communauté (in Tite-Live (VI, 41, 4) trad. J.Bayet, C.U.F.). Et pour ces
petites choses, que les guerres éclatent (voir La Bhagavad-Gîtâ (Le chant du Bienheureux,
chapitre II sur les causes de la scission sociale : l’irréligion a détruit les ménage et la ville)
L’adhésion en ces valeurs et croyance identifie le comportement de l’homme que les
indo-européens ont découvert pour l’humanité. En fait il s’agit d’une rationalité que Max
WEBER qualifie d’axiologique et qui se trouve répandue dans les sociétés humaines
actuelles. Elle est d’ailleurs la cause de la variété des caractères humains admise dans les
cultures indo-européennes. Les auteurs indo-européens modernes abondent d’ailleurs dans ce
sens. Voici ce que soutient par exemple.
« Nous entendons par trait de caractère la présence d'une forme d'expression
déterminée pour l'âme d'un homme qui cherche à prendre position envers les tâches de la vie.
La notion de « caractère » est donc une notion sociale » (Alfred ADLER « Connaissance de
l’homme, page 104)
L’histoire de l’Antiquité romaine nous indique également, la détermination du
comportement de leur chef vis-à-vis des prescriptions divines, ou encore par son
comportement religieux dans la survie de la société. A cet effet, les armes ou les objets des
chefs sont importants.
Certains objets se démarquent dans la littérature indo-européenne : les haches
B – La spécialisation de la question de l’homme
Dans ce paragraphe, nous présenterons comment les spécialistes se sont emparés de la
question. A cet effet, présentons quelques anecdotes de la présentation de la question sur
l’homme
Une des épisodes les anciennes et les plus connues sur la recherche de l’homme dans
une communauté indo-européenne est celle racontée à propos de DIOGENE le cynique : ce
philosophe se promenait nu ou presque – parce qu’il refusait tout influence ou tout
dépendance de l’extérieur sur son corps -, dans les ruelles d’Athènes, en plein jour. Il portait
351
dans sa main une lampe allumée qu’il balançait sous le visage des passants et affirmait qu’il «
cherche un homme ». En apparence, il sait déjà ce qu’il cherchait : un être imaginaire qu’il
essaie de rencontrer au hasard dans une recherche sur terrain. En fin de compte, il cherchait
un homme, parce que les hommes qu’il croisait sur son chemin ne correspondaient pas à son
modèle imaginé de l’homme. Pour DIOGENE ainsi que pour tous les cyniques, « l »’homme
– et cette fois-ci, on peut mettre entre guillemets -, c’est le héro, celui qui impose la sagesse
comme fondement de l’action. DIOGENE ne l’avait jamais rencontré, mais seulement
entendu raconter ses exploits ; il s’agit de HERCULE, fils de ZEUS
Le même thème se rencontre également dans la littérature chrétienne, dans laquelle les
interprétations de l’évangile voient en Jésus l’homme idéal, parce qu’il a été créé à « l’image
de dieu ». Par rapport à l’image de DIOGENE, la bible semble apporter la réponse à la
question de qui est l’homme idéal : un être qui a compris la bible et qui se laisse porter par
son message, jusqu’à en dépendre sur le plan matériel203. L’homme idéal du christianisme est
JESUS , lui aussi, le fils de … ZEUS des chrétiens.
En fait, entre ces deux parangons de discours indo-européens tirés des discussions
greco-(judéo204 )-chrétiennes, il y a un débat entre les chrétiens et les Grecs sur le sens de la
vie, une discussion d’identité alors qu’ils ont adopté le même mode de vie : « sans cité, sans
maison, sans patrie, mendiant errant à la recherche de son pain quotidien » et de surcroit,
messager de ZEUS, disait DIOGENE à propos d’un de ses paires (BREHIER, 1928, page
198) ; un être moins démuni qu’un loup, sans oreillers, mais mieux vêtu que l’empereur le
plus riche se disait JESUS de lui-même pour ses futures disciples, mais qui ne fait que
accomplir la volonté de DIEU, par lequel il tire son pain quotidien
Nous déduisons alors que les discours indo-européens sur l’homme, tel que les relatent
ces deux œuvres connues, sont faits dans le cadre de la quête du sens de la finalité de l’action
et en dehors des considérations matérielles, et avec un arrière plan religieux. De prime abord,
la conception indo-européenne de l’homme est portée par le thème de combat que les
hommes -des hommes bons, pourtant – se font entre eux. Leur discours s’efforce d’expliquer
la cause de ce combat. Dans la Bhagavâd Gîta, la présentation est directe, alors que dans la
littérature biblique, le thème de combat entre des hommes « bons » trouve son summum dans
203 Jésus lui-même exhortait ses ouailles à la quête de l’accomplissement des souhaits de dieu, car ce dernier, assure-t-il, s’occupe de la vie matérielle de ce qui peut être qualifié de ses « possédés ». 204 Jésus lui-même exhortait ses ouailles à la quête de l’accomplissement des souhaits de dieu, car ce dernier, assure-t-il, s’occupe de la vie matérielle de ce qui peut être qualifié de ses « possédés ».
352
les propos de Paul de Tarse, lorsque ce néophyte du christianisme s’écrit : « je veux faire le
bien, alors que je fais le mal ».
La science économique d’inspiration indo-européenne, n’a certes pas formulée la
question sous ce ton angoissant, seulement, elle constate, à travers les travaux fondateurs de
Friedrich Von HAYEK, d’Adam SMITH et de Carl MENGER l’existence de thème des
actions non intentionnelles. Pour ces trois auteurs, ces derniers, bon gré ou mal gré, sont des
actes non intentionnels. Adam SMITH constate que en cherchant son profit, l’homme
contribue aussi à l’enrichissement de ses paires. Carl MENGER, pour sa part, constate que les
institutions déterminant de l’homme n’ont pas de concepteur, enfin Von HAYEK reconnaît
l’existence de l’ « ordre spontané » qui s’établit entre les hommes.
A cause de cette dernière, les indo-européens portent leur discussion sur l’homme dans
la profondeur de l’être. Ils insinuent déjà l’introspection et le trouble intérieur. Leur livre de
religion, les propos consignés de Confucius, le Baghavad Gîta et la bible, confirment ce fait.
La Bhagavâd Gîta, par exemple, déclenche son discours par la réflexion d’un individu
contemplant une scène où des anciens frères d’arme, dans un combat fratricide, se sont rangés
en deux camps, pour se battre les uns contre les autres. L’individu en question est certes
perplexe, mais surtout attristé, à tel point qu’au lieu de se battre, il baissa son bras et laisse
tomber sa flèche. Ses questionnements se portent certes sur la cause de la scène, mais les
réponses qu’il reçoit de la sagesse, par le biais de KRISHNA rappellent le sens éthique dont
est animé l’homme, et que le fait de se soustraire de cette morale est une faiblesse dont sont
dépourvus les héros.
L’attitude de l’individu devant le fait et le combat se trouve aussi retracé dans la
littérature économique. Dans ses premières années de formation, la théorie économique
prêchait insidieusement, par sa compréhension de l’entrepreneur producteur, la nécessité
morale de produire des marchandises. Mais une autre approche, née environ un demi-siècle
après la théorie basée sur la variation de la production, apparaît lorsque le bien-être promis
par l’augmentation de la production n’a pas eu lieu. Elle prônait non plus l’augmentation de la
production, mais la compréhension de soi, et avec elle, celle de la nécessité d’entamer un «
combat » de production. Ainsi, la théorie néoclassique serait la question économique de la
cause de l’action et de ce fait, on s’attend d’elle un discours éthique plus fort. Elle est une
sorte de break intellectuel. Que recommande ce discours ou cette éthique très forte de
l’économie ? L’homo œconomicus est l’éthique très forte préconisée par un discours indo-
353
européen de l’augmentation de la production. Elle recommande de ce fait une limitation de la
satisfaction des besoins par la consommation ponctuelle de marchandises, de produire le
maximum d’activités dans la limite du profit
L’arrêt est donc un état déterminant de la production.
Nous ne voulons cependant pas faire de l’exégète de ces documents, mais seulement
retenir des éléments qui conviennent à notre propos ; nous utilisons les documents religieux
pour en faire un champ d’argumentations, sans toutefois faire une étude systémique des
thèmes. C’est ainsi que nous constatons la présence de l’animal (de sacrifice) ainsi que des
plantes (notamment les arbres de la connaissance et de la vie dans la mythologie chrétienne)
dans la mise en exergue de « l »’homme.
Dans la plupart des documents religieux indo-européens (notamment la bible et le
Zoroastre), la question de l’homme a été posée successivement dans le discours en termes de
rapport entre l’homme et l’animal, puis du rapport entre l’homme et la divinité, et dans le
rapport entre l’homme et la nature, pour échouer finalement en termes du rapport entre un
individu et la totalité de l’humanité. La succession de conscience de la présence et de
l’antériorité de l’animal ou de l’animé, de la divinité, de la nature et de l’individu est donc les
étapes de la formation du thème de l’homme chez les Indoeuropéens205. Cette présence est
mise en relief et observée à travers le comportement de ces préalables de l’intelligence de
l’homme : l’homme, insinuent les Occidentaux, n’est pas un animal, ni une divinité, ni une
nature, ni même un individu ; il est une énigme. Pour eux, le constat de l’existence de
l’animal, l’ « autre » de la philosophie, en somme, suffit pour prouver l’existence de l’homme.
La série de thèmes des discours sur l’homme telle que les sages indo-européens l’ont
présentée n’est pas fortuite, car elle s’inscrit historiquement à la suite de la domestication des
animaux et de la construction ou de la continuation des premiers systèmes religieux, bref le
sage s’interroge sur le sens de sa propre existence seulement après avoir triomphé de la
nature. La question de qui est l’homme apparaît alors, d’après la conception indo-européenne,
comme étant celle d’une communauté jetant un regard sur le passé dominé par un rapport
triomphant sur la nature pour orienter ses actions futures, ou tout simplement en vue de
dompter l’homme lui-même. C’est une question d’un être à la fois agissante et pensante, situé
dans des circonstances précises ou selon leur lieu de prédilection. C’est une question qui
205 Ceci est manifeste dans la théorie biblique de la création (Voir la Bible, Ancien testament Genèse, chapitres I et II)
354
émerge du néant, lorsque l’homme croit avoir accomplit quelque chose. Elle a un caractère
délibératoire en vue de fixer des options stratégiques à prendre.
1 La quête de l’identification de l’homme par le prêtre indoeuropéen ou
l’économiste
La question de l’homme n’a pas été seulement un thème de réflexions d’érudits et de
sages, mais aussi de prêtres. Ce sont des individus qui se sont prisonniers de leur propre
doctrine. Ce type d’individus se rencontre dans les communautés indo-européennes et se
manifeste par l’art, ou par leur position de narrateur ou de contemplateur dans la littérature
d’action, et surtout par leur questionnement. Dans la littérature indo-européenne, le prêtre se
présente comme un quêteur d’un sujet qu’il ne maîtrise pas assez. Il s’interroge sur le
comportement du héro qu’il suit de près le comportement : le héro – le modèle des cyniques –
est à pied d’œuvre (il est généralement décrit dans la littérature indo-européenne, dans une
position de garde d’un combat imminent ; voir chapitre 3 de cette partie), et le narrateur ou
l’économiste y est présent, pour y chercher à comprendre ou pour rationnaliser la situation par
ses jugements. Nous dirons et démontrerons en deuxième partie de notre thèse chapitre
premier, que ce sont des économistes.
Les idées et les expressions de cette population, ou plus précisément de cette façon de
présenter et d’introduire le modèle dans une communauté ou dans une culture, cependant,
comme celles des populations non indo-européennes, se rencontrent par les thèmes et
vocabulaires qu’ils utilisent aussi bien pour dénommer les objets que pour identifier leurs
institutions. Mais à défaut d’une littérature purement indo-européenne, nous avons procédé
par une étude des thèmes partagés par l’ensemble de la littérature des langues indo-
européennes actuelles. Ces thèmes et leurs contenants littéraires en effet peuvent être repris
pour en dégager les préoccupations matérielles et immatérielles rendues conscientes par la
littérature et les vécues des peuples indo-européens et pour retracer la présence des objets
matériels (y compris l’espace) nécessaires pour la pratique de leur civilisation206.
206 Le vin, par exemple, est un objet de culte inséparable à toutes les cérémonies ayant un relent indo-européen. Les messes chrétiennes ou les cultes païens d’origine indo-européenne en ont toujours besoin. Ce produit s’est incrusté dans la vie sociale des indo-européens.
355
2 La formation de la question de l’identification de l’homme appréhendée par la
problématique de la littérature religieuse indoeuropéenne
Le thème de l’homme, il nous semble après avoir consulté quelques auteurs, dont Jean
HAUDRY207, tourne autour de la notion de la divinité personnifiée, du combat que cette
dernière a entrepris contre des adversaires redoutables et motivés. Généralement, le héro de la
narration ne comprend pas lui-même la situation. Des exemples foisonnent dans ce sens : la
rencontre de Jésus avec le diable dans un désert et durant laquelle Jésus fait preuve de
connaissance des livres de religion judaïque, et par la suite, il fut réconforté par les anges208, il
en est de même le combat sous forme de prière que Jésus a fait dans le jardin de Gethsémani,
à la suite duquel également, il a reçu du réconfort spirituel209. Dans la foulée de ce dernier
exemple, le combat que Jacob avait fait pour supplier Dieu de lui protéger de son frère Saül.
Le livre de religion hindou, la Bhagavad-Gîtâ abonde aussi dans ce sens : le « Trouble
d’Arjuna » du Bhagavad-Gîtâ retrace le doute de deux héros narrateurs d’une guerre
fratricide entre deux rangées de combattants qu’il apprécie pour leur valeur respective. Leurs
questions, loin d’être existentielle étaient étrangement identiques (« pourquoi, ces individus
vaillants sont-ils arrivés aux armes ? »), et leurs interlocuteurs respectifs dont KRISHNA de
répondre par un discours sur le sens de l’action et du devoir. Chacun des deux narrateurs, bien
que conduisant leur armée respective, ne souhaite pas la confrontation, mais comme dans le
récit chrétien, celle-ci est inévitable210. Seulement, dans le récit hindou, le héro est conforté
par une explication de la raison de la guerre.
Ces récits indiquent un écart ou une distance mental entre le héro et une force
supérieure, sous les yeux effarés du narrateur. Le support épique de communication pour
relater le problème de l’existence cependant cache un thème important : l’opposition ou le
trouble intérieur de l’homme. L’épopée de Gethsémani et de « Trouble d’Arjuna » en est la
preuve : Alors que le trouble intérieur est intense, l’exigence de repos du corps humain
triomphe. Ceci montre une des caractéristiques de l’homme selon la littérature indo-
européenne, est un être dual, d’une part, l’homme intérieur, celui qui est tourmenté
207 HAUDRY Jean, « Les peuples indo-européens d’Europe », publié sur Internet 208 Bible, Nouveau testament, Evangile selon Matthieu, chapitre IV, versets 1 à 11 209 Bible, Nouveau testament, Evangile selon Matthieu, chapitre XXVI, versets 37 à 46 210 Bhagavad Gîta, Trouble d’Arjuna 1 et 22
356
intérieurement par l’angoisse et les affres de l’avenir, celui qui se pose des questions et
l’homme extérieur, celui ne résiste à aucune situation.
Le prêtre, de ce fait, se pose la question de l’homme dans des circonstances
d’opposition entre leur idéal et la réalité, lorsque le réel dépasse la notion de vérité.
3 La question de l’homme d’après les thèmes indoeuropéens
Les documents de caractère religieux indo-européens ont aussi générés d’autres
thèmes. Pendu au thème de combat ci-dessus, le thème de récompense morale (gloire), ou
matérielle, ou spirituelle (transmutation vers un lieu de villégiature) abonde également dans la
littérature indo-européenne. Le thème de récompense est largement décrit et étayé par la
littérature indo-européen (ou plus précisément par leurs critiques) et laisse supposer qu’il est
un thème dominant de cette civilisation. Dans le récit épique du Bhagavad-Gîtâ, la
récompense ou la sanction se présente sous forme de reconnaissance ou d’opprobre humaine
(la honte), parce qu’elles sont éternelles non pas en elles mêmes, mais parce qu’elles ne
disparaissent pas de la mémoire des hommes. L’obtention de ces récompenses dépend en
grande partie de l’imperturbabilité devant les faits répétitifs de la vie. « L’homme qu’elles [les
rencontres des éléments qui causent le froid et le chaud, le plaisir et la douleur] ne troublent
pas, l’homme ferme dans les plaisirs et dans les douleurs, devient, ô Bhârata, participant de
l’immortalité » affirment KRISHNA211, alors que dans la bible, l’immortalité de l’âme avec sa
nouvelle demeure est la récompense suprême.
La reprise du thème de la récompense dans la vie quotidienne où l’imminence de la
mort physique est réelle et permanente, a fait de cette dernière le motif de l’action et du
mouvement de l’individu. Un nouveau thème s’en sort, celui du mouvement et de la
migration. Des variétés d’explication du déplacement existent dans les contes indo-européens,
notamment leur tradition orale, selon laquelle les indo-européens sont des nomades à cause de
leur recherche de leur lieu d’origine qui se trouve quelque part, dans une contrée mystérieuse
située au nord du monde212 et auquel ils se sentent rattachés malgré le fait qu’ils n’ont pas
connu cette contrée213. Le problème sous-jacent à la migration indo-européenne est de savoir
211 Bhagavad-Gîtâ, Yoga de la science, XV 212 Jean Vertemont, « Dictionnaire des mythologies indo-européennes », Faits et Documents 1997 213 Les spéculations scientifiques vont cependant prouver le contraire et soutiennent que le foyer de dispersion des Indo-européens se trouve dans l’une ou plusieurs des contrées suivantes : au Nord de l’Asie centrale, au Sinaï, en Transcaucasie, en Europe centrale, en Anatolie, au Balkans ou à la steppe ouralo-pontique entre Dniepr et la Volga
357
si le fait d’avoir dompté les chevaux et de disposer ainsi un moyen de locomotion et de
transport qui a poussé l’indoeuropéen à se mouvoir vers d’autres contrées, voire jusqu’aux
frontières naturelles des continents, ou faut-il expliquer ce mouvement par un phénomène
culturel impétueux ? Mais la migration n’est pas le propre des individus ou des communautés
qui sont véhiculées, nous pensons alors que ce déplacement, ce mouvement en simple aller, ne
s’explique que par une cause culturelle214, celle d’une conception de l’homme.
Si tel est le cas de la conception indo-européenne de la vie, comment discute-t-il de
l’homme ?
Partant de l’hypothèse de la réalité d’une perception de l’interdit, nous déduisons alors
que la migration indo-européenne et d’une façon générale de toutes les communautés ou plus
précisément d’un ou de plusieurs individus animés par une valeur s’explique par une valeur
fondamentale qui est la conscience de l’interdit. Dans leur déplacement, cependant, ils se sont
construit sûrement une certaine valeur appropriée à leurs activités d’errants, mais il nous
semble, dans le fond, chaque être humain, en communauté ou non, possède un sens fort de
l’interdit du moins de l’inceste. De ce fait, la migration est avant tout en rapport avec
l’échange de conjoints.
Il faut dire que cette vision de sagesse qu’on peut aussi qualifier, au niveau des
individus, de volonté agissante ont été définies par le philosophe français contemporain,
Michel FOUCAULT, comme étant un épistémè, un « à priori » historique détenu par une
culture et « qui, écrivait Bernard DANTIER, autour d’un modèle jouant comme centre
d’intérêt, base des problématiques, des hypothèses comme des méthodes des recherches de
savoirs, constitue l’invariant structural des connaissances. » (DANTIER, 2007)
Voici comment ces «volontés agissantes » ou ces « visions de sagesses » sont
exprimées dans quelques pays indo-européens, que sont l’Inde, l’Ossétie et Rome. En Inde,
trois principes sont identifiés : la « science des corrélations mystico-rituelles » (ou brahman),
la « puissance » (ou ksatra), et les « clans » (ou visah)., alors que chez les Nartes, un peuple
légendaire dans les traditions ossètes, ces principes sont les « riches par le bétail », les « forts
214 Pour la question de leur prétendu origine nordique, le cas des indo-européens peut être rapproché à celui du cas malgache retracé par RAISON-JOURDES à propos de la résurgence des rois dans les souvenirs des Malgaches. Il s’agit d’un mouvement intellectuel vers le passé. On peut d’ailleurs se demander s’il s’agit d’un mouvement général humain. On s’attendait alors à voir dans la migration indo-européenne, un mouvement se dirigeant vers le nord, mais il n’en est pas du tout ainsi, car les Européens se sont migrés vers l’Ouest.
358
par l’intelligence » et les « vaillants et les « forts par les hommes », enfin chez les Anciens
romains, le corps sacerdotal retrace aussi dans leur organisation, cette vision trinitaire du
monde, puisque ce corps se subdivise en trois ordres (flamine) s’occupant respectivement du
culte de Jupiter, Mars et Quirinus. Le premier est un dieu souverain, des augures, des
serments et du droit, alors que le second, celui de la force physique et le troisième, est un dieu
qui intervient dans les fêtes agricoles. De chacune de ces trois formes de classement des
principes, il apparaît que la culture indo-européenne les trois thèmes suivants se répète et
qu’on peut les considérer comme un repère : premièrement, la richesse, la production et la
collectivité ; deuxièmement, la force physique, et troisièmement, la force spirituelle. Les indo-
européens ne voient dans le monde que ces trois aspects de la réalité qui constitue pour eux,
les objets de cadre de fonctionnement de l’homme. Ces derniers sont déterminants dans leur
conception de lois économiques.
Ces principes ont été la réponse indo-européenne de la question sur l’homme ; ils
indiquent le domaine d’argumentation non pas sur l’homme, mais sur sa typologie et de
fondement de leur conception de l’ordre sociale (division de la société en trois classes).
De même les indo-européens – du moins jusqu’avant la Déclaration des droits de
l’homme – conçoivent l’ordre de leurs activités matérielles à partir de cette distribution fatale
de types d’homme.
4 Les conditions de la formation de la question de « qui est l’homme ? » dans la
philologie mésopotamienne
Pour être comparable aux discussions du monde indo-européen, nous étudieront les
faits d’une autre communauté répartie en des groupes linguistiques différents et qui auraient
vécu à peu près les mêmes contextes que les indo-européens. Ce monde couvre le territoire de
la Mésopotamie. Plusieurs communautés linguistiques ont occupé ce territoire et ont partagé
les mêmes racines culturelles. Les Sumériens et les Akkadiens, entre autres, sont les plus
renommés de ces peuples. Ils ont d’ailleurs connu très tôt l’écriture, et leurs tablettes servent
alors de documents de base. Ces textes sont localisés, pour ce qui concerne leur vigueur,
seulement dans les anciennes régions de Mésopotamie dans lesquelles d’autres documents
plus anciens peuvent être considérés comme étant les documents « mères ». Les recherches
archéologiques ont découvert trois codes, de datation plus ancienne, contenant, en gros, les
traditions mésopotamiennes : le Code d’Hammourabi (vers 1793 -1750 av. J.C.), les codes
359
d'Ur-Nammu (2050 AC) et d'Urukagina (2350 AC, ce dernier demeure non découvert)
(CHENAUX, 1998). En apparence, une partie des documents religieux ultérieurs en vigueur
sont inspirés de ces codes, notamment dans le judaïsme, l’islam. De même certains
comportements quotidiens de ces peuples ou de l’homme en général trouvent leur explication
dans ces textes.
La libre interprétation des codes persiste certes, mais ce descriptif peut être retenu
comme une expression d’une inspiration collective, ou une vérité de base à partir de laquelle
se définit alors l’homme. A partir de ces fonds communs largement diffusés, et non pas avec
le message des inspirateurs de ces religions, les prophètes - les Mahomet, Isaïe, Jérémie et
autres -, et les patriarches - les Adam, Noé, Sem, Abraham, etc., - nous remontons alors vers
leur origine intellectuel, ou vers les aspirations collectives des peuples que ces personnalités
ont islamisé ou imposés leur propre vision. En fait et en plagiant un épisode biblique, nous
ferons comme Moïse dans le Sinaï, à la rencontre de dieu, la source d’inspiration religieuse,
remonter dans le temps ou dans le sentier laissé par l’histoire de mots, nous essaierons de
nous rapprocher sans pouvoir pénétrer dans l’âme ou dans la source des mots. C’est la même
démarche que nous avons utilisée avec les thèmes indo-européens mais au lieu de recueillir
les études et les hypothèses, nous utiliserons des documents plus concrets.
Par rapport aux hypothèses indo-européennes, les codes mésopotamiens n’ont pas
consignés de thèmes, mais des lois sociales compte tenu d’un pouvoir véridique cru. C’est ce
dernier que nous essaierons d’atteindre ou d’appréhender. Ce qu’on aurait pu nommer de
thèmes mésopotamiens trouve son fondement, son expression ou sa manifestation dans les
lois sociales elles-mêmes puisent sa source dans une vérité première transcendante. De ce fait,
une bonne loi est faite par un prêtre et pour un prince. En outre, son contenu se porte sur
l’éthique caractérisée sur le rapport de l’action sociale profitable au peuple, étant donné la
religion. (Tel est d’ailleurs l’esprit des premières phrases du code d’Hammourabi). A partir de
ces lois se dégagent alors leurs préoccupations : l’échange et le vice caché (POMERLEAU &
THOUIN, 1997), le système de rémunération (CHENAUX, 1998), etc. L’organisation sociale
et les formes d’activités sociales en vigueur dans les communautés occupant la Mésopotamie
se dégage alors de ces thèmes de droit ; ainsi on peut identifier l’existence de l’équivalent de
ce que nous appelons aujourd’hui, par rentiers (le « quamqalum ») qui, confie son argent ou
son bien à une autre personne, le « samallum », une sorte d’entrepreneur, à charge pour ce
dernier d’en tirer profit. En cas de perte, cependant, le samallum doit rendre le double du
360
capital au quamqalum, alors qu’en cas de profit, il doit remettre le capital et le profit déduit
des frais, au propriétaire.
a La question existentielle dans les civilisations mésopotamiennes : l’homme est
un être créé pour une activité précise
Le thème de l’homme se dégage de ces répartitions d’activités et de rémunération,
avec un fond de justice sociale, mais ce thème se développe lentement, car ce n’est que dans
les sociétés actuelles que la question d’identité de soi est dégagée de la question de
rémunération.
Les textes anciens cependant n’ont pas de sanction, ce qui les rend distincts au moins
des textes malgaches
Les textes sumériens affirment que l’homme est un être créé par dieu(x)215, pour être à
ses services, alors que la conception actuelle, bien que ne se préoccupant pas de la création ou
non, attache chaque être humain, au service de la communauté. La conception économique,
pour sa part, attache l’homme au service du marché.
L’impossibilité d’une domination effective du marché sur le comportement nous
oblige d’insérer, pour garder le principe du marché dans le système économique, dans le
discours économique, les autres forces non économiques de comportement. Il ne s’agit pas
pour le moment de savoir qui sont-elles, mais, étant donné leur présence, comment vit
l’homme et comment il construit avec ces forces mystérieuses, leur système de connaissance
215 L’archéologue SITCHIN, en 1976, ayant déchiffré des tablettes d’écriture cunéiforme, affirmait l’existence d’un douzième planète. « A une époque lointaine, écrivait, Roland GUETAT, rendant compte « La douzième planète » de SITCHIN (réédité chez Louise Courteau ,2000), du Soleil ont émané Mercure sur son orbite actuelle, puis une grosse planète, Tiamat, sur l'orbite des Astéroïdes, puis, sur leurs orbites actuelles, Vénus et Mars. Jupiter, Saturne avec un satellite dénommé Gaga viennent ensuite. En dernier naissent Uranus et Neptune. Evidemment tout cela prit beaucoup de temps... ». D’autres planètes et astres apparaissent par la fusion et par la scission des planètes existantes.
Voici comment est apparue la planète terre, dans la tradition sumérienne : « Ainsi 3 600 ans plus tard Nibiru (une planète venant de l’espace lointain) revint, ayant achevé sa première révolution autour du soleil. " Il frappa lui-même Tiamat, la fendant en deux. Un de ses satellites "heurta la moitié séparée destinée à devenir la Terre et la fit dériver jusqu'à une orbite où aucune planète n'était encore jamais allée. La Terre avait été créée ! Tandis que Kingu (une planète issue de la scission de Kingu, à la suite du passage de ce dernier dans la proximité des planètes Uranus, Saturne et Jupiter) entièrement dévasté, qui avait acquis une orbite indépendante lors du précédent passage de Nibiru, la perdit et devint satellite de la Terre désormais appelé la Lune. 3 600 autres années plus tard, une autre destinée fut réservée à l'autre moitié. Nibiru la frappa et la réduisit en mille morceaux. C'est là que furent créés le Ciel et la Terre, les Astéroïdes devenant un bracelet martelé dans les cieux séparant les planètes intérieures des planètes extérieures.
Une exploitation de l’hypothèse de l’existence de cette douzième planète permet à SITCHINE d’expliquer la pénétration de la vie sur terre : Une des astres qui ont heurté la terre l’a apportée sous forme de prémisse
361
Dans la philologie arabe musulmane, la présence de la puissance extérieure et
agissante sur l’homme est vécue quotidiennement par l’attribution des noms de chaque
individu. Dans les pays influencés par la religion islamique, le nom porte l’appellation de la
puissance originaire de l’individu. Il ne s’agit pas de la puissance protectrice usitée dans la
dénomination catholique des chrétiens, mais de celle de qui, croit-on, l’individu tire son
énergie216 . Dans la langue malgache, il s’agit du « zavatra ». Pour certaines communautés, en
effet, le réel est le produit d’une force extérieure à l’homme et avec qui il faut harmoniser les
relations, sans quoi, des sanctions sous formes de maladies
Le culte de possession, entre autres le « tromba », illustre cette conception du monde.
Les sociologues l’ont appréhendé et décrit dans le cadre de revanche politique de ceux qui
n’ont pas le privilège de gouverner par les institutions séculières, car le tromba commande sur
tous les individus sans distinction de rang, ni de statut social. L’acceptation des propos des
possédés du tromba par les membres de la société est plus importante que ses incidences elles-
mêmes : les pratiquants de ce dernier recherchent la présence et l’influence de l’au-delà sur
l’individu. Cette acceptation des propos d’un possédé, comparable à celle des verdicts des
scientifiques est une attitude typiquement humaine mise en relief par la culture non indo-
européenne.
Ainsi, la civilisation non indoeuropéenne aborde la question de l’homme par une
inspiration relativement différente de celle des occidentaux. Leur vocabulaire reconnaît
l’existence d’une ou de plusieurs puissances assaillant ou agressant la vie et dont la triomphe
est humainement morbide ou bénéfique. En outre, pour elle, ce n’est pas la raison qui compte,
mais les actions qui exercent une pression active sur l’homme. Telle est il nous semble
sommairement les enseignements des différents rédacteurs des livres de religion. Ce ne sont
pas la vie, l’animation et le comportement qui leur importent, mais la conscience de la force
extérieure envahissante et écrasante, le rapport du fort au faible, bref, quelque chose
d’éthique.
Dans la culture non indo-européenne en général, le référentiel de la description de
l’homme est la force agissant sur lui, le mouvement ou la transformation qui s’ensuit, et la
finalité grâce. Le problème de l’homme est alors conceptualisé en termes de l’harmonie de la
relation entre la puissance envahissante ayant de l’empoigne sur lui et l’imminence de la mort
216 Le patronyme d’un tunisien, par exemple, comprend quatre parties que sont le surnom (« kunya »), le nom distinctif de l’individu (« ism »), le nom des ancêtres (« nassab ») et le nom de la tribu (« isb ») (Voir Riadh Ben Rejeb, « Contes, prénoms et culture au Maghreb. », Ed. In Press, 2003
362
(alors que le système occidental de la connaissance met en relief la raison du plus fort).à
laquelle ou pour laquelle le récit est élaboré. L’homme est un être possédé qui attend une
libération et qui vaque dans l’espace généthliaque limitée des confins de la vie. La dimension
non sociale de l’homme est mise en relief par eux. Aussi la question que se pose généralement
l’homme à son propre sujet est : est-il conforme à la normale aux règles de la sagesse et de
l’éthique. Le premier référentiel de l’homme sur l’homme est d’ordre éthique et non pas
d’ordre rationnelle. La question de l’identité humaine est alors celle d’un individu ou d’un
peuple soumis ou dompté par une force étrangère et en quête d’une libération. Pour illustrer et
comprendre ce comportement, nous présenterons un cas de manifestation de cette présence de
forces étrangères. Dans ces cas, en effet, de concepts nouveaux ont été introduits pour décrire
cette puissance, mais que l’économie n’a retenu qu’un, le concept de marché.
Aucun document cependant, à l’exception de Jésus (dans la mesure où on considère ce
dernier comme un dieu), n’est au service de l’homme. De ce fait, il nous faut alors distinguer
les questions existentielles à travers les thèmes chrétiens et non chrétiens de l’existence ; notre
objectif reste le même : présenter les dispositions intellectuels de la question de l’existence, à
travers les premières littératures pour spéculer sur les conditions de questionnement de
l’existence dans une hypothèse où la production n’existe pas encore.
De la question de «Qui es-tu ? » se rencontre à maintes reprises dans le nouveau
testament – considéré pour la circonstance comme étant un document indo-européen, par sa
nature, par l’origine ethnique et culturelle de ses rédacteurs et par le contenu ou les thèmes
qu’il évoque. Utilisant alors la concordance biblique malgache, dans la rubrique « iza moa …
», on peut lire les thèmes suivants : Exode 3 : 11- (Moïse se pose la question – ou adresse une
prière à dieu, devant une mission) II Chronique 2 : 5- (Le roi Salomon se pose la question
devant une mission : la construction d’un temple) Matthieu 16 : 13- (Jésus interroge ses amis
sur son identité). En fait la question d’identité est une façon de communiquer un message
sinon de mettre en garde un interlocuteur.
b La question existentielle dans les communautés colonisées
La colonisation est aussi un phénomène qui affecte la culture d’une communauté, et
donc la représentation de soi du colonisé. Elle est la cause de questionnement sur la
nationalité. Pour le colonisateur, la colonisation relève de l’exploitation des ressources
naturelles des pays colonisés, de la production sur place d’objets matériels qui n’ont de
valeurs d’usage que dans les pays des colonisateurs et peu pour les colonisés. Le rapport entre
363
le gain matériel des colonisateurs et la fracture sociale des colonisés est d’ailleurs
incommensurable, tellement il est insignifiant par rapport à son rendement matériel : pour la
conquête de Mexico, l’explorateur Hernan CORTES, en 1519, n’avait avec lui que 500
soldats, 16 chevaux, 13 arquebuses, et 32 arbalètes, alors que le rendement était des
déportations de 10 à 15 millions d’esclaves en provenance d’Afrique ; la colonisation
européenne de l’Afrique de l’Ouest a été faite presque par des Africains eux-mêmes
(ETEMAD, 2001).
c La puissance identifiée comme étant de l’horoscope ou, en malgache, le «
vintana »
La puissance des astres, selon la croyance non indo-européenne détermine le
comportement de l’individu. Elle est visible dans les communautés ayant hérité et préservé
leurs traditions ancestrales malgré l’influence et la présence envahissantes de européens et de
leur religion chrétienne. Parmi ces tribus figurent les Malgaches. Ces derniers ont hérité leur
tradition des Arabes, chez qui, ils ont emprunté les vocabulaires. Mais la tradition malgache a
pris une originalité, dans la mesure où la question de dieu a été substituée à celle des
Ancêtres, et que la divination est intégrée dans le système en tant que intercesseur entre
l’homme et la divinité au même titre que les talismans (« ody »). L’horoscope malgache
nomme carrément la puissance en question, par le mot « vintana », traduit par le mot «
divination ».
L’intérêt de la présentation de l’art de la divination malgache dans la présente thèse est
que, en plus de ses sources arabes et musulmanes, elle s’incruste dans la vie sociale et
économique de ses partisans, à tel point que ces derniers se sentent mal informés si les propos
des divins ne leur sont pas favorables – comme si le marché et la situation cyclique de
l’économie annoncent des difficultés imminentes.
Fernand KASSANGA affirme qu’il existe deux sortes de divinations chez les
Malgaches (du Sud-est) : l’une portant sur l’opportunité et l’autre sur la prospérité. Ces deux
types de vintana correspondent respectivement à la classification indienne de l’indo-
européens de la « science des corrélations mystico-rituelles » (ou brahman) précitée. On ne
peut s’étendre cependant sur cette classification, car le sujet n’est pas encore totalement
exploré. Jean François RABEDIMY, qui est lui aussi, un fils d’un ombiasy et praticien de
sikidy, comme Fernand KASSANGA, soutient qu’il existe des « sikidy » et des « ody », deux
364
concepts différents et qui représentent respectivement ce que KASSANGA a appelé de
vintana et de zara. Par contre, dans leur discours, ces deux auteurs et d’autres également
indiquent la réalité d’une influence sur chaque individu. En outre, la source de cette influence
se trouve quelque part dans la nature. Au niveau de cette question, on peut d’ores et déjà voir
le lien entre les conceptions malgaches et arabes. C’est ainsi par exemple que le patronyme
est révélateur de cette source : pour un maghrébin, avec leur héritage berbère, noir africain,
arabe, musulman mais aussi hébraïque et chrétien, le patronyme couvre la lignée de parents et
aïeux de l’individu, plus son origine territoriale et enfin sa propre appellation (alors qu’un
nom de baptême catholique se contente seulement du patronyme du « saint protecteur »).
Déjà, dans ce sens, un individu n’est pas anonyme, mais une position ou un produit de
position.
La construction de cette dénomination n’est pas évidemment un exercice facile, car
celui qui impose le patronyme d’une personne, en l’occurrence, le géniteur ou la génitrice, se
doit de connaître mieux que les autres, la lignée sanguine et horoscopique de l’individu
impétrant de la société.
En considération des remarques précitées, une esquisse de ce que l’homme croit être
lui-même dans la nature apparaît. Deux remarques en découlent : les femmes (du moins
Malgaches) portent des noms de plantes (des fleurs, comme Rose) ou plus précisément de
plantes aquatiques (par exemple Nénuphar (Voahirana)). De tel constat mérite d’être
rapproché à la conception hindouiste de l’eau. Il faut, d’abord signaler que dans l’hindouisme
incite au pèlerinage sur le bord de l’eau, considérée comme un lieu où, selon cette religion, les
corps de la déesse mère tombèrent sur la terre (GABRINI, 2001)
Le concept de mort est important dans l’astrologie malgache, car il constitue le
référentiel de leur explication du sens de la vie. Cette dernière, en fin de compte, est
constituée d’une continuation. Chez les Malgaches, deux thèmes appuient cette proposition :
la manducation des morts et le « retournement des morts ».
Ainsi, chaque fois que le Malgache pratique le vintana ou qu’il se doit de vivre avec
les objets de talisman, il trouve une raison de vivre. Ce n’est pas la rareté ou le besoin qui le
pousse à agir, mais pour être en harmonie avec lui-même et avec la nature et son
environnement ; comme s’il est une pièce d’un mécanisme universelle. Aussi, lorsque
l’homme se conçoit lui-même comme un élément de la nature, on peut déduire que sa
question de « qui suis-je ? » lui est inspirée par la conscience de la différence de fonction et de
365
produit et de profit et des autres. La question de « qui suis-je ? » est aussi une révolte ou une
préparation à une révolte ou contre le sort.
d Le rôle des colons dans le processus de questionnement de soi
Dans les pays colonisés, la défaite de pouvoir existant par une puissance étrangère est
mal comprise et aggravée idéologiquement, étant donné l’idéologie dominante, la
souveraineté du mythe, pensent certains anthropologues. Le pouvoir traditionnel, en effet, y
est considéré comme issue d’une puissance transcendante, elle est donc invincible. Aussi,
devant l’implacabilité de l’histoire, une conscience de révolte s’insurge dans les pays
colonisés. Le nationalisme est la réaction des colonisés devant leur situation. Leur contenu et
leur forme cependant varient. A Madagascar, en plus du nationalisme des « Vy Vato Sakelika
», le culte de possession sous forme de tromba ainsi que le retour à des pratiques ancestrales
(le famadihana, et la recherche des propos des défunts rois en sont les formes les plus
usuelles. La forme la plus spectaculaire est le ramanejana.
Ces variétés de formes de contre réaction dénotent la variété de questionnement sur
l’identité perdu. Dans les pays colonisés, les colons sont des étrangers à un milieu, à une
culture et à une façon d’être
5 De la découverte sur l’homme : la qualification de l’homme est le thème de
l’économie
Nous nous demandons à partir de quelle époque de l’histoire, l’homme ou cet être qui
s’identifie comme étant « homme » ou comme étant « un homme » ou comme étant «
l’homme » commence-t-il à s’interroger sur son identité et sur le sens et l’orientation de ses
activités et devient « homme », dans la mesure où les autres êtres ne se posent pas cette
question et surtout dans la mesure où les instruments linguistiques dont dispose l’homme pour
extérioriser sa pensée le permet. La question s’inscrit dans une perspective évolutionniste
sinon comparative selon laquelle il existe un lien entre l’homme et l’animal (tous deux
dérivent de la notion de corps animé), mais que l’homme s’en est écarté, et le champ
d’observation n’est pas l’homme, mais l’homme ou cet être qui s’interroge sur son identité.
Cette question est fondée sur le constat de l’insuffisance de ce qui se dit sur l’homme,
ou plus précisément sur l’insuffisance des discours et de connaissance sur l’être qui cherche
son identité. Cet être, c’est nous, chacun d’entre nous, non seulement durant nos crises
366
d’adolescences ou de crises d’un moment de notre vie, mais aussi durant les moments
critiques de notre vie, ou à la suite de la vue d’une situation que nous croyons impossible pour
un être humain. Devant ces faits, la philosophie nous apporte les thèmes de discussion :
l’histoire et l’expérience affirment les empiristes, la raison sinon l’intuition de vérité
transcendante. L’histoire universelle, en effet, nous présente l’homme ou « un homme » sous
forme de migrant équipé d’outillages, d’un être errant certes, et elle laisse supposer que ce
mouvement avec un équipement est aussi celui d’un être pensant, et surtout que l’homme
avait été toujours ainsi. Mais le problème est que « l »’homme n’est pas toujours ainsi, et qu’il
peut être différent de cette caricature car, du moins, d’après la philosophie cartésienne, il y
avait un état initial et un processus de transformation engendrant alors la description présente,
il y avait un moment où les instruments qui voyagent avec l’homme n’étaient pas encore
inventés. Dans cette situation, l’homme ne peut être représenté que comme un animal
voyageant avec … une idée d’équipement et d’instrument.
Ce n’est donc pas le déplacement qui importe, mais la capacité de concevoir un
instrument, ou l’idée d’instrument de production, sinon la volonté de partir et de quitter. Avoir
une idée peut ne pas être le propre de l’espèce humaine, car un animal peut aussi avoir une
idée de capturer sa proie ; mais l’homme se distingue des autres espèces du fait qu’il a des
idées d’instrument ou de moyen, avec ce que cela évoque en termes de calcul économique.
Les premiers hommes peuvent bien fonctionner sans avoir besoin de conceptualiser
l’expression « calcul économique », et leurs actes, le fait qu’ils ont une « idée d’instrument »
fait d’eux des êtres pensants et calculateurs malgré eux. Mais lorsque le concept de calcul
économique est appliqué, un déplacement de centre d’intérêt sur la représentation de l’homme
apparaît et devait apparaître, mettant au placard l’image de l’homme errant avec un
instrument de production. Peu importe d’ailleurs l’instrument de production, qu’il soit une
massue ou un marteau, une sagaie ou un fusil, c’est la puissance ou la « potentialité engagée »
(selon la terminologie de Gilles DELEUZE) vers la production qui importe. L’homme n’est
pas naturellement un producteur, mais un être doté de potentialité engagée vers la production.
Ce concept philosophique de DELEUZE exprime tout simplement l’idée calculatrice en
économie, car ce n’est pas l’acte qui, effectivement est calculatrice et productrice, mais l’idée.
Cette idée créatrice qui est déjà chez l’homme primitif, l’archaïque, ou le proto-
humain est celle qui a conduit à l’évolution de l’homme vers son état actuel de producteur de
moyens de production dont Karl MARX a fait l’éloge dans sa théorie sur le développement
général de l’humanité. L’idée créatrice contribue à l’orientation des activités et donc forme
367
une sorte de calcul économique intuitive. Qu’est-ce qui guide l’idée créatrice ? La sensation
du besoin ? Non ! L’idée créatrice a été introduite par un narrateur, en l’occurrence,
l’historien, et la discussion sur l’homme est ancré sur l’étude critique de ces narrations sur
l’homme. Ce sont les narrateurs, qui on donné corps à l’idée créatrice.
Cette question et cette situation se posent lorsque l’homme se juge lui-même ou prend
une distance par rapport à lui-même, alors qu’il ne dispose ni d’expérience, ni de référence
pour cette situation. Les limites de nos facultés sont démontrées par David HUME. Un
individu doté de facultés de raisonnement et de réflexion, placé devant une succession de
faits, ne peut pas saisir les causes car sans expériences, affirme David HUME, dans son «
Enquête sur l’entendement » (1748), car il lui faut de l’expérience sur la base de laquelle il
peut être sûre de ce qui se passe dans l’immédiat. Ainsi, les historiens ont méconnu la
formation ou les prémices de la rationalité créatrice de l’homme ou transformatrice d’un être
en homme.
L’expérience, une sorte de produite de l’histoire, vient en appui à ce dernier sous la
forme d’observation intelligente de faits
Il y a un mal-dit sur l’homme, parce que les concepts utilisés ne sont pas précisés
sinon quelques étapes ont été ignorées, ou encore il est impossible pour le narrateur de
prendre assez de recule pour être un descripteur objectif. L’insuffisance des produits de la
science historique, il nous semble, est alors fortement complétée par l’économie. A la
différence de la caricature historienne de l’homme, les économistes représentent ce dernier
comme étant un être animé et travailleur et doté de raison et de quantité de travail. Ce n’est
donc pas que l’homme soit ou non un animal évolué par l’acquisition de la raison ou un être
différent de l’animal par la raison qui importe, mais le fait que la façon dont se conceptualise
l’homme par lui-même a changé et ne permet pas de mettre en exergue les états initial et
récurrent de l’homme. Une hypothèse se déduit alors : l’évolution du contenu de la langue
par l’acquisition des mots nouveaux et la diversification de la langue humaine par la
diversification de la culture cache la véritable nature de l’homme. Ne voulant cependant pas
entrer dans les détails des langages, nous limiterons nos réflexions sur les faits que le
langage est un élément distinguant l’espèce humaine de l’animal (étant donné leurs
ressemblances biologiques), et surtout que le langage renferme la prémisse de la raison, et
enfin que la raison elle-même s’acquiert par le travail (par l’expérience, disent les
368
philosophes). Autrement dit, le travail a produit la raison, et ce dernier a accentué la
différence entre l’homme et l’animal217.
a La découverte de la science économique : les concepts de raison et de travail
La science économique focalise ce qui a à dire sur l’homme, dans les produits de
raison et de travail, mais elle est muette en ce qui concerne l’état initial de l’homme : sans
outillage et seulement riche de ses capacités. Pour elle, l’art n’a de sens que par l’économique.
La raison est le point de départ de la réflexion économique de son discours sur
l’homme. Elle est un thème de la littérature et de la philosophie pour décrire une norme de
comportement ; mais appropriée et interprétée par l’économie, elle devient un phénomène
historique. En économie, la rationalité est un rapport ou « ratio » transcendant dans la
connaissance de plusieurs phénomènes et non une raison argumentaire qui justifie ou pousse
une action218. Son appréhension relève de la croyance et de la soumission à une doctrine, ou
dans une mesure limitée, de la culture de soumission219.
En effet, chaque culture, selon certains philosophes, notamment Michel FOUCAULT
est identifiable par un invariant fondement de structure de connaissances jouant un centre
d’intérêts, de problématique et de méthodes de recherche de savoir220. Dans cet invariante de
la culture, l’homme se présente en acteur aspirant un changement, par le fait qu’il possède une
volonté de puissance agissant non seulement sur les autres individus, mais aussi sur soit (voir
NIETZSCHE). Mais ses actions sont limitées par des caractères par lesquels s’identifie
l’homme. Cette connaissance n’est ni la culture – car elle n’est par un environnement-, ni la
tradition, car cette dernière non seulement perd de plus en plus son emprise sur l’individu,
comme le suggèrent les Friedrich NIETZCHE, ni le sentiment d’appartenance de classe de la
théorie marxiste léniniste. Le philosophe allemand FEUERBACH. (Nous dirons et
développons plus loin alors qu’il s’agit de la conscience de l’interdit et de sens de la richesse).
217 C’est la différence dans la théorie de David HUME 218 Digression philosophique : On note que pour René DESCARTES, la conscience et non la raison est la donnée primitive de l’homme. Mais, à notre avis, la conscience elle-même est ordonnée et précisée par la raison. A quoi bon en effet, d’être conscient de quelque chose s’il n’y a pas de raison de l’être ? 219 Les propos de NIETZCHE selon lequel dans les sociétés jusqu’actuelles, la relation entre les membres de la société ont été de relations de maître à l’esclave 220 Voir la présentation de « Les mots et les choses » de Michel FOUCAULT par Bernard DANTIER
369
Dans les sociétés où la soumission existe, la narration a une fonction sociale
importante. En effet, à cause de la relation entre l’économie et l’histoire, les économistes ont
tendances à considérer que leur étude consiste à insérer dans un système compréhensif les
faits ou un pan de fait d’un système dans un système de pensée. A cet effet, la collecte des
informations et des bases de données est déterminante. Les données économiques, cependant
et jusqu’à présent, se rapprochent des données sociologiques bien qu’il n’y a pas de règle qui
impose ce fait. Le narrateur est celui décrit les faits
Pratiquement, les narrateurs ou les descripteurs de l’homme, les économistes postulent
qu’en « recevant » par la raison, une substance acquise que l’on croit religieusement détenir,
c’est-à-dire en pratiquant une religion révélée où la connaissance lui vient de l’extérieur,
l’homme devient rationnel, parce qu’il est instruit à la fois de sa finitude (sa fin ou sa limite)
et du lieu de cette finitude (ses moyens naturels), et qu’il se pose le droit de « refuser » le don
de la religion. Pour être un homme étudié par l’économie, il faut alors pratiquer une certaine
croyance ou adopter une position dogmatique sur la réalité de connaissance de départ sans
quoi le monde serait non intelligible. Or cette position dogmatique fondamentale et partagée
faisant des économistes orthodoxes n’est pas universelle et évidente. Elle est bouleversée par
le doute et par la confrontation avec la perception de la réalité, notamment lorsque
l’acquisition de l’existence du rapport entre la connaissance de la finitude de soi et des
moyens disposés ou lorsque les acquis du rapport entre la connaissance de la finitude de soi
et des moyens disposés réclame une vérification expérimentale. La connaissance économique
est une culture, mais les individus qui n’ont pas de connaissance économique usuelle ne sont
pas pour autant incultes. Le fait que l’on devient rationnel, par instruction ou par expérience,
nous conduit à nous demander, même hors du cadre temporel, à partir de quelle condition un
individu est-il qualifié de rationnel.
La conception économique de la raison dépasse aussi celle de la philosophie et la
littérature. Ces derniers ont certes découvert la relation ou le thème de la relation entre les
mots et la pensée, mais elles n’ont pas considéré le fait que ce thème n’existe que lorsque
l’homme est placé devant une diversité et devant une similitude des objets conjoints de mots
et de la pensée. L’économie a su intégrer, par leur conception de la valeur, la variété ou la
nuance des objets dans la relation entre les mots et la raison, et à cause de ce fait, elle est la
discipline appropriée pour parler de l’homme.
370
Il en est de même pour le concept de travail. L’économie s’est offert une conception
spécifique du concept de travail : une sorte de quantum de force humaine qui disparaît par la
production et se reproduit par la consommation. Le déploiement du travail sur un objet
entraîne la transformation de cette dernière, et la différence qui en découle devient la
rémunération de ce travail. Le travail est-il un principe moral ou religieux ? Un inventaire des
religions du monde – là où il est normal de juger ou de porter un jugement sur les activités des
hommes - sur le thème de l’action humaine et ses conséquences devraient nous indiquer la
réponse. La Bible indique l’état – qu’elle qualifie de « pécheresse » de l’homme221. Ce
qu’avait fait l’homme depuis la nuit des temps qu’on puisse imaginer était de la servitude
envers quelque chose. NIETZSCHE affirme d’ailleurs à ce propos que l’action humaine, dans
les périodes où l’homme était soumis à la tradition, était celle de l’esclave, mais au fur et à
mesure que l’homme s’affirme, il s’affranchit de ses propres natures et tende à devenir un sur-
homme (un « Übermensch »). A la vue des travaux et préoccupations des philosophes et
historiens, il semble que la recherche de la représentation du monde est au centre de l’activité
humaine. La liste des actions et des préoccupations de l’homme n’est pas encore close, mais
une esquisse se dessine déjà : l’homme est dans une situation de lutte ou d’opposition contre
une idée ou une force qui lui est extérieur. La science économique réduit la conceptualisation
de ces adversaires de l’homme par le terme de la nature et affirme dans la plupart des cas le
thème ou le constat de l’opposition de l’homme avec la « nature ».
La rationalité et le travail sont des concepts postulés, ou une hypothèse dont la nature
et la réalité n’ont pas été démontrées en économie, mais constatées par ses discours ; elles
sont affirmées par les mots et par... la raison lors du jugement ou de la description de l’action,
notamment durant le choix ou durant le travail. Le travail et la raison appliquées au constat de
la pluralité comparable des éléments de la nature forment la trace immatérielle de la présence
de l’homme que la science économique a découvert et introduit dans le système humain de
connaissance.
La conception économique de la raison et la façon dont la science économique
identifie l’homme cependant souffrent de quatre graves lacunes : Premièrement, malgré la
présence des concepts de la rationalité et du travail dans l’économie, l’état initial de l’homme
n’est pas encore la préoccupation ou le thème de cette discipline, alors que cette question va
de soi selon elle, lorsqu’il s’agit d’attribuer la qualification de l’homme en « homme sensé »
221 Voir à ce propos la Bible
371
dans le rapport entre les hommes. Par cette lacune, la science économique ignore le
comportement de l’homme « irrationnel » à leur sens (c’est-à-dire de l’homme qui ne déploie
pas son travail alors que les circonstances à cet effet sont favorables), comme s’il lui est
impossible d’admettre l’existence de l’irrationalité, alors que ce comportement, par lui, est
combattu sinon tenté d’être expliqué. Deuxièmement, la conception économique de la raison
et la façon dont la science économique identifie l’homme insiste sur les faits du travail, plus
précisément sur la production, alors que la production peut être de quantité « nulle » à un
moment donné – entre guillemets, car en fait, la production, en économie désigne des objets
quantifiables par comparaison de valeurs intuitive et préalable à l’objet ; il s’agit d’une valeur
de départ qui prend forme à la suite de la comparaison avec celle d’un autre objet. La
production est matérialisée par sa valeur, alors que le travail, par le temps ou la durée de son
déploiement et par la qualité ou par l’intensité de ses contenus.
Troisièmement, les économistes actuels séparent les deux composantes principales de
l’homme (séparation de la raison et le travail) ou ont modifié le thème de travail en choix ou
en production. Quelquefois, certains d’entre eux considèrent l’existence de lien de causalité
entre ces deux principes : la raison est considérée comme la force animant ou motivant le
travail, ou, inversement, le travail est considérée comme une action logique et objective créant
sa propre justification dont la raison. Tels est d’ailleurs l’approche admise par les
matérialistes. La conception matérialiste, à l’instar des marxistes, considère la raison, au
même titre que la religion, comme une idéologie dépendante de la pratique. De telle
séparation des principes est lourde de conséquences épistémologiques. Non seulement,
l’économie n’a pas de discours sur l’existence, mais elle laisse de côté sa nature primaire
qu’est le discours sur la morale.
Enfin et quatrièmement, la pensée économique n’a pris en considération que les
aspects matériels de la rationalité, celle mettant en relief la connaissance de la nature (ou plus
précisément de l’identification de la nature), alors qu’elle doit aussi associer cette
connaissance de la nature avec celle de l’homme lui-même (c’est pourquoi d’ailleurs, pour
elle, la rationalité s’inscrit dans le cadre de la théorie de la valeur), y compris …
l’irrationalité. Elle s’est, en effet, développée dans un contexte où la marchandise s’est
diversifiée en quantité et en gamme. La rationalité, dans ce cas, est évidente et posée, alors
que les théories économiques actuelles ne font que discuter de cette réalité et de sa
formulation. Elle ne peut cependant pas étudier la situation de dénuement total – une pauvreté
initiale en quelque sorte, avant tout procès de production - et celle dans laquelle les objets sont
372
uniformes, ou l’homme est culturellement insensible a la diversité – de état initial de
l’homme, en sorte. Ces deux situations sont imaginables dans les récits – bibliques ou autres –
de la création. Dans ces situations, alors, le thème de la rationalité se pose en termes de
conscience de l’homme étant donné la nature et l’activité humaine afférente est celle de la
découverte et non de la production.
b Audelà des apports de la science économique : l’économie a pour origine la
conscience de l’interdit et de la richesse
Pour combler ces lacunes de la science économie, nous proposons d’ouvrir la réflexion
par les questions suivantes : « à partir de quel moment, un homme est-il rationnel ? » et « est-
on rationnel seulement de façon occasionnelle ou circonstancielle ? », en vue de concevoir
autrement l’apport de la science économique. En effet, nous pensons que la rationalité est une
acquisition de l’espèce humaine, un produit de son évolution d’ensemble, entrant dans ce que
Teilhard de CHARDIN considère de l’évolution vers le complexe.
Aussi, pour répondre aux questions de moment de l’acquisition de la rationalité, il
nous faut au préalable, nous interroger sur la nature de la rationalité, ou de la substance
complexe de l’homme, tout en sachant que cette question dépasse l’économie. A cet effet,
nous procéderons par une comparaison sommaire de la notion économique de la rationalité
avec celle de la littérature en général. En économie ou plus précisément chez les économistes,
en effet, la rationalité est un postulat de rapport permanent entre la représentation et les
phénomènes économiques, quoique ce rapport fasse l’objet de plusieurs amendements222 (par
exemple la théorie de l’ultimatum), alors qu’en littérature, la rationalité est un état de la
pratique de la raison. En économie, elle s’érige en loi, même si ce rapport n’est pas encore
démontré, alors que dans la littérature, la pratique de la raison est le propre de certaines
personnes, il s’agit en fait d’opinion qualifiée de juste. De ces faits, l’irrationalité est, dans le
sens des économistes, un écart relativement important entre le comportement de l’individu et
ce comportement idéal, alors qu’en littérature, ce sont des fausses opinions. L’économie
admet l’existence de cette erreur, dans le thème d’informations incomplètes ou biaisées ;
autrement dit, l’homme littérairement idéal est identifié en économie sous les termes de
l’homme insuffisamment informé. La rationalité, de ce fait, est l’état d’individus agissant
222 En fait en économie, le postulat joue le rôle de la loi ; tout ce qui est affirmé pour encadrer des propositions à venir servent de « lois économiques ». Ces affirmations sont des évidences qui se passent de preuve. Mais lorsque la question se porte sur le début de la rationalité, ou d’un phénomène, il ne s’agit plus alors d’une simple affirmation, mais d’une démonstration d’un phénomène. (Voir à ce propos, Partie II, Chapitre 1 section 3 §1)
373
dans un marché où les informations permettent des actions économiques, sinon, la rationalité
est le fait des individus agissant dans un milieu où les informations, bien que complètes, sont
neutres et sans effets. De ces comparaisons, il apparaît que la notion économique de la
rationalité, par rapport à celle de la littérature, est à la fois, un cadre de l’homme et un
instrument de réflexion et de critique de l’homme – une sorte d’ambiance dans laquelle
l’homme est plongé -, alors que dans la littérature, elle est un état acquis.
A partir de ce préalable, on découvre alors que la question serait de savoir « à partir
quel moment, l’être qui s’érige en humain est-il dans un contexte de rationalité qui rend
humaine. Ici, nous considérons alors l’histoire comme une des situations décrits par Max
WEBER, lorsque ce dernier distingue les pouvoirs traditionnels, charismatiques et rationnels.
La rationalité relève d’une certaine façon de juger la science ou ce qui se sait ; elle a sa propre
logique, et en même temps, elle est, elle aussi, jugée et appréciée selon les besoins de la
société. Aucun être rationnel, aucune raison n’est raisonnable que, à la fois par le beau
discours logique ou scientifique qu’il fait et par l’utilité de sa raison pour ses auditeurs. C’est
ainsi que lorsque Adam SMITH décrivait le comportement de l’homme « sensé » dans sa
théorie sur la division de travail, il avançait implicitement que l’homme peut utiliser les
mêmes arguments justifiant l’égoïsme. Le besoin du capitalisme, justement, a besoin de
considérer la rationalité comme centré sur l’égoïsme, alors que dans un contexte différent,
celui, par exemple de John Stuart MILL, l’égoïsme n’est pas de mise ; à sa place, il est plutôt
demander de préférer « plus de richesse que moins ». Il faut d’ailleurs noter que la question de
sens ou de raison dépend de jugement dont la presse fait écho. En fait, le sentiment et le sens
jouent un rôle à côté de la raison : dans le monde économique et financier, constate
MICHIELSEN, il y a des entreprises qui passent bien dans les médias, et leurs dirigeants sont
jugés « sympathiques » et d’autres, « moins sympathiques », des responsables de la finance,
qui, comme Alan GREENSPAN, le responsable de la Banque centrale américaine, sont jugés
de « sensés », alors que ses pairs, comme celui de Wim DUISENBERG, sont considérés
comme « indécis ». MICHIELSEN va même jusqu’à annoncer l’existence probable de liens
entre la valeur boursière d’une entreprise et le sentiment du média vis-à-vis des dirigeants des
entreprises (MICHIELSEN, 2002).
Dans cette file d’idée, il apparaît alors – et les économistes partagent l’idée suivante –
que le sentiment précède la raison. Ce fait tient de plusieurs raisons. D’abord, dans l’histoire
de la pensée économique, il est considéré comme un acquis que la « Recherches sur la nature
et les causes de la richesse » d’Adam SMITH est le point de départ de la pensée économique,
374
et que les travaux antérieurs de cet auteur n’étaient pas encore relevant de la science
économique. Contre cette thèse, des chercheurs, plus tard, essaient d’incorporer le « Traité des
sentiments moraux » dans le corpus de la théorie smithienne de l’économie, sinon refusent la
source généralement relatée par les historiens de la science économique selon laquelle la
Richesse des nations était écrite pour contrer les conceptions physiocratiques et mercantilistes
de la richesse. Ils soutiennent que l’objectif économique d’Adam SMITH est l’homme, cet
être qui non seulement a des sentiments, mais et surtout que ce sentiment est qualifié, du
sentiment moral.
Avant Adam SMITH, le rapport entre la sensation et la raison a été déjà soulevé par
David HUME pour qui la raison est une association des sensations issues de l’expérience
quotidienne ; la raison est plus ou moins incorporé dans la sensation. Aussi, semble-t-il que
dans la théorie smithienne, d’après la version courante de celle-ci, SMITH a établi une
démarcation entre la raison et le sentiment ; mais même s’il ne l’a pas fait, d’autres
économistes, les néoclassiques, vont le faire pour lui, en établissant un programme de
recherche basée sur l’économie pure ou épurée des sentiments.
L’homme de Adam SMITH a la particularité non pas d’être doté de force de travail,
mais surtout d’être autolimité par le sentiment moral.
A partir des questionnements sur la pénétration de la raison dans l’histoire humaine,
l’origine de l’homme rationnel est inévitable, et il apparaîtrait que le sujet de la rationalité,
inauguré par la philosophie et de la littérature, est le préliminaire de la question de l’origine de
l’homme dans le domaine des sciences dites sociales. Le thème de l’origine de l’homme est
économique, dans la mesure où cette origine est appréhendée comme le moment de
l’acquisition de la raison étant donné la force de travail.
Le fond commun de ces questions est le rapport entre le déploiement de la raison et
celui de la force de travail. C’est un vieux débat entre les matérialistes et les idéalistes et qui a
produit la découverte de l’existence de la différence de la conception de la représentation du
monde entre les hommes. Quels que soient cependant les issus du débat, nous pourrons dire,
alors et sans évoquer l’expérience, que le travail est pour quelque chose dans l’apparition de
la raison : du fait de son existence, le travail, -même s’il n’a pas influencé la formation de la
raison – est l’objet de la raison, et tout ce qui se critique se porte sur le travail (ou en termes
philosophiques, sur l’action). Le lien entre le travail et la raison est le principe fondamental
sur lequel repose la compréhension de l’existence dans le cadre de la théorie économique. Des
375
obstacles cachent cette évidence : l’aspect permanent et récurrent de la raison s’oppose à
celui de sériel rapport entre le caractère dogmatique de la raison et le caractère éphémère ou
saccadé du déploiement du travail.
En effet, étant donné le caractère dogmatique de la raison, le rapport entre l’économie
et la religion – le rapport entre le « scio » et le « credo » - ou cette lecture transcendante
d’abord et historique de l’homme s’oppose à la connaissance même de dieu, le référentiel
religieux de la raison, dans la mesure où le ou les dieux inspirateurs apportés par les religions
sont cachés. Dans cette situation, le choix et la détermination de comportement de l’homme
est en contradiction avec la simplicité de l’évidence matérielle : pourquoi espérer l’ordre
future si le présent et l’immédiat est aussi satisfaisant et porteur de satisfaction et de joie ? La
réponse est que la rationalité couvre toutes les dimensions temporelles possibles et
imaginables ; ce qui est rationnel dans le court terme, l’est aussi dans les longs et moyens
termes. La rationalité, dans ce sens, est une sorte de logique ou d’argument d’offrande d’un
culte propre à une certaine façon de voir le monde. Tel est par exemple le sens que donne
GAUTHIER pour expliquer l’offrande dans la religion indienne ancienne (GAUTHIER,
2001). L’économie a pris à son compte cette conception religieuse de la rationalité.
L’économie elle-même est une version matérialiste de l’éthique religieuse, et l’homme qui en
découle est un animé doté de sens de religion (FEUERBACH, 1869). L’économie a pris de la
religion le sens de choix et de valeur des objets.
La rationalité économique est donc une construction de pensée dans le cadre de la
conscience de l’existence de plusieurs objets ; elle devrait permet de répondre à la question de
« qui est l’homme ? »
Le problème pratique pour placer la conscience dans le thème de l’économie est que
l’homme isolé ou non situé est rare sinon hypothétique dans le système actuel de
connaissance. L’homme non situé est, selon la littérature, le procréateur, le patriarche ou le
générateur de l’espèce humaine, sinon encore un être placé accidentellement dans un lieu «
désert » - (entre guillemets, car ce lieu est pratiquement inconcevable), alors que l’homme
isolé est le type de Robinson CRUSOE, qui, sur une île déserte, s’efforce de reproduire les
conditions matérielles de fonctionnement de l’espèce humain. L’exigence théorique
cependant impose d’admettre l’existence de ce lieu, afin de comprendre et de mettre en relief
l’existence de la conscience dans la formation de la pensée humaine. Dans ces conditions de
376
réflexion, la question économique est « qui est l’homme, le patriarche, le générateur ou tout
simplement et dans le cadre de la relation de l’homme avec la nature, le producteur ? »
L’étude des conditions générales de la formulation de la question sur l’homme ou sur
l’identification ou de l’identité des chercheurs de « l »’homme, tout en sachant que ce
questionnement relève de la philosophie et de l’épistémologie de la science économique se
révèle par l’orientation stratégique de la production ou le caractère stratégique de celle-ci et
d’une manière générale de la manifestation de l’homme ou de la trace de l’homme. En effet,
la manifestation de soi de l’homme – qu’elle soit intellectuelle ou artistique - s’accompagne
de la trace de la pensée économique et ne s’interprète que par l’économique. On ne peut, en
effet, donner un sens à des lignes gravées dans les cavernes que si on méconnaît la volonté
humaine et la nécessité de les faire. La lecture économique de l’art et de la science et de la
technique nous permet de découvrir l’homme. Aussi, ce n’est pas la présence formelle de
discours ou de thèmes économiques qui importe, mais la présence de l’homme. De ce fait, il
faut donc chercher les cadres et les circonstances par lesquels émerge, chez l’homme, la
nécessité de discuter de lui-même, indépendamment du support de ce discours.
Cette discussion ou cette volonté de s’exprimer s’avère important, car elle dénote une
préoccupation qui dépasse la quête de la subsistance et qui est aussi … un besoin. Elle est
cependant localisée dans les circonstances non encore caractérisées. De prime abord, elle
dépend dans son contenu et dans sa forme, de la culture, ou plus précisément des moyens de
diffusion des valeurs culturelles et de ce qui est permis de penser par la culture. Dans ce sens,
le modèle de l’homme et la représentation du comportement de celui-ci ont vu leur naissance
dans les scripts des pièces théâtrales, dans les maximes et proverbes, bref, dans les formes de
littérature. Dans certaines communautés, chez les Grecs de l’Antiquité par exemple, ce sont
les poètes qui sont à l’origine de la modélisation et de la représentation de l’homme ; alors
que dans d’autres, par contre, à l’exemple de celle des Juifs où une version de leur loi interdit
la représentation sculptée de l’homme, le modèle de l’homme vient tout droit de la religion et
des horoscopes. Chez les animistes, la question déclenchant la question sur l’homme, se porte
sur le pouvoir séculier de l’ensemble des défunts. Le « mpanandro » (ou divin) est le maître
de leurs discours ; c’est lui, en effet qui diffuse l’oracle des Ancêtres, et par la même voie, il
est le seul à pouvoir affirmer la place de l’individu dans la société aussi bien que dans
l’espace des astres (le « vintana ») conformément à la croyance locale, surtout, c’est lui qui a
formulé le modèle de l’homme et des comportements selon les circonstances. Autrement dit, à
un certain degré d’organisation de la société, la substance par lequel l’homme émerge, est
377
accaparée par un individu spécialisé et qui décide de l’affectation spatiale et fonctionnelle de
l’individu.
A voir de près cependant, la discussion ou la volonté de s’exprimer en tant que humain
s’inscrit déjà dans un cadre préhistorique avant que la division de travail entre le travail
intellectuel (ou poétique) et le travail manuel (ou économique) ne soit encore établie. En effet,
est une force intérieure tarabustant en l’homme indépendamment de la société et de ses
connotés, une substance humanisant, équivalente de l’âme dans certaines doctrines religieuse.
Cette volonté de s’exprimer est identifiée en termes de conscience. Nous affirmons l’idée que
la conscience de besoins et la notion de biens découlent des vides matériels et sociaux
supposés par les théories scientifiques de l’homme et de la société. De cette conscience, à
notre avis, l’homme apparaît. (Implicitement et en conséquence, nous soutenons alors que
l’homme n’est pas créé, mais auto-créé, par l’art et par les discours religieux, des sentiments
typiquement humains).
Il faut cependant reconnaître que le thème de l’apparition non physique de l’homme
n’a pas jusqu’à présent attiré les chercheurs des sciences humaines et sociales. L’homme
étudié et discuté dans les rues, dans les sociétés et par les sciences s’avère être le producteur
ou le transformateur de la nature et non pas celui qui a été visionné par le poète ou les inspirés
des religions ; alors que l’homme décrit par ces derniers, rien que par leur existence, leur
inspiration ou leur don, est avant l’acte de production et de la consommation ; il est de ce fait
important, parce qu’il est comportement et motivation, et non un être animé producteur et
consommateur. Les activités de production ne sont que des activités accessoires de celles de la
découverte. L’homme ne fait pas d’activité de production, mais de découverte créatrice de
l’univers ou du moins de son environnement. L’homme initial n’est pas un producteur, mais
un explorateur.
De même que les chercheurs, les sages, eux aussi, n’ont pas découvert la formation de
l’homme, et leur sagesse ne peut pas atteindre la nature profonde ou la véritable fonction et la
véritable activité de l’homme. Leur erreur découle de leur démarche analytique et dans leur
objectif lors de la recherche de l’identité de l’homme. Dans la philosophie – la discipline
académique chez qui, dans la culture occidentale, se discute généralement l’homme -, en effet,
l’homme est décomposé en des principes et des concepts, comme le « corps », l’ « âme » et l’
378
« intelligence », ainsi que leurs correspondants régionaux respectifs ont été justement créés
pour, à la fois, identifier et caractériser l’homme223.
L’étude des conditions du questionnement sur l’homme peut donc être aussi appelée
de l’étude de la construction et de l’appréhension de l’esthétique. Dans l’histoire humaine,
elle a été inaugurée par la prise de conscience de la forme de soi de l’homme. La conscience
du corps est un élément fondamental de la construction de la pensée humaine et
éventuellement dans l’orientation de son appréhension de ses activités économiques et
substantielles.
II Le destin de l’homme, c’est quoi ?
ARISTOTE l’a schématisé comme étant le lieu de repos de l’homme. Ce lieu se
rencontre aussi dans les religions. Mais il s’agit pour lui du destin de chaque homme, comme
si chaque individu est une répétition, alors qu’il s’agit d’une construction et d’une
continuation. La théorie de TEILHARD DE CHARDIN est plus proche du réel, en avançant
le cheminement de trace de l’homme, de l’état cellulaire vers un état spirituel. Pour notre part,
nous restons dans un tronçon de la théorie ouverte par ce dernier auteur et nous chercherons le
destin d’un corps organique ou biologique vers un état stable et, autant qu’on puisse le dire,
définitif. La prise en main du destin de l’homme est dans ce sens un chemin vers un état de
stabilité ou de repos. On peut entrevoir ce chemin par la sédentarisation et la construction de
grandes villes, ou, au niveau des groupes, par la table de la mobilité sociale ; mais cette
dernière ne permet pas de voir le destin de l’homme, mais seulement, elle nous indique que si
un espace de compréhension de la question du thème est donné, alors dans cet espace, un lieu
de direction de l’homme en général est identifié. En un mot, ce que nous voulons montrer
c’est la « ville éternelle », le « Sion » de la bible. C’est là en effet que réside le salut224, et
point n’est besoin de mouvement, de volonté supplémentaire, car les obstacles sont loin d’être
un problème.
223 La variante indo-européenne du discours sur l’homme ajoute d’ailleurs à ce discours l’hypothèse selon laquelle chaque concept composant l’homme possède respectivement leur lieu de repos, c’est-à-dire un lieu, où une fois atteint, les aspirations s’éteignent : le corps dans la tombe, l’âme vers le Paradis, et l’intelligence vers la joie de la découverte ou vers la paix. Peu d’attention cependant a été accordée à la place de la fonction de l’homme dans la nature. 224 Voir La Bible, Ancien testament, Psaumes, XIV 7-
379
Mais le lieu de repos n’est pas seulement un lieu paradisiaque, car le trouble à
l’intérieur de l’homme peut aussi être résolu par l’absence de volonté d’agir rencontré
effectivement dans les lieux de cultes225. L’état de conscience est alors nul ou aveuglé par la
croyance, l’homme agit en toute liberté tout en sachant que quoiqu’il fasse, il a été vaincu par
l’énormité de ses propres handicaps. Là, le concept biblique des Enfers (un lieu « de larme et
de grincement impuissant de dents ») décrit la situation. Effectivement, l’homme ne souhaite
pas pour lui cette impuissance, mais en théorie, il s’agit de lieu de l’inaction et d’absence de
mouvement. Ce deuxième lieu est le lieu que Joseph Aloïs SCHUMPETER qualifie
d’obstacle au développement de l’entreprenariat, car les innovations ne sont pas prises en
considérations par les clients, à cause de la liberté de choix dont dispose ces derniers.
La prise en main de destin de l’homme, ou son choix vers le lieu de repos, est entravée
par deux obstacles dominants : la nature de l’homme et l’infiltration de la croyance
cosmologique dans la recherche de l’homme. En effet, l’homme ne dispose pas d’organes
spécifiques lui permettant de se connaître lui-même, au-delà de ce qui est apparent ; c’est dire
l’homme ne peut pas appréhender intellectuellement l’homme. Pour se connaître lui-même, il
se compare alors aux animaux, utilise des informations qui n’ont de valeurs que par leur
consensus dogmatique. Et à force de persister dans cette démarche, l’homme arrive à avoir
une certaine idée ou intuition de lui-même. Le succès d’une telle démarche ne tarde pas alors
à venir, car à force de combattre l’animal, l’homme se découvre par des concepts et les
nuances distinctives, et ce, sous forme de concepts et des mots. L’état de conscience est alors
un ensemble de mots formant un langage, par lequel émerge l’homme ; mais dans ce concept,
la comparaison avec l’animal persiste.
L’élément qui manque au puzzle de la connaissance de l’homme est donc un système
de connaissance de l’homme qui ne passe pas par celle de l’animal : l’homme ne peut pas être
l’objet de la pensée de l’homme, c’est pourquoi, quand l’homme parle de l’homme, il pense
avant tout à l’animal. A cause de ce fait, l’homme de la pensée est rapproché de l’animal.
Mais la question n’est pas de savoir ce que contient le concept « homme », ni de « que peut-il
faire ? » indépendamment de son identité, mais plutôt un problème de « bien dire » l’homme
avant ce qu’il est localisé et ce qu’il a fait. Il se reconnaît par ses actions et par ses limites
225 Voir à ce propos la conception taoïste de l’action. Voici comment Lao Tseu, le rédacteur du Taö a développé les arguments de l’inaction dans ses thèmes de la recherche de « la Voie » par le « Saint ». D’une façon générale, les saints reçoivent quelque chose sans qu’ils en demandent, partagent sans donner, communiquent sans parler. Le Taö, comme toutes les cultures indo-européennes, invitent la population de se spécialiser dans leurs activités et de laisser la pratique de la morale aux prêtres.
380
locales ; manifestement, il y a des discours sur l’homme, mais ces derniers ne sont pas
suffisants pour délimiter ce qui n’est pas homme, car ce qui existe nous montre seulement ce
qui n’est pas animal, c’est pourquoi notre propos n’est pas une ontologie de l’homme.
En outre, l’infiltration des doctrines cosmologiques dans le discours émousse le peu de
faculté de connaissance de soi de l’homme. L’ordre cosmologique renforce le caractère
inexorable et éthique de la question de l’homme et enrôle ce dernier dans leur système de
discours. A cause de ce fait, le discours sur l’homme veut que l’on parle de ce dernier en
fonction de jugement de la valeur de ses actions. Déjà le questionnement de l’identité de
l’homme se porte sur ce qui n’est pas animal, et maintenant il est complété par des
préoccupations d’ordre moral. Aussi, peut-on dire d’avance que l’homme est un non animal
qui fait du bien ou du mal.
Enfin, la conception indoeuropéenne et sa propagation mondiale par la science et la
colonisation et la particularité de l’approche de la question de l’homme par la culture non
indoeuropéenne fait de la question de l’homme encastré dans l’interstice de positions
dogmatiques différentes. En effet, l’inégalité de l’exposition et de la diffusion des littératures
des différentes communautés du monde a vulgarisé les discours de certaines communautés (le
sanskrit, puis le discours indoeuropéen) par rapport à ceux des autres à tel point que ces
discours ont perdu leurs caractères vernaculaires et s’incrustent dans la pensée populaire pour
prendre la place de vérité assertorique sur la base de laquelle se construisent les autres
discours. Ces discours sont ceux des puissances coloniales ou des religions. Une observation
rapide des littératures actuellement dominantes indique un fonds commun : le thème de
l’homme est associé à ceux de la divinité et de l’animalité. De ce fait, le discours sur l’homme
est limité par les frontières des discours dogmatiques et spécialisés ; le thème de l’identité de
l’homme est une ramassée de discours rejetés des doctrines sur l’éthique. Elle est une reprise
des limites de la science.
En portant notre réflexion sur cette position de la question de « qui est l’homme ? »
nous sommes arrivés à penser et nous sommes persuadés que la volonté d’être différent de
l’animal ou de prendre en main son destin malgré les entraves, renferme un sentiment très fort
(une angoisse, selon le terme de KIERKEGAARD, ou un « vouloir vivre » selon les termes de
l’anarchiste Jacob STIRNER) révélateur de la conscience ou de la souveraineté de la
conscience humaine. Elle est un état de conscience. En outre, nous sommes persuadés que ce
dernier (la conscience humaine) est la nature et l’identité fondamentale de l’homme. Et que,
381
enfin, le concept de l’état de la conscience humaine peut mener vers le cœur du problème de
la connaissance de l’homme, car même si l’homme n’a pas de connaissance technique de lui-
même, il en possède néanmoins une intuition partagée avec ses pairs. Autrement dit, la
recherche de l’identité de l’homme est celle de l’homme de la rue.
Le thème de l’homme n’est donc pas un thème particulier de la civilisation
indoeuropéenne et des communautés occidentales – celui de l’individu l’est, peut-être -, mais
une préoccupation universelle fondateur, anticipons-le, de la pensée économique, avant d’être
accaparé par la culture. Seulement, il a été porté, avec la colonisation et la diffusion de la
religion, dans le discours populaire des autres communautés. Aussi, aujourd’hui, la discussion
sur le thème de l’homme s’inspire et est fortement marquée fortement des préoccupations
occidentales et indoeuropéennes : l’existence de l’âme et la distinction entre l’homme et
l’animal. L’animal ou la divinité sont devenus les référentiels partagés entre les civilisations,
du discours sur l’homme. Il faut noter cependant que des tributs amérindiens, malgaches et
autres, sont fidèles à la référence végétale de leur existence. C’est ainsi que certaines arbres
restent encore le symbole de ces peuples.
Ainsi, le problème de l’homme n’est pas un problème historique et culturel, mais un
problème fondamental sur la base de laquelle l’homme détermine sa place dans la nature, et
surtout sa prise en main de ses mouvements dans le temps. La prise en main de la destinée est
donc une question technique de positionnement dans l’espace.
La conception indo-européenne de l’ordre est la force déterminante de la tentative
humaine de se prendre en main.
III De l’état de conscience humaine et la perception d’existence
Nous introduisons le concept de « conscience humaine » pour conceptualiser la
tension intérieure d’un organisme doté d’intelligence et qui se résout alors par l’émergence de
l’homme – anticipons-le – de l’économie. Ce concept cependant doit être démontré pour avoir
une forme et un contenu.
En tenant en considération les handicaps de l’homme (de la rue) sur sa quête
d’identité, arrêtons-nous et prenons le temps de nous interroger sur l’apport du système
occidental dans la connaissance de l’homme en vue d’identifier le problème commun de ce
382
vouloir savoir « qui suis-je ? ». Il s’agit de se rappeler le fonds commun actuel du discours sur
l’homme.
Le discours occidental ou indoeuropéen a donné les grandes lignes séparant l’homme
de l’animal (la possession de l’ « âme »), quoique la plupart de grandes lignes ait été mis en
brèche par les matérialistes absolus (niant la présence de l’âme), par les zoologistes
démontrant la possibilité de l’existence de la raison (même instinctive) chez l’animal. En
outre, il a montré que quelque part, dans une dimension inconnue ou imprécise, l’homme peut
sortir du néant et prendre une forme, une ou des fonctions précises et distinctives, et occuper
une espace non forcément physique ; seulement, il ne peut pas préciser cette référentielle de
base que chaque discours sur l’homme se présente sous forme de construction de théories. Si
l’homme, en effet, est capable de se décrire avec raison ou par la raison – qui est en lui-même
-, alors il n’a pas décrit tout l’homme, mais seulement ou bien l’homme qui a agi sans raison,
ou bien il a seulement décrit la raison, ou bien encore, l’homme agissant dans la raison. C’est
ce que fait d’ailleurs les économistes actuels, lorsqu’ils essaient de décrire le comportement
de l’homme rationnel ; ils font référence à l’homme irrationnel et soit ou à l’homme rationnel
et non pas à l’homme tout court. Pour eux, la référence est le marché. Aussi, il nous semble
important de chercher le référentiel dans lequel se puise tout discours humain sur lui-même,
étant donné que l’homme ne peut pas se décrire lui-même avec les organes et instruments
qu’il doit lui-même décrire. Ce référentiel de l’homme par lui-même est l’état de conscience.
Ce fondement collectif cependant s’avère imprécis, car ces êtres réels ou fictifs ou ces
concepts ne montrent que l’existence ou la possibilité d’existence de l’homme ; il faut que,
avec ce concept, quelques actions chose émanant de l’homme, quelque chose de typiquement
humain se manifestent. Aussi, la présence de dieu ou de l’animal (FREUD dira plus tard, le
totem) combinée avec un fait effectif et typiquement humain seront par conséquent la preuve
de la réalité de l’homme. Autrement dit, en utilisant les concepts de la classification
académique, nous dirons que la religion, la zoologie et l’art sont ensemble et inséparablement
les références du discours sur l’homme. Dans ce sens alors, la peine et le plaisir comme
l’affirme Jérémie BENTHAM, ne suffisent pas pour rendre compte de l’homme, de même en
est-il du sentiment ou la raison comme PARETO les affirme ; ce n’est pas le sentiment et les
produits artistiques et les actions conséquentes qui en découlent qui importent, mais
l’attachement de ces produits aux considérations métaphysiques et physiologiques de
l’homme. Mais, la cogitation intérieure, le monologue intérieur de la pensée que fait l’homme,
une fois, informé de l’emprise de ses passions sur lui, pour dompter ses passions, ou encore le
383
malaise intérieur qu’il éprouve devant l’incompréhensible ou l’inconnu révèlent l’existence à
la fois de l’homme et de la richesse, car l’homme y trouve son propre profit : la maîtrise de la
passion est plus profitable à l’homme que le fait de suivre son instinct. Cette conscience de
faire autrement que le dessein la nature est à l’origine d’une nouvelle détermination du
comportement de l’homme : le calcul économique, et surtout à l’origine de l’augmentation de
la production. Celui qui est conscient non pas de ce qu’il fait, mais de ce qu’il est, est donc
automatiquement primé par des gains matériels ; il est à l’origine de la formation de l’espèce
humain. Ainsi le consensus partagés entre les discours et doctrines sur l’homme pointe le
calcul (se traduisant par la maîtrise de soi) et le sens de la richesse comme la particularité de
l’homme vis-à-vis de ses autres référentiels.
Or l’homo œconomicus apparaît justement à partir de ce moment, car il est, à notre
avis, le modèle de l’homme doté de la notion de la richesse et du sens de calcul. Ce n’est pas
la relation de l’homme avec la société qui est à la base de la construction d’une civilisation
matérielle, mais de la domestication de l’homme par lui-même, la domestication du soit par le
moi ; avant de domestiquer la nature, l’homme s’est domestiqué lui-même.
A partir de ce point d’entente portant sur la méthodologie, apparaît alors l’erreur grave
des discours sur l’homme et qui se perçoit en évidence dans la science économique. Dans la
littérature sur l’homme en général et dans la théorie économique plus particulièrement, en
effet, l’accent est mis sur le calcul économique et non sur la conscience par laquelle émerge le
calcul ; et ce déterminant faux a orienté la plupart des discours sur l’action pensée ou sensée
de l’homme et a conduit à des thèmes sur la recherche d’une meilleure allocation de ses
ressources et ou de ses dotations individuelles, alors que dans le fonds, le problème est de
savoir jusqu’à quel point l’homme peut-il concevoir son propre existence et agir en
conséquence. Ce problème a été déjà soulevé par Herbert SIMON, et nous essayerons
d’apporter la réponse. Dans les discours des économistes, ou dans leur théorie, il y a une
prémisse fausse qui a fait son chemin et a conduit à une fausse représentation de l’homme,
c’est-à-dire l’agent économique ou la raison économique.
Précisons cette affirmation, pour ne pas à la développer ultérieurement : les
économistes actuels, il nous semble, considèrent que seuls quelques individus se laissent
entraîner par le calcul économique. De ce fait, la science économique divise les êtres humains
en deux groupes selon l’usage ou non du calcul économique : Les individus mus par le calcul
économiques sont des êtres rationnels et modèles, et ceux qui ne le suivent pas sont, selon la
384
logique occidentale qui domine dans le discours économique, des êtres irrationnels, pour ne
pas dire tout simplement des êtres seulement animés. Un individu est rationnel, lorsque dans
ses calculs, il cherche à allouer ses facteurs pour un résultat préalablement qualifié de
meilleur, parce que rapportant plus de gain matériel, même s’il fait fi des sentiments
contraires (par exemple, le sentiment d’accomplissement dans une activité peu payée). En
économie, la raison matérielle a été opposée à la nature sentimentale ou au non intentionnel,
ou s’inscrit comme quelque chose de meilleure que celle de la nature226. Cette vision de
l’homme caractérise l’homme de l’économie, comme le stigmatisent les autres disciplines
académiques, et c’est cette image qui subit les critiques de l’homo œconomicus. L’homme,
sur la base de laquelle les théories économiques sont fondées, est un homme seulement
rationnel.
L’évolution du concept de la rationalité met encore en relief cette erreur : Le concept
de la rationalité évolue dans le sens de précision entraînant une qualification de la rationalité.
Il est alors question de rationalité axiologique lorsque l’individu cherche le sens de ses actions
par la meilleure valeur, de rationalité téléologique lorsque la rationalité est basée sur
l’objectif. En outre, dans ses calculs, l’individu, selon Garry BECKER, ne prend pas
forcément en compte ses intérêts matériels mais des intérêts espérés (utilité espérée).
Pratiquement, selon la conceptualisation adoptée de la rationalité, les agents
économiques ont des stratégies économiques différentes : pour les uns, le problème consiste
principalement à quantifier les coûts et/ou les profits, alors que les agents adoptant une
rationalité axiologique sont soumis à des questions d’ordre moral du « que faire pour bien
faire ? », car ils sont plutôt convaincus que le cadre dans lequel ils agissent ne s’oppose pas à
leurs actions. Pourtant, malgré la différence de stratégies, les agents économiques ou chaque
agent économique est rationnel. Comment rendre compte de l’unicité de la rationalité des
activités économiques informelles ou inconscientes? Telle est la question, il nous semble,
retraçant le problème scientifique de l’homme.
Pour rendre compte de l’unicité et de l’universalité de la rationalité humaine, une
refonte de la manière de lire et d’interpréter les descriptifs de l’homme s’impose. La façon
actuelle de lire et d’interpréter les signes de l’humanité est ancré sur la compréhension de la
226 Il faut cependant noter que dans la littérature économique, il est d’usage d’associer l’expression « calcul économique » aux néoclassiques, alors que l’homme rationnel à celui des classiques. Ceci provient de l’apparence : les néoclassiques utilisent du « calcul à la marge », alors que les classiques, l’évidence et l’homme sensé.
385
logique discursive du narrateur, (ceci relève alors de la rhétorique du narrateur), et ce, en
analysant ou en établissant un lien entre les concepts de représentation et le représenté ou
l’idée. Elle suppose, en l’occurrence, que l’homme, celui dont la littérature et les symboles
ont représenté, soit un sujet connu des lecteurs. Or, justement, l’homme dont la littérature est
en train de représenter est mal représenté, sinon remis en cause. Devant ce fait, la lecture et
l’interprétation des signes de l’humanité consistent à des opérations de vérification de la
présence de la rationalité dans le comportement des hommes décrits et susceptibles d’être
décrits, indépendamment des narrateurs. La question n’est pas littéraire, mais une découverte
de phénomène ou d’un concept susceptible d’expliquer le comportement général de l’homme.
Point n’est cependant besoin de lire toutes les littératures et d’interpréter l’art et tous les
symboles du monde pour y découvrir en fin de compte comme invariante la rationalité ; de
même il n’est pas besoin de poser comme postulat la rationalité (au contraire, il faut vérifier la
réalité de la rationalité). Devant ce fait, il nous semble, il faut s’interroger pourquoi l’homme
a-t-il besoin de parler de lui-même. La réponse se découvre alors : pour étudier la rationalité,
il faut faire une étude psychanalytique de ce qui a été dit sur l’homme et sur ce qui a été fait
pour le représenter. Autrement dit et dans le cadre de la formation de discours et de théories
économiques, il faut admettre en premier lieu que l’homme décrit par Adam SMITH dans sa
Richesse des nations provient non pas d’une donnée d’emblée sur l’homme, mais de la
conception psychanalytique de l’homme et de l’art. De même, lorsque Jérémie BENTHAM
avance l’utilité comme facteur de mouvement de l’homme, ou lorsque Vifredo PARETO
soutient que la peur et la peine sont les facteurs de détermination de l’action de l’homme, le
raisonnement de ces auteurs et leurs idées ne se comprennent que par les actions
indépendantes de la raison dont la psychanalyse et éventuellement l’art ont montré. Au départ,
il y a des actions inconscientes qui se pratiquent comme indépendamment des circonstances et
des volontés de chaque être humain et par lesquelles se reconnaissent les êtres humains. Nous
nous référons au constat de Sigmund FREUD, sur le fait que dans toutes les communautés
humaines, indépendamment de leur culture, l’homme s’interdit de quelque chose. Avec ces
démarches, notre thèse est que ce n’est pas sur la nature que s’appuie la rareté, mais sur la
conscience de genre donné par l’interdit. Pour découvrir l’homme, il nous faut donc retracer
non pas ce qu’il a fait, par ses volontés, ses besoins et désirs ou par ses envies, mais par ce
qu’il a fait malgré lui. Adam SMITH a déjà constaté ce fait par le concept de Main Invisible,
mais il refuse de considérer cette dernière comme étant la véritable cause de la valeur et de
l’essence des activités économiques. Pour rendre compte de ces faits, l’étude de l’identité de
l’homme doit commencer non pas par une étude comparative de la portée et des limites des
386
doctrines littéraires, mais par des prolégomènes préparant à la doctrine non pas littéraire, mais
de l’homme. Certains auteurs appellent cela les caractéristiques de l’homme.
Cette entrée en matière sur la question de l’homme a pour objectif de consigner les
contextes intellectuels de la gestation de la problématique de l’homme ; mais elle ne nous
indique en rien le processus technique de cette gestation. Mais ce dernier aspect de la
question, bien que apparemment relevant de l’étude du processus de prise de décision, est
avant tout une question d’ordre moral, car la question de qui suis-je pour un humain ayant le
sens d’être une créature est plus ou moins interdite, car elle relève d’un jugement sur
l’humanité. Aucune culture humaine n’oserait d’entreprendre de telle démarche. Mais ayant
lancé le débat, nous sommes obligés de continuer dans ce sens.
CONCLUSION DE LA SECTION
Ainsi, la question de l’identité de l’homme se pose lorsque le problème matériel est
sur le point d’être résolu, c’est-à-dire lorsque le savoir ou la conscience humain s’affirme ; la
question de l’identité de l’homme ne relève pas seulement de la situation, mais aussi du
rapport de ses sentiments et perceptions avec la situation appréhendée alors de façon
objective.
En outre, la perception de l’existence n’est pas une question d’appréciation de la
qualité de la vie, mais de la quantité de savoirs sur la nature et le reste. Le savoir, en effet est
une relation entre la cause et l’action ; il est de ce fait limité par l’impossibilité de faire un
inventaire des actions humainement possibles et de la connaissance de la détermination des
actions de l’homme. Il faut du temps pour augmenter le savoir, ou plus précisément pour
parvenir à un bouleversement de ce que connaît l’homme. Le temps, cependant n’apportera
pas un plus pour la connaissance de l’homme, car la variation de la quantité
La question de l’homme se pose durant la crise ; mais l’homme est toujours en crise,
ou le malaise est dans la nature même de l’homme. La connaissance de la nature de cette
malaise peut mener vers la connaissance de l’homme objectif ou « l »’homme.
L’homme de l’économie est l’homme pensé.
387
SECTION II – DE L’HOMO ŒCONOMICUS DEVANT « L »’HOMME INTRODUCTION
Le thème de l’homo œconomicus
Etant donné les différents thèmes de la décomposition du thème de l’homme, nous
allons, par la présente section, emprunter le thème philosophico-religieux du « lieu de repos »
pour y étudier non pas un fragment de l’homme, mais l’homme dans sa totalité indivisible
quoique hétérogène car composée d’éléments multiples par nature. Le lieu de repos est
l’espace intellectuellement compréhensible, où le mouvement et l’action humaine cessent,
pour y trouver l’ultime objectif et motif de l’action, ainsi que pour y trouver le lieu où chute le
thème de l’homme. Plusieurs concepts désignent ce lieu : le cliché, l’art et le modèle ou la
représentation de l’homme, etc.
L’art et le modèle reproduisent l’homme en général dans un de ces moments précis de
sa situation ou de sa narration ; ou encore et ce qui revient au même, l’art et le modèle
reproduisent la situation momentanée de l’homme. Or, l’homme étant un être pensé, l’art et le
modèle désignent alors la pensée momentanée sur l’homme. Avec eux, le fardeau de l’image
de l’homme est extériorisé, et le poids exercé par l’existence de la représentation de l’homme
sur l’homme est atténué. Avec le modèle, la question sur le comportement de l’homme trouve
un répondant.
L’homme pensé cependant révèle des vérités cruelles sur l’homme réel que sa
conceptualisation semble être un pas ou des pas en arrière pour la connaissance de l’homme :
la représentation de l’homme indique l’homme idéal que devait être l’homme, elle est tout
sauf l’homme tel qu’il est ; l’homme idéal indique le chemin à faire, l’état à devenir, et non la
réalisation faite. L’homo œconomicus, par exemple, montre à quel point un homme ordinaire
n’est pas rationnel. En plaçant l’homo œconomicus comme un phare de comportement,
comme un horizon de mutation de l’homme, la science montre à quel point la réalité est loin
de l’idéal. Aussi, se posent des questions : le concept d’homo œconomicus est-il un
instrument permettant d’atteindre l’idéal de l’homme ? Avons-nous placé l’homo
œconomicus sur un piédestal qui ne lui est pas approprié ? Faut-il humaniser l’homo
œconomicus ?
388
Qui est-il donc l’homo œconomicus ?
L’homo œconomicus est un concept opérationnel est efficace que l’explication du
comportement de l’homme dans des situations problèmes pour lesquels il est conçu : le
problème de l’homme pauvre et irrationnel. La science économique a posé qu’il s’agit de la
pauvreté matérielle définie comme étant une carence de stimulant apaisant momentanément la
sensation du besoin. Elle insiste sur la matérialité du bien, c’est-à-dire sur l’ensemble
sensible et mesurable du bien. Mais le problème de l’homme ou le trouble de l’homme – pour
emprunter l’expression de « trouble d’ARJUNA » de la Bhagavad-Gîtâ – est dans le conflit
des valeurs étant donné l’unicité de l’origine des choses ou la dualité de l’homme. Le concept
de « homo œconomicus », de ce fait se trouve utilisé seulement dans une situation où
l’homme peut changer sans vraiment changer ; il est dans un conflit certes mais sa résolution
de dépend que de son comportement, de l’adaptation de son comportement et
paradoxalement, de son inflexibilité. Les économistes décrivent cette situation comme étant
un changement quantitatif étant donné le retour cyclique. Pour les économistes, l’homo
œconomicus est une pièce mécanique flexible qui s’adapte au jeu de sa situation.
Comment peut-on rendre compte de cet état ?
Vers le lieu de l’homo œconomicus
A cet effet, la voie la plus simple serait d’étudier le sens des concepts du paradis des
littératures religieuses qui désignent le lieu « physique » de l’homme (entre guillemets, car
d’après certaines interprétations de la bible et même du coran, aucun corps physique humain
n’ira dans ce lieu) ou encore du sens des mots « bonheur », « liberté », etc., ainsi que tous
autres concepts dont la philologique de chaque langue nous offre pour nommer la chose sentie
par l’homme et qui le pousse à agir et que nous dénommons par le mot « richesse ». Sans
vouloir entrer dans une définition préalable de la richesse et dans une hypothèse où les agents
ont une intuition de la richesse, alors force nous est d’établir une correspondance de sens entre
les termes « bonheur », « liberté », etc., avec lesquels la littérature définit la richesse et le mot
« richesse » - avec lequel la science économique définit le mobile de l’action individuelle.
Dans cette correspondance, l’homme apparaît clairement être sur la voie menant vers la
richesse, ou plus précisément le thème de « l »’homme désigne un être sur en voie de devenir
heureux. Les économistes des années 50 y voient un être ou un pays « en voie de
389
développement » ; alors que les politiciens du début de ce siècle utilisent le concept de
« progrès ».
Nous abandonnons ainsi la recherche des qualités intrinsèques de l’homme pour
mettre en exergue ses moteurs de dynamisme et ses lieux d’aspiration, en supposant que seul
l’homme en est nanti. Ainsi faisant cependant, nous risquons de sombrer dans les variétés de
discours dont l’anthropologie en rend compte, alors que notre objectif est de chercher le point
commun de tous les phénomènes vernaculaires ; nous voulons montrer un phénomène (la
conscience de l’identité de soi de l’homme, le fait que l’homme s’est découvert lui-même et
qui le pousse à mieux être) à travers la variété de leur manifestation culturelle.
Devant ce fait, la question de l’homme sera abordée à partir de la façon dont chaque
type de langage permet de visualiser l’homme. Il s’agit d’une disposition intellectuelle
adoptée pour discuter de l’homme, et non pas des conditions socio-matérielles. Cette
disposition intellectuelle est manifestée par le choix thèmes plus ou moins associés à chaque
langage. En effet, chaque langage définit un ensemble de thèmes associés à un sujet et par
lesquels se comprennent les communications. Cette affirmation est soutenue par les traces
laissées par les documents écrits par les langues écrites. Un survol des contenus de la
littérature laissée par quelques langues laissent installer l’intuition de l’existence de ces
thèmes plus ou moins partagés. Généralement, ces thèmes sont des formules magico-
religieuses, des textes se rapportant sur la médecine, l’histoire et les conseils des sages - pour
ne pas dire philosophiques. La langue copte, une langue hybride de l’égyptien et du grec, dont
les premières traces remontent vers le VIIe siècle av. JC, selon les informations tirées de
l’encyclopédie Encarta – 2009 retracent ces thèmes ; il en est de même pour le « sorabe »
antemoro227.
Chose étrange d’ailleurs, certaines langues adoptent d’autres langues ou des
vocabulaires spécialisées pour parler de leur religion. L’Anglais par exemple, a son « thou »,
« thee » pour s’adresser à leur dieu ; les coptes utilisent la langue grecque ou le guèze pour
leur liturgie. L’importation de la religion explique en partie cet usage spécialisé d’une langue.
En outre, des langues sont usitées pour le commerce, telle est la langue démotique.
227 Voir à ce propos la préface de Lars DAHL « Le manuscrit A 6 d’Oslo », Ed. TPFLM
390
Ce n’est donc pas vraiment l’homme, le chercheur, qui cherche l’homme, mais « sa »
langue, « la » langue unique à partir de laquelle dérivent les autres langues228. Chaque langue
- ce qui équivaut à une façon de communiquer d’« un » homme - cherche à travers des mots
appropriés, la forme et le contenu exacts de l’objet nommé, et parmi ces objets décrits figure
également l’homme. Les objets identifiés par les langues sont, dans la mesure du possible,
consignés dans des dictionnaires. Généralement, le dictionnaire de chaque langue ou chaque
système individuel de stockage de mots - fournit plus ou moins indirectement les thèmes
associés à chaque mot, ainsi que les différents concepts proches du thème. Mais le
dictionnaire est limité aux mots et expressions courants ; quelques-uns d’entre eux dressent
même les circonstances d’utilisation de ces mots ou encore, à l’instar du dictionnaire latin-
français de QUINCHERAT, les auteurs et les œuvres dans lesquels pour la première fois, le
mot en question. Dans le sens de la construction d’un dictionnaire non pas des synonymes
mais de nomenclature des mots, nous nous demandons et cherchons quel a été le premier mot
partagé par tous les êtres humains et à partir de qui dérivent les autres mots et langages. Quel
est le mot ou le terme qui s’incruste définitivement dans la pensée humaine et y reste à jamais
et fabrique le comportement, les normes et les valeurs de chaque être humain ? La question
ressemble à une recherche de la pierre philosophale, ou d’une gnose magique, mais en fin de
compte il s’agit d’une quête d’une vérité ou d’un thème fondamentale assertorique à partir
duquel nous pouvons explorer et développer pour expliquer et découvrir la véritable nature de
l’homme.
Aussi, notre dessein n’est pas de nous nous interroger quand et dans quelles
circonstances chaque grand type de langages présente-t-il la question de l’homme devant
l’homme et comment cette question s’incruste-t-elle dans la pensée humaine, et d’une façon
générale, quand est-ce que la question se pose en lui ou dans quelles conditions cette question
est soulevée et pourquoi cette question se pose-t-elle. Ces questions relèvent de la
connaissance de l’homme étant donné la relativité de la culture. Le fond de la question est
plutôt technique : avec quel moyen linguistique l’homme parvient-il à construire un ensemble
de thèmes touchant l’homme, la production et d’autres sujets avec lesquels l’homme se
discute. La question finale est donc comment l’homme a-t-il pu se construire en thème et en
sujet ? Où peut-on localiser ce thème ? Tel est l’objet de la présente section intitulée « Où est
228 Nous ne voulons pas entrer dans le débat des spécialistes des linguistiques portant sur la relation entre les langues. On note d’ailleurs la variété des concepts définissant les liens entre les langages : « parenté », « évolution », etc. En effet, la découverte de la langue indo-européenne, a ouvert des réflexions, d’où la question : est-elle une langue commune ou est-elle la langue originale ?
391
l’homo œconomicus ? ». (Nous démontrerons alors successivement que l’homo œconomicus
est dans un lieu de conflit, (un milieu hostile, voire interdit), dans le mouvement, à l’intérieur
de l’homme incarné).
Le lieu de l’homo œconomicus
Pour pouvoir répondre à cette question, imaginons l’homo œconomicus comme
l’homme, une représentation, une réaction. Comment est-ce possible ? Serait-ce seulement le
fruit de l’illusion de la pensée ? Ou encore seulement un jeu de mot ? Une métaphore ? Mais
laissons de côté momentanément le doute et poursuivons nos investigations en cherchant le
lieu de l’homme, l’homo œconomicus ou de la réaction dans le récit.
L’homme se trouve dans le récit ; le récit est le lieu de « l »’homme ; celui de l’homo
œconomicus l’est donc également, l’homo œconomicus est dans le récit. Toute la question de
lieu de l’homo œconomicus est aussi dans la construction du récit. Cette situation renvoie nos
réflexions vers le premier chapitre du présent livre : le récit de la création ou de la déchéance
de l’homme. L’homo œconomicus est l’homme de la fiction retracé dans les récits de groupe
culturel particulier - le héro indo-européen ou la divinité et les spiritualités égyptiennes et
hindoues. Comme l’homo œconomicus de la science économique, celui de la littérature
explique et décrit le comportement de l’homme idéal.
Aussi, l’hypothèse farfelue soit-elle de l’homo œconomicus comme étant aussi
« l »’homme ouvre la perspective de ce sujet vers le partage de l’homme de l’économie à
d’autres disciplines, et le transforme en phénomène dont le lieu est le compte rendu de la
science ainsi que son usage. L’homo œconomicus n’est pas seulement dans la science
économique, mais aussi dans une partie des discours des autres disciplines scientifiques.
Le problème cependant est le morcellement de l’espace récitatif dans lequel se trouve
l’homme. L’homo œconomicus est le récit de l’espace économique. Son acceptation par
d’autres disciplines permet aussi d’affirmer que son récit est dans l’espace de chacune de ces
disciplines. La démarche que nous avons utilisée pour construire nos réflexions sur l’homme
nous suggère de chercher la source commune des récits, le lieu originel de tous les thèmes
communs et d’en dégager l’unicité des nuances et des différences ; il nous faut examiner donc
le lieu commun de toutes les disciplines académiques. Notre objectif finalement est d’investir
la connaissance et le connaissable de l’homme pout y trouver non pas la nature du
392
connaissable, mais ses limites et sa pesanteur son poids, par rapport à l’homme229. C’est
pourquoi, nous pensons que l’homo œconomicus lui-même est aussi l’espace de l’homme ; il
est alors le corps scientifique de l’homme : tout ce qui se dit sur l’homme s’adresse en réalité
à ce que l’homme a d’intelligible dans sa quête de survie.
D’où ce qui arrive à l’homo œconomicus est l’évènement de l’homme. Il est le lieu de
conflit, dans le mouvement et intériorisé. L’homo œconomicus est une structure qui délimite
le conflit, organise les actions ou le mouvement possible de l’homme et symbolise le trouble
ou la pulsion de l’homme. Ainsi, l’homo œconomicus est l’expression à la fois du lieu et de
l’action. C’est en tant que tel d’ailleurs que la science économique l’a perçu et lui a attribué la
rationalité comme principe de l’action. Le lien entre l’objectif et les moyens est, d’après la
science économique actuelle dont l’objet est de rendre intelligible la variation de la richesse
ou la satisfaction du besoin étant donné la rareté des moyens, le domaine de l’homo
œconomicus. Le concept d’homo œconomicus permet d’envisager la possibilité d’existence
de l’homme dans ces conditions.
, alors qu’en fait, l’homo œconomicus est lui-même ce lien ; il est la rationalité
absolue, car il fusionne en lui seul le principe de l’espace et de l’action appropriée donc.
PARAGRAPHE 1 – LE THEME DE HOMO ŒCONOMICUS DELIMITE LES SUJETS DE DEBATS SUR L’HOMME
Les questionnements qui ont conduit l’homme vers la quête du sens de la vie et de
l’action humaine sont le résultat du trouble intérieur de l’homme, et même plus d’un
déchirement intérieur de l’homme : des idées différentes troublent la sérénité théorique de
l’homme, que le trouble lui-même est considéré comme une nature de l’homme. Ils ternissent
l’image ou l’hypothèse de la cohésion interne de l’individu souverain. Des imprécisions
existent en ce qui concerne le lieu et la nature de ces débats : quelles parties de l’homme
s’opposent les unes contre les autres pour que ces questions puissent soient posées ? Le cœur
et la raison ? et la conscience ou l’inconscience ? L’homme est vraiment un être dual.
La psychanalyse avance leur modèle de l’homme dual composé facteurs conscients et
de facteurs inconscients, alors que l’économie défend l’idée de la primauté de la raison
matérielle sur le sentiment. Dans les deux cas, l’intérieur de l’homme est fait de débat et de
péroraison ; autrement dit, l’homme n’est pas un monde silencieux et calme, mais tumultueux,
229 Tel est la problématique développée par TEILHARD DE CHARDIN dans son « Phénomène humain »
393
voire mouvant et risqué. La littérature distingue deux situations de ce débat : celui du moment
d’introspection et celui de moment où une emprise extérieure se fait sentir et qui se traduit
alors par de l’action. L’homme ou le corps de l’homme ou la mise en corps de l’homme est le
lieu de ce débat ; il délimite le conflit.
La littérature économique, pour sa part, a introduit le thème de la richesse – non pas
que la richesse soit un phénomène universelle, mais pour symboliser la récompense et réduit
la discussion sur l’homo œconomicus au seul enjeu de l’appropriation de la richesse. La
question provocatrice de la science économique se porte sur la nature et sur la cause de la
variation de la quantité de la richesse. Puis avec les marginalistes, la question se précise sur
l’homme et la richesse. En fait, la littérature économique insinue que la discussion est fait par
les économistes entre eux et se porte sur l’observation du comportement de l’homme en
général au moment de la distribution de la richesse. L’homo œconomicus est une discussion
d’économistes sur le thème de comportement de « l »’homme étant donné le besoin ou du
comportement des hommes étant donné la richesse. C’est dans ce cadre que le concept
d’homo œconomicus a été conçu.
L’expression « homo œconomicus » est une représentation destinée à être critiqué et
débattue ; elle est alors dans un lieu de débat et de péroraison qui n’existe sûrement que dans
les communautés humaines, du moins depuis la prise collective de conscience de l’espèce.
Elle évolue avec le débat en étant au centre, car elle remplace tout ce qui se dit sur l’homme.
Notre intention n’est pas cependant de décrire le fonctionnement et les fonctions de
l’institution de péroraison, qu’elle s’appelle « tribunal », « église », ou autres, mais de montrer
le lien entre la représentation de l’homme et le débat, c’est-à-dire la critique non pas de
l’homme réel, mais de celle de l’homo œconomicus. Au terme de cette section alors, nous
découvrons que la représentation de l’homme n’est pas et ne peut pas achevée, autrement dit
aucun modèle économique ne peut pas être satisfaisant, parce qu’il est dans un système de
crise. En termes économiques, nous dirons que l’homo œconomicus agit dans un système de
marché imparfait et non pas de concurrence pure et parfaite.
I Du lieu de péroraison
Le raisonnement ou le jugement critique de l’homme est une activité localisée dans un
domaine d’argumentation et de péroraison. L’homme n’est cependant pas seulement que de
raison, mais aussi de sens commun, silencieux et active. Dans ce dernier lieu, l’action est
394
l’argument ; ce lieu est de ce fait un lieu de combat et de lutte. Nous traiterons de ce dernier
dans le point suivant.
Les doctrines sont les preuves du caractère inhérent du jugement critique de et dans la
nature humaine. Elles ont apporté les règles et les normes de comportement. Leur fondement
n’est pas la croyance forte ou la conviction profonde qui anime le choix, mais l’interdit qui,
en fin de compte, se pose en un obstacle fondamentale par lequel est apparu le comportement
ultérieur humain. La notion de la richesse, elle aussi n’est pas une doctrine, mais plus que
cela, une composante intrinsèque de la nature humaine. Par conséquent, la notion de doctrine
relève d’une vulgarisation de l’interdit. A force de penser, de parler, de rappeler et de discuter
de l’interdit, émerge spontanément une façon orthodoxe de comprendre et d’interpréter l’état
donné de l’homme et de concevoir le système humain hors de son cadre naturel qu’est
l’interdit, pour le placer dans la routine du quotidien de la règle et de la régulation. Aussi,
dans la vie pratique, l’interdit est transparent. Il se manifeste dans les invariantes de la
régulation sociale sous forme de péroraison et d’argumentation. Il est la pratique qui, dans
toutes les communautés humaines, dépense le plus de temps de réalisation avant même la
production ; de plus, elle établit les liens sociaux.
L’homme se présent ainsi dans la société, non pas comme une manifestation de
volonté arbitraire, mais de champ d’arguments avec lequel il s’exprime. La compréhension de
ce champ est ce que Adam SMITH nomme « sympathie ».
A De la péroraison comme liens sociaux
La péroraison suppose des champs d’argumentations et de la délibération. Pour ce
faire, l’homme de l’économie, dans ses discours, suit une piste intellectuel dont il a ouvert la
voie ou que d’autres avant lui l’a fait, et laisse aux autres le soin de continuer cette direction.
L’homo œconomicus est alors sur une piste intellectuelle, une doctrine, qui lui sert de lieu
critique. En outre, il puise ses arguments dans un référentiel convenu d’avance entre les
participants du discours. Pratiquement, ou dans un système économique de marché, le
discours est remplacé par une sorte de vote dont les bulletins sont l’argent apporté par les
demandeurs, ou la demande globale. Aussi, le coefficient budgétaire au niveau de la
395
communauté désigne la quantité ou la masse et la nature de produits existant dans la
communauté et cernant l’individu. Cette conception économique s’est érigée en doctrine230 .
Les débats et raisonnements dans lesquels participe l’homo œconomicus sont ceux en
rapport avec le prix et la quantité. L’imagerie dans la littérature économique, en effet, utilise
des concepts anthropomorphiques de leur modèle et considère que ce dernier « effectue » un
choix, et cherche à maximiser le profit. Cela renforce certes l’idée que l’homo œconomicus
est un être réel ; nous avons d’ailleurs adopté ce démarche tout en sachant que notre intention
est littéralement de le démontrer (de-monstrer) pour en faire un être ou un objet ordinaire, non
caché au risque même de le transformer en humain.
La doctrine est donc le lieu de puisement d’arguments même de l’homo œconomicus,
lorsque ce dernier est confronté à une crise permanente et de forme répétitive.
Dans la pratique économique, quelques thèmes sont devenus des doctrines, entre
autres, le libéralisme. Dans ce thème, le problème dépasse le cadre de la théorie économique
et embrasse aussi le thème de la religion et de la politique. La doctrine de libéralisme est en
fin de compte un thème de la culture, car elle ne se pose que dans un débat occidental, au
même titre que le thème de la liberté. Mais il existe un problème équivalent ou récurrent du
libéralisme dans les autres cultures, notamment sur le thème de la relation entre l’État et le
peuple. Pour le cas de Malgaches, plus particulièrement, des chercheurs comme FRIMACCI
en a découvert que ce peuple a une culture dans laquelle l’État est toujours un monstre
suspecté. Cette conception est généralisée par Mark BLOCH lorsque ce dernier avance que
dans les pays asiatiques actuels, la position de l’individu se définit par la position de classe et
par le rang. Le rang est chez les Malgaches conceptualisé par le concept d’Andevo, Andriana
et Hova.
La question économique sur le libéralisme a été posée par Adam SMITH et TURGOT,
sur les thèmes de l’intervention de l’État dans les activités économiques. Elle s’inscrit dans
des débats portant sur la nécessité d’une liberté personnelle, littéraire, politique, religieuse,
230 La doctrine, conformément à la philosophie scientifique d’Ernest MACH, économise la pensée et permet de ne plus revenir sur certains propos déjà dits. Elle suppose un ensemble de concepts et de relations logiques à travers lesquelles se construisent le raisonnement et les débats. Il existe plusieurs types de doctrines. Dans la littérature, il est question de doctrine religieuse, et à l’intérieur de chaque religion, chez les catholiques, l’expression « doctrine sociale de l’église », entre autres faits son chemin. Chez les protestants, il est question de doctrine de prédestination, et de doctrine de l’épreuve ; c’est dire autrement que le concept de doctrine correspond à un enseignement et que l’homo œconomicus est donc par cette position, un être en plein découverte par l’enseignement, du monde.
396
etc. Dans ce sens alors, le libéralisme est un débat provenant du conflit de rôle entre l’individu
et l’État. Puis, les débats évoluent et donnent naissance à une nouvelle conception du
libéralisme, celui où il y a moins d’État et plus de marché (VERGARA, Libéralisme et
éthique, 2000). Une nouvelle ligne de débat sur le libéralisme s’ouvre alors avec les travaux
de Léon WALRAS. Elle s’appuie sur l’opposition entre les individus et sous le contrôle du
marché. Deux points soulevés par Adam SMITH sont alors précisés par cette approche :
l’interdépendance économique des agents économiques individualistes et l’existence d’une
harmonie sociale malgré le caractère antisocial des agents économiques. A la place de la Main
invisible, les nouveaux débats, par les travaux des Gérard DEBREU, HARROW et HANN,
ont introduit un nouveau concept : l’équilibre général. Ce dernier fonctionne dans un marché
– et non plus dans la société – parce que le marché est, selon Maurice ALLAIS efficace dans
l’affectation de marchandises (MARIS, Le suicide du libéralisme économique, 2003).
Devant ces débats, certains auteurs constatent alors que la science économique elle-
même est au service du libéralisme (De VROEY, 2002)
La formation de la doctrine relève de sa publication. Les médias et les institutions de
formation académique sont les faiseurs de doctrines. Mais avant eux, les édits de la notoriété
politique ou religieuse sont des forces clés de la formation des doctrines
B La péroraison comme lieu de profit social
Etant donné la doctrine économique, l’homo œconomicus s’érige en innovateur et
surpasse régulièrement la routine engendré par la croyance à la doctrine du libéralisme. De ce
fait, l’homo œconomicus est dans une situation conflictuelle, mais aussi dans une situation
d’improvisation et d’innovation des lois et doctrines, plus précisément, l’homo œconomicus
défie les doctrines et les transforme en loi. Le conflit est le lieu de l’émergence de l’homme
de l’économie231. L’homo œconomicus y puise son caractère dominant : de la force en calcul
économique au détriment de la moralité. Cette nouvelle génération, selon DUMONT, provient
de la séparation de l’économique avec l’éthique (VERGARA, Les erreurs et confusions de
Louis Dumont, 2001) : l’homme peut, selon encore DUMONT, désobéir à toutes les règles y
compris celles de la religion, sauf aux lois économiques. La soumission aux lois économiques
231 Louis DUMONT en 1977 dans son « Homo aequalis » a montré l’origine et la localisation du thème de l’homo œconomicus dans un système où l’individu et le marché dominent.
397
ou la désobéissance aux autres lois sauf celles de l’économie est le signe distinctif de la
société moderne.
Que gagne l’homo œconomicus dans la transgression des autres lois ou dans la
soumission aux règles économiques ?
La réponse est la rationalité de Max WEBER et de KEYNES. Pour le premier suivre
une loi relève d’une rationalité matériellement gagnante, alors que pour le second, le constat
de déséquilibre sur le marché profite les individus.
II Du milieu hostile
La localisation de l’homme peut aussi être saisie par les limites physiques de sa
résidence. Mais l’homme n’est pas seulement le physique mais aussi le mental ou autre
phénomène que la philosophie et l’anthropologie ont mis en relief : du sentiment, de la raison,
de l’âme, etc. Nous avons avancé le mot « trouble » ou « pulsion » pour désigner les abstraits
qui figurent aussi dans l’identité de l’homme. Ces derniers n’ont pas de lieu physique.
La question de la localisation de l’homme a été posée dans la science économique
actuelle et dans la sociologie, en termes de résidence, tout en sachant que ce concept renferme
deux composantes : la résidence physique (le lieu, le local et ses matériaux de construction et
d’ameublement) et la résidence sociale (les liens sociaux des occupants d’un lieu physique).
Le choix de la résidence répond de ce fait à des préoccupations de bien-être défini en termes
de matériel et de social. Dans un contexte où les matériaux de construction et d’ameublement
sont fournis directement par la nature, la dépendance individuelle à la société n’est pas une
nécessité, l’homme peut se trouver partout isolé ou regroupé. Mais si un coût (de construction
par exemple) intervient, un minimum d’organisation s’impose, le rapprochement social
s’organise en division de travail et en organisation politique. Le choix de résidence physique
s’explique par une démarche inverse de l’explication du rapprochement social : quand les
règles et valeurs sociales n’arrivent plus à s’imposer aux membres de la société – on est en
présence de ce que Emile DURKHEIM appelle par le concept de « anomie » - la société
s’éclate et le critère social de choix de résidence n’est plus de mise ; l’homme peut se trouver
dans les milieux morphologiquement différents.
L’anthropologie et la sociologie précisent ce cadre de l’effondrement de liens sociaux
en circonscrivant d’abord l’unité social au niveau de liens de parentés. La famille est, pour ces
398
deux disciplines, l’unité sociale dans laquelle se manifeste la tension sociale. C’est au sein de
la famille que se tient la multiplication des individus, et c’est, dans ce sens, dans ou à travers
l’ensemble des familles que se perçoit l’homme ou l’humanité. Le choix de conjoint est de ce
fait l’origine double de liens naturels sociaux : il détermine le statut social de l’individu - le
titre de la dénomination de parenté en est la preuve -, et il fixe qui intègre la communauté et
qui en est exclu (exclusion par le départ pour le mariage ou inclusion par le mariage). De
même en est-il de la reconnaissance ou non du divorce, ou de la pratique ou non du mariage
exogame ou la pratique de la polygamie ou de la polyandrie.
L’horoscope est aussi un autre déterminant, révélé par l’anthropologie, de la
distribution spatiale de l’homme. Elle fixe d’abord les variétés de différence entre les
hommes. Ce fait est flagrant dans les cours royaux et dans les lieux de prière et peut être
étendu au niveau de la distribution des places dans les caveaux familiaux ou dans les lieux de
sépulture des familles ou du clan (Voir par exemple le « Fitampoha » sakalava). Dans la
mesure où l’horoscope répond à des besoins de la reproduction et de la stabilité sociale, alors,
en fin de compte, la répartition spatiale de l’homme en fonction du centre de cet espace
(occupée par l’important de la société, en l’occurrence, le totem ou le potentat) relève de
l’application du rapport social au niveau de la communauté. Il y a une correspondance entre
ce qui se passe dans la famille avec ce qui se passe au niveau de la nation. Dans une société
matriarcale ou dans une société patriarcale, la position spatiale de la mère ou du père
détermine celle des autres membres de la famille selon les valeurs adoptées par la famille.
EVANS-PRITHARD note que les premières communautés humaines étaient matriarcales
(EVANS-PRITCHARD, « La femme dans les sociétés primitives et autres essais
d'anthropologie sociale », 1963). Ramenée au niveau de la famille élargie ou du clan, la place
de la mère ou du père est occupée par le totem (dans le cas malgache, il s’agit de l’ancêtre
commun, « razana iombonana »), sinon du monarque fondateur d’une dynastie.
Quand le totem n’est plus matérialisé (le cas par exemple où à la place d’un être
vivant, on vénère un objet immatériel, l’âme d’un défunt), alors la place de l’homme dans
l’espace prend un autre aspect : on constate que dans certaines communautés adoptant cette
approche, la place centrale est évitée et crainte ; l’homme accepte de vivre dans les milieux
hostiles, tout en sachant que le milieu propice leur est physiquement accessible : les bords de
l’eau, les pentes des falaises, le pic des montagnes, etc., alors que tout proche, les places les
plus sécurisées sont délaissées à des lieux de cultes ou de la politique. Nous sommes alors
dans une situation d’irrationalité dans le sens économique du terme.
399
III Du milieu interdit
Placer l’homme dans un milieu limité dans certaines dimensions, c’est soutenir aussi
que l’homme est un être déterminé et qu’il est en train de s’affranchir des emprises de cette
détermination.
La nature ou l’espace est la dimension visible de l’homme ; mais l’homme est aussi
interdit dans d’autres dimensions notamment religieuses. Le schéma est le suivant : le premier
narrateur, celui qui narre le monde sensible, impose des interdits en imputant leur fondement
à une détermination extérieure. Le concept de référence est alors le « pur » et l’ « impur ».
Puis, au fur et à mesure de la décentralisation de la religion, la référence de la description
change et le critère est le « bien » et le « mal ». Un autre éloignement du centre interdit mène
vers un autre ensemble de référents : l’ « utile » et la « pratique ». D’autres critères vont
caractériser le milieu qui va héberger la narration du modèle de l’homme, faisant en sorte que
ce lieu en question est un lieu de rejet et d’attraction, un lieu dual ou de déchéance et de
rédemption, L’homo œconomicus habite non seulement un lieu de conflit, mais aussi des
espaces interdits, sans quoi rien ne vaut d’être narré. Conséquence, l’homme est dans un lieu à
la limite de l’interdit. Il est loin d’être le dominateur de la nature selon la bible ; au contraire
son territoire est restreint par rapport à ce qui lui est interdit. Concrètement, la propriété privée
est plus dense que le bien public. Pour survivre le citoyen est obligé d’enfreindre
régulièrement et peut-être inconsciemment la loi.
Les sciences et la religion indiquent la réalité de la dualité ou la pluralité de l’espace
pour parler de l’homme : un lieu matériel et un ou plusieurs lieux d’une autre dimension. La
délimitation de la part des lieux cependant n’est pas précise. L’anthropologie caractérise
chaque part de ces lieux par le concept de « interdit » et de « permis », alors que la
philosophie utilise les critères de « bien » et de « mal », d’utilité ou de non utile, de vrai ou de
faux. Puis des critères comme « vie » (et la mort), sinon de la richesse (et de la pauvreté) sont
utilisé pour placer l’homme dans un lieu.
La diversité, voire la pluralité, de ces critères permettant de situer l’homme dénote des
différences culturelles de la dénomination et de la perception de la dualité de la situation de
l’homme. Par pluralité des lieux de l’homme, nous voulons mettre en relief la diversité des
lieux où se puisent les arguments pour parler de l’homme. Il ne s’agit donc pas de l’espace
physique où habite l’homme, mais une sorte de lieu où sont issus les thèmes utilisables pour
400
parler de l’homme et plus précisément de l’homme de l’économie. Pour simplifier le discours,
nous pouvons donc réduire l’espace de l’homme dans deux lieux : le permis et l’interdit.
Comment peut-on donc vivre étant donné l’exigüité de l’espace vitale ?
C’est en enfreignant les interdictions que l’homme peut vivre. Ce n’est pas la carence
d’un bien qui est important dans l’économique, mais la charge de l’interdit. Si, comme des
loups, les hommes peuvent s’entretuer, et que comme des charognards ils peuvent manger la
dépêche de ses semblables, alors le problème du besoin est résolu à l’échelle humanitaire.
Mais les hommes s’interdisent certaines actions et certaines nourritures ; ils se condamnent à
l’épuisement et finalement, la mort les rattrape. Par contre en étendant son espace vitale, son
territoire, au risque de se faire damner par les dieux, ils résistent et subsistent jusqu’à ce que,
un jour, ils triomphent en imposant un ordre de leur choix.
Aussi, l’histoire de l’humanité n’est pas une histoire de la lutte entre les hommes étant
donné le patrimoine collectif de l’humanité comme l’affirme la théorie marxiste, mais une
lutte de « l »’homme contre l’emprise de l’interdiction ; c’est l’histoire de la profanation du
sacré et du tabou, du réservé et consacré. On ne peut pas cependant parler de l’histoire de
l’homme car la profanation ou le profané n’est pas le territoire de l’homme et que l’homme
n’a rien acquis de la nature. L’homme n’est que « être » dans le seul point de l’espace infini
qui lui est permis de vivre. Autour de lui, s’étale l’immensité, l’océanique, l’infini interdit ;
sur lui ou sous ses pieds, le seul point qui lui est permis, le seul espace qui lui est destiné.
Aussi, « l’être » de l’homme ne fait que la déchéance de l’espace par rapport à une situation
originelle. Le vide, les ténèbres, l’eau océanique et l’air ou le souffle du récit biblique de la
création étaient encore un espace unique consacré à Dieu. Mais une fois que l’homme arrive,
une partie du réservé est approprié et destiné à l’humanité. L’homme apporte la déchéance des
lieux. Désormais, la valeur ou le poids de la nature est issu de l’homme.
Ainsi, l’homme émerge du sujet ou du thème de conflit. Il ne s’agit pas seulement
d’un conflit verbal et judiciaire, ou technique, mais une trouble intérieur de l’homme dans sa
totalité ; un trouble qui dépasse le mental ou le physique ; c’est un conflit existentiel issu d’un
regard autocritique de l’homme, vivant dans un monde hostile et étranger. Ce trouble produit
de l’énergie et pousse l’homme vers l’action, vers le mouvement.
CONCLUSION DU PARAGRAPHE
401
L’homo œconomicus ne s’arrête pas à une idée. Il suit un chemin qui, finalement, ne
fait qu’ouvrir et fait découvrir ce qu’on peut connaître de l’homo œconomicus. Littéralement,
l’homo œconomicus suit une méthode (littéralement, une voie) pour laquelle il s’expose à des
critiques.
Pour expliquer ce caractère particulièrement humain du choix de résidence, la relation
entre l’homme et le milieu ambiant, FREUD, dans son « Malaise dans la civilisation » affirme
la réalité de sentiments immédiats qui orientent l’action humaine et qui sont conceptualisés
par le mot « moi » ou « ego ». Ce dernier est l’élément stable de l’être humain ; il est localisé,
selon FREUD, dans le « soit », une façade limitant le moi dans l’apparence et l’inconscience.
L’homme conscient et agissant, l’homo œconomicus des théories économiques, est donc
enfermé par cette carapace d’inconscience et d’apparence ; la thèse est emprisonnée par
l’antithèse. Il faut reconnaître que la question n’est pas aussi simple telle qu’elle a été
formulée. Le rapport de «moi » avec le « soit » est un débat philosophique dont ont participé
des philosophes qui s’y sont illustrés : les existentialistes, notamment Jean-Paul SARTRE,
HEIDEGGER, entre autres. Les philosophes ont affirmé que le moi ou la conscience du «
moi » ne peut se réaliser non pas par le moi lui-même (moi ontologique), mais par la nature.
C’est par la conscience de la présence de la nature que le moi arrive à se poser comme
existant lui-aussi. Or, cette nature dont la présence est consciente par le moi n’est pas
forcément réelle, ce qui fait que la conscience de soi, issue de cette conscience de l’autre n’est
pas elle-aussi une réalité. Le discours sur la réalité de l’homo œconomicus, dans ce sens, est
donc le résultat non pas d’une synthèse philosophique, mais une position philosophique
adoptée implicitement dans les méandres des débats et doctrines philosophiques. Nous ne
voulons pas défendre la réalité de l’homo œconomicus par des arguments philosophiques, et
nous ne pouvons pas le faire d’ailleurs ; mais ce que nous avons fait, c’est d’avoir exploité le
thème de la philosophie (existentielle), pour ouvrir un débat conceptuel, tout en croyant
fortement qu’il ne s’agit pas seulement que de concept, ou une intuition, mais une réalité
pratique issue d’une autre croyance forte : l’existence d’un ordre transcendante.
Ce moi franchit régulièrement le soit ou sa carapace pour s’affirmer. Ce passage,
cependant n’est pas facile, mais jalonné d’entraves dont la forme directe est l’hostilité
extérieure qui n’est rien d’autre que l’image de la tribulation intérieure. L’intuition de richesse
est cachée alors par l’interdit ; la théorie économique, par le concept « homo œconomicus »,
a fourni un instrument conceptuel d’importance à la psychanalyse, et celle-ci l’a exploité pour
justifier l’extériorisation du moi ou, en termes politico-religieux, des discours de libération.
402
La faute des économistes est que le concept du marché ne peut pas couvrir l’idée
véhiculée par le concept de richesse, mais seulement celui de la marchandise, c’est-à-dire
l’objet matériel rare et destiné à satisfaire le besoin, et que l’homme ainsi déduit est unique,
mais partagé par la compréhension d’un conflit artificiel de position.
La péroraison suggère l’existence d’un comportement idéal. C’est au moment de la
discussion que se réalise la conscience de l’écart entre ce qui est fait et ce qui aurait dû être
fait. Dans ces discussions cependant, il apparaît que ce n’est pas l’homme contre l’extérieur
qui est, mais l’homme contre son intérieur. Cela ne remet pas en cause l’hypothèse de
l’unicité et de l’intégralité de l’homme, car la contradiction – si il y en a – provient de
conception basique erronée : par exemple, une conception selon laquelle l’homme «
extérieur» est un reflet de l’homme « intérieur ». Or dans la réalité, il ne s’agit pas de reflet,
mais d’une unité232. Nous avançons donc l’hypothèse que l’homme que la science considère
comme intériorisé est le véritable homme, celui qui se permet de dire « je » («aho » ou
« iaho » dans la prononciation de certains dialectes malgache et qui peut être traduit
littéralement par « le je »). C’est le « je » égoïste qui est décrit par la littérature économique
actuelle, nous voulons élargir ce « je »-là par l’adjonction de ce dernier avec un autre « je »
inclusif de sorte que l’individu qui s’adresse à lui-même s’exprime en réalité en termes de
« nous ». C’est là que réside l’idée de reformulation de la littérature économique.
232 Cette unité de l’homme dans la dualité du corps est bien exprimée littéralement dans la conception biblique de l’homme et du mariage.
403
PARAGRAPHE 2 - LES FAITS DE L’HOMO ŒCONOMICUS
Une fois les circonstances du questionnement sur l’existence identifiées, alors se
posent des questions portant sur l’enjeu de la question de l’existence : Que cherche l’homme
durant une période critique de son existence ? ou qu’est-ce qui justifie le retour à la normale
après une période critique ? Il s’agit à la fois d’exposer les enjeux du savoir sur l’identité de
l’homme et de retracer la position de l’homme dans la théorie économique. Avec ce dernier,
nous pouvons alors comprendre que la question de l’identité de l’existence de l’homme et ses
enjeux poussent l’homme à des « faire » qui, seront plus tard, qualifiées d’économiques. Telle
est l’objet du présent paragraphe.
Puisqu’il s’agit de l’homme en général, ce n’est pas vraiment l’agissement de
l’homme qui nous intéresse, mais son « faire ». La différence est que l’acte ou l’agissement
dénote un objectif et donc la rationalité alors que le faire indique une réalisation par
l’utilisation de la force de travail – le naturel et l’innée. Nous écartons donc le thème de la
volonté dans l’action de l’homme, pour ne parler que de l’action qui comble la vie ou qui, du
point de vue du narrateur et non de celui de l’acteur, justifie la vie ou le passage de l’homme
dans la vie actuelle ; car c’est le narrateur, le scientifique ou le philosophe, qui cherche à se
donner une raison sur la vie. C’est sur ce sujet, en effet, que se porte la critique de
« l »’homme. La critique de l’homme se porte tantôt sur les agissements de celui-ci, tantôt sur
les accomplis. En outre, la question de faire ne se pose qu’à des êtres concrets, alors que le
thème de l’homme modèle se pose en termes de réalisation passée : qu’avait fait l’homme
représenté ou l’homme idéal ? ou encore que peut faire l’homme représenté sur l’homme
réel ?
Selon FREUD, l’homme modèle est le produit de littérature magnifiant les exploits
d’un homme réel ; ce qui se dit alors sur les faits de l’homme représenté ou sur celui de
l’homme modèle n’est qu’une version littéraire des faits d’un individu qui a agi pour la
communauté, un récit d’un de ce que l’homme fait pour combler leur vie. L’homme modèle
n’a jamais existé, ou plutôt leur existence ne tient que pour expliquer une partie d’un thème
du faire de l’homme233. En économie, l’homme idéal est celui qui se conforme au modèle de
représentation de comportement : ses faits sont intelligibles car optimisant une fonction
233 Les modèles n’ont pas changé le monde matériel, et leur exemple ne dépend pas de l’extérieur de l’homme (par exemple des moyens matériels) – le peu qu’ils ont fait relève du miracle – mais ils se sont incrusté dans la pensée de l’homme qui travaille et éventuellement qui a réalisé les grands travaux. C’est pourquoi, le narrateur du mythe – et pourquoi pas son inventeur, le poète ou leurs inspirateurs, les Muses ou « l’inspiration divine » – a une place importante dans la société.
404
économique de comportement. La question de la représentation de l’homme est également
traité dans la théorie économique dans le thème de la théorie de l’information et dans la
théorie de la firme, plus particulièrement les travaux des néo-keynésiens sur l’anticipation et
les informations. Pour elle, l’homme modèle est celui qui agit avec les informations
disponibles. L’homme modèle permet d’imaginer ce qui aurait dû se passer si les hommes (les
agents économiques) étaient rationnels ; le discours sur l’homme modèle de l’économie
montre un écart entre la théorique et le réel. La science économique, cependant, n’encourage
pas les hommes à imiter le comportement de l’homme modèle, car, en fin de compte,
l’homme modèle représente « l »’homme et non pas un individu. Le comportement de
l’individu isolé – sauf dans le cas de monopole – ne détermine pas la situation économique.
L’influence du modèle sur l’homme relève d’une observation des propos des
chercheurs qui ont abordé la question de l’homme et du modèle à partir à la fois des
observations sur terrains et des études des documents laissés par des penseurs consignant leur
intuition des faits. La perception de cette influence apparaît sous forme de synthèse de travaux
des différentes disciplines académiques concernées par l’homme et ayant élaboré un modèle
de comportement de l’homme ou tout simplement ayant une représentation tacite de l’homme
ainsi que des influences de la culture des chercheurs. Ces disciplines sont, entre autres,
l’anthropologie économique, l’histoire. Les chercheurs cependant n’ont pas encore affirmé ni
défendu leur découverte sur l’homme ; ils n’osent pas encore affirmer que l’homme « sur
papier » existe, car les articles sur lesquels ils fondent leurs idées font généralement l’objet
d’amélioration. Pour notre part, étant donné que les problèmes économiques ne peuvent plus
attendre d’autres faits déterminants pour identifier l’homme, nous soutenons que ce qui se dit
sur le thème de homo œconomicus est suffisant pour élaborer une science, et que en mitigeant
quand même nos propos, il est cette synthèse: il ne s’agit pas de l’homo œconomicus
instrumentalisé par la science économique pour décrire et expliquer le comportement humain
devant une situation, mais d’un thème de narration de l’homme dans une situation de conflit
intellectuel ou psychique intérieur. Notre argument principal est dans la suite logique du
thème de la richesse (Voir chapitre premier du Livre 1) : En amont, ce dernier est le résultat
de thème de la déchéance/rédemption selon lequel l’homme est devenu un captif de JESUS ou
du Mal ; et c’est en tant que tel, en tant qu’objet de concurrence entre le Bien et le Mal qu’il
est une richesse. Mais les économistes n’ont pas entendu cet aspect cosmologique fondateur
de la théorie de l’homme. Pour eux, la suite logique du thème de discours sur la
déchéance/Rédemption est le thème de la déchéance de la nature dont les thèmes de « besoin
405
illimité », de « ressources limitées » de « travail » sont les thèmes centraux et névralgiques de
leurs descriptions. Dans ce dernier cas alors, c’est la nature qui produit de la valeur (par le
biais du thème de la rareté). Il faut donc corriger le discours des économistes en retournant au
point où l’homme est considéré comme la richesse ; telle est l’objet de ce paragraphe.
En redressant le discours dans le thème de « séparation » « salut », nous avons montré
que en fin de compte, c’est l’homme qui est de la valeur pour la divinité et le mal, et ce qu’il
est ou ce qu’il fait est de la production de la valeur. D’où notre premier paragraphe : L’homo
œconomicus produit de la valeur : le modèle de l’homo œconomicus qui s’est incrusté dans
la pensée humaine fait de l’homme non pas un producteur de biens matériels permettant de
satisfaire un besoin, mais surtout de producteur de biens permettant de reproduire la nature ;
ce sont en fin de compte des activités de conservation et de survie et de reproduction de son
espèce et des espèces de la nature. Nous dirons alors que l’homo œconomicus a fait de
l’homme un producteur de valeur. Puis et toujours dans cette suite logique de thème de salut,
le choix de l’homme est déterminant : il peut créer de la valeur ou hiérarchiser les objets sinon
détruire la nature, selon leur degré d’intelligence de l’environnement et de lui-même. Nous
dirons alors que l’homme fait donc un calcul que de son choix s’opère un déplacement
I L’homo œconomicus transforme la nature en richesse
Dans la logique discursive de la science économique actuelle, la richesse ou la valeur
– une hiérarchie définie des objets de la nature – a pour critère la rareté et l’utilité. Cette
discipline explique alors la pauvreté d’un pays doté de richesse naturelle non pas par la rareté,
mais par l’utilité : un pays est pauvre, parce que son peuple ne sait que faire de sa richesse
naturelle. Elle montre ainsi les avantages de l’ouverture d’économie à celle de l’étranger par
la demande que fait celle-ci à un bien que le pays en question ne sait qu’en faire. La nature est
la richesse. L’épuisement de la nature en tant que facteur de production, accéléré par la
mondialisation et l’augmentation de la population mondiale, fait que pratiquement la nature
elle-même est rare et utile, et que elle est naturellement une richesse, ou plus précisément,
« la » richesse. Conséquence, l’homme est pauvre, parce qu’il habite un milieu pauvre.
La vision de la pauvreté caractérisée par la nature pauvre et vide (le « foana »
malgache) au milieu de laquelle trône « l »’homme ne nous est pas étrangère, car elle a été
déjà figurée dans les théories cosmogoniques ; seulement, cette vision n’est plus de la
spéculation mais une réalité ou un phénomène qui se pointe à l’horizon, dans une échéance de
406
moyen terme. L’homme a vraiment besoin d’un « salut » (selon les termes des récits
cosmogoniques) car il est seul au milieu de ce qu’il appelle « pauvreté » ; il faut le transporter
vers un monde meilleur, le monde de la richesse tant idéalisé par le mot « paradis ».
Dans la perspective biblique, cependant, le thème de salut ne se rapporte pas au thème
du corps de l’homme. Ce n’est pas le corps qu’il faut déplacer, mais la véritable substance de
l’homme. Cela entraîne, pour elle, l’exigence de la mise en place d’une théorie portant sur la
création d’un monde nouvel, compatible avec l’homme compatible avec la véritable substance
de l’homme. La place de l’homme dans la nature est montrée par cette vision de pauvreté :
Jusqu’à ce que la pauvreté absolue (« la terre informe et vide ») n’arrive, l’homme est dans un
environnement qu’il valorise en repoussant ou en franchissant l’interdit. La science
économique actuelle a fait du thème de vide un lieu où l’homme exploite la nature et fait de
cette dernière, de l’utilité. Cette activité se fait de façon coopérative entre les êtres humains.
Cette dernière entraîne à son tour, de l’échange et de la communication. Cette transformation
du vide est dénommée la production, alors que la coopération et l’échange est en réalité une
activité de déplacement ou de faire déplacer.
Nous allons alors expliciter le sens de la production en soutenant qu’il s’agit, en fait,
d’une activité de valorisation de la nature et de réduction de la distance mentale entre
l’homme et la nature, c’est-à-dire une sorte d’acquisition ou, dans le concept utilisé par la
science économique actuelle, de l’appropriation de la nature. Le thème de l’homo
œconomicus – et non pas le concept instrumental des économistes identifié par l’expression
« homo œconomicus » - modifie les référents de la production de la science économique sans
toutefois se départir de ses sujets et de ses bases. Ces modifications des thèmes ne relèvent
pas de changement de qualité, mais seulement un élargissement de sens. Le thème de la
production, au lieu d’être associé avec les thèmes de facteurs de production sociale, est traduit
en termes de valorisation (valeur subjective ou humanitaire et non pas valeur subjective
individuelle). Nous allons donc voire successivement le développement du thème de la
production respectivement dans le cadre de l’homme de la science économique actuelle et du
thème de l’homo œconomicus.
407
A De la transmission de l’utilité sur la nature ou activité de
valorisations de la nature
Dans la production, selon la théorie économique actuelle, il y a un déplacement ou une
application de la force de travail humain. Le déplacement humain s’explique par la quête
d’objets précis : de la richesse permise. Aussi, à la question de « que fait l’homo œconomicus
? », la réponse est : il se déplace (comme tout être animé), guidé par la notion de la richesse et
de permission (ou de liberté).
Dans ce thème, cependant, Il faut tenir aussi en considération le lieu de l’homme ou
celui de l’homo œconomicus (interdit et sens de la richesse), à l’intérieur duquel, les
caractéristiques de ce dernier prennent un sens. Ce lieu est affirmé implicitement dans la
théorie actuelle de l’économie : l’entreprise et le marché. La valorisation de la production,
pour sa part, est localisée dans le marché. Les vocabulaires économiques actuels se rapportant
sur l’homme ou sur l’homo œconomicus sont limités : Dans le cadre de marché, les termes «
offre » et « demande » dans la « rationalité » sont les thèmes connotés à l’expression « homo
œconomicus » ; au niveau des secteurs institutionnels, ces termes sont : la production et la
consommation. De ce fait, l’homo œconomicus se localise dans le marché sinon dans la
production et dans la consommation et leurs lieux de réalisation (l’usine et le ménage). La
prise en compte des concepts de la comptabilité nationale a permis certes l’élargissement de
ces termes, seulement la comptabilité nationale conceptualise l’agent économique en termes
de « secteur institutionnel» dont les « opérations », regroupées en « fonctions » (expression
de la comptabilité nationale pour désigner les activités économiques) sont les activités
principales et les ressources principales.
Comparé aux vocabulaires des autres disciplines des sciences sociales et humaines
décrivant les activités humaines de la production, le faire de l’homme en général, et par
rapport à la théorie économique actuelle elle-même, des termes décrivant les activités sociales
et leurs entretiens manquent : l’homo œconomicus produit sans sentiment et sans calcul
politique ; il est un être autonome et isolé, plongé dans un monde où il n’est pas capable de
distinguer ses paires de l’environnement matériel qui l’entoure. Pour parvenir à cette
conception, les économistes actuels considèrent l’homo œconomicus comme une agrégation
des agents, un groupe d’individus fortement motivés et orientés vers un objectif précis,
disposant de toutes les informations requises pour agir et méconnaissant les détails
contingents de la vie : par exemples, à quel moment de la journée ou de l’opération les
408
membres des groupes se sont lavés ou restaurés. L’homo œconomicus de la science
économique actuelle est une machine, un robot, à agir dans l’entreprise et dans le marché. Le
comportement de cette machine est justifié plutôt par des arguments statistiques et
d’interprétations cohérents de ces derniers. En poussant notre imagerie, l’homo œconomicus
est alors une représentation concrète (en pensée) de comportement produit des statistiques.
Les statistiques cependant sont si abondantes et variées, que malgré les techniques de lectures
des données élaborées par les statisticiens, il y a un écart entre la réalité et les informations
statistiques (ADDA, Les données économiques ont-elles un sens ?, 1995).
Les critiques du concept de production internationale brute sont connues : ce concept
ne retrace que les activités marchandes, il exclue la production des externalités, et il recèle des
absurdités, comme le fait qu’une catastrophe naturelle, ou les factures des médicaments
peuvent augmenter le volume de cet indicateur. Beaucoup de concepts utilisés par la science
économiques ont été élaborés pour la plupart, avant 1950. Sa référence implicite est l’objet
matériel produit par l’industrie. Dans ce monde, l’espace devient un obstacle et est concrétisé
par l’entité juridique de l’État-Nation. Le développement du secteur tertiaire remet en cause le
caractère matériel des objets de l’économie.
Enfin les activités humaines réelles sont mal mesurées par la science économique
actuelle. Cette dernière ne tient en considération que la production des biens marchands ou
issus de la division sociale du travail. Dans le fond, le problème tient du fait que les premières
théories ayant axé leur regard sur le fait des agents économiques ont constaté qu’une partie
des produits ne sont pas intentionnellement voulue par les producteurs. Adam SMITH a mis le
point sur phénomène et soutient que ces activités concourent au bien être de la communauté.
Dans le temps cependant, on constate que ces effets externes ne sont pas forcément positifs et
demandent l’intervention de l’État pour le réguler. Force est alors de constater que les actions
de l’homme entraîne des effets en cascade non contrôlés. Aussi, il faut imputer aux activités
humaines les conséquences de ses activités ; et que à la question de que fait l’homme, il faut
énumérer, non seulement les effets voulus, mais aussi les produits secondaires même les plus
insoupçonnés de ceux-ci.
La science économique actuelle montre que avec le système plus ou moins comptable
actuellement utilisé, il n’est pas possible de rendre compte de toutes les activités de
« l »’homme ; il est quasiment impossible de dresse une liste de ce qui se fait par l’homme.
Par contre, il est possible de trouver les moyens avec lesquels, sans se rendre vraiment
409
compte, il agit : c’est le calcul économique. « L »’homme est doté de capacité de calcul
économique qui lui rend distinct de l’animal. En outre, étant donné que son lieu de rencontre
peut être identifié, et que l’homme est physiquement limité dans l’espace, on peut alors
affirmer que l’homme se déplace.
B – Le développement du thème de la production dans le cadre du thème
de l’homo œconomicus
Dans la théorie économique actuelle, le thème de la production est dépendant de
l’organisation non seulement de l’entreprise, mais de l’Etat ou de la Nation, ou tout
simplement du régime politique. La théorie économique classique, par exemple, n’existe que
dans un système organisé autour du marché et de l’égalité de droit économique des individus,
des « nations civilisés et en progrès». Elle ne peut pas fonctionner dans un système où
l’individu n’est pas socialement reconnu. Pour ce type de système, Adam SMITH utilise le
concept de « Nations sauvages qui vivent de la pêche et de la chasse » et n’y cherche
seulement que les lois naturelles ou universelles de comportement humain (SMITH 1776,
page 13), sinon de « Nations barbares … chez lesquels la propriété soit établi » et qui
pratique, pour cette raison, le commerce (SMITH 1776, page 133). Dans la théorie de Adam
SMITH, la richesse matérielle sous forme de métaux « précieux ») n’a pas de sens : « Chez
les nations sauvages, écrivait Adam SMITH, les plus pauvres de toutes, ces métaux ont à
peine une valeur » (SMITH 1776, page 153).
Le concept de socialisation n’a donc de sens que dans un certain niveau de
développement économique ; il est récent et date des débats sur la construction de la société à
la suite de l’abandon de l’ordre naturel sur lequel, croyait-on auparavant, les faits de l’homme
et de la société sont déterminés. Dans les œuvres d’Adam SMITH, la socialisation commence
avec la société agricole et avec la propriété. Des thèmes comme l’unité de classes sociales en
découlent, mais ils n’ont pas apporté, pour autant, des solutions sur les problèmes en vigueur
dans les sociétés modernes ; au contraire, ils n’ont fait que mettre en évidence les
insuffisances et l’incohérence des théories économiques ainsi que la réalité de la division et de
la pluralité. L’irrationalité collective ou l’impossibilité de rationalité de choix à plus de trois
objets (paradoxe de CONDORCET), en sont des exemples.
En fait, le mot socialisation est inspiré de la vision et de la réflexion sur le rôle de la
famille et de l’entreprise dans la construction de la théorie économique de l’homme. Puis
410
l’idée a été développée par les sociologues pour défendre l’idée selon laquelle ce n’est pas
l’homme qui compte, mais la société et ses éléments (la culture et les institutions par
exemple). Les marginalistes ont, par la suite, abandonné l’idée de famille et d’entreprise
comme lieu de socialisation pour mettre en avant le concept de marché et de l’individu.
Pour les marginalistes, la socialisation est un procès économique d’intégration de
l’individu dans le système comprenant la production, la division sociale de travail et
l’échange marchand. Le concept de socialisation, cependant, ne peut pas être appliqué dans un
récit sur « l »’homme, car l’homme est en quelque sorte l’individu unique ou dominant. Si
« socialisation » il y a, ce serait plutôt une adéquation de récit de l’homo œconomicus avec
« l »’homme, une modélisation du comportement et de l’histoire d’un dictateur par rapport à
celui de l’homme ordinaire. Aussi, de la socialisation, on entend l’intégration du récit de
l’homme idéal, l’homo œconomicus dans celui de l’homme réel dans un espace (hostile et
interdit). L’espace économique, en effet, est un instrument et un lieu avec et par lequel
l’homme réalise son existence en pratiquant le calcul économique.
Conséquence, en portant la narration de « l »’homme vers le lieu d’existence du thème
de l’homo œconomicus, on découvre non plus ce que fait cet espace pour montrer l’homo
œconomicus (les « empreintes écologiques » révèlent la présence de l’homme), mais
comment l’homme grave ses empreints dans l’espace économique, intellectuel soit cet espace,
et quel est le profit que se partage l’homme et la nature dans cet échange. Le récit de
« l »’homme dans un ensemble de thèmes vulgarisés par le thème de l’homo œconomicus ou
par la science économique est un récit ouvrant une interrogation ou une réflexion sur
l’incrustation de la condition de la représentation « l »’homme sur la nature. Il est le problème
de la science économique actuelle, voire son obstacle épistémologique. Le problème n’est
donc pas la relation entre « l »’homme et « la » nature – la question de « l’homme est-il un
étranger dans la nature ? » - mais du récit ou de la narration de cette relation. Comment peut-
on rendre compte de cette relation ?
Pour répondre à cette question, nous reprenons les récits indo-européens, chez qui la
science de la nature semble être plus développée que partout ailleurs, pour y trouver la place
de la nature au sein de la pensée humaine. Nous dirons alors que l’homme effectue une
411
« gravage » de la nature par ses propres empreintes et par cette action, il se laisse envahir par
la nature234.
1 Du gravage de la valeur dans la nature
Le récit indo-européen de l’homme qui a nommé les objets de la nature s’oppose à
celle véhiculée par la conception selon laquelle la valeur est affirmée par la rareté quantifiée
en termes de prix. Le monde indo-européen a rejeté une de ses anciennes traditions littéraires.
Parmi ces récits indo-européens de la valorisation des objets, les cas suivants méritent
d’être signalé, parce qu’ils montrent que la conception de l’économie ne peut se défaire d’une
métaphysique de base. Il y a le souffle ou le toucher magique permettant de donner la vie à un
objet, ou encore le récit biblique du livre de Genèse selon laquelle Dieu fit venir devant le
premier homme venu sur terre tous les objets afin que celui-ci puisse donner un nom à
chacun, ou encore que Dieu a affirmé que le monde ne sera plus jugé par le fait des hommes
(voir livre de Genèse sur la déluge). Ces récits prennent une autre version dans les thèmes
apocalyptiques de jugement dernier où, un à un chaque être humain sera présenté devant une
créature qui le jugera.
L’antithèse de ces récits provient des arguments «athées », notamment de Karl
MARX. Leurs arguments sont que ces récits ne sont que des mythologies qui n’ont de sens
que pour justifier l’oppression des pauvres, et que la réalité est que la lutte des classes, c’est-
à-dire la prétendue émancipation de l’homme est le programme administrant la relation de
l’homme avec la nature. L’antithèse du thème indo-européen de l’homme valorisant la nature
est de ce fait l’affirmation de la liberté de l’homme, et peut-être également de son
détachement de la nature.
La place de l’homme dans la nature ou la relation de l’homme avec la nature est donc
un thème indo-européen issu du récit particulier de la création de l’homme. La place de
l’homme dans la nature aussi bien que le récit de la création de l’homme forme un discours
selon laquelle l’homme, lui aussi, peut faire avec la nature ce que dieu a fait avec lui : leur
insuffler de l’existence. La présence physique de l’homme sur cette terre à elle seule justifie
234 Le comportement humain est donc comparable à celui de certains mammifères qui tracent son territoire par son propre odeur (l’urine) formant ainsi un territoire permis et ne se laisse emprisonner dans son propre domaine, car il s’efforce de se localiser dans un territoire tracé par un autre de ses paires.
412
l’existence de la nature. Aussi, la question est que peut faire effectivement l’homme ou
qu’est-ce que ce dernier a fait de la nature ?
Nous allons voir que la nature a fait plus que l’homme dans la transformation de la
nature, autrement dit, il y a une concurrence entre l’homme et la nature dans la consécration
de la nature. De ce fait, la force de la nature est incontournable pour l’homme. Ensuite et de
l’autre côté, l’homme a beaucoup fait sur la transformation de ses paires : l’homme au contact
avec ses paires est une richesse.
2 De l’incrustation des objets matériels dans la vie humaine
Le fait que l’homme est conscient de l’existence d’activités et de lieux interdits
entraîne des conséquences sur l’appréhension des objets et sur les relations avec les objets
extérieurs fournis par la nature. Il est la cause de la distinction et de la différenciation des
objets, et il est aussi de la formation de coût.
On peut distinguer trois types d’objets selon la position de l’homme envers eux :
d’abord, les objets absolument interdits, ils n’ont pas de valeur mais des coûts individuels ou
collectifs pour l’espace qu’on dresse entre l’homme et eux. Ce sont les objets interdits de
consommation et de fréquentation, pour lesquels des infrastructures individuelles ou collectifs
sont dressée pour éviter le contact avec eux. Ensuite, les objets à mi-chemin entre le permis et
l’interdit, ils possèdent de valeur sociale élevée pour à la fois leur utilité et pour leur fonction
sociale (accession à une position sociale élevée) : on veut se l’approprier, ne serait-ce que
pour être à la fois proche et hors de l’interdit. Tel est le cas de la domestication des animaux
sauvages. Ces derniers sont interdits pour la menace qu’ils représentent pour la communauté.
Enfin les objets permis qui sont devenus des objets courants, profanes et représentant
l’empreinte écologique humaine. Ils sont protégés par le droit et la morale. L’homo
œconomicus agit dans la généralisation de ce dernier type d’objet, tout en sachant que la
plupart des objets relèvent de la deuxième catégorie. L’économie s’arrête alors lorsque tout
est permis. Cette situation correspond au « communisme final » marxiste.
Le déplacement des objets, de l’état de tabou vers l’état profane de l’homme est une
sorte de destination des objets. La finalité de l’objet est de participer à l’intimité de l’homme,
à l’image des vêtements. Ainsi, la nature, malgré l’interdiction actuelle, participe à l’ «
encorporation » de l’homme c’est-à-dire à la mise en corps de l’homme, à l’image de JESUS
qui est l’ « encorporation » des verbes divins. Nous utilisons le mot « encorporation » et non
413
« incorporation » pour marquer le fait que le corps prend sa source non pas par des croutes
venant des objets extérieurs, mais par des percepts (l’interdit, la conscience de soi) venant de
l’intérieur de l’homme. La nature s’est donc rapprochée de l’homme et non l’inverse.
II L’homo œconomicus apprécie la situation et calcule les enjeux
Le marché est le lieu de l’homo œconomicus ; il se traduit par un choix, ou par une
capacité de construire et d’apprécier la valeur. La capacité d’apprécier la qualité ou la valeur
d’un ensemble de projets est une des qualités spécifiques de l’homme. La littérature la décrit
en termes de « jouissance », et d’ « appréciation » ; certains philosophes la critiquent au nom
de la « vertu » et de la valeur morale. Apprécier une situation, c’est la critiquer, comme le font
les historiens, les religieux et tous ce qui croient être le détenteur du pouvoir spirituel de ce
monde. Les philosophes en font à leur manière, en reprochant l’absence de vérité ou de
conception, sinon de rationalité ou de sens. Du point de vue économique, l’appréciation d’une
situation consiste à en tirer la meilleure partie, c’est-à-dire à maximiser le profit ou l’utilité
que sont la forme marchande du profit. L’homme est toujours guidé par le sens de la richesse,
de façon instinctive ou naturelle. Ce comportement tant développé par la science économique
cependant n’a pas développé et utilisé dans le sens d’identité humaine par rapport à l’espèce
animal dans la théorie économique alors qu’il est au cœur du discours sur la relation de
l’homme avec la nature. La science économique s’est contentée de soutenir que l’homme est
dans la nature ou que la satisfaction de ses besoins est localisée dans la nature, mais elle
ignore que ce dernier s’en écarte à cause de la particularité de son espèce comme le font
d’ailleurs et aussi toutes les autres espèces. En introduisant à la fois l’existence de l’homme
dans la nature et sa séparation avec cette dernière, nous allons aboutir à l’idée que le sens
humain de la richesse est différent de l’instinct animal de migration. Dans un fond de la
question de l’identité de l’homme, nous montrerons que l’homme, à la différence de l’animal,
a un sentiment tourné vers l’intérieur de lui-même, alors que l’animal est tourné vers
l’extérieur. L’évolution réelle de l’homme n’est donc pas physique (croissance), ni
géographique (migration), mais mentale235.
235 Teilhard de CHARDIN en a fait la théorie. A partir de cette hypothèse, nous réalisons alors le sens réel du calcul économique.
414
A. Du calcul économique comme sens commun de l’homme
Le calcul est un état inné de l’homme et est en rapport avec sa conscience. Dans un
sens, il est un instrument avec lequel l’homme dompte, non pas ses impulsions naturelles,
mais l’emprise qu’a sur lui la société ou son environnement ; il dompte ses propres caractères
(et non seulement ses sentiments et intuitions), et se libère de la pression de son
environnement (on peut donc dire que la matière est pour l’homme un poids et non volatile et
légère) ; de ce fait, l’homme s’interdit de quelque chose. Ce caractère du calcul ouvre alors la
question sur la rationalité de la raison. Dans ce sens, les questions qui se posent sont : quelle
est la raison ou la nécessité de dompter la nature y compris la raison elle-même ? Ou encore
quelles sont les conséquences de la domestication de la nature sur le comportement humain ?
La première question a été répondue par la reconnaissance du concept calcul économique : en
effet ce terme a été développé dans le cadre de constat de l’existence d’externalités négatives
sur les actions humaines et qui demande une compensation de la part de l’acteur, sinon une
régulation des activités économiques par l’Administration publique. La deuxième question par
contre s’inscrit dans l’étude de la formation de l’homo œconomicus et dans lien entre le
développement économique et la pertinence de l’intervention humaine (ou tout simplement du
travail).
L’idée de calcul économique a été posée par Adam SMITH : il ne s’agit pas d’une
technique instrumentale de calcul, mais d’une action concrète à la fois individuelle et sociale
en vue de découvrir, loin des impulsions irréfléchies humaines, ce qui est bon pour l’homme
et en particulier pour celui qui fait du calcul. Le calcul économique veut être un instrument de
contrôle de la régulation sociale meilleure que l’éthique et la morale. Il s’inscrit donc dans un
prolongement de l’éthique et de la morale. Le calcul économique est, pour l’économiste, ce
que sont la morale et l’éthique pour les disciplines de la science humaine. La Main Invisible
est une expression du calcul économique.
Avec le développement de la Recherche opérationnelle, le calcul économique trouve
son aspect quantitatif et économique, notamment parce que cette méthode se base sur
l’économie des facteurs, et sur l’efficacité de la méthode. Cette aspect du calcul économique
ne trouve d’ailleurs toujours pas que des partisantes ; on lui reproche de ne pas tenir en
compte l’aspect social du projet, de méconnaître pour les actions d’envergures, les enjeux
politiques et éthiques. Avant la recherche opérationnelle, les bases jetées par les théories
walrasiennes ont permis de conceptualiser le calcul économique.
415
Le calcul économique est une nécessité sociale parce que la société est composée
d’individus ayant des intérêts conflictuels et que ni le despotisme de l’État, ni l’éthique et la
morale ne peuvent concilier. Ce n’est donc pas la bonté ou la cupidité des hommes qui exigent
la présence du calcul, mais les conditions de survie d’individus vivant en groupe elles-mêmes.
La société, malgré ce fait, cependant, est un lieu de rassemblement d’hommes pour « bien
vivre », conformément à « La Politique » d’ARISTOTE dont on trouve aussi l’idée dans la
théorie d’Adam SMITH. Si la société a besoin de la morale et de l’éthique pour diriger ses
affaires, c’est parce qu’elle est basée sur du conflit d’intérêts matériels. Le calcul économique
est un moyen d’apparier de ces conflits. Le calcul économique est donc aussi une action
politique.
Le calcul devrait donc s’arrêter lorsque tous les conflits (d’intérêts) sociaux et
techniques sont résolus ; or cela demande un renouvellement constant des activités humaines
et qui se traduit par une nouvelle conception de l’économique. Ce fait est d’ailleurs visible
dans le comportement des héros de la littérature : l’homme décrit par la littérature est celui qui
est animé par une conviction profonde, un caractère résistant à tous les obstacles au destin
prémédité conjointement par l’auteur et la logique narrative, alors que l’homme décrit par
l’économie est celui qui, dans un système de marché inconnu, parvient à maximiser ses
fonctions économiques. Il faut donc procéder à une comparaison entre la conception dans la
rédaction d’une œuvre littéraire et celle de l’énonciation des lois économiques pour démontrer
tout simplement que l’homo œconomicus n’est rien d’autre que le héro dans le référentiel de
la littérature ou dans celui de l’idéologie populaire. Ce qui se dit sur le héro dans leur
ensemble, se dit aussi sur l’homo œconomicus ; autrement dit, ce dernier ne peut donc être
détruit par ses critiques parce qu’il véhicule l’idée de comportement de l’homme fort.
B. Le calcul est une pratique non pas des héros, mais des migrants et
des êtres en mouvement.
Le mot « calcul économique » est-il une version économique de ce que la philosophie
a de concepts de réflexion, d’animation ou de pensée. Il suffit de faire une lecture rapide des
résumés et réflexions des auteurs sur le compte rendu des ouvrages ayant pour titre quelques
mots dont la pensée. Ainsi, dans « La pensée sauvage », LEVY-BRUHL indique l’existence
d’une « pensée primitive » différente d’une « pensée scientifique » et montre que pensée
primitive et pensée scientifique sont régies par les mêmes différences que magie et
416
expérimentation (LEVY-BRUHL, L'âme primitive 1927). Dans « La pensée et le mouvant »,
le philosophe Henri BERGSON n’expose pas directement ses conceptions de la pensée, mais
de la philosophie et de sa pratique. Dès l’introduction de sa première partie, Henri BERGSON
affirme que l’objet relaté par la philosophie s’applique à d’autre monde, où l’homme peut se
passer de la satisfaction de ses propres besoins les plus naturels, un monde où il n’y a que des
hommes qui n’ont pas de besoin. Ce monde, il nous semble, c’est le monde de la pensée. Dans
la théorie de Blaise PASCAL, la pensée figure comme un élément agrandissant l’homme :
pour lui, la pensée est une sorte de dimension qui fait de l’homme plus fort et plus grand que
sa nature physique. Marius DIMITRIU est plus explicite en la matière. Pour lui, la pensée est
un phénomène
Le calcul économique donne un sens aux activités humaines en les projetant dans le
domaine de la rationalité, qui va, à son tour, les rendre descriptibles et intelligibles et surtout
orientées vers la richesse. La religion, la philosophie et la morale n’ont pas pu faire cette
projection vers leur domaine (pour faire des actions humaines, des activités religieuses, ou
philosophiques et éthiques). Conséquences, les notions de bien et de mal, de vrai ou de faux
sont dissociées de celles de la raison, et même, elles s’opposent entre elles, pourtant, cette
opposition et ces notions différentes sont des parties intégrantes d’un même principe appelé
par les économistes en termes de « calcul économique ». Pour notre part, nous préciserons,
plus loin que le calcul économique repose sur la conscience de soi et sur le sens de la
richesse. De ce fait, ce sont dans les thèmes comme la science, la religion et la sagesse que le
concept de calcul économique trouve son terrain de prédilection, en non dans les thèmes de
profit, comme le suggère la science économique actuelle.
Des problèmes de reconnaissance de la présence du calcul économique dans son
thème de prédilection apparaissent. D’abord les religions considèrent la raison (qui est un
fondement du calcul économique) en dehors du thème de choix, sinon comme une hérésie (le
dogme étant le normal) ; à la place de la raison, certaines religions imposent le devoir et
l’obligation. Le Baghavad Gita par exemple avance le devoir comme déterminant du choix et
de comportement. De ce fait, la partie compréhensible sur le plan économique de la pratique
religieuse ne concerne qu’un pan des activités religieuses : les obligations de dîme chez les
musulmans et les praticiens du judaïsme, le respect de jour consacré à la pratique de culte
chez presque toutes les religions du monde à l’exception du bouddhisme, etc., ainsi que leurs
conséquences dans l’organisation sociale et le rapport entre l’éthique religieux et l’esprit du
système économique (Max WEBER). Mais les relations entre les contraintes religieuses et la
417
pratique économique elles-mêmes ne sont pas évidentes, car, selon le pays, le lien entre les
enseignements religieux et économiques sont biaisés par le fait que la religion n’apporte pas
seulement des principes susceptibles d’être attachés à l’économie, mais aussi des principes
contraires à l’économie236 .
En outre, la façon dont le calcul économique et le thème de l’art et de la littérature
traite la religion est différente, voire antagonique. La description littéraire met en relief
l’expression du moment, alors que la description économique rend compte des traces de la
pratique de la religion. On est donc en présence de deux contextes différents qui ne se
recouperont pas. Le fonds de la question est plutôt d’ordre idéologique et pratique.
Idéologique, car dans la réalité, les religions modernes insistent sur le caractère révélée de foi
et qualifie les religions traditionnelles de « naturelles » pour ne pas dire inférieur ; pour eux,
la religion relève d’un choix personnel, alors que dans la religion traditionnelle, d’après eux,
la pratique de la religion s’impose pour des raisons de contraintes culturelles. Le modèle de
l’homme idéal sous forme de complaintes divines sur l’état actuel de l’homme provient de ce
fait de leur propre conscience de soi; alors que la religion naturelle semble avoir comme
source les complaintes de l’homme blessé ou lésé demandant justice et conciliation avec l’au-
delà. Le modèle est donc dans la prière.
Sur le plan pratique, les religions sont instruites non pas pour leur enseignement
religieux, mais pour leur forme culturelle. Elles sont des composantes d’un système de valeur,
et ses contenus et messages sont des expressions sous une autre forme et pour d’autres
auditeurs d’un même message destiné, par exemple à des élèves, dans le cadre d’une
formation académique, par exemple.
Mais malgré ces problèmes, le calcul économique aborde aisément la religion par le
biais de la science. Sur le plan académique, il existe trois façons de considérer la religion : la
religion en tant que phénomène psychologique (Ludwig FEUERBACH), ou en tant que
phénomène social, et la religion en tant que phénomène indépendante. Mais dans notre cas, le
fait de ne pas aborder théologiquement les religions locales par la théologie est une aubaine,
car il indique que la religion n’est pas seulement un objet de la théologie, mais aussi d’autres
236 Tel est d’ailleurs le cas de la situation actuelle du capitalisme allemande et la pratique de la religion protestante dans ce pays : l’accumulation du capital est certes acceptée par l’ascétisme protestant, mais cette religion réclame aussi des préceptes moraux distincts de la recherche du profit, entrainant en fin du compte un système capitaliste original. (Voir à ce propos, Michel HAU, « Religion et capitalisme en Allemagne », in Alternatives économiques, n°160, juin 1998, page 98)
418
théories et confirme ainsi notre démarche. L’anthropologue britannique Edward Evan
EVANS-PRITCHARD237 (1902 – 1973), étudiant la religion locale, qu’il qualifie de
primitive, constate qu’il y a deux façons d’aborder la religion locale dans la littérature
spécialisée : l’approche psychologique et l’approche sociologique. Les deux approches
cependant sont intéressées par le spectacle des rituels et des magies, ainsi que par les
superstitions qu’elles considèrent comme des actions psychologiques ou sociologiques, sinon
politiques (ALTHABE Gérard238) fondamentales de ces sociétés et dégagent de ceux-ci le
modèle de l’homme : l’homme idéal est celui qui se conforme aux règles de la nature. Ces
deux approches ne s’interrogent pas sur la logique et le profit matériel gagné par l’homme
idéal des religions locales, peut-être parce qu’elles considèrent cette pratique de façon
négative, des pertes économiques pour la société.
EVANS-PRITCHARD cependant remarque que malgré que la littérature scientifique
abonde dans le sens des rites et superstitions dans le rapport d’étude sur les sociétés
primitives, ces activités sont en réalité secondaires dans la vie quotidienne des populaces ne
pratiquant pas les grandes religions. Les rites et superstitions ne sont pas les uniques solutions
pratiques abordées. Autrement dit, la pratique de la religion, même avec une vision exagérée
de la situation, ne représente que pour peu, selon EVANS-PRITCHARD, dans la
détermination de l’homo œconomicus, mais il y figure quand même.
Le comportement économique des héros des livres de religion illustre ces idées : ils
ont fait preuve de calcul économique dans leur pratique religieuse, ils ont géré leur demande.
Les cas de Abraham et de Moïse sont intéressants, parce que leurs activités et de leurs
sentiments lors de l’accomplissement de celle-ci sont consignés sous forme de biographie
comprenant plusieurs séries apparemment isolées de décisions indépendantes et animées par
le calcul économique. L’histoire d’Abraham commence avec sa migration239 et s’achève avec
sa mort240 , celle de Jacob, avec les tribulations de sa naissance, ses duperies pour avoir le
237 EVANS-PRITCHARD Edward Evan, « La religion des primitifs à travers les théories des anthropologues », Petite Bibliothèque Payot, 1954, 154 pages, publié aussi sous édition électronique par Jean-Marie Tremblay 238 Tel est aussi la théorie de Gérard ALTHABE lorsqu’il étudie le rôle du tromba et du culte de la possession dans la communauté malgache : un moyen pour les individus qui ne sont pas nés avec le droit d’accession au pouvoir de prendre une revanche sur leur maître. En effet, quand possédé par la trombe, un individu est supposé ne plus être en possession de ses idées et pensées, il peut alors invectiver publiquement leur maître 239 Bible, Livre de Genèse, chapitre 12 240 Bible, Livre de Genèse, chapitre 25
419
droit d’aînesse et ses actions pour exploiter son beau-père, enfin Moïse, comme Abraham a
décidé la migration. Ces narrations sont en fait composées de plusieurs séries de décisions
qui, ensemble et selon les narrateurs, forment une décision unique : la volonté de se fier à
Dieu. Cet objectif unique va être mis à l’épreuve des situations concrètes dans lesquelles nous
pensons pouvoir déceler la présence de calcul économique déterminant et conscient, et non
pas de la foi aveugle et ignorant. Aussi, l’homme, malgré la diversité matérielle de sa
situation, garde toujours un regard sur les biens et les objets matériels. Pour illustrer ces
propos, reprenons le cas des patriarches hébreux Abraham et Moïse.
1 Le cas d’Abraham
Abraham illustre les conditions de l’homme, stérile, pauvre (ou riche seulement de la
beauté ou de l’amour de sa femme) et errant, mais convaincu de la richesse future (postérité et
prospérité dans la stabilité). Abraham est décrit dans le modèle de AZZI et EHREHBERG
(voir IANNACCONE, 1999) comme étant le ménage qui répartit ses ressources entre les
objectifs domestiques (recherche de biens matériels) et les objectifs spirituels (allant jusqu’à
l’acceptation du sacrifice de son unique fils, un bien matériel rare).
Le cas d’Abraham soulève en outre le thème de la durée dans les actions ou de l’utilité
espérée qui anime les migrants. Abraham, relatait le narrateur biblique, quittait son pays natal
après avoir entendu la voix de Dieu lui promettant de faire de lui un patriarche occupant le
terrain fertile de la Palestine. En termes économiques, on dira qu’Abraham décide la
migration, à cause de l’efficacité des investissements en Palestine (fertilité relative du sol
palestinien par rapport à celui de son Ur natal), un objectif économique immédiatement
recevable, et à cause de la croyance selon laquelle il aura des descendants (un objectif
spirituel et matériel) effectif à très longue durée. L’objectif de longue durée semble revêtir un
caractère spirituel, mais reste matériel dans ses substances ; matériellement d’ailleurs cet
objectif ne profite pas à Abraham.
Serait-ce une conviction profonde ou une « religiosité » qui fait de son action une
prédestination. Pour analyser la situation nous allons poser les circonstances dans les termes
de rapport entre le court et le long terme. Abraham a quitté sa patrie natale parce qu’il a la
promesse d’avoir des descendants occupant le territoire qu’il va visiter241 . C’est un
comportement non économique, dans le sens ordinaire du terme, car la promesse ne contient
241 Bible, Livre de Genèse, chapitre 12
420
aucune clause matérielle en faveur d’Abraham et qu’elle ne se réalisera même pas durant la
vie d’Abraham. Mais il est un comportement économique seulement si Abraham peut
actualiser le futur et considère comme des gains matériels la descendance et la possibilité
d’exploiter durant son passage, les terres fertiles qu’il va visiter. C’est ce que fit Abraham : Il
n’a pensé qu’à ses avantages matériels et immédiats, comprenant la promesse d’une
descendance. A l’époque et dans la culture juive, le fait de pouvoir procréer est une richesse
ou une bénédiction242.
Le rapport entre le court et le long terme peut aussi être analysé en termes de contrat,
en économie : Entre Dieu et Abraham le contrat est que ce dernier reste un serviteur fidèle,
mais faiblement payé du premier, en échange, de garanti de soutien durant la crise. Tel est
d’ailleurs la logique économique de contrat de travail. Mais, il y a une information
asymétrique : Dieu savait que les éléments matériels de la promesse ne serait pas pour
Abraham en personne, mais pour ses descendants, alors qu’Abraham est volontaire pour la
migration car il pensait faire du profit à cause d’une plus mauvaise situation dans son pays
d’origine que Dieu n’a pas pris en considération. Le choix de Dieu en faveur d’Abraham et
non, entre autres, de l’un de ses frères est économique car il profite à la fois Abraham et à
Dieu lui-même. C’est un choix satisfaisant l’équilibre de PARETO. Si Abraham avait eu un
peu plus de religiosité dans la tête et qu’il ne s’est pas préoccupé de ses propres intérêts, alors,
il aurait été le perdant dans cette transaction. A court terme, la fertilité du la terre justifiait
l’immigration, mais le long terme est une promesse pour lui d’avoir des descendants. Dans les
deux cas, Abraham ne perd rien en quittant son village.
Abraham est-il un être calculateur, et qu’il est guidé non pas par la foi comme le
prétend les rédacteurs de sa biographie, mais par ses propres intérêts matériels ? Pour
répondre à ces questions, trouvons-nous d’autres épisodes de la vie de ce héro. Prenons sa
décision de répudier sa concubine Hagar, avec qui il a déjà eu un enfant nommé Ismaël243 . Le
ou les biographes consignait qu’Abraham était contre la répudiation de cette esclave et de son
enfant, car elle mènerait ces derniers vers la mort certaine. Le problème auquel il est
confronté est moral. Sa solution économique serait théoriquement une compensation
matérielle : allocation de ressource matérielle pour l’enfant et la mère par exemple. Mais Dieu
et Sarah, l’épouse d’Abraham, se comportent en despote. Ils s’imposaient au dessus du moral
242 Voir à ce propos, la bénédiction divine à l’espèce humaine : « Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre, soumettez-là » (La Bible, Livre de Genèse, Chapitre 1, verset 28) 243 Bible, Livre de Genèse, chapitre 16, versets 1 à 16 et Chapitre 21, versets 1 à 20
421
d’Abraham. Comment Abraham, sur le plan économique, va-t-il interpréter la situation ? Il va
utiliser la hiérarchie des morales qu’il faut reconnaître comme une réalité, et charge la Main
Invisible pour justifier sa décision. Son attitude, une soumission aux oracles divins, cache en
réalité une irresponsabilité civile (car il aurait du indemniser la mère et l’enfant) et se justifie
par la foi en la Main Invisible. Mais Abraham est un croyant, il – ou plutôt ses biographes -
ont justifié son action non pas par calcul économique, mais au concept de la foi. L’économie
offre un argument aux comportements religieux, voire non économiques. La science
économique actuelle est effectivement une idéologie de l’action de l’exploitant. Aussi, pour
analyser ce cas, nous procédons par un autre système d’argumentation.
Dans les deux cas, les décisions de la migration et de répudiation de la concubine,
Abraham faisait face à deux notions différentes de temps : l’immédiat et l’avenir. Chacun de
ces temps imposent de la moralité différente de l’action : le court terme demande une
compensation matérielle concret et réparant les dommages. Lors de son périple dans les terres
de Canaan, Abraham mérite un soutien matériel immédiat. Dieu l’a promis sous forme de
bénédiction, mais Abraham, et plus tard ses descendants, dans ses pérégrinations, ne
s’empêcher de glaner les produits bordant ses routes. C’est peut-être l’accomplissement de la
bénédiction de Dieu. De même, à court terme, Abraham doit couvrir les dépenses de son
esclave et de son enfant. Il a obtenu gain de cause auprès du bon Dieu, mais il s’est empêché
de donner raison à son esclave. L’injustice est flagrante. Pour justifier cette injustice, il ne faut
pas évoquer des prétendues éthiques et suprêmes comme la Main Invisible, mais une autre
morale déterminant du comportement humain : une période plus longue. Dans un temps plus
long, le même objet ou la même situation se trouve dans un autre concept de valeur et
d’appréciation. Aussi, saisi sous une portée différente de temps d’étude ou de réflexion, le
même objet ou le même cas apparaît sous un autre angle. Pourtant, ces différents laps de
temps coexistent pour apprécier la valeur de l’objet ou du cas ou du problème en question.
C’est ce qu’avait fait en réalité Abraham : L’objet ou le problème, dans sa forme présent, a été
conceptualisé par Abraham lui-même pour le cas de la migration. Il s’agit d’une exploration
d’un lieu (et en même temps, une exploitation d’une contrée plus fertile par rapport à celle de
Our en Calédonie d’où venait Abraham). Sous un autre angle, le périple était en réalité une
période déjà une phase de conquête de lieu. La transaction entre Dieu et Abraham était à la
fois une exploration et une conquête. Si on prolonge encore la réflexion, la transaction ne se
porte pas seulement sur le lieu de Canaan, mais du paradis lui-même. Abraham a vu dans
l’oracle de Dieu non seulement une déclaration de bénédiction qui va apparaître, mais aussi
422
une bénédiction réelle, cachée sous les formes de gains matériels immédiats. La transaction
entre Abraham et Hagar se porte aussi sur plusieurs appréhensions de durée : l’immédiat était
la répudiation, mais elle était aussi une libération de Hagar et de son enfant né servant ou
esclave, et même la transaction était le transfert d’une partie de la bénédiction ou de contrat
entre Abraham et Dieu vers le fils de Hagar. C’est un objet unique devenu un ensemble de
plusieurs objets selon le laps de temps d’observation qui est l’objet de transaction entre Dieu
et Abraham et entre ce dernier et Hagar. Abraham a appliqué la même règle de comportement
dans tous les cas : la recherche de maximum d’utilité du bien promis par Dieu mais tenant en
considération le fait qu’il s’agit d’un bien unique appréhendé dans des laps différents de
temps, et non plusieurs biens futurs auxquels il faut actualiser les valeurs. Cette conception
présidait le comportement d’Abraham dans l’épisode du sacrifice d’Isaac244 .
Isaac était le fils donné à Abraham par Dieu et par lequel, il semble, sera accompli la
promesse. Dans cette situation, l’avenir et la promesse incarnée par Isaac sont échangés contre
une refonte automatique. Le sacrifice repose sur la perte apparente et immédiate de l’élément
immédiat du contrat que représente Isaac. Ce sacrifice très dommageable pour l’immédiat à
Abraham cache une espérance pour celui-ci. Peut-être espérait-il une clause très favorable
supplémentaire pour lui. En apparence, c’est une transaction inégale. Mais avec les différentes
strates de temps dans lequel se calcule la valeur réelle de la transaction, il s’agit d’un contrat
égal. Abraham dans ses transactions avec Dieu reste guidé non pas par le calcul économique.
2 Le cas de Moïse
Vis-à-vis du Pharaon son maître et parent, Moïse est un chef politique dirigeant avec
son frère Aron la libération des Juifs tenus en esclaves ; mais selon les rédacteurs de l’épisode
biblique de son histoire, il se présente comme le chef spirituel, fondateur de la doctrine juive.
L’analyse en termes économiques de sa biographie, lors de la traversée du désert avec le
peuple juif, retrace les fonctions de l’Administration publique conseillée par Dieu. Sous
l’inspiration de Dieu, Moïse introduit les lois sociales, hygiéniques, religieuses, et de façon
moindre, économiques au peuple juif. Certaines littératures avancent que les lois de Moïse
sont inspirées du Code d’Hammourabi et que le rituel religieux préconisé a été emprunté de la
pratique égyptienne environnante ; mais peu importe, le thème développé est le conseil de la
religion dans l’administration des facteurs de production, notamment le travail, au sein d’une
244 La Bible, Livre de Genèse, Chapitre 2 versets 1 à 18
423
communauté nomade. La logique économique du peuple nomade se prête donc mieux à la
description de la situation envisagée. Ce type de littérature cependant est rare, et se confond
tantôt dans la théorie économique de la migration, tantôt dans les flots des récits
anthropologiques isolées de communautés nomades. Les tributs pasteurs nomades sont rares.
On trouve dans les chapitres retraçant les activités de Moïse les conditions morales de
prospérité d’une économie d’une communauté nomade : respect de ou d’une journée de repos
(le sabbat), rémission de dettes, etc. Ce qui est intrigant dans les chapitres, est la révélation
des phases de la vie matérielle de la communauté : la prospérité, période faste et de
bénédiction récompensant la fidélité à un ordre social (ou divin) et la crise, période de décès
et de maladie épidémique, de défaites militaires, de fuites et de désorganisation. Les chapitres
indiquent la conception hébraïque du bien-être : au sein de la communauté et pratiquant les
rituels recommandées de la religion. Ces chapitres doivent donc être comparés aux récits
relatant les fonctionnements d’une communauté nomade organisée autour de ses institutions,
sinon ils doivent être interprétés et localisés hors de la culture strictement chrétienne. En effet,
le rapport entre l’homme et dieu est manifestement exprimé en termes de religion dans la
conception chrétienne de ce terme, alors que dans les autres conceptions de la religion, le
terme religion désigne le rapport des hommes entre eux.
Dans ce dernier contexte, la religion explique ou étend le fondement de la relation des
hommes entre eux. Ce rapport cependant n’est pas seulement civil et basé sur des objets
communs, la communauté, mais aussi quelque chose d’animal, de mécanique et intégratrice,
par lequel l’homme perd son individualité pour entrer dans une sorte d’extase communautaire,
ou en termes économiques, pour apprécier le bien-être en collectivité. Dans ce contexte
d’interprétation, la religion devient le lien entre le monde et l’individu et l’homme (dans la
mesure où ce dernier est considéré comme étant un étranger de ce monde). C’est en tant que
tel que le comportement de l’homme est déterminant de la nature : l’homme est le seul être –
du moins jusqu’à présent connu – ayant un rapport avec la divinité, et de ce fait les actions
qu’il entreprend a un caractère divin à partir du moment où il reproduit l’action divine. Le
calcul économique est une des formes d’action ou de qualités divines ; il est conçu à l’image
de la perfection divine.
CONCLUSION DU PARAGRAPHE
Ainsi, même si les discours religieux n’utilisent pas directement l’expression « calcul
économique », d’autant plus que cette dernière est récente, il n’empêche que leurs propos
424
recèlent l’idée de cette expression. Aussi, lorsqu’ils s’adressent à l’ensemble de l’humanité,
parce que chaque être humain peut ou doit parvenir et atteindre les qualités idéales que
chacun d’entre eux véhicule, en termes économiques, ils réclament tout simplement la
permanence de la pratique de calcul économique. Ainsi faisant, ils s’adressent aux hommes et
exposent leur propre vision de l’homme rationnel, un homme toujours prêt à l’action.
III – L’homo œconomicus se déplace
Le calcul et la production de la richesse affectent la nature de l’homo œconomicus. Ce
dernier ne peut qu’évoluer et se déplacer avec ses activités ; l’homo œconomicus se construit
lui-même ou se découvre lui-même en franchissant l’interdit. Cette vision de l’homme auto-
réalisateur relève d’une thèse opposée de l’homme déterminé. Elle appartient à une théorie
soutenant l’émancipation de l’homme vis-à-vis de son créateur ou de ses sources. Cette vision
s’oppose aussi à la thèse qui considère que l’homme est une créature achevé et parfait. Elle
défend l’idée selon laquelle l’homme est un être abandonné par les principes qui l’ont
engendré, et que livré à lui-même, il cherche la voie vers cette source initiale, ou encore, il
suit son chemin, riche de ses sources initiales, de son totem, de son histoire.
Ce thème se rencontre dans les récits d’aventure de l’homme à la recherche de la
richesse ou de l’homme maudit qui fuit une damnation. Il n’est pas l’objet du récit où
l’homme riche de ses acquis affronte une situation exceptionnelle pleine d’énigmes et qui
demande de l’habileté et de la dextérité.
A. L’homo œconomicus franchit l’interdit
La preuve matérielle de la réalité de déplacement de l’homme est la présence de ce qui
est appelée par l’expression « empreinte écologique » inventée par la WWWF. L’empreinte
écologique désigne la pression de la demande de l’humanité sur les ressources naturelles de la
Terre. Cet indicateur évalue la surface biologiquement productive de terre et de mer (en
hectare/tête) nécessaire à une population pour répondre à sa consommation de ressources et à
ses besoins d’absorption de déchet. Ceci se traduit certes par des changements des paysages
géographiques, par l’aménagement des terres, mais aussi des conséquences partielles sur la
faune et la flore. Des études ont montré par exemples, les conséquences des activités
humaines sur la survie des papillons, des changements climatiques sensibles à la suite de la
déforestation. La présence de la mobilité de l’homme se découvre par l’existence des lignes
425
servant à des trajets humains aux environs desquels, la nature a relativement changé et s’est
concentrée en une large bande d’empreintes écologiques. Ce sont les pistes et sentiers qui se
sont modifiés ou rejoints au fur et à mesure que l’homme se déplace.
Cet indicateur théorique ouvre la voie à une réflexion : L’homme habite une bande
continue et est à l’affût de débordement de lieu. La continuité de l’espace ayant subit la
présence de l’homme se transforme en une bande de territoire à l’intérieure de laquelle seuls
les êtres humains peuvent se mouvoir. La terre semble se départager entre les territoires
habitables et non habitables, et l’homme ne fait que circuler dans l’espace habitable de la
terre. On se retrouve alors, encore et une fois de plus devant une vision duale du monde : le
permis et l’interdit, mais cette fois-ci, au niveau de la planète. Nous dirons alors que l’homme
se déplace sur les bandes des territoires permis vers des terrains interdits ou seulement sur les
bandes permis. L’homme a donc un choix qui se manifeste par sa décision d’être sur le
chemin battu ou sur le bord de la voie permise, quoique dans tous les cas, il soit sur la route.
Par nature il est un être qui est à la recherche continuelle d’innovation décrites par les théories
de Joseph Aloïs SCHUMPETER. Il est de ce fait un entrepreneur.
Le caractère entrepreneur de l’homme résulte des sens de la richesse et de l’interdit.
Qu’il soit sur le permis dans l’interdit, le sens de richesse lui colle sur la peau, de même,
lorsqu’il est dans l’interdit, ou plus précisément sur le point de pratiquer l’interdit, le sens de
la richesse lui accompagne toujours. A cet effet, on constate qu’empiriquement plus le calcul
économique fait par l’homme n’est élevé, moins le mouvement ou le déplacement sont
fréquents.
Les interdits sont régulièrement franchis, comme si au départ, l’homme est
emprisonné et que l’histoire est retrace le mouvement de l’homme vers une fin, une destinée
inévitable. Le récit de la franchise des interdits est particulier dans le sens qu’il répond à un
besoin de connaître l’ordre et en même temps de muser l’auditeur vers un point de son
imagination ; il est une littérature scientifique. Chaque fois un exploit d’un héro est narré, une
partie de la limite de l’homme est repoussée, car l’exploit narré indique à la fois un objectif
atteint et la triomphe de l’idéal. Les autres récits, et pourquoi pas, tous les récits, ne sont alors
que des récits de cette franchises.
Une étude critique du dépassement des interdits ouvre alors la question de l’idéal de
l’homme sur le thème de décadence ou de perfection de l’homme. Des faits comme la
Révolution industrielle, et d’une façon générale l’innovation, sont des circonstances durant
426
lesquelles les limites de la société sont repoussées et demandent une nouvelle modélisation de
comportement. La généralisation de ce débat se traduit sous forme de la question le rapport la
matière et l’idée, ou encore sur les thèmes parlant de la fin du monde. Conséquences, l’idéal
de l’homme évolue.
Dans la bible (live de genèse), l’homme tout seul avec sa faiblesse, n’a pas pu franchir
l’interdit ; le diable lui vient en rescousse sous forme de persuasion. La raison est en quelque
sorte le maillon faible qui pousse l’homme à franchir l’interdit. Dans la littérature sumérienne
de GILGAMESH, l’homme est présenté comme un être dictateur et corrupteur que même le
fils de dieu descendu sur terre n’a pas pu résister. Cette capacité de se défaire de l’ordinaire
est une force économique puissante théorisée, en économie, en termes d’innovation et qui
n’est propre qu’à un certain type d’individus : les entrepreneurs. Dans les littératures
anciennes (notamment de l’Antiquité grecque), cette capacité est appelée de l’esprit, ou
encore de l’intelligence. Les théories se séparent cependant sur la localisation de cet esprit (ou
intelligence). Pour les uns, il est dans la matière, alors que pour d’autres, dont le philosophe
EMPEDOCLE et DEMOCRITE, il est séparé de la matière. Une remarque spéciale mérite
d’être notée sur la théorie d’EMPEDOCLE.
Pour EMPEDOCLE, l’esprit se compose de deux forces contradictoires : l’amour et la
haine. Le premier rapproche, alors que le second produit de la répulsion. Ces deux forces co-
agissent dans la formation et dans la destruction du monde (on note la conception mécanique
de la formation et de la destruction du monde) : Si l’amour triomphe, le monde vit en
harmonie, alors que inversement si la haine remporte la lutte, le monde éclate (LANGE 1910,
page 33). La création (et par extension, la production) est le résultat de séries d’accidents tel
que des déchets existent. Elle se fait sous forme de combinaison des objets de la nature, avec
ses produits secondaires (en termes économiques, « les externalités »). Ces derniers,
cependant, ne résistent pas dans l’existence et sont condamnés à disparaître, alors que la
véritable production possède une capacité de se reproduire. En termes économiques, nous
disons que la production et l’innovation sont les résultats d’accident ; et seule demeurent dans
la production, les produits qui peuvent faire l’objet d’innovation.
Pour le philosophe grec de l’Antiquité, DEMOCRITE, l’esprit est une matière existant
à côté de la matière. L’esprit a ses besoins et ses satisfactions ; il se satisfait du bonheur, alors
que le corps réclame des objets matériels. C’est DEMOCRITE qui affirmait le premier (dans
la pensée occidentale) que le corps n’est qu’une vase contenant l’âme et que cette dernière en
427
est l’essentiel de l’homme et qu’elle qui fait mouvoir le corps Aussi, dans ce sens, la
recherche de « l »’homme consiste à localiser l’âme et en même temps la nature de celle-ci.
Seulement, l’homo œconomicus, du moins d’après les propos de ses premiers concepteurs (les
néoclassiques et les classiques) n’est pas une âme ; à peine est-il une représentation de
l’homme idéal d’une circonstance (en l’occurrence, le marché). C’est la psychanalyse et les
sciences humaines qui ont montré la fonction de la représentation dans la connaissance de
l’homme.
Friedrich-Albert LANGE constate que les philosophies de DEMOCRITE et
d’EMPEDOCLE ont été les sources de contes et de fables décrivant la puissance de la nature
ou encore les effets de l’union de demiurges pour expliquer la nature et la vie qui y est
dépendante (LANGE 1910, page 35)
B. Il évolue
La position mentale d’être à l’orée de permis et de l’interdit entraîne un conflit
intérieur intense au niveau de l’espèce humaine, « un malaise dans la civilisation » selon le
thème de ; l’homo œconomicus est un être en conflit.
Le conflit est une seconde nature d’être de l’homo œconomicus. Il provient, affirme le
consensus des économistes, de la conscience de la rareté et de l’utilité des objets de la nature,
entraînant une lutte contre la nature en vue d’en extraire un peu plus de produits utiles. Cette
dernière est à moitié gagnée par la coopération entre les êtres humains prenant la forme de
division de travail permettant d’augmenter la production. Mais le regroupement des individus
en société, apparemment, n’a fait que mettre en exergue un autre problème : l’homme
consomme plus que le permet la production sociale. Aussi, devant ce fait, l’homo
œconomicus développe des outillages et artifices pour augmenter un peu plus la production et
en même temps, il détruit les travailleurs supplémentaires. Autrement dit, la lutte dont l’homo
œconomicus fait face est une opération de régulation de la taille de la population en fonction
du développement des outillages pour produire la quantité suffisante et satisfaisante de
produit. L’homo œconomicus calcule un volume optimal de la population susceptible de
profiter de la production, compte tenu de la qualité technique des outillages façonnés. Il s’agir
d’une opération d’appariement
428
L’objet de la lutte de l’homo œconomicus cependant n’est pas évident. En effet, la
consommation des objets matériels est une raison suffisante de ce conflit.
L’homo œconomicus ne cherche pas le profit, mais la survie. Le profit, en effet, est
une notion sociologique et limité dans le cadre du capitalisme. Le profit n’existe que sous
certaines conditions : l’exploitation de l’individu et l’appropriation individuelle des produits.
Cet ensemble cependant, ainsi que les autres ne s’inscrivent que dans un contexte de survie il
y a une exploitation de l’économie d’échelle, avec une répartition inégale.
A voir de près cependant, ces pratiques aveugles de la recherche de conformité aux
lois de la nature s’inscrivent également dans une logique économique. L’interprétation des
causes des interdits, à l’exemple des communautés nomades juives de l’Ancien testament,
indique que les lois de la nature permettent à la communauté de garder leur intégrité raciale et
d’avoir automatiquement des règles sanitaires. De même les jours fastes ou néfastes de
l’astrologie malgache (fanandroana) est la réplique de repos sabbatique juive, elles sont
nécessaires pour restaurer les forces physiques des hommes, étant donné leur effort nécessaire
pour le déplacement.
Les fouilles réalisées autour des temples européens montrent l’existence de quelques
locaux précis et d’ustensiles indiquant une identité de sens, à tel point que des chercheurs
découvrent aisément l’existence de quelques thèmes communs à toutes les religions : le
sacrifice. A partir de ce point commun, se dégage aussi d’autres thèmes relevant d’un
problématique locale ou universel : par exemples, chez le tribut (appelé en Malgache par le
mot « foko ») merina à Madagascar, les ethnologues qui ont fréquenté les lieux de cultes
traditionnelles ont constaté la préoccupation des pratiquant de la religion traditionnel se porte
sur des questions de santé, sinon de la lutte contre la grêle245. Dans les communautés indo-
européennes, les fouilles archéologiques indiquent la présence de lieu de sacrifice et la
croyance au dieu de la fortune sinon de la procréation.
Quel est le sens économique du sacrifice religieux ?
La notion de sacrifice suppose une idée de violence. Il est un moyen d’accéder au
sacré. Le sacrifice n’existe que dans les communautés où un ordre des valeurs est établi246.
245 Voir MOLLET Louis, « La conception malgache du monde surnaturel et de l’homme en Imerina », Tome II, L’Harmattan 246 Voir GAUTHIER François, « La finitude consumée. Le sacrifice dans l’Inde ancienne de l’orgiasme à l’ascète. », in Religiologiques n° 23, printemps 2001, pp. 247-276
429
Etant donné le caractère social inévitable de l’homo œconomicus, le sacrifice ne s’accomplit
que dans la mesure où son acte est compris et appréciée par les membres de la communauté.
Cette compréhension peut se traduire sous forme de communication officielle du groupe
d’appartenance du sacrifiant, sinon par l’existence d’un rite durant laquelle le sacrifice est
reçu. C’est cette quête de compréhension et non plus de critique qui fait que cet acte religieux
relève du caractère de l’homo œconomicus.
Le sacrifice est un signe de contact avec la sphère de l’au-delà247 .
Ainsi, le discours sur l’homme ne parle que de la contradiction entre l’intuition ou
l’intelligence spéculative dont dispose l’homo œconomicus et la portée de son action, et à
travers ces thèmes l’homme en général : un être qui sait non seulement ce qu’il faut faire et
comment faire, et même ce qui se passera, décide de répondre par une action spécifique et
ponctuelle à une réalité imposante et durable. Ses capacités de prévision devraient engendrer
chez lui, ou bien un comportement stratégique ou bien une série modèle de programmes
d’actions, à l’image de modèle prévisionnel de coup dans une partie de jeu d’échec. Le
modèle de l’homo œconomicus est de ce fait trop restreint pour décrire les actions dignes de
ses capacités.
CONCLUSION DU CHAPITRE : L’HOMO ŒCONOMICUS EST UN PRODUIT DE L’ETHIQUE SUR L’INTIMITE
L’homo œconomicus est un produit de l’éthique économique caractérisée par une
vision particulière des objets et de rôle de l’éthique. Il désigne le modèle de l’homme pratique
ou du réel qui critique ce qu’il fait, ou qui observe ce qui se trame à l’intérieur de chaque
homme y compris lui-même. De par cette activité, il ne peut pas donc être l’objet d’une
observation critique, car il représente « la » critique de l’homme ; il est unique en son genre.
De par sa dénomination, il est un produit du discours des économistes, mais de par sa nature
telle que la retrace l’ensemble des rapports anthropologiques, il est plutôt un homme de la
psychanalyse, un être qui se cherche et qui se donne une raison ou une valeur pour justifier
son acte. Ce caractère inquisiteur et fortement attaché aux valeurs éthiques est exploité par les
psychanalystes pour mettre en relief la réalité de l’inconscience dans le comportement de
l’homme réel.
247 Voir GAUTHIER François, Op. cité.
430
Cet être cependant n’est pas un bloc indépendant de la nature ; il représente seulement
ce que la science a d’idéal dans l’adéquation de comportement humain dans un modèle. A cet
effet, il semble que la science exploite plutôt l’hypothèse de la possibilité d’une adéquation de
la nature avec celle de la nature véhiculée fondée sur le constat de l’universalité de caractère
critiquant de l’homme. De ce point de vue, il apparaît alors que ce n’est pas la sensation de
besoin qui pousse et oriente l’action, mais la contemplation critique de la nature, la
conscience de l’interdit, et la force qui veut attirer ces objets à pénétrer dans le domaine de
l’interdit. Aux « yeux » de l’homo œconomicus, alors la nature est l’objet de critique, de
réflexion et d’action ; c’est en tant que homo œconomicus que l’homme se présente comme
un sujet et la nature, comme objet.
Quel que soit le terme descriptif utilisé pour arriver à l’existence de l’objet, qu’il s’agit
de « production », ou d’«apparition », ou même, de « création », le fond de la question
d’existence des objets est sa compréhension : il faut du temps à l’homme pour saisir et
comprendre la réalité et le passage de l’objet. Aussi, dans le référentiel économique, le thème
de l’incrustation d’un objet dans l’espace social correspondant à une transformation de celui-
ci en marchandise, ouvre-t-il la question de la durée humainement exigée pour saisir
intellectuellement la réalité du passage d’un phénomène.
Chaque objet possède sa propre durée, et les objets dont la durée semble éternelle
s’incrustent dans le monde social. En effet, chaque communauté semble avoir un point de
repère pour identifier la durée, ne serait-ce que par les calendriers lunaires, ou par le nombre
de jours : nombre de jour de voyage, de fécondation ou nombre de jour précédant le
changement ou l’extinction ou la disparition d’un objet. L’incrustation des objets dans la
société ou l’attachement de l’individu à un objet est donc une question de besoin
d’appartenance et de durée de perception, aussi, la question est de savoir quelle est la relation
entre l’objet et l’individu ou plus précisément qu’est-ce qui fait que l’homme et l’objet sont
deux notions inséparables à tel point que de cette combinaison émerge l’homo œconomicus
ou encore par quelle théorie peut-on faire émerger du néant, la notion de homo œconomicus ?
D’un côté, les différentes théories de la formation cosmologique comme la théorie de
chaos d’Ilya PILGINE est tentante. Selon cette théorie, du chaos émerge un corps rationnel,
en l’occurrence, du chaos issu de l’imprécision des concepts hétérogènes et complexes que
sont l’homme et l’objet, émerge une réalité qu’est le calcul économique. Mais dans un autre
sens, nous dirons que le calcul est aussi un élément provenant de la croyance. Croire, c’est
431
aussi faire du calcul, et faire de la spéculation sur l’avenir. Le calcul économique, en effet, ne
fait que confirmer ce qui est préalablement cru. Cette deuxième approche est d’ailleurs
confirmée par la présence de l’élément temporel dans la nature de l’objet : la foi est un
élément qui s’inscrit automatiquement dans le temps. Aussi, l’homo œconomicus est un
concept de comportement qualifié dans le temps. La littérature peut décrire le comportement
d’une divinité, alors que l’économique s’épanche pour sa part, sur l’homme de calcul. Dans ce
sens alors, le concept de calcul économique désigne un idéal de comportement dans un monde
meilleur ou une éthique dans un monde qui devait être le meilleur, parce que prévisible et soit
ou au moins compréhensible. C’est l’étique économique qui permet de répartir les objets entre
les « facteurs de production » et les « produits des facteurs de consommation», et ce, dans un
contexte où tout ce qui existe a été portée par le laps de temps, et que certains objets sont
qualifiés de « bons » pour la production, alors que d’autres pour la consommation.
Les objets sont des biens, lorsque et seulement lorsqu’ils sont perceptibles
intellectuellement. Avec la mondialisation, l’expression « ensemble des objets » est
conceptualisé par le concept de l’environnement, aussi, le concept d’éthique prend-il une
dimension intellectuelle plus concrète et officiellement associée avec l’éthique de
comportement économique. La prise en compte des biens à venir confirme l’idée que les
objets proviennent de la conscience des hommes ; aussi, l’homo œconomicus ne peut-il être
que celui qui peut prendre en considération la meilleure allocation des ressources dans une
perspective temporelle imprécis.
La dualité objet – homme n’est pas une relation dialectique, mais une coexistence
inséparable de deux concepts : l’homme est dans un milieu, et le milieu est déterminé par
l’homme. Cependant, la notion de détermination reste une énigme. La réalité est que
l’environnement est un destin d’objets susceptibles d’emprisonner l’homme ; autrement dit, la
raison d’être du calcul économique est d’extraire l’objet du néant, et cette extraction se
continue avec d’autres objets comprenant l’homme. Avec ce processus, il est alors possible
créer ou de construire une science à part entière qu’est la science économique.
432
Conclusion du Livre
Le thème de l’homme est formé d’abord de discours sur les formes, les symboles et les
représentations perceptibles de l’homme, et ensuite, de discours sur ce qu’on croit être de
l’essence de l’homme. Il est à la fois un discours sur l’homme universel et sur sa substance
quotidienne, un discours portant à la fois sur l’apparence et l’essence. Dans l’évangile et dans
la littérature gréco-romaine, ces deux discours sont opposés l’un à l’autre formant une
problématique de : « que pense l’homme de l’homme ? », identique à la question « Que pense
l’homme à propos du fils de l’homme ? » biblique248. Le fond de la question est la substance
de l’homme, parce qu’elle est cachée par l’apparence et parce que le thème de l’homme est
dominé par des propos sur la résistance de cette apparence à l’investigation intellectuelle en
profondeur de l’homme. Le visible s’est imposé sur l’intelligible. La réalité de ce dernier,
relative à une culture, dénote un comportement certain, une valorisation de l’inconnu, une
sorte de puissance attractive, l’appel de l’abîme, comme une anecdote philosophique.
Mais durant notre investigation, nous avons constaté qu’il ne s’agit pas vraiment de
l’abîme, ou d’un sentiment « océanique » comme l’affirme FREUD, mais plutôt, de
l’attraction de la faiblesse. L’homme est attiré par la faiblesse et par la richesse. Dans la
littérature, la faiblesse est la femme. Dans la science économique, par contre, cette faiblesse
présentée de façon thématique par la situation des femmes (dans la mesure où cette dernière a
un statut économico-politique inférieur à celui de l’homme), par les thèmes de sous-
développement, de besoin, bref, de tout ce qui n’est pas conforme à la vision humaine de
l’être bien (ou en termes philosophiques, de « l’entendement »). Pour notre part, nous avons
développé la faiblesse comme étant une partie intégrante de l’homme (interprétation stricto
sensu de l’unité de l’homme et de la femme d’après le récit biblique).
Le récit de l’homme ne peut pas être un récit engagé ; il est un récit contemplatif. Le
dieu de la bible contemple ses œuvres et constate que tout est bien ; l’homme-économiste se
contemple lui-même et constate qu’il y a des insatisfactions, des besoins, bref et en termes
bibliques, il y a la femme et la richesse. Les économistes ont traité la nature de l’homme en
termes de besoin et non en termes de femmes ou de faiblesse. L’histoire universelle est donc
une histoire de l’homme prenant progressivement conscience de ses faiblesses et non pas une
248 Voir La Bible, Le Nouveau testament, Evangile selon Mathieu, chapitre 16, verset 13
433
histoire des forces productives. Les spéculations philosophico-religieuses ont pu percer la
carapace de visibles de l’homme par des narrations plus ou moins théâtrales mettant en jeu
des protagonistes démiurges, « la » femme, la faiblesse de l’homme et l’homme. Elles sont
parvenues à la découverte des substances typiquement humain, comme l’âme, les vertus, le
destin, etc. L’âme est-elle tellement parfaite qu’elle se comporte comme un comportement
idéal et informée. Cette âme est la découverte de l’introspection, de la conviction forte de
l’homme.
En tant que question d’apparence ou de position sociale, la question de qui est
l’homme ou qui est l’homo œconomicus peut se poser dans les rues, mais en tant que question
d’essence, la question devient un problème et se pose dans un aréopage de sages, de savants
sinon d’initiés, sinon dans le silence de l’intimité ou de l’introspection. L’homo œconomicus
est la réponse de la société savante pour parler de l’homme ; c’est aussi la solution, le nom
magique, permettant de résoudre les problèmes de l’identité humaine. Dans la littérature, il
évoque l’idée de démiurge ; dans la littérature économique, il évoque un ensemble
d’arguments et de références pour décrire et expliquer le fonctionnement d’un système, pour
placer l’homme dans un phénomène économique pure c’est-à-dire qui ne peut pas être décrit
ou saisi par une autre discours (exemples, l’inflation, le marché, etc.) et pour résoudre
d’autres en rapport avec l’homme, comme les problèmes politico-économiques du genre, ou
encore les problèmes pratiques concrets laissés à la charge ou en marge de la société (exemple
le problème écologique suppose un homo œconomicus inconscient du futur, égoïste et au
calcul relativement bon pour le moment..
Les réponses de la question de la représentation de l’homme par l’homme se conçoit et
se déduit de l’analogie avec celle de JESUS et des autres démiurges narrés dans la littérature
plus particulièrement religieuse. Ce sont : premièrement, les symboles et images figés de
l’homme avec lesquels l’homme se décrit lui-même et qui sont des mouvements et des actions
et non la finalité de l’action, et deuxièmement, l’ensemble des actions et de mouvement que
peut entreprendre l’homme, et troisièmement, la finalité ou le sens des activités humaines vers
lequel un arrêt peut être envisageable. Le monde n’est pas chrétien, mais la représentation de
l’homme est chrétienne, peut-être à cause de l’influence du christianisme, mais surtout à cause
des concepts et thèmes que cette religion a développé.
Les symboles et images figés de l’homme pénètrent de plus en lus dans la vie
quotidienne ; ils entretiennent en permanence l’existence de l’homme dans chaque être
434
humain. Ce sont des lignes et des courbes usuelles placées à des endroits signalisant la
présence de l’homme. Exemples les figurines artistiques, ou encore les figurines des plaques
de signalisations diverses. Ces figurines images représentent ou évoquent des activités
précises de l’homme ainsi que l’imminence du repos. La figure de l’homme sur du panneau
de signalisation de passage piétonnier, par exemple, ne concerne que l’homme dans un lieu
précis ; il ne peut être évoqué, ni n’a de sens que pour l’homme qui traverse une rue utilisée
aussi par des véhicules. Son évocation s’arrête lorsque le piéton a traversé le tracé qui leur est
réservé. Le sens de la gravure du chasseur figuré dans les cavernes s’arrête avec la mort du
gibier, la pose photographique s’achève avec la photo, etc. La finalité ou le sens des activités
humaines vers lequel un arrêt peut être envisageable, par contre soulève des évocations. Elle
constitue à la fois un « lieu de repos » - selon la conception aristotélicienne - ou encore un lieu
où l’action pour laquelle la représentation a été faite perd son sens, et un lieu de nouveaux
départs ou plus précisément, de cogitation et de programmation de nouvelles actions. Le bout
de la représentation de l’homme sur un panneau de signalisation routière, par exemple, ou
encore la fin du clic de l’appareil photographique, etc., sont des signes de la fin d’une
représentation et le déclenchement de l’activité intellectuelle et de fin de l’ancienne action.
Dans la représentation de l’homme dans la science économique, le mot « profit » évoque à lui
tout seul cette finalité et lieu de repos. L’expression « homo économiques » est une synthèse
de ces deux représentations : elle désigne à la fois l’homme se dirigeant vers le lieu de repos
et l’homme parvenu au lieu du repos. Le mot « profil » est en quelque sorte « l’âme » de cet
homo œconomicus. La représentation de l’homme par l’économie est donc susceptible d’être
circonscrite dans quelques concepts symbolique : le profit, le travail, la disponibilité pour
l’échange, etc. Chaque théoricien, chaque participant à un débat sur l’homme peut apporter
leur propre objet fétiche de représentation de l’homme ; le discours sur l’homme tombe dans
la rue.
Le prolongement de cette conclusion sur le discours sur l’homme indique – du moins
d’après la philosophie de ARISTOTE - une indétermination intrinsèque (ce qui est bon ou
mauvais ne l’est qu’en fonction de la notion usitée de bonheur, alors que le bonheur n’est ni
bon ni mauvais, ou du moins ineffable et non qualifiable), et surtout ce discours révèle
l’existence de deux discours : la théorie et la croyance. Le discours sur l’homme est un
discours ouvert et non encore achevé, théorique et fidéiste. Or théorie et croyance, dans le
contexte actuel, sont fortement configurées par les enseignements doctrinaires des religions.
D’où les problèmes pratiques et épistémologiques : le discours sur l’homme ne se construit
435
pas sur une base académique unique, et de ce fait, il est toujours contestable ; en outre, il ne se
construit pas également sur la base de fait de l’homme réel ou de l’ensemble des hommes,
mais sur la base de la représentation de l’homme. Le discours sur l’homme est une narration
imprégnée de considérations à la fois, pratiques, théoriques (ou éthiques) et dogmatiques,
quoique ces considérations ne s’intègrent pas les unes aux autres249, ce qui fait qu’un mal-dit
persiste sur le discours sur l’homme. Mais cela n’altère aucunement l’apport de la littérature
sur le thème de l’homme, notamment par leur thème de l’homme modèle ou de l’homme
représenté dans l’étude scientifique de l’homme et surtout le fait que la plupart des littératures
sinon toutes, indiquent que l’homme est à la recherche d’un bien ou du bien suprême. Avec
cette promesse alors, nous allons essayer de reconstruire un discours sur l’homme. Ce
discours est bâti sur les fondations inachevées des représentations disciplinaires différentes de
l’homme. Autrement dit, nous reprenons autant que possible ce qui a été dit sur l’homme pour
établir l’état de lieu de l’expression « homo œconomicus ».
A cet effet, notre point de départ a été des réflexions sur la représentation de l’homme
par lui-même, ou plus précisément l’ « homme représenté » ou de « l’homme narré » -
expressions que nous avons utilisé de façon indifférente. La construction de la représentation
de l’homme et l’utilisation de la représentation de l’homme, ont été le premier produit et le
premier facteur de production de l’humanité. Ce sont les premiers produits sociaux et les
premiers facteurs sociaux de production. En plagiant la partie biblique portant sur la création
de l’homme, nous résumerons alors que dieu créa l’homme, et ce dernier s’est créé son propre
image.
Les réflexions sur la représentation humaine existent mais, sont disséminées dans les
variétés de classification des sociétés et des communautés. Les matériaux avec lesquels on
peut concevoir « la » représentation de l’homme sont si nombreux et tellement vernaculaires
qu’ils semblent hétérogènes et ne se prêtent à aucun regroupement. Aussi pour surmonter ce
problème, nous ne pouvons qu’emprunter des propositions que nous jugeons arbitrairement
d’importantes dans la représentation de l’homme représenté ; d’où le titre du chapitre
premier : « des réflexions empruntées sur la représentation de l’homme ». A cet effet, nous
avons pu profite des apports des disciplines de la science de l’homme et de la philosophie
pour meubler nos propos. Nous avons exposé la démarche de cette construction de théorie
249 Cette situation est flagrante dans les théories économiques des activités religieuses, dans la mesure où les activités religieuses relèvent de la pratique économique. Le modèle a été formulé par AZZI et EHRENBERG (1976), dans lequel l’économique est le moral.
436
économique dans un second chapitre ; ceci nous a permis, en troisième chapitre, de préciser le
contour de l’homme modèle de l’économie qu’est l’homo œconomicus, avec lequel nous
avons achevé la présentation introductive de l’homo œconomicus. Il nous reste alors à
exploiter de cet apport des autres disciplines, de leur activités de débroussaillages du terrain
sur le thème de l’homme pour parle du fond de la question de l’homme à partir de son
véritable lieu de péroraison : l’économique. Tel est l’objet du second livre.
437
NOM DES DIVINITES ET DES PERSONNAGES DES RECITS
BOUDDHA, Fondateur du bouddhisme, (v. 525 av. JC) ....................................................................................15, 17
GILGAMESH (IIIe millénaire avant notre ère) Héro de récit sumérien ................................................... 21, 192, 420
IKOTOFETSY, Héro de contes populaires malgaches........................................................................................... 126
JESUS, dit aussi JESUS‐CHRIST Fondateur du christianisme et considéré à la fois comme une personne et un dieu
.......................................................................................................................................................................... 17
KRISHNA, dieu hindou .................................................................................................................... 13, 326, 329, 330
OSIRIS, Dieu de l’Antiquité égyptienne ................................................................................................................. 12
LISTE DES NOMS PROPRES CITES
ANAXIMENE (v. 586 av. J.C. – v. 526 av. J.C.) Philosophe grec de la nature ......................................................... 28
ANDRIANAPOINIMERINA Roi unificateur des habitants de Madagascar .............................................................. 19
APULEE en latin LUCIUS APULEIUS THESEUS (v. 125 – v. 200) Ecrivain et philosophe romain ............................. 97
ARISTOTE (384 ‐ 322 av. J.C) Philosophe grec .......................................................................... 5, 132, 379, 414, 434
AULU‐GELLE dit GELLIUS (v. 130 – v.180) Erudit grammairien et compilateur latin ............................................. 96
BAUMGARTEN Alexander (1714 ‐ 1762) Philosophe allemand ............................................................................ 43
BERGSON Henri (1859 ‐ 1941), Philosophe français ............................................................................ 131, 248, 415
BERKOFF Stephen (1935 ‐ ) Auteur dramatique anglais ..................................................................................... 130
CAITANYA (1486 – 15300) Religieux né en Bengale ............................................................................................ 284
CARLYLE Thomas ( 1795 ‐ 1881) Essayiste et historien écossais ......................................................................... 315
CARROLL Lewis (1832 ‐ 1898) Auteur anglais, mathématicien et logicien ............................................................ 72
COMTE Auguste (1798 ‐ 1857), Sociologue français ............................................................................................... 1
DANTE Alighieri (1265 – 1321) Poète italien ....................................................................................................... 307
DARWIN Charles Robert (1809 ‐ 1882) Naturaliste britannique ................................................................. 141, 142
DEFOE Daniel (v 1660 ‐ v 1731) Ecrivain anglais ................................................................................................... 37
DELEUZE Gilles (1925 ‐ 1995) Philosophe français ............... 19, 52, 53, 54, 57, 58, 65, 72, 132, 144, 240, 316, 367
DESCARTES René (1595 ‐ 1650) Philosophe, scientifique et mathématicien français ............................................ 6
DURKHEIM Emile (1818 ‐ 1917) Sociologue français .................................................................................... 69, 398
ECKHART Maître (v 1260 ‐ v 1328) Théologien dominicain ........................................................................ 102, 173
EINSTEIN Albert (1879 ‐ 1955) Physicien américain d'origine allemande ............................................................. 33
FEHR Erns Economiste contemporain travaillant à l'Université de Zurich sur le comportement humain .......... 298
FEUERBACH Ludwig (1804 ‐ 1872) Philosophe allemand ....................................... 22, 183, 230, 338, 349, 369, 417
FEYERABEND Paul Karl (1924 ‐ 1994) Philosophe autrichien membre du Cercle de Vienne .............................5, 18
FOUCAULT Michel (1926‐ 1984) Philosophe français ................................................................................. 358, 369
FREUD Sigmund (1856 ‐ 1939) Psychanalyste autrichien 6, 20, 67, 69, 72, 167, 168, 193, 300, 383, 386, 402, 426
438
GENNEP Arnold Van (1878 ‐ 1957), Ethnologue français .................................................................................... 122
GEORGESCU‐ROEGEN Nicolas (1906 ‐ 1994) Economiste ........................................................................... 136, 137
HAYEK Friedrich August (1899 ‐ 1992) Economiste anglais d'origine autrichienne ..................... 2, 6, 327, 349, 353
HEGEL Georg Wilhelm Friedrich (1770 ‐ 1831) Philosophe allemand ........................................................... 63, 237
HERACLITE (v. 540 av. J.‐C.‐v. 475 av. J.‐C.), philosphe grec ............................................................................... 248
HOBBES Thomas (1588 ‐ 1679) Philosophes anglais ........................................................................................... 253
HORACE (65 – 8 av. J.C) Poète romain .................................................................................................................. 97
HUME David (1711 ‐ 1776) Philosophe écossais ......................................................................................... 195, 375
ISAIE (740 – 687 av. J.C.) Prophète hebreu ........................................................................................................... 42
JESUS, dit aussi JESUS‐CHRIST Fondateur du christianisme et considéré à la fois comme une personne et un dieu
..................................................................................................................... 10, 11, 124, 195, 250, 352, 412, 432
KAHNEMAN Daniel Economiste américain, Prix Nobel en 2002 ......................................................................... 298
KANT Emmanuel (1724 ‐ 1804) Philosophe allemand ............................................................................................ 5
KIERKEGAARD Søren (1813 ‐ 1855) Philosophe danois ................................................................................. 46, 381
LAMARCK Jean‐Baptiste (1744 ‐ 1829) Naturaliste français ............................................................................... 141
LEVY‐BRUHL Lucien (1857 ‐ 1939) Philosophe français ........................................................................................ 57
LOCKE John (1632 ‐ 1704) Philosophe anglais .................................................................................................... 195
MALTHUS Thomas Robert (1766 – 1834) Economiste britannique ...................................................................... 58
MARX Karl (1818 ‐ 1883) Philosophe allemand et théoricien du socialisme ........................... 37, 68, 344, 367, 411
MASLOW Abraham (1900 ‐ 1970) Psychologue américain ...................................................................... 51, 52, 238
MEAD Margaret (1901 ‐ 1978), Anthropologue américaine ............................................................................... 140
MENGER Karl (1840 ‐ 1921) Economiste autrichien ............................................................................ 5, 6, 327, 349
MESCHONNIC Henri ( 1932 ‐ ) Poète et traducteur français ............................................................................... 190
MILL John Stuart, (1806 – 1873) Philosophe et économiste britannique .......................... 1, 2, 3, 4, 26, 32, 37, 302
MOUNIER Emmanuel (1905 ‐ 1950) Philosophe français ................................................................................... 298
NIETZSCHE Friedrich (1844 ‐ 1900) Philosophe allemand ................................................ 67, 68, 194, 316, 369, 371
PARETO Vilfredo (1848 ‐ 1923) Economiste et sociologue italien ......................................................... 37, 383, 386
PAUL ou PAUL DE TARSE (v. 5 ‐ 65 apr. J.C.) Missionnaire et théoricien de l'Evangile ............ 38, 41, 124, 125, 126
PLATON (v. 428 ‐ 347 av. J.C) Philosophe grec ...................................................................................................... 44
PYTHAGORE (v. 570 – v. 490 av. J.C.) Philosophe et mathématicien grec .................................................... 27, 195
RICOEUR Paul (1913 ‐ 2005) Philosophe français ............................................................................................... 136
ROUSSEAU Jean‐Jacques (1712 ‐ 1778) Ecrivain de langue française ................................................................. 195
Saint BONAVENTURE (1217 ‐ 1274), Théologien franciscain ...................................................................... 102, 105
SARTRE Jean‐Paul (1905 ‐ 1980) Philosophe, romancier, écrivaint et journaliste politique français .. 123, 190, 402
SCALIGER Joseph Juste (1540 ‐ 1609) Philologue et humaniste français ............................................................ 136
SMITH Adam (1723 ‐ 1790) Economiste et philosophe écossais ............................. 2, 5, 18, 37, 194, 195, 413, 414
SMITH Vernon Economiste américain, Prix Nobel en 2002 ........................................................... 97, 213, 261, 298
SPENCER Herbert (1820‐ 1903) Philosophe évolutionniste britannique ............................................................ 167
439
SPINOZA Baruch (1632 ‐ 1677) Philosophe holandais ................................................................................ 126, 136
STENDHAL (1783 ‐ 1842) Ecrivain français .................................................................................................. 137, 168
TAYLOR Friedrich Winslow (1856 ‐ 1915) Ingénieur et théoricien de l'organisation du travail américain ........... 70
440
CITATIONS BIBLIQUES UTILISEES
La Bible, Ancien testament, Deutéronome Chapitre 5 Verset 8‐ 51
La Bible, Ancien testament, Exode, Chapitre 20 Verset 4‐ 51
La Bible, Ancien testament, Isaïe, Chapitre 45 : Versets 1 à 8 ‐ 137
La Bible, Ancien testament, Isaïe, Chapitre 49, verset 7 268
La Bible, Ancien testament, Jérémie, Chapitre 33, verset 26‐ 268
La Bible, Ancien testament, Job, Chapitres 38 et 39 219
La Bible, Ancien testament, Juges, Chapitre 13 à 16 238
La Bible, Ancien testament, Juges, Chapitre 15, verset 11‐ 268
La Bible, Ancien testament, Juges, Chapitre 3, verset 28‐ 268
La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 1 Verset 1‐ 169
La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 6‐ 24
La Bible, Ancien testament, Livre de Genèse, Chapitre 6, verset 1 et 2‐ 88
La Bible, Ancien testament, Livre du prophète Daniel, Chapitre 12, verset : 2‐ 10
La Bible, Ancien testament, Livre du prophète Daniel, Chapitre 2, verset : 1‐46 283
La Bible, Ancien testament, Nombre, Chapitre 23 : 19‐ 117
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 4, verset : 13 ‐ 283
La Bible, Nouveau testament, Actes des Apôtres, Chapitre 17, verset 26 à 29 271
La Bible, Nouveau testament, Epître aux Colossiens Chapitre 1, versets : 15 89, 90
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 1, verset 1‐ 169
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 1, verset 14‐ 86
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 14, verset : 6‐ 10
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 17, verset 11‐ 274
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 6, verset : 33‐ 10
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Jean, Chapitre 8 : Verset 44‐ 210
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Mathieu, Chapitre 16, verset 13 425
La Bible, Nouveau testament, Evangile selon Mathieu, Chapitre 19, versets : 16 à 25 10
La Bible, Nouveau testament, Livre d’Apocalypse, Chapitre 7, verset : 17 283
La Bible, Nouveau testament, Premier epître aux Corinthiens Chapitre 11, versets : 7 90
La Bible, Nouveau testament, Second epître aux Corinthiens Chapitre 4, versets : 4 90
441
MOTS MALGACHES UTILISES ET LEUR TRADUCTION SOMMAIRE
Adala: Etat d'un homme qui a perdu le contact avec la pensée ou avec la raison et qui ne contrôle plus ses
actes et ses paroles. Ce mot peut être traduit par le mot français "fou" 41
Aingampanahy: Elan de l’âme. 120
Angano (Forme de littérature orale utilisée pour des fins pédagogiques. Pour des fins andragogiques, on utilise
le "hira gasy", dans lequel le message est chanté) 19
Fanahy : Ame, Esprit, Dans la philologie malgache, le Fanahy est une entité mouvant logé dans le corps et qui
permet à l'homme d'être un homme. 41
Fomban’ny olombelona (lit. "Façon d'être de l'homme") 23
Hondrakondrafana: un état initial de la démence. 41
Kiady: Champion, 266
Kilazalaza: Une forme de littérature orale usité chez les enfants pour raconter (et non pas accuser directement)
à un adulte les méfaits d’un compère coupable 281
Lasa saina : Celui dont la pensée est partie pour atteindre un objet‐problème. 41
Loha: : Tête 170
Ohatra (lit. "Comparable") 176
Olona tandrifin’ny heritreritra (lit. "Homme correspondant à la pensée") 176
Teny an’ohatra (lit. "Mots de comparaison") 176
Tromba : Nom du culte de possession pratiqué à Madagascar. 334, 338, 409
Very saina : Qui a perdu sa pensée ou sa raison. 41
Voalohany: : Début ou commencement 170
442
MOTS LATINS UTILISES ET LEUR TRADUCTION SOMMAIRE
Ceteris paribus : Toute chose égale par ailleurs .................................................................................................... 40
Introspicere : Regarder à l'intérieur ...................................................................................................................... 80
Introversus : Tourner vers l'intérieur ...............................................................................................................80, 81
Reflectere : Faire tourner ou Tourner en arrière .................................................................................................. 80
GLOSSAIRES DES TERMES ARABES
« رجل » : litt : rajul : homme .................................................................................................................................. 59
« ضمير » : litt : dhamîr: conscience ...................................................................................................................... 276
« litt : mar’a : homme ................................................................................................................................ 59 : « مَرْء
« litt : fatta : jeune homme ......................................................................................................................... 59 : « فتّى
« litt : insa : homme .................................................................................................................................... 59 : «ٳ
GLOSSAIRES DES TERMES HEBREUX
littéralement "tob" : bien ......................................................................................................................... 170 «טוב »
« Whb» littéralement "bohou" : vague .................................................................................................................. 111
« Wht» littéralement "tohou" : vide ..................................................................................................................... 111
« ldb» littéralement "badala" : séparer .............................................................................................................. 117
443
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448
TABLE DES MATIERES
PREFACE ........................................................................................................................................... 5
Des critiques de la science économique ..................................................................................................... 5
Vers une nouvelle conception du discours sur la science économique ...................................................... 7
INTRODUCTION GENERALE ............................................................................................................. 13
Les questions : Qui est « l »’homme et quel (et où) est son domaine ? ................................................... 13
Positions théoriques de la question .......................................................................................................... 14
Les réponses ............................................................................................................................................. 21
Des problèmes .......................................................................................................................................... 24
Des solutions ............................................................................................................................................. 27
Portées et limites des solutions ................................................................................................................ 28
Démarche et corpus .................................................................................................................................. 32
LIVRE PREMIER : DE L’HOMO ŒCONOMICUS. DES REFLEXIONS EMPRUNTEES ET CHOISIES SUR
L’HOMME VERS LA REDECOUVERTE DU THEME L’« HOMO ŒCONOMICUS » ................................................ 41
Introduction ................................................................................................................................... 42
Le problème : le thème de l’homme dans la science économique a été évincé par le modèle dénommé
« homo œconomicus » ............................................................................................................................................. 42
Historique du thème de l’homme : De la formation de la réflexion de l’homme sur l’homme et ses
impacts sur la conception de l’homme de l’économie (L’obstacle épistémologique de récit ancien) ..................... 45
De l’esthétique vers le modèle ................................................................................................................. 49
CHAPITRE I : DES REFLEXIONS EMPRUNTEES POUR LA CONSTRUCTION DE LA REPRESENTATION DE
L’HOMME ET DES CONSEQUENCES DE CELLE‐CI ............................................................................................... 52
Prolégomènes ................................................................................................................................ 52
Présentation sommaire du thème de l’homme ........................................................................................ 52
Positions théorico‐économiques sommaires de la question de la production du thème de « l »’homme.
.................................................................................................................................................................................. 54
Diverses théories de la question de la représentation de l’homme. ........................................................ 56
A la recherche du lieu rhétorique ou le champ d’argumentation du thème de l’homme ........................ 60
Introduction ................................................................................................................................... 64
Les problèmes du thème de l’homme : L’existence de plusieurs mots désignant le mot « homme » dans
chaque langue, la divergence de leurs connotés et l’absence de recherche spécifique sur le thème de l’homme 64
A la recherche d’une solution : En posant l’homme comme un être dual, qui prend conscience de lui par
lui‐même .................................................................................................................................................................. 67
Démarche .................................................................................................................................................. 70
Objectifs du chapitre ................................................................................................................................. 72
Intérêts du chapitre .................................................................................................................................. 76
Démarche pour présenter l’homme dual idéal ......................................................................................... 79
Section I – De l’appréhension des réflexions sur la représentation de l’homme............................ 81
Introduction : ............................................................................................................................................ 81
449
La question : Qu’est-ce que l’homme dit de lui-même ? ............................................................. 81
Démarche vers la question .............................................................................................................. 82
Paragraphe 1 – Les cadres thématiques du thème de l’homme ............................................................... 85
A la recherche de la voie menant vers la découverte de ce que la narration a construit en
matière de la représentation de l’homme ...................................................................................................... 85
De la demande du thème de l’homme ........................................................................................... 87
Les apports du débat juif sur l’homme image de Dieu et ses questions ................................... 92
Vers la reconstruction des liens entre les concepts pour la construction de la représentation
de l’homme par la narration ............................................................................................................................ 95
I – De la construction de la réflexion sur « l »’homme à partir de la narration de la constitution de
l’univers ............................................................................................................................................................... 99
A – Du collecte des matériaux de base pour la construction du thème de l’homme ................... 100
B – Les récits de la richesse et ses effets sur la construction du thème de l’homme ................... 115
II.‐ De la construction de la réflexion sur « l »’homme à partir du thème « femme » ....................... 121
A – La femme en tant que thème révélateur de la faiblesse de l’homme. ................................... 121
B ‐ Le choix du thème de l’homme par le narrateur ..................................................................... 125
1°) Les déterminants de la production de la narration en faveur de thème de l’homme ....... 125
a – De la vulgarisation des modèles de récits tout fait ...................................................... 126
b ‐ De la demande de récit de l’homme ............................................................................. 130
2°) la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de « l »’homme .................................. 133
a) Les causes de la mobilisation de l’intérêt collectif pour le thème de l’homme ............. 133
b) La puissance de la narration .......................................................................................... 136
c) De la temporalité ........................................................................................................... 139
Paragraphe 2 – De la narration de l’homme faible ou résumé du thème « homme » ........................... 143
I ‐ La faiblesse saisie par les théories sociologiques .......................................................................... 145
A – Approche structuraliste de la femme ou de l’homme faible .................................................. 145
B – Approche fonctionnaliste de la femme ou de l’homme faible ............................................... 150
1°) La représentation de la femme : le travail domestique ..................................................... 151
2°) La représentation de l’homme est le produit de la volonté d’amplifier la différence sexuelle
................................................................................................................................................................ 153
3°) La narration de la différence homme‐femme par le thème du corps................................ 154
II – Approches philosophiques de la faiblesse ................................................................................... 156
A – La faiblesse de l’homme en général d’après la théorie de NIETZSCHE ................................... 156
1°) La formation du thème « la » femme chez NIEZTSCHE...................................................... 157
2°) L’homme‐volonté de SCHOPENHAUER .............................................................................. 159
B – La faiblesse de l’homme en général d’après Diogène le cynique ........................................... 161
1°) La formation du thème de « l »’homme chez DIOGENE LAËRCE ....................................... 162
2°) L’homme dénué et questeur de DIOGENE ......................................................................... 163
Conclusion de la section.......................................................................................................................... 164
Section II – Des réflexions sur l’ensemble des représentations de l’homme ................................ 167
Introduction : .......................................................................................................................................... 167
450
Position de la question de la représentation de l’homme dans le référentiel économique et
présentation de la section ............................................................................................................................. 167
Objectifs de la section : montrer que la représentation est aussi une modélisation du
comportement et un processus de socialisation. ....................................................................................... 168
Démarche ......................................................................................................................................... 169
Paragraphe 1 – Des contenus de la représentation de l’homme ............................................................ 170
I – Diverses classifications du contenu du thème de l’homme .......................................................... 170
A ‐ Types de classification du thème de l’homme selon la position des narrateurs ................ 170
B ‐ Le récit de l’homme selon les points de focalisation de la narration ................................. 171
1°) Le récit du vécu de l’homme dans le cadre d’un système totémique .......................... 172
2°) Le récit de l’homme à travers le thème de héro .......................................................... 173
II ‐ Les contenus des effets de la représentation de l’homme ........................................................... 177
A ‐ La représentation de l’homme sépare le corporel et l’incorporel et introduit le normal .. 178
B ‐ Les types de représentation de l’homme caractérisent la culture ..................................... 180
C ‐ La représentation de l’homme ouvre la voie à la rhétorique ............................................. 183
Paragraphe 2 ‐ La représentation de l’homme détache le lien entre l’homme et la nature et plonge
l’existence humaine dans un ordre moral et physique .......................................................................................... 185
I. L’homme représenté véhicule la refonte de l’homme naturel ou de la construction de l’homme
futur 187
II. L’homme esquissé n’apparaît que dans l’ordre à la fois moral et physique .............................. 192
III. L’homme représenté est transfiguré ............................................................................................ 193
A. L’entendement et la traduction modifient la représentation de l’homme. ............................. 194
B ‐ De la désinformation de la représentation de l’homme par la prolifération des œuvres
littéraires ...................................................................................................................................................... 195
1. Les effets de la spécialisation des moyens d’expression littéraire ...................................... 197
2. Pourtant, le symbole indique une paresse de la pensée de représenter l’intuitif .............. 197
Conclusion de la section.......................................................................................................................... 201
Conclusion du chapitre : Le thème de l’homme est encore un thème mal débroussaillé ............ 204
CHAPITRE II – DE LA FORMATION DES FIGURES DES REPRESENTATIONS DE L’HOMME ...................... 206
Introduction ................................................................................................................................. 206
Des changements dans la conception du thème de l’homme ................................................................ 206
La conception du thème de l’homme annonce une systématisation du thème de l’homme et ouvre ce
thème vers des critères plus variés ........................................................................................................................ 209
Section I – Des profils de l’homme selon l’homme et le scientifique anonymes. ......................... 212
Introduction ............................................................................................................................................ 212
Le problème : A la recherche du profil de « l »’homme ............................................................. 212
La solution de la science économique et ses limites : le cliché de l’ensemble des
phénomènes économiques et l’absence des autres dimensions humaines. ......................................... 214
De la préparation au renouveau de l’homme de l’économie .................................................... 215
Paragraphe 1 – Les cadres prénatals du thème de l’homme : les thèmes de figure des représentation de
l’homme ................................................................................................................................................................. 217
I – De la construction du profil de l’homme indépendamment de l’homme .................................... 219
451
A – Les récits économiques et littéraires de l’homme retracent l’histoire de l’homme non
souverain ..................................................................................................................................................... 223
1°) Le récit économique des oracles ....................................................................................... 223
2°) Le récit économique de la littérature politique et de la littérature scientifique ............... 227
3°) Le récit économique de la vie quotidienne ........................................................................ 231
B – Les récits économiques de l’homme animé par une détermination intérieure ..................... 235
1°) Du récit de l’opposition entre la volonté et le désir .......................................................... 236
a) Le récit ou le discours d’exposé de motif des politiques économiques ......................... 237
b) le discours sur la perception de risque .......................................................................... 238
2°) Le lien entre désir et besoin .............................................................................................. 239
3°) Le récit du lien entre la volonté de l’homme et le besoin ................................................. 240
II – Le profil de l’homme saisi à partir de l’imperfection de l’homme ............................................... 242
1°) La faiblesse du héro ................................................................................................................ 244
2°) La faiblesse de l’homme en général ........................................................................................ 247
Paragraphe 2 – Le thème de l’homme entre les mains des scientifiques ............................................... 251
I ‐ L’homme narré par Adam SMITH .................................................................................................. 255
1°) Le récit de l’homme dans la narration d’Adam SMITH ...................................................... 256
2°) De la construction du récit de l’homme dans la théorie d’Adam SMITH ........................... 258
3°) Le cadre de capture de l’idée de l’homme dans le récit d’Adam SMITH ........................... 259
II ‐ L’homme de la doctrine de John Stuart MILL ............................................................................... 261
1) Le récit de l’homme dans la pensée individualiste de John Stuart MILL ............................. 261
2) Le cadre de la formation du thème de l’homme dans la théorie de John Stuart MILL ....... 263
III ‐ L’homme des modèles de la situation économique .................................................................... 265
1°) Le modèle de l’homme d’HARROD DOMAR ...................................................................... 265
2°) Le modèle de Vernon SMITH ............................................................................................. 266
Conclusion de la section : Vers une systématisation des conditions de questionnement sur l’identité de
l’homme ................................................................................................................................................................. 267
Section II – De l’état de lieu des récits de l’homme idéal de certaines religions .......................... 269
Introduction : .......................................................................................................................................... 269
A propos du réel .............................................................................................................................. 269
Vers la confrontation des thèmes de l’homme entre eux. ......................................................... 270
Paragraphe 1 – De l’etat de lieu du thème de l’homme saisi à travers le sujet de la richesse développé et
vulgarisé par la bible par rapport à l’homme développé par la science économique ............................................ 273
I – La nature est une richesse de l’homme ........................................................................................ 273
A – L’homme dominant de la nature ............................................................................................ 274
B – L’homme à la recherche du Bien ............................................................................................ 277
II –L’homme universel est la richesse du système de narration ........................................................ 278
A – Le passage du thème de l’individu vers l’homme ................................................................... 279
B – La raison et la conscience humaine ........................................................................................ 284
Paragraphe 2 – De l’état de lieu de l’homme saisi à travers le sujet de besoin développé par d’autres
religions par rapport l’homme développé par la science économique .................................................................. 288
I – Présentation sommaire du Bhagavad‐Gîtâ et de l’homme ........................................................... 288
452
II ‐ Qui est l’homme du Bhagavad‐Gîtâ ? ........................................................................................... 293
I – Où est l’homme selon la Bhagavad‐Gîtâ ....................................................................................... 294
II – Que fait l’homme selon la Bhagavad‐Gîtâ ? ................................................................................. 295
Conclusion de la section.......................................................................................................................... 297
Conclusion du chapitre ................................................................................................................ 298
CHAPITRE III ‐ A LA REDECOUVERTE DE L’HOMO ŒCONOMICUS ........................................................ 300
introduction ................................................................................................................................. 300
La question : La crise de l’homme ........................................................................................................... 300
Le problème : De l’homme dans la pensée économique ........................................................................ 302
Démarche vers la solution ...................................................................................................................... 302
Solution de la problématique de l’homme ............................................................................................. 305
Section 1 – Introduction au thème de l’homo œconomicus ........................................................ 309
introduction ............................................................................................................................................ 309
La question : la quête de normalisation de l’esthétique ................................................................... 309
Le problème : le « moi » en tant que sujet et en tant que objet ....................................................... 310
Paragraphe 1 – L’homo œconomicus est le thème produit de la disposition naturelle consciente de
l’homme à la quête de la représentation de l’homme ........................................................................................... 312
I ‐ L’existence de l’ homme est une donnée de la pensée humaine .............................................. 315
1°) Notes sur la notion de la pensée humaine ........................................................................ 315
2°) De l’existence de l’autre .................................................................................................... 317
3°) Les effets de l’existence de l’autre sur le récit de l’homme : la conception de l’homo
œconomicus ........................................................................................................................................... 319
II – L’existence de l’autre vient de la conscience de la réalité de l’ordre et du langage .................... 322
1°) Les dispositions intellectuelles de la formulation de la question de « qui est l’homme ? »
dans la philologie indo‐européenne ou « comment se forme la notion de besoin dans une communauté
indo‐européenne ? » .............................................................................................................................. 324
a) De la redécouverte de l’homme : De l’intelligence vers la conscience .......................... 325
b) De l’état de conscience au lieu de la rationalité ........................................................... 332
2°) De l’état de conscience de soi comme moteur et mesure de l’activité économique
humaine .................................................................................................................................................. 333
1 ‐ Généralités sur la quantification de l’état de conscience ........................................ 334
2 ‐ Vers la généralisation de l’état de conscience quantifié de l’homme ..................... 340
3 ‐ Du calcul et de l’évolution de état de conscience de soi ......................................... 343
Paragraphe 2 – L’homo œconomicus est le produit de la révolte ou de la résistance humaine pour se
prendre en main ..................................................................................................................................................... 345
I ‐ Le thème de l’agent économique à travers le héro ....................................................................... 348
1 ‐ De la construction indo‐européenne de modèle de l’homme par les récits de combat
contre le mal ........................................................................................................................................... 349
a ‐ Qui est l’homme identifié ou modélisé par le prêtre indo‐européen ? ........................ 350
b ‐ De la construction indo‐européenne de l’homme par le thème de la guerre et de
discours sur l’obligation ..................................................................................................................... 351
c ‐ Le thème de triomphe de soi‐même ............................................................................. 351
453
d ‐ Le sectarisme religieux, ses thèmes dérivés et leur contribution dans l’identification de
l’homme ............................................................................................................................................ 352
2 ‐ Le thème de rencontre des puissances dans la philologie indo‐européenne et son caractère
archétype de la contradiction ................................................................................................................. 354
a ‐ Les domaines du profane et du sacré ........................................................................... 355
b ‐ Le rôle des sages et des prêtres indo‐européens dans la connaissance de l’homme ... 355
B – La spécialisation de la question de l’homme .......................................................................... 356
1 ‐ La quête de l’identification de l’homme par le prêtre indo‐européen ou l’économiste ... 360
2 ‐ La formation de la question de l’identification de l’homme appréhendée par la
problématique de la littérature religieuse indo‐européenne ................................................................. 361
3 ‐ La question de l’homme d’après les thèmes indo‐européens ........................................... 362
4 ‐ Les conditions de la formation de la question de « qui est l’homme ? » dans la philologie
mésopotamienne .................................................................................................................................... 364
a ‐ La question existentielle dans les civilisations mésopotamiennes : l’homme est un être
créé pour une activité précise ........................................................................................................... 366
b ‐ La question existentielle dans les communautés colonisées ........................................ 368
c ‐ La puissance identifiée comme étant de l’horoscope ou, en malgache, le « vintana » 369
d ‐ Le rôle des colons dans le processus de questionnement de soi .................................. 371
5 ‐ De la découverte sur l’homme : la qualification de l’homme est le thème de l’économie 371
a ‐ La découverte de la science économique : les concepts de raison et de travail ........... 374
b ‐ Au‐delà des apports de la science économique : l’économie a pour origine la conscience
de l’interdit et de la richesse ............................................................................................................. 378
II ‐ Le destin de l’homme, c’est quoi ? ............................................................................................... 384
III ‐ De l’état de conscience humaine et la perception d’existence ................................................... 387
Conclusion de la section.......................................................................................................................... 392
Section II – De l’homo œconomicus devant « l »’homme ............................................................ 393
Introduction ............................................................................................................................................ 393
Le thème de l’homo œconomicus ..................................................................................................... 393
Vers le lieu de l’homo œconomicus ................................................................................................... 394
Le lieu de l’homo œconomicus .......................................................................................................... 397
Paragraphe 1 – Le thème de homo œconomicus délimite les sujets de débats sur l’homme ................ 398
I ‐ Du lieu de péroraison .................................................................................................................... 399
A ‐ De la péroraison comme liens sociaux .................................................................................... 400
B ‐ La péroraison comme lieu de profit social .............................................................................. 402
II ‐ Du milieu hostile ........................................................................................................................... 403
III ‐ Du milieu interdit ......................................................................................................................... 405
Paragraphe 2 ‐ les faits de l’homo œconomicus ................................................................................ 409
I ‐ L’homo œconomicus transforme la nature en richesse ................................................................ 411
A ‐ De la transmission de l’utilité sur la nature ou activité de valorisations de la nature ............. 413
B – Le développement du thème de la production dans le cadre du thème de l’homo œconomicus
..................................................................................................................................................................... 415
1 ‐ Du gravage de la valeur dans la nature .............................................................................. 417
454
2 ‐ De l’incrustation des objets matériels dans la vie humaine ............................................... 418
II ‐ L’homo œconomicus apprécie la situation et calcule les enjeux .................................................. 419
A. Du calcul économique comme sens commun de l’homme ................................................. 420
B. Le calcul est une pratique non pas des héros, mais des migrants et des êtres en mouvement.
421
1 ‐ Le cas d’Abraham ............................................................................................................... 425
2 ‐ Le cas de Moïse .................................................................................................................. 428
III – L’homo œconomicus se déplace ................................................................................................. 430
A. L’homo œconomicus franchit l’interdit .................................................................................... 430
B. Il évolue .................................................................................................................................... 433
CONCLUSION DU CHAPITRE : L’HOMO ŒCONOMICUS EST UN PRODUIT DE L’ETHIQUE SUR L’INTIMITE
................................................................................................................................................................................ 435
CONCLUSION DU LIVRE ................................................................................................................. 438
BIBLIOGRAPHIE ............................................................................................................................ 449